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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1493

  • HISTOIRE • L’histoire militaire autrement

     

    Par Ludovic Greiling

    En mars 1918, en pleine guerre, les ingénieurs allemands de la compagnie Krupp réalisent une prouesse technologique : la projection d’un obus à plus de 120 kilomètres de son point de tir, à une époque où les canons les plus gros n’excédaient pas un rayon de 30 à 40 km, rappellent les éditions Pierre de Taillac dans un livre riche en iconographie.

    Pour se faire, ils inventent des tubes géants qui projettent les obus à 1500 mètres à la seconde, les font grimper jusqu’à 45 kilomètres d’altitude dans les couches raréfiées en gaz de l’atmosphère, puis les font retomber à un ou deux kilomètres près sur leurs objectifs.

    Prouesse technologique, impact mineur

    Le but de l’Etat-major allemand ? Atteindre la capitale et provoquer la panique dans Paris, en même temps qu’il décide de lancer des offensives qui enfoncent le front situé à une centaine de kilomètres.

    Si la percée allemande et les tirs des Paris Kannonen provoque le départ de près de 500 000 habitants à partir de mars 1918, la plupart des Parisiens demeurent sur place et s’habituent aux bombardements, dont le bilan s’avère limité : en quatre mois et demie, 320 projectiles auront frappé Paris et sa banlieue, provoquant la mort de 256 personnes et en blessant 625.

    Après la guerre, en dépit des efforts allemands pour garder secret les plans de cette arme unique, les services français recueilleront témoignages et documents révélant en partie les secrets de fabrication de la firme Krupp.

    Mais l’histoire de la balistique à très haute altitude ne s’arrête pas là.

    Dans les années 50 et 60, un brillant ingénieur canadien reprend l’idée et les plans des Paris Kannonen, et tente de concevoir pour les gouvernements canadiens puis américains des lanceurs de satellites à bas coût.

    Ces projets sont finalement abandonnés en Amérique du Nord, mais l’homme relance son activité en privé. Dans les années 80, il propose ses services à plusieurs gouvernements, dont l’Irak, ce qui provoquera les craintes du voisin israélien. Il sera mystérieusement assassiné par balles en mars 1990 à Uccle, une cité périphérique de Bruxelles.

    Au total, voici un livre rigoureux et bien écrit, brillamment illustré par les éditions Pierre de Taillac qui publie des photos exceptionnelles.  

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    Feu sur Paris ! L’histoire vraie de la Grosse Bertha, par Christophe Dutrône (éd. Pierre de Taillarc – 30 euros).

     

  • LIVRES • L’armée du roi de France

     

    Par Ludovic Greiling

    Une plongée simple et directe dans l’évolution de l’armée et de l’Etat aux XIIIe et XIVe siècles : c’est ce que nous propose le grand médiéviste Xavier Hélary dans une thèse remaniée pour le grand public.

    Avec l’évolution de la levée des armées, on touche aussi à la transformation de l’Etat. A cet égard, le règne centralisateur de Philippe Le Bel tranche nettement avec celui de ses prédécesseurs.

     Le roi Philippe tente non seulement d’imposer des impôts permanents, qui seront finalement abandonnés au regard de l’opposition à la levée des taxes, mais il porte aussi un coup important au système féodal en convoquant « l’arrière-ban » à l’ost de 1302. Il se permettait ainsi de passer outre le pouvoir des seigneurs locaux qui étaient jusque là seuls habilités à réunir hommes ou argent auprès de leurs propres vassaux.

     La société n’en demeure pas moins plurielle, avec des territoires administrés ici par des abbayes, là par des comtes, quand ce ne sont pas des bourgeois qui ont la haute main sur certaines villes et le roi sur ses propres terres.

     Une société où, en dépit d’un sentiment d’honneur et de devoir très fort dans la caste chevalière, le contrat écrit est déjà largement répandu, à charge à la personne qui s’estime lésée de défendre son cas devant un parlement de justice.

    Ceux-ci sont souvent saisis dans les litiges liés à l’armée du roi de France, tel administré estimant qu’il est devrait être exonéré de ses charges et tel autre pensant que le roi lui demande trop d’apports.

     Un vrai livre d’histoire, accessible au grand public, qui permet des analogies avec les temps actuels. 

     L’armée du roi de France, de Xavier Hélary (éd. Perrin, 21 euros)

     

  • Jacques Atali : : « Le monde s’approche d’une grande catastrophe économique. Et personne n’en parle.»

     

    La crise, Acte 2, selon Jacques Atali

    Certes, nous ne pensons pas que toute prédiction de Jacques Atali doit nécessairement être prise pour argent comptant. Il a trop souvent revêtu les habits du prophète ou du gourou et les faits l'ont trop souvent démenti, pour qu'on puisse tenir les dites prédictions - ou prévisions ! - pour automatiquement sûres. Toutefois, si l'on expurge sa présente analyse de ce qu'elle peut avoir de très incertain, sa réflexion lorsqu'elle s'attache aux réalités nous paraît au contraire pertinente et de bon sens. Au titre des éléments très incertains, il faut ranger l'idée selon laquelle le monde pourrait échapper à la crise à venir « à condition de mettre en place des mécanismes de coordination, de réorientation et de surveillance planétaires. » Cette condition ne peut être remplie. Elle est de l'ordre du rêve. En temps de crise, plus encore que jamais, ce sont les intérêts particuliers qui s'activent, se durcissent et s'affrontent. La globalisation ne les a pas amoindris ni harmonisés. Tout au contraire. En revanche, la critique que fait Atali d'une économie mondiale aujourd'hui principalement fondée sur l'accroissement indéfini et court-termiste de la dette et de la masse monétaire, avec les conséquences gravissimes qu'il peut en résulter à plus ou moins court terme, nous paraît être de simple bon sens. Atali agite souvent des rêves fumeux. Mais il a aussi une expérience ancienne et très concrète du et des pouvoirs. LFAR   

     

    Pour avoir écrit ici le 4 février dernier (voir L’Express N•3318) qu’une nouvelle crise économique mondiale menaçait, et en avoir révélé les signes avant-coureurs, j’ai déclenché d’innombrables ricanements. L’analyse est encore plus vraie aujourd’hui : le monde s’approche d’une grande catastrophe économique. Et personne n’en parle.

    Nul ne voit, en particulier, que ce qui se joue en Chine peut entraîner, par contagion, une dépression planétaire si nous n’agissons pas vite, de façon préventive. L’évolution chinoise était prévisible : sa croissance à 10% par an ne pouvait être durable et le ralentissement était inévitable. De plus, la Chine n’est plus compétitive, au cœur d’une Asie dont nombre de pays s’éveillent à leur tour. L’Empire du Milieu n’a pas su, comme l’ont fait les Etats-Unis et le Japon en leur temps, créer des firmes de taille internationale, avec des marques mondiales. La catastrophe de Tianjin aggrave cette menace dans des proportions considérables, paralysant une ville de 15 millions d’habitants, l’un des premiers lieux d’exportation et d’importation du pays, et rappelant, après d’autres événements du même genre, combien ce pays souffre des censures que lui imposent les exigences d’un parti unique.

