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Remerciement à Antoine LAZINIER
Du 16 au 23 août 2015, s’est déroulée l’université d’été des jeunes d’Action Française autour du thème Les rois ont fait la France : à la France il faut un roi !. Le Camp Maxime Real del Sarte est essentiellement un moment de formation intellectuelle et politique mais aussi d’apprentissage des techniques militantes.
La vidéo qui suit est plus une évocation - réussie - qu'un compte-rendu. Evocation d'une institution d'Action Française toujours maintenue depuis une soixantaine d'années, dans des circonstances politiques très diverses. Il faut savoir gré aux jeunes qui s'y rendent et y travaillent mais aussi à l'équipe qui en assume l'organisation. •
PAR ÉRIC ZEMMOUR
À travers le conflit entre les deux anciens présidents de la République, c'est la bataille de deux France que nous décrit Robert Schneider, l'ancien journaliste du Nouvel Obs. Eric Zemmour dresse, de son ouvrage une analyse brillante et riche en aperçus historiques ou politiques. La défaite des deux anciens présidents fut aussi celle de la France. Mais peut-être avant tout celle d'un régime qui rend inopérants l'intelligence et le talent des hommes qui le servent.
Le chêne et le roseau. Le héros et le politique. Le lion et le renard. Richelieu et Mazarin. Entre de Gaulle et Mitterrand, la comparaison court sous la plume. Opposition physique, politique, historique. Le héraut de la France libre et celui de la gauche unie. Mais la comparaison vient surtout à l'esprit de la gauche, quand les gaullistes de stricte obédience y voient un sacrilège, un abaissement de leur héros, figure dominant tout le XXe siècle français, et dont le seul rival est à leurs yeux le géant du XIXe siècle : Napoléon. Robert Schneider fut longtemps un patron respecté du service politique du Nouvel Observateur. Il fait tout ce qu'il peut pour hisser Mitterrand à hauteur de son illustre prédécesseur*. Parfois, sa main tremble, la corde se relâche ; on n'y croit plus. Mais Schneider ne se décourage pas. D'une plume plate mais ferme, il conduit son affaire sans mollir, dessinant les grands moments historiques de leur affrontement, 1940, 1946, 1958, 1965, forgeant la légende - démentie par l'intéressé - d'un Mitterrand hanté à l'Élysée par la figure tutélaire du « Connétable ». Ce n'est pas souvent neuf, mais toujours intéressant.
Les institutions de la Ve République servent le propos de notre auteur, qui font de tout président élu par le peuple un monarque en puissance. Mitterrand est le dernier à avoir réussi à endosser l'habit de drap épais et de haute lignée découpé par de Gaulle pour la fonction. Ensuite est venu le temps des nains. Mitterrand avait prévenu: « Après moi, il n'y aura plus de grand président. » Il est vrai - et c'est là où réside sa perversité soigneusement éludée par notre auteur - qu'il a tout fait pour cela.
Les deux hommes venaient de la même France terrienne et catholique. Pas étonnant qu'ils aient tous deux été désarçonnés par la révolution urbaine et cosmopolite que fut Mai 68. De Gaulle l'affronta et tomba les armes à la main, tandis que Mitterrand l'embrassa pour mieux la dominer.
« Mêmes racines, même empreinte catholique, même bagage littéraire et historique, ou presque. Même soif de lectures, même besoin d'écriture, même autorité naturelle, même emprise sur les autres, même aptitude naturelle au commandement, même certitude d'un destin… Comparé à ces convergences venues de loin, ce qui les sépare paraît de peu de poids. »
Schneider voit la cause de leur affrontement non dans leurs différences, mais dans leurs ressemblances. Enfants de la même France millénaire, avec le même tempérament impérieux, le plus jeune ne pouvait se soumettre au plus ancien, rébellion que ne pouvait souffrir l'aîné. « Formés au même moule, ils se sont trop bien compris. » Explication classique, psychologique, journalistique. Explication qui n'est pas fausse. Mais peut-être trop évidente pour être profonde. Schneider constate leur différence de génération - « Bien sûr, ils ne sont pas de la même génération. Vingt-six ans chargés d'histoire les séparent » - mais n'en déduit rien. Et si le cœur de cette « bataille des deux France » se trouvait là, trop visible pour être vu ?
De Gaulle appartient à la génération d'avant la guerre de 1914. Celle de la Revanche. Celle qui croit encore que la France peut dominer l'Europe. Celle qui croit encore que la guerre est l'outil privilégié de la grandeur française. Comme sous Louis XIV ou Napoléon. À 23 ans, au cours d'une conférence intitulée Du patriotisme, de Gaulle écrit : « La guerre développe dans le cœur de l'homme beaucoup de ce qu'il y a de bien ; la paix y laisse croître ce qu'il y a de mal.»
Jeunesses françaises aux antipodes
Cette certitude française s'effondre dans les tranchées. Les derniers héros de l'histoire de France enterrent là leurs illusions séculaires. Mitterrand est né en 1916. Il est de la génération qui n'y croit plus. Ni en la France ni en la guerre. Jeune homme, Mitterrand écrit à son ami Georges Dayan : « Quel crime la guerre. C'est l'épouvante et la misère des hommes. » Son dernier discours de président, en 1995, répétera son cri de jeunesse : « Le nationalisme, c'est la guerre. » Mitterrand appartient à la première génération pacifiste de l'histoire de France. De Gaulle est un homme du XIXe siècle, Mitterrand du XXe. De Gaulle est plus près de Clemenceau ou Poincaré, Mitterrand d'Aristide Briand. Leurs choix fondamentaux sont héritiers de ces jeunesses françaises aux antipodes. De Gaulle croit d'abord en la France éternelle, où la république n'est qu'un régime parmi d'autres, le mieux adapté à notre époque, mais pas le plus glorieux. Mitterrand défend d'abord la république, imagine ingénument à la Libération qu'on peut inventer une France nouvelle, même si son goût pour l'histoire et son esthétisme charnel le relient à la France des rois et des terroirs. De Gaulle liquide l'Algérie mais la remplace par la bombe atomique. Mitterrand liquide le socialisme et le remplace par l'Europe. De Gaulle traite l'ONU de « machin ». Mitterrand y voit « un embryon de gouvernement mondial » et peuple les organisations internationales de Français. De Gaulle défend farouchement la souveraineté nationale contre l'Europe. Mitterrand la fond sans état d'âme dans l'Europe. Mitterrand a raison de pointer la suite cruelle d'échecs de De Gaulle, en Algérie comme en Europe ; tentative vaine pour ressusciter une Europe sous hégémonie française, à chaque fois vaincue par l'imperium américain, et la résistance sourde de l'Allemagne.
Mais Schneider néglige le fait que Mitterrand a lui aussi perdu sa bataille pour l'Europe fédérale, celle de Maastricht, qui « ligoterait l'Allemagne en lui enlevant le mark, sa bombe atomique ». L'Europe est devenue une construction oligarchique, qui dérive de plus en plus, sous domination allemande, vers une sorte de Saint-Empire américain germanique, que Mitterrand comme de Gaulle tentait justement de repousser. De Gaulle et Mitterrand ont chacun incarné une certaine idée de la France et de l'Europe ; et deux tentatives désespérées et antagonistes de sauver l'hégémonie française sur le Continent. Ils seront unis dans une même défaite, celle de la France. •
*De Gaulle & Mitterrand, Robert Schneider, Éd. Perrin. 227 p., 17,90 €
La princesse Anna Alexandrovna Golitsyna,de Élisabeth Louise Vigée Le Brun (vers 1797). - Crédits photo : MHood
Eric Biétry-Rivierre, pour le Figaro, a donné sur cette exposition - en cours jusqu'au 11 janvier 2016 - des aperçus qui encouragent à s'y rendre. En tout cas, vous voilà informés !
