UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1494

  • HISTOIRE • Jean Sévillia : ces reines qui ont changé l'Histoire

     

    A l'occasion de la sortie de son dernier livre, Les derniers jours des reines, codirigé par Jean Christophe Buisson, Jean Sévillia évoque pour FigaroVox des figures aussi romanesques que Cléopâtre, Marie-Antoinette ou la reine Victoria. On ne manquera pas de lire ce dernier ouvrage de Jean Sévillia.  LFAR

     

    1dd0ad5cb1fc3695880af1725477b22e.jpgFigaroVox - La France est le pays qui a coupé la tête à son roi, et pourtant les Français, comme en témoignent notamment les succès de librairie des biographies royales ou l'audience des émissions de télévision sur la royauté, semblent éprouver un sentiment monarchiste. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? Les Français sont-ils schizophrènes  ?

    Jean Sévillia - D'Ernest Renan à Albert Camus, d'innombrables esprits républicains ont médité sur l'événement traumatique qu'a été la condamnation à mort de Louis XVI. Il ne faut jamais oublier que la France a été constituée en tant que communauté politique sous les rois de France, et par eux. Contrairement à une mythologie qui n'a plus guère cours aujourd'hui, la France n'est pas née en 1789: elle a été forgée au long des siècles par la monarchie, la République ayant recueilli ensuite cet héritage. Il est parfaitement exact qu'au moment de la Révolution, la souveraineté politique passe du roi au peuple, du moins à la représentation nationale, car le peuple réel n'a pas eu son mot à dire au long du processus révolutionnaire. Mais cette substitution de souveraineté ne change rien au fait que c'est l'Etat qui conserve son rôle central et surplombant dans la poursuite du destin français. Or cet Etat possède d'indélébiles racines monarchiques. Napoléon Ier, Napoléon III, Thiers, Clemenceau, Pétain, De Gaulle… Notre histoire postérieure à la Révolution est pleine de chefs d'Etat ou de gouvernement, ou de figures d'autorité, qui jouent les substituts du roi de France. De Gaulle le savait et le sentait si bien qu'il a doté le pays, en 1958, d'une Constitution où le primat reconnu à l'exécutif donnait à nos institutions un air de monarchie républicaine. François Mitterrand, à sa manière, a été une sorte de monarque socialiste. Et l'on voit bien actuellement, en creux, l'importance de la fonction présidentielle, précisément parce que celui qui l'incarne ne semble pas taillé pour la fonction. Alors oui, il y a toujours et il y aura toujours quelque chose de monarchique en France, même si les Français ont coupé la tête à leur roi en 1793.

    Dans la préface des Derniers jours des reines, texte que vous avez cosigné avec Jean-Christophe Buisson, vous développez le concept de royauté au féminin. De quoi s'agit-il ?

    Notre ouvrage traite de femmes qui ont régné, mais à toutes les époques et dans des aires de civilisation très différentes: entre Cléopâtre et la tsarine Alexandra Fedorovna, épouse de Nicolas II, il n'y a à peu près rien de commun sous l'angle de la société dans laquelle elles ont vécu et du système politique qui les avait placées sur le trône. Sur les vingt souveraines évoquées dans le livre, toutes n'ont pas gouverné. En France, les lois coutumières de la monarchie, affinées sous les Capétiens, excluaient les femmes de la succession au trône, ce qui n'était pas le cas dans toutes les dynasties européennes, voir Isabelle la Catholique (Isabelle de Castrille), Marie-Thérèse d'Autriche, Catherine II de Russie, ou la reine Victoria. Mais cela ne signifie pas que les reines de France n'ont pas joué un rôle éminent, a fortiori pour celles qui ont exercé la régence. Mais comme épouses du roi et mères des enfants du roi, donc mères du roi un jour, toutes les reines sont profondément associées au pouvoir. La royauté au féminin, c'est la traduction de la spécificité du système monarchique, qui n'est pas un pouvoir personnel, mais le pouvoir d'une famille.

    Quand les reines ont joué un rôle politique, quel était-il ?

    Les reines qui ont à la fois régné et gouverné ont joué exactement le même rôle politique qu'un homme aurait exercé à leur place. Au XVIIIe siècle, Marie-Thérèse d'Autriche ou Catherine II de Russie ont fait la guerre, ont choisi ou défait des ministres, ont adopté des réformes qui ont changé la société sur laquelle elles régnaient, ont affronté des oppositions: l'ordinaire d'un rôle politique à cette époque. Quant aux reines de France, nous avons évidemment retenu dans notre livre des personnages de premier plan. Catherine de Médicis, femme d'Henri II, puis régente pour son deuxième fils Charles IX, joue un rôle essentiel au moment des guerres de Religion en essayant de maintenir le trône au-dessus des divisions religieuses. La recherche historique l'a lavée de l'accusation d'être la responsable de la Saint-Barthélemy. Sous le règne d'Henri III, son dernier fils, Catherine de Médicis s'efface peu à peu. Anne d'Autriche, l'épouse de Louis XIII, est une princesse espagnole: d'abord hostile envers Richelieu en raison de sa politique à l'encontre de l'Espagne, elle change après la mort de Richelieu et celle de Louis XIII car, par amour pour son fils Louis XIV, elle soutient le nouveau Premier ministre, Mazarin, qui poursuit pourtant la politique de Richelieu. Après la mort de Mazarin, Louis XIV, voulant gouverner personnellement, sera conduit à éloigner sa mère, qu'il aimait néanmoins profondément. Pour un temps limité, qui a cependant son poids dans notre histoire, les reines Catherine de Médicis et Anne d'Autriche ont donc été de vrais rois de France….

    Vous évoquez des figures aussi exceptionnelles que Cléopâtre, Isabelle la Catholique ou Marie-Antoinette. Avez-vous une préférence pour l'une d'entre elles ?

    Si je prends votre question dans son sens tout à fait personnel, je dois vous dire que ma «reine de cœur» ne figure pas dans le livre. J'ai publié il y a dix-huit ans une biographie de l'impératrice Zita, la dernière impératrice d'Autriche, livre que les éditions Perrin réimpriment constamment et dont sortira une réédition actualisée en 2016. Ayant régné pendant deux ans, de 1916 à 1918, détrônée en 1918, exilée en 1919, veuve à 30 ans à la mort de son mari, l'empereur Charles Ier d'Autriche, en 1922, spoliée de son patrimoine familial par les Etats successeurs de l'Autriche-Hongrie, l'impératrice Zita a élevé seule ses huit enfants, vivant dans la pauvreté et la foi. Ses obsèques solennelles à Vienne, selon le vieux rituel impérial, ont marqué, en 1989, année de la fin du communisme, le grand retour de l'histoire en Europe centrale. Parce qu'il faut faire des choix dans un livre collectif, nous n'avons pas retenu l'impératrice Zita, l'histoire autrichienne étant représentée par deux souveraines, la grande Marie-Thérèse et Elisabeth, dite Sissi, la femme de François-Joseph. Ma préférence allait alors à Marie-Antoinette, dont je me suis chargé du portrait.

    Qu'est-ce qui vous intéresse, chez Marie-Antoinette, et comment expliquez-vous le mélange d'amour et de haine que les Français semblent ressentir pour elle ?

    Aujourd'hui, il me semble plutôt que la haine pour Marie-Antoinette a pratiquement disparu! En témoigne l'immense succès des expositions, des livres ou des films qui lui sont consacrés depuis une dizaine d'années. Si notre éditeur a choisi Marie-Antoinette pour illustrer la couverture de l'ouvrage, ce n'est pas un hasard. En ce qui me concerne, je n'ai pas attendu cette «Marie-Antoinette-mania» pour être attaché à cette figure venue d'Autriche, pays dont je suis familier, et qui a traversé ensuite la gloire et la tragédie chez nous, en France. Ce qui est fascinant, chez Marie-Antoinette, c'est la suite de ses retournements. Jeune reine superficielle et frivole, elle devient une mère responsable, soucieuse de ses enfants. Commettant des erreurs politiques au début de la Révolution, en essayant de sauver le trône mais en le desservant en réalité, elle épouse ensuite totalement les vues du roi dès lors que la partie est perdue. Après la décapitation de Louis XVI, Marie-Antoinette touche au sublime par sa dignité lors de son procès et face à sa marche à la mort.