    Les conséquences de cette situation peuvent être désastreuses pour le régime. La récession a, en effet, entraîné une baisse de plus d’un tiers de la valeur de la Bourse, où les 200 millions de membres de la classe moyenne ont investi la moitié de leur épargne, mise en réserve pour financer les frais de santé et d’éducation familiaux, ainsi que leurs retraites, que l’Etat ne couvre pas. De plus, si la croissance continue de ralentir, c’est l’exode rural qui va s’essouffler, réduisant la demande de logements et menant l’immobilier à l’effondrement, ce qui détruira l’autre moitié de l’épargne de la classe moyenne. Et rien n’est plus dangereux, pour tout régime, que de ruiner sa classe moyenne, ossature de tout ordre social.

    La manipulation du taux de change ne suffira pas à enrayer cette chute. Au contraire, même, elle peut l’aggraver en mettant la Chine en situation de dépendre du bon vouloir des spéculateurs internationaux, et en incitant d’autres pays à agir sur leur taux de change pour rétablir leur compétitivité.

    Au total, la récession chinoise, si elle se confirme, entraînera celle du Brésil, qui provoquera celle des Etats-Unis puis la nôtre. Cette menace, aujourd’hui négligée, sera bientôt d’actualité. Au plus tard lors du G7 d’Istanbul, en septembre, les dirigeants occidentaux devront débattre d’un éventuel plan de relance. Seulement voilà : nos Etats ne disposent plus, comme en 2008, de marges de manœuvre budgétaires, et nos banques centrales n’ont plus la possibilité, comme en 2010, de diminuer leurs taux d’intérêt.

    Alors, que reste-t-il pour relancer la croissance ? La solution la plus folle, la plus facile, serait d’imprimer encore plus de billets, comme on le fait déjà aux Etats-Unis, au Japon, en Grande-Bretagne et dans la zone euro. Cela finirait par ruiner les épargnants, c’est-à-dire les seniors, aujourd’hui grands vainqueurs d’un monde sans enfants, sans pour autant donner du travail et des perspectives de croissance aux plus jeunes.

    Nous avons encore tous les moyens d’empêcher un tel scénario et, même, de ne pas se contenter d’une stagnation sans création d’emplois, qui semble pourtant être aujourd’hui la meilleure hypothèse. L’économie mondiale a les possibilités d’une très forte croissance, d’un genre nouveau, à condition de mettre en place des mécanismes de coordination, de réorientation et de surveillance planétaires ; de penser l’économie en fonction de l’intérêt des générations suivantes ; de lutter contre les rentes économiques, financières, sociales et politiques ; et de favoriser les innovations de toutes natures. Cela suppose de l’audace, de la confiance, de la transparence. Toutes choses que les politiques, quels que soient les régimes, détestent par-dessus tout. 

    L'Express - Le blog de Jacques Atali

     

  • Il est libre, Michel…

     

    Les réflexions de Dominique Jamet

    « L'anarchie vaut ce que vaut l'anarchiste. » Cette sentence - en quelque sorte - est de Charles Maurras. Elle nous paraît s'appliquer assez bien à ce que dit ici Dominique Jamet - au travers du camouflet infligé au Monde - de la liberté conquise de Michel Houellebecq. Et d'abord celle, rappelle Jamet fort justement, d'être passé dans le camp de ceux qui disent la vérité. Nous aurons - bien-sûr - à y revenir. LFAR 

     

    3312863504.jpgTout le monde a le droit de parler de Michel Houellebecq, comme de n’importe qui, et c’est fort bien ainsi. Mais de son côté, Michel Houellebecq est parfaitement en droit de ne pas parler à tout le monde, et en particulier aux personnes qui ne lui reviennent pas. Et c’est également fort bien.

    Collaboratrice bien connue du Monde, et qui ne se prend pas pour n’importe qui, Ariane Chemin avait souhaité rencontrer l’auteur de La carte et le territoire dans le cadre d’une série de six articles intitulée « Six vies de Michel Houellebecq » à paraître dans le quotidien du soir. La publication de cette série a, du reste, commencé avant-hier, mais sans la participation de celui qui en est le personnage principal.

    Non seulement, en effet, Michel Houellebecq a refusé d’accorder une interview à Mme Chemin, mais il a pris soin de mettre en garde un certain nombre de personnes de sa connaissance contre toute tentation d’entrer en relation avec la journaliste. Mieux : il leur a rappelé qu’il leur était loisible de faire à celle-ci un procès qu’ils gagneraient à coup sûr si elle rapportait des propos que ni eux ni lui-même ne souhaiteraient voir reproduits.

    Ariane Chemin s’offusque avec quelque aigreur d’une telle attitude, traite Michel Houellebecq de « tyran », et s’élève contre ses « interdits ». Le terme n’est d’ailleurs pas approprié. Houellebecq ne prétend pas interdire quoi que ce soit à quiconque. Il invite seulement ses familiers et ses amis à choisir entre lui et Mme Chemin.

    Le dépit de celle-ci se situe à trois niveaux.

    Personnel, tout d’abord. Compte tenu de son ancienneté, de son savoir-faire reconnu et de sa notoriété, Ariane Chemin ne s’attendait pas à une si abrupte fin de non-recevoir. Elle y voit un véritable camouflet, non sans raison.

    Professionnel, ensuite. Alors même que Michel Houellebecq boycottait Le Monde, il accordait à un proche une série d’entretiens qui se sont échelonnés cet été sur cinq numéros du Figaro Magazine. On ne peut qu’y voir un défi à la très respectée et très susceptible institution du boulevard Auguste-Blanqui.

    Social, enfin. Dans un monde où tant d’hommes politiques, de vedettes du spectacle, de sportifs de renom et d’hommes de lettres sont prêts à toutes les complaisances, voire à toutes les bassesses pour voir leur nom cité, leur image diffusée et leurs propos reproduits dans les médias, il n’est pas courant, il n’est pas normal qu’un simple écrivain se permette de décliner une invitation à longuement s’exprimer dans les colonnes d’un journal. Il y a là un véritable pied de nez aux convenances.

    Et Mme Chemin de faire valoir amèrement tout ce que Houellebecq doit à la presse, qui ne cesse d’emboucher en son honneur les trompettes de la renommée. Comment un homme aussi généreusement traité, aussi universellement « adulé » peut-il faire montre d’une telle ingratitude ?

    La mémoire de notre consœur la trahit, à moins encore que la bonne foi lui fasse défaut. Aurait-elle oublié les innombrables éreintements, les chausse-trapes, les cabales politico-littéraires qui ont jalonné le parcours atypique de l’auteur de La Possibilité d’une île ? L’accueil dernièrement fait à Soumission lorsque les policiers d’élite de la pensée s’avisèrent qu’il fallait peut-être prendre au second degré la peinture d’une France béatement islamisée lui aurait-il échappé ? Lui aurait-il échappé que Houellebecq est passé avec armes (son stylo) et bagages (sa culture, son intelligence), comme Alain Finkielkraut ou Michel Onfray et quelques autres, dans le camp de ceux qui disent la vérité, même quand elle déplaît ? Lui aurait-il échappé qu’il a récemment synthétisé son dernier livre et son œuvre, d’une seule phrase, blasphématoire : « Finalement, je me sens assez français » ? Bien entendu, cela ne lui a pas échappé.

