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Actualité France - Page 309

  • Une culture officielle ?

    François Nyssen qui s'est déconsidérée en retirant le nom de Charles Maurras des commémorations officielles 2018 

     

    par Gérard Leclerc

     

    arton22534-b73f0.jpgFrançoise Nyssen, ministre de la Culture, a présenté hier les orientations de sa réforme de l’audiovisuel public. Elle s’est expliquée notamment, durant une conférence de presse, sur l’ambition qui est la sienne, en correspondance avec ce qu’avait annoncé Emmanuel Macron durant sa campagne présidentielle.

    Une discussion est d’ores et déjà amorcée par les syndicats maison, qui se disent inquiets de certaines modalités qu’impliquent des changements de structure. Mais il y a un autre aspect à retenir des propos de la ministre. Quelle philosophie sous-tend cette volonté de remodeler le service public ? « Reconquérir la jeunesse, retrouver les territoires, dit-elle, grâce à un média audacieux, un média engagé dans la vie citoyenne, un média engagé pour la création, un média engagé vers la rupture technologique. »

    Pourquoi pas ? Mais un média engagé, cela ne va pas sans un certain contenu idéologique, et celui-ci devrait être l’objet d’une discussion et même d’un certain consensus, dès lors qu’il est hors de question que l’audiovisuel public devienne « la voix de son maître ». On peut espérer que le débat d’idées préconisé sera vraiment pluraliste. Mme Nyssen pourrait nous rassurer, lorsqu’elle fait part de son souhait de promouvoir ce qu’elle appelle « un miroir de nos différences ». Mais ce mot même de différence est piégé, il est susceptible de diverses acceptions et celui que la ministre entend privilégier peut éveiller quelques soupçons : « Le pays des Lumières, dit-elle, sur le sujet de la diversité est hautement réactionnaire… Avec une volonté politique sans ambiguïté, notre média engagé changera les mentalités sur le terrain. »

    L’orientation idéologique ne perce-t-elle pas le bout du nez, à travers de tels propos, qui peuvent rappeler la philosophie de Vincent Peillon qui, à travers l’école publique, entendait arracher les enfants à leurs préjugés familiaux ? Par ailleurs, la création d’une plateforme anti-bobards – on me pardonnera ici de m’abstenir de parler franglais – n’est pas pour rassurer. Certes, Mme Nyssen n’a sans doute pas l’intention de donner à son ministère une orientation orwellienne, mais ses choix idéologiques lui appartiennent. Libre à nous de les contester.   

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 5 juin 2018.

  • Affaire Théo • Théo est en garde à vue : si l’on en tirait les leçons ?

     

    Par Gabrielle Cluzel

    Cette excellente chronique [Boulevard Voltaire, 5.06] revient sur la désormais sulfureuse affaire Théo avec un talent, des aperçus perspicaces et justes, qui font, décidément, de Gabrielle Cluzel l'un des excellents auteurs et journalistes de sa génération. Laquelle, d'ailleurs, fort heureusement, en compte un nombre non négligeable. Tel Jean-Christophe Buisson que cite cette chronique. Il faudra suivre les publications de Gabrielle Cluzel avec attention comme nous en suivons et reprenons quelques autres avec cet esprit d'ouverture et de dialogue que Lafautearousseau pratique avec profit. C'est même là, nous semble-t-il, une condition du progrès, non seulement de nos idées, mais des idées de salut en général. 

    Rappelons pour ceux qui l'ignoreraient que Gabrielle Cluzel participe - d'ailleurs toujours brillamment - à certains de nos colloques et conférences, dont quelques unes sont les siennes propres.   LFAR

     

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    « Aulnay-sous-Bois : Théo et ses frères en garde à vue », titre sobrement Le Parisien ce matin. Le célèbre slogan « Justice pour Théo » prend soudain une résonance sardonique. C’est en quatre lettres assassines – « Oups ! » – que le journaliste Jean-Christophe Buisson résume le sentiment général sur son compte Twitter.

    « Plusieurs membres de la famille de Théo et lui-même ont été interpellés ce mardi matin au domicile familial par les enquêteurs du SDPJ 93 et placés en garde à vue. Ils sont soupçonnés d’escroquerie aux aides d’État. » Bien sûr, jugement n’a pas été encore rendu. Bien sûr, comme le dit son avocat, il ne faut pas mélanger deux affaires qui n’ont « rien à voir ». Il parle de « coup médiatique ». De contre-coup médiatique, veut-il dire sans doute. De boomerang, qui vous revient en pleine face avec autant de force qu’il a été lancé. Car la vérité est que son visage ne ferait pas la une des journaux, cette affaire ne connaîtrait pas de plus grande notoriété que tous les dossiers s’entassant actuellement sur le bureau des juges français si Théo n’avait pas été, il y a quelque mois, ultra-médiatisé, veillé par le président de la République lui-même, canonisé santo subito, inscrit dans le martyrologe des nouveaux grands prêtres qui nous gouvernent, posé sur un virtuel piédestal avec une matraque policière, telle sainte Agnès portant les instruments de sa torture. Si son prénom – relayé à l’infini sans nom de famille, tel un adolescent de quand même 22 ans – n’était pas ainsi passé à la postérité.

    Il aurait été si simple, les blessures (bien réelles) du jeune homme constatées, de laisser faire, alors, le travail de la Justice, de regarder les enquêteurs démêler les responsabilités éventuelles des uns et des autres.

    Il aurait été si facile de se taire et d’attendre. De faire montre de prudence et de discernement… toutes choses aussi étrangères, il est vrai, à François Hollande qu’à moi le kitesurf et la danse rythmique sur patins.

