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Déclin irréversible ou mutation en profondeur ? Dans un livre dont la riche iconographie donne à voir la multiplicité de ses visages, Jean Sévillia dresse le portrait d’une France catholique (Michel Lafon) héritière de deux mille ans d’histoire.
Parler du catholicisme aujourd’hui, c’est d’abord poser le constat d’une déchristianisation d’une nature inédite. Comment expliquez-vous un tel effondrement de la foi et des vocations religieuses ?
« L’homme moderne vit comme si Dieu n’existait pas », disait Jean-Paul II. Les causes de la crise spirituelle de l’Occident sont nombreuses. Pour la France, je retiens surtout la cause sociologique avec le passage, au xixe siècle, d’une civilisation rurale, socle populaire de l’Eglise de France pendant des siècles, à une civilisation urbaine au monde ouvrier très vite déchristianisé. Mais ce constat doit immédiatement être nuancé car, paradoxalement, c’est aujourd’hui dans les villes que l’Eglise se reconstruit. A Paris, à Lille, à Lyon, à Nantes, à Toulouse, un noyau actif de paroisses vivantes redonne au catholicisme français un dynamisme certain tandis qu’il continue de décroître dans les campagnes qui deviennent un véritable désert spirituel. Dans moins de dix ans, certains diocèses n’auront plus que dix prêtres en âge d’être en activité !
L’Eglise de France n’échappera pas à une réforme profonde de son organisation ecclésiale en tenant compte de ces nouvelles caractéristiques : elle est aujourd’hui moins populaire et plus citadine.
On entend souvent dire que l’Eglise de France manque de moyens…
Comparée à son homologue allemande et à ses 5 milliards d’euros de budget, elle paraît en effet presque misérable : 700 millions de budget, c’est peu ! Pour autant, taraudée par des questions existentielles et fragilisée par un nombre de vocations famélique, l’Eglise allemande est confrontée à de graves problèmes que la France semble avoir surmonté. La mobilisation contre le mariage homosexuel, même si elle se voulait aconfessionnelle, l’a suffisamment démontré : chez nous, les catholiques sont présents dans les débats de société.
Certes, la loi n’a pas été abrogée, mais les Manif pour tous ont soulevé un certain nombre de questions fondamentales qui travaillent désormais en profondeur l’ensemble de la société. Surprise ! à force d’entendre parler du déclin de la pratique religieuse, on avait fini par croire que le catholicisme français était en voie de disparition…
Ce qui est loin d’être le cas si on en croit votre livre…
Un certain discours médiatique fait tout ce qu’il peut pour effacer la dimension catholique de notre histoire et de notre culture. Mais malgré une conception de la laïcité particulièrement agressive à son égard, malgré le « fait musulman » qui tend à accaparer les esprits, le substrat chrétien de notre pays est encore solide. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil à la toponymie française… Et si les catholiques se sont longtemps auto-persuadés qu’ils étaient minoritaires, le fait est que 56 % des Français se réclament de cette confession. Il y a aujourd’hui 44 millions de baptisés en France, les deux tiers de la population. J’appelle cela une majorité ! Certes, beaucoup ne mettent jamais les pieds à la messe. Mais avec 3 millions de pratiquants réguliers et 10 millions de pratiquants occasionnels, les catholiques n’en constituent pas moins la première minorité religieuse du pays.
Peut-on dresser un portrait-robot du catholique français du XXIe siècle ?
Les travaux sociologiques menés sur le sujet témoignent d’une multiplicité de profils avec toute sorte de nuances intermédiaires. Mis à part le catholique d’éducation, peu ou pas pratiquant et modérément en phase avec le discours de l’Eglise, je pense pour ma part qu’il est possible de distinguer trois grandes catégories de catholiques.
La première regroupe les pratiquants irréguliers ou occasionnels, attentifs aux propos du pape mais revendiquant un point de vue critique et une liberté de conscience vis-à-vis du magistère. Ceux-là votent parfois à gauche mais plus souvent au centre ou à droite. Deuxième catégorie : une grosse minorité, vieillissante, qui a vécu dans sa jeunesse le concile Vatican II et son espérance d’un printemps de l’Eglise avec passion. Encore très présente dans les paroisses, cette génération décline cependant rapidement. Politiquement, elle penche plutôt à gauche. La troisième catégorie forme un noyau dur de fidèles totalement engagés dans l’Eglise de France. On l’a longtemps qualifiée de « génération Jean-Paul II » mais, en réalité, elle rassemble aujourd’hui au moins trois générations Jean-Paul II et une génération Benoît XVI. Celle-là regarde à droite ou préfère s’abstenir par défiance envers le personnel politique. à cette troisième catégorie peuvent être agrégés des profils aux sensibilités particulières, comme les charismatiques et les traditionnalistes.
Quelles sont les différences fondamentales entre ces deux dernières catégories de catholiques pratiquants ?