    Pourquoi Michel Houellebecq a-t-il refusé une interview à la dame du Monde ? Mais pourquoi la lui aurait-il accordée ? Houellebecq est assez bon lecteur de la presse française pour connaître par cœur Mme Chemin, auteur de La Nuit du Fouquet’s, pamphlet anti-Sarkozy, du Mauvais génie, portrait à charge de Patrick Buisson, et de nombreuses enquêtes réalisées en compagnie de Mme Bacqué, autre Bienveillante. Que pouvait-il attendre de notre consœur, qu’un tissu d’insinuations, d’accusations, de révélations et d’affabulations ? Il n’avait pas envie de contribuer à le nourrir. Cela peut se comprendre.

    Michel Houellebecq a franchi un seuil qui le met à l’abri des attaques et du venin d’un certain journalisme. Celui qui est aujourd’hui le plus vendu, le plus traduit et, avec Patrick Modiano, le plus important des écrivains français vivants, a gagné à la sueur de son talent le droit que notre société reconnaît en principe et dénie en fait à tous ceux qui vivent de leur plume : le droit d’être libre.

     
  • Louis X le Hutin : « Considérant que notre royaume est dit et nommé le royaume des Francs ... ».

     

    « Comme selon le droit de nature, cascun doit naître franc et par aucuns usages ou coutumes qui de grande ancienneté ont été encrédités et gardés jusque-ci en notre royaume et par aventure par le méfait de leurs prédécesseurs beaucoup de personnes de nostre commun peuple soient echeues en liens de servitude et de diverses conditions qui grandement nous déplaît, nous considérant que notre royaume est dit et nommé le royaume des Francs, et voulant que la chose en vérité soit accordant au nom et la condition des gens amendée de nous en la venue de notre nouvel gouvernement... » 

    LOUIS X LE HUTIN

    Edit du 3 juillet 1315 qui affranchit les serfs du domaine royal

     

  • Ils y vont fort, Valls, Ménard, Macron, Houellebecq et les autres, pour ou plutôt contre la République ...

     

    En ces derniers temps du mois d'août, Lafautearousseau vous propose de revenir sur quelques moments forts du grand débat des mois écoulés qui, curieusement ou non, a porté sur la question du régime ... Débat entre acharnés de la République façon Valls et ceux qui la critiquent vertement, la relativisent, la remettent en cause, façon Robert Ménard, Denis Tillinac et quelques autres. Façon, aussi, Michel Houellebecq qui déclare à un Patrick Cohen médusé et à son aréopage de clercs de France Inter que les Lumières sont éteintes et que la République n'est pas, pour lui, un absolu, que la France a existé avant elle et pourrait bien lui survivre ; ou à Ruth Elkrief anéantie qu'il ne peut pas vivre dans la France actuelle mais, par contre que sous l'Ancien Régime il aurait très bien pu vivre. Etc. Façon Macron, enfin, qui, de façon très surprenante, diagnostique qu'il nous manque un roi, se dit persuadé que les Français n'ont pas voulu l'exécution de Louis XVI, et, pour tout dire, que la fonction de Chef de l'Etat n'est plus vraiment occupée. Pour un ministre en exercice de François Hollande, l'un des plus importants, l'un des plus en vue, et l'un des plus prometteurs, c'est complet, n'est-ce pas ? Sans compter qu'il constate aussi l'incomplétude de la démocratie. Ce qui est toucher au fond même du dogme.

    Pour aujourd'hui, nous vous proposons de revenir :

    1. sur le républicanisme obsessionnel et vociférant de Manuel Valls,

    2. sur la critique de Robert Ménard,

    3. sur la déclaration quasi royaliste d'Emmanuel Macron.

    Nous évoquerons sans trop tarder le cas de Michel Houellebecq. Et notamment ce que dit Dominique Jamet sur la liberté que Houellebecq a maintenant acquise ... Il s'agit ici de remettre un tant soit peu en perspective les étapes et les termes de ce débat de l'année : la question du régime, République ou monarchie ?  

    Bonne lecture !   

     

  • Il y va fort Valls contre le FN ! La République brûle-t-elle ?

     

    Voici donc, Manuel Valls, à l'assemblée, déchainé contre Marion Maréchal-Le Pen, vociférant, clamant son républicanisme. Un républicanisme surjoué, forcé. Forcené ? Presque. Comme si la République était en danger. Et voici ce que Lafautearouseau en a dit le 11 mars 2015. Vous pouvez lire et même écouter ! 

     

    Clash entre Manuel Valls et Marion Maréchal-Le Pen, à l'Assemblée : hier après-midi, pendant les questions au gouvernement, un échange tendu s'est produit entre Manuel Valls et Marion Maréchal-Le Pen.

    Marion Maréchal-Le Pen n'a évidemment pas apprécié la stigmatisation du Premier ministre à l'égard du FN.

    "Gardez-donc votre mépris crétin pour votre propre parti qui, en moins de trois ans, a oscillé entre phobie administrative, compte en Suisse et prise illégale d’intérêt", a-t-elle attaqué.

    "A partir du moment où l'extrême droite a réalisé un score de 25% aux élections européennes. A partir du moment où les enquêtes d'opinion vous donnent 30% d'intentions de vote aux élections départementales, je considère que pour l'image de notre pays, pour notre démocratie, cela représente un véritable danger", lui a répondu Manuel Valls.

    Et d'ajouter : "Ma responsabilité, comme celle de tous les Républicains, c'est de faire en sorte que cela ne soit pas possible. Je ne veux pas que le 22 mars mon pays se réveille avec la gueule de bois. Face à vous, face à vos candidats, ils sont des dizaines à tenir des propos antisémites, racistes, homophobes, sexistes. Ce sont des cas graves, des récidivistes. Face à cela, madame, je mènerai campagne, toujours !".

    "Il faut dire la vérité aux Français, vous les trompez, vous trompez les petites gens, les ouvriers, les agriculteurs, ceux qui souffrent. Il est temps que, dans ce pays, on déchire le voile, la mascarade qui est la vôtre. Il est temps que nous affirmions tous les valeurs de la République", a continué l'homme politique.

    "Jusqu’au bout je mènerai compagne pour vous stigmatiser et pour vous dire que vous n’êtes ni la République, ni la France", a conclu Manuel Valls sous les applaudissements des députés. 

    Regardez

     

     
  • Il y va fort Robert Ménard avec la République !