    L’instrumentalisation de l’émotion est le principal outil de domination de la gauche, et elle n’a pas le temps de s’embarrasser de vérification, car le buzz est comme un soufflé : il n’attend pas. Une fois tombé, plus rien à en tirer. Il vaut bien qu’on lui sacrifie la vérité. Et lorsque celle-ci, à son train de sénateur, arrivera enfin, tout le monde s’en fichera, l’effet final recherché aura été atteint.

    On se souvient de l’affaire Sébastien Nouchet. En 2004, cet homme d’une trentaine d’années avait affirmé avoir été l’objet d’une agression homophobe. Il avait dit avoir été injurié, aspergé d’un liquide inflammable et brûlé. Tollé dans le pays. Des manifestations anti-homophobies furent organisées, Jacques Chirac, alors président, envoya une lettre de soutien à l’intéressé et à son compagnon. À l’Assemblée, une loi contre l’homophobie fut votée dans la foulée, sous l’impulsion du ministre de la Justice Dominique Perben, qui reconnut avoir été bouleversé par cette affaire : « Cette loi, c’est, au fond, quelque part, la loi Nouchet.». En 2007, un non-lieu définitif fut rendu dans cette affaire. Le parquet avait évoqué la possibilité d’une nouvelle tentative de suicide (par immolation), le plaignant dépressif en ayant, par médicaments, 19 à son actif. Mais la loi Nouchet est restée.

    Il n’y a pas eu de loi Théo, mais il pourrait y avoir une leçon Théo. Quand t’es président de la République, Théo… bligé de résister à la tentation de la sur-réaction et à la pression de ton service de communication qui flaire un bon coup. Théo… obligé de laisser les événements se décanter si tu ne veux pas courir le risque de discréditer ta fonction en même temps que ridiculiser ta personne. Au vu de récents événements, il n’est pas certain qu’Emmanuel Macron l’ait retenue.   

    Ecrivain, journaliste

    Son blog

  • Éric Zemmour : « Mélenchon, un indécrottable  représentant du monde ancien »

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgBILLET - La manifestation populaire du samedi 26 mai, organisée par la CGT et la France insoumise, n'a pas déplacé les foules. En cause, selon Éric Zemmour : Jean-Luc Mélenchon, qui reste figé dans sa stratégie.  [RTL 29.05]. Ce que l'on devra retenir, peut-être, de plus utile et de plus pertinent dans ce billet, c'est une exacte définition du personnage politique singulier qu'est Jean-Luc Mélenchon.   LFAR 

     

    Résumé RTL par Éric Zemmour et Loïc Farge 

    Un échec. Un bide. Un ratage. Il n'y a pas de mots pour décrire l’impression laissée par la manifestation contre la politique sociale du pouvoir. L'année dernière, Mélenchon avait accordé un point à Emmanuel Macron. Cette fois-ci, il faudra qu'il lui accorde le set et le match.

    Jean-Luc Mélenchon a perdu une bataille et la guerre. Non seulement il n'a pas réussi à bloquer la réforme de la SNCF ; mais sa faiblesse est si manifeste que déjà, le pouvoir macroniste plastronne en préparant une nouvelle vague de réformes libérales. 

    Son changement d'attitude vis-à-vis de la CGT n'a rien changé. Son lyrisme historique, que ce soit avec la grande grève de 1995 contre le plan Juppé, ou le Front populaire de 1936, a laissé de marbre ses auditeurs. 

    Si le parti de Macron s’appelle en marche, celui de Mélenchon devrait s'appeler désormais « On ne marche pas ». Bien sûr, le leader maximo de la France insoumise cherchera noise aux médias et à leur présentation ostentatoire des violences ou de Macron grimé en nazi. Il sait mieux que personne que ce n'est là qu'excuses bidon de mauvais joueur.  

    Éric Zemmour

  • Réalisme et illusions

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

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    Mardi 29 mai, M. Macron réussit l’exploit de réunir à Paris les quatre hommes forts d’une Libye en principe libérée et certainement « exsangue » - à savoir les deux potentats de Tripoli et Benghazi et le président de chacune des deux assemblées de Tobrouk et Tripoli -, ainsi qu’une pléiade de représentants des deux douzaines de pays impliqués dans la crise libyenne et des organisations internationales (Onu et Ligue arabe notamment) : cela fait beaucoup de gens pour une discussion sérieuse et un accord solide.

    Tout ce beau monde a quand même souscrit, mais sans signer de document et avec quelques réticences pour certains, à l’organisation, le 10 décembre prochain, d’élections présidentielles et législatives « dignes de foi ». Cette espérance démocratique a de quoi laisser sceptique, étant donné l’état actuel d’un pays re-tribalisé et complètement morcelé. M. Macron n’aura eu en cas d’échec probable que le mérite d’essayer. Pour parler net, c’est à coup sûr un excellent « coup de com’ » mais guère plus. 

    sans-titre.pngLe lendemain, mercredi 30 mai, il prononce à la tribune de l’OCDE un discours qui tourne vite au plaidoyer utopique et idéologique pour la paix, le multilatéralisme et une mondialisation régulée. On a, presque en même temps, confirmation des nouvelles taxes américaines sur l’acier (25%) et l’aluminium (10%) importés d’Europe mais aussi d’ailleurs. Du coup, l’Union européenne porte plainte auprès de l’OMC et annonce des taxes de rétorsion ciblées et proportionnées - taxes à l’effet improbable -, tandis que Mme Merkel s’inquiète d’une « escalade » dangereuse pour tout le monde, mais surtout pour l’Allemagne dont les Etats-Unis sont le premier partenaire à l’exportation. Et que dit M. Macron ? Que la mesure américaine est « illégale » et que « le nationalisme économique  c’est la guerre ». Quelle est donc cette loi qui s’imposerait à la première puissance économique de la planète si celle-ci n’en veut pas et qui a jamais pu croire sérieusement que les relations économiques soient mutatis mutandis autre chose qu’une sorte de paix armée ? Sur ce coup, M. Macron semble faire preuve d’une grande naïveté, de peu de poids face à la froide décision états-unienne. 

