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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1489

  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • Rétro 2015 • Civilisation, ce mot si souvent brandi en 2015 mais dont le sens profond nous échappe largement

     
     
    Guerre de civilisations ? Défense de la civilisation ? A la suite des attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan, le mot de civilisation s'est retrouvé dans tous les discours des politiques et des intellectuels français. Mais en connaît-on véritablement le sens ? Retour sur l'histoire d'un mot et tentative de définition.
    Telle est, du moins, ici, l'intention de Christophe Dickès et tel est l'objet de sa réflexion, qu'il mène à partir de la pensée de Jacques Bainville. Ce dernier serait sans-doute assez surpris que l'on tente de résumer son pessimisme et peut-être son espoir pour l'avenir de notre civilisation par la formule de Jean d'Ormesson citée par Christophe Dickès : « Le seul salut ne peut venir que de l’entreprise » ! Mais, de fait, l'analyse que nous livrons à la réflexion de nos lecteurs ne s'en tient heureusement pas là. Il faut donc lire l'ensemble de cette chronique qui, bien entendu, n'épuise pas le sujet ... LFAR
     

    dickès.pngA la question de savoir quel a été le moment le plus important de l’année 2015, il me semble qu’il ne s’agit pas d’un événement en particulier, mais plutôt d’un mot : celui de civilisation. Ce mot avait beaucoup été utilisé au lendemain des attentats du 11 septembre. On parlait alors du choc des civilisations, en écho au célèbre livre de Samuel Huntington.

    Depuis plus d’un an, la progression dans l’horreur des islamistes de Daech a amené nos hommes politiques à adopter l’idée d’une « défense de la civilisation ». Après Nicolas Sarkozy au mois de janvier dernier, Manuel Valls a franchi le Rubicon en évoquant à son tour la guerre de civilisation au mois de juin : « Nous ne pouvons pas perdre cette guerre parce que c’est au fond une guerre de civilisation. C’est notre société, notre civilisation, nos valeurs que nous défendons ». Le 14 juillet dernier, ce fut au tour de François Hollande de nous expliquer que nous étions face à des groupes qui « veulent remettre en cause les civilisations ». Par l’utilisation du pluriel, l’affaire se compliquait quelque peu... De son côté, et bien avant tout le monde, Christiane Taubira se réjouissait du changement de civilisation opéré par le mariage entre personnes de même sexe. Une civilisation serait donc à géométrie variable. Mais au fond qu’est-ce donc que la civilisation ? 

    En son temps, c’est-à-dire au début du XXe siècle, l’historien et journaliste Jacques Bainville (1879-1936) tenta de la définir en se posant la question de son avenir. Il le fit en 1922, c’est-à-dire au lendemain de la Grande Guerre, considérée à l’époque comme le plus grand traumatisme de l’histoire européenne. Il rappelait à juste titre que le mot de civilisation s’était répandu en Europe au XIXe siècle, c’est-à-dire à une époque de progrès scientifique, industriel et commercial : « La conception du progrès indéfini concourut à convaincre l’espèce humaine qu’elle était entrée dans une ère nouvelle, celle de la civilisation absolue. » Mais, pour Bainville, confondre progrès et civilisation était une erreur : le progressisme lyrique de Victor Hugo et le scientisme d’Auguste Comte ont été ensevelis dans la boue des tranchées de 1914. La guerre de masse rappela à l’espèce humaine que le progrès n’était pas si indéfini… A l’orgueil et à l’ivresse s’étaient substituées la mort et les souffrances, la peur et les angoisses. Conscient de la fragilité du monde dans lequel il vivait, Bainville constatait : « Nous voulons bien croire encore, par un reste d’habitude, au progrès fatal et nécessaire. Mais l’idée de régression nous hante, comme elle devait hanter les témoins de la décadence de l’empire romain. »

    La civilisation n’a donc rien à voir avec le progrès. Elle était pour lui comme la santé, destinée à un équilibre instable : « C’est une fleur délicate. Elle dépend de tout un ensemble de conditions économiques, sociales et politiques. Supprimez quelques-unes de ces conditions : elle dépérit, elle recule ». Et il ajoutait plus loin : « La réalité que l’on avait oubliée ou méconnue et qui se rappelle à nous cruellement, c’est que la civilisation, non seulement pour se développer, mais pour se maintenir, a besoin d’un support matériel. Elle n’est pas dans les régions de l’idéalisme. Elle suppose d’abord la sécurité et la facilité de la vie qui suppose à son tour des Etats organisés, des finances saines et abondantes. » Et c’est ici que Bainville donne la définition de la civilisation. Elle est, écrit-il, « un capital. Elle est ensuite un capital transmis. Car les connaissances, les idées, les perfectionnements techniques, la moralité se capitalisent comme autre chose. Capitalisation et tradition, - tradition c’est transmission, - voilà deux termes inséparables de l’idée de civilisation. »

    Il peut paraître étonnant de la part de Bainville, historien et spécialiste des relations internationales, d’associer l’idée de civilisation en partie à des nécessités économiques. Pourtant, c’est oublier qu’il fut, dans l’histoire de la presse, un des tous premiers journalistes économiques, collaborateur du journal libéral Le Capital. A cet égard, il offre bien des leçons pour notre temps et n’aurait pas été dépaysé sous la présidence de François Hollande et le gouvernement de Manuel Valls : il blâmait les rigueurs du fisc qui empêchait l’investissement ; il souriait de la fuite des capitaux en rappelant l’histoire de Voltaire que l’on considérerait aujourd’hui comme un exilé fiscal ; il soutenait le sort des classes moyennes « qui sont le plus solide support de la civilisation » contre l’Etat-providence. Il a même fustigé ces socialistes qui menacent la finance quand ils sont dans l’opposition, pour mieux la solliciter arrivés au pouvoir : « On menace, on épouvante d’abord les capitaux, on court ensuite après eux. On montre le poing aux banques dans l’opposition. Au pouvoir, et quand le Trésor est à sec, on sollicite l’aide des banquiers. » Dans une émission de radio, Jean d’Ormesson, à qui l’on demandait ce qu’impliquait « Changer de politique », le slogan de la soirée électorale du 13 décembre dernier, lança laconique : « Le seul salut ne peut venir que de l’entreprise. » Un constat très bainvillien en somme que ne semble pas comprendre notre gouvernement.