Le Grand Palais consacre une belle rétrospective à celle qui fut la portraitiste préférée de Marie-Antoinette avant de devenir celle de la plupart des grandes cours d'Europe.
Ce peintre souffre d'un triple handicap. Et il fallait bien le Grand Palais pour redresser l'image. Primo: Élisabeth Louise Vigée Le Brun (1755-1842) a servi de caution féminine à l'histoire de l'art. Quand elle est mentionnée, c'est surtout comme un caractère ayant eu le courage de s'imposer dans un milieu masculin. Secundo: ayant traversé les temps agités, du crépuscule de l'Ancien Régime au règne de Louis-Philippe, Vigée a écrit. Beaucoup. Au soir de sa vie, ses Souvenirs étaient devenus très épais. Ils constituent aujourd'hui une source de première main sur les cours et les salons d'Europe dans laquelle les historiens puisent à plaisir. Mais, du coup, voilà notre dame réduite à son rôle de grand témoin; d'abord chroniqueuse avant que d'être peintre. Tertio: quand Vigée est tout de même étudiée comme telle, on évoque essentiellement ses premiers succès. Ceux qui la conduisent à devenir la portraitiste préférée de Marie-Antoinette. Or la majeure partie de sa production est postérieure à 1789. L'exposition décline cette dernière au premier étage du Grand Palais, après avoir rappelé au rez-de-chaussée la formation, les amis, les concurrents (et aussi les concurrentes!), l'établissement à l'Académie et à Versailles, enfin la gloire, notamment acquise comme reine de la mode puis comme maître des scènes de tendresse maternelle.
Digne de Chardin
On découvre alors une artiste qui connaît parfaitement ses classiques, qui traite les carnations avec l'ambition d'un Rubens (dont elle se rêvait la compagne) ou d'un Van Dyck, qui joue parfaitement du langage de la couleur, qui s'attache à la précision des matières et à la vivacité des étoffes avec le soin des génies romains, vénitiens ou bolognais. Enfin, Vigée excelle dans l'art délicat d'enjoliver sans que cela se voie. Ses modèles ne sont jamais trahis par un excès de tricheries. Toutefois, celles-ci existent.
Cette science infuse de la grâce, sans doute l'a-t-elle acquise également à l'étude de Raphaël. Au Grand Palais, alors qu'on ignore l'identité de la majorité des modèles, les portraits émeuvent. Le sourire d'une bouche pulpeuse découvrant volontiers ses dents, un regard pétillant, sérieux ou rêveur, la superficialité en réalité très travaillée des chapeaux ou des rubans à la mode, tout, jusqu'à ce sang bleuté qui semble circuler sous les peaux laiteuses, concourt à un sentiment de fraîcheur, de délicatesse et de liberté sensuelle. Tant chez les hommes que chez les femmes. Et, par-dessus tout, chez les enfants. À commencer par ses plus proches: son frère cadet, Étienne, et sa fille unique, Julie. Le premier, Vigée le peint alors qu'elle n'a que 14 ans. Voilà d'emblée un chef-d'œuvre digne de Chardin. Campé de trois quarts, coiffé d'un tricorne et muni de son matériel de dessinateur, Étienne nous fixe avec une fierté d'adulte seulement démentie par ses joues roses. Ironie de l'histoire, à la Révolution, il deviendra membre du Comité de nationalisation des biens du clergé. Autant dire un ennemi pour Vigée la monarchiste. De son côté, Julie, qu'on découvre en bébé aux grands yeux, lovée dans un giron maternel rayonnant, se métamorphose en Vénus adolescente (Rubens encore). Sa mine mélancolique prélude aux pires orages. Ils ne manqueront pas et la rupture sera vécue comme un échec par Vigée. Le seul peut-être d'une carrière et d'une vie en tous points exceptionnelles. •
« Elisabeth Louise Vigée Le Brun » au Grand Palais. 3, av. Eisenhower (VIIIe). Tél.: 01 44 13 17 17. Horaires : de 10 h à 20 h sf mar., mer. jusque 22 h. Jusqu'au 11 janvier. Cat.:RMN, 432 p., 50 € .
Capitaine Perdu
En 1763, la guerre de Sept ans qui a été en quelque sorte le premier vrai conflit mondial pour avoir opposé plusieurs puissances entre elles (Europe, Amérique du Nord, Indes …) prend fin. Le Roi de France cède aux Anglais de nombreux territoires qu’elle possède en Amérique : le Canada et toutes les îles au large (sauf Saint-Pierre-et-Miquelon) ainsi que tous les territoires à l’est du Mississippi. Les Français abandonnent peu à peu leurs positions et leurs possessions. Il revient à Louis Groston de Bellerive de Saint-Ange,(1700-1774), dernier capitaine français en poste, de remettre les clefs de différents forts français aux mains des Anglais. Mais certains Indiens qui s’étaient liés d’amitié avec les Français se soulèvent et reprennent les fortifications aux Français. Le capitaine de Saint-Ange se retrouve tiraillé entre d’une part son devoir de soldat, obéir aux ordres du roi et capituler, et d’autre part son honneur, soutenir ses alliés amérindiens qui sont désormais nombreux à être apparentés aux colons français.
Cette magnifique fresque historique et romanesque, signée Jacques Terpant nous transporte à une époque durant laquelle la France possédait la majorité du territoire nord-américain. Le lecteur appréciera la préface de Jean Raspail dont deux ouvrages (Les Sept Cavaliers et le Royaume de Borée) ont été adaptés en bande-dessinées. Un cahier de six pages en fin d’album retrace la genèse de ce bel ouvrage à mettre entre toutes les mains.
Capitaine Perdu -Tome 1 – Jacques Terpant – Editions Glénat – 56 pages – 14,50 euros
Juger Pétain
C’est un exercice très délicat auquel Philippe Saada et Sébastien Vassant se livrent en adaptant, sous forme de bande-dessinée, le documentaire télévisé traitant du jugement du Maréchal Pétain au sortir de la guerre 1939-1945. Le résultat est globalement intéressant et fidèle. L’ouvrage s’ouvre sur le retour en France du Maréchal le 26 avril 1945 et par le refus du général Koenig de lui serrer la main, avant que le vieux Maréchal ne se retrouve le 23 juillet suivant au Palais de Justice de Paris. A l’image de la caméra qui a immortalisé ce procès, le dessinateur fait le tour des tribunes et des tous les acteurs de ce moment d’histoire qu’il faut cependant maîtriser un minimum pour en comprendre toutes les subtilités. Ainsi faut-il savoir que tous les magistrats avaient prêté serment au Maréchal après le 10 juillet 1940. Et que si un seul ne l’avait pas fait, c’est qu’il était à la retraite depuis 18 mois. C’est le procureur André Mornet, 75 ans, qui avait fait, pendant la première guerre mondiale, fusiller Mata-Hari. Mais les auteurs savent le rappeler fort à propos. C’est ce même procureur auquel l’ancien chef de l’Etat français fait face…
Sur la manière dont le procès est relaté, la fidélité au documentaire est honnête. Les auteurs retranscrivent parfaitement les auditions de Paul Reynaud, d’Edouard Daladier, d’Albert Lebrun, de Léon Blum pour l’accusation, mais aussi de Georges Loustaunau-Lacau, Maxime Weygand ainsi que celles des généraux Georges, Hering et Vauthier, pour la défense. De même, le tournant du procès, le coup de théâtre de Pierre Laval et de son audition est-il scrupuleusement retranscrit. En revanche, les digressions et les traits qui se veulent humoristiques sont parfois mal venus. Le lecteur pourra légitimement s’étonner de la parenthèse « Ma vie avec les Boches », courte biographie du Maréchal qui ponctue le récit et qui est graphiquement entouré d’un catafalque noir, en signe de deuil.