    La princesse Diana n'a pas régné, mais a connu une fin tragique et romanesque. Aurait-elle pu figurer dans votre livre ?

    Outre le fait de n'avoir pas régné, connaître une fin romanesque et tragique ne suffit pas à faire une reine. Ce qui caractérise les reines régnantes est qu'elles s'obligent à habiter leur fonction, même quand elle ne correspond pas à leur goût. Ou alors, elles fuient, comme le fit d'une certaine manière l'impératrice Elisabeth d'Autriche, Sissi, qui est à sa façon une ancêtre de Lady Di. Il reste que la première femme du prince Charles, historiquement parlant, est un personnage emblématique de notre époque par la préférence accordée au destin personnel, au plaisir, au bonheur, par rapport au devoir dynastique. La séquence de sa mort restera un moment exemplaire du culte de l'émotion qui domine notre temps. La reine d'Angleterre a dû plier devant cette vague, pour préserver l'affection de ses sujets. Mais l'émotion est passée, et la reine Elisabeth est toujours là…

    Les reines contemporaines, devenues des people presque comme les autres, ont-elles perdu leur mystère ?

    Toutes les reines contemporaines ne sont pas devenues des princesses people. Songeons, en Belgique, à la reine Fabiola hier, ou à la reine Mathilde aujourd'hui. Ou en Espagne à la reine Sophie, la femme de Juan Carlos, hier, ou à la femme de Philippe VI, la reine Letizia, aujourd'hui. Ce n'est pas parce que la presse parle d'une reine qu'elle est une reine people. On peut conserver sa dignité tout étant la cible de l'attention des autres, ce qui a toujours été le propre des souverains, qui sont des personnages publics. La reine d'Angleterre est un des personnages les plus photographiés de la terre, et pourtant on ne peut pas lui appliquer l'étiquette de people. Vous verrez que, lorsqu'elle disparaîtra, ce sera un événement planétaire, et que les plus républicains des Français seront touchés eux aussi. 

    Rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine et membre du comité scientifique du Figaro Histoire, Jean Sévillia est l'auteur de nombreux succès de librairie (Zita impératrice courage, Historiquement correct, Histoire passionnée de la France). Il publie prochainement La France catholique (éditions Michel Lafon, sortie le 15 octobre). Il a codirigé Les Derniers jours des reines avec Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint de la rédaction du Figaro Magazine et auteur d'une biographie du général Mihailovic et d'Assassinés. Un ouvrage collectif dans lequel dix-neuf historiens (dont Didier Le Fur, Jean-François Solnon, Simone Bertière, Jean-Paul Bled, Jean Tulard, Jean des Cars, Arnaud Teyssier et les codirecteurs du livre) brossent le portrait de vingt souveraines à travers la fin de leur vie ; publié aux éditions Perrin, le livre est coédité avec le Figaro Histoire.

    Entretien réalisé par Alexandre Devecchio            

  • LIVRES • Les racines du mal selon Georges Simenon

     

    par Lars Klawonn

    A ceux qui disent que le mal n’existe pas, que tout le monde est victime de son milieu ou de son passé, je conseille de lire L’Homme de Londres de Georges Simenon. Georges Simenon ? Cet éternel auteur de romans de gare ? Ce misanthrope au style d’écriture aussi glacial que la lame de rasoir ? Ce vieux réac ? Les imbéciles pensent ce qu’ils veulent. Pour ma part, je suis concerné par la vision aiguë du mal qui se dégage de ce roman paru en 1976.

    Pour Simenon, le mal est contagieux. Il se propage comme un virus. Maloin est un homme ordinaire, père de famille et aiguilleur de son état. Il mène une vie réglée, simple, rythmée par l’habitude. Or, une nuit de service, il devient le témoin d’un meurtre. Profitant de l’occasion qui se présente, il vole 540 000 F appartenant à l’homme tué et qu’il cache dans une armoire sur son lieu de travail. La tentation était trop grande pour lui. Maloin « frissonnait à l’idée d’être riche. ». Il ne réfléchit pas à ce qu’il fait. Le crime est une pulsion qui ne demande que d’être libérée et assouvie. Cependant le meurtrier est à ses trousses, le soupçonnant d’avoir mis la main sur l’argent. Maloin réussit à l’enfermer dans sa cabane. Lorsque le meurtrier l’attaque par derrière, il se défend. L’instinct de survie prenant le dessus sur sa peur, il finit par tuer son agresseur. Dans l’acte de Maloin, rien n’était prémédité alors que le meurtrier avait planifié son coup pour voler l’argent.

    En l’espace de quelques jours, un homme comme un autre, ni particulièrement malheureux ni particulièrement heureux, s’est transformé en voleur, puis en assassin. La cupidité, somnolente en nous tous, s’était éveillée en lui. « Il sentait bien qu’il n’était plus un homme comme les autres. Il avait franchi une frontière inconnue, sans pouvoir dire à quel moment cela s’était passé. » C’est cette frontière qui le sépare désormais des hommes.

    Plus tard, Maloin avoue tout à la police afin de soulager sa conscience. Il assume ses actes, dit la vérité et accepte le verdict avec fatalité. Quand on a fait le mal, on doit payer. Mais rien ne lui rendra son humanité. Le crime et l’aveu l’ont rendu calme. Beaucoup trop calme, et docile. Aussi docile qu’une mécanique d’horloge.

    Écrit dans un style descriptif et dépourvu d’explications psychologiques et sociales, l’Homme de Londres n’est pas qu’un objet de culture populaire, n’en déplaise aux anti-élitistes. Les universitaires « engagés », ceux même qui voient tout par le filtre de la politique, de la sociologie et de la psychologie, ne peuvent que considérer tout geste littéraire comme une chose monstrueuse car gratuite, généreuse et inutile. Leur haine du mystère est telle qu’ils doivent constamment se rassurer. Expliquer et se rassurer. Or le roman de Simenon ne rassure pas. C’est avant tout une profonde réflexion sur la nature du mal. 

    Journaliste culturel, collaborateur au journal La Nation (Lausanne), à la revue Choisir (Genève) et à la Nouvelle Revue Universelle. 

  • SOCIETE • Heureusement, un trisomique n’est pas assez c… pour lire Charlie hebdo

     

    Par François Teutsch

    Nous avons été parmi les tout premiers à déclarer que nous n'étions pas Charlie. Et à tenter de dire pourquoi. Si possible avec de sérieuses raisons. Nous n'étions pas nombreux, au lendemain du 7 janvier, à tenir cette positon. Face à cette folie collective que l'opération de propagande socialiste  Je Suis Charlie a réussi à installer dans le pays, la réaction s'est fait attendre. Puis elle a eu lieu, progressivement. Et ensuite, largement. C'est dire que nous sommes d'accord, dans le cas présent, avec les réflexions à la fois fermes et délicates que François Teutsch a données à Boulevard Voltaire. Les voici.  LFAR

     

    57893b06c2abfa69f965a0ea10ca5721.jpg« L’esprit Charlie » a encore frappé. Avec finesse et délicatesse, avec bon goût et subtilité. La une de Charlie Hebdo du 7 octobre proclame « Morano, la fille trisomique cachée de De Gaulle ». Suit une caricature du général qui tient dans ses bras un bébé Morano emmailloté, les yeux bridés et la langue pendante sur un filet de bave.

    Charlie ne prend pas grand risque avec un tel dessin : nul trisomique ne viendra jamais, fusil mitrailleur à la main, flinguer le dessinateur à l’humour si inspiré. Cela, c’est réservé aux islamistes. Ceux que Charlie ne caricature plus depuis l’attentat du 7 janvier.