    En revanche, jeudi 24 mai, à St Petersbourg, M. Macron avait su donner un exemple d’opportunisme et de réalisme conjugués. Pas d’effusions, ni illusions ni envolées oratoires, mais une longue discussion (1h de plus que prévu) avec M. Poutine. M. Macron espérait convaincre son hôte d’oeuvrer de concert pour un règlement de paix en Syrie et pour que s’ouvrent des négociations internationales avec l’Iran. Malgré les évidentes divergences que l’on sait entre Paris et Moscou, un accord a été trouvé qui répond aux intérêts des deux parties : concernant la Syrie, on admet que la Russie et ses « alliés » (Turquie et Iran) d’une part, le camp « occidental » (Etats-Unis, France et Grande-Bretagne, Arabie Séoudite et Jordanie) d’autre part sont bien contraints de s’entendre ; concernant l’Iran, on se fixe comme objectif un processus commun devant conduire à des négociations régionales dont le but serait de déterminer, voire de réguler, le rôle reconnu à Téhéran. La France joue là une belle carte diplomatique, tandis que la Russie voit son rôle conforté. 

    Ainsi, en moins d’une semaine, le chef de l’Etat aura, sur le plan international, montré ses qualités et ses faiblesses. On le voit tout à la fois obnubilé par les mêmes chimères à la mode que ses prédécesseurs immédiats et soucieux, selon le mot de M. Guetta, de « renou[er] avec la volonté d’indépendance gaullo-mitterrandienne ». Ce n’est pas de l’ambiguïté, c’est de la confusion : il lui faudra  bien en sortir, si possible par le haut.   

  • La France menacée de perdre son industrie

     

    Par Ronan Wanlin (mai 2018)
    Spécialiste d'intelligence économique

    Un article remarquable parce qu'il ne se contente pas d'analyser la situation désastreuse, mais parce qu'il formule un ensemble de propositions pour restaurer l’héritage industriel de la France.  C'est là un sujet qui touche à l'intérêt supérieur du pays 

     

    LogoOEG2.jpgL’industrie peut se résumer à l’ensemble des activités socio-économiques orientées vers la production en série de biens, grâce à la transformation de matières et à l’exploitation des sources d’énergie. D’un point de vue purement fonctionnel, l’activité industrielle est assurée par des entreprises évoluant sur deux terrains qui peuvent se superposer ou au contraire s’opposer : le terrain de l’économie, et un terrain plus politique. 

    Exemple concret : un pétrolier comme Total évolue sur le marché du pétrole et de l’énergie à échelle mondiale et se trouve représentant de facto d’intérêts français et doit donc rendre des comptes à la France

    Il faut être clair, précis, et surtout lucide. La mondialisation n’est pas heureuse. Le vaste marché autorégulé n’a jamais existé, » la main invisible » du marché d’Adam Smith n’a pas gagné. La mondialisation est en revanche une réalité, et la stopper peut être considéré, à tort ou à raison, comme une utopie. Un pragmatisme nécessaire oblige à prendre en compte cette réalité : les échanges et les flux sont mondiaux, ainsi que le sont, par définition, les rapports entre les Nations. Il appartient donc à la France d’exister, de reconstruire et d’affirmer sa puissance dans cette mondialisation. A ce moment seulement il sera opportun de discuter d’un autre système politico-économique mondial : on n’impose aucune vision sans puissance. Il faut ainsi penser à l’accroissement de puissance par l’économie. L’activité industrielle est donc un secteur clef privilégié pour penser cet accroissement de puissance.

    Une situation désastreuse

    Mais, la situation industrielle française est hélas désastreuse, et le rôle du politique est réduit au minimum. À vrai dire, d’un État traditionnellement colbertiste, la France est passée à un État régulateur; et encore cela est-il de plus en plus vague.

    Le constat est sans appel : il y a encore quelques dizaines d’années, l’industrie représentait 20% du PIB, aujourd’hui elle n’en représente que 10% ! Fermetures d’usines, restructurations, plans sociaux, faillites, rachats par des entreprises étrangères, en dix ans environ, la France a perdu 850.000 emplois dans l’industrie, et la part de marché mondiale des exportations françaises a fondu de 40% depuis 15 ans. C’est l’échec d’un modèle économique qui ne sert plus la puissance française et qui a choisi l’automatisation et les délocalisations. On peut parler de désindustrialisation.

    Afin de protéger au mieux les PME française, certaines pistes sont à explorer. Adoption d’un « Buy French Act » sur le modèle du « Buy American Act », c’est à dire réserver une large proportion d’achats publics (75% minimum) aux entreprises produisant encore en France lors des marchés publics ; ou encore la valorisation du « Made in France » par un étiquetage rigoureux tout en renforçant le développement des labels régionaux. Les pistes ne manquent pas. La France devrait également reconnaître et favoriser ses intérêts en abrogeant par exemple la traduction française de la directive européenne sur les travailleurs détachés qui légalise le travail à bas prix (low-cost) , la concurrence déloyale des pays européens de l’est et du sud, et qui pèse à la baisse sur les exigences des conditions de travail.

    Le cas d’Alstom

    Des cas concrets parlent mieux que des chiffres et à ce propos, le cas d’Alstom est emblématique. Il permet de comprendre le monde dans lequel évoluent les acteurs industriels, mais également ce que représente l’industrie pour l’indépendance, l’autonomie, la résilience française.