En refermant ce roman graphique, on reste sur un goût d’inachevé, à l’image de ce procès certes légal, mais également tendancieux et fondateur d’un ère nouvelle. •
Juger Pétain – Philippe Saada et Sébastien Vassant – Editions Glénat – Collection 1000 feuilles – 136 pages – 19,50 euros
Intervention du président du Cercle de l’Œillet Blanc, au cours de la messe célébrée en mémoire de la reine Marie-Antoinette, le 15 octobre 2015 à Saint-Germain l’Auxerrois, suivie de la reproduction de la dernière lettre de Marie-Antoinette.
Monseigneur, Madame, Mesdames et Messieurs,
Chaque 21 janvier, le Cercle de l’Œillet Blanc organise ici même une messe « à la mémoire de Louis XVI, Roi-martyr, de la famille royale, et de toutes les victimes de la Révolution française ». Cette mention incluant clairement la reine Marie-Antoinette, exécutée le 16 octobre 1793, alors que la Terreur ravageait la France.
Toutefois, cette année, le Cercle a souhaité rendre un hommage personnalisé à Marie-Antoinette, dont la mémoire a – une fois de plus - été tournée en dérision par une œuvre controversée, exposée dans les jardins de Versailles.
La liberté d’expression et de création ne sert pas que dans un sens. Si elle autorise la raillerie, la caricature, jusqu’à l’excès, jusqu’à l’opprobre, elle doit permettre le respect, la louange, l’hommage. Et nous ne devons pas nous en priver.
C’est donc par réaction que le Cercle a pris cette initiative, étant entendu qu’il entend renouveler chaque année cette commémoration. Car elle est nécessaire à nos mémoires, nos mémoires de monarchistes, certes, mais avant cela nos mémoires de Français.
La dernière reine de France, par son destin si singulier, a inspiré bien des œuvres littéraires – au-delà des biographies de rigueur - et beaucoup des films connus. Dans toutes ces œuvres, elle y est dépeinte avec compassion et sympathie. Des romans d’Alexandre Dumas au film de Sofia Copola, de Michèle Morgan et Annie Ducaux à Kristen Dunst, la représentation de la Reine est toujours empreinte d’honnêteté, de pudeur, d’élégance ; on la voit accomplir parfaitement son rôle de reine, son rôle d’épouse, son rôle de mère.
Souvenez-vous de la première série télévisée historique de la télévision française, Le chevalier de Maison-Rouge (d’après Dumas), qui a permis aux Français de redécouvrir son destin tragiqueet ses souffrances.
Souvenez-vous que deux cents ans après sa mort, le spectacle de Robert Hossein, Je m’appelais Marie-Antoinette, eut pour double objectif de faire découvrir la vraie Marie-Antoinette (que les manuels scolaires de la République avaient largement caricaturée ou occultée), et de proposer aux spectateurs de voter, à la fin du spectacle, pour l’acquittement, l’exil, la prison ou la mort. L’acquittement ou l’exil l’emportèrent aisément, à chaque représentation.
De Secrets d’histoire à la comédie musicale de Didier Barbelivien dont les représentations débuteront à l'automne 2016, et qui a pour titre Marie-Antoinette et le Chevalier de Maison-Rouge, l’on peut être certain que notre reine passionne les Français. Or, c’est une passion empreinte de malaise, car subsiste dans la mémoire collective le souvenir de cette incarcération douloureuse, de cette séparation tragique d’avec les siens, de ce procès qui fait honte à ses juges, de cette condamnation inique, de ce supplice qui fait honte à ses bourreaux.
Les Français – et les étrangers – continuent à la découvrir, avec, par exemple, l’exposition qui lui a été consacrée, au Grand Palais, en 2008 ; elle contribua, parmi tant d’autres témoignages contemporains, à réhabiliter une reine cultivée et sensible, collectionneuse, et dont la contribution aux Arts décoratifs français pendant son règne fut très importante. Ne dit-on pas qu’en fait de « style Louis XVI » on devrait davantage parler de « style Marie-Antoinette » ?
La réouverture, à Versailles, du Domaine de la Reine, également en 2008, comme les actuels travaux du Hameau de la reine, entamés l’année dernière, comme l’actuelle exposition, toujours au Grand Palais, consacrée aux œuvres de Madame Vigée-Lebrun, sont autant d’événements lumineux qui nous attirent vers le souvenir de la dernière reine de France.
Etre reine à cette époque-là n’était pas facile, l’on était toujours sur un sol glissant, fissuré, branlant, jusqu’à se dérober sous ses pieds. Pourtant, elle fut pleinement reine, mais aussi pleinement épouse, mais aussi pleinement mère. Une mère qui connaît la douleur de perdre son quatrième enfant – songez au tableau de Madame Vigée-Lebrun, qui montre un berceau vide – puis celle de perdre son fils de sept ans, le Dauphin Louis-Joseph. On a oublié que ce second terrible événement intervint au début des États généraux, ceux-là même qui furent fatals à l’Ancien Régime. L’historien Jean-Christian Petitfils a souligné l’état psychologique d’un père et d’une mère éplorés, et qui doivent pourtant, au même moment, accomplir leur devoir de roi et de reine.
Nous parlons d’une épouse et d’une mère ; car c’est bien d’une famille dont il s’agit. Une famille unie, une famille chrétienne, une famille exemplaire, dans la fortune comme dans les épreuves. Et l’on ne peut parler de famille royale sans évoquer le souvenir – sans doute pas assez consistant dans notre mémoire collective – de la sœur du Roi, Madame Élisabeth. Fidèle parmi les fidèles à sa famille, martyr comme son frère et sa belle-sœur, puisque suppliciée le 10 mai 1794, vingt ans jour pour jour après l’avènement de son frère. Et si nous nous revoyions le 10 mai 2016 ?
Reine, épouse, mère… et amie. Marie-Antoinette inspire l’amitié de la Princesse de Lamballe, l’amie qui partit à l’étranger en 1791, pour revenir « auprès de la reine » en 1792 et y trouver la mort et les outrages.
Songeons à la prison du Temple. Dans les archives du Vatican est conservée une lettre émouvante qu’elle écrivit à son beau-frère Artois au mois de décembre 1792 : « Recevez mes vœux pour cette nouvelle année et l’assurance de mon sincère attachement avec lequel je suis, Monsieur, votre affectionnée belle-sœur. » Puis vient avec 1793 la destruction « physique » de cette famille, avec les adieux au Roi, puis ce sont ses deux enfants qu’on lui arrache ; puis ce seront 76 jours à la Conciergerie ; puis un procès où, accusée de relations contre nature, elle prononce cette phrase fameuse : « J‘en appelle à toutes les mères de France… »
La fin, c’est une lettre sublime et remplie d’émotions, adressée à Madame Élisabeth, non parvenue à sa destinataire (comme la reine dit le redouter) mais heureusement conservée ! La fin, c’est l’humiliation d’une charrette, le dos à la route, les mains liées dans le dos, un parcours de plus d’une heure entre la Conciergerie et la place qu’on nomme aujourd’hui « de la Concorde », une sorte de chemin de croix jusqu’à son Golgotha.
