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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1186

  • Mathieu Bock-Côté : « La nouvelle censure de l'extrême gauche racialiste »

    Le 23 avril dernier, des militants proches du Parti des indigènes de la République donnaient une conférence à l'université de Nanterre, en plein blocage 

     

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    Mathieu Bock-Côté s'alarme des nouvelles réductions de la liberté d'expression au nom de l'idéologie diversitaire [Le Figaro, 2.08]. Au Québec, plusieurs spectacles ont été annulés en raison de l'« appropriation culturelle » dont ils feraient preuve. Analyse, comme toujours, brillante, juste, qui va au fond des choses.   LFAR

     

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    L'été 2018, à Montréal, aura été celui de la censure, et sa principale victime, Robert Lepage, un dramaturge québécois, dont deux pièces ont été annulées coup sur coup. La première, SLAV, se voulait un hommage aux victimes de l'oppression et tournait autour de chants d'esclaves, alors que la seconde, Kanata, renversait le regard historique traditionnellement posé sur le Canada, en privilégiant celui des Amérindiens par rapport aux Blancs.

    Lepage reconduisait, avec un génie dramaturgique indéniable, une lecture culpabilisante de l'histoire occidentale. Mais, sans le savoir, il était en retard sur la radicalisation du multiculturalisme. La controverse, chaque fois, s'est présentée de la même façon : un groupuscule prétendant représenter une communauté « minoritaire » a surgi pour accuser la pièce de se rendre coupable d'appropriation culturelle, c'est-à-dire d'une forme de pillage symbolique propre à la domination néocoloniale que subiraient les populations « racisées ». Dans un tel contexte, la peur de paraître raciste gagne alors l'espace public et un réflexe d'autocensure s'empare des esprits. Telle est la loi du politiquement correct.

    S'accuser soi-même d'insensibilité à la diversité

    slav-1024x655.jpgAinsi, les militants anti-SLAV ont-ils soutenu qu'il était absolument illégitime qu'une Blanche  puisse reprendre des chants composés par et pour des Noirs. Cet argumentaire prônant un principe d'étanchéité ethnique et réhabilitant la race comme catégorie politique est typique de l'extrême gauche racialiste qui entend légitimer par là un authentique racisme anti-Blancs. Il confirme l'américanisation mentale de la société québécoise, poussée à plaquer sur sa réalité une grille de lecture qui lui est totalement étrangère.

    Dans le deuxième cas, les militants amérindiens réclamèrent non seulement d'être consultés à propos du spectacle, mais de participer à sa confection. Certains se demandèrent si, dans cette logique, il fallait accorder un droit de veto aux groupes minoritaires lorsqu'une œuvre prétend traiter de son histoire ou de sa réalité. Chose certaine, l'espace public est aujourd'hui patrouillé par des milices identitaires toujours prêtes à s'indigner dès lors qu'on questionne l'image qu'elles prétendent projeter de leur «communauté».

    Malgré les passions soulevées par le débat, la classe politique, dans son immense majorité, s'est montrée très discrète, à l'exception du chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, qui a dénoncé vigoureusement la situation. Du côté des artistes, rares sont ceux qui ont dénoncé la censure, et les dirigeants du Festival international de jazz de Montréal et du Théâtre du Nouveau Monde, qui devaient accueillir SLAV, se sont même excusés d'avoir heurté la communauté noire montréalaise et de ne pas avoir tenu compte suffisamment de ses préoccupations.

    Ils s'accusèrent ainsi d'insensibilité à la diversité et auraient mérité leur mauvais sort. Plusieurs éditorialistes ont repris ce créneau. Sans endosser la censure, ils dénoncèrent la représentation médiatique insuffisante des minorités, qui serait à l'origine de leur colère légitime. Croyant se placer au-dessus du débat, ils ont repris le discours d'autoflagellation qui s'alimente à une terrible haine de soi. On peut voir dans cette lâcheté une forme de déclaration d'allégeance implicite au nouveau régime multiculturaliste, dont on ne contestera plus les dogmes et dont on reprend le langage.

    Cette querelle est absolument typique de la décomposition de l'espace public en contexte diversitaire, qui met en scène la grande revanche contre la civilisation occidentale, dont on dénonce pêle-mêle la « blanchité », la « binarité », le caractère « hétéropatriarcal » et ainsi de suite. L'heure serait venue de la décolonisation de la vie publique, ce qui supposerait d'abord la censure de la perspective majoritaire, nécessaire à la multiplication des paroles minoritaires.

    L'œuvre d'art n'a plus d'autonomie propre

    Les doléances s'accumulent publiquement avec la multiplication des catégories les plus improbables de dominés, comme on l'a vu avec l'emballement récent, dans le monde anglo-saxon, autour d'une pétition pour que Netflix suspende la diffusion d'Insatiable , une série annoncée pour le mois d'août accusée de «grossophobie». Pour sauvegarder l'estime de soi des différentes identités engendrées par la société diversitaire, leurs représentants autoproclamés seront en droit de déterminer en quels termes on devra parler d'elles. Celui qui prend la pose victimaire s'assure un privilège moral dans la vie publique.

    L'œuvre d'art n'a plus d'autonomie propre: elle n'a de valeur qu'à travers la mission idéologique qu'on lui prête. Fait-elle la promotion de la diversité, de l'inclusion, des migrants, de la fluidité des identités sexuelles et ainsi de suite ? Si elle peut être mise au service de la bonne cause, et pour peu qu'elle soit autorisée par les comités diversitaires consacrés, elle sera célébrée, et probablement même financée.

    Le Conseil des arts du Canada (CAC), d'ailleurs, a ainsi précisé que ceux qui veulent réaliser une œuvre d'art concernant les populations amérindiennes devront manifester publiquement leur respect à leur endroit, sans quoi leur demande de financement ne sera pas considérée. Comme l'a expliqué il y a quelques mois le directeur du CAC, « ce qu'on dit, c'est que, quand la proposition vient d'artistes qui sont blancs, il faut qu'on ait une preuve, une démonstration que, dans leur démarche artistique, les artistes qui proposent quelque chose soient en lien, en discussion, soient en consultation avec les autochtones ». On comprend jusqu'où mènera la généralisation de ce principe, qui consiste à réintroduire le délit de blasphème au nom du respect de la diversité.

    On en tirera une leçon d'ordre général, valable pour les deux côtés de l'Atlantique : la question de la liberté d'expression pose directement celle du régime dans lequel nous vivons. Quelles sont les conditions d'entrée dans l'espace public ? Qui est autorisé à se prononcer sur les questions d'intérêt général ou particulier ? Faut-il élargir ou rétrécir les paramètres de l'espace public ? La tendance lourde, aujourd'hui, est à leur rétrécissement. Tout pousse à une forme nouvelle de censure, qui justifie même l'ostracisation médiatique des mal-pensants et leur disqualification morale. Tôt ou tard, il faudra, pour assurer la revitalisation démocratique de nos sociétés, entreprendre la restauration des conditions nécessaires à la liberté d'expression et à une délibération publique délivrée du chantage des groupuscules fanatisés qui réclament le droit de faire taire ceux qui ne chantent pas leurs vertus. 

    Mathieu Bock-Côté        

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politiquevient de paraître aux éditions du Cerf [2016].

  • Le multiculturalisme, le vivre ensemble, le diversitaire, le rap et tout le reste ... Basta ! Macron n'a qu'à les inviter à l'Elysée !

    Booba et Kaaris se bagarrent à Orly : un aéroport bloqué, une boutique détruite, 14 interpellations

    Le Figaro, 2.08.2018

  • Loi anti-fake news ... « Contre la manipulation de l’information »

     

    Par Philippe Ménard

    Une prétendue loi de confiance dans l’information. En fait une loi de plus pour penser « correctement », ce qui traduit une profonde crise de confiance.

     

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    La question de l’information est éminemment politique.

    Il ne s’agit pas de remonter à Platon et de revenir sur la justification des mensonges des gouvernants, mais d’examiner la manière dont, aujourd’hui, en France, le pouvoir médiatique s’allie au pouvoir politique. Il y a, d’une part, la concentration des médias les plus répandus aux mains de quelques propriétaires qui, par le jeu des participations, des alliances et des accords commerciaux, sont en situation de contrôler à la fois les « contenus », comme on dit à présent, et leur distribution numérique auprès du plus grand nombre, dans le cadre des bouquets proposés par abonnement. Il y a, d’autre part, une profession clairement positionnée à gauche et qui, avec plus ou moins de sincérité, s’efforce de promouvoir un modèle de société multiculturelle manifestement en opposition avec le cadre de l’État-nation. Il y a, enfin, une opinion publique qui bénéficie de façon inédite de la double capacité de s’exprimer individuellement sans limite et d’empêcher collectivement l’expression des voix discordantes.