    En 2015, Alstom a été racheté à 70% par le géant américain de l’énergie General Electric. En effet, les Etats-Unis faisaient pression sur Alstom, impliqué dans des affaires de corruption dans le monde, en utilisant son « Foreign Corrupt Practices Act » qui permet aux Etats-Unis de juger n’importe quelle société ayant un lien avec eux (via l’utilisation du dollar par exemple). Or, le nucléaire représente 75% du mix énergétique français. Dans le processus de production énergétique, Alstom Energie fournissait la turbine Arabelle, qui est une technologie indispensable, on parle de technologie industrielle critique. Outre un très complaisant transfert de technologie, c’est une perte de savoir-faire immense, qui pose un double problème stratégique : commercial et décisionnel, puisque c’est tout le parc énergétique français qui pourrait se retrouver sous le coup d’un embargo américain sur la fourniture de pièces de maintenance des dites turbines. La France a donc perdu un pan entier de souveraineté énergétique, un leader national dans le commerce de l’énergie nucléaire et sa future capacité à exporter son savoir-faire.

    Les entreprises françaises évoluent sur un marché mondial asymétrique. Les Etats-Unis se sont dotés d’un arsenal de guerre économique, à la différence de la France et les pays de l’Union européenne.

    En l’espèce, l’État français n’a pas assuré son rôle de stratège : il n’a pas détecté - ou il ne l’a pas voulu- la menace qui pesait sur Alstom, ni les conséquences qu’un rachat entraînerait, et il n’a donc pas assuré la survie d’une entreprise stratégique.

    Une guerre économique mondiale

    Autre leçon de l’affaire Alstom : les industries portent des savoir-faire qui sont à la fois des outils concurrentiels, et donc des sources de richesses, mais aussi des leviers stratégiques internationaux. Lorsqu’une entreprise française est la seule à produire des biens avec une haute technicité, la France peut assurer son exportation mondiale. L’exportation de produits français est un atout diplomatique majeur permettant de peser sur ses clients. En 2003, devant le refus français d’intervenir en Irak, les Etats-Unis avaient décidé un embargo sur la France en ce qui concerne les matériels militaires, nous privant ainsi des catapultes utilisées sur le Charles de Gaulle pour lancer nos avions de guerre. La France perdait ainsi sa capacité de projection militaire dans le monde. C’est de cela que nous sommes privés aujourd’hui : d’une capacité à être résilients, à peser dans le monde à travers nos savoir-faire industriels.

    L’industrie française donc est ballotée au grès des courants d’une guerre économique mondiale qu’elle ne domine pas. Aux États-Unis, l’industrie est considérée comme un enjeu de sécurité nationale. Des empires industriels ont ainsi réussi à mettre au pas les entreprises en leur faisant comprendre qu’un pays fort profite nécessairement aux industries fortes et vice versa. Il faut donc comprendre l’asymétrie implacable qui règne. Sans cela, rien n’est envisageable. Il faut ensuite doter notre politique industrielle d’une vision, qui sera servie par diverses actions que j’exposerai ensuite. Cette vision s’appuie sur un postulat de base indispensable : l’intérêt national.

    La France devrait mener sa politique industrielle dans une double logique : une logique d’accroissement de puissance ainsi qu’une logique sociale et écologique.

    Accroissement de puissance donc. Il faut penser cet accroissement notamment à travers l’économie, ce qui implique une subordination de l’économie au politique. Un exemple simple : la Russie qui a développé sa puissance notamment autour du gaz qui lui assure non seulement une source de richesses, mais également des éléments de puissance diplomatique et militaire. Pour cela, nos industries doivent être concurrentielles afin de se positionner au mieux dans leurs secteurs respectifs. Le politique doit donc prendre en compte les intérêts stratégiques des entreprises. Enfin le politique se doit de prendre en compte et d’anticiper le contexte diplomatique.

    Des solutions visant à satisfaire cette vision sont nombreuses. Il serait nécessaire, par exemple, d’entamer une troisième extension de la protection des domaines sensibles, laquelle est prévue initialement par le Traité de Rome, mais réservée qu’aux domaines régaliens, élargis par Arnaud Montebourg aux transports et à l’énergie. Protéger les entreprises en matière de propriété intellectuelle, lutter contre la contrefaçon qui détruit 30.000 emplois par an sans compter les effets indirects à moyen et long terme s’avère également nécessaire ; tout comme mettre en place un système d’actions préférentielles pour protéger les entreprises stratégiques des prises de contrôle étrangères. Pourquoi même ne pas considérer un droit de réquisition de ces entreprises stratégiques en cas de rachat étranger ?

    Redonner la main à l’État

    Le secteur industriel a besoin de main d’œuvre et de matière grise. L’exonération de charges pendant cinq ans sur le recrutement en CDI d’un chômeur longue durée (1,2 million selon l’INSEE) permettrait justement au secteur industriel de recruter à des prix raisonnables. Surtout, parce qu’une vision stratégique implique d’avoir des coups d’avance, il faut favoriser la Recherche et Développement (R&D), en la faisant passer de 2,2% à 3% du PIB.

    En Allemagne, la R&D atteint 2,9% du PIB. De manière urgente, la France se doit de développer de nouvelles sources d’énergie comme l’hydrogène, car l’uranium sera épuisé dans 60 ans, ainsi que le stockage de l’énergie. De même il nous faut renforcer et développer de nouveaux secteurs sur lesquels nous pourrons développer des positions d’excellence, tels que l’économie de la mer ou de l’espace. Le monde connaît un tournant technologique et maitriser l’intelligence artificielle, travailler sur les utilisations de l’ordinateur quantique et des supercalculateurs est d’une grande importance.

    Les propositions ne manquent pas. En revanche, les lois issues de la législation de l’Union européenne, notamment celles régissant le marché intérieur, s’opposent à toute forme de d’intervention étatique, et de valorisation des produits. De même, le TTIP et CETA ne laissent pas présager une amélioration en ce sens.