La fin, c’est sa dernière phrase, lorsqu’elle marche sur le pied de son bourreau : « Je vous demande pardon, Monsieur, je ne l’ai point fait exprès ». Élégance, courtoisie, grandeur d’une reine dans le moment ultime ! Elle a vécu en reine, et meurt en reine. A la dernière heure de sa vie, écrit Stephan Zweig, Marie-Antoinette atteint au tragique et devient enfin l’égale de son destin.
Monseigneur, Madame, Mesdames et Messieurs, prions pour l’âme de notre reine et pour sa famille, prions pour la France, orpheline de sa reine. •
Dernière lettre de Marie-Antoinette, écrite à la Conciergerie dans la nuit du 15 au 16 octobre 1793
16 octobre 1793, 4h 1/2 du matin
C’est à vous, ma sœur que j’écris pour la dernière fois. Je viens d’être condamnée non pas à une mort honteuse – elle ne l’est que pour les criminels – mais à aller rejoindre votre frère. Comme lui innocente, j’espère montrer la même fermeté que lui dans ses derniers moments. Je suis calme comme on l’est quand la conscience ne reproche rien ; j’ai un profond regret d’abandonner mes pauvres enfants. Vous savez que je n’existais que pour eux et vous, ma bonne et tendre sœur. Vous qui avez par votre amitié tout sacrifié pour être avec nous, dans quelle position je vous laisse ! J’ai appris par le plaidoyer même du procès que ma fille était séparée de vous. Hélas ! La pauvre enfant, je n’ose pas lui écrire, elle ne recevrait pas ma lettre. Je ne sais pas même si celle-ci vous parviendra. Recevez pour eux deux ici ma bénédiction. J’espère qu’un jour, lorsqu’ils seront plus grands, ils pourront se réunir avec vous et jouir en entier de vos tendres soins. Qu’ils pensent tous deux à ce que je n’ai cessé de leur inspirer, que les principes et l’exécution exacte de ses devoirs, sont la première base de la vie, que leur amitié et leur confiance mutuelles en feront le bonheur ; que ma fille sente qu’à l’âge qu’elle a, elle doit toujours aider son frère, par les conseils que l’expérience qu’elle aura de plus que lui et son amitié pourront lui inspirer ; que mon fils à son tour, rende à sa sœur tous les soins, tous les services que l’amitié peut inspirer ; qu’ils sentent enfin tous deux que dans quelque position qu’ils pourront se trouver, ils ne seront vraiment heureux que par leur union ; qu’ils prennent exemple de nous. Combien dans nos malheurs, notre amitié nous a donné de consolation, et dans le bonheur on jouit doublement quand on peut le partager avec un ami, et où en trouver de plus tendre, de plus cher que dans sa propre famille? Que mon fils n’oublie jamais les derniers mots de son père que je lui répète expressément : qu’il ne cherche jamais à venger notre mort. […]
Il me reste à vous confier encore mes dernières pensées. J’aurais voulu les écrire dès le commencement du procès, mais, outre qu’on ne me laissait pas écrire, la marche a été si rapide que je n’en aurais réellement pas eu le temps.
Je meurs dans la religion catholique, apostolique et romaine, dans celle de mes pères, dans celle où j’ai été élevée, et que j’ai toujours professée. N’ayant aucune consolation spirituelle à attendre, ne sachant pas s’il existe encore ici des prêtres de cette religion, et même le lieu où je suis les exposerait trop s’ils y entraient une fois. Je demande sincèrement pardon à Dieu de toutes les fautes que j’ai pu commettre depuis que j’existe. J’espère que, dans Sa bonté, Il voudra bien recevoir mes derniers vœux, ainsi que ceux que je fais depuis longtemps, pour qu’Il veuille bien recevoir mon âme dans Sa miséricorde et Sa bonté. Je demande pardon à tous ceux que je connais et à vous ma sœur, en particulier, de toutes les peines que, sans le vouloir, j’aurais pu leur causer. Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu’ils m’ont fait. Je dis ici adieu à mes tantes et à tous mes frères et sœurs. J’avais des amis ; l’idée d’en être séparée pour jamais et leurs peines sont un des plus grands regrets que j’emporte en mourant. Qu’ils sachent du moins que jusqu’à mon dernier moment, j’ai pensé à eux.
Adieu, ma bonne et tendre sœur. Puisse cette lettre vous arriver. Pensez toujours à moi ; je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfants. Mon Dieu ! Qu’il est déchirant de les quitter pour toujours ! Adieu, adieu, je ne vais plus que m’occuper de mes devoirs spirituels. Comme je ne suis pas libre dans mes actions, on m’amènera peut-être un prêtre, mais je proteste ici que je ne lui dirai pas un mot et que je le traiterai comme un être absolument étranger. •
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Les nouveaux gratte-ciel de La Mecque © Copyright : DR
Par Péroncel-Hugoz
Sans aucun lien avec les récents événements tragiques, Péroncel-Hugoz a découvert - sur documents - des destructions stupéfiantes dans la Ville sainte de l'Islam. Sa connaissance exceptionnelle du monde arabo-musulman nous renseigne sur des sujets peu connus de nous et, par exemple, nous apprend que les talibans ou Deach ne sont pas les seuls à avoir démoli des souvenirs historiques de portée universelle ...
Je suis conscient que parler de faits survenus dans une cité où mon statut de non-musulman m’empêche d’aller, va encore me valoir des reproches du type : « Cela ne vous regarde pas ! » Néanmoins, je persiste car mes sources sont fiables ; car il s’agit aussi d’une question historico-culturelle interessant le monde entier ! Certes, La Mecque est avant tout une ville sainte de l’Islam mais elle appartient également au patrimoine archéologique universel comme d’autres cités sacrées : Rome, Lhassa, Bénarés, Jérusalem, Fatima, Moulay-Idriss, etc.
Je m’empresse d’ajouter que, contrairement à certains Occidentaux, je n’ai jamais réclamé au nom de Dieu sait quelle égalité ou plutôt égalitarisme, que le Haram-el-Chérif, en Arabie, soit ouvert aux non-mahométans au moins en dehors du grand pèlerinage annuel. Pourquoi ? Parce que j’ai vécu douloureusement la foire touristique, bruyante, vulgaire et parfois indécente qui a largement désacralisé le Saint-Sépulcre (tombeau) de Jésus à Jérusalem ou les mosquées de Kairouan, grandes ouvertes aux hordes touristiques.
Voici donc la liste, pas forcément complète, des principaux bâtiments ou lieux historiques de La Mecque, détruits ou endommagés au XXIe siècle (Voir notamment le plan paru dans le quotidien parisien « Le Monde » des 27-28 septembre 2015) :
• Arasement de la colline d’où parla le patriarche Ibrahim (Abraham)
• Destruction de la maison d’Aboubaker, premier des quatre califes « bien guidés » et père d’Aïcha, l’une des principales épouses de Mahomet.
• Remplacement de la demeure présumée de Khadija, première épouse de Mahomet*, par des latrines publiques.
• Démolition de la maison natale de Mahomet, prophète de l’Islam.
• Destruction de la première école coranique, sous prétexte d’agrandir la Grande Mosquée de La Mecque.
• Mise à bas des quartiers abbassides et ottomans, près de la Grande Mosquée de La Mecque, etc.