     
    C'était - aussi - le 11 mars 2015 et cela faisait pendant aux vociférations républicaines de Valls à l'Assemblée. Les propos de Robert Ménard [parus dans Boulevard Voltaire] en étaient une critique indirecte assez radicale. Après que nous les ayons repris, il eût la gentillesse de poster dans Lafautearousseau ce simple commentaire : « Vive la liberté de penser ! » Et de penser juste ...
     
    On a comme l'impression que plus on l'invoque, à longueur de discours, de phrases, d'éditoriaux, de professions de foi, plus il y a d'esprits, d'intellectuels, ou d'hommes d'action, pour critiquer, relativiser, moquer la République et ses valeurs auto-satisfaites ... De droite ou de gauche. De Robert Ménard à Denis Tillinac ou à Michel Houellebecq qui n'est pas précisément un homme de droite. Qui est, très probablement de quelque part ailleurs, de beaucoup plus important et de beaucoup plus profond. Sans-doute, la monarchie royale que nous prônons ici, n'est pas en vue, du moins pour demain, du moins à vue humaine. L'épuisement du Système, lui, est en vue ... Il convient d'y réfléchir. Que sera le futur nouveau régime nécessaire à la France ? Il est temps d'y penser ! Lafautearousau   
     
     
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    Il fut un temps lointain où les politiques lisaient les philosophes, et un temps encore plus reculé où ils les comprenaient. Dans une époque où on lit peu et où ne pas comprendre est encore la meilleure façon de se protéger de la réalité, il n’est plus extravagant de voir un Premier ministre monter en chaire médiatique pour sermonner un philosophe.

     

    Le crime de Michel Onfray est d’une gravité extrême. D’abord parce qu’il s’agit d’un crime contre la République. De cette République qui n’en finit plus de pourrir sur pied comme une récolte dont nul ne veut plus. En Ve République, l’intelligence est bannie de la cité. Nul ne doit lui donner eau et pain. Même l’évidence est jetée du haut des remparts avec les ordures et les cadavres. Préférer une idée juste à une idée fausse n’est pas une erreur, mais un péché, un mal. Tous les docteurs en républicanisme le savent : on reconnaît une idée juste au fait qu’elle est professée par un savant de gauche. On reconnaît une idée fausse quand c’est un énergumène de droite qui cause.

     

    Michel Onfray a eu la tranquille audace de dire préférer une idée juste d’Alain de Benoist à une idée fausse de Bernard-Henri Lévy. Il aurait pu, cruel, ajouter qu’Alain de Benoist n’a jamais fait bombarder la Libye ni pousser à la guerre en Ukraine… Émoi et vitupération du Premier ministre. L’œil noir du corbeau tournoyant sur les charniers médiatiques. Et pourtant…

     

    Hormis d’être de « droite », même si, sur le tard, il s’en défend, Alain de Benoist porte surtout la tare d’avoir mené, en dehors du tohu-bohu soixante-huitard, une œuvre puissante et immense. Mais pour le condamner, encore faudrait-il l’avoir un peu lu. Encore faudrait-il avoir le goût de la pensée, de l’analyse, de la confrontation, du débat. Régis Debray, intellectuel de gauche, l’a compris qui a su parler avec Alain de Benoist.

     

    Michel Onfray a raison sur un autre point : ce mince épisode médiatique pose la question de la gauche politique. Celle-ci a coupé ses liens avec sa matrice métapolitique. Pour des raisons différentes, mais dans un même but, il en était allé de même pour la droite dans les années soixante.

     

    Alors, s’il n’y a plus de gauche, s’il n’y a plus de droite, et s’il y a de moins en moins de République, que reste-t-il à leurs orphelins ? La liberté, le courage et le devoir. Quand un cycle s’achève, l’année zéro approche. Et, durant ce compte à rebours, il n’est pas interdit – encore ! – de penser que la lecture de Michel Onfray ou d’Alain de Benoist est d’une urgente nécessité.   

     

    Robert Ménard 

    Maire de Béziers

    Ancien journaliste, fondateur de Reporters sans frontières et de Boulevard Voltaire

     

  • Quelle extraordinaire déclaration d'Emmanuel Macron, chers lecteurs de Lafautearousseau ! Elle mérite qu'on y revienne ...

     

    Le moins que l'on puisse dire est qu'au républicanisme surjoué de Manuel Valls n'a pas répondu une foi comparable du côté de son ministre de l'Economie, le jeune et brillant Emmanuel Macron, le plus en vue de ses ministres... C'est même tout le contraire. Et le fait est très surprenant. Mais il est là. Ainsi, le 16 juillet dernier, nous avons publié l'essentiel de sa déclaration (illustration ci-dessus) et notre bref commentaire. Nous ne doutions pas que nous aurions à y revenir. Ce qui fut fait. Oh, mais ne vous inquiétez pas : à ce genre de débat, nous avons bien d'autres pièces, articles, déclarations à apporter. La question du régime est aujourd'hui ouverte !

     

    Cette déclaration est extraordinaire. Extraordinaire à plus d'un titre. Et c'est pourquoi nous la redonnons à lire, in extenso, ce matin.

    Tout d'abord, elle est profonde. Elle sourd d'une réflexion véritable. Et originale. Rarissime phénomène de la part d'un homme politique contemporain - qui plus est appartenant à la génération Macron.

    Elle est extraordinaire venant d'une personnalité issue des milieux, très formatés au politiquement correct, que Macron est censé fréquenter  - qu'ils soient de droite ou de gauche, d'ailleurs. 

    Elle est extraordinaire aussi parce qu'elle émane d'un ministre en exercice, titulaire d'un portefeuille de premier rang. Et qui relève un vice fondamental de nos Institutions.

    Elle est extraordinaire, enfin, parce qu'elle n'a pas été sanctionnée. Bien que sa remarque finale concerne non pas exclusivement mais tout de même personnellement le Chef de l'Etat... Ni Valls ni Hollande ne l'ont relevée. Comme si leur pouvoir était évanescent. Comme s'ils ne songeaient même plus à en défendre le principe. Cela aussi est extraordinaire. 

    Dans le domaine de l'extraordinaire, le pire est souvent à venir. Mais heureusement, pas toujours ! 

  • Un traité peut en cacher un autre ...

    Valparaiso. Port Chilien sur le Pacifique © Copyright : DR

     

    Par Péroncel-Hugoz 

    Si les médias européens parlent peu du projet de traité euro-américain de libre-échange contre lequel une fronde populaire est néanmoins en train de s’organiser, ils n’évoquent pratiquement jamais le jumeau de ce texte : le traité transpacifique. Un joli sujet de morsure pour Péroncel-Hugoz.

     

    peroncel-hugoz 2.jpgLe traité transatlantique, qualifié sans fard par Hillary Clinton d’ « OTAN économique », serait sans doute le cheval de Troie en Europe occidentale de l’économie états-unienne avec ses normes alimentaires peu soucieuses de la santé du consommateur et son droit des affaires impitoyable et qui ne se cache pas de vouloir remplacer les règles européennes plus humanistes. 