La première privilégie le rôle des laïcs dans l’Eglise : pour elle compte avant tout l’engagement social des chrétiens – terme qu’elle préfère à celui de catholique – et le dialogue avec le monde. La deuxième aborde sa foi comme une source spirituelle pouvant éventuellement conduire à un engagement temporel à condition qu’il soit en phase avec le discours de l’Eglise et de la papauté. L’une, pénétrée de la notion de « peuple de Dieu », se réclame de « l’enfouissement dans le monde » ; l’autre, pour qui la foi est une réalité prégnante de la vie personnelle, affiche sans complexe son catholicisme.
Il semble cependant que le temps a apaisé les conflits nés des évolutions internes que l’Eglise a connues depuis la guerre et les années 60. Êtes-vous sûr que cette catégorisation entre « progressistes » et « conservateurs », pour parler simplement, ait encore une consistance ?
Elle s’observe toujours, surtout dans les paroisses rurales. Mais, vous avez raison, les différences ont tendance à s’estomper. Le drame de la génération Vatican II, c’est que ses enfants ne vont plus à la messe et que ses petits-enfants ne sont même plus baptisés… Elle n’a pas su léguer un héritage. à côté de cette génération vieillissante et sans postérité, la génération dite « Jean-Paul II » a, au contraire, engendré une jeunesse qui tend à réaffirmer sa spécificité catholique, notamment au travers d’une pratique religieuse très importante. Une étude a montré que parmi les 50 000 jeunes français participant aux JMJ de Madrid en 2011, 6 % disaient aller à la messe… tous les jours ! C’est un pourcentage considérable, presque inimaginable même pour un catholique convaincu qui a eu 20 ans dans les années 70… L’avenir semble donc être à une Eglise plus resserrée et plus homogène : certes, des sensibilités différentes y cohabitent, mais de façon beaucoup moins conflictuelle qu’autrefois.
Vous insistez sur le poids et l’importance des communautés nouvelles. Est-ce particulier à la France ?
L’expression « communautés nouvelles » n’a plus tellement de sens dès lors que certaines d’entre elles ont plus de quarante ans d’ancienneté. Issues pour la plupart d’entre elles du Renouveau charismatique apparu en France à la fin des années 60, elles ont su enrichir l’Eglise de leur spiritualité propre. Un chiffre pour dire leur poids : depuis 1975, un million de personnes sont passées par les sessions de formation organisées par l’Emmanuel à Paray-le-Monial ! Toutes ces communautés ont aujourd’hui une présence internationale mais c’est en France qu’elles sont nées.
Et les traditionalistes ?
Le mouvement traditionaliste est également né en France où son influence est réelle. Il n’y a pas d’équivalent dans d’autres pays du pèlerinage de Chartres – relancé en 1983 par l’association traditionaliste Notre-Dame de Chrétienté – dont on sait qu’un tiers seulement des pèlerins sont des fidèles du rite extraordinaire. De ce point de vue, le monde de la tradition est missionnaire. Sa force vient de son réseau de familles, jeunes et nombreuses.
Finalement, le tableau que vous dressez est globalement positif et invite à l’optimisme…
Au Vatican, on observe ce qui se passe en France avec beaucoup d’attention. Et pas seulement en raison du succès des mobilisations de 2013 pour la défense de la famille. Que ce soit dans les communautés charismatiques, chez les fidèles de la forme extraordinaire et, plus généralement, dans la jeunesse des paroisses nourrie par la prière et qui a soif de formation, beaucoup de signes d’un renouveau du catholicisme occidental proviennent de notre pays. De jeunes prêtres charismatiques et de jeunes intellectuels originaux font entendre leur voix. Et nous avons des familles nombreuses – phénomène spécifiquement français – pourvoyeuses de vocations. Bref, il y a là comme un petit miracle français : dans la grave et profonde crise spirituelle traversée par l’Occident, notre patrie reste fidèle à sa vocation de « fille aînée de l’Eglise ». •
La France catholique, de Jean Sévillia, Michel Lafon, 237 p., 29,95 euros.
Jérôme Leroy : Jean-Baptiste Baronian dévoile l’exubérance de nos voisins
On se sera aperçu que nous aimons les textes et l'écriture de Jérôme Leroy. Il s'agit ici, à travers l'ouvrage de Jean-Baptiste Baronian, qui vient de paraître, de la Belgique, de sa littérature, de sa culture, de ses particularités, notamment linguistiques, de son histoire, et des petites nations préférées aux empires... Nous ne sommes pas concernés : La France n'est pas un gros empire. Et nos amis lecteurs belges nous diront peut-être ce qu'ils en pensent ... LFAR
Longtemps, pour moi, la Belgique d’abord a été une manière de province mentale, d’état d’esprit qui m’a révélé une certaine aptitude à la rêverie et même à la mélancolie. Cela a sans doute commencé avec les vignettes de certains albums d’Hergé, celles où justement on reconnaît des rues de villes belges. Elles ressemblent à des rues françaises et pourtant ce ne sont pas tout à fait les mêmes : l’uniforme des policiers, la couleur des boites postales, l’allure des magasins de quartiers. Ce décalage subtil me plongeait dans un ravissement légèrement anxieux. J’étais chez moi et j’étais ailleurs aussi, en même temps. J’étais belge sans le savoir, déjà.