    Néanmoins, l’enseignement de Bainville a ses limites. En effet, il aurait été surpris par les fractures sociale et sociétale de notre époque, tout comme par le développement du communautarisme. La France du début du XXe siècle, c’est-à-dire la France de la IIIe République gardait une identité forte incarnée dans l’éloquence de ses hommes politiques, de ses gens de Lettres et ses hommes de presse. C’était un temps aussi où l’on respectait le professeur dont le rôle était de transmettre un savoir et non d’éduquer des enfants. La IIIe république entretenait aussi le culte du passé. De tout le passé, sans exception. A La Sorbonne, l’amphithéâtre Louis Liard qui date des premières années du régime républicain, un des plus beaux d’Europe, incarne cette conception assumée de notre histoire : on y voit le portrait en pied de Richelieu au-dessus de la chaire principale et, dans les médaillons, on reconnaît Pascal, Bossuet, Descartes, Racine, Molière et Corneille. L’âme française. Bainville pleurerait de voir que la civilisation est aujourd’hui aux mains d’amateurs plaçant le latin comme un « enseignement de complément » selon le jargon du Ministère de l’Education nationale.

    Bainville, qui associait nécessités de la politique intérieure et défis de la politique étrangère, croyait aux permanences dans l’histoire. Pour cette raison, son œuvre, qui ne cesse de puiser des exemples dans le passé, reste profondément contemporaine. C’est peut-être pour cette raison que depuis sa mort en 1936, elle a été rééditée par les plus grandes maisons de la place parisienne[1]. Si Bainville avait vécu de nos jours, il aurait été classé dans le camp des « déclinistes » aux côtés de Zemmour, Lévy, Rioufol ou de Villiers. Pourtant, il rappelait que « le pessimisme, cause de découragement pour les uns, est un principe d’action pour les autres. L’histoire vue sous un aspect est une école de scepticisme ; vue sous un autre aspect, elle enseigne la confiance. » L’année 2015, elle, nous aura enseigné une leçon oubliée, celle de la fragilité des temps. Il ne tient qu’à nous de redonner à notre civilisation toute sa force.   

    [1] Bainville, La Monarchie des Lettres (anthologie), Robert-Laffont, coll. Bouquins, 1184 pages, 30,50€.

    Historien et journaliste, spécialiste du catholicisme, Christophe Dickès a dirigé le Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège chez Robert Laffont dans la collection Bouquins. Il est également l'auteur de Ces 12 papes qui ont bouleversé le monde (Tallandier).

    Atlantico

  • Terrorisme & Société • Attentats évités ? Le pire est à venir

     

    Une réflexion de Dominique Jamet

    Face aux menaces grandissantes, aux coups reçus, aux carnages subis, à la certitude de leur renouvellement, à la perspective de longues années de crainte où l'insouciance ne sera plus de mise, un peuple se soumet ou se ressaisit. Qu'en sera-t-il du peuple français ? Son Histoire plaide pour le sursaut. Mais se répétera-t-elle ? Le peuple français sera-t-il seulement capable de résistance et de réaction en l'état actuel de décomposition structurelle et mentale de la société civile ? N'est-il pas, d'autre part, trahi par ses élites, stérilisé par son système politique ? La France pourra-t-elle s'en sortir sans transformations radicales, sociétales, politiques et institutionnelles ? Telle est la troisième série de réflexions à laquelle nous conduisent celles, au nombre de deux, que développe ici Dominique Jamet avec son habituelle lucidité.   LFAR 

     

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    « Fusillade sur la Grand-Place de Bruxelles : cinq policiers et trois passants innocents tués »… « Carnage à Munich : trente-cinq morts dans les attentats-suicides de la gare principale »… « La bombe du tueur fou de New York fait vingt-trois victimes sur Time Square »… « Ankara : le massacre de la Saint-Sylvestre »… « Djakarta : le terrible bilan de la prise d’otages »…

    Autant de gros titres, autant d’éditions spéciales du journal télévisé, autant de faits divers sanglants, autant de nouveaux drames, autant de nouveaux deuils auxquels, s’il faut en croire les informations diffusées par les autorités des différents pays concernés, nous avons échappé de plus ou moins près, à la veille du Nouvel An, grâce aux précautions policières ou aux arrestations préventive qui ont fait échouer les plans des fanatiques. Partie remise ?

    Les attentats déjoués, les attentats évités – de justesse ou non – ne laissent pas plus de souvenirs dans les esprits que de traces de sang sur les trottoirs de nos villes, et c’est fort bien ainsi. Mais les alertes de cette fin d’année 2015 incitent à deux types de réflexion.

    On a abondamment et peut-être même surabondamment daubé les insuffisances et les ratages des services de renseignement occidentaux, et notamment français ou belges lorsqu’il est apparu que la quasi-totalité des auteurs des pires attaques perpétrées ces dernières années, de Khaled Kelkal aux frères Kouachi en passant par Mohammed Merah, Coulibaly, Abaaoud, Mehdi Nemmouche, étaient dûment repérés, signalés, fichés comme radicalisés, dangereux. Ces critiques étaient compréhensibles et probablement inévitables, après coup. On n’a pas toujours pris en compte le cloisonnement et le manque de moyens des services concernés, le manque de volonté et de directives au sommet des États, et les deux difficultés majeures que constituent d’une part la disproportion entre les effectifs disponibles pour la surveillance des suspects et le nombre de ceux-ci, d’autre part l’incompatibilité entre les contraintes propres aux régimes démocratiques et la mise hors d’état de nuire des criminels potentiels avant qu’ils ne soient passés aux actes. Autant de raisons qui appellent et justifient le renforcement des moyens humains et matériels des forces de l’ordre et l’adoption de mesures d’exception liées à des circonstances exceptionnelles. La moindre impartialité nous commande de prendre également en compte, dans la mesure du possible, les succès discrètement enregistrés par la police et la neutralisation d’un certain nombre d’assassins en fait ou en devenir, la partie immergée de l’iceberg.