    Un autre obstacle à la revalorisation de nos filières industrielles est l’idéologie. La vision libérale de la mondialisation prétendument « heureuse » semble occuper la tête de la plupart des dirigeants politiques, les privant de toute volonté nationale. Emmanuel Macron expliquait lors de la vente d’Alstom à General Electric que l’Etat n’avait pas à intervenir dans une relation entre deux entreprises privées. Pourtant, l’État, garant de l’intérêt général, ne devrait -il pas suppléer aux circonstances en ce cas ?

    Même s’il faut saluer quelques initiatives qui vont, au moins partiellement, dans le bon sens comme la récente loi Sapin II, la loi sur le secret des affaires ou encore la commission d’enquête parlementaire sur les décisions de l’Etat en matière de politique industrielle, la situation avance trop lentement. A côté de propositions techniques, il est nécessaire de restaurer la primauté de l’intérêt national et de l’accroissement de la puissance par le levier industriel. Il s’agit tout à la fois de restaurer cet état d’esprit, mais aussi de redonner la main au politique, c’est à dire à l’État-nation.

    En vérité, la mondialisation-globalisation et l’autorégulation du marché sont le vieux monde. A contrario le nouveau monde est celui de ceux qui ont compris que la scène mondiale reste faite de rapports de forces. C’est pourquoi, il faut défendre avec lucidité – et restaurer - l’héritage industriel de la France.  ■ 

  • Le séducteur : Retour sur le discours d'Emmanuel Macron aux évêques

     

    Par François Reloujac

    Religion et politique. « Standing ovation » aux Bernardins pour le président de la République et beaucoup d’éloges dans la presse, avec ce qu’il faut de fureur mélanchonienne pour leur donner davantage de relief ! 

    Le 9 avril dernier, les évêques de France recevaient le président de la République au Collège des Bernardins. Le discours présidentiel se proposait de chercher à « réparer » le « lien abîmé » entre la République et l’Église… Sous des propos apaisants et amicaux qui donnaient à croire à une « ouverture », Macron le subtil incitait, en fait, l’Église à œuvrer avec lui  voire exigeait d’elle qu’elle se rallie à son action. Éternel recommencement. Discours qualifié d’intelligent par la plupart des observateurs mais qui pourrait aussi bien être considéré comme rusé, tant il semble en appeler à la cléricature pour mieux la détacher des dogmes et de la morale de la religion révélée.

    Reconnaître à l’Église un droit de « questionnement »

    Le président a commencé par afficher la volonté de « réparer le lien abîmé » entre l’État et l’Église catholique, ce que tout Français conscient ne peut que déplorer, mais sans dire jamais en quoi et pour quoi et par qui ce lien est ou fut abîmé, ce qui évite d’avoir à traiter les problèmes de fond. Que ce lien soit en particulier abîmé par les lois contre nature que la République s’ingénie à imposer, comme le meurtre des enfants dans le sein de leur mère, la dénaturation de ce que signifie l’institution millénaire du mariage, la « chosification » des enfants dont le droit à l’enfant est le prétexte et, pire la « chosification » des femmes dont la location d’utérus est le dernier avatar, ou, bientôt, la condamnation à mort des personnes qui souffrent ou qui sont âgées. Rien de ces sujets capitaux et qui engagent l’avenir d’une civilisation, n’est abordé sous son jour de vérité naturelle et surnaturelle. Le président se dit prêt à écouter « le questionnement » de l’Église. Pourvu qu’elle admette de rester « un questionnement ». S’il est des normes au-delà, il n’appartient pas au président de la République de le savoir. Le lien est donc rétabli à la condition que l’Église ne cherche pas à promouvoir la vérité qu’elle détient mais qu’elle en reste au simple « questionnement » qui permet à chacun d’apporter sa propre réponse. Autant dire aux catholiques qu’ils sont libres d’exprimer ce qu’ils veulent à condition qu’ils ne prétendent pas transmettre une Vérité qui ne vient pas d’eux mais qui a été révélée ; il en résultera que ce qu’ils diront ne sera plus qu’une opinion parmi d’autres et comme ils ne sont plus majoritaires, ils n’auront pas à se plaindre s’ils ne sont pas suivis puisqu’ils n’auront, en bons démocrates, qu’à se rallier à la loi de la majorité. Et chacun doit bien savoir qu’au-dessus de tout, incréée, éternelle autant qu’évolutive, s’impose comme unique absolu la loi de la République. C’est à cette République que les chrétiens se doivent d’apporter « leur énergie » et « leur questionnement ». Avec leurs bâtonnets d’encens !

    Citer des chrétiens pour se dispenser de suivre leurs exemples

    Pour mieux séduire ceux à qui ils demandent de renier ce qu’ils ont de plus précieux, il cite, dans une liste à la Prévert, quelques auteurs chrétiens choisis pour représenter toutes les tendances et dont on se demande si, comme tout bon élève d’aujourd’hui, il ne l’a pas constituée en consultant Wikipédia. Il nous dit cependant qu’il ne tient pas à remonter trop haut, ni aux cathédrales, ni à Jeanne d’Arc dont il oublie de dire que l’Église l’honore de la gloire des saints. Il ne s’agit plus que de travailler aujourd’hui à l’œuvre commune en y mettant ce zèle que les catholiques de France – comme ils l’ont montré – sont capables de mettre en œuvre pour faire vivre la société avec cet art admirable de ne jamais rien revendiquer pour eux ! Ce serait une erreur de la République de ne pas savoir se servir d’un tel supplément d’âme. Le Président reconnaît ainsi le rôle irremplaçable de l’Église de France.