    Oh ! bien, comme si ce chantier ne suffisait pas aux mouvements mondiaux opposés à la « yanquisation » de la planète, le pendant exact du projet transatlantique est en train d’être discuté sans bruit, sur les rives de l’océan Pacifique. Les pays concernés sont, outre les Etats-Unis et leurs trois alliés automatiques d’Australie, Nouvelle-Zélande et Canada, le Japon, Bruneï, la Malaisie, Singapour, le Vietnam, le Pérou, le Chili, etc. Pour convaincre les nations d’Extrême-Orient et d’Amérique latine, Washington agite évidemment, et sans réserve, le chiffon rouge de l’hyperpuissance chinoise. 

    Cependant les opposants au projet de traité, informés par l’inlassable lanceur d’alertes, Julian Assange et son Wikileaks, savent que 26 et 29 chapitres du texte restent à cette heure complètement opaques et que le schéma final préparé par les quatre comparses anglo-saxons comprend, un peu comme pour le plan transatlantique, une réduction des droits sociaux et des normes sanitaires et environnementales, ainsi que des tribunaux d’arbitrage basés surtout sur le droit léonin nord-américain des affaires. 

    Alors que le démocrate Obama, en fin de mandat, a même obtenu – une vraie prouesse – le soutien de la majorité républicaine du sénat de Washington pour les abusifs traités jumeaux, les opposants à ces textes paraissent enfin s’organiser pour créer une force d’opposition commune du Japon à la France, de l’Italie au Chili, etc. Il était temps. 

    Péroncel-Hugoz - Le 360.ma

     

  • Les nations sacrifiées aux affaires ? C'est à quoi tendent les grands traités en cours de discussion !

  • Jean-Pierre Chevènement : « La menace pour l'Europe n'est pas à l'Est, mais au Sud » (2/2)

    Retour sur d'intéressantes réflexions de Jean-Pierre Chevènement

    Le mois dernier, juste après les attentats de Saint-Quentin-Fallavier, l‘ancien ministre de l'Intérieur et de la Défense confiait au Figaro sa vision très gaullienne de la politique étrangère. Pour le Che , il ne faut pas se tromper d'ennemi: la menace pour l'Europe n'est pas la Russie, mais Daech. 

    Quelques mois seulement après les attentats de janvier, la France a une nouvelle fois été victime du terrorisme. Avons-nous sous-estimé la menace ?  

    Elle était tout à fait prévisible. J'ai dit à l'époque au président de la République que nous allions avoir devant nous des décennies de terrorisme. Aucune démocratie n'a chaviré à cause de celui-ci. Il s'agit d'une réalité douloureuse mais auquel un grand Etat doit savoir faire face. Pour réduire le terrorisme, il faut garder son sang-froid, avoir une vue large et longue, une parole publique claire. Le but des islamistes est de créer un affrontement du monde musulman tout entier contre l'Occident. Ils veulent le choc des civilisations, mais nous ne devons pas tomber dans ce piège. Il faut assécher le terreau sur lequel le terrorisme djihadiste se développe. C'est beaucoup plus difficile qu'à l'époque d'Action directe car ce mouvement terroriste n'avait absolument aucun soutien dans la classe ouvrière française alors qu'aujourd'hui un certain nombre de jeunes « paumés » peuvent être tentés par une démarche de radicalisation. Mais il faut rejeter par avance toute culture de l'excuse ! 

    Manuel Valls a donc eu tort d'utiliser le terme de choc de civilisation … 

    Il faudrait lui donner le temps de s'expliquer. Samuel Huntington, lui-même, n'employait pas ce mot pour le recommander, mais pour montrer qu'il était à l'horizon. Je réfute l'idée du choc des civilisations: C'est ce que veut Daesh. Ne tombons pas dans ce piège. Mais la menace de ruptures majeures pour la France vient incontestablement non pas de l'Est, mais du Sud, notamment pour des raisons démographiques. Dans l'Afrique subsahélienne, il existe des pays dont le taux de fécondité va jusqu'à sept enfants par femme. Il sera impossible de promouvoir le développement dans ces pays s'ils ne font pas l'effort de se responsabiliser et si les religions ne nous y aident pas. Il faut aussi prendre conscience que le Moyen-Orient reste un baril de poudre qui demande une vigilance particulière du point de vue de la sécurité de la France car il concentre la moitié des réserves de pétrole et de gaz mondiales. 

    Notre pays est en proie à une crise économique et sociale, mais aussi à une crise identitaire profonde. Ce type d'attentat peut-il déstabiliser la société en profondeur ? 

    Nous avons des tensions liées à la situation économique et des tensions qui résultent de la concentration de populations immigrées dans certains quartiers ou dans certaines zones comme la Seine-Saint-Denis ou les quartiers Nord de Marseille. Tout cela témoigne d'une grande cécité historique de la part des pouvoirs publics. Il faut mener une politique d'intégration, mais cela suppose d'abord que la France s'aime assez elle-même pour donner envie à ses enfants de s'intégrer à elle. C'est un problème complexe, mais je suis persuadé qu'à long terme nous avons tous les éléments de sa solution. Cela suppose beaucoup de conditions réunies et laisse prévoir beaucoup de secousses en attendant. Mais de ces secousses mêmes nous tirerons l'énergie salvatrice du sursaut. « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » selon la formule du poète Hölderlin.

    L'islam est-il compatible avec la République ? 

    Je m'intéresse beaucoup à l'islam depuis que j'ai été sous-lieutenant en Algérie. Il y a dans le Coran énormément d'invocations à la rationalité, même s'il ne comporte pas que cela. Il faut que l'islam se dégage des dogmatismes excessifs, dont sont imprégnés certains de ses courants. Le catholicisme aussi a bien dû se dégager d'un certain absolutisme. Néanmoins, c'est plus compliqué avec la religion musulmane car il n'y a pas de clergé. Il faut que les musulmans se prennent en main et séparent eux-mêmes le bon grain de l'ivraie. J'avais lancé en 1999 une consultation dont Nicolas Sarkozy avait tiré les conséquences avec le CFCM (Conseil français du culte musulman). Cela n'a pas été une réussite, mais il y a eu un manque de fermeté dans la mise en œuvre d'une politique permettant de former des imams à la française: des imams qui, pour commencer, parleraient le français car la plupart ignorent notre langue. Il nous faut une vue à long terme et le courage de s'y tenir. 

    Certains intellectuels comparent la faiblesse des gouvernements européens actuels à la lâcheté des dirigeants avant la Seconde guerre mondiale. Que pensez-vous de cette comparaison ? 

    On dit « chien méchant ». A juste titre: Al Quaïda, Daesh sont atrocement méchants. Mais il faut aussi se demander ce qui les a rendus méchants ? Prenons l'exemple de l'Irak. Les Etats-Unis ont considéré qu'ils pouvaient supprimer un Etat, dissoudre son armée, renvoyer ses fonctionnaires … Pour mettre à la place quoi ? Un régime pseudo-démocratique dans un pays qui était un grand Liban et qui a été livré aux partis chiites qui vont prendre leurs ordres à Téhéran. Nous avons le résultat auquel il fallait s'attendre: la prépondérance iranienne dans la région et l'envol du terrorisme sunnite après l'écrasement d'un nationalisme laïc. De même pour la Libye. Nous pouvions protéger Benghazi, comme le préconisait le mandat de l'ONU, sans pour autant faire tomber Kadhafi. Nous avons livré la Libye au chaos, comme les Américains l'on fait avec l'Irak. Dès lors, il ne faut pas s'étonner de voir les migrants déferler sur les côtes italiennes. 