    Deuxième réflexion : en difficulté, voire en recul sur le terrain, Daech redouble de nocivité et cherche à compenser ses échecs militaires par des attentats aussi spectaculaires que possible. Le groupe État islamique a donné clairement mission à ses adeptes, peu visibles et parfois même fondus dans la masse de la population, de frapper aussi fort et aussi souvent qu’ils le peuvent. Les serpents et les fauves ne sont jamais aussi dangereux que lorsque, blessés, acculés, ils se sentent perdus. Ce qui pourrait passer pour une démonstration de force n’est parfois que le sursaut du désespoir. Ne nous faisons pas d’illusions pour autant. Nous sommes encore loin de l’hallali. Le pire est encore à venir et il en sera ainsi, pour reprendre la citation bien connue où Brecht visait une autre malfaisance, tant que sera fécond le ventre d’où a surgi la bête immonde.  •

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      Journaliste et écrivain - Boulevard Voltaire
  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • Exposition • Monarchie et beaux-arts

    Vaduz

    Par Péroncel-Hugoz

    Emballé par une exposition de haut vol à Aix-en-Provence, Péroncel-Hugoz en profite pour mettre en lumière les liens naturels existant entre la royauté et les arts.

     

    peroncel-hugoz 2.jpgEn ce moment, et jusqu’au 20 mars 2016, se tient à Aix, ancienne capitale de la Provence comtale puis royale, une exposition de peinture comme on en voit rarement par sa haute qualité, et qui permet aussi de se pencher sur les rapports étroits existant souvent, tant en Occident qu’en Orient, entre monarchie et beaux-arts. 

    La collection en question ici appartient aux princes souverains du Liechtenstein qui règnent depuis le XVIIe siècle sur ce petit (160 km², 36 000 âmes, capitale Vaduz) mais superbe pays, inséré entre Rhin et Alpes, entre Suisse et Autriche et où règne actuellement, depuis 1989, Son Altesse Hans-Adam II, quinzième monarque de cette dynastie germanique qui a résisté à tous les bouleversements et a affirmé son indépendance en écartant l’idée d’adhésion à l’Union européenne. 

    Les tableaux présentés à Aix-en-Provence sont tous hors concours et résument bien la grande peinture européenne d’hier, loin, très loin des «installations» de ferrailles et chiffons d’aujourd’hui qui font rugir d’admiration les chroniqueurs «dans le vent» de la presse euro-américaine … Une foule franco-étrangère se presse chaque jour depuis le 7 novembre, vers le grandiose hôtel (et nouveau musée) de Caumont, rendu récemment à ses décors XVIIIe siècle, pour y admirer des œuvres de Cranach, Raphaël, Rubens, Rembrandt, Franz Hals, Van Dyck, Claude-Joseph Vernet, Hubert Robert, Madame Vigée-Lebrun, etc. 

    Des sculptures de Breker au Maroc 

    En parcourant les hautes salles du musée, je pensais au patient travail de collectionneur des souverains français, de François 1er à Napoléon III, via Louis XIV et Louis-Philippe 1er, grâce à la perspicacité de qui Paris possède aujourd’hui, avec le Louvre, le plus vaste pôle artistique des cinq continents. Je pensais aussi à la collection de peintures marocaines et étrangères que l’actuel monarque chérifien a commencée et également aux œuvres d’art réunies par certains de ses prédécesseurs, tel son grand-père Mohamed V qui, comme le très connaisseur président Senghor du Sénégal, sut faire appel par trois fois à celui qui fut sans doute le plus novateur, le plus spectaculaire sculpteur européen du XXe siècle, Arno Breker (1) ; le sultan-roi dépassait ainsi avec panache les préventions politiques contre cet artiste qui avait travaillé … pour le Troisième Reich d’Hitler… L’Art, le vrai, se reconnaît au fait qu’il est toujours au-dessus des vicissitudes de l’Histoire. La dynastie de Vaduz offre aussi un modèle exemplaire, quoique peu connu, de lignée adonnée à la constitution raisonnée d’un patrimoine artistique cohérent et varié. Loin des artistes de pacotille… 

    On se moque facilement, dans les salons casablancais ou parisiens, des extravagances de nouveaux-riches des islamo-pétro-monarchies mais c’est oublier que plusieurs d’entre elles (Koweït, Abou-Dhabi, Doubaï, Oman, Bruneï) sont collectionneuses et on ouvert des musées. Si l’Arabie fait exception, avec son intransigeant wahabisme qui a même laissé détruire d’insignes monuments historiques dans les Villes saintes de l’Islam, l’autre Etat wahabite, Qatar, a su, lui, honorer les beaux-arts avec magnificence sans pour autant renier sa doctrine religieuse. En Iran, la dynastie hélas renversée des Pahlavi a laissé derrière elle de fabuleuses collections persanes et européennes qui, tôt ou tard, feront derechef les délices des Iraniens. 

    Par hasard, c’est à Aix que je tombais sur le livre, pas encore traduit en français, du philosophe allemand naturalisé états-unien, Hans-Herman Hoppe (né en 1949), ayant enseigné en Europe et en Amérique, et qui, dans un essai brillamment argumenté, «Democracy: the God that failed» (Démocratie : le dieu qui a échoué) démontre que les monarchies, ayant pour elles « la durée et le temps», peuvent réaliser ce dont sont incapables beaucoup de républiques, par exemple réunir dans la sérénité, augmenter et conserver des collections d’œuvres d’art. Hoppe, comme avant lui le penseur canadien Marshall McLuhan (1911-1980), est devenu un fervent royaliste par la simple observation de faits contemporains ou historiques. Tous deux ont pointé la bousculade permanente des présidences de quatre ou cinq ans, qui plus est mangées en partie par des campagnes tapageuses et coûteuses en vue d’éventuelles réélections… Hoppe associe à son éloge de la royauté celui du capitalisme familial, tellement plus humain que le « bizness » international, aveugle et anonyme. 

    Les princes du Liechtenstein se sont de tout temps tenus à distance des jeux politiciens et l’un des plus beaux résultats de leur comportement détaché se trouve dans ces collections, actuellement en partie exposées à Aix; collections figurant au premier rang des patrimoines artistiques royaux, avant même peut-être celui des Windsor, en Grande-Bretagne, si on en croit les experts en art occidental. 