Il y a eu ensuite, je crois, ce goût pour le symbolisme fin de siècle, cette fascination pour les toiles et les dessins de Fernand Khnopff que j’aimais autant, dans son genre, qu’Odilon Redon ou Gustave Moreau et quand j’ai découvert Bruges – faites-le si possible à l’automne, le matin, sans touristes – avec comme guide Bruges-la-morte de Georges Rodenbach, illustré par ce même Khnopff, j’ai compris que j’étais enfin arrivé dans un de ces endroits où, de manière assez nervalienne, le rêve infuse la réalité à moins que ce ne soit le contraire.
Bien des années plus tard, en 1992, je découvrais cette même sensation, mais de façon beaucoup plus brutale, dans une salle du Quartier Latin, avec un film belge appelé à devenir culte, C’est arrivé près de chez vous, réalisé et joué par Benoît Pooelvorde, alors inconnu, Remy Belvaux et André Bonzel. Ce film, on s’en souviendra peut-être, parodiait avec une férocité rare, où le rire le disputait sans cesse à la nausée, la télé-réalité, alors balbutiante, sur un mode grotesque et horrifique, en imaginant une équipe de tournage qui suivait, caméra à l’épaule, un tueur professionnel qui avait des avis sur tout. Là aussi, comme chez Hergé, émergeait cette impression, bien résumée par le titre, d’un « chez vous » légèrement diffracté où l’on croit faussement pourvoir s’attacher à une réalité qui n’est déjà plus tout à fait la nôtre. Certains belgicismes contribuent à créer ce subtil décalage avec la réalité – c’est bien du Français mais on ne le comprend pas : qui pourrait traduire, par exemple, « Derrière l’aubette partait une drève » ?
On trouvera dans Le dictionnaire amoureux de la Belgique de Jean-Baptiste Baronian des explications de ces belgicismes et des entrées pour Khnopff, Bruges, Rodenbach. On trouvera aussi des entrées pour Hergé et C’est arrivé près de chez vous. C’est que notre académicien de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique n’hésite pas à convoquer les mauvais genres ou ceux jugés mineurs pour tenter d’élucider cet étrange sentiment, contradictoire, de proximité et d’exotisme qui saisit le Français quand on lui parle de la Belgique, ou même le Belge, « en étrange pays dans son pays lui-même ». Baronian est d’ailleurs un spécialiste reconnu de la littérature fantastique qui fait l’objet de plusieurs entrées dans son Dictionnaire. Il fut aussi, dans les années 70, le patron de la Bibliothèque Marabout avec sa collection Fantastique. Celle-ci a fait découvrir à des générations de lecteurs (par exemple, Emmanuel Carrère , que j’ai entendu reconnaître sa dette à l’égard de Baronian au cours d’une conversation à la Foire du livre de Bruxelles) cette fameuse « école belge de l’étrange » qui a inventé entre la fin du XIXe siècle et les années soixante du XXe le réalisme magique d’un Franz Hellens, l’épouvante d’un Jean Ray sans oublier les danses macabres de Michel de Ghelderode, par ailleurs un des seuls grands noms de la scène contemporaine ayant vraiment retenu les leçons d’Artaud sur « le théâtre de la cruauté ».
À propos de Ghelderode et de quelques autres écrivains et artistes comme, en peinture, Ensor, Magritte ou Dotremont, Baronian nous rappelle que la Belgique est la mère de beaucoup d’avant-gardes. Ainsi en va-t-il pour le symbolisme, l’art nouveau, le surréalisme et même le situationnisme à travers le groupe Cobra et la figure de Raoul Vaneigem.
Une hypothèse pour expliquer cette étrange fécondité ? Depuis sa naissance en 1830, la Belgique est un pays au cœur double, qui vit sur une contradiction linguistique fondatrice, et chacun sait que les contradictions, qui sont les moteurs de l’Histoire, sont aussi ceux de l’imaginaire. N’oublions pas ainsi que la Belgique nous a donné deux géants du XXe siècle, devenus des figures universelles : Tintin et Maigret, le reporter et le commissaire. Sans la Belgique, d’ailleurs, la littérature française ne serait pas grand-chose. Le nombre d’écrivains français qui sont belges dépasse l’entendement : de Simenon à Michaux, en passant Verhaeren, Maeterlinck, Norge ou le trop méconnu Scutenaire dont Mes Inscriptions sont un régal d’insolence et d’esprit. Baronian a été son ami, il lui consacre une entrée toute en délicatesse mais cela ne l’empêche pas de citer un aphorisme des plus représentatifs du bonhomme : « Le surdoué, on lui montre un poil, il voit le pubis. »
Le propre d’un Dictionnaire amoureux comme celui de Jean-Baptiste Baronian est la subjectivité, celle de l’auteur comme celle du lecteur qui peut entamer le voyage par la route qui lui plaît. Très complet sur la littérature et la peinture, Baronian ne l’est pas moins sur l’Histoire et il rappelle, par exemple, à l’article « Violence » que l’image du Belge débonnaire et rieur en prend un coup au vu des soixante-dix dernières années. Et d’énumérer la Question royale, quand Léopold III, roi collabo, dut céder la place à son fils Baudouin après des manifestations meurtrières et quasi-insurrectionnelles ; la querelle linguistique et les affrontements violents qui en découlent dans les Fourons ; les « tueurs fous du Brabant », pratiquant des massacres aveugles dans les supermarchés pour provoquer une réaction autoritaire du pouvoir, sur le modèle de la stratégie de la tension en Italie ; l’assassinat de députés socialistes qui en savaient trop dans des affaires de corruption ; sans compter l’affaire Dutroux, moment d’horreur pure, qui révéla de surcroît de graves dysfonctionnements de la gendarmerie et de l’appareil d’état.