    Vous êtes généralement partisan du «non-interventionnisme». Faut-il faire une exception avec Daech et envoyer des troupes au sol ? 

    Il faut reconstituer les Etats - Irak et Syrie - dans leurs frontières. Les buts politiques d'une intervention doivent être clairs et approuvés par l'ONU. Il faut se demander si le mot d'ordre « Bachar doit partir » était bien raisonnable. Nous avons aujourd'hui trois partenaires en lice: le régime de Bachar el-Assad, Daech et al-Nosra, c'est-à-dire Al-Qaïda. Je ne suis pas sûr que l'on doive émettre une préférence pour Daech ou pour al-Nosra. Nous sommes dans une situation où la France devrait jouer les intermédiaires entre un certain nombre de courants démocratiques et le régime de Damas, si déplaisant soit-il. Le régime syrien est un régime brutal et violent, mais qui a au moins le mérite de ne pas chercher à instaurer un Califat, y compris en Seine-Saint-Denis. 

    Et si Bachar el-Assad est trop affaibli ? 

    Il y a deux ans il s'agissait d'intervenir pour le faire tomber. Heureusement, les Russes et les Américains nous ont évité ce qui aurait été une grave erreur. Le monde arabe est dans un état de décomposition profond. L'Occident y a une certaine responsabilité. Il faut favoriser un accord de sécurité entre le monde perse et le monde arabe et trouver un équilibre de sécurité entre les sunnites et les chiites. Cela peut passer par un pacte de sécurité impliquant l'Iran et garanti par les cinq grandes puissances avec l'Iran chiite qui est la puissance dominante dans la région et qui est une grande civilisation. Il faudra également régler le conflit israélo-palestinien qui est un abcès de fixation dans la région depuis bientôt un demi-siècle. Tout ne se traite pas militairement, mais certaines précautions doivent être maintenues et un bon budget militaire est nécessaire à la France dans la période qui vient. En même temps cela ne dispense pas d'être intelligent ... 

    Un mot sur Charles Pasqua … 

    Il a marqué la place Beauvau comme ministre de l'Intérieur. Il a pris de bonnes initiatives en matière de législation anti-terroriste notamment. Lorsque j'étais moi-même ministre de l'Intérieur, j'ai d'ailleurs fait appliquer la loi de janvier 1995 qui ne l'avait pas été et qui est le premier texte à mentionner le mot de « police de proximité ». Je lui rends ses droits d'auteur. Charles Pasqua était un homme qui avait été formé dans la Résistance et qui avait sans doute gardé de cette période des méthodes pas toujours très orthodoxes. On le lui a reproché. Mais cela ne doit pas masquer l'essentiel: il était un patriote et un grand serviteur de l'Etat. A titre personnel, je n'ai pas oublié qu'en 1992, nous avons livré un combat commun contre le traité de Maastricht, puis en 2005 contre le Traité constitutionnel européen. J'appréciais aussi l'acteur qu'il était dans tous les sens du terme. Il a puissamment animé notre scène politique, si bien que même ses adversaires ne pouvaient pas le détester.

    PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE DEVECCHIO

     

  • Jean-Pierre Chevènement : « Si la Grèce sortait de l'euro, elle pourrait se redresser » (1/2)

     

    Retour sur d'intéressantes réflexions de Jean-Pierre Chevènement

    Le mois dernier, à la vielle du référendum grec, l'ancien ministre de l'Intérieur et de la Défense confiait au Figaro qu'une sortie éventuelle de la Grèce de la zone euro ne serait pas une catastrophe. Au contraire, elle permettrait au pays de Périclès de se redresser. Le Che prônait déjà l'instauration d'une monnaie commune pour remplacer la monnaie unique. Le point de vue de Lafautearousseau : s'agissant de l'euro comme monnaie unique ou de la construction européenne selon le processus en cours, les réflexions de Jean-Pierre Chevènement nous semblent sur le fond parfaitement fondées. Elles sont celles d'un patriote français.

     

    Le Premier ministre Alexis Tsipras va soumettre le plan d'aide à la Grèce à référendum. Que vous inspire cette décision ?

    Jean-Pierre Chevènement : Cela me paraît être une décision démocratique et légitime. Le plan d'aide est très critiquable. Les institutions de Bruxelles auraient pu bouger sur au moins deux volets. D'abord, le volet financier: le Premier ministre grec demandait qu'on allonge de 5 à 9 mois la durée du plan d'aide actuel. Cela était tout à fait raisonnable. Ensuite, sur le volet de la dette. Des prix Nobel d'économie comme Joseph Stiglitz ou Paul Krugman, mais aussi en France le directeur de la recherche et des études de Natixis, Patrick Artus, qui n'a rien d'un gauchiste, s'accordent à reconnaître que la dette grecque, qui représente 177% du PIB, n'est pas soutenable ni donc remboursable. Il y a une volonté punitive dans ce « plan d'aide » : on voulait par avance donner une leçon au Portugal, à l'Espagne, à l'Italie, voire à la France. Plus largement, il est le symbole de l'échec de la « règle d'or » imposée en 2012 à tous les pays d'Europe après avoir été adoptée par l'Allemagne dès 2009. Mais ce qui vaut pour l'Allemagne ne peut pas valoir pour tous les autres. On touche au vice originel de la monnaie unique qui juxtapose des pays très hétérogènes et fait diverger leurs économies au lieu de les faire converger. Par un mécanisme bien connu, les zones les plus productives ont vu leur production croître tandis que les zones moins compétitives ont vu la leur décliner et se sont donc appauvries. Il y a un défaut de conception au départ dont le résultat était tout à fait prévisible.

    Un certain nombre de dirigeants européens se sont agacés de cette décision. Comprenez-vous cette réaction ?

    Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker a dit: « Il n'y a pas de démocratie en Europe en dehors des traités ». Or le traité de Lisbonne reprend la quasi-totalité, la «substance » comme l'a dit Madame Merkel, du projet de «traité constitutionnel» qui avait justement été rejeté par le peuple français en 2005 par référendum. Par ailleurs, Monsieur Juncker ne me paraît pas le mieux placé pour mener le combat du oui au référendum grec. En effet, il a été un excellent Premier ministre luxembourgeois mais du point de vue du Luxembourg qu'il a organisé, avec succès, comme un véritable paradis fiscal! Cela ne le qualifie pas pour prêcher la solidarité.

    Pourquoi ces démocrates revendiqués semblent-ils autant redouter le choix du peuple ?