    Nous voici donc à un moment où les médias de service public, les médias dits « de référence » et l’État, tant par ses propositions législatives que par sa Justice, forment une coalition de fait pour imposer l’idée que « penser autrement » est dangereux. Vous pensez mal et voilà le danger ! Danger qui va du désagrément moral – la mauvaise odeur de la France moisie – jusqu’à la réelle mise en danger de la vie d’autrui et même jusqu’à la mise en cause de l’honneur et de l’indépendance de la France, soudainement exposée par la seule force de ces mauvaises opinions !

    Mais question : est-ce vraiment à l’État de déterminer ce qui est vrai ? Est-ce vraiment à ses médias de discriminer l’information avec tant de partis-pris que tel scandale est traité en anecdote et tel fait divers haussé au rang d’enjeu de civilisation ? Est-ce vraiment aux juges de dire instantanément, ou presque, ce qu’il est licite de diffuser et ce qui doit être tu, la démocratie étant supposée ne pas supporter, en périodes d’élections, ce qu’elle digère pourtant quotidiennement ?

    Mais quand un ministre parle de rééduquer « les Français réactionnaires », quand la Justice poursuit Georges Bensoussan qui dénonce l’antisémitisme des banlieues mais laisse en paix le CCIC – reconnu d’intérêt général en 2011… –, quand des faits avérés sont niés par les plus hautes autorités, tel Jacques Toubon, Défenseur des droits, quand les journaux expliquent à longueur de colonnes que le peuple pense mal, quand les plateformes numériques décident d’être les arbitres du vrai et du bien et que les politiques restent passifs, quelle confiance les Français pourraient-ils garder envers leurs gouvernants, leurs représentants et même entre eux ? Au fond de la question de l’information se retrouve une fois encore celle de la confiance : confiance que le pouvoir a dans le peuple ; confiance que l’État français a en lui-même ; confiance que les Français mettent dans l’État et ses institutions.  

     
  • Vidéo • Hilaire de Crémiers commente le numéro d'été de Politique Magazine et ... l'actualité

     

    Publié le 18 juillet 2018 - Réactualisé le 3 août 2018

    Logo-PM.jpgEn quelques mots, voici la présentation du numéro d'été de Politique magazine [juillet-août] par Hilaire de Crémiers, directeur de la rédaction.

     

    Sommaire 

    Éditorial - La com' du président par Hilaire de Crémiers 

    Actualité - Divergences par Hilaire de Crémiers 

    Fausse querelle : Wauquiez / Calmels par Yves Morel 

    Retour au réel national par Mathieu Épinay 

    Tout est à vendre… car tout s’achète ! par François Reloujac 

    Dossier 

    Une prétendue loi  de confiance  dans l’information par Philippe Mesnard

    Objectivité subjective. Entretien avec Guillaume Roquette 

    Vérité et liberté par Jacques Trémolet de Villers 

    La République et sa courte honte par Christian Tarente 

    « Je fais le pari de l’intelligence ». Entretien avec Madame Emmanuelle Ménard

     L’État et le monopole de la vérité par Philippe Mesnard 

    Monde

    Improbable Europe, dans la tempête financière qui s’annonce par Olivier Pichon

    La dérive des continents par Georges-Henri Soutou 

    Un nouveau Biafra au Nigeria ?  par Frédéric de Natal 

    Quel avenir pour la Turquie  ?  par Thomas Flichy de la Neuville 

    Libre propos 

    Honte aux Français ! par Bernard Leconte 

    Civilisation 

    Chronique littéraire de Michel Bouvier 

    Livres par Ch.T., H.dC., Cl. W., A.B., L.dC, BS.C., M.G. 

    Théâtre par Madeleine Gautier et B.-S. Chambon 

    Musique par Damien Top 

    Histoire Des rois en leurs palais par Anne Bernet 

    La Chronique de Claude Wallaert 

    Ont collaboré à ce numéro : Olivier Pichon, Bernard Leconte, Damien Top, Frédéric de Natal, Philippe Mesnard, Thomas Flichy de la Neuville

    Pour s’abonner ICI

  • Le scandale social des maillots aux deux étoiles.

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

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    Le capitalisme mondial est-il moral ?

    En fait, la question ne se pose plus depuis longtemps pour ceux qui en tirent le plus grand profit et, particulièrement, par le moyen d'une indifférence marquée à la question sociale, désormais grande absente des réflexions néolibérales et peu évoquée dans nos sociétés de consommation : il est vrai que le principe même de celles-ci insiste plus sur la consommation et sa croissance, véritable aune et condition de la santé d'une économie quand elle ne devrait être, en une société humaine, qu'un élément d'appréciation et éventuellement d'amélioration des conditions de vie des personnes et des familles. 

    Ainsi, tout à la joie de la victoire sportive de l'équipe de France de balle-au-pied, peu de journalistes et d'économistes ont signalé l'indécence de l'équipementier de celui-ci, une multinationale états-unienne au patronyme grec signifiant la victoire. En effet, Nike va bientôt mettre en vente pour le grand public et au prix de 140 euros un maillot frappé des deux étoiles de champion de monde, maillot dont le coût de production, selon le Journal du Dimanche(22 juillet 2018), équivaut à... 3 euros ! Comme le souligne Le canard enchaîné, voici une belle « culbute en or », au seul bénéfice de la multinationale peu regardante, pourrait-on croire naïvement, sur les conditions sociales de la production de ces maillots. 

    argent-foot-illustration_428x321__llf3yo (1).jpgDans son édition du 25 juillet, le journal satirique précise un peu les choses et renseigne sur ce qui permet d'atteindre un si bas niveau de coût pour un si grand profit envisagé : « La fabrication en masse de la tunique bleue (…) ne sera pas vraiment made in France, mais... made in Thailand. » Rien que cette simple phrase nous indique que la victoire des Bleus n'est pas forcément une bonne affaire pour l'industrie textile française qui, pourtant, aurait bien besoin d'un bon bol d'air, et que cette importation d'un maillot fabriqué loin de la France sera plus coûteuse sur le plan environnemental et commercial que ce qu'il pourra rapporter à la France : coût environnementalen fonction des milliers de kilomètres qui sépareront le lieu de production de l'espace de consommation, et qui se traduit par une pollution atmosphérique loin d'être négligeable en fin de compte ; coût commercial car cela fera encore pencher un peu plus la balance du commerce extérieur du côté du déficit, déjà beaucoup trop lourd pour notre économie ; mais aussi coût social car, en privant nos industries textiles locales de cette commande, cette fabrication « mondialisée » en Thaïlande fragilise un peu plus l'emploi français dans cette branche d'activité... Et que l'on ne nous dise pas que cette fabrication lointaine est ce qui permet de vendre « à bas coût » (sic !) ces maillots aux deux étoiles si longtemps espérées : non, elle permet juste de dégager de plus grands profits pour la multinationale et ses actionnaires, un point c'est tout ! L'on touche là à « l'hubris », à la démesure du capitalisme (1) et de ses « élites », incapables de retrouver la juste mesure qui, tout compte fait, est la condition de l'équilibre et de la bonne santé de nos sociétés ordonnées. 

    Mais au-delà du coût social proprement français, il est juste aussi de s'intéresser à celui qui, plus lointain, ne peut néanmoins nous laisser indifférent : Le Canard enchaîné nous livre quelques informations supplémentaires qui devraient indigner tout homme soucieux de son prochain. Ainsi en Thaïlande, la production se fera « plus précisément dans le nord-est du pays, où les salaires dans les ateliers de production (180 euros par mois) sont inférieurs à ceux de la capitale (250 euros) ». Ces salaires sont évidemment à comparer au prix final de ce maillot à la vente en France et, aussi, aux salaires ouvriers des pays européens et de la France, considérés comme « trop élevés » par ceux qui touchent des millions d'euros annuels pour « diminuer les coûts » et qui, souvent, sont les mêmes, qui n'ont à la bouche que le mot de compétitivité pour mieux servir leur cupidité... Quand les profits de quelques uns se font sur le dos de beaucoup, et sans volonté d'un minimum de partage des richesses produites, il y a là quelque chose d'insupportable pour le cœur comme pour l'esprit, et qui devrait provoquer une juste et sainte colère dans toute société normalement et humainement constituée. Mais, la Société de consommation repose sur une sorte d'addiction à la consommation elle-même, sur cette tentation permanente et toujours renouvelée dans ses objets, sur la possession individualisée qui en fait oublier les autres et la mise en commun, sauf en quelques espaces dédiés et pour quelques services de plus en plus marchandisés et privatisés... Du coup, les consommateurs n'ont guère de pensée pour les producteurs, et le mécanisme de séparation,voire de complète ségrégation entre les deux catégories, fonctionne comme une véritable protection du Système en place. D'ailleurs, le mécanisme de la Société de consommation valorise, en tant que tels, les consommateurs, quand les producteurs eux-mêmes, à quelque échelle qu'ils se trouvent mais surtout quand ils sont au bas de celle-ci, sont de plus en plus la variable d'ajustement, celle qui est la plus pressurée et la moins médiatisée : les classes ouvrières et paysannes font les frais d'une telle société où la marchandise à vendre et le profit à en tirer l'emportent sur le travail qui a permis de la fabriquer et, éventuellement, de la qualifier. Le problème, dans les pays dits « en développement », c'est que l'on a réussi à convaincre ces classes laborieuses (et ce qualificatif me semble particulièrement approprié ici) que leur condition misérable d'aujourd'hui est le passage obligé vers le statut de consommateurs de plein droit... Ce sont des classes sacrifiées mais, surtout, des classes sacrificielles, persuadées que leur sacrifice du jour est l'annonce d'un sort meilleur pour leurs enfants, ce qui n'est pas entièrement faux (si l'on se place dans le temps de deux ou trois générations) sur le plan des conditions de travail et de vie, mais s'accompagne d'une aliénation à la consommation, à l'argent qui en fixe le degré quantitatif et sur lequel le sort de chacun semble désormais indexé... 