    Si vous passez cet hiver par la Provence, ménagez-vous une halte à l’hôtel de Caumont et vous jugerez !              

     

    Le Musée Caumont est ouvert tous les jours de l’année de 10h à 18h. Librairie. Petite restauration. Parc-autos à proximité. 3, rue Joseph-Cabassol, à deux pas du cours Mirabeau, 13100-Aix-en-Provence. 

    1. Voir « Arno Breker à la cour chérifienne », par Péroncel-Hugoz, « La Nouvelle Revue d’Histoire », Paris, juillet-août 2009

    Peroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le 360 du 25.12.2015

  • Société • Nativité et résurrection à l’italienne

     Palerme, Sicile

     

    Un point de vue original et juste de Camille Pascal

    Pour l'essentiel, Camille Pascal établit par l'exemple une comparaison entre la France et l'Italie, à l'avantage de cette dernière : « L’Italie, toute République qu’elle soit, sait d’où elle vient. ». L'explication est selon nous très claire : la République italienne naît presque immédiatement après la seconde guerre mondiale, comme une suite de la défaite de l'Italie, conduite par Mussolini et la dynastie des Savoie. Elle ne procède pas d'une révolution et n'a avec la Révolution française que des liens indirects. Elle ne se bâtit pas en rupture avec l'Histoire de l'Italie, elle ne pratique pas la table rase, elle ne renie pas ses racines C'est ce qui la différencie d'avec la République française qui se tient toujours, en définitive, dans le droit fil de la Révolution française, de l'idéologie qui la fonde et, sous diverses formes, du jacobinisme et de la Terreur. Sa radicalité ne s'est jamais vraiment éteinte. Et la France continue, si l'on peut dire, d'en porter la croix. LFAR

     

    Camille%20Pascal_22222222222222.pngLa réplique scrupuleuse d’un chef-d’oeuvre du Caravage a retrouvé la place de l’original, probablement vandalisé puis détruit.

    L’événement est passé quasiment inaperçu en France mais il a eu un retentissement considérable en Italie et dans le monde de l’art. Le 12 décembre dernier, à Palerme, la Nativité avec saint François et saint Laurent, du Caravage, a retrouvé le délicieux oratoire de San Lorenzo et son cadre de stucs insensés, sculpté par le grand Serpotta à l’extrême fin du XVIIe siècle.

    Le tableau avait été peint par le maître au lendemain de sa fuite des geôles de l’ordre de Malte, soit un an avant qu’il ne soit retrouvé mort sur une plage de Toscane, dans des conditions déjà pasoliniennes. Malgré la présence à l’arrière-plan de l’ange et de saint François d’Assise en prière, cette Nativité reste d’un très grand réalisme caravagesque.

    Saint Joseph est représenté avec la jeunesse que lui donnent les Écritures mais que lui refuse le plus souvent l’iconographie traditionnelle ; tournant le dos au spectateur, vêtu d’un pauvre manteau vert et chaussé de simples pantoufles, il semble dialoguer avec les saints apocryphes imposés par les commanditaires. La Vierge, elle, a la simplicité d’une jeune femme du peuple et regarde tristement l’Enfant Jésus posé à même le sol dans une position d’abandon, qui pourrait être celle d’un sommeil profond si elle n’annonçait pas déjà son sacrifice. La tête d’un boeuf pensif contemple cette Nativité désolée par l’obscurité du jour de la crucifixion.

    Pourtant, le tableau qui était inauguré en grande pompe le 12 décembre dernier est un faux ou, plus exactement, une réplique scrupuleuse savamment reconstituée grâce à des techniques de pointe. L’original, lui, a disparu. Il a été volé sur ordre d’un mafieux et maladroitement découpé au couteau par un mauvais garçon de Naples, qui devait avoir les mêmes traits que les modèles masculins dont le Caravage aimait à faire des apôtres, des martyrs ou des Bacchus. La toile n’a jamais été retrouvée. Massacrée par les larrons chargés de ce larcin, refusée par les receleurs épouvantés et peut-être taraudés par le remords du sacrilège qu’ils avaient ordonné, elle aurait été détruite.

    Les Palermitains n’ont jamais accepté cette disparition, ils ont d’abord tenté l’impossible pour retrouver l’original puis, en désespoir de cause, ils se sont donné les moyens de cette véritable résurrection de leur Nativité.

    Tout fut alors fait pour que ce chef d’oeuvre du ténébrisme ait retrouvé sa place avant Noël, de façon à ce que la Sainte Famille enfin réunie pour la Nativité puisse être offerte à la contemplation des fidèles. Le président de la République italienne, Sergio Mattarella, a tenu à assister, lui-même, à cette résurrection d’un monument de l’art sacré.

    L’Italie, toute République qu’elle soit, sait d’où elle vient. 

    Camille Pascal (

    Valeurs actuelles)

     

  • Beaux-arts • Andy Warhol : la prophétie du vide

     

    par Raphaël de Gislain

    L’un des mages de l’art contemporain fait l’objet d’une exposition nécessairement haute en couleurs au musée d’Art moderne de Paris. Ainsi est l’art d’Andy Warhol : un feu d’artifice tape-à-l’œil couronnant un monument de vacuité.

    « Le vide est en train de s’emparer de la planète », observait avec détachement Andy Warhol dans son journal en 1984. Il ne pouvait intérieurement que s’en réjouir, y voir briller le reflet de ses intuitions profondes, lui qui, depuis ses débuts dans les années 60, s’était évertué à inverser les polarités de l’art pour en brouiller les fréquences, rompant radicalement avec la religion romantique de l’artiste, chose que les Surréalistes n’avaient jamais osé faire, pour que se lève une aube nouvelle où le Rien devient la mesure de toute chose – de l’art en particulier –, où le temps s’arrête parce que l’âme cesse de battre, où l’ennui éternel accapare toute parcelle de vie, la matière ayant tout emporté sur son passage dans le productivisme effréné de l’après-guerre. La silhouette iconique du « pope of the pop » rabâchée ad nauseam comme une publicité – une ombre dégingandée d’adolescent au masque lunaire, aussi glacial que le platine de ses perruques – ne doit pas oblitérer la profondeur du vide où l’artiste a plongé de façon presque fatale : il y a quelque chose de sacrificiel dans l’art de Warhol ; un martyre de dandy condamné à vivre devant son miroir pour l’éternité.