    Tacler Nadine Morano n’a rien de répréhensible, y compris par la caricature grossière. Mais ce dessin est ignoble. Non par celle qui y est représentée, mais par l’insulte qu’il profère à l’encontre d’une population handicapée mentale, qui vit – encore un peu – au sein de notre société. Même si 96 % des bébés trisomiques sont éliminés par avortement, ceux qui vivent parmi nous sont des personnes aussi dignes de respect que n’importe qui. Pas aux yeux de ce dessinateur qui visiblement n’en a jamais croisé un.

    Ce dessin est ignoble parce qu’il s’attaque aux plus faibles, à ceux que leur handicap rend incapables de se défendre, de riposter, de rendre coup pour coup, ou, mieux encore, de sourire d’un air méprisant à l’auteur de ce torchon. Un trisomique est sans doute, à ses yeux, un sous homme. Un « mongol » comme le disaient les enfants de ma génération dans la cour de récréation. Un incapable et un gêneur. Ce dessin me rappelle la réflexion entendue un jour : « comment y en a-t-il encore autant avec la généralisation du dépistage ? ». En bref, pourquoi toutes ces bouches inutiles et coûteuses sont-elles encore autorisées à vivre ?

    Ce dessin est ignoble parce qu’il atteint aussi la mémoire d’un père, Charles De Gaulle. Non le général, non le chef d’État, mais l’homme privé dont la fille Anne était trisomique. Cette enfant qu’il a aimée, élevée et soignée jusqu’au bout. Cette enfant qu’il a enterrée un jour de 1948 avant de dire à sa femme « Venez, elle est comme les autres maintenant ». Placer un trisomique de caricature dans les bras de De Gaulle, ce n’est pas mener un combat politique, c’est cracher à la figure d’un père blessé.

    Monsieur Riss devrait s’approcher un jour d’un de ces êtres inutiles et coûteux. Prendre le temps de se pencher sur ce visage déformé. De plonger son regard dans celui de l’autre. De lire l’insatiable besoin d’affection qu’il révèle. Il devrait se laisser enlacer par un de ces enfants. De parler aussi avec lui. Oui, un trisomique parle. Il ne profère pas des borborygmes. Oui, il y a des trisomiques plus intelligents que d’autres. Oui, un trisomique peut apprendre à lire. Oui, un trisomique est un compagnon de bonheur. Non comme un animal domestique dont on se lasse, mais comme une personne humaine dont la dignité est magnifiée par la faiblesse.

    Un enfant trisomique c’est souvent un frère ou une sœur dont on s’occupe avec soin, et qui a, bien malgré lui, un rôle éducatif essentiel : il apprend aux autres à l’aimer non pour ce qu’il fait, mais pour ce qu’il est. C’est une lourde charge pour une famille, une croix quotidienne à porter parfois. Mais surtout un exemple de bonheur. Car voyez-vous Monsieur Riss, ce qui frappe le plus chez ces enfants, c’est qu’ils sont heureux. Oui, heu-reux.

    Et puis, l’enfant trisomique a une immense qualité : il n’est pas assez c… pour dessiner des saloperies pareilles. En bref, il n’a pas « l’esprit Charlie »

     - Avocat.

  • Le rôle historique des rois, d'Athènes à Paris

     La Galerie des Rois au portail de Notre-Dame

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgDans le cadre des cours de Seconde sur la citoyenneté et la démocratie dans l'Antiquité, j'évoque l'histoire politique d'Athènes, histoire passionnante et qui permet d'ouvrir encore de nombreux débats sur l'organisation de la cité, sur les institutions et sur les politiques menées ou possibles : de la monarchie de Cécrops, Égée ou Thésée, à la démocratie de Périclès, puis à la conquête de Philippe de Macédoine qui met un terme, non à l'histoire d'Athènes mais à son indépendance diplomatique et politique. Histoire passionnante et éminemment instructive, y compris pour notre temps ! 

    Quelques remarques ou réflexions d'élèves méritent l'attention et peuvent ouvrir à la discussion, et j'essaye de les compléter, parfois de les nuancer, voire les démentir. 

    L'an dernier, un élève avait comparé l'histoire politique d'Athènes à celle de la France, en faisant remarquer que, dans la cité grecque comme dans notre nation, les rois avaient joué un rôle historique qui était celui de fondation et d'unification de l'ensemble civique national, et, qu'une fois cette tâche achevée, ils s’effaçaient devant d'autres formes de régime, de l'oligarchie à la démocratie, voire à une monocratie impériale ou républicaine. La remarque est intéressante même si, au regard d'un royaliste contemporain, elle peut paraître pécher par pessimisme pour la France d'aujourd'hui qui serait ainsi condamnée à la République à perpétuité ou à la perte de souveraineté inévitable. 

    Ce que je veux retenir, c’est ce rôle reconnu de la monarchie, d’Athènes à Paris : elle fonde autour de l’Etat, par l’Etat ajouteraient certains, la nation ou, plutôt, elle lui « permet d’exister », comme le souligne Gérard Leclerc dans un numéro des Cahiers de Royaliste d’octobre 1981. Si « l’Etat n’a pas de pouvoir ontogénique » (qui fait naître l’être) », selon le philosophe catholique Claude Bruaire (1932-1986), il « est la condition indispensable de l’apparition, de la persistance et du développement (…) de la nation, de la patrie et de notre être spirituel ». Ainsi, « L’Etat a un rôle prépondérant. Toute l’histoire de France est là pour nous le montrer. Sans la monarchie capétienne, il n’y aurait pas eu de France. Ce n’est pas l’Etat capétien qui fabrique la terre de France, qui fait les Français ou qui crée la langue française, mais c’est lui qui permet que tout cela s’épanouisse. » 

    Mais, comme à Athènes, c’est ensuite que cela peut paraître se gâter : les rois écartés, la cité est tentée par l’impérialisme, par cette sorte de fuite en avant vers la démesure politique comme territoriale. 

    Le principe royal, fondé sur le devoir, le service et la tempérance, ne serait-ce que pour permettre la survie de la dynastie (un « égoïsme familial » salvateur…), limitait les velléités bellicistes sans pour autant s’interdire de pratiquer la conquête quand elle pouvait servir l’ensemble national ou le protéger des appétits limitrophes. En ce sens, le règne de Louis XV peut sembler « conclure » l’effort commencé huit siècles auparavant, achevant l’hexagone français par la Lorraine (Napoléon III y adjoindra Nice et la Savoie un siècle plus tard), et laissant à son successeur une France que la Révolution et son « soldat » Napoléon épuiseront sans l’agrandir durablement, ces derniers mimant la grenouille qui se voulait aussi grosse que le bœuf de la fable de La Fontaine, avec les résultats malheureux que l’on sait. 

    Charles Maurras, l’esprit encore embué de quelques sentiments républicains au début des années 1890, avait définitivement déserté le camp de la Démocratie avec un grand D en se rendant à Athènes, à l’occasion des premiers jeux olympiques depuis l’Antiquité, et en constatant que le règne du Démos était « la consommation » des siècles précédents, de leurs efforts et de leurs richesses accumulées… Il est vrai que les citoyens libres d’Athènes n’ont pas toujours été à la hauteur, aveuglés par une puissance dont ils avaient héritée plus qu’ils ne l’avaient créée ! Cela se terminera mal, par une série de guerres qui, en définitive, entraîneront la ruine, puis la soumission de la cité à des conquérants plus forts qu’elle… La France, après la chute de la monarchie, connaîtra elle aussi, moins d’un quart de siècle après le 10 août, l’humiliation de la défaite et de l’occupation étrangère, les chevaux russes se désaltérant dans la Seine, avant que les Prussiens de l’empereur Guillaume Ier et les Allemands du IIIème Reich ne leur succèdent… Et il n’est pas certain que notre pays se soit vraiment remis du choc de la Révolution, recherchant désespérément, parfois sans se l’avouer, la « figure du roi » (ce qu’a bien compris Emmanuel Macron) à travers des présidents de moins en moins « monarchiques », en attendant (qui sait ?) « le roi » lui-même : retour vers le futur, d’une certaine manière ? 