Mais, à la lecture de ce Dictionnaire, on se réjouit que la Belgique existe encore. Elle est en effet, plus que tout autre pays européen, soumise à ces forces contradictoires, à la fois centrifuges et centripètes, qui encouragent la division, la sécession et dans le même temps poussent à se fondre toujours un peu plus dans une construction supranationale. On se rappelle alors que si l’on est, comme Baronian, amoureux de la Belgique, c’est parce qu’elle est précisément une petite nation, celles dont André Suarès disait dans ses Vues sur l’Europe : « Je dirai la grandeur des petites nations. Elles seules sont à l’échelle de l’homme. Les gros empires ne sont qu’à l’échelle de l’espèce. Les petites nations ont créé la cité, la morale et l’individu. Les gros empires n’en ont même pas conçu la loi nécessaire ni la dignité. Aux empires, la quantité ; la qualité aux petites nations. » •

Jean-Baptiste Baronian, Dictionnaire amoureux de la Belgique, Plon, 2015. 25€
Ecrivain et rédacteur en chef culture de Causeur.
Abder Phénix, voleur minable, ne croit en rien, sinon en l’immortalité que confère la gloire. Il rêve du gros coup qui ferait passer son nom à la postérité.
Aussi, lorsque arrivé le premier sur le lieu du massacre de voyageurs, il comprend que la jeune femme assassinée n’est autre que la nouvelle grande prêtresse de l’Artémision, la tentation est trop forte : le temple d’Éphèse est réputé abrité le plus prodigieux trésor du monde, et l’occasion trop belle d’y avoir accès. Il suffit de faire passer la charmante et peu respectable Daphné, l’une de ses anciennes complices, pour la chaste élue de la Déesse… Si l’usurpation d’identité sacrilège réussit, Abder ne va pas tarder à comprendre qu’il se trame, dans les souterrains du temple, d’étranges affaires bien éloignées de celles de la religion…
Les Sept Merveilles est l’une des bonnes séries de bandes dessinées historiques en cours de publication. Après la statue de Zeus à Olympie, les jardins suspendus de Babylone et le phare d’Alexandrie, Luca Blengino poursuit sa promenade, solidement documentée et illustrée par les meilleurs talents de la bédé italienne, une référence en fait d’esthétisme et de reconstitution historique, en proposant sa propre version, décapante, de l’incendie qui détruisit l’Artémision en 356 avant notre ère. Brillant. •

Les Sept Merveilles, le temple d’Artémis, de Luca Blengino, Antonio Sarchione, éditions Delcourt, 54 p., 14,50 euros.
(Copyright photos : blog du prince Radu de Roumanie)
Les photos parlent d’elles-mêmes : les haltes du train royal lors de la Fête nationale roumaine, ont attiré les grandes foules pour saluer la princesse Margareta, le prince Radu et la princesse Marie. Le roi Michel (94 ans) qui vit désormais en Suisse, est aujourd'hui une personnalité très respectée dans son pays.
Mais la Roumanie n'est pas une exception en Europe. C'est bien la France qui en est une. Les familles anciennement régnantes sont honorées, fêtées, associées es qualités à la vie nationale, chez tous nos voisins européens. Dans bien des cas, elles ont un statut officiel ou quasi officiel, elles remplissent une fonction utile à leur pays, elles ont au moins la jouissance d'une ou plusieurs résidences officielles ... Les plus hautes autorités politiques se joignent souvent à elles lors d'événement familiaux. Portugal, Italie, Autriche, Serbie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, d'autres encore, sont dans ce cas. Dans certains pays, cela peut concerner plusieurs familles anciennement régnantes, comme en Allemagne ou en Italie. Quant à la Russie, elle réserve les plus grands égards aux descendants des Romanov.
Tous ces Etats n'ont pas rompu avec leur histoire; ils n'ont pas renié leur passé, ni leur identité. C'est pourquoi les familles qui les ont fondés, les ont dirigés y ont une place reconnue. Et leur cohésion, leur fierté nationale, leur tradition, s'en trouvent renforcées pour le présent et l'avenir.
La France fait exception parce que la doxa officielle impose l'idée qu'elle se réduit à la République et qu'elle commence avec elle. C'est à dire avec la Révolution et toutes ses suites. Cette culture de l'oubli et de la négation est naturellement un facteur important d'affaiblissement du sentiment national. A l'inverse de nombreux Français, la France officielle - sauf exceptions heureuses, toujours limitées - ignore à peu près complètement les descendants actuels de notre dynastie nationale.
Et c'est aussi une des raisons pour lesquelles la République française ne peut pas être considérée comme un régime ordinaire, semblable à ses homologues européens, ni pleinement légitime. Lafautearousseau •

Photos reprises du site Noblesse et royautés.