    Ce que signale aussi l'article du Canard enchaîné, c'est l'absence de droit syndical et la limitation effective du droit d'expression et de manifestation dans le cadre du travail dans les usines de Thaïlande, qui rappellent les entraves à la défense des droits du travail et des travailleurs mises en place, en France, par la Révolution française elle-même à travers ses lois antisociales de 1791, du décret d'Allarde à la loi Le Chapelier, interdisant toute association ouvrière et tout droit de grève ou de manifestation aux ouvriers... « La devise dans ces usines ? « Réduction des minutes passées par ouvrier sur chaque maillot, automatisation et films ultratendus », rapporte l'ONG Clean Clothes. En prime, interdiction pour tout employé de communiquer sur les conditions de travail et d'adhérer à un syndicat. » En somme, une forme d'esclavage salarié pour faciliter les profits de l'entreprise états-unienne, milliardaire en bénéfices... 

    frise-13.jpgDoit-on se contenter d'un tel constat et laisser prospérer une telle attitude d'entreprise ? Si les consommateurs seront malheureusement toujours pressés d'acquérir ce fameux maillot aux deux étoiles, il n'est pas obligatoire de l'acheter pour qui se soucie d'éthique sociale. Mais, au-delà, sans doute faudrait-il que l’État, pour inciter la multinationale à changer de pratiques et d'état d'esprit, introduise dans le Droit social quelques mesures propres à empêcher des marges trop importantes au détriment des conditions sociales des producteurs de base. Une forme de « taxe sociale sur la profitabilité et pour l'équilibre social » calculée en fonction des marges bénéficiaires dégagées par une entreprise multinationale étrangère (mais pourquoi pas française aussi ?) pourrait être envisagée, entre autres. Ou, pourquoi pas une obligation pour la multinationale d'installer dans le pays de vente une partie de la production destinée au marché local ? En fait, ce ne sont pas les propositions et les idées qui manquent, mais bien plutôt la volonté politique de les proposer, de les mettre en place et de les appliquer. 

    La République n'est pas, ne peut être sociale en France, comme l'histoire nous le prouve depuis ses origines révolutionnaires, et, si cela est évidemment regrettable, ce n'est pas une raison pour ne rien faire : le royalisme social n'est pas l'attente de la Monarchie pour agir, mais la volonté et l'action sociale pour changer les choses, « même en République », tout en rappelant que la Monarchie politique serait plus efficace pour imposer aux féodalités économiques, même étrangères, de respecter les principes de la nécessaire justice sociale, colonne vertébrale de la société ordonnée française. En cela, la Monarchie active « à la française »,ne peut se contenter de « gérer la crise » mais se doit d'incarner, dès le jour de son instauration, « le sceptre et la main de justice », la décision politique et l'équilibre social...    

    * Une démesure structurelle ou conjoncturelle ? Je penche de plus en plus pour le premier qualificatif, au regard de l'histoire contemporaine et du cadre mental dans laquelle elle se déploie. 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Annie Laurent : L’islam, mythes et réalité

     

    Par Anne Bernet

     

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    Anne Bernet a interrogé Annie Laurent à l’occasion de la publication de son livre l’Islam aux Editions Artège, un livre clair qui s’adresse à tous ceux qui veulent comprendre le pourquoi et le comment de la situation actuelle, en Europe et particulièrement en France. 

    Annie Laurent, vous publiez un nouveau livre sur l’islam*, issu des textes que vous écrivez dans le cadre de l’association Clarifier**. Quel est le rôle de cette dernière ?

    Comme son nom l’indique, cette association, que j’ai fondée avec quelques amis, a une vocation pédagogique qui concerne explicitement l’islam dans toutes ses dimensions.

    Partant du constat que beaucoup de nos compatriotes sont déconcertés par le développement de cette religion en Europe, et qu’en même temps, ils errent dans le maquis des confusions, des approximations, des discours convenus et autres faux-semblants, nous voulons leur offrir des informations et des analyses fiables pour leur permettre de porter un regard lucide et vrai sur cette nouveauté à laquelle ils n’étaient pas préparés. L’association Clarifier espère aussi contribuer à l’élaboration d’attitudes fondées sur la raison et non seulement sur l’émotion, car il ne s’agit pas d’opposer un système à un autre, sous peine de céder à une approche idéologique. C’est pourquoi l’intelligence des réalités islamiques est indissociable d’un regard de bienveillance à porter sur les musulmans.

    Vous tenez sur l’islam un discours clair, justement. Et vous n’hésitez pas à démontrer l’erreur qui consiste à considérer la violence et l’intolérance islamistes comme des dévoiements d’une « religion de paix et d’amour ». Pouvez-vous nous expliquer comment s’est forgé ce mythe bien-pensant ?

    Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Occident s’est laissé gagner par le pacifisme, attitude qui nie l’existence d’ennemis. Mais, malheureusement, cette utopie ne correspond pas à la réalité. Depuis le péché d’Adam et Éve, le mal est entré dans le monde. Il ne va pas s’évaporer comme par enchantement ! Par ailleurs, la décolonisation a engendré chez les Européens un complexe qui les pousse à l’auto-culpabilisation, au dénigrement de leur histoire et de leur identité, et à l’idéalisation de la culture des « autres », même si celle-ci comporte des aspects incompatibles avec les fondements de notre civilisation. Il est urgent d’en finir avec ces idées malsaines et mortifères.

    Précisément, pouvez-vous nous donner un aperçu de ces incompatibilités ?   

    Selon moi, la plus importante concerne l’anthropologie et c’est peut-être la moins perçue. L’Europe, largement façonnée par la culture chrétienne, a mis la personne au centre de son projet civilisationnel. Ce concept s’enracine dans l’enseignement biblique selon lequel l’homme et la femme sont créés « à l’image de Dieu » (Gn 1, 27). Or, Dieu, tel qu’Il se révèle, est un Dieu personnel, Un en Trois Personnes, comme l’exprime le dogme de la Trinité. C’est de là que découle la dignité inviolable et inaliénable de l’homme, ainsi que sa liberté jusque dans sa conscience. Le Coran fait l’impasse sur ces magnifiques réalités : Allah soumet l’individu à une adoration servile et à l’autorité arbitraire d’une Loi (la charia) qui ne cherche pas forcément son bonheur, l’être humain étant inapte au dépassement moral ; Il l’enferme dans un carcan de devoirs, sous la surveillance constante de l’Oumma (la Communauté des musulmans) qui veille à ce qu’il ne s’écarte pas de sa religion, considérée comme « naturelle » ; Il instaure une supériorité des musulmans sur les non-musulmans, de l’homme sur la femme ; Il justifie le recours à la violence et l’injustice, notamment pour faire triompher l’islam. D’où bien des malentendus dans un langage qui semble partagé avec une religion comme le christianisme. Ainsi en est-il de la miséricorde (en islam, le pardon de Dieu est aléatoire et le talion entre hommes autorisé), de la paix (concevable là où l’islam domine), etc. Ces exemples illustrent l’aspect totalisant de l’islam, idéologie religieuse qui mêle le temporel et le spirituel, excluant donc la laïcité.