    Le temps des rois est passé, et la France est faite, la Révolution ne pouvant être française que parce que la France lui préexistait, justement ! Mais, en ces temps de triste République, les rois ne sont pas dépassés : ils sont juste, pour l’instant, absents… et la France, du coup, semble en dormition, attendant le Prince qui la réveillera… L’histoire n’est pas finie, et la messe n’est pas dite ! 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

  • Où Hubert Védrine distingue entre les régimes résignés au multiculturalisme et ceux qui n'en veulent pas ...

     

    « Les sociétés d’Europe de l’Ouest sont favorables aux sociétés multiculturelles, ou s’y sont adaptées, ou s’y sont résignées, appelons-ça comme on veut. En Europe de l’Est, pas du tout. Ils pensent que les sociétés multiculturelles sont un échec flagrant, spectaculaire, ils n’en veulent pas. Donc ils ne veulent pas, sous couvert de la nécessité de donner l’asile à des gens vraiment persécutés entrer dans cet engrenage. Ce n’est pas de la xénophobie dans le sens où ils sont contre un groupe ethnique en particulier, ils ne veulent pas de l’évolution multiculturelle. Il ne faut pas s’en prendre qu’à la Hongrie. Il y a six, sept ou huit pays qui pensent comme ça. Il ne faut pas avoir peur d’en parler. »

     

    Hubert Védrine

    France Inter, La Matinale, le 28 septembre 2015

     

  • La royauté n’est pas une utopie !

     

    par Jacques Trémolet de Villers 

    Un lecteur reproche à Jacques Trémolet de Villers d’avoir écrit que « L’espérance est royale » (« L’espérance est royale », Politique magazine n°144, octobre 2015, p.31). Le chroniqueur de Politique magazine persiste et signe. Explications détaillées…

     

    jacques%20tremolet%20de%20villers%203.jpgUn lecteur m’écrit : « Ne parlez pas de l’espérance politique Royale ! La Royauté n’est pas une espérance, c’est une utopie. »

    Merci pour le propos. Il dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.

    Il définit le principal obstacle à l’espérance.

    Voici ma réponse.

    1. L’utopie est un mot hautement respectable puisqu’il a été forgé par un homme plus qu’estimable, un saint, et précisément un saint en politique, ce qui est rarissime, saint Thomas More.

    L’utopie, chez Thomas More, c’est un royaume imaginaire, une fantaisie littéraire de philosophe platonicien. Ce rêve n’est pas inutile car il provoque la réflexion et peut aider à sortir des routines où s’enlise trop souvent le politique.

    Mais ce n’est absolument pas un projet de gouvernement, ni un traité d’art politique.

    Thomas More qui s’y connaissait pour avoir été Grand Chancelier du Royaume d’Angleterre n’a pas subi le martyre parce qu’il avait voulu garder son utopie.

    Il est mort à cause de sa fidélité très concrète à l’Eglise de Rome et de son refus de prêter le serment schismatique exigé par son Roi. Rien de plus concret, de plus simple et de plus réaliste, aux antipodes de sa fantaisie littéraire dénommée UTOPIE.

    2. Si le royaume (qu’il soit de France, d’Angleterre ou d’ailleurs) est le contraire même de l’utopie, la démocratie universelle dont le rêve anime tous nos dirigeants est, elle, en revanche, une véritable et catastrophique utopie. Le petit Larousse cite, à son propos, la formule de Lautréamont :« La grande famille universelle du genre humain est une utopie digne de la logique la plus médiocre ». Une politique qui se fonde sur une telle chimère est de nature à donner corps aux pires cauchemars, dont nous voyons les prémices s’agiter sous nos yeux.

    L’utopie n’est donc pas là où on la croit.

    3. Le royaume de France, loin d’être un rêve, est la seule réalité dont nous soyons absolument certains puisque, contrairement à la démocratie idéale où l’on n' arrive jamais et dont la réalisation est toujours remise à demain, il a été, et il est. Nous en venons. Nous en vivons. Nos yeux le voient sur la terre de France, dans les maisons, les églises, les châteaux et les chaumières, dans les villes et dans les villages, dans la poésie et dans la prose. Nos oreilles l’entendent dans les musiques et les chansons. Notre langue le parle. Notre pensée elle-même n’existerait pas sans les mots et les idées qu’il nous a donnés. Pour paraphraser une formule de Jean-Paul II sur la culture de la nation : « Il fait en nous ce qui est humain ».

    4. Pour beau qu’il fut et qu’il demeure, le Royaume de France n’a jamais été et ne sera jamais une société idéale, un royaume d’utopie.

    Son histoire nous montre ses ombres et ses lumières. Son champ est mélangé de bon grain et d’ivraie. Mais il est aisé de discerner les constants de son ordre : le goût de la vérité, la passion de la liberté, le besoin de justice et l’amour de la beauté. Celui qui, aujourd’hui, fait personnellement siennes ces permanences, est du royaume et continue le royaume, qu’il soit de droite, de gauche, du centre ou d’ailleurs.

    5. Si le royaume de France, grâce à Dieu, persévère chaque jour dans son être, sans le règne d’un roi, il est aussi évident que cette maison qui nous est commune a un urgent besoin de retrouver un maître de maison. L’histoire de nos deux derniers siècles est éloquente. Les intendants provisoires qui ont prétendu remplacer le Roi n’ont pas su garder la maison. On peut citer la phrase du Général De Gaulle écrivant au Comte de Paris, en novembre 1969, après son départ : « Je m’en vais, mais vous, vous demeurez ». Reste que si la famille royale, effectivement, demeure et se continue, elle n’est pas à la place où nous avons besoin qu’elle soit.

    C’est pourquoi, tant que cette institution ne sera pas établie, nous serons dans l’espérance.

    La conclusion est aussi simple que la démonstration. Le Royaume est toujours là, mais de plus en plus menacé, délabré… la famille royale est là, mais seuls quelques-uns la reconnaissent pour telle. La seule action utile est de multiplier le nombre de ces quelques-uns pour qu’il soit décisif. Cette action est culturelle parce qu’elle commence par la connaissance et l’amour du royaume, son histoire ses mœurs, ses trésors… elle est politique parce qu’elle vise à instituer un Etat conforme au droit, à la nature et à l’histoire.

    Elle n’est ni partisane, ni idéologique, ni sectaire, ni chimérique. Elle ne veut que l’union et le bonheur de tous dans une maison qui est, précisément, la maison de tous et dont nous savons qu’elle est une belle et douce maison dont le jardin est « un champ semé de lys ».   

     - Politique magazine

  • TV • Invité de Laurence Ferrari sur iTELE, Philippe de Villiers n'a pas mâché ses mots !

     

    Nous avons souvent évoqué l'activité publique de Philippe de Villiers ces temps derniers. L'envolée du Puy du Fou, sa trilogie historique (Saint Louis, Jeanne d'Arc et Charette), le livre qu'il vient de publier (Le moment est venu de dire ce que j’ai vu), ses diverses déclarations aux médias, sont de sérieuses raisons de le faire. Des raisons qui ne tiennent pas à la politique politicienne mais au service de la France, des idées et des principes  qui pourraient restaurer sa souveraineté et la rendre, au fond, à elle-même. La replacer dans sa trajecoire historique.