    Le ralliement « au monde »

    Cette Église est tellement utile quand elle « met les mains dans la glaise du réel », là où l’État ne le peut plus – ou, en fait, ne le veut plus – pour aboutir à « un moindre mal toujours précaire » ! Pour arriver à obtenir de l’Église ce qu’il en attend, dans cette politique des « petits pas », il n’épargne aucune couche de jolie pommade. Il se fait une « haute opinion des catholiques » avec qui il veut dialoguer et dont il attend la coopération totale ainsi qu’une contribution de poids « à la compréhension de notre temps et à l’action dont nous avons besoin pour faire que les choses évoluent dans le bon sens ». Quel bon sens ? Et quelle évolution ? Et de quelles choses ? En un mot, il attend que les fils de Dieu se mettent purement et simplement au service « de ce monde ». Il ne faut pas que les chrétiens se sentent « aux marches de la République ». On croirait qu’il se souvient de l’encyclique du pape Léon XIII Au milieu des sollicitudes de la fin du XIXe siècle. Cependant il occulte ou il oublie qu’en écrivant cette encyclique, le pape souhaitait, en fait, que les catholiques de France « se rallient » à la République, dans l’espoir qu’ils pourraient alors influencer les institutions au point de les rendre respectueuses des droits de Dieu, comme les martyrs avaient réussi à « christianiser » l’empire romain. Il pensait que si les catholiques de France, alors persécutés, « investissaient » la République, ils pourraient la transformer de l’intérieur, empêcher de voter des lois antireligieuses et la rendre finalement fidèle à l’enseignement de l’Église. Force est de reconnaître que cette encyclique a totalement raté son objectif ! Cependant la même politique se continue aujourd’hui comme depuis plus d’un siècle avec le succès que l’on connaît. Notre président appelle donc directement l’Église de France à persévérer dans la même voie. Venez, prenez votre place, acceptez nos lois, donnez-nous votre dévouement et nous écouterons « votre questionnement » !

    Nature des trois dons exigés

    Dans cet état d’esprit il appelle l’Église à ce qu’elle fasse trois dons à la République : don de sa sagesse, don de son engagement, don de sa liberté. Nous sommes là bien loin, malgré les apparences, du don de la Sagesse demandé à Dieu par Salomon ! Salomon demandait à Dieu d’être habité par sa Sagesse et donc de la rayonner autour de lui et dans toutes ses œuvres. Le président de la République, en jouant avec les mots et inversant le sens de la demande, propose à l’Église de se dépouiller de ces trois attributs, donc de les sacrifier à son profit pour qu’il puisse s’en servir selon son bon plaisir, en fonction de sa volonté propre. Qu’elle les mette à son service !

    Car qu’est-ce que la sagesse de l’Église pour le président de la République, si ce n’est son « questionnement propre » qu’elle « creuse »… « dans un dialogue avec les autres religions » ? Elle est aussi cette « prudence » qui caractérise d’ailleurs « le cap de cet humanisme réaliste » qu’il a choisi comme norme. Il insiste sur ce point : là où il a besoin de la sagesse de l’Église, « c’est pour partout tenir ce discours d’humanisme réaliste » ; comprenons bien : non pas pour faire entendre la parole de Dieu.

    Face au « relativisme », au « nihilisme » à « l’à-quoi bon » contre les causes desquels il n’envisage pas de combattre, il requiert de l’Église le don de son engagement. Elle n’a pas à lutter contre les causes, non, mais son aide sera bienvenue en revanche pour atténuer les effets, autrement dit pour faire passer la pilule et endormir les consciences. Au même titre que « tous les engagés des autres religions » et ceux des « Restos du cœur », les fidèles de l’Église sont ainsi appelés à consacrer leur énergie « à cet engagement associatif » puisque cette énergie a été « largement soustraite à l’engagement politique ».

    Quant au don de sa liberté que l’Église est invitée à faire, elle qui n’a jamais été « tout à fait de son temps », – « mais il faut accepter ce contretemps » –, c’est de se montrer « intempestive ». Plus elle sera ainsi choquante, en particulier sur les migrants, plus elle aura l’impression d’être libre, mais moins elle sera suivie par la majorité de l’opinion. Plus elle sera inopportune, moins donc elle sera dangereuse. « Et c’est ce déséquilibre constant qui nous fera ensemble cheminer ». Ce don de sa liberté suppose que l’Église offre aussi sa liberté de parole, … cette liberté de parole qui inclut « la volonté de l’Église d’initier, d’entretenir et de renforcer le libre dialogue avec l’islam dont le monde a tant besoin ». Besoin de quoi ? Du dialogue ou de l’islam ? Le président est trop instruit pour ne pas savoir qu’il ne peut y avoir de dialogue qu’entre égaux, ce qui signifie qu’il met sur le même plan l’Église catholique et l’islam. 

    Intelligent ou malin ?

    La position du président conduit à fonder le dialogue entre la République et l’Église « non sur la solidité de certaines certitudes, mais sur la fragilité de ce qui nous interroge ». L’Église n’a donc pas à enseigner les dogmes, ses dogmes, c’est-à-dire sa foi. Sa foi en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Il n’est pas question d’indiquer un chemin de vérité. Elle peut simplement partager avec les politiques les inquiétudes et incertitudes des hommes, et de préférence des hommes mal ou non croyants. « C’est là que la nation s’est le plus souvent grandie de la sagesse de l’Église, car voilà des siècles et des millénaires que l’Église tente ses paris, et ose son risque ». Quelle manière de résumer l’histoire ! Que reste-t-il alors de l’Église ? Peut-on vraiment réduire l’Église à « cette source d’incertitude qui parcourt toute vie, et qui fait du dialogue, de la question, de la quête, le cœur même du sens, même parmi ceux qui ne croient pas » ?