    Bizarrement, nos féministes ne s’insurgent guère contre la place faite aux femmes dans l’islam. Pourtant, elle n’est guère avantageuse…

    On retrouve là l’expression du complexe dont j’ai déjà parlé, à quoi il faut sans doute ajouter le rejet de tout ce qui peut provenir de la conception chrétienne. Mais le jour où nos féministes subiront le joug de l’islam, elles déchanteront peut-être… 

    L’on évoque parfois la nécessité d’une « modernisation » de l’islam. Vous en démontrez pourtant l’impossibilité…

    Plutôt que d’impossibilité, je préfère parler d’obstacles, afin de ne pas enfermer tous les musulmans dans un cadre immuable et de ménager la liberté de ceux qui oeuvrent avec sincérité et courage à cette rénovation, indispensable à la paix du monde. Je vois deux obstacles structurels aux blocages qui entravent cette évolution. Il y a d’abord le statut « incréé » du Coran, considéré comme un Livre dicté en toutes lettres (arabes) par Allah Lui-même, donc sans que l’homme ait eu sa part dans la rédaction, comme c’est le cas avec la Bible. L’islam ignore d’ailleurs le concept d’inspiration. Ce Livre est réputé immuable et intangible. En outre, l’islam, du moins dans le sunnisme, que professent la plupart des musulmans, ne s’est pas doté d’une autorité magistérielle habilitée à délivrer une interprétation revêtue du sceau de l’authenticité. C’est pourquoi les intellectuels qui veulent vraiment adapter l’islam aux nécessités de notre temps, courent un double risque : soit être considérés et parfois jugés et condamnés pour ce crime comme des apostats, soit demeurer marginaux.

    Vous êtes l’une des meilleures spécialistes du drame des chrétiens d’Orient. Qu’en est-il, au fait, de leur sort en terre d’islam ?

    Depuis l’apparition de la religion de Mahomet, au VIIsiècle, et les conquêtes qui ont suivi, les chrétientés des pays concernés au Proche-Orient (Etats arabes, Iran, Turquie) et en Afrique n’ont cessé de décliner numériquement. Outre le djihad, la dhimmitude imposée par les pouvoirs musulmans a été – et demeure parfois – l’une des causes principales de cette diminution. Ce statut juridique impose aux chrétiens (mais aussi aux Juifs et aux Sabéens) des servitudes dans tous les domaines (religieux, politique, social, etc.), le but étant de les humilier jusqu’à ce que, n’en pouvant plus, ils abjurent leur foi pour embrasser l’islam. Demeurer chrétien en terre d’islam relève de l’héroïsme et nous devons admirer les disciples du Christ qui tiennent à rester chez eux pour témoigner de l’Évangile, ceci jusqu’au risque du martyre.

    Vous vous adressez en particulier aux catholiques, en posant les limites du dialogue interreligieux avec les musulmans. En quoi, selon vous, l’Église actuelle fait fausse route ?

    La Bible nous montre un Dieu qui n’a cessé d’aller à la rencontre de l’humanité jusqu’à s’incarner Lui-même en Jésus-Christ. Les chrétiens, enfants de Dieu par le baptême, sont donc invités à imiter leur Seigneur, comme l’ont d’ailleurs fait les apôtres, puis les missionnaires de tous les temps. La mondialisation actuelle a poussé l’Église, attentive aux signes des temps, à élargir cette démarche à tous ses fidèles et à l’organiser. Cependant, les maux dont j’ai déjà parlé, tels que le pacifisme et le complexe post-colonial, ont aussi pénétré les milieux chrétiens, si bien que l’on a perdu de vue la finalité du dialogue qui est d’annoncer le salut à tous les hommes, donc aussi aux musulmans car ils y ont droit. Il en est résulté le relativisme actuel. Or, un dialogue qui exclut la vérité devient une démarche mondaine dépourvue d’une authentique charité, comme l’ont rappelé plusieurs documents magistériels depuis le concile Vatican II.

    Comment voyez-vous l’avenir proche de l’Europe confrontée à l’islam et quels remèdes préconisez-vous ?

    Il est indéniable que l’heure est grave. Si l’Europe veut vraiment relever le défi de l’islam, elle doit donner aux musulmans qu’elle accueille un vrai désir de s’intégrer en renonçant à leur culture. Pour cela, les sociétés européennes doivent proposer un modèle de société attrayant. Cette démarche passe par un renoncement au laïcisme et la restauration d’une saine laïcité (unité-distinction, selon la formule de Benoît XVI) ainsi que par la restauration d’une Cité vertueuse, sans craindre la vertu de force, qui n’est pas synonyme d’agressivité mais revêt une réelle dimension morale. La réponse au défi de l’islam est donc tout à la fois politique, morale et spirituelle.     

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    * L’Islam, pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaîsent pas encore)Préface de Rémi Brague, Éd. Artège, 287 p, 19,90 € 

    ** Association Clarifier,  Galaxy 103, 6 bis rue de la Paroisse, 78000 Versailles
    www.associationclarifier.fr 

    Iman shiite - Politique Magazine

    Un Iman shiite dans une moquée de Téhéran parle à une assemblée de femmes

    Anne Bernet
  • Refuser l'interdit jeté sur Maurras et sur sa maison à Martigues !

    Aquarelle de l’artiste avignonnais Louis Montagné

     

    soleil.jpgRefuser que Maurras soit rejeté de Martigues sous divers prétextes, que sa maison du Chemin de Paradis, si chargée de symboles et d'histoire, soit interdite aux visiteurs, que l'accès en soit refusé même aux équipes de télévision et aux journalistes, que l'existence de cette maison puisse être menacée, le tout en raison du sectarisme d'une certaine partie de l'équipe municipale (communiste), nous paraît être un devoir et une urgence, non seulement envers la mémoire de Charles Maurras, mais surtout envers les lettres françaises et le patrimoine philosophique et politique de notre pays. Enfin, envers Martigues dont Maurras est l'un des fils les plus illustres.

    Lors d'un colloque à charge organisé à peu près sans public le 30 mai dernier au Mucem à Marseille, avec la participation d'un aréopage d'universitaires* proches de la mouvance municipale martégale citée plus haut, il a été affirmé que Maurras n'avait pratiquement pas vécu à Martigues et qu'il ne parlait pas le provençal ... Cette dernière assertion apparaît à proprement parler ridicule : Maurras, disciple et ami de Mistral, était majoral du félibrige. Il n'aurait pu l'être s'il n'avait pas parlé et écrit le provençal. Son oeuvre, de sa jeunesse à sa mort, illustre, en maints ouvrages, en prose ou en vers, l'histoire et les beautés de Martigues. Son renom immense au cours du XXe siècle a immanquablement rejailli sur Martigues. Nous y reviendrons, preuves à l'appui.  

    669518461.jpgNous élever contre ce sectarisme qui voudrait exclure Maurras - et sa maison - du patrimoine de Martigues nous paraît s'imposer comme une réaction d'honnêteté et d'intelligence. Cette question apartisanne - axée sur le seul respect dû à Maurras, à son oeuvre et à sa demeure de Martigues - ne devrait pas manquer d'être  posée, notamment dans la période préélectorale qui conduira aux municipales de 2020. Nous la posons et la reposerons, ici. Mais sans-doute sera-t-elle aussi soulevée sur place, sur le terrain à Martigues, en Provence et ailleurs. Souhaitons que ce soit de façon intelligente et constructive.  

    Tête_de_Charles_Maurras_dans_son_jardin_de_Martigues.jpgOn lira ou relira aujourd'hui le poème dédicatoire d'Anatole France écrit en guise de préface à la première édition du Chemin de Paradis, le premier livre de Charles Maurras, publié en 1894. Maurras a vingt-six ans, France est l'un des plus illustres écrivains du temps. Les eaux de lumière fleuries qu'il évoque en ouverture du poème, ce sont celles de Martigues. Le chemin de Paradis où se trouve la maison de Maurras les longe. A vingt-six ans, déjà, Maurras contribue à la gloire de Martigues. A suivre !  Lafautearousseau 

    * Jean-Louis Fabiani (sociologue), Bruno Goyet (agrégé et docteur en histoire), Sébastien Ledoux (historien), Florian Salazar-Martin (adjoint à la mairie de Martigues, délégué  à la culture). Modérateur : Eduardo Castillo (journaliste et écrivain)    

    Poème dédicatoire d'Anatole France en guise de préface à la première édition du Chemin de Paradis 

    anatole-france.jpg

    « Au bord des eaux de lumière fleuries,
    Sur l’antique chemin où le Vieillard des mers,
    Entre les oliviers de la Vierge aux yeux pers,
    Vit dans leur manteau bleu passer les trois Maries,
    Tu naquis. Ton enfance heureuse a respiré
    L’air latin qui nourrit la limpide pensée
    Et favorise au jour sa marche cadencée.

    Le long du rivage sacré,
    Parmi les fleurs de sel qui s’ouvrent dans les sables,
    Tu méditais d’ingénieuses fables,
    Charles Maurras ; les dieux indigètes, les dieux
    Exilés et le Dieu qu’apporta Madeleine
    T’aimaient ; ils t’ont donné le roseau de Silène
    Et l’orgue tant sacré des pins mélodieux,
    Pour soutenir ta voix qui dit la beauté sainte,
    L’Harmonie, et le chœur des Lois traçant l’enceinte
    Des cités, et l’Amour et sa divine sœur,
    La Mort qui l’égale en douceur. »  

    3717013392.jpg

     

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Nouvelle « affaire Maurras » : Pour en finir avec le temps où les Français ne s'aimaient pas ...