    Des « trucs » érigés en œuvres d’art

    – O’ Brien : « Croyez-vous à la peine de mort ? »
    – Warhol : « Pour l’amour de l’art, bien sûr »
    Sa première véritable exposition en 1962, à Los Angeles, donne le « la » d’une conception qui entend renverser l’ensemble des paradigmes de l’art que la civilisation a mis des siècles à enfanter : en y montrant des peintures de boîtes de Campbell’s Soup, dont il se nourrissait, Andy Warhol transforme in fine les masses en commanditaires suprêmes de l’œuvre. Le Pop Art, un courant né en Angleterre, se révèle par son biais et celui de quelques autres, la nouvelle forme de l’art américain en réaction contre l’expressionnisme abstrait jugé trop élitiste. La culture dite populaire en est tout à la fois le sujet et l’objet : pour sa deuxième exposition, Warhol présente près de 400 « sculptures », des répliques de cartons d’emballage ou brillent les logos des marques Kellogg’s corn flakes, Brillo, Mott’s Apple Juice, etc. Ce faisant, l’artiste de Pittsburg exploite les « trucs » appris dans son métier de « designer » commercial et de publicitaire, les transposant dans le champ artistique. Si le scandale arriva, le malheur n’avait pourtant rien de neuf…

    Warhol ne faisait-là que recycler les fameux ready-made de Marcel Duchamp qui, dès 1913, exposait roue de bicyclette et autre urinoir à la barbe des critiques qui manquaient de s’étrangler devant tant d’audace. Dans Paris-New York et retour, Marc Fumaroli offre une lecture lumineuse du contexte dans lequel agissait Duchamp. Normand de vieille souche, cultivé et lettré, l’artiste vint fuir une vie de province bourgeoise dans le Paris des artistes. Ses deux frères étaient d’excellents peintre et sculpteur ; comment exister, lui qui se rêvait unique ? En déclarant que tel objet était une œuvre d’art qui s’ignorait. Avant lui, travaillait-on sans signer ? Il signerait sans travailler… Il y avait de l’esprit fin-de-siècle dans cette posture qui relevait d’une farce du Chat noir ou d’une fantaisie décadente de Laforgue. Mais en la mimant, Warhol en fait tout autre chose. Il coule le concept de ready-made dans la mentalité américaine de son temps, plus que jamais portée vers la consommation. La blague n’a plus à faire rire mais à faire vendre.

    A la peinture trop artisanale, trop lente et donc peu rentable, il préfère vite la sérigraphie, une technique de reproduction photographique sur toile qui lui assure une force de frappe maximum. L’art est un produit comme un autre. On doit pouvoir le démultiplier pour qu’il atteigne le plus grand nombre. Sa Factory, son usine-atelier où s’agglutinent poètes branchés et muses sous LSD, est là pour ça. Tout se décline à l’infini, puisque le sens a disparu au profit de la surface, qui demeure seule à subsister. La mort peut se choisir en vert, en rouge, en jaune, en bleu selon la photo de chaise électrique que l’on préfère ; les images de stars reproduites jusqu’à plus soif, de Jackie Kennedy, de Marilyn Monroe, etc. bénéficient de la même stratégie commerciale. De même que les portraits royaux diffusaient l’image de la monarchie, la publicité devient chez Warhol l’art des grandes démocraties…

    D’un totalitarisme à l’autre

    Il est assez fascinant de constater comment l’art warholien, par son absolue déshumanisation, en vient à vampiriser les concepts les plus éloignés de sa dynamique pour y puiser sa propre substance. Ainsi du réalisme socialiste auquel il s’oppose en tous points dès le départ, aussi bien politiquement qu’idéologiquement, en vantant malgré lui l’impérialisme américain, le règne de l’argent-roi et la consommation comme un art. Précisément par sa démarche, et parce que le libéralisme de l’image fonde dorénavant l’art des masses, Wahrol retourne les préceptes du réalisme socialiste en une forme de réalisme capitaliste. Son idéal créatif, ainsi que son meilleur modèle économique, l’un n’existant pas sans l’autre, pourrait même reposer sur la diffusion d’une seule et unique image. Après tout, quoi de plus rentable pour un industriel ? Ses nombreux portraits de Mao Tsé-toung paraissent illustrer cette tentation d’anéantissement artistique total, que l’artiste avoue à demi-mot : « Ils (les Chinois) sont vraiment cinglés. Ils ne croient pas en leur créativité. Leur seule image, c’est celle de Mao Tsé-toung. C’est formidable. On dirait une sérigraphie »…

    Devant cette vie de bluff qui croit en tout sauf en elle-même, face à une conscience qui s’est condamnée à engendrer une œuvre volontairement vaine et sans âme, on devine, en creux, comme un destin sacrifié. Warhol, élevé dans le catholicisme uniate, qui priait avec sa mère et restait au fond de lui attaché à la figure du Pape – il rencontra Jean-Paul II en 1980 – finit par s’immoler par l’argent pour que s’accomplisse son siècle. Lâcheté ou cynisme, peu importe. Le temps de l’art commercial était venu et il œuvra à son avènement. Il y réussit presque trop bien. L’art contemporain et ses succursales demeurent aujourd’hui encore asservis à sa vision du marché et de la masse ; les dégâts sont irréversibles. En investissant la totalité des canaux de diffusion qui allaient fonder le monde postmoderne, médias, commerce et finance, le Pop Art a forgé la matrice de l’art spéculatif d’aujourd’hui. Une certaine Europe bourgeoise aura fait l’immense erreur de le mépriser, calfeutrée dans ses pédantes certitudes, sûre de pouvoir balayer cette avant-garde, comme les autres, d’un revers de la main. Il se jouait sous ses yeux une guerre idéologique majeure…

    Warhol Unlimited, Musée d’Art moderne de Paris, jusqu’au 7 février.