    La vidéo qui suit ne dure que 14 minutes. Ecoutez donc les analyses et les propos de Philippe de Villiers. Ce discours est le nôtre ! LFAR 

     

     Durée : 14'22''

  • M.Fabius a mangé son chapeau …

    Les présidents Sarkozy et al-Assad à Paris en 2008  © Copyright : DR

     

    Par Péroncel-Hugoz

    Péroncel-Hugoz s’en prend cette semaine aux palinodies de la France dans l’affaire syrienne, et pour cela il remonte loin en arrière.

    peroncel-hugoz 2.jpgLa cruauté des gros plans télévisés sur les traits des politiciens en difficultés a parfois quelque chose d’insoutenable: il fallait voir en cette fin septembre la terrible mine plus que grise, funèbre même de Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, pendant que le président Hollande annonçait à la Terre entière que l’armée de l’air française avait commencé ses «frappes» (on ne dit plus « bombardements», mot qui effraie les opinions publiques occidentales, pauvres chéries trop sensibles…) sur Daech en Syrie. 

    Le temps n’est pas si lointain où M.Fabius, qui paraissait alors avoir mangé du lion, tonnait Urbi et Orbi contre « Bachar» (maintenant il l’appelle de nouveau Monsieur Bachar al-Assad …) qui, selon l’hôte du Quai d’Orsay, «n’en avait plus que pour quelques mois» … A l’époque, MM. Hollande et Fabius, tous deux alors très va-t’-en-guerre, voulaient même « bombarder» (là on employait carrément ce mot …) les lieux du pouvoir syrien, et impliquer dans ce projet très guerrier les Etats-Unis d’Amérique, lesquels se débinèrent, laissant les deux dirigeants français tout penauds, seuls au milieu du gué .

    Le résultat de ces pas-de-clercs (pas brillant, pour de vieux routiers de la politique comme Hollande et Fabius), de ces erreurs graves, ce fut le visage ravagé de Laurent Fabius offert par toutes les télévisions de la planète en ce début d’automne. Naguère, en France, quand un ministre était à ce point désavoué par les faits, il démissionnait ou était «démissionné». Ce n’est apparemment plus le cas. M. Fabius a donc mangé son chapeau, comme on dit vulgairement. Espérons qu’il le digèrera !

    En marge de toute légalité internationale- que ne dirait-on pas si un Etat arabe venait se mêler militairement d’un problème européen ?!-, la France bombarde donc maintenant la partie syrienne de l’entité daechiste. Elle a déjà jeté 215 tapis de bombes, ces derniers mois, sur de présumées installations militaires relevant en Irak du «calife de Raqqa et Mossoul», actes de guerre qui ne semblent pas avoir fait reculer d’un pouce, territorialement ou diplomatiquement, les islamistes armés, lesquels sont en train benoîtement d’émettre leur propre monnaie et ont reçu allégeance de consistants groupes jihadistes du Caucase au Nigéria via la Libye … 

    Non seulement les « frappes» françaises sur la Syrie ont peu de chance d’entraîner des reculs importants de Daech sur le terrain mais elles risquent fort de raviver des drames historiques, oubliés dans une France autruche qui n’apprend plus l’histoire de ses aventures outre-mer, histoire restant en revanche à fleur de mémoire dans un pays hypernationaliste comme la Syrie. Je l’appris d’ailleurs à mes dépens, sous la dictature de Hafez al-Assad, père de Bachar, lorsque je publiai la liste des sévices pratiqués dans les prisons du régime baassiste . Je fus interdit de séjour à Damas, comme journaliste français « ayant oublié les horreurs du colonialisme français en Syrie » … 

    Paris, en effet, entre 1920 et 1945, exerça un « mandat » de la Société des Nations (l’ONU de l’époque) sur la Syrie et le Liban, anciennes provinces ottomanes que la France devait « préparer à l’indépendance ». Cette préparation fut ardue, ponctuée  déjà de révoltes et bombardements. Et cela ne va pas tarder sans doute à être rappelé vertement à la France actuelle, surtout si des populations civiles sont victimes de « dommages collatéraux », causés par des avions français: il y a tout de même six ou sept millions de personnes vivant à présent sous l’autorité de Daech ! 

    Je tiens à préciser que, malgré mes démêlés journalistiques avec al-Assad père, j’ai toujours estimé qu’al-Assad fils, tout dictateur qu’il est, constitue actuellement un moindre mal et pour son pays et pour le reste du Proche-Orient. 

    Ce que personne sans doute ne dira, de peur de remuer encore le couteau dans la plaie d’amour-propre de M.Fabius, c’est que ce soutien indirect mais soutien tout de même, que Paris apporte désormais au régime damascène, n’est au fond qu’un retour vers le passé  pour la famille al-Assad et Paris. Retour bien plus en arrière encore que l’invitation acceptée du président Sarkozy à son homologue Bachar al-Assad à assister, le 14 juillet 2008, au grand défilé militaire national de Paris. Dans les années 1930, le grand-père de Bachar fut le chouchou des autorités mandataires françaises en Syrie, un peu, comme à la fin de la période protectorale au Maroc, le Glaoui fut « l’homme de la France » à Marrakech. Cet aïeul syrien, en compagnie d’autres notables locaux, demanda avec insistance à Paris de rester au Levant, de peur qu’en cas d’indépendance de la Syrie, la majorité sunnite n’exerce des représailles sur la minorité noçairie (dite aussi « alaouite » à cause de son attachement au calife Ali, gendre du prophète Mohamed). Cette minorité, plus ou moins chiite, il est vrai longtemps défavorisée, fut mise en selle par des officiers français des Affaires indigènes syriennes. Un « Etat autonome » du Djebel-Alaouite fut même installé durant quelques années par les Français autour de Lattaquié pour rassurer les Noçairis. Tout cela aboutit, en 1970, à la prise du pouvoir à Damas par le clan Assad. Verra-t-on de nouveau un jour un al-Assad « ami de la France ? » Pas impossible ! Si l’Histoire ne se répète pas, elle ne peut s’effacer. 

    Péroncel-Hugoz - Le 360

  • Syrie : les dessous de l’intervention russe

    Photo: Sipa

    Entretien avec Fabrice Balanche

    L'entretien qui suit avec Fabrice Balanche - entretien paru dans Causeur - prolonge très utilement la chronique de Péroncel-Hugoz qui précède.  

    Spécialiste de la Syrie, notamment de la région côtière alaouite, Fabrice Balanche est directeur du Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Méditerranée et le Moyen-Orient à l’université de Lyon-2. Il analyse les raisons de l’intervention russe en Syrie et décrypte le grand jeu à l’œuvre dans ce pays… dont la France est exclue.

    Daoud Boughezala. Depuis son déclenchement la semaine dernière, la campagne de bombardements russes en Syrie a provoqué une escalade de tensions avec la Turquie et l’ensemble de l’OTAN. Que cherche Poutine en bombardant les groupes d’opposition armés syriens ?

    Fabrice Balanche. Vladimir Poutine a deux objectifs en Syrie. D’une part, installer durablement les troupes russes dans la région alaouite, sur la côte méditerranéenne. D’autre part, renforcer Bachar Al-Assad en vue de futures négociations sur l’avenir du pays. Les groupes d’opposition armés, des dernières brigades de l’Armée syrienne libre à Daech, sont frappés par Moscou non pas en fonction de leur idéologie, mais de la menace qu’ils représentent pour accomplir ces objectifs. C’est pour cette raison que l’aviation russe a, jusqu’à présent, peu ciblé Daech, dont le territoire se situe à l’Est de la Syrie, mais davantage, Al-Nosra et les groupes alliés de la branche syrienne d’Al-Qaïda, ce qui représente en nombre plus de 80% des rebelles. Les 20% restants se trouvent surtout dans le sud de la Syrie, où le soutien américain les oblige à demeurer « fréquentables » sur le plan idéologique.

    Les vives protestations de l’OTAN signifient-elles que l’Occident, France en tête, soutient tacitement les groupes d’opposition armée à Assad autres que l’Etat islamique, fussent-ils alliés ou affiliés à Al-Qaïda ?