Illustration reprise de l’édition de luxe du Chemin de Paradis en 1927, ornée d’aquarelles de Gernez
par Hilaire de Crémiers (Suite)
Nous poursuivons la publication des analyses du Chemin de Paradis par Hilaire de Crémiers. En voici la quatrième partie. L'on peut retrouver les trois premières sur Lafautearousseau, les 7 - 14 et 29 novembre.
C'est en 1895, il y a juste cent vingt ans, que Calman-Lévy - « éditeur héroïque » dit Maurras - a édité le Chemin de Paradis. Un premier livre de contes philosophiques que son auteur écrivit, de fait, avant ou autour de ses vingt-cinq ans. Un recueil de neuf contes où Maurras, comme Anatole France le lui écrivit, méditait d'ingénieuses fables. Ces Mythes et Fabliaux, qui ne furent sans doute jamais parfaitement compris, formaient pourtant, déjà, une critique sans indulgence aucune, de ce mal moderne auquel Maurras se préparait à s'affronter. Rien moins que « pour le salut du monde et le règne de la beauté ». Sans-doute pressentait-il et fixait-il ainsi, avec une prescience étonnante, ce qu'allaient être, dans l'ordre politique et littéraire, son œuvre et sa destinée.
Hilaire de Crémiers a consacré de minutieuses et savantes études à cette œuvre de jeunesse de Charles Maurras, qui préfigure, expose-t-il, ce que seraient son œuvre et sa vie.
Nous avons enregistré, il y a quelques années, plusieurs vidéos où Hilaire de Crémiers analyse le Chemin de Paradis et en propose une interprétation. Une analyse et une interprétation qui donnent à Maurras une profondeur singulière. Beaucoup plus extraordinaire que celle qui lui est habituellement reconnue.
Regard sur les trois contes de la série Harmonies : • La Bonne Mort • Les Serviteurs • Discours à la louange de la double vertu de la mer (13 minutes)
Nous mettons en ligne, au fil de cinq samedis ou dimanches, cinq vidéos où Hilaire de Crémiers traite des neufs contes du Chemin de Paradis et dévoile ce qui en est, selon lui, le sens profond. Lafautearousseau •
Le Chemin de Paradis sur Maurras.net
(Texte complet)
Pour Gaspard Koenig, dans le Figaro*, la meilleure manière de punir les djihadistes serait de « leur refuser un nom et de les enterrer dans l'anonymat ». Sorte de refus à l'antique d'accomplir pour eux les rites funéraires ... L'anonymat pour les djihadistes, Gaspard Koenig a bien raison ! Mais si la liberté d'expression est une forme d'absolu, qu'est-ce qui pourra empêcher les médias d'en dire tout et le reste ? LFAR
Impossible de ne pas connaître leurs noms, leurs visages, leurs adresses, leurs habitudes, leurs vacances, les moindres méandres de leurs vies misérables. Les journaux leur consacrent des portraits à longueur de pages, avec interviews de la grand-mère et de l'ami d'enfance. On cite des textos de leur épouse restée en Syrie, toute fière de cette gloire soudaine. Les terroristes sont devenus des stars. Des stars du mal, mais des stars quand même. Malgré le travail de mémoire des réseaux sociaux, malgré la litanie du Président de la République dans la cour des Invalides, qui connaît l'identité de leurs victimes?
En nommant les assassins, nous leur avons offert une triste victoire. La même que celle d'Erostrate, ce citoyen Grec du 4e siècle avant notre ère qui avait incendié le temple d'Artémis à Ephèse, une des sept merveilles du monde, dans le seul but de devenir célèbre. La postérité a oublié le nom de l'architecte du temple, celui des prêtres et des fidèles, et même celui de la déesse ; mais on a retenu celui de l'incendiaire.
Incontestablement, Erostrate a réussi son coup. Sartre lui a d'ailleurs consacré une nouvelle dans Le Mur. Il en imagine une version contemporaine : Paul Hilbert, petit employé aigri, misanthrope timide, refoulé sexuel, et reconverti dans le crime de masse. “Je ne sortis plus sans mon revolver, explique ce héros quelconque. Je regardais le dos des gens et j'imaginais, d'après leur démarche, la façon dont ils tomberaient si je leur tirais dessus (…) Je me voyais en train de leur tirer dessus. Je les dégringolais comme des pipes, ils tombaient les uns sur les autres, et les survivants, pris de panique, refluaient dans le théâtre en brisant les vitres des portes.” Comme au Bataclan. Haine du regard inconnu, du sourire gratuit.
Paul Hilbert se délecte à l'avance de son crime. Il aura son heure de gloire, satisfaction suprême du kamikaze. “Un jour, pense-t-il, au terme de ma sombre vie, j'exploserais et j'illuminerais le monde d'une flamme violente et brève comme un éclair de magnésium.” Les journaux chanteront son nom, le nom de Paul Hilbert, qu'il a pris soin de bien inscrire dans la mémoire collective en envoyant des lettres à tous les académiciens français. L'équivalent Trente Glorieuses d'un post FaceBook.
La meilleure manière de punir les Erostrate, les Paul Hilbert, les djihadistes de notre monde, serait de leur refuser un nom. De les enterrer dans l'anonymat.