     

  • Tous nos voeux pour 2016

    « Versailles 2015 » - Aquarelle originale

     

    Pour la France, pour la Famille de France et pour nos familles, pour vous tous, chers amis lecteurs, pour Lafautearousseau qui vous accompagne chaque jour, et pour notre œuvre poursuivie ensemble au service du Bien commun : tous nos voeux pour 2016 ...

     

    Lafautearousseau

  • Vous avez dit : « autrement » ?

     

    Il paraît que les résultats des élections régionales exigent que l’on fasse désormais de la « politique autrement ». A gauche et à droite, c’est plus qu’une promesse, c’est une certitude : « Plus rien ne sera comme avant », a-t-on répété à satiété, de Jean-Christophe Cambadélis à l’inénarrable Christian Estrosi, élu en PACA avec les voix de ses « adversaires » de la veille, socialistes et écologistes. Drôle d’« autrement » qui consiste à priver des millions de citoyens d’une victoire acquise le plus démocratiquement du monde en vertu d’une intimidation intellectuelle maquillée sans scrupule en « front républicain »…

    Si le procédé possède un air de déjà-vu, la nouveauté réside dans le fait qu’avec 6 millions de voix au premier tour, soit 27% des inscrits, un record historique pour lui, le FN est aujourd’hui le premier parti de France – celui des abstentionnistes étant hors catégorie. On s’en doutait, mais les régionales sont venues confirmer cette réalité désormais incontournable de la vie politique française. C’est le premier enseignement de ces élections.

    Deuxième enseignement : la corrélation entre le vote FN et le chômage, établi au soir du second tour, ne tient pas la route. Elle permet seulement aux commentateurs autorisés d’éviter d’aborder franchement les sujets qui fâchent, en particulier l’immigration qui est aujourd’hui une des principales préoccupations des Français. D’ailleurs, plus qu’un simple témoignage d’adhésion aux thèses frontistes, discordantes selon qu’on est au nord de la France ou au sud, le vote FN est un sursaut du pays réel face à ce qui est ressenti comme une dislocation de la société. Sursaut que l’opposition entre « patriotes » et « mondialistes » ne traduit qu’imparfaitement.

    Troisième enseignement. Dès lors qu’il est en position favorable au premier tour, le mouvement de Marine Le Pen se heurte à un « plafond de verre », c’est-à-dire que sa réserve de voix est insuffisante pour l’emporter au second tour. Ce qui devrait l’amener à se poser la question des alliances car personne ne peut gagner seul contre l’ensemble coalisé des forces politiques et médiatiques.

    Quatrième enseignement qui découle du précédent : le battage idéologique de l’entre-deux tours permet d’illustrer le mot de Jacques Julliard selon lequel la gauche détient en France, à travers les institutions étatiques, politiques et médiatiques, « le monopole de la parole légitime ». Un Laurent Wauquiez l’a compris qui ne s’embarrasse plus de gages à donner au politiquement correct. Mais il est bien isolé au sein de la droite dite « républicaine » où Nicolas Sarkozy tergiverse et ne semble plus savoir à quelle stratégie se vouer.

    Conclusion : le PS, bien que largement minoritaire, n’est écrasé ni par le FN, ni par Les Républicains. Au point qu’une victoire socialiste en 2017 redevient envisageable, et même probable. Pour le candidat de la gauche – mais il faudrait dire du « système » – le tout sera d’arriver jusqu’au second tour où, face à Le Pen quasiment certaine d’y être, il donnera la grosse artillerie de la « République en danger » et de la « politique autrement ». Les véritables gagnants de ce scrutin, Manuel Valls et François Hollande, s’y voient déjà. Ainsi, le piège imaginé par François Mitterrand, non seulement pour diviser la droite mais plus encore pour étouffer toute réaction à l’hégémonie culturelle de la gauche, continue de remplir sa fonction au-delà même de ce qui était imaginable. « Plus le Front national sera fort, plus on sera imbattable », disait Pierre Bérégovoy au début des années 90. C’était il y a presque trente ans… C’était hier. C’est toujours aujourd’hui. 

    Politique magazine - Editorial, janvier 2016

  • Numéro de janvier de Politique magazine : « Terrorisme islamiste, si loin, si proche »

    Découvrez le numéro de janvier ! 

    Terrorisme islamiste, si loin, si proche

    Dossier spécial terrorisme

    Les attentats du 13 novembre ont ouvert les yeux de ceux qui refusaient encore de le voir : la France est en guerre contre l’état islamique. Les implications de cette guerre géopolitiques s’étendent à l’ensemble du monde musulman mais aussi à notre propre territoire.

    L’ennemi se situe à l’intérieur même de nos frontières. Ses combattants les plus déterminés se recrutent sur notre propre sol, là où une part de la population musulmane se laisse influencer par l’islamisme. Or, quand on mène une guerre, il faut la volonté de la gagner…

    > Grand entretien avec László Trócsányi, ministre hongrois de la Justice : « Bruxelles bafoue la souveraineté des Etats » 

    Et aussi dans ce numéro…  54 pages d’actualité et de culture !

    Sommaire

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  • Alain de Benoist : « Il ne sert à rien de supprimer Daech si l’on ne sait pas par quoi le remplacer ! »

     

    Nous reprenons ces excellentes - et pertinentes - réflexions d'Alain de Benoist qui visent, au fond, à mettre en garde contre une politique étrangère perpétuellement moralisante, idéologique et sans vision ni projet de long terme. Celle que nous avons, nous aussi, toujours dénoncée ici. Qui fut à la base des tragiques erreurs irakiennes, libyennes, afghanes et autres, dont nous avons aujourd'hui les conséquences dramatiques jusque sur notre sol. LFAR 

     

    1251985609.2.jpgFrançois Hollande a promis aux Invalides de « tout faire pour détruire les fanatiques de l’armée de Daech ». On en prend le chemin ?