  • Michèle Tribalat : Le rapport biaisé « contre le racisme » qui juge moralement les Français. Français, ouvre-toi !

     

    Michèle Tribalat a publié hier [31.07] dans Causeur une analyse comme toujours pertinente et documentée. Elle apporte une serie d'informations sur les questions migratoires qu'il nous paraît utile de partager avec les lecteurs de notre quotidien.  LFAR  

     

    AVT_Michele-Tribalat_3638.jpg

    La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) publie tous les ans, au printemps, un rapport sur « la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie » faisant le bilan de l’année passée.

    Depuis deux ans, la stratégie de communication de la CNCDH est de livrer à la presse un résumé dans un document nommé « Les essentiels », avant une publication complète du rapport deux mois plus tard. Précédemment – c’était, à tout le moins, le cas en 2015 et 2016 – le résumé paraissait en même temps que le rapport. Ce qui donnait la possibilité à celui qui le souhaitait et en avait le temps de lire le rapport au moment où la presse traitait du sujet. Il est bien évident que, une fois le feu médiatique au moment de la sortie des « essentiels » passé, aucun média ne va remettre le couvert deux mois plus tard.

    J’ai rendu compte de la partie « enquête » du précédent rapport l’an dernier et je me suis demandé, à la lecture du nouveau, s’il était bien utile d’enfoncer le clou, au risque de se répéter beaucoup, tant les travers sont identiques, même s’ils sont évacués plus habilement. Comme l’an dernier, les chercheurs qui ont traité le sondage Ipsos sont Nonna Mayer, elle-même membre de la Commission, Guy Michelat, Vincent Tiberj et Tommaso Vitale1.

    Les cibles : victimes et coupables

    S’il n’est plus question explicitement du racisme du « groupe majoritaire », c’est bien de cela qu’il s’agit quand même. On le voit à la définition des groupes cibles et au questionnaire qui n’interroge pas les enquêtés d’origine étrangère sur leur propres préjugés qui n’ont aucune raison de ressembler en tous points à ceux des autres. Cette focalisation particulière rend certaines questions inadéquates.

    C’est par exemple le cas de celle demandant s’il est grave d’être contre le mariage d’un de ses enfants avec une personne d’origine maghrébine, quand le répondant est lui-même d’origine maghrébine.

    Il faudrait que la CNCDH joue cartes sur table.

    Si c’est le racisme des « majoritaires », (comme elle désigne ceux qui n’ont pas d’ascendant proche étranger, parent ou grand-parent) qu’elle vise, alors qu’elle élabore un échantillon de coupables potentiels de préjugés à l’égard des groupes cibles d’origine étrangère désignés explicitement dans son questionnaire.

    Sinon, qu’elle élabore un questionnaire à entrées multiples, après avoir réfléchi à quoi pourraient bien ressembler les préjugés des groupes minoritaires qu’elle désigne comme victimes potentielles à l’égard des « coupables désignés » ou d’autres groupes minoritaires. Pour cela, il faudrait un échantillon plus diversifié surreprésentant les groupes minoritaires.

    Mais qu’elle ne reste pas au milieu du gué, ce qui lui éviterait, par exemple, de conclure à propos des scores d’ethnocentrisme dont l’échelle est entièrement dédiée aux préjugés à l’égard des groupes cibles que « le fait d’avoir dans sa famille ne serait-ce qu’un parent ou grand parent étranger est un facteur d’ouverture incontestable » (p. 85).

    La représentativité de l’échantillon du baromètre de la CNCDH

    Comme précédemment, le sondage a été réalisé selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne de référence du ménage), après stratification par région et catégorie d’agglomération, auprès de 1003 personnes âgées de 18 ans ou plus, interrogées en face-à-face du 6 au 14 novembre 2017. Un redressement par niveau de diplôme a été appliqué à l’échantillon.

    Un sondage par quotas est représentatif des variables qui ont été sélectionnées pour élaborer ces quotas. Mais rien ne garantit qu’il le soit sur d’autres critères. Avant de réaliser un entretien, l’enquêteur doit essuyer un certain nombre de refus. Ceux qui refusent sont souvent différents, au regard des variables non contrôlées par les quotas, de ceux qui acceptent.

    Ainsi, la part des individus qui ont un parent ou un grand-parent étranger a varié considérablement dans le temps : il était de 23 % en décembre 2014, de 30 % en janvier 2016 et de 37 % en octobre 2016. Pour le sondage de 2017, on trouve deux chiffres différents : 37 % page 59 et 34 % page 85 ! Le poids variable dans le temps des réponses des personnes d’origine étrangère aux différentes questions a forcément un impact sur l’interprétation des évolutions au fil du temps. Impact qui n’est jamais pris en considération par les auteurs.

    Enquête en face-à-face ou enquête en ligne ?

    La CNCDH publie une analyse comparée des caractéristiques du baromètre avec celles d’une enquête en ligne auprès d’un échantillon de taille équivalente (1000 personnes) auquel on a posé 49 questions figurant dans le baromètre (soit 60 % des questions). L’échantillon a été construit selon la même méthode que celui de l’enquête en face-à-face : quotas portant sur le sexe, l’âge et la profession de la personne de référence du ménage, après stratification par région et catégorie d’agglomération. L’enquête a été conduite à peu près sur la même période, du 6 au 13 novembre 2017.

    Le but de cette double enquête visait à repérer un « éventuel biais de désirabilité sociale », autrement dit détecter si les enquêtés répondent différemment selon qu’ils ont devant eux une personne à qui ils peuvent chercher à plaire en manipulant l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes ou selon qu’ils sont seuls devant leur écran (voir les notions d’opinion privée et d’opinion publique développées par Timur Kuran).

    Après avoir soulevé cette éventualité, nos quatre chercheurs passent en revue les différences d’échantillonnage susceptibles d’expliquer ces différences, tout en mélangeant les faits tels que les caractéristiques démographiques et les opinions telles que le positionnement politique.

    Les deux échantillons sont comparables quant aux données ayant contribué à constituer les quotas, ce qui n’a rien d’étonnant. Par contre, « l’échantillon en ligne est moins issu de la diversité » : 31 % des enquêtés en ligne ont au moins un parent ou un grand-parent étranger, contre 37 % dans l’échantillon avec enquêteur ; 6 % sont d’origine extra-européenne contre 11 % et 2 % se déclarent musulmans contre 6 %. L’échantillon en ligne fait un usage plus fréquent d’internet que celui interrogé en face à face. Il a plus souvent voyagé et vécu à l’étranger. Autant de facteurs, écrivent les chercheurs, qui « incitent à plus d’ouverture aux autres et de tolérance ». On verra ce qu’il en est.

    Le positionnement politique est évalué à partir de deux indicateurs : un auto-classement sur une échelle à sept positions et ce que les enquêtés disent avoir voté à la dernière élection présidentielle. Les enquêtés en ligne se déclarent plus souvent à droite et disent avoir voté plus souvent à droite ou à l’extrême droite, au premier tour comme au deuxième tour, que les enquêtés qui ont répondu en face-à-face.

    Mais comme l’indique le tableau ci-dessous (tableau 1.2 dans le rapport de la CNCDH page 60), les écarts dans l’échantillon en ligne par rapport aux scores réalisés par les candidats sont beaucoup plus faibles que dans l’échantillon enquêté en face-à-face.

    ©Capture d'écran micheletribalat.fr©Capture d’écran micheletribalat.fr

    La conclusion cohérente avec l’intention de départ serait celle-ci : les enquêtés, lorsqu’ils sont devant leur ordinateurs sont moins nombreux à tricher que ceux qui font face à l’enquêteur et cherchent à lui plaire en déclarant avoir voté Macron plus souvent qu’ils ne l’ont fait réellement. Le biais de désirabilité sociale recherché par ceux qui ont promu le test s’avère être nettement en faveur d’Emmanuel Macron au détriment de François Fillon en face à face, au premier tour. Ce biais de désirabilité est particulièrement net au deuxième tour quand des répondants ont déclaré avoir voté pour Emmanuel  Macron, pour ne pas avoir à dire qu’ils avaient voté pour Marine Le Pen.