    François Hollande a demandé à Vladimir Poutine de ne frapper que Daech, comme le fait la coalition occidentale. Hormis quelques bombardements en juillet 2014 sur Al-Nosra et Ahrar es-Sham, les Etats-Unis évitent de s’en prendre aux deux piliers de «  l’Armée de la conquête », une coalition islamiste financée par l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie en vue de faire tomber Bachar Al-Assad. Cette coalition a enregistré d’importants succès au printemps dernier en s’emparant de la province d’Idleb et en menaçant Lattaquié, dans la région alaouite. Les Occidentaux espéraient que cela amènerait Bachar Al-Assad à négocier en position de faiblesse et à abandonner le pouvoir, comme le réclame François Hollande. L’intervention russe met fin à leurs espoirs. L’Occident pensait naïvement qu’il suffirait d’entretenir un conflit de basse intensité en Syrie pour affaiblir l’armée syrienne. C’était sans compter le désastre humanitaire et ses conséquences en termes de migrations pour l’Europe, les attaques terroristes qui se multiplient et le déploiement de troupes russes et iraniennes en Syrie. Car il était évident que les deux alliés de Bachar Al-Assad que sont la Russie et l’Iran allaient finir par intervenir directement.

    En ce cas, pourquoi la Russie a-t-elle tant tardé à s’engager militairement sur le terrain syrien ?

    La Russie attendait que le moment soit favorable sur le plan géopolitique. Les Etats-Unis sont en position de faiblesse à l’extérieur car ils entrent en campagne électorale. Barack Obama a tout fait pour désengager les Etats-Unis d’Irak et d’Afghanistan, ce n’est pas pour se lancer dans une aventure militaire en Syrie. Quant aux Européens, ils sont tétanisés par le flux de réfugiés et le risque terroriste. Ils souhaitent que le conflit s’arrête quelle que soit l’issue, y compris le maintien au pouvoir de Bachar Al-Assad, pour une période de transition politique, qui est évidemment appelée à durer. L’accord sur le nucléaire iranien a été entériné, ce qui laisse plus de marge de manœuvre à Téhéran pour également intervenir en Syrie et en Irak, comme en témoigne l’annonce d’une coordination du entre Téhéran, Bagdad, Damas et Moscou contre Daech, prélude à une coalition concurrente de celle mise en place par les Etats-Unis.

    Sur le plan intérieur, le gouvernement syrien est fragilisé, son armée fatiguée est réduite par des pertes qu’elle ne parvient pas à compenser par les recrutements. Et au niveau local, la menace d’une attaque des rebelles sur Lattaquié, au nord de la côte méditerranéenne où précisément la Russie veut installer ses bases militaires, a obligé Vladimir Poutine à réagir. Il fallait aussi que Bachar Al-Assad soit en position de faiblesse pour qu’il accepte les conditions russes, car jusqu’à présent, même s’il était dépendant de la Russie pour son approvisionnement militaire, il refusait l’installation des troupes russes sur son territoire : question de fierté.

    Paradoxalement, à mesure qu’il se recroqueville sur son pré carré territorial (la fameuse “Syrie utile” de Damas à Lattaquié), le régime syrien semble regagner en respectabilité internationale. Néanmoins, les différentes conférences de la paix entre Damas et l’opposition  pacifique ont-elles une chance d’aboutir à une pacification sur le terrain ?

    L’opposition pacifique syrienne vit dans un monde virtuel, complètement déconnecté de la réalité du terrain, sans aucun levier sur les groupes militaires. Pourquoi Damas négocierait-il avec ces groupes ? Ceux-ci sont soutenus à bout de bras par les Occidentaux, la Turquie et les pétromonarchies qui ont besoin de conserver une opposition politique pour d’éventuelles négociations. Devant l’impossibilité de trouver une alternative politique à Bachar Al-Assad et face à la menace djihadiste, le principe de réalité s’impose à beaucoup de pays, tel l’Allemagne, en première ligne de la vague migratoire venue de Syrie. Désormais, l’Occident veut préserver les institutions syriennes et ramener le calme dans le pays. Le maintien d’un conflit de basse intensité, comme le souhaite la France, est devenu beaucoup trop coûteux pour l’Union Européenne, car c’est cette dernière qui accueille les réfugiés syriens et non les pétromonarchies du Golfe qui financent la rébellion. Mais pour pouvoir traiter avec Bachar Al-Assad, il faut redorer son image, il en va de la crédibilité des dirigeants, qui après l’avoir conspué, vont devoir renouer officiellement avec lui.

    Rétrospectivement, les anathèmes d’Assad contre ses opposants, qu’il a assimilés à des “terroristes” dès le début de la crise au printemps 2011, se sont révélées être des prophéties autoréalisatrices : grâce à l’expansion de l’État islamique, le pouvoir syrien se pose en ultime recours. Laurent Fabius n’a-t-il pas raison de faire de Daech et de Damas des alliés objectifs ?

    La politique de Laurent Fabius sur la Syrie est un échec total. Il a eu tort sur toute la ligne. C’est pour cette raison qu’il a été quelque peu dessaisi du dossier par le Président de la République début septembre. Notre ministre des Affaires étrangère réécrit l’histoire de la crise syrienne pour justifier ses positions. Il affirme ainsi  que si nous avions bombardé Damas en septembre 2013, les rebelles modérés auraient pris le pouvoir et Daech n’aurait jamais existé. Hubert Védrine dans une excellente tribune dans Libération a répondu que rien n’était moins sûr. Je partage tout à fait son avis : nous aurions tout simplement eu Daech à Damas. Le communautarisme et le salafisme radical ne sont pas nés en 2011, sous l’impulsion d’un régime machiavélique. Ils sont constitutifs de la société syrienne et ne demandaient qu’à s’exprimer au grand jour. Certes, Bachar Al-Assad a joué avec ce qui lui permettait de fragmenter l’opposition. Mais si Damas et Daech sont des alliés objectifs, dans ce cas Israël et le Hamas le sont également, sans oublier les Etats-Unis et la Russie, et en son temps François Mitterrand et Jean-Marie Le Pen. Ce genre de raccourci est indigne d’un ministre des Affaires étrangères. Cependant, après avoir affirmé pendant deux ans que Bachar Al-Assad avait créé Daech, prétendre aujourd’hui qu’ils ne seraient plus que des alliés objectifs témoigne d’une certaine inflexion de la diplomatie française ! 

    Entretien par Daoud Boughezala, rédacteur en chef de Causeur.

     

  • TV • Finkielkraut chez Ruquier

     

    par Nicolas Julhiet

    Venu présenter – et donc défendre – son nouvel essai La seule exactitude, Alain Finkielkraut s’est installé dans le fauteuil de l’invité chez Ruquier, samedi soir, dans On n’est pas couché. Sensiblement moins théâtral que sur d’autres plateaux, il n’en est pas moins resté très didactique offrant une leçon de rhétorique aux téléspectateurs. Comme toujours dans cette émission, l’actualité commande le déroulé et, au-delà du livre, l’académicien était soumis aux questions sur Nadine Morano, la notion de race ou, encore, les migrants et l’Islam. Des sujets qu’il connaît, qu’il maîtrise et pour lesquels sa pensée le fait, irrémédiablement, passer dans le camp des réacs. Estimant, pour forcer le trait, que c’était mieux avant et que l’on se dirige collectivement vers du moins bien, sur tous les plans, de la politique à la culture, Alain Finkielkraut a, plus précisément, dénoncé l’hystérie collective sur les migrants, l’absurdité des dénonciateurs de l’islamophobie et les fossoyeurs de l’école dite républicaine.

    A côté des deux chroniqueurs (Moix et Salamé), se tenait un autre invité qui trépignait pour intervenir. Son nom : Thomas Guénolé, un politologue dont le crâne est aussi lisse que la pensée. Visiblement agacé de ne pas arriver à sortir de l’anonymat, malgré sa présence dans plusieurs médias, il a tenté d’instruire un procès à charge contre le philosophe pour apparaître tel un saint Georges – à rose et non à croix – terrassant le dragon réac’ pour faire lever les foules et gagner le cœur des conscientisés. Hélas, l’homme s’est complètement ramassé, ne récolant même pas de maigres applaudissements. Pire, son accusé a tout juste pris la peine de lui répondre, préférant lui adresser d’immenses soupirs. Il faut, en revanche, saluer sa lucidité : sentant la bête lui échapper, il s’est abstenu d’intervenir à nouveau. Qu’il en soit remercié.