    C’est de la gesticulation. Après s’être refusé à bombarder les positions de l’État islamique pendant plus d’un an pour se concentrer sur l’aide apportée aux opposants à Bachar el-Assad, le chef de l’État a seulement décidé d’intensifier nos frappes. Mais des attaques aériennes n’ont jamais permis de gagner une guerre, surtout réalisée par des chasseurs-bombardiers qui ont le plus grand mal à atteindre les cibles mobiles et des ennemis particulièrement aptes à la dispersion et à l’imbrication avec les populations (ne soyons pas naïfs au point de croire que nos frappes ne touchent que des djihadistes !). On compte à l’heure actuelle de vingt à trente frappes par jour sur un territoire grand comme la Grande-Bretagne, soit environ 8.300 frappes depuis le début des bombardements. Les frappes réalisées par nos avions de combat ne représentent que 4 % de ce total. Elles ont, au mieux, permis de détruire 1 % du total des effectifs armés de Daech. On est loin du compte.

    Qui dit guerre dit effort de guerre. Or, depuis des années, les budgets militaires sont les parents pauvres de la dépense publique. Passés désormais au-dessous du seuil de suffisance, ils ne permettent plus d’assurer nos missions régaliennes dans un monde qui devient pourtant toujours plus dangereux. Parallèlement, des milliers de militaires qui pourraient être mieux employés ailleurs ont été transformés en vigiles de rue (les opérations Vigipirate et Sentinelle mobilisent l’équivalent de deux brigades, alors que nous n’en avons que douze). Comme l’a dit le colonel Michel Goya, « il est toujours délicat de jouer les gros bras quand on n’a plus de bras ».

    Que faudrait-il faire ?

    Chacun sait bien qu’on ne pourra pas faire éternellement l’économie d’un envoi de troupes au sol. Mais personne ne s’y résout pour l’instant. Citons encore le colonel Goya : « Il n’y a combat dit asymétrique et résistance souvent victorieuse du “petit” sur le “fort” que tant que ce dernier craint de venir combattre sur le terrain du premier […] Quand on ne veut pas de pertes, on ne lance pas d’opérations militaires. »

    S’assurer de l’étanchéité de la frontière avec la Turquie, aujourd’hui inexistante, serait l’un des premiers objectifs à atteindre. La Turquie joue, en effet, un jeu irresponsable. Tout ce qui l’intéresse est de nuire à Bachar el-Assad et d’empêcher la naissance d’un État kurde indépendant. Elle aide directement ou indirectement Daech, et elle le finance en lui achetant son pétrole. Elle n’a pas hésité à abattre un avion russe parce que celui-ci bombardait des convois pétroliers, et les États-Unis lui ont apporté leur soutien dans cette agression d’une gravité inouïe au seul motif que les Turcs sont membres de l’OTAN.

    Cela pose la question de nos rapports avec l’OTAN, dont le général Vincent Desportes n’hésite pas à dire qu’elle est devenue une « menace sur la sécurité des Européens » et un « outil de déresponsabilisation stratégique » qui « nous prive des moyens de gagner des guerres et constitue le meilleur obstacle à l’édification d’une défense commune européenne indépendante ». À l’inverse, cela devrait nous amener à collaborer sans arrière-pensées avec tous les ennemis de nos ennemis, à commencer par la Russie, la Syrie et l’Iran. Mais soyons sans illusions : tous les spécialistes savent que cette guerre ne peut être qu’une entreprise de longue haleine, qui va durer au moins dix ou vingt ans.

    À supposer que les Occidentaux – ce terme est employé à dessein – aient la capacité technologique de gagner la guerre contre le terrorisme, comment ensuite gagner une paix durable ?

    Parler de « guerre contre le terrorisme » (ou « contre le fanatisme »), comme le font les Américains, n’est qu’une façon détournée de ne pas nommer l’ennemi. Notre ennemi n’est pas le terrorisme. Notre ennemi, ce sont ceux qui utilisent le terrorisme contre nous – et qui nous ont à ce jour plus terrorisé que nous ne les avons terrorisés nous-mêmes. On a tendance, aujourd’hui, à présenter les interventions militaires comme des « opérations de police ». C’est oublier qu’il y a une différence essentielle entre les unes et les autres, car la guerre aspire à la paix par la victoire, tandis que la police poursuit une mission sans fin (on ne fait pas la paix avec les délinquants). Refuser le statut d’ennemis à ceux que l’on combat, c’est s’engager dans des hostilités qui n’en finiront jamais.

    Lutter contre l’État islamique implique de s’attaquer aux causes premières de sa force, lesquelles ne sont pas militaires, ni même religieuses, mais fondamentalement politiques. Il ne sert à rien de supprimer l’État islamique si l’on ne sait pas par quoi le remplacer. S’imaginer que les choses reprendront leur cours normal une fois qu’on aura fait disparaître les « fanatiques » et les « psychopathes », c’est rêver debout. Cela exige une intense activité diplomatique, à la fois nationale et surtout régionale. Au bout du compte, une grande conférence internationale sera nécessaire, qui devra sans doute envisager un remodelage des frontières. Mais dans l’immédiat, il faudrait déjà en savoir plus sur l’État islamique, et se demander – la question a été posée récemment par Xavier Raufer – comment il se fait que ses principaux dirigeants ne sont justement pas des islamistes, mais le plus souvent des anciens cadres de l’armée de Saddam Hussein.  •

    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier

    Boulevard Voltaire

     

     
  • Gérard Leclerc : « La cage aux phobes » ...

     Philippe Muray

     

    GERARD LECLERC.JPGVoilà un certain temps que je m’inquiète de l’étrange propension du débat public à tourner à ce qu’on pourrait appeler l’inquisition lexicale. Il s’agit, en effet, de prendre à tout prix en défaut celui dont la tête ne vous revient pas, pour ce qu’on considère être un dérapage verbal. Le but est de le disqualifier, et plus encore de le mettre hors-jeu, en le faisant condamner par les tribunaux. Ce disant, je ne plaide évidemment pas pour la diffusion des discours de haine, pour l’apologie de ce qui est d’évidence insupportable. Je m’insurge contre une forme de police lexicale, qui finit par être dangereuse pour la liberté d’expression. En ce sens, je me sens assez proche de la mentalité américaine, farouchement attachée à cette liberté, garantie par la Constitution dans son célèbre Premier amendement, qui date de 1791.