J’ajoute à cette liste de dégâts un petit souvenir personnel rapporté d’Arabie, à Djeddah, hors du périmètre interdit aux non-musulmans, donc, et qui concerne la disparition du long tumulus qualifié par la tradition populaire depuis un temps immémorial, de « tombeau d’Eve », Haoua en arabe, mère de toute l’Humanité, non-mahométans compris. Ce tumulus était très long car la compagne d’Adam aurait été, comme son époux, géante. Je vis donc ce tumulus à travers une grille l’entourant, sous le règne du roi Fayçal, à la fin du XXe siècle, et puis, quelques années plus tard, des voyageurs dignes de foi, musulmans ou non, m’assurèrent que ce simple mausolée de terre, pourtant conforme au strict dépouillement ouahabite, avait été arasé par ordre du gouvernement de Ryad car des croyants venaient y prier ou se recueillir, en invoquant les mânes de Lalla Haoua …
Ces diverses démolitions, opérées sans tambours ni trompettes, sont comparées en privé par des membres de l’UNESCO, y compris arabes, aux dynamitages à grand spectacle d’antiquités, organisés par des djihadistes en Afghanistan ou en Syrie. Sans remonter au vandalisme des révolutionnaires français athées sous le régime de la Terreur (1792-1795).
Depuis le XXe siècle, l’Arabie a été reconnue universellement comme gardienne des Lieux saints de l’Islam mais elle n’a pas pour autant reçu mandat de quiconque pour supprimer des souvenirs historiques matériels des Villes saintes dont elle a la responsabilité. Surtout si c’est pour construire à la place une sorte de « Mahomet Parc », expression utilisée par l’hebdo français « Valeurs actuelles », « Parc » centré autour d’un gratte-ciel stalino-américain de 600 m de haut qui écrase le périmètre à échelle humaine de la Kaâba. •
* Mahomet est la graphie française, spécifique et neutre, fixée millénairement, du nom du prophète de l’Islam, Mohamed. Dans l’espace francophone, le mot « Mahomet » n’a aucune connotation dépréciative et désigne d’emblée le personnage historique et religieux, tandis que « Mohamed » n’évoque que les millions de musulmans portant ce prénom. La demande de certains croyants islamiques de remplacer en français « Mahomet » par « Mohamed » est donc aussi absurde et irrecevable que si les francophones exigeaient des arabophones qu’ils appellent « Jésus » le personnage sacré nommé par eux « Aïssa » ou « Sidna Aïssa ». A chaque langue ses caractéristiques ! C’est ce qui fait leur saveur.
Péroncel-Hugoz - Le 360
Alain Paucard est un sacripant. Il a repris sa mitraillette en bandoulière et tire ses rafales. Tout y passe ! Comment imaginer, au siècle radieux dans lequel nous vivons, pouvoir donner encore des leçons sur un tableau noir ? Encourager les enfants à visiter le temple de la barbarie qu’est le Musée de l’Armée ? Donner une leçon de prosodie en osant se moquer des chanteurs modernes, du rap de banlieues et surtout de René Char ? Ne pas se mobiliser contre le Sida et limiter la science à la découverte de l’usage du canon et de la dynamite en regrettant le temps où on pouvait se trucider d’homme à homme en se servant d’estoc et de taille ?
Pire encore, ses moqueries à l’égard de la fonction de président de la République sont indigestes, surtout lorsqu’il prône un retour à la Royauté. Complètement archaïque cet homme !
Il prône la sensualité de l’écriture à la plume, déplore le manque de romantisme du courriel et traite les lecteurs de consommateurs. Il en est même à désapprouver la disparition des classes de première dans le métro, en prophétisant comme son père que « les gens finiront par se promener avec une plume au cul ». Il ose affirmer que la démocratie est ennemie de l’érotisme et il rend hommage aux libertins, nostalgiques du porte-jarretelles et à la prostitution à l’ancienne. D’après lui, la plus grande libération est l’œuvre des catholiques avec leur messe en latin, la beauté des processions, les prêtres en soutane et, surtout, leur art pictural qui, depuis les premiers siècles, présente la chair de manière sublimée. Il en serait presque à reprocher à Calvin et à Luther d’avoir détruit l’image.
A notre époque où Internet relie les peuples, il le qualifie de la plus grande catastrophe de l’humanité. Quant à la jeunesse, il se permet un hymne aux voyous et blousons noirs en méprisant les révolutionnaires de Mai 68 qu’il considère comme des enfants de BOF dont les seules qualités seraient la débrouillardise, la combine et un amour immodéré pour le rap, sorte de sabir américano commercial. En fait, il ne trouve de vertu pour la jeunesse que l’engagement dans la Légion ou la préparation à Saint Cyr.
Il se permet aussi de reprocher aux écologistes de jeter l’argent par les fenêtres en érigeant des éoliennes vissées dans du béton et accuse les architectes du renouveau, tel Portzamparc, d’être des barbares. Ce pauvre sacripant en est encore à la nostalgie des vieux villages. Ce vieux réac, puisqu’un réac ne peut être que vieux, pleure sur la disparition du cinoche et s’afflige de la prépondérance de la télévision en citant André Malraux : « La différence entre le cinématographe et la télévision : dans un cas la lumière vient de derrière et dans l’autre de devant. »
Même le sport en prend son grade. Il sanctifie le grossier spectacle de la boxe, regrette que le rugby soit devenu professionnel, et glorifie le vélo, sport adulé par les travailleurs et Michel Audiard, donc des beaufs, qui l’utilisaient pour se rendre au boulot.
En fait, les regrets de cet ombrageux auteur se limitent à la disparition des triperies, des putes de Saint Denis, de la 2 CV, du cinoche avec Jean Gabin, des bars enfumés et j’en passe…
Alain Paucard est bien un Sacripant ! La définition donnée pour cette appellation par le Littré est synonyme de mauvais garnement, fripouille et querelleur, et, pour le Larousse, de vaurien capable de mauvais coups. Mais la véritable étymologie vient du patronyme italien Sacripante, personnage du poète de Matteo Maria Boïardo, qui dans son œuvre, l’Orlando Innamorato (Roland amoureux, 1476-1494), est doué d’une bravoure exceptionnelle et d’une force extraordinaire. Grand chevalier, il porte secours de manière désintéressée à la Dame dont il est épris.
Paucard est un sacripant dans le sens chevaleresque et son livre, courageux et lucide, est à lire et à relire sans aucune modération.
Oui, c’était mieux avant, d’Alain Paucard, éditions Jean-Cyrille Godefroy, 118 p., 12 euros. •
Un clown atteint du syndrome de Tourette ? Question posée avec esprit par Manuel Moreau dans Causeur. Sa satire des mœurs et du niveau des invités patentés des plateaux télé fait mouche. Ces gens-là ne méritent rien d'autre que d'être moqués et dénoncés pour ce qu'ils sont. Peu de chose, en vérité ...
« Elle est partie, la pute ? » C’est en ces termes que Laurent Baffie s’était enquis de la présence de Virginie Tellenne (Frigide Barjot) sur le plateau de « C à vous », l’émission de France 5 à laquelle il était convié le 17 novembre 2014. L’année précédente, déjà, il l’avait publiquement traitée de « connasse », en son absence bien entendu. Plus classe, tu meurs. Mais personne ne s’était ému de cet acharnement ad hominem (oui, en latin Frigide Barjot est un homo comme un autre). Au contraire, les sites d’info s’étaient fait un plaisir de relayer la vidéo du « clash » pour exciter les hyènes 2.0 sur Twitter et ailleurs.
Depuis, la plainte déposée par la victime pour injure publique a valu au célèbre « sniper » d’être convoqué par les enquêteurs, le 18 août dernier. Et sa déposition, que Causeur s’est procurée, vaut son pesant de cacahuètes… A la question « Reconnaissez-vous que le terme de “pute” puisse être considéré comme une expression outrageante et méprisante pour la personne visée ? », Laurent Baffie trouve amusant d’avouer que « cette comparaison est très outrageante pour les prostituées ». Et il « s’excuse donc auprès de toutes les prostituées » pour lesquelles il dit avoir « beaucoup de respect », contrairement à « la personne visée ».