C'est d'ailleurs ce qu'avaient voulu faire les Ephésiens pour Erostrate. “Ils avaient eu la sagesse, nous dit l'historien Valère Maxime, d'abolir par décret la mémoire d'un homme si exécrable; mais l'éloquent Théopompe l'a nommé dans ses livres d'histoire.” Chers amis journalistes, blogueurs, twittos, citoyens curieux: apprenons de nos erreurs. Cessons de glorifier nos ennemis. Appelons-les Terroriste 1, 2, 3, 10. Donnons-leur des surnoms ridicules. Ne leur faisons pas l'honneur de la postérité. •
* 3.XII.2015
Ancien élève de l'École Normale Supérieure, agrégé de philosophie, Gaspard Koenig est Président du think-tank GenerationLibre. Son dernier livre, « Le révolutionnaire, l'expert et le geek. Combat pour l'autonomie » vient de paraitre aux éditions Plon.
Sélection non-exhaustive d’ouvrages parus sur Louis XIV à l’occasion du tricentenaire de sa mort.
Patrick Dandrey : Louis XIV a dit
Les Belles Lettres ; 465 p ; 19 €.
Dandrey trie les citations attribuées au Roi-Soleil et, les classant par thèmes, raconte Louis XIV à travers les paroles qu’il prononça et celles qui lui furent prêtées. Un des meilleurs livres de ce tricentenaire.
Jean-François Solnon : Louis XIV, vérités et légendes
Perrin ; 275 p ; 14,90 €. Paru
L’essentiel de ce que les gens savent à propos de Louis XIV est faux. Solnon relève trente-huit assertions mensongères, en retrace l’origine, rétablit la vérité.
Jean et François Anthoine : Le Roi se meurt
Le Cerf ; 280 p ; 19 €.
Valets de chambre de Louis XIV, les frères Anthoine ne quittèrent pas son chevet durant sa dernière maladie, attentifs autant aux faits et gestes du mourant qu’à ceux de son entourage. Leurs souvenirs, grinçants ou émus, restent irremplaçables.
Alexandre Maral et Thierry Sarmant : Louis XIV, l’univers du Roi-Soleil
Tallandier ; 224 p ; 31,90 €.
Le Roi-Soleil voulut donner de son règne une image sublime. Parmi cette iconographie pour laquelle tous les arts furent convoqués, Alexandre Maral et Thierry Sarmant ont fait un choix, et offrent ainsi une biographie indirecte du monarque.
Sous la direction de Jean-Christian Petitfils : Le siècle de Louis XIV
Le Figaro-Histoire Perrin ; 456 p ; 23 €.
Tel Voltaire, les spécialistes du Grand Siècle proposent une vue d’ensemble de la vie, de l’œuvre et du royaume de Louis XIV. Une somme accessible, complète et juste.
Mathieu Da Vinha : Versailles, enquête historique
Tallandier ; 255 p ; 18,90 €.
Conseiller historique de la série télévisée Versailles, Mathieu Da Vinha rectifie ici les erreurs introduites dans le scénario pour les besoins de l’intrigue et donne un ouvrage de vulgarisation intelligent et accessible mais à laisser aux ignorants.
Laurent Dandrieu : Le Roi et l’Architecte
Le Cerf ; 200 p ; 12 €.
En 1665, mécontent de tous les projets d’embellissement du Louvre, Louis XIV invite le Bernin à Paris. L’expérience tournera court mais sera paradoxalement le révélateur du « goût français ». Laurent Dandrieu, excellent connaisseur de l’Italie et du baroque, donne un récit jubilatoire de ce voyage.
John Lynn : Les guerres de Louis XIV
Tempus Perrin ; 560 p ; 12 €.
Une synthèse, pas toujours bienveillante mais incontestablement complète, de l’histoire militaire du règne et de la conception que Louis XIV se faisait de son rôle de « roi de guerre ».
Charles-Édouard Levillain : Le procès de Louis XIV
Tallandier ; 400 p ; 24,90 €.
En 1667, tandis que s’affirment les ambitions du jeune Louis XIV, Paul de Lisola, diplomate au service des Habsbourg, publie un pamphlet qui fera date dans l’histoire de la propagande anti-française. À travers cet écrit et son impact sur l’opinion internationale, Levillain explore un aspect méconnu du Grand Siècle. •

Découvrez le numéro de décembre !
Hollande, chef de guerre…
Dossier spécial laïcité
Et si la notion de laïcité, telle qu’elle est défendue par la République, était à l’origine des drames que nous traversons aujourd’hui ?
Notion aussi ancienne que notre civilisation judéo-chrétienne, la laïcité a pris, en France, une tournure particulièrement agressive à l’encontre du fait religieux. Autoritaire puis totalitaire, le laïcisme de rigueur se voit profondément remis en cause face à l’émergence d’une communauté musulmane qui s’impose de plus en plus. En regard, quelle place pour le catholicisme ?
> Grand entretien avec Jean Sévillia, auteur de La France catholique (Michel Lafon) : « Un petit miracle catholique français… »
Et aussi dans ce numéro… 54 pages d’actualité et de culture !