    S’il y a excès et même faute, est-il absolument nécessaire de recourir aux tribunaux, dès lors qu’on a la faculté de répondre et d’expliquer franchement en quoi quelqu’un a dépassé la ligne jaune et peut être, pour cette raison, incriminé moralement ? Mais il est un autre aspect de l’inquisition lexicale, qui met en danger la probité du débat : c’est la psychiatrisation de l’adversaire, que l’on veut absolument convaincre de « phobie ». L’abus extrême de l’incrimination pour phobie pollue le libre échange des idées. Ainsi que l’avait déjà remarqué Philippe Muray, qui parlait d’une médicalisation systématique : «  Il y a maintenant des phobes pour tout, des homophobes, des gynophobes (appelés encore machistes ou sexistes), des europhobes, etc. Une phobie c’est une névrose : est-ce qu’on va discuter, débattre, avec un névrosé au dernier degré ! Non, on va l’envoyer se faire soigner, on va le fourrer à l’asile, on va le mettre en cage. Dans la cage aux phobes. » (Exorcismes spirituels III, Les Belles Lettres, 2002, p. 267).

    La cage aux phobes, aujourd’hui, c’est souvent le tribunal. C’est sans doute préférable aux hôpitaux psychiatriques de l’Union soviétique, où l’on enfermait les délinquants politiques. Mais je ne suis pas sûr que ce soit l’endroit rêvé pour arbitrer nos débats de fond.  •

    Gérard Leclerc

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    Ecouter : cliquez sur l'image

    La France Catholique

  • Hollande a fait son choix

     

    Un  point de vue de Dominique Jamet

    En tout cas une analyse qui donne à réfléchir. Et même à se poser la question de fond, celle qui sous-tend le débat politique français depuis des mois : comment un tel Système où même les situations les plus graves ne réduisent pas à leur néant les calculs politiciens, les combines électorales, les ambitions et les égos, mais, au contraire, les motivent et les exacerbent, susciterait-il la confiance et l'adhésion des Français ? Le fossé entre peuple et Système continuera de se creuser. Par la force des choses et des événements, viendra alors le temps des échéances. Des échéances plus décisives que celle de la réélection ou non de Monsieur François Hollande. LFAR 

     

    3312863504.jpgIl a longuement hésité. Pesé le pour et le contre. Pris des avis de sens contraire. Entendu les arguments des uns et des autres. Souri complaisamment aux uns comme aux autres. Laissé croire à ses interlocuteurs, quels qu’ils fussent, ce qu’ils avaient envie de croire. D’un côté, il y avait un marqueur traditionnel de la gauche. De l’autre, la possibilité d’une manœuvre politicienne fructueuse. Entre la fidélité aux grands principes, au risque de paraître manquer de détermination face au terrorisme, et l’éventuel avantage électoral qu’il pourrait tirer d’une posture de fermeté, François Hollande a balancé, au point que même deux des ministres les plus directement intéressés, Bernard Cazeneuve et Christiane Taubira, ont pu s’y tromper et que la dernière nommée a entrepris la tournée des dupes qui l’a menée à Alger et au bord de la rupture. Puis le Président a tranché – on sait dans quel sens.

    Est-ce parce qu’il s’était solennellement engagé devant le Congrès à priver de leur citoyenneté française les terroristes bénéficiant d’une double nationalité ? François Hollande n’est pas de ceux qui font obligatoirement ce qu’ils ont dit et un éventuel manquement à sa parole n’aurait fait que s’ajouter à la liste de ses promesses non tenues et de ses reniements plus ou moins assumés.

    Est-ce parce qu’il y a quoi que ce soit à attendre d’une mesure qui non seulement ne s’appliquera qu’à un nombre extrêmement réduit d’individus mais ne fera ni chaud ni froid à des gens qui s’excluent sciemment, par la pensée et par leurs actes, de la communauté nationale ? Évidemment non.

    Tout simplement, dans le contexte actuel, le Président ne pouvait ignorer que la déchéance de nationalité des criminels djihadistes était devenue un symbole, que l’opposition à l’affût s’apprêtait à exploiter toute reculade sur ce terrain et que l’opinion aurait suivi. D’où ce choix spectaculaire qui, après l’instauration de l’état d’urgence et la reprise du contrôle de nos frontières, entérine le ralliement du chef de l’État et de son gouvernement à des solutions qu’ils n’étaient pas les derniers à dénoncer, il y a six semaines, comme d’extrême droite et, il y a encore huit jours, comme typiquement de droite.

    François Hollande n’ignorait naturellement pas qu’il allait faire hurler ceux des socialistes qui sont encore de gauche et ceux qui se situent encore plus à gauche que les frondeurs. Mais peu lui chaut, désormais, de heurter ou de désespérer Benoît Hamon, Martine Aubry, Christian Paul, Cécile Duflot ou Jean-Luc Mélenchon alors qu’il lui importe beaucoup, au contraire, de caresser dans le sens du poil et de séduire Jean-Pierre Raffarin, Xavier Bertrand, Christian Estrosi, Jean-Louis Borloo, François Bayrou et jusqu’à Alain Juppé.

    À court terme, la droite et même le Front national sont pris au piège. Il serait désormais absurde et contre-productif que, dans ce vaste secteur de l’opinion, on aille rejeter une révision constitutionnelle faisant entrer dans notre droit des mesures que l’on réclamait à cor et à cri. Si peu de temps après que les électeurs socialistes ont permis aux « Républicains » de triompher dans le Nord et le Midi, nous allons donc les voir voler au secours de la gauche – un rendu pour un prêté – ou se déjuger et passer pour préférer les vieux clivages à l’intérêt national. L’inflexion en faveur de laquelle Manuel Valls et Ségolène Royal ont bataillé est un petit caillou de plus sur le grand chemin de la recomposition.

    À plus longue échéance – une échéance de dix-sept mois -, le Président, visant déjà le second tour, considère que l’essentiel des voix de toute la gauche lui est acquis et lui reviendra, bon gré mal gré, fût-ce en grognant, fût-ce la rage au cœur et la bave aux lèvres, face à Marine Le Pen, et que le réservoir de voix qui lui assurera la victoire finale se situe à droite et sera partie prenante dans la majorité de demain.

    En tout cas, cet épisode devrait fermer définitivement la bouche à ceux qui douteraient encore de sa volonté. De se présenter. 

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      Journaliste et écrivain - Boulevard Voltaire