Mais attendez, il y a encore plus bidonnant. Au lieu de lui rappeler fermement la loi, et de faire remarquer au rigolo que sa réponse pourrait être interprétée par un juge comme la preuve de sa volonté d’insulter la victime, les « enquêteurs » enchaînent directement sur une question ahurissante : « Y aurait-il une connotation humoristique ou décalée au moment où vous tenez ces propos ? » Transposons la question dans le cadre de l’audition d’un jeune banlieusard suspecté de trafic de drogue, par exemple. Cela donnerait sans doute : « Quelqu’un vous aurait-il glissé ce sachet de cocaïne dans la poche, profitant d’une minute d’inattention ? »
Au terme de cet interrogatoire à décharge, « l’humoriste » n’a eu qu’à acquiescer aux suggestions des enquêteurs pour affirmer la main sur le cœur qu’il faisait de l’humour, rien que de l’humour. Au passage, il n’a pas omis d’assurer qu’il ignorait être à l’antenne au moment de prononcer ces mots. Et pour cause : l’injure publique, lorsqu’elle est caractérisée, coûte infiniment plus cher que si elle est proférée en privé. Bien qu’invraisemblable, dans une émission connue pour mettre en scène l’entrée des invités par une porte donnant sur le plateau, cette version pourrait faire économiser une jolie somme au pauvre saltimbanque barjophobe…
Laurent Baffie a finalement été mis en examen le 7 octobre. En attendant une décision de justice, on comprend mieux la séquence de l’émission « On n’est pas couché », samedi dernier, où il avait traité Yann Moix de « merde »… pour mieux lui signifier quelques minutes plus tard que, bien sûr, c’était pour rire ! Ce vrai-faux clash avait laissé perplexes un certain nombre de téléspectateurs, qui n’en percevaient pas bien le sens ni l’intérêt. Au vu de ses démêlés judiciaires du moment, le clown cherche de toute évidence à démontrer que l’injure n’est jamais, de sa part, qu’une bonne blague. Et si, sur un malentendu, Yann Moix venait à porter plainte, le courageux Baffie jurerait sans doute qu’il ne pensait pas être filmé… •
A noter que Valeurs actuelles dans sa livraison d'hier jeudi ne dit pas révolte mais Révolution. Son titre l'annonce pour demain. C'est à dire pour bientôt. Or les mécontentements catégoriels (salariés, paysans, profs, policiers, retraités, médecins, artisans ...), si puissants soient-ils, peuvent créer un mouvement de révolte; et, s'ils se conjuguent, cette révolte peut devenir générale. Mais cela ne fait pas une Révolution. Du moins, au sens profond. S'il s'agit de remplacer le roi fainéant tristement figuré sur la couverture de Valeurs actuelles, par un de ses clones, la dite révolte ne constituera pas une Révolution. Une révolte n'est pas une Révolution. A moins que ça n'en soit que le simulacre. Boutang aurait dit : une semble-Révolution, comme nous avons, aujourd'hui, un semble-Etat.
Quel visage pourrait prendre une Révolution dans la France d'aujourd'hui ? Dans le monde d'aujourd'hui ? Donc, de quelle nature, cette Révolution ? La question se pose et ne se résout pas en un titre. Ni en quelques manifs. Ni en quelques lignes ...
Il y a un peu plus de deux siècles, la Révolution consistait à abattre la monarchie, guillotiner le Roi et la Reine, tuer le Dauphin, éradiquer la Famille de France; combattre la Religion, détruire l'ordre ancien : l'aristocratie et le peuple, l'Eglise, les corporations et les provinces; instaurer tout à la fois l'individualisme en lieu et place de l'esprit communautaire ancien, et le jacobinisme féroce. Nous avons vécu sur cet héritage déconstructeur, y vivons encore, et subissons ses effets pervers. Cet héritage, aujourd'hui, pour le dire de façon très modérée, ne fait plus l'unanimité...
Au XXe siècle, le Révolution ce fut l'Internationale communiste, sous idéologie marxiste. Et le rêve planétaire qu'elle fit germer partout dans le monde. Ce devait être la société sans classes, ce fut le marxisme-léninisme, les soviets, le stalinisme, le maoïsme et ses terrifiants succédanés asiatiques, la nomenklatura, l'archipel du goulag, l'oppression de masse, les grands procès, la ruine économique et l'effondrement final. Il n'y a de cela que vingt-cinq ans ...
La Révolution d'aujourd'hui a pris des formes douces. Elle se nomme mondialisme, consumérisme, abaissement des frontières, effacement des nations et réduction des Etats à la quasi-impuissance, formatage et indifférenciation des peuples, dislocation de la famille et même négation des sexes, métissage universel et multiculturalisme. Cette Révolution établit par là, faute d'un autre, le règne exclusif de l'Argent, de l'argent hors sol, celui que condamnent les Papes, et, sous couvert de multiculturalisme, elle installe partout une terrible et quasi universelle inculture. Au peuple est laissé, autant qu'il se peut, peut-être plus pour très longtemps, assez de moyens pour consommer et vivre selon son caprice. Sans raison de vivre et de mourir. Telle est, nous semble-t-il, la modernité ou postmodernité.
Les trois véritables Révolutions que nous venons à très grands traits de caractériser sont aujourd'hui mal vues et contestées par de nombreux esprits libres. Edgar Morin, lui-même, se refuse désormais à utiliser le mot et à souhaiter la chose. Le courant bien ou mal nommé des néo-réacs ou néo-conservateurs, pour hétéroclite qu'il soit en effet, comme Alain de Benoist le signale à juste titre, s'oppose à la plupart des caractéristiques des révolutions passées ou présente, que nous venons de rappeler. On voit bien que ce courant - qui ne contrôle ni les médias, ni l'Université, ni les pouvoirs établis - suffit à affoler médias et politiques. Le Système ...
Il n'y aura pas de Révolution future véritable qui se situe dans la lignée des trois autres. Qui ne soit qu'un changement de majorité ou de présidence. Qui ne soit qu'une alternance de plus avec son lot de déceptions et son inefficacité. Qui ne remette pas en cause l'ensemble des erreurs et des faux principes que nous n'avons fait ici qu'évoquer et qui ont ruiné la France et, par surcroît, l'Europe.
Alors quoi ? Disons-le tout net : il n'y aura pas de Révolution véritable qui ne soit en quelque façon une contre-révolution, ou, si l'on veut, car on ne remonte jamais le temps, une alter-révolution. Henri Guaino, sous le quinquennat précédent avait soufflé à Sarkozy le mot Renaissance. Il avait raison. La grande ambition, l'entreprise ainsi nommée nous eût ramenés à notre culture, notre Histoire, nos racines, notre souveraineté, notre ordre, notre excellence. Il présupposait de la part du peuple français et de ses dirigeants une forme de retournement, de métanoïa. C'eût été, pour le coup, une Révolution de fond, une Révolution salvatrice. C'était évidemment peine perdue.
Alors, va pour une Révolution ! Mais la vraie. Celle que nous venons de dire. Le reste ? C'est l'esprit politicien qui perpétue le mouvement du Système. L'inverse de la Révolution légitime que l'on doit souhaiter à la France. Lafautearousseau •
Image : Soleil.
Eric Guéguen dans Causeur : une réflexion pertinente et fine sur la gauche, la droite, la réaction, les politiques et les médias. Une réflexion politique et métapolitique dont nous conseillons la lecture ...