    Souvenez-vous de Jacques Delors qui disait en 1992 que les hommes politiques en désaccord avec Maastricht devaient « prendre leur retraite ou faire un autre métier…». Le ver était dans le fruit depuis très longtemps. Pour comprendre la nature profondément antidémocratique de l'actuelle construction européenne, il faut remonter des décennies en arrière au « système » Jean-Monnet, que l'on peut qualifier de « système de cliquets». L'Europe fonctionne par une suite de petits faits accomplis sur lesquels les citoyens ne peuvent plus revenir: on commence par le charbon et l'acier, puis par le marché commun, le droit communautaire, la réglementation de la concurrence, et enfin la monnaie unique pour arriver au « grand saut fédéral ». Les peuples européens sont amenés à se dépouiller peu à peu de leur souveraineté sans en avoir réellement conscience. Petit à petit, ils se retrouvent piégés. Les dirigeants européens ont amené les peuples où ils ne voulaient pas aller sans leur poser franchement la question. A la fin, s'apercevant de la supercherie, ces derniers ont dit non, en France, mais aussi aux Pays-Bas, au Danemark ou en Irlande. Pourtant les dirigeants ont considéré que cela ne valait rien, au regard d'une orthodoxie européenne qu'ils considèrent au-dessus de toute démocratie.

    L'Europe s'est construite par effraction et l'essence du système européen est oligarchique. Le Conseil européen des chefs d'Etat est la seule institution légitime, mais ne se réunit que périodiquement et ne dispose pas d'outils pour traduire ses impulsions. La Commission européenne est composée de hauts fonctionnaires qui ne sont pas élus mais nommés de manière très opaque. Comme l'affirme la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe, le Parlement européen n'est pas un parlement. Il ne peut pas l'être car il n'y a pas de peuple européen, mais une trentaine de peuples différents. Dès le départ, l'Europe repose sur un postulat non vérifié: on a voulu faire l'Europe contre les nations ; on pensait qu'elle pouvait s'y substituer. Or les nations sont le cadre d'expression de la démocratie. Il faut désormais aller sur la voie de l'Europe confédérale, la seule qui soit légitime et démocratique: celle qu'avait proposée le général de Gaulle en 1962 avec le plan Fouchet. Seule une Europe à géométrie variable, souple envers chaque pays, pourra avancer. Cette nouvelle Europe aurait vocation à déboucher sur une « Europe européenne » et non inféodée. Le traité transatlantique, s'il était adopté, serait un nouveau coup porté à ce qui reste de notre souveraineté. Celui-ci ne comporte pas d'avantages évidents pour la France et nous soumettrait à des normes et juridictions influencées par les Etats-Unis. J'attends que la France fasse entendre sa voix sur un sujet qui du temps du général de Gaulle ne serait pas passé inaperçu.

    Sur le fond, êtes-vous favorable au « Oui » comme Jean-Claude Juncker ou au « Non » comme Alexis Tsipras ?

    Je n'ai pas à me prononcer à la place du peuple grec qui doit prendre ses responsabilités. C'est un peuple courageux. Il l'a montré à plusieurs reprise dans son histoire: dans sa guerre d'indépendance puis, en 1940, face à l'Italie fasciste qu'il a fait reculer et face à l'invasion nazie en 1941. Traditionnellement, il y a un sentiment philhéllène qui s'exprime en France. Je me compte d'ailleurs parmi les gens qui aiment la Grèce car pour moi ce pays représente aussi l'antiquité, le grec ancien, la démocratie. Ne serait-ce que pour avoir eu jadis un accessit au concours général de version grecque, je ne peux pas leur en vouloir ! Sans la Grèce, il manquerait quelque chose d'essentiel à l'Europe.

    Pour le président la Commission européenne, un « non » voudrait dire, indépendamment de la question posée, que la Grèce dit « non » à l'Europe. Partagez-vous ce point-de vue ?

    C'est absurde ! Comment un président de la Commission européenne peut-il parler ainsi ? Il confond la zone euro qui compte dix-huit membres et l'Union européenne qui en regroupe vingt-huit. Il existe donc dix pays qui ne sont pas dans l'union monétaire et qui sont dans l'Union européenne. La Grèce restera dans l'Europe. Et si, elle doit sortir de l'euro, nous devons l'aider à le faire dans des conditions qui ne soient pas trop douloureuses. Si la Grèce sort de l'euro, elle dévaluera sa monnaie qu'on pourrait appeler l'euro-drachme et rester attachée à l'euro dans un rapport stable de l'ordre de 70%. Il faudrait restructurer la dette à due proportion. Cette hypothèse est réaliste et remettrait la Grèce sur un sentier de croissance. Elle rendrait le pays encore plus attractif pour les touristes. Elle permettrait à la balance agricole grecque de redevenir excédentaire, ce qu'elle était avant l'euro et de développer une économie de services notamment dans la logistique et les transports. C'est un pays magnifique, l'un des plus beaux endroits du monde, qui bénéficie d'une véritable attractivité sur le plan géographique et d'un patrimoine historique pratiquement sans équivalent.

    Ceux qui prédisent le chaos en cas de sortie de la Grèce de l'euro jouent-ils la stratégie de la peur ou ont-ils raison ?

    Dans toute dévaluation, il y a des moments difficiles : dans les premiers mois et peut-être dans la première année. Mais ensuite, il y a des facteurs positifs qui interviennent : les produits du pays sont moins chers. Les avantages comparatifs qui sont les siens, sont accrus. Le tourisme par exemple bénéficie d'un effet d'appel. Des entreprises pourraient investir dans une perspective de rentabilité. L'Europe ne peut pas se permettre de rudoyer la Grèce, de l'écraser d'un pied rageur au fond du trou où elle se serait mise d'elle-même. Ce n'est pas raisonnable. Sauf si l'on souhaite dresser les peuples européens les uns contre les autres. Si la Grèce devait être amenée à recréer une sorte d'euro-drachme, il faudrait l'aider par des fonds structurels importants à supporter l'inévitable renchérissement de ses importations dans un premier temps. Et lui donner des facilités pour se redresser. Je pense qu'elle en a la capacité. Encore une fois, c'est un pays qui a beaucoup d'atouts.

    A terme l'éclatement, voire la disparition de la monnaie unique, sont-ils inévitables ?

    La monnaie unique a énormément accru les divergences de compétitivité entre pays européens. Prenons le cas de l'économie française. Elle avait un déficit commercial par rapport à l'Allemagne de vingt-huit milliards de francs en 1983. Aujourd'hui, le déficit de la France sur l'Allemagne serait selon certaines sources (Eurostat) de trente-cinq milliards d'euros. Comme l'euro, représente six fois et demi le franc, le déficit a au moins quadruplé en tenant compte de l'inflation depuis 1983. La monnaie unique, qui a définitivement empêché la France de dévaluer, nous met une sorte de nœud coulant qui se resserre. Nous sommes désormais tombés au niveau d'industrialisation de la Grèce (12 % du PIB). Nos fleurons du Cac 40 se développent, mais à l'étranger.

    Une sortie ordonnée de la zone euro, ou du moins de la monnaie unique est-elle possible ?