    Ce n’est pourtant pas la conclusion tirée par les auteurs. Ils abandonnent un peu vite l’idée de biais de désirabilité sociale et cherchent à expliquer en quoi les enquêtés en face à face seraient réellement plus tolérants que ceux qui répondent en ligne. Les deux échantillons ne seraient pas vraiment représentatifs, chacun à leur manière, celui répondant en ligne étant plus à droite que celui qui répond en face à face. Un élément d’explication tiendrait au degré de confiance dans la nature humaine qui serait plus élevé à gauche et rendrait les personnes qui se disent de gauche plus enclines à ouvrir leur porte à l’enquêteur. Dans les deux échantillons, on a répondu à la question : « D’une manière générale, diriez-vous qu’on peut faire confiance à la plupart des gens ou qu’on n’est jamais trop prudent quand on a affaire aux autres ? » Dans les deux échantillons, ceux qui se situent à gauche sont plus enclins à déclarer qu’ils font confiance aux autres. Mais, ceux qui répondent au questionnaire en ligne sont toujours plus réservés sur la confiance à accorder à autrui : « Le niveau de confiance dans les autres est toujours plus élevé en face-à-face qu’en ligne » (p. 61). Là encore, on peut penser qu’au moins une partie de la différence s’explique par ce fameux biais de désirabilité sociale.

    Après une analyse modélisée de la probabilité de juger qu’il y a trop d’immigrés en France sur les deux échantillons réunis, les auteurs constatent qu’aux effets des variables introduites dans le modèle – on est « plus tolérant » quand on est jeune, confiant envers les autres et de gauche, etc. – s’ajoute, dans tous les cas, un effet lié au mode de passation du questionnaire. Ainsi, les détenteurs d’un diplôme au moins égal à Bac+3 sont 21% à dire qu’il y a trop d’immigrés en France à l’enquêteur qui les interroge, mais ils sont deux fois plus nombreux à dire la même chose (43 %) lorsqu’ils répondent en ligne. De même, ceux qui sont estimés les plus cosmopolites (d’après un indicateur conjuguant l’usage d’internet, les voyages et les séjours à l’étranger) sont 37 % à déclarer qu’il y a trop d’immigrés en France dans l’enquête en face-à-face, mais 62 % lorsqu’ils remplissent le questionnaire en ligne.

    Soit aucun des échantillons n’est vraiment comparable pour cause de défauts variables de représentativité, soit les mêmes ne se comportent pas de la même façon face à un enquêteur que lorsqu’ils sont face à leur ordinateur. Mais il se pourrait qu’il y ait un peu des deux. Le consentement à répondre face à un enquêteur sélectionnerait des individus d’un certain type relativement à l’acceptation de répondre à un questionnaire en ligne et la falsification des préférences, comme dirait Timur Kuran, serait plus répandue lors d’une enquête en face-à-face.

    Les auteurs concluent que « l’interrogation en ligne accroît la probabilité de donner une réponse intolérante, à âge, diplôme, sexe, orientation politique, ascendance et niveau de confiance en autrui et de cosmopolitisme constant et l’interrogation en face-à-face la réduit », sans épiloguer plus que cela sur le fait qu’on a plus tendance à falsifier ses préférences lorsqu’on dialogue avec quelqu’un qu’avec son ordinateur.

    C’est bien embarrassant. La méthode des quotas ne garantit qu’une représentativité limitée et dépend du bon vouloir des personnes sollicitées beaucoup plus que dans une enquête aléatoire, bon vouloir qui peut entraîner un biais sélectif qui varie selon le type d’entretien retenu. S’ajoute à cela la plus ou moins grande dissimulation de ses opinions selon le type de passation du questionnaire.

    Pour le reste…

    Pour le reste, le rapport de 2018 pose exactement les mêmes problèmes que celui de 2017. Rappelons-en quelques-uns :

    – Le réel ne compte pas. Pour les concepteurs de l’enquête, il n’y a pas de situation où il pourrait, par exemple, y avoir trop d’immigrés. Dire qu’il y en a trop c’est faire preuve d’intolérance en soi.

    – C’est à une évaluation morale des Français, à travers l’enquête, à laquelle se livrent les auteurs. Il y a les bonnes et les mauvaises réponses, quel que soit le réel vécu par les enquêtés.

    – La morale est du côté du multiculturalisme. S’y opposer c’est faire preuve, en soi, d’intolérance.

    – On encourage les répondants à faire ce qu’on leur reproche : avoir des jugements sommaires peu informés sur des sujets qu’ils connaissent mal, autrement dit essentialiser.

    – La CNCDH tranche, cette année encore, sur ce que sont les pratiques de l’islam, dans une question essentialisante : « Le respect des pratiques musulmanes suivantes peut-il, en France, poser problème pour vivre en société ? » Sont énumérées les items suivants : le port du voile intégral, le port du voile (à une moitié de l’échantillon, « voile » étant remplacé par « foulard » pour l’autre moitié), l’interdiction de montrer l’image du prophète Mahomet, le sacrifice du mouton lors de l’Aïd El Kebir, les prières, l’interdiction de consommer de la viande de porc ou de l’alcool et le jeûne du Ramadan. La question laisse croire que toutes ces exigences sont à égalité et unanimement reconnues comme étant impératives pour être un bon musulman. La formulation « peut-il », signifie que, même si ce n’est pas toujours le cas, certaines de ces exigences peuvent poser problème. Or c’est le cas d’à peu près toutes. Par ailleurs, si les enquêtés, pour se montrer tolérants, doivent répondre que décidément, non, l’interdiction de montrer Mahomet ne peut pas poser de problème, après les attentats de Charlie Hebdo, c’est qu’on leur demande de ne pas tenir compte de la réalité. Or près d’une moitié des répondants s’accordent pour dire qu’une telle exigence ne peut pas poser problème (46 %). Pourtant, après les attentats de Charlie hebdo, voilà « une pratique » qui s’impose non seulement aux musulmans mais aussi à ceux qui ne le sont pas !

    Les préjugés contre les Asiatiques

    Enfin, l’évaluation des préjugés sur les Asiatiques est problématique. En effet, l’expression « les  Asiatiques » rassemble, si l’on s’en tient à la géographie, des individus aussi différents que les Pakistanais, les Vietnamiens, les Cambodgiens, les Laotiens, les Chinois, les Japonais, pour n’en citer que quelques-uns.

    Trois questions traitent du racisme anti-asiatique :

    1) « Les Asiatiques », pour une moitié de l’échantillon, « Les Chinois », pour l’autre moitié, forment-il un groupe à part dans la société ou un groupe ouvert aux autres ?

    2) Une moitié des enquêtés doivent dire s’ils sont d’accord pour dire que les Asiatiques sont très travailleurs (l’autre moitié si ce sont les noirs qui sont très travailleurs) ;

    3) Enfin, les enquêtés doivent juger si des propos insultants tels que « sale chinetoque » doivent être condamnés ou pas.

    Les concepteurs de l’enquête, sans parler de ceux qui répondent, ne semblent pas avoir une notion bien précise de ce que recouvre le terme « Asiatiques ». Pourtant, s’ils ont les yeux bridés, il est difficile de confondre les Japonais avec les Chinois, sans parler des Pakistanais qui, eux, n’ont pas les yeux bridés !

    En gros, pour la CNCDH, le stéréotype de l’Asiatique c’est le Chinois ! C’est problématique pour un organisme dont la grille d’évaluation des opinions est uniquement d’ordre moral et qui s’est fait le champion de la traque des stéréotypes chez les autres.   ■

    Michèle Tribalat

    Causeur

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    Scandale de l'été

    Publié le

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    La gestion de l’affaire Benalla a montré de profondes failles dans le dispositif du chef de l’Etat, des failles qui s’observent également dans la manière de traiter les plus grands dossiers de l’Elysée. C’est la question de la compétence face aux défis du monde actuel qui se pose dès cette première année complète d’exercice. ...   

  • Goldnadel a raison ! Et il ose dire les choses : « Les migrants qui utilisent la violence ne peuvent espérer requérir un droit »

     Des migrants après leur arrivée en Espagne, Ceuta le 26 juillet 2018

     

    Par  

    2293089609.14.jpgLe 26 juillet dernier, plus de six-cents migrants ont franchi la barrière de sécurité qui sépare le Maroc de l'enclave espagnole de Ceuta. Gilles-William Goldnadel revient sur cet événement et analyse le traitement de cette actualité dans les médias français. [Figarovox, 30.07]. Il le fait avec courage, lucidité, sans craindre de dire les choses. Il a raison.   LFAR

     

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    On se souvient sans doute que la section presse du parquet de Paris avait eu l'étrange autant que funeste idée de poursuivre Nicolas Dupont-Aignan pour avoir osé employer l'expression « invasion migratoire ».

    Fort heureusement les juges parisiens, le mois dernier, ont mis un point d'arrêt à cette nouvelle tentative de voir limiter la liberté d'expression lorsqu'elle dérange l'idéologie réflexe de certains qui accusent ou d'autres censés informer.

    Mais au-delà même de la liberté de penser et de dire, certains faits mettent la réalité la plus crue et la plus malodorante sous les yeux et le nez de ceux qui ne veulent ni voir ni sentir.