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par Pierre de La Coste
« Il faut en finir avec la bédouinisation de l’islam. » Ce barbarisme merveilleux émane de Tareq Oubrou, imam de la Grande Mosquée de Bordeaux (Paris Match, 24 novembre). Il touche une vérité essentielle : le problème de l’islam d’aujourd’hui, c’est qu’il tente d’imposer au monde moderne la religion des bédouins du VIIe siècle, leurs croyances, leurs mœurs, leurs coutumes, et jusqu’à leur habillement.
Parvenir à émanciper un véritable « islam de France » de cet héritage encombrant serait sans aucun doute un immense progrès, qui nous immuniserait contre tout risque d’attentats et de djihad. Mais l’imam va plus loin encore. Chevauchant hardiment un dogme fondamental de l’islam sunnite, il va jusqu’à dire que « tout n’est pas absolu dans le Coran ». Sans employer le mot, il suggère que le Coran n’est pas « incréé », qu’il n’est pas Dieu lui-même. Qu’il n’existe pas de toute éternité « en langue arabe parfaite » dans le sein de Dieu. Bref, il avoue que le Coran, quoique inspiré par Dieu, est une œuvre humaine. On en a décapité pour moins que ça.
Tareq Obrou n’ignore pas le sort de toutes les réformes de l’islam depuis les origines, étouffées dans l’œuf par les califes, détenteurs du pouvoir politico-spirituel. La plus célèbre de ces réformes avortées est celles des « mutazilites » rationalistes qui prétendaient interpréter le Coran au Xe siècle. Un moment soutenus par les abbassides, ils furent impitoyablement rejetés par la même dynastie. Mais on pourrait aussi citer l’exemple d’Averroès, le grand « Commentateur » d’Aristote, dont les livres furent brûlés par les fanatiques Almohades, dans l’Andalousie du XIIe siècle.
Depuis lors, toute tentative de créer un « islam des Lumières » est vouée à l’échec. Pourquoi donc l’imam Oubrou réussirait là où tout le monde a échoué avant lui ? En fait, les raisons qu’il invoque pour expliquer pourquoi l’islam n’a jamais su se réformer nous indiquent surtout pourquoi lui-même n’y parviendra pas mieux. Les causes de cet immobilisme ? Ce sont, dit-il, les invasions, les croisades, la colonisation… Autrement dit, c’est de la faute des autres. Les musulmans sont toujours victimes, jamais responsables de leur histoire. Pourtant, ils n’ont pas toujours été envahis et colonisés. Ils ont aussi été victorieux et dominants. Pourquoi n’en ont-ils pas profité pour se « réformer » ? La tentative de l’imam de Bordeaux est, à l’avance et par lui-même, vouée à l’échec. On ne manque pas, déjà, d’expliquer que c’est à cause du chômage, de la crise, du racisme… Le prétexte est trouvé avant même que l’effort ne soit entrepris.
Le problème de l’islam est en lui-même depuis les origines. Sa « bédouinisation » est native. L’islam est une religion universelle, mais qui tend à faire de tous les hommes des Arabes. Dieu ne parle que la langue des bédouins du VIIe siècle, tous les garçons doivent être circoncis, toutes les femmes voilées, la viande de porc interdite… et ce, sous toutes les latitudes, loin du désert qui a vu naître ces préceptes.
C’est le bédouin Mahomet lui-même qui, devenant chef politique à Médine, a définitivement « bédouinisé » l’islam. Alors que le message universel du Christ, affranchi de la loi juive, prononcé en araméen, mais écrit en grec, puis en latin, puis dans toutes les langues, s’adresse à tous les humains. L’islam, c’est la Pentecôte à l’envers. •
Pierre de La Coste - Boulevard Voltaire [01.XII.2015)
Essayiste, cadre du secteur du numérique
Une tribune de Mathieu Bock-Côté
Alors que François Hollande a appelé les Français à pavoiser lors de la journée d'hommage national aux victimes des attentats du 13 novembre, Mathieu Bock-Côté estime, dans une tribune du Figaro du même jour (27.XI.2015) que cette agression a fait rejaillir un patriotisme refoulé depuis des années. Refoulé, d'ailleurs, par qui et pourquoi ? Nous retiendrons, sinon tous les détails, mais surtout le fond de cette réflexion où abondent remarques ou critiques justes et essentielles : « En fait, une crise comme celle provoquée par les attentats de 2015 nous force à sortir d'une théorie superficielle qui croyait pouvoir effacer les nations simplement en décrétant leur caractère périmé ou leur inutilité globale. » Pour ce qui est de pavoiser, et du drapeau, nous ajouterons, pour conclure, pour partie seulement en forme de boutade, que le drapeau du Québec nous paraît porteur d'un symbole - quatre fois répété - qui nous parle de nos racines les plus profondes, les plus anciennes et les plus vraies. Lafautearousseau
À la grande surprise d'un système médiatique qui a mis du temps à le comprendre, et qui n'hésite pas à confesser de temps en temps sa perplexité, les Français, suite aux attentats du vendredi 13 novembre se tournent vers leur drapeau et le brandissent bien haut. Pire encore, ils chantent la Marseillaise sans même s'en excuser. François Hollande en a rajouté en invitant à pavoiser le pays alors que la gauche française, depuis un bon moment, déjà, confessait son grand malaise devant les symboles nationaux, qu'elle peinait à associer positivement à l'avenir de la France. Le propre d'un sursaut national, c'est d'emporter ceux qui, la veille encore, parlaient de leur pays avec désinvolture.