« La gauche est une route rectiligne, dédaignant le paysage. La réaction est un chemin qui serpente entre les collines. » Dans cette phrase de Nicolás Gómez Dávila, la « gauche » est à entendre comme le « progrès », et ce dernier comme inconditionnel. Quant à la « réaction », l’auteur s’y référait constamment en lieu et place du mot « droite », déprécié par les réflexes marchands qui peu à peu s’y sont rattachés. Hostiles aussi bien au socialisme qu’au capitalisme ou à la démocratie d’opinion, les aphorismes de Gómez Dávila feraient aujourd’hui bondir le landerneau du prêt-à-penser. Néanmoins, sa formule lapidaire mise en exergue nous instruit parfaitement de ce qui, d’un point de vue idéologique, est en train de se passer aujourd’hui en France : un retour de bâton.
À entendre Léa Salamé, les réactionnaires sont partout, on n’entend qu’eux, il n’y en a que pour eux. Elle en veut pour preuve les couvertures d’hebdomadaires sur lesquelles on peut voir régulièrement Finkielkraut, Zemmour, Onfray. Mais également Onfray, Zemmour et Finkielkraut. Ainsi que Zemmour, Finkielkraut et même Onfray. C’est dire ! Franchement Léa, la « réaction », combien de divisions ? De plus en plus chez les petites gens, très certainement, et il faudra vite expliquer pourquoi. Mais combien de généraux ? Et surtout, Léa, combien en face ? Combien d’universitaires, d’auteurs, d’éditeurs ? Combien de journalistes et de présentateurs télé ? Combien de chanteurs et de bateleurs en tous genres ? Combien d’acteurs, de producteurs, de scénaristes ? Combien de professeurs et d’instituteurs ? Combien d’entre eux sont dévoués corps et âme et ouvertement à l’idée du Bien qu’on impose aux Français depuis un demi-siècle ? Et dans la classe politique, combien de « réacs » ? On nous assure maintenant que Nadine Morano en est. Est-ce bien sérieux ? Parlons de son cas une minute puisque c’est un lièvre que Mademoiselle Salamé et son nouveau complice Yann Moix ont eux-mêmes levé.
Nadine Morano est une habituée des plateaux nocturnes de Laurent Ruquier. Du moins l’était-elle encore récemment. Bien qu’elle n’ait pas inventé le jeu de quilles, peut-on sincèrement imaginer une seule seconde que ses derniers propos tenus dans On n’est pas couché aient consisté à affirmer que la France avait vocation à demeurer un pays de race blanche ? Les yeux dans les yeux, et sans croiser les doigts sous la table, est-ce seulement envisageable ? Non, sauf à penser qu’elle ait voulu, ce soir-là, se suicider médiatiquement, précisément parce que l’anti-progressisme ne fait pas la pluie et le beau temps dans les médias. Car il est évident que les « commissaires aux idées propres » (Taguieff) appointés par Monsieur Ruquier ne pouvaient laisser passer un tel « dérapage »… qu’ils ont par ailleurs pour tâche de provoquer. Au moins est-ce pratique pour le patron : il n’a pas à leur jeter d’os à ronger, ils se servent directement sur la bête. Quand on a des idées en vent contraire et que l’on n’est pas préparé à aller au combat pour les défendre, on ne va surtout pas chez Ruquier, même pour un livre à vendre. À moins, bien sûr, que le fiasco induit fasse partie de la stratégie de l’éditeur : faire le buzz coûte que coûte.
Le cas Morano est révélateur de la standardisation des propos dans les médias de grande écoute. Il ne s’agit nullement d’une offensive « réactionnaire » encouragée voire orchestrée en sous-main par un méchant de service. Il s’agit au contraire d’une chape de plomb sémantique qui ne parvient plus à contenir tout le réel. Celui-ci dégouline, et c’est parce qu’il dégouline que des gens regardent encore les émissions de Laurent Ruquier le samedi soir – que l’intéressé en soit informé. C’est parce que l’on peut encore y glaner quelques vérités pas bonnes à dire que son talk-show attire le chaland. De la même manière, c’est parce que les susmentionnés Zemmour, Onfray et Finkielkraut font vendre du papier à nos pucelles effarouchées qu’une bonne partie de la presse politique survit. Certains ont beau jeu, après cela, de déplorer que le seul romancier français connu et reconnu à l’étranger – Michel Houellebecq – soit lui-même un pisse-froid réactionnaire ; ils seront toujours les premiers à le promouvoir.
C’est là que le bât blesse. Chez Taddeï l’autre jour, Eugénie Bastié informait l’oracle Attali du grand retour du Réel, de son débordement disais-je plus haut. C’est inéluctable, et ils seront nombreux ceux qui, bientôt, ne pourront plus parader, gesticuler pour ne rien dire et ergoter sur l’emploi de mots que le bon peuple est ou n’est pas en mesure de comprendre. Il leur faudra alors lâcher d’une main ce à quoi ils tiennent le moins pour s’agripper à ce qu’ils revendiquent le plus. Il leur faudra choisir entre un vieux corpus féérique et doctrinaire, et l’appât du gain relativement à la demande. Ils devront accepter que leurs chimères ne puissent plus abuser qui que ce soit et qu’elles basculent dans le folklore le plus insignifiant. Ou alors ils devront retourner leur veste afin de donner au peuple ce qu’il demande et, à nouveau, retrouver sa confiance. Et ses deniers. Autrement dit faire non seulement avec Zemmour, mais avec tous les Zemmour en puissance, c’est-à-dire tous les citoyens français qui, de gauche ou de droite, de bonne ou de mauvaise foi, de propos réfléchis, nuancés ou rentre-dedans décryptent le monde chaque jour sur le web pendant que des intellectuels organiques se servent mutuellement la soupe dans les médias aseptisés.
Alors oui, le vent tourne et la parole se délie à la base. Et comme dans ce pays tout fonctionne à la majorité, le haut du panier tremble à l’idée que la pensée « nauséabonde », rompue aux techniques putassières du progrès de commande, enrôle à son tour des majorités. Le progrès n’a plus la cote et il l’a bien cherché. À trop prendre les gens pour des demeurés, ses sectateurs ont ménagé une autoroute à la « réaction ». C’est elle qui vient désormais, tout le monde l’a compris. Et la partie se jouera entre réactionnaires, opposant d’inévitables extrémistes aux modérés d’entre eux. Sans oublier, bien sûr, de farouches « partisans du réel » qui s’ignorent. En effet, qu’elle assume ou non le qualificatif, toute personne se reconnaissant dans les propos liminaires de Gómez Dávila est, de fait, « réactionnaire ». Bienvenue au club. •
auteur du Miroir des Peuples (Perspectives libres, 2015).
Passer de 500 millions d’euros d’actifs à 20 milliards en cinq ans, c’est possible ! C’est ce que révèlent les agissements d’Altice, la société de portefeuille luxembourgeoise contrôlée par l’homme d’affaires israélien Patrick Drahi. Ses dernières emplettes ? L’opérateur de télécommunications américain Cablevision, pour 17,7 milliards de dollars, trois mois après avoir racheté en Europe la compagnie Portugal Télécom pour 7,4 milliards d’euros.
Devenu en quinze mois un magnat des médias français
Auparavant, en quinze mois, Patrick Drahi avait mis la main en France sur la majorité de l’opérateur de téléphonie mobile SFR ainsi que sur Virgin Mobile (il contrôle déjà le fournisseur d’accès à internet Numéricâble). Il s’était également lancé dans le rachat de gros médias nationaux, comme le groupe médiatique Roularta (L’Express, L’Expansion, L’Etudiant, Point de vue, etc), 42% du journal Libération et la moitié du capital des radios-télés RMC et BFM.