    En Tunisie d'abord. Voilà deux semaines qu'un navire, le Sarost 5, contenant à son bord 40 migrants africains, attend vainement que les autorités tunisiennes leur donne l'autorisation d'accoster. L'ancien président tunisien, Moncen Marzouki, a tancé ses successeurs sur sa page Facebook : « que direz-vous, lorsque la France, l'Espagne ou l'Italie laisseront des migrants tunisiens se noyer sans réagir ? ». L'ancien président est bien l'un des seuls à être sévère envers les autorités de son pays. Les hommes à la peau très sombre n'y sont pas bien traités. Mon confrère l'avocat tunisien maître Ftouh Souhail, opposant notoire et courageux aux islamistes radicaux, révélait récemment que son pays serait le deuxième pays le plus intolérant d'Afrique selon une étude récente de l'institut indépendant Afrobarometer. Il était également placé au niveau 2 sur la liste des pays pratiquant la traite transnationale des personnes selon le rapport 2016 du bureau de contrôle et de lutte contre la traite des humains du Département d'État des États-Unis. Mais nul ou presque ne s'en soucie.

    Est-ce que le Sarost 5 vous dit quelque chose ? Les Français ne le connaissent pas parce que leur presse n'a pas songé à leur dire. Voilà un non-dit qui dit beaucoup de choses.

    Il dit qu'en réalité la presse idéologisée, souvent à son insu, ne se soucie aucunement du sort des migrants africains. Il dit que la manière dont ceux-ci sont ou non accueillis ou traités par les pays non occidentaux ne les intéresse pas non plus. Il dit que la seule chose qui passionne la presse est ce qui peut être exigé ou reproché à l'homme occidental en termes d'obligation morale.

    C'est au demeurant dans ce cadre très restrictif que le navire l'Aquarius, affrété par SOS Méditerranée et subventionné indirectement par la très idéologique Open Society de George Soros, n'a pas songé une seconde, en contradiction avec le droit maritime international du secours en mer, de réclamer l'accueil à l'Algérie ou à la Tunisie pourtant plus proches mais à l'exiger de la plus lointaine mais européenne Italie.

    661_francetv-actu-articles_c62_d6a_9b0053021f50f86ca5a1870453_600-migrants-sont-arrives-en-espagne-par-ceuta_13135093.jpgRendons-nous au Maroc ensuite, ou plutôt dans cette enclave espagnole postcoloniale nommée Ceuta. (Photo).

    La presse française a en effet révélé sans grands excès d'indignation que plus de 600 migrants africains avaient forcé la frontière pour pénétrer en terre hispanique, donc européenne.

    Pour pouvoir réclamer ainsi le droit d'asile, ceux-ci n'auront pas lésiné en moyens coercitifs : usage de la chaux vive et jets d'excréments sur les policiers.

    Ici encore, il y a beaucoup à dire dans ce qui n'a pas été dit et peut-être pensé.

    En surface, le fait qu'un nouveau gouvernement espagnol, dirigé par des socialistes réticents à défendre les frontières externes de l'Europe arrive aux affaires, n'a pas dû échapper à ceux déterminés à les enjamber. Le fait également de ne pas avoir à l'esprit les principes les plus élémentaires du droit des gens. Comme celui qui veut que « la fraude corrompt tout ».

    Et qu'ainsi, celui qui utilise la violence ne peut espérer requérir un droit. Fût-ce un étranger non occidental au sein d'un continent tant miné par le doute et la mauvaise conscience que les droits de l'homme moderne célébrés religieusement ne s'appliquent plus vraiment à ses vieux habitants.

    En profondeur ensuite. Ainsi donc des migrants africains emplis d'énergie ont brûlé à la chaux vive et jeté des excréments sur des hommes de la garde civile espagnole.

    Mon imagination est impuissante à décrire la réaction politique ou médiatique légitime au cas où un policier occidental aurait jeté des excréments sur un homme de couleur noire.

    L'antifascisme médiatique et politique devenu fou aura bien du mal à montrer ces images sous le prisme de ses vieux fantasmes frappés d'obsolescence. Raison pourquoi, il ne les a pas beaucoup montrées.

    En revanche, l'idée fantasmatique de vouloir brûler ou couvrir d'immondices l'homme blanc consentant correspond assez sombrement à l'inconscient collectif du moment.

    Ou plutôt à un certain inconscient collectif déclinant que les hommes les plus conscients d'Europe sont désormais déterminés à dénoncer.

    Au risque d'être couverts de ces crachats qu'ils tiennent à présent pour des compliments.  

    Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain.  

  • Thomas Flichy de la Neuville : Quel avenir pour la Turquie ?

    Manifestations pro et anti-régime à Téhéran
     
     
    par Thomas Flichy de la Neuville
     
    Turquie. Recep Erdogan a gagné, comme prévu, les élections présidentielles en Turquie avec 52,5 % des votants et une majorité législative. Il peut librement user de tous les pouvoirs pour gouverner comme il l’entend. L’histoire turque continue…Dans quelle direction ? 
     
     
     
    59f0754f488c7b0d1d8b4568.jpgLa réélection du président Erdogan ne saurait nous surprendre : la tendance politique générale observée depuis quelques année est celle du renforcement de régimes autoritaires avec différentes variantes, par exemple, celle du bonapartisme technocratique sur les terres mêmes du libéralisme.

    De ce point de vue, les Mémoires d’outre-tombe méritent relecture, tant il est vrai qu’elles décrivent cette mutation avec force : « Voyageur solitaire, je méditais il y a quelques jours sur les ruines des empires détruits. Et je vois s’élever un nouvel empire¹ ». Le regard de l’empereur était alors terrifiant : « Un moucheron qui volait sans son ordre était à ses yeux un insecte révolté² ». Napoléon fut pourtant défait par un régime plus ouvert que le sien, celui de la Russie. Dans ce duel, Bonaparte fut leurré par Alexandre. Lorsqu’il demanda son alliance le 21 mars 1812 en requérant de lui 100 000 soldats turcs, il lui offrit la Valachie et la Moldavie. Mais les Russes l’avaient devancé et leur traité fut signé le 28 mai 1812³.

    Versement géopolitique

    C’est donc Châteaubriand qui nous offre la clef des événements qui ont immédiatement suivi l’échec du coup d’État du 15 et 16 juillet 2016. La Turquie hésitait alors entre une improbable intégration européenne, la construction d’un nouvel empire turc oriental grâce à l’immense aire de civilisation dont elle dispose jusqu’à la Mongolie et un néo-ottomanisme méridional orienté vers la Syrie puis l’Egypte. Rien de tout ceci ne s’est produit. Car après l’échec du coup d’État, la Russie a retourné ce pays – comme elle l’avait fait en 1812 – au profit d’une alliance continentale avec la Chine et l’Iran.

    C’est ainsi que le nouvel empire mongol s’est reconstitué. Ce renversement géopolitique a été facilité par le fait qu’Iran et Turquie avaient multiplié leurs échanges économiques au cours de la dernière décennie, et ce malgré leurs dissensions géopolitiques. Quelles en seront les conséquences à moyen terme ? En janvier 2030, les frontières de l’Union européenne atteindront les frontières de la Biélorussie et de l’Ukraine. Cette nouvelle extension, qui précipitera encore l’affaiblissement européen, profitera à la Turquie. Ce pays cueillera en effet tous les fruits de son refus d’intégration dans le marché européen en proposant désormais un modèle alternatif et concurrent avec une Union turcique, réunion des États turcophones dans un marché commun assez souple s’étendant de la Méditerranée aux frontières de la Chine et de la Russie.

    Forces et faiblesses

    Dégagée des pressions de Washington qui lui intimait de rejoindre l’UE, Ankara rêvera de reconstituer l’un de ces grands empires mythiques issus des steppes d’Asie centrale. Mais au-delà du projet chimérique, la Turquie sera devenue un nouvel atelier du monde⁴, un géant démographique (90 millions d’habitants en 2040⁵) et une puissance militaire régionale⁶. Celle-ci lancera un appel à sa diaspora instruite d’Europe afin qu’elle revienne investir au pays. Les Turcs de l’étranger seront alors exhortés à ne pas oublier leurs racines culturelles et linguistiques, alors même que la mère patrie souffrira de vieillissement démographique⁷.

    Malgré l’essor de sa production, la Turquie ne deviendra pas pour autant la nouvelle Californie de l’Asie. En effet, l’innovation y sera de plus en plus bridée par les autorités religieuses désormais associées au pouvoir. Rompant avec l’héritage kémaliste, l’alphabet turc ottoman sera désormais conjointement enseigné avec les caractères latins pour permettre une meilleure compréhension des très riches héritages arabo-persans, ainsi que des gloires impériales. Ce retour aux sources, qui rejette l’occidentalisation imposée par Atatürk et profondément ancrée dans les mentalités de la jeunesse stambouliote, déterminera certains à quitter la Turquie : ils iront rejoindre des pays comme l’Allemagne ou même Israël où leurs compétences se trouveront employées au profit des industries de pointe.   ■  

     

    1. François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, 1849, p. 29

    2. François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, 1849, p. 406

    3. François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, 1849, p. 161

    4. Taux de croissance de la Turquie en 2010 :
    9,2 %, 2011 : 8,8 %,
    2012 : 2,2 %.
    Il s’agit du 17e pays le plus riche en 2013. Son PNB a été multiplié par trois entre 2003-2013.