    Pour le reste, pas grand-chose à retenir. Du name-dropping à tout va – c’était à celui qui déclamerait la plus belle citation -, des sempiternels échanges sur les Juifs et les Musulmans ou sur les progressistes et les conservateurs où chacun campe sur ses positions en accusant l’autre parti d’incarner la pensée dominante. Bref, un bon vieux débat entre républicains. 

  • A DROITE TOUTE ?

    Pourquoi les jeunes sont passés à droite (une analyse du Figaro)

     

    Par François Marcilhac 

     

    500021990.jpgLe Reich pour mille ans, la société communiste universelle réalisant l’histoire, le village mondial l’abolissant — mais réaliser ou abolir l’histoire n’est-ce pas la même chose, puisque c’est refuser dans l’un et l’autre cas sa dimension tragique ? : les utopies sont destinées à mourir. 

    La première a disparu dans la catastrophe mondiale qu’elle avait engendrée ; la deuxième, qui ne tenait plus que par la rouille de sa propre corruption et de son propre mensonge, s’est effondrée sur elle-même, et déjà, celle qui se vante de lui avoir succédé, se fissure de toutes parts. Le XXIe siècle sera bien celui du retour de l’histoire, ou plus exactement, car elle ne s’est évidemment jamais absentée, celui du retour de la conscience pleine et entière que l’humanité ne peut pas échapper à l’histoire. L’ « Occident » avait inventé l’utopie, qui lui servit de prétexte pour apporter les Lumières à l’humanité et l’y asservir sous prétexte de l’émanciper : le reste du monde, tant qu’il ne put échapper à sa domination matérielle, fit semblant d’y croire. Avec, d’un côté, le reflux colonial, et, de l’autre, la disparition de l’enfer soviétique, le message occidental, dont le matérialisme millénariste s’était substitué à l’eschatologie chrétienne, s’est dissous : les nations ont partout repris leur droit. Les nations européennes sont évidemment les dernières à recouvrer le chemin de l’histoire, sclérosées qu’elle sont encore par cet ersatz d’utopie qu’est l’Union européenne. Mais le défi migratoire, la confrontation avec un islam bien concret, alors que les peuples européens avaient cru pouvoir réduire la religion à l’état d’ectoplasme, ou encore le retour des logiques nationales, dont la Russie donne un solide exemple, tout, aujourd’hui, concourt à ouvrir les yeux des Européens, notamment des Français.

    Dans Le Figaro du 25 septembre dernier, Natacha Polony se demande pourquoi Libé ou Le Monde s’en prennent avec une telle violence à des intellectuels pourtant de gauche qui constatent le retour du refoulé et en prennent acte, sans nécessairement s’en réjouir. Et de juger que « le crime de Michel Onfray, de Jacques Sapir ou de quelques autres intellectuels cloués au pilori porte un nom : le souverainisme ». Elle a raison de pointer cette haine du « peuple souverain » de la part d’une France oligarchique de gauche — « le libéralisme est de gauche » a récemment rappelé Emmanuel Macron — qui a toujours méprisé un peuple que le projet européen a l’immense avantage de neutraliser, englué qu’il serait dans ce que la philosophe Chantal Delsol caractérise comme une « idiotie » impardonnable aux yeux des cosmopolites : le désir d’enracinement. Mais il faut comprendre que le mythe du « peuple souverain » n’a été, lui-même, depuis la Révolution, que le mensonge derrière lequel l’oligarchie s’est dissimulée pour priver le pays réel de ses droits réels, le premier de ces droits — et le dernier visé — étant précisément celui de vivre dans une pays libre et souverain, c’est-à-dire indépendant. Il est amusant, à ce titre, que Natacha Polony écrive dans le journal qui n’est que le pendant « de droite » de Libé et du Monde : que je sache, Le Figaro, s’agissant notamment du « non » des Français au traité constitutionnel, a témoigné du même mépris que ses confrères « de gauche » pour le « peuple souverain », un mépris que nous avons le droit de qualifier de classe, les intérêts de l’oligarchie ignorant les frontières tant politiques que nationales.

    Le vrai crime de Michel Onfray, de Jacques Sapir ou encore de Christophe Guilluy se penchant sur la France périphérique, est précisément de commencer à s’apercevoir, contre leur propre tradition idéologique, à la faveur notamment, mais pas uniquement, d’une réalité migratoire qu’ils se mettent à interroger, que derrière un peuple souverain conceptuel, hors-sol, existe un peuple de chair, qui s’interroge, qui souffre, voire qui refuse sa disparition programmée. Et qui le traduit dans les urnes. D’autant que, contredisant les fausses niaiseries cosmopolites et renforçant la problématique liée à l’identité française, « l’attitude des migrants est d’autant plus troublante que ceux-ci semblent refuser l’intégration, et même manifester un certain mépris pour la population autochtone », remarque Vincent Tournier, politologue, dans Le Figaro du 24 septembre, commentant un récent sondage (Elabe pour Atlantico) selon lequel 35% des 18-24 ans se positionnent à droite et 17% seulement à gauche. En 2012, les jeunes s’étaient surtout portés sur François Hollande, qui, durant sa campagne, avait fait de la jeunesse la «  priorité  » numéro un de son quinquennat. Il est vrai que, une fois président, il en a été de son amitié pour la jeunesse comme de son inimitié pour la finance : trois ans après son élection, la finance est toujours au pouvoir et la jeunesse toujours au chômage. « Dans le même temps, les crispations sont très fortes au sujet de la place de l’Islam en France et ce n’est pas sans conséquences sur l’attachement aux racines ou à l’héritage judéo-chrétien de la France, davantage revendiqué qu’il y a quelques années », commente pour sa part le politologue Yves-Marie Cann (Atlantico, 23 septembre). Et ce au moment où d’autres intellectuels de l’établissement, comme Pierre Manent, dénoncent l’inanité de la laïcité et des valeurs républicaines pour répondre au défi existentiel auquel nous sommes confrontés.

    Ainsi cette droitisation de la France, voire cette droitisation de la droite, qui touche principalement la jeunesse, doit être analysée comme une lame de fond de la société, destinée à renverser les réflexes pavloviens que l’élite politique, intellectuelle et médiatique croyait définitivement ancrés chez les Français, notamment chez les jeunes qu’on avait pensés, par paresse intellectuelle, surtout depuis 1968, nécessairement de gauche et béatement « ouverts sur le monde » et à toutes les révolutions sociétales — ce qu’a contredit la jeunesse de La Manif pour tous. Parmi les politiciens, Sarkozy a été le premier à le comprendre mais également à trahir l’espérance d’un changement non seulement de discours mais aussi de politique. Car la « droite » n’a plus à offrir que des décennies de trahison morale et intellectuelle au profit d’une gauche conquérante qui l’avait à ses propres yeux ringardisée.

    A nous de révéler la contre-révolution spontanée que le mot maladroit de « droitisation » révèle derrière son masque politicien. Et de la répandre dans toutes les sphères de la société.