    Je suis profondément européen. Mais je ne crois pas que les modalités choisies pour la construction européenne actuelle soient les bonnes. Elles devraient être révisées. C'est très difficile parce que tous ces gens-là ont engagé leur crédit sur la monnaie unique. J'ai fait un petit livre qui s'appelle Le bêtisier de Maastricht. Il faut relire le florilège de déclarations de nos dirigeants de droite et de gauche, nous promettant, la prospérité, le plein emploi, que nous allions rivaliser avec l'Amérique, que le dollar n'aurait qu'à bien se tenir, etc. Une somme d'inepties qui ne peut que susciter le rire ou la commisération lorsqu'on relit tout cela avec le recul. Lorsqu'on a fait fausse route, il faut savoir revenir à la bifurcation et prendre la bonne direction. La monnaie commune pourrait être celle-ci.

    De quoi s'agit-il ?

    L'euro perdurerait comme symbole de notre volonté d'aller vers une Europe toujours plus unie, mais deviendrait monnaie commune et non plus unique. Elle serait valable dans les échanges internationaux en gardant des subdivisions nationales: l'euro-drachme, l'euro-lire, l'euro-mark, l'euro-franc, etc. Certains pays pourraient augmenter de quatre ou cinq pour cent la valeur de leur monnaie interne, d'autres la garder stable et certains, comme la Grèce, la diminuer. Tous les deux ou trois ans, on pourrait procéder à de légers ajustements pour tenir compte des compétitivités relatives qui permettraient de tenir dans la durée. Cette monnaie commune serait le panier des subdivisions nationales. Elle serait cotée sur le marché mondial des devises. Rien de plus simple ; le monde est flexible. Il y aurait une cotation qui interviendrait tous les jours et une certaine stabilité s'installerait entre cette monnaie commune, le dollar et le yuan. Derrière tout cela se profile la réorganisation du système monétaire international profondément malade.

    La France a-t-elle suffisamment pesé sur les négociations ?

    La France aurait pu intervenir d'une voix plus forte pour que le plan défini par l'Eurogroupe ne soit pas aussi dur sur le volet financier et sur le volet de la dette. Je pense que la France a perdu une occasion de faire entendre sa voix comme sur le dossier des sanctions contre la Russie qui nous pénalisent aussi. La vraie menace pour l'Europe n'est pas à l'Est, mais au Sud: c'est Daesh.

    PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE DEVECCHIO 

     

  • Il a osé le dire ... Jean-Claude Juncker : « Les Européens n’aiment pas l’Europe »

     

    Ce qu'en a pensé Gérald Andrieu, rédacteur en chef de Marianne.net.
     
    On lira ces réflexions avec lesquelles, sans-doute, les lecteurs de lafautearousseau se trouveront « globalement d'accord ». Y compris avec sa juste et légitime ironie envers « la techno-globish-langue de Bruxelles ». LFAR
     
     
    280px-MARIANNE_LOGO.pngPour Jean-Claude Juncker, interrogé par le journal belge "Le Soir", "les Européens n’aiment pas l’Europe". Mais s'est-il seulement demandé si l'inverse était vrai ?

    « La construction européenne, née de la volonté des peuples, est devenue un projet d’élites, ce qui explique le fossé entre les opinions publiques et l’action européenne. » Jean-Luc Mélenchon a raison…

    Ah, il semblerait, que ça ne soit pas le patron du PG qui parle ainsi… Vous êtes sûr ? Mais qui alors ? Jean-Claude Jun-quoi ? Le Juncker qui préside la Commission européenne ? Celui-là même qui fut président de l’Eurogroupe pendant huit ans ? Le Juncker qui assura les fonctions de Premier ministre du Luxembourg pendant plus de dix-huit ans et de ministre des Finances du Grand-Duché pendant vingt ans ? Bref, le Juncker qui devrait aujourd’hui œuvrer pour éviter qu’en Europe ne soit possible une évasion fiscale vers son pays aussi massive que celle révélée par le Luxleaks ?

    Il lui en aura fallu du temps à notre homme, non pas pour comprendre — on n’en est pas là encore, la suite de l’entretien en atteste —, mais pour formuler pareille phrase ! Notre éminent représentant de « l’élite » européenne le fait dans le journal belge le Soir qui a été « reçu » pour l’occasion « dans son bureau du Berlaymont ce 21 juillet ».

    Mais pour preuve que la prise de conscience n’est pas encore totale, il suffit de se pencher sur le reste de son propos. Ainsi, dans le même élan, Jean-Claude-le-nouvel-harangueur-des-barricades-anti-élites-et-proche-des-peuples-Juncker est capable de nous expliquer que « les Européens n’aiment pas l’Europe, qui est en mal d’explications. »

    Reprenons point par point :

    1) « Les Européens n’aiment pas l’Europe ». C’est de plus en plus vrai, sans aucun doute. Mais on est tenté de lui répliquer que l’Europe n’aime guère non plus les Européens. Ou, plutôt, si elle les aime, elle a une bien curieuse manière de leur montrer. Les Grecs en savent quelque chose…

    2) « L’Europe est en mal d’explications ». Le manque d’« explications », de « communication », de « pédagogie » même, comme on dit désormais, voilà l’excuse préférée de nos politiques modernes dès qu’un projet foire, qu'une réforme patine. Selon cette logique, si les Européens ont du mal avec l’UE, ce serait parce que ces idiots ont mal compris les tenants et les aboutissants de la construction européenne. Jamais il ne viendrait à l’idée de nos chers dirigeants que c’est parce que leurs concitoyens ont, au contraire, très bien compris les desseins de l’Europe actuelle qu'ils l'apprécient si peu. Les agriculteurs français, par exemple, ont parfaitement saisi qu’ils allaient finir par crever… Par eux-mêmes ! Ce n’est pas qu’on leur a mal expliqué ! Mais voilà, Juncker ne confesse qu'« un regret » dans l'épisode grec : « J’aurais dû communiquer plus souvent. Mais parfois il suffit d’une phrase maladroite... » En effet...

    De toutes façons, dans le monde de Juncker, lui et les siens ne peuvent avoir tort. Ce sont les autres — ces idiots, encore une fois — qui font fausse route. Prenez Tsipras. Nos confrères belges du Soir nous explique que Jean-Claude Juncker « salue le choix » du Premier ministre « d’avoir accepté de se mettre une partie de Syriza à dos ». Et voilà donc comment il « salue » cette décision : « Tsipras s’est “hommed’étatisé”, explique Juncker aux journalistes, parce que soudain, il a eu l’impression que s’il allait au bout de sa pensée, ce serait la fin pour la Grèce ». « S’hommed’étatiser », si vous parlez la techno-globish-langue de Bruxelles, cela signifie donc ne pas aller « au bout de sa pensée », rentrer dans le rang, courber l’échine, accepter l'austérité comme seul horizon, etc. Si seulement, doivent se dire Juncker et ses petits camarades, tous les Européens pouvaient « s’hommed’étatiser »