    Sûr de l’empathie qu’il réussit à manifester et à entretenir, il ajoute avec un certain cynisme :

    « C’est une Église dont je n’attends pas de leçons, mais plutôt cette sagesse d’humilité face en particulier à ces deux sujets que vous avez souhaité évoquer. »

    Il s’agit de la PMA – GPA et des migrants ! Vraiment du grand art pour rouler ses auditeurs dans la farine.

    Quant au mot de la fin, il rappelle la séduction du serpent qui entraîne à la transgression :

    « Certes, les institutions politiques n’ont pas les promesses de l’éternité ; mais l’Église elle-même ne peut risquer avant le temps de faucher à la fois le bon grain et l’ivraie ». Il eût été plus franc de dire : « Laissez les politiques ramper dans la fange sans les condamner, vous risqueriez de faire fuir les dernières ouailles qui vous restent. Mettez-les au service du monde que nous construisons. ! »

    Alors, intelligent, le discours du président ou simplement malin ?   

     

    Le Dr. Jean-François Delfraissy, qui préside les Etats généraux de la Bioéthique, ne tient évidemment aucun compte des objections des catholiques. Politique magazine

    Le Dr. Jean-François Delfraissy, qui préside les Etats généraux de la Bioéthique, ne tient évidemment aucun compte des objections des catholiques.  

    François Reloujac
     
  • Chateaubriand : Quelle serait une société universelle qui n'aurait point de pays particulier ?

     

    Chateaubriand, un peu prophète dans les Mémoires d'Outre-tombe (quatrième partie du livre douzième chapitre six) se demandait déjà :


    « Quelle serait une société universelle qui n'aurait point de pays particulier, qui ne serait ni française, ni anglaise, ni allemande, ni espagnole, ni portugaise, ni italienne, ni russe, ni tartare, ni turque, ni persane, ni chinoise, ni américaine ou plutôt qui serait à la fois toutes ces sociétés ? Qu'en résulterait-il pour son intelligence, ses mœurs, ses sciences, ses arts, sa poésie ? Vous dînerez à Paris, et vous souperez à Pékin, grâce à la rapidité des communications ; à merveilles (sic) ; et puis ? » 

    Et cetera ...  

    [Merci à Richard !]

  • Banlieues • Entre le petit « mâle blanc » et les grands blacks, Emmanuel Macron a choisi

     

    Par Catherine Rouvier

    Voici une intéressante et pertinente tribune de Catherine Rouvier, [Boulevard Voltaire, 29.04] sur fond d'intelligence, de subtilité et d'humour, comme à son ordinaire. Catherine Rouvier a participé à quelques unes de nos réunions en Provence. Et nous en gardons un très bon souvenir ...  LFAR 

     

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    Emmanuel Macron a utilisé l’expression « mâle blanc » en évoquant le plan Borloo pour la banlieue. Ce plan serait inapproprié car constituant « l’échange entre deux mâles blancs ». La banlieue, devenue zone « sensible » serait donc devenue si sensible qu’elle devrait être considérée comme une terre à part, domaine des seuls « racisés », interdite aux Gaulois ?

    Yvan Rioufol, sur Cnews, a dénoncé à juste titre cette expression comme favorisant le communautarisme. C’est vrai, mais il y a plus. Cela s’inscrit dans le projet international d’une inversion des rapports de domination. 

    En Europe, le Noir est apparu sous sa désignation grecque de « Maure » (mavros = noir) dès l’Antiquité. Au XIIe siècle, dans La Chanson de Roland, il apparaît sous les traits du roi sarrasin de Saragosse, Marsile. Fin XVIe le modèle d’Othello, le Maure de Venise, de William Shakespeare, est aussi un roi – marocain, cette fois.

    Mais au XIXe, le Noir apparaît comme une victime, celle du commerce d’esclaves avec le Nouveau Monde décrit par La Case de l’oncle Tom, de Harriet Beecher Stowe, ou Les Aventures de Huckleberry Finn et de Tom Sawyer, de Mark Twain. 

    Au XXe siècle, la littérature enfantine de Jean de Brunhoff – Babar– et de Hergé – Tintin au Congo – véhicule une double image. Gentil naïf et drôle, il éveille la sympathie. Cannibale, soumis à un sorcier jeteur de sorts au masque terrifiant, il est ressenti comme une menace.

    Notre XXIe siècle pérennise l’image de la victime – sans-papiers jetés dans des bateaux de fortune au péril de leur vie pour fuir la guerre ou la famine et aborder sur nos côtes – mais lui superpose une image valorisante. Devenu l’unique ancêtre d’une humanité présumée entièrement africaine à l’origine, star multimillionnaire des terrains de foot, pouvant revendiquer le président de l’État le plus puissant du monde comme un des leurs hier, l’accueil par la plus vieille famille régnante de l’État le plus colonisateur de la planète d’une des leurs, le « Noir », aujourd’hui devenu « Eurafricain » ou « Afro-Américain », est passé du mépris à la gloire.

    L’expression « mâle blanc » s’inscrit dans ce contexte. 

    Désormais, en Occident, ce n’est plus le seul Noir qu’on désigne comme présentant une particularité visible le distinguant de l’ensemble de la population autochtone, mais aussi le Blanc. 

    De même, le héros n’est pas seulement Arnaud Beltrame, mais aussi Lassana Bathily, qui a sauvé des otages de l’Hyper Cacher en 2015, ou Mamadou Gassama, qui a sauvé hier un petit garçon menaçant de tomber d’un balcon.

    Entre Borloo, le petit « mâle blanc » rigolard à barbe grise, et les grands blacks intrépides des cités, Emmanuel Macron a donc choisi. La banlieue sera leur affaire. Ainsi se réalisera la « politique inclusive » qu’il a mentionnée lors de la conférence de presse de vendredi dernier en Russie à propos de la Syrie, devant un Poutine dubitatif. 