De la magie ? Non. Seulement une boulimie d’acquisitions obtenues par endettement, typique de l’actuel mouvement de concentration des richesses dans le monde. Fin juin, le montant dû par Altice à ses créanciers équivalait près de 30 milliards d’euros (avant acquisition de Cablevision). Qui lui prête ? « La société lève surtout de l’argent par émission d’obligations qui servent des taux d’intérêts élevés, de 5% à 6%. Et son business tient car elle améliore beaucoup les marges des entreprises acquises en coupant drastiquement dans leurs coûts », explique un analyste de banque qui suit la valeur. Un quart de la dette d’Altice est également assuré par des crédits bancaires.
Comment la dette concentre les richesses
Pour obtenir de tels financements, il faut du réseau et Patrick Drahi n’en manque pas. Celui qui avait commencé sa carrière télécom en France avec le soutien de nombreux fonds américains – dont Carlyle, bastion financier du complexe militaire états-unien – est très présent en Israël, où il a été reçu à plusieurs reprises par l’ancien président Shimon Peres. Il y a d’ailleurs lancé i24news, une chaine d’informations multilingue dont le but est de « doter Israël d’un outil d’influence », selon son directeur.
Le modèle d’Altice peut-il tenir ? L’inquiétude a gagné certains banquiers après la publication d’une note de Goldman Sachs qui mettait en doute les montages financiers du groupe. « Même si les taux d’intérêts venaient à monter, son modèle devrait encore marcher », tempère cependant notre analyste bancaire. « Altice coupe drastiquement dans les coûts des entreprises rachetées. Par exemple, suite à son acquisition en République dominicaine, la marge d’exploitation y est passée en très peu de temps de 30% à 50% [à force de licenciements massifs – NDLR]. Quand vous rachetez une compagnie mal gérée et que vous pouvez en améliorer le business, ça fonctionne. Néanmoins, Altice ne pourra pas continuer à aller aussi vite comme cela », conclut le spécialiste. •
Le point de vue de Thibault de Montbrial
Un refus de permission de sortie à un détenu pour assister à des obsèques - mais cela devient une habitude - a provoqué une série d'incidents et de violences à Moirans, dans l'Isère. Pour Thibault de Montbrial, dans un entretien donné au Figaro, l'État a choisi de renoncer à intervenir sans comprendre qu'il envoyait un message de faiblesse. L'analyse de Thibault de Montbrial, pour intéressante qu'elle soit, ne dispense pas d'aller au delà, ce qu'il fait d'ailleurs lui-même brièvement in fine : ce n'est plus tellement par un choix délibéré que l'Etat renonce désormais à user de la force face à l'émeute, mais simplement à raison de sa propre décomposition, devenue en quelque sorte intrinsèque, en raison de la situation potentiellement explosive dans certains territoires, enfin, en raison du délitement profond de la société française. Ce que François Bayrou constatait hier en termes graves et précis dans la matinale de France Inter... En 2006, déjà, après les émeutes de Villiers le Bel, Raphael Draï et Jean-François Mattei, dans un ouvrage collectif qu'ils avaient codirigé, posaient la question de fond : « La République brûle-t-elle ? ». A vrai dire, elle vit sur une poudrière. Et nous avec. LFAR
Que vous inspirent les scènes de violence des gens du voyage à Moirans ?
Les scènes hallucinantes vues à Moirans hier sont la conséquence de celles de l'autoroute A1 en août dernier. A l'époque, l'État avait fait le choix de laisser l'un des plus grands axes routiers d'Europe coupé par une centaine de personnes qui revendiquaient la sortie de prison de l'un des leurs. En renonçant à rétablir l'ordre contre une poignée d'individus, l'État avait alors envoyé un signal catastrophique dont les événements de Moirans sont la conséquence directe. Hier, comme en août, les forces de l'ordre ne sont pas intervenues pour interpeller les auteurs de ces violences et dégager les barrages en temps réel. Le signal donné est aussi clair que négatif : l'État ne recourra à aucun moment à l'affrontement physique contre des individus déterminés. On ne peut encore mesurer les conséquences délétères de ce message catastrophique, mais d'autres événements de cette nature paraissent dès lors inéluctables.
Pourquoi n'y a-t-il eu aucune interpellation ?
Ainsi qu'on l'a vu par exemple au cours des violents débordements qui ont suivi les matchs de l'équipe d'Algérie pendant la Coupe du Monde en 2014, La doctrine du gouvernement socialiste est la suivante : en matière de maintien de l'ordre, pas d'affrontement pour ne pas faire de victimes afin d'éviter que la situation n'empire. Le gouvernement a conscience que notre pays est dans une telle situation de tension qu'il suffirait de quelques blessés ou d'un tué parmi ces personnes issues de minorités pour que des territoires entiers du pays s'embrasent.
Mais l'effet produit est exactement inverse : au lieu de montrer sa fermeté et de dissuader les futurs fauteurs de troubles, l'État a choisi de renoncer à intervenir sans comprendre qu'il envoyait un message d'une immense faiblesse. Les perturbations successives qu'on observe dès lors, avec des troubles inouïs à l'ordre public et des violences qui ont des coûts très importants pour la société, à la fois en ce qui concerne le fonctionnement - la coupure d'une autoroute en août, d'une route et d'une voie ferrée hier - et la remise en état - pour réparer les dégâts causés, en sont la triste illustration.
Cette attitude des forces de l'ordre ne s'applique pas qu'aux gens du voyage…
Non. On l'a vue à l'œuvre lorsque des débordements très graves étaient advenus après les matchs de l'équipe d'Algérie pendant la coupe du monde 2014, avec des scènes surréalistes notamment dans le quartier des Champs Élysées où des personnes étaient victimes de dépouillements systématiques et où se sont même produits certains cas d'agressions sexuelles. Certains de ces événements se sont déroulés à quelques mètres des cordons de forces de l'ordre, dont les demandes d'intervention formulées par le commandement de terrain étaient refusées par la hiérarchie.
Pour en revenir aux incidents de l'A1 et de Moirans, il faut encore souligner que l'on a affaire à des individus qui non seulement entravent la liberté d'aller et venir, provoquent des dégâts importants aux biens matériels, mais dont l'action constitue de surcroît une pression sur l'autorité judiciaire.
Tout ceci est d'autant plus insupportable que, dès que les manifestations sont pacifiques, la force publique est volontiers utilisée pour des évacuations parfois musclées, comme les avocats l'ont expérimenté hier devant le Tribunal de Lille.
Il faut enfin souligner que les forces de l'ordre (policiers et gendarmes) ne sont que les exécutants de ces choix politiques, et que nombre d'entre eux en sont écoeurés et comprennent l'exaspération de nos concitoyens.
Comment l'État peut-il encore affirmer son autorité en laissant passer de tels actes de violences ?
Dans sa conférence de presse de rentrée, François Hollande avait justifié le comportement du préfet qui avait délibérément choisi ne pas libérer l'autoroute A1 par la force.
L'exécutif est tétanisé devant l'ampleur de la décomposition du tissu social et la hausse des violences de toute nature. Mais refuser par principe le recours à la violence légitime, c'est afficher une faiblesse qui encourage les fauteurs de troubles quels qu'ils soient, et expose avec certitude notre société à des violences futures dont la gravité ne pourra que croître. •
Thibault de Montbrial est avocat au barreau de Paris et spécialiste des questions de terrorisme et président du Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure. Son premier livre, Le sursaut ou le chaos est paru en 2015 aux édition Plon. En tant qu'avocat et ancien militaire, il défend et conseille des policiers depuis 20 ans.