Certains journalistes ont sondé les Français pour savoir ce que le drapeau tricolore représente pour eux ? Cette question en masque une autre, moins aisément avouable : comment osent-ils renouer avec ces symboles associés depuis une trentaine d'années à « l'extrême-droite » - faut-il préciser qu'on lui avait aisément concédé son monopole ? Pire encore, ces symboles ne sont-ils pas pour cela définitivement souillés ? Le mot est pourtant simple : le retour aux symboles nationaux est une manifestation pure et simple de patriotisme. L'appel au drapeau témoigne pourtant du lien absolument intime entre un homme et son pays, et plus encore, la part existentielle du lien politique.
En un mot, l'élan vers le drapeau témoigne d'un patriotisme spontané, qui se dérobe aux constructions philosophiques sophistiquées ou à son enrobage universaliste. On parle ici simplement d'une revendication d'appartenance clairement revendiquée. La philosophie politique contemporaine lorsqu'elle en reconnaît l'existence, réduit ce patriotisme à une forme de d'attachement primitif et à une communauté historique dégénérant presque inévitablement en xénophobie. Le progressisme a voulu amincir au possible la communauté politique en la réduisant à un pur système de droit exclusivement régulé par des valeurs universelles. Il s'agissait à terme de rendre toutes les sociétés interchangeables pour avancer vers une société mondiale.
Comment, dès lors, cultiver un lien presque sacré avec le pays qui est le sien, lorsqu'on le réduit à une surface plane où peuvent se déployer librement des flux mondialisés ? Car il y a bien de telles choses que des liens sacrés, au nom desquels, au fil de l'histoire, des hommes ont donné leur vie. Il semble pourtant que l'appartenance nationale soit bien plus forte que ne le croyaient certains sociologues qui n'y voyaient qu'une construction sociale assez récente et terriblement friable. En fait, une crise comme celle provoquée par les attentats de 2015 nous force à sortir d'une théorie superficielle qui croyait pouvoir effacer les nations simplement en décrétant leur caractère périmé ou leur inutilité globale.
On dissertait depuis un bon moment sur le retour du tragique. Mais il faut probablement qu'une société fasse l'expérience brutale de l'agression et de la mort violente pour en prendre vraiment conscience. L'agression fait rejaillir le refoulé patriotique, et plus largement, tout ce qui, dans la communauté politique, l'enracinait dans des couches de réalité imperceptibles pour ceux qui ne veulent voir le monde qu'à travers une citoyenneté limitée au statut de simple artifice juridique. Même si les citoyens n'ont plus les mots pour traduire cette appartenance, ils ont un drapeau à brandir pour l'afficher. C'est ainsi qu'on comprendra l'augmentation massive de l'enrôlement sous les drapeaux de jeunes Français qui découvrent la part sacrée de l'identité collective, qui réhabilitent, par ce fait même, la possibilité du sacrifice patriotique.
Mais un patriotisme vivant doit être éduqué, transmis et entretenu, sans quoi le sursaut n'aura qu'un temps. Car si le patriotisme est une pulsion vitale, il doit, pour irriguer vraiment les institutions, être inscrit au cœur de la culture, et non plus refoulé dans les marges sociales et idéologiques. Comment la nation a-t-elle pu, pendant un quart de siècle, être concédée à des formations protestataires ? On aime rappeler la fonction civique de l'enseignement de l'histoire. Paradoxalement, l'enseignement de l'histoire a servi, depuis plusieurs années déjà, à déconstruire le sentiment national et à disqualifier le patriotisme. On favorisait une pédagogie de la pénitence et de la repentance. Apprendre l'histoire, c'était apprendre à désaimer son pays. La fidélité aux grands ancêtres était remplacée par ce que Michel de Jaeghere nomme justement la haine des pères. Comment faire en sorte qu'elle redevienne source de vitalité identitaire ?
Les grands ancêtres sont pourtant plus nécessaires que jamais pour comprendre le bon usage du patriotisme. De Gaulle comme Churchill, au moment de la deuxième guerre mondiale, se firent les défenseurs admirables des libertés civiles et de la démocratie. Mais ils le firent au nom de la grandeur de la France, dans le premier cas, et de la civilisation occidentale et chrétienne, dans le second. En un mot, la démocratie ne fonctionne pas en lévitation, elle ne survit pas de manière stratosphérique, et doit s'alimenter de sentiments humains fondamentaux sans lesquels elle est condamnée à l'assèchement. La démocratie, sans la nation, est impuissante. Le patriotisme ouvre à une forme de transcendance qu'il faut reconnaître comme telle et savoir réinvestir. •
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologue et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.
Illustration : FigaroVox
Ce qui affaiblit la France, ce n'est pas tant le système bi ou tri-partisan. C'est, en lui-même, le régime des partis...