    François Marcilhac - L’Action Française 2000

     

  • Éric Zemmour : « Tout le monde en France a été, est ou sera anti-gaulliste »

     

    ZemmourOK - Copie.jpgDans la chronique qui suit [vidéo], Éric Zemmour resitue « l'affaire Morano » dans sa perspective historique, considérée sous ses différents plans : sous l'angle politique - voire politicien; du point de vue de l'histoire des idées; et même sous l'aspect linguistique ou sémantique des choses, notre époque ayant banni l'emploi de mots jadis courants et frappés, désormais d'interdit. Interdits ou tabous qui se veulent d'ordre moral alors qu'ils ne sont en général que de simples dénis de réalité. En prenant ainsi de la hauteur, Eric Zemmour donne à l'affaire Morano un intérêt réel qui, sans cela, lui aurait de toute évidence manqué et n'aurait été qu'un banal conflit électoral, une querelle de boutiques concurrentes. LFAR  • 

     

     

     

     Le commentaire de RTL :

    « C'est l'un des charmes de la vie politique française que de s'étriper autour des tombeaux : une citation de Napoléon, de Jaurès ou de Clemenceau, et le feu prend dans la savane ! », fait remarquer Éric Zemmour à propos de l'affaire Nadine Morano. « Comme on ne peut toucher au général de Gaulle, devenu depuis sa mort une icône, on s'en prend violemment à celle qui le cite », poursuit Zemmour. Il explique que « De Gaulle appartient à une génération qui n'avait pas peur d'employer le mot race », et que c'est parce qu'il ne partageait pas le « rêve assimilationniste et universaliste » qu'il avait accordé l'indépendance à l'Algérie. « La transformation inouïe de la population française repose la question que De Gaulle croyait avoir écartée à jamais. »

     

  • L'injonction légitime de Philippe de Villiers au monde politico-médiatique

    Source Boulevard Voltaire

     

    Philippe de Villiers est ancien ministre, député et président de la Vendée. Il est également le fondateur du Puy du Fou, et l’auteur d'un nouveau livre, Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, ouvrage qui revient sur trente ans de vie politique. Mais c'est l'engagement actuel de Philippe de Villiers qui compte désormais. Ce qu'il réalise à tous égards de merveilleux au Puy du Fou. Ses grands récits historiques. Sa réflexion et sa parole sur la France. Engagement qui se situe hors du Système et résolument contre lui. « A la maurrassienne » aurait dit Boutang. LFAR   

     

    Ce livre dénonce un monde politique putréfié… Avez-vous admiré un seul homme politique ? 

    Tous ceux qui ont dit la vérité sont partis, de gré ou de force. Seuls les menteurs sont restés. 

    Ceux qui n’ont cessé de répéter qu’avec plus de musulmans il y aurait moins d’islamistes, avec moins de frontières plus de sécurité, avec plus d’Europe plus de prospérité… Ceux qui prétendent aujourd’hui qu’Assad est le danger numéro un parce qu’ils sont vendus au Qatar et à l’Arabie saoudite… 

    J’ai admiré des gens dans ma vie, qui avaient une colonne vertébrale et donc une pensée, une logique, une droiture. Pas dans la classe politique française. 

    J’ai quitté la vie politique parce que je considérais alors que la parole métapolitique était plus efficace. Je ne supportais plus le protocole compassionnel qui régit la vie politique : qui pleure le plus est le mieux élu… Les hommes politiques sont devenus des visiteurs de crash, des sous-stars du show-biz qui ne vivent que du mensonge et de la dissimulation.  

    Avec le temps, je me suis dit que j’avais un message à faire passer aux jeunes pour les encourager à devenir une génération de dissidents. 

    Comment devient-on un dissident ? 

    Un jour, Soljenitsyne m’a dit : « Vous, les Européens, êtes dans une éclipse de l’intelligence. Vous allez souffrir. Le gouffre est profond. Vous êtes malades. Vous avez la maladie du vide », mais il a également ajouté : « Le gouffre s’ouvrira à la lumière, de petites lucioles dans la nuit vacilleront au loin […] Aujourd’hui, les dissidents sont à l’Est, ils vont passer à l’Ouest. »  

    Les dissidents sont ceux qui marchent à tâtons dans la France effondrée sur elle-même et submergée de l’extérieur : ils cherchent les murs porteurs. 

    Les hommes politiques refusent de trouver des solutions parce qu’ils sont vendus au mondialisme qui nécessite la destruction de tous les attachements vitaux.  

    La dénonciation de la mondialisation est un sujet important de votre livre…  

    Derrière les mensonges, j’ai vu la haute trahison. Cette conjonction inouïe entre les intérêts de certains et l’idéologie des autres. D’un côté la recherche d’un marché planétaire sans frontière, de l’autre l’idéologie d’un homme nomade, désaffilié, désexué, atomisé. 

    Depuis Mai 68, le « no frontière » des libéraux s’est associé au « no limite » des libertaires pour desceller toutes les pierres angulaires.  

    C’est, par exemple Giscard, fil spirituel de Cohn-Bendit, qui a organisé le chassé-croisé destructeur entre l’avortement de masse et l’immigration de masse. Un jour, mon ami Jérôme Lejeune m’a dit : « Ne lâchez pas sur l’avortement, c’est la vie qui commande tout. » L’avortement a servi de passeport à toutes les transgressions qui ont peu à peu permis la déshumanisation du monde par l’effacement planifié du visage de l’homme.  

    Les élites mondialisées que je dénonce ont abattu tous les murs porteurs de la France.  

    Lorsque j’aborde la question de l’Europe, je m’arrête sur la pensée de Jean Monnet : son but n’était pas de créer une superpuissance mais de déconstruire les nations pour offrir l’Europe au marché planétaire de masse. 

    Pour faire advenir le consommateur compulsif recherché par les marchés américains, il fallait tout détruire : la famille, la nation, les frontières… Il faut maintenant reconstruire, entièrement. 

    La réponse doit être radicale, et se concentrer sur deux réalités : la famille et la patrie charnelle, qui sont nos attachements vitaux. 

    Par où commencer cette reconstruction ? 

    Il y a aujourd’hui deux mots interdits que sont la patrie et la nation.  

    La patrie est la terre des pères, la paternité. La nation, c’est la naissance, la maternité… 

    Comment êtres frères sans père ni mère ? 

    Le drame que subit la France est double : ils ont attaqué la famille, et la famille des familles qu’est la nation. Cette dernière est un héritage, il faut le réaffirmer : la nation se reçoit, elle ne se choisit pas ! 

    Il faut affronter ces élites mondialisées qui n’ont cessé de détruire le peuple réel, la communauté nationale, la haute mémoire, la famille et finalement la France.  

    Vous avez vous-même quitté la politique dégoûté… Que faire, concrètement ? 

    Ils veulent fabriquer des atomes urbains et manipulables, à nous de former des générations de tempéraments autonomes, s’exercer à l’insurrection de l’esprit ! 

    Il faut multiplier les isolats de la résistance, créer des écoles hors contrat, lancer des associations indépendantes qui développent des pensées droites et assurent la transmission, la réaffiliation et l’enracinement. 

    Il faut défendre le caractère sacré de la vie, la filiation comme repère, la nation comme héritage, les frontières comme ancrage et le rêve français comme fenêtre sur le monde.  

    Nous sommes revenus au temps des catacombes et chacun doit veiller à sa petite luciole, pour que la flamme ne s’éteigne surtout pas. Ceux qui n’ont plus d’espoir sont ceux qui n’ont plus de solution. 

    Quand je vois ce qu’est devenu le Puy du Fou qui était exactement créé dans cet esprit d’indépendance, je réalise que c’est faisable ! Cette dissidence-là finira par faire exploser le système. 

    Un mot pour la fin ? 

    J’ai été un homme politique, je ne le suis plus et ma parole est libre. J’ai écrit avec une plume de feu, n’en pouvant plus de voir la France mourir.  

    Je suis heureux là où je suis aujourd’hui, je n’ai pas besoin de notoriété mais il faut comprendre ce livre comme un appel aux avilisseurs de tous bords : reprenez-vous, ne touchez plus à la France, cessez de la massacrer ! 

    J’ai quitté la vie électorale mais la passion de la France, aujourd’hui souffrance, ne m’a jamais quitté. 

    Ce livre n’est pas une démonstration, c’est un battement de cœur.  

    Propos recueillis par Charlotte d’Ornellas

     

    Le moment est venu de dire ce que j’ai vu