    5. Horizons stratégiques, ministère de la Défense, chapitre I, p. 39, mars 2013, mis en ligne le 5 août 2013.
    www.defense.gouv.fr/das/reflexion-strategique/prospective-de-defense/articles-prospective/horizons-strategiques

    6. Le Monde vu en 2030 par la CIA, éd. des Équateurs, 2013, p. 28.Horizons stratégiques, ministère de la Défense, chapitre I, p. 39, mars 2013, mis en ligne le 5 août 2013.
    www.defense.gouv.fr/das/reflexion-strategique/prospective-de-defense/articles-prospective/horizons-strategiques

    7. Le Monde vu en 2030 par la CIA, éd. des Équateurs, 2013, p. 97

     

    Thomas Flichy de la Neuville

    Enseigne à Saint-Cyr. 
  • Schopenhauer juge du Coran ...

     

    sans-titre coran.png« Prenons par exemple le Coran : ce mauvais livre a suffi à fonder une religion universelle, à satisfaire le besoin métaphysique de millions de personnes depuis plus de 1200 ans, et à devenir le fondement de leur morale, à leur inspirer un mépris considérable pour la mort, ainsi qu'un enthousiasme pour les guerres sanglantes et les plus vastes conquêtes. Nous trouvons en lui la figure la plus triste et la plus misérable du théisme. Sans doute, beaucoup de choses se sont perdues dans la traduction, mais je n'ai pu y découvrir une seule pensée de valeur.. Cela prouve que le besoin métaphysique et l'aptitude métaphysique ne vont pas de pair. »  

    Schopenhauer

    Le Monde comme volonté et comme représentation

    Merci à Jean de Maistre

  • Les derniers combattants de Daech lancent un raid meurtrier dans le sud de la Syrie

    Bachar al-Assad et le leader druze libanais Walid Joumblatt à Damas en 2010

     

    Par Antoine de Lacoste

     

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    L’Etat islamique agonise dans le sang.

    Quelques centaines de ses combattants ont lancé une série de raids éclairs le 25 juillet dernier contre plusieurs villages du sud de la Syrie, dans la province de Soueïda, faisant plus de 250 morts.

     Cette province avait été épargnée par les combats jusqu’à présent. Mais sa proximité avec le désert la met maintenant en danger car c’est là que se cachent les lambeaux de Daech ; d’autres résidus sont actifs plus à l’est, de part et d’autre de Deir ez-Zor.

    La tactique utilisée a été classique : des kamikazes conduisant des camions (ou à pied parfois), se font sauter à proximité d’un barrage de soldats  ou de villageois armés puis, profitant de la confusion, les autres islamistes entrent dans les maisons et assassinent leurs habitants ou mitraillent dans les rues, au hasard.

    Ce sont les Druzes qui ont payé le plus lourd tribut cette fois. De nombreux villages de cette région sont en effet  habités par cette communauté, très présente dans le sud de la Syrie, jusqu’au plateau du Golan et en territoire israélien.

    Les Druzes ont toujours été à part en Syrie, comme ailleurs. Très soucieux de leur identité et de leurs traditions, ils forment un clan soudé. La guerre en Syrie a pourtant été l’occasion de désaccords en son sein. Une grande partie est restée neutre ou fidèle à Bachar, mais d’autres ont participé aux premières manifestations anti-Bachar à Deraa en 2011. Un groupe rebelle a même été constitué, mais l’assassinat d’un dignitaire druze par le très islamiste Front al Nosra en 2012 a tout changé.

    Aujourd’hui les Druzes défendent leur territoire face aux islamistes avec détermination. Ils acceptent d’épauler l’armée mais refusent d’être déployés hors de leur région, refus que l’armée syrienne se garde bien d’enfreindre.

    Cette attaque de Daech va renforcer leur détermination face aux islamistes. Les aviations russes et syriennes ont mené plusieurs raids contre les agresseurs faisant une cinquantaine de morts, mais nul doute que le pouvoir de nuisance de Daech reste important.

    Une voix dissonante s’est faite entendre au sein de la communauté druze. Le triste Joumblat, un des chefs de la communauté druze libanaise (un homme qui a beaucoup de sang chrétien sur les mains), a accusé Damas d’être responsable de cette tragédie. En effet, après la reprise de Yarmouk au printemps dernier (banlieue de Damas), une enclave de Daech a fait l’objet de négociations. Plusieurs centaines de combattants ont été autorisés à partir ce qui a épargné de lourdes pertes à l’armée syrienne qui, on le sait, a d’importantes difficultés à combler les vides provoqués par sept ans de guerre.

    manar-01542110015298264636.jpgJoumblatt pense que ce sont eux qui ont attaqué les villages druzes et accuse le régime syrien d’imprudence.

    Rien n’est sûr, mais ce qui l’est, c’est qu’à quelques kilomètres de là, la base américaine d’Al Tanf (photo) n’a jamais rien organisé contre les hommes de Daech.

    Alors pourquoi a-telle été construite ?  

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde.

  • Le nationalisme français : son histoire et ses figures Un entretien du Cercle Henri Lagrange avec Philippe Conrad

     

    Un entretien du Cercle Henri Lagrange avec Philippe Conrad

     

    2293089609.14.jpgDisons d'abord que les entretiens du Cercle Henri Langrage sont en général d'une  grande qualité. Celui-ci n'échappe pas à la règle. Selon le formule habituelle, on n'est pas forcément d'accord sur tout. Mais il y a là de la part de Philippe Conrad une réflexion de fond sur le nationalisme - histoire, idéologie, avenir - qui nous intéresse au premier chef. A propos de plusieurs sujets, Philippe Conrad met en garde contre deux écueils pouvant affecter notre perception de l'histoire du nationalisme français : l'anachronisme et le manichéisme simplistes. Par paresse d'esprit ou information insuffisante. Ceux qui se donneront la peine d'écouter cet entretien très substantiel de près d'une heure et demie en tireront le plus grand bénéfice. Recommandé aux cadres du mouvement royaliste !  LFAR    

     

     

    Philippe Conrad est essayiste, historien et journaliste français, professeur d’histoire et directeur de séminaire au Collège interarmées de défense de 2003 à 2007, rédacteur en chef de La Nouvelle Revue d’histoire de 2013 à 2017, professeur d’histoire de l’Église au séminaire Saint-Philippe-Néri, président de l’Institut Iliade depuis 2014.

    0:22     Définition du nationalisme
    2:29     Nationalisme et révolution française
    6:09     La Révolution française fut-elle nationaliste ?
    9:07     Le nationalisme de gauche au XIXeme siècle
    14:39    Le nationalisme français germanophobe
    19:43    Le nationalisme français et le colonialisme
    23:47    Le général Boulanger
    27:56    L’affaire Dreyfus
    32:32    Édouard Drumont
    34:23    Déroulède et Barrès
    38:39    Le nationalisme français et la question de la race
    42:15    Charles Maurras
    45:15    Le nationalisme français : une préfiguration du fascisme ?
    49:24    Le colonel de La Rocque
    52:37    La tentation fasciste
    56:03    Le Parti populaire français
    1:00:47  Marcel Déat
    1:03:49  Gaullistes et pétainistes : une lutte pour la légitimité
    1:08:46  Le discrédit du nationalisme après-guerre
    1:10:45  le renouveau du nationalisme en France dans les années 60
    1:13:52  Le Front National
    1:18:43  La « Nouvelle Droite » et la voie européenne
    1:23:18  Souverainisme et nationalisme
    1:25:04  L’avenir du nationalisme

  • GRANDS TEXTES (41) : L'Avenir du nationalisme français

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    Le tome II des Œuvres capitales de Charles Maurras, sous-titré Essais politiques, s’achève par un texte court au titre prometteur : L’Avenir du nationalisme français.

    En exergue, on y lit la mention suivante : Ces pages forment la conclusion  du mémorial publié sous le titre POUR UN JEUNE FRANÇAIS chez Amiot Dumont, Paris, 1949.

    Maurras y démontre comment « le nationalisme français se reverra, par la force des choses…»  Force des choses qui, aujoud'hui, semble bien s'exercer sur la France avec intensité, avec caractère de gravité, de divers ordres, intérieurs et extérieurs.

    Et justifier la permanence ou le retour d'un nationalisme français, tel que Maurras l'illustre et le redéfinit ici.

    Par quoi ce très beau texte trouve toute son actualité.  

    Lafautearousseau 

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