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Moirans : l'Etat tétanisé devant la hausse des violences

 

Le point de vue de Thibault de Montbrial

Un refus de permission de sortie à un détenu pour assister à des obsèques - mais cela devient une habitude - a provoqué une série d'incidents et de violences à Moirans, dans l'Isère. Pour Thibault de Montbrial, dans un entretien donné au Figaro, l'État a choisi de renoncer à intervenir sans comprendre qu'il envoyait un message de faiblesse. L'analyse de Thibault de Montbrial, pour intéressante qu'elle soit, ne dispense pas d'aller au delà, ce qu'il fait d'ailleurs lui-même brièvement in fine : ce n'est plus tellement par un choix délibéré que l'Etat renonce désormais à user de la force face à l'émeute, mais simplement à raison de sa propre décomposition, devenue en quelque sorte intrinsèque, en raison de la situation potentiellement explosive dans certains territoires, enfin, en raison du délitement profond de la société française. Ce que François Bayrou constatait hier en termes graves et précis dans la matinale de France Inter... En 2006, déjà, après les émeutes de Villiers le Bel, Raphael Draï et Jean-François Mattei, dans un ouvrage collectif qu'ils avaient codirigé, posaient la question de fond : « La République brûle-t-elle ? ». A vrai dire, elle vit sur une poudrière. Et nous avec.    LFAR

Que vous inspirent les scènes de violence des gens du voyage à Moirans ?

Les scènes hallucinantes vues à Moirans hier sont la conséquence de celles de l'autoroute A1 en août dernier. A l'époque, l'État avait fait le choix de laisser l'un des plus grands axes routiers d'Europe coupé par une centaine de personnes qui revendiquaient la sortie de prison de l'un des leurs. En renonçant à rétablir l'ordre contre une poignée d'individus, l'État avait alors envoyé un signal catastrophique dont les événements de Moirans sont la conséquence directe. Hier, comme en août, les forces de l'ordre ne sont pas intervenues pour interpeller les auteurs de ces violences et dégager les barrages en temps réel. Le signal donné est aussi clair que négatif : l'État ne recourra à aucun moment à l'affrontement physique contre des individus déterminés. On ne peut encore mesurer les conséquences délétères de ce message catastrophique, mais d'autres événements de cette nature paraissent dès lors inéluctables.

Pourquoi n'y a-t-il eu aucune interpellation ?

Ainsi qu'on l'a vu par exemple au cours des violents débordements qui ont suivi les matchs de l'équipe d'Algérie pendant la Coupe du Monde en 2014, La doctrine du gouvernement socialiste est la suivante : en matière de maintien de l'ordre, pas d'affrontement pour ne pas faire de victimes afin d'éviter que la situation n'empire. Le gouvernement a conscience que notre pays est dans une telle situation de tension qu'il suffirait de quelques blessés ou d'un tué parmi ces personnes issues de minorités pour que des territoires entiers du pays s'embrasent.

Mais l'effet produit est exactement inverse : au lieu de montrer sa fermeté et de dissuader les futurs fauteurs de troubles, l'État a choisi de renoncer à intervenir sans comprendre qu'il envoyait un message d'une immense faiblesse. Les perturbations successives qu'on observe dès lors, avec des troubles inouïs à l'ordre public et des violences qui ont des coûts très importants pour la société, à la fois en ce qui concerne le fonctionnement - la coupure d'une autoroute en août, d'une route et d'une voie ferrée hier - et la remise en état - pour réparer les dégâts causés, en sont la triste illustration.

Cette attitude des forces de l'ordre ne s'applique pas qu'aux gens du voyage…

Non. On l'a vue à l'œuvre lorsque des débordements très graves étaient advenus après les matchs de l'équipe d'Algérie pendant la coupe du monde 2014, avec des scènes surréalistes notamment dans le quartier des Champs Élysées où des personnes étaient victimes de dépouillements systématiques et où se sont même produits certains cas d'agressions sexuelles. Certains de ces événements se sont déroulés à quelques mètres des cordons de forces de l'ordre, dont les demandes d'intervention formulées par le commandement de terrain étaient refusées par la hiérarchie.

Pour en revenir aux incidents de l'A1 et de Moirans, il faut encore souligner que l'on a affaire à des individus qui non seulement entravent la liberté d'aller et venir, provoquent des dégâts importants aux biens matériels, mais dont l'action constitue de surcroît une pression sur l'autorité judiciaire.

Tout ceci est d'autant plus insupportable que, dès que les manifestations sont pacifiques, la force publique est volontiers utilisée pour des évacuations parfois musclées, comme les avocats l'ont expérimenté hier devant le Tribunal de Lille.

Il faut enfin souligner que les forces de l'ordre (policiers et gendarmes) ne sont que les exécutants de ces choix politiques, et que nombre d'entre eux en sont écoeurés et comprennent l'exaspération de nos concitoyens.

Comment l'État peut-il encore affirmer son autorité en laissant passer de tels actes de violences ?

Dans sa conférence de presse de rentrée, François Hollande avait justifié le comportement du préfet qui avait délibérément choisi ne pas libérer l'autoroute A1 par la force.

L'exécutif est tétanisé devant l'ampleur de la décomposition du tissu social et la hausse des violences de toute nature. Mais refuser par principe le recours à la violence légitime, c'est afficher une faiblesse qui encourage les fauteurs de troubles quels qu'ils soient, et expose avec certitude notre société à des violences futures dont la gravité ne pourra que croître 

Thibault de Montbrial est avocat au barreau de Paris et spécialiste des questions de terrorisme et président du Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure. Son premier livre, Le sursaut ou le chaos est paru en 2015 aux édition Plon. En tant qu'avocat et ancien militaire, il défend et conseille des policiers depuis 20 ans. 

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