    Dès 2011, Guy Hagège, dans Le Monde, la définissait comme « un projet universel de personnalisation de la politique » en fonction « des différences de la personne », afin de lui donner « toutes les chances de réussite dans la vie ». À l’époque, la « différence » était le handicap, et cela concernait toute la France.

    Mais en Syrie, comme dans nos banlieues, on peut craindre que cette « politique inclusive » n’implique une reconnaissance, voire une promotion des « différences » ethniques et religieuses qui pourrait mener au séparatisme.

    Ce qui, comme au Kosovo, pourrait favoriser un autre projet universel : le projet postnational.   


    Docteur d'Etat en droit public, avocat, maitre de conférences des Universités

     
    A lire aussi dans Lafautearousseau ...
  • Complicité

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    sinistra-italiana_una-nuova-proposta-il-documento_sfondo-rosso-170204 - Copie.jpgEn utilisant dans son intervention du 22 mai l’expression « deux mâles blancs » pour parler de M. Borloo et de lui-même, et justifier ainsi son rejet du « plan banlieues » concocté par celui qui fut ministre délégué à la Ville et à la Rénovation urbaine de M. Chirac, et qui est considéré on ne sait trop pourquoi comme une autorité indépassable en la matière,

    M. Macron a commis une faute grave. Il a peut-être cru faire un bon mot, conseillé en cela par un communicant irresponsable : on rejette le plan (d’un coût de quarante-huit milliards tout de même) mais on donne satisfaction aux plus extrémistes des « post-colonisés » en reprenant leur langage, lui-même formaté par celui de mouvements américains conjuguant féminisme et racialisme. 

    Son propos aurait même pu être franchement ironique, à prendre au second degré donc, de la part de quelqu’un qui, quelques années plus tôt affirmait ne pas avoir à « [s]’excuser d'être un jeune mâle blanc diplômé » (extrait non publié - ce n’est pas anodin - de l’entretien accordé en 2010 au magazine des anciens élèves de Sciences Po). Il aurait alors fallu comprendre quelque chose comme : vous [M. Borloo] et moi [chef de l’Etat] ne devons plus nous conduire comme des « post-coloniaux », cessons d’infantiliser les habitants des banlieues - « nos semblables, nos frères » - qui s’en sortiront bien tout seuls… Une pirouette verbale qui paraît quand même peu probable. 

    7793497879_emmanuel-macron-et-jean-louis-borloo-le-22-mai-2018-a-paris.jpgEn fait de bon mot, M. Macron a choqué sur le fond et sur la forme. Sur la forme, le chef de l’Etat aurait d’abord pu comprendre par lui-même, et sans l’aide d’un conseiller, la vulgarité de l’expression : pour parler net, « mâles blancs » suppose en toute logique l’existence de « femelles noires », en tout cas pas ou peu blanches, lesquelles femelles peupleraient donc en partie nos chères (ici, double sens garanti par la rédaction) banlieues. La langue est sans pitié pour les apprentis-sorciers et on voit quels abîmes côtoie ainsi M. Macron. 

    Sur le fond, il aurait eu en fait grand intérêt à lire deux ouvrages très récents, deux enquêtes sérieuses sur les banlieues. Dans le premier, La Communauté (Albin Michel), deux journalistes, Mmes Bacqué et Chemin montrent comment la petite ville de Trappes est devenue ce qu’elle est aujourd’hui (…), le fil conducteur étant bien la religion musulmane. Dans le second, La Tentation radicale (PUF), deux spécialistes, M. Galland et Mme Muxel, montrent que le terreau de la radicalisation islamique est moins socio-ethnique (comme le prétend une certaine presse) qu’idéologique. 

    Oui, M. Macron a eu raison d’opposer une fin de non-recevoir aux quarante-huit milliards du plan Borloo : nous avons déjà assez donné et pour rien. Mais, si les mesures annoncées contre la drogue et la radicalisation relèvent de la bonne intention, mais pas plus, celles sur les avantages à accorder (permis de conduire, primes de crèche, bourses de stage, « testing ») sont purement démagogiques. Ces dernières en effet occultent le vrai problème, celui que ni M. Macron ni M. Borloo n’ont voulu nommer et qui tient en une équation : immigration incontrôlée + islam =  communautarisation = rejet de l’appartenance à la France. D’où l’existence des « mâles blancs », conséquence et non cause d’un racisme anti-blanc dont M. Macron s’est fait, ce 22 mai, le complice peut-être inconscient mais certainement objectif.   

  • Religion & Société • Le cardinal Sarah aux 12.000 pèlerins de Chartres : Terre de France, réveille-toi !

     

    Par Gabrielle Cluzel

    « Secouer les puces de l'Occident chrétien » plus qu'endormi, dénaturé, appeler « le peuple de France à se réveiller, à retourner à ses racines », c'est ce que Gabrielle Cluzel a retenu de l'homélie du cardinal Sarah lors du dernier pèlerinage de Chartres, dans cette excellente chronique [Boulevard Voltaire, 21.05] .  

    Rappelons pour ceux qui l'ignoreraient que Gabrielle Cluzel a participé - d'ailleurs brillamment - au colloque du Cercle de Flore « Refonder le bien commun », du 13 mai 2017, à Paris (Illustration ci-dessous). Et qu'elle a donné aussi une conférence aux mardis de Politique magazine en novembre dernier.  LFAR

     

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    On peut décider de ne pas en parler. C’est, d’ailleurs, le choix d’une grande partie de la presse qui préfère, ces jours-ci, se concentrer sur Mai 68, le ramadan ou la poignée de bloqueurs d’université.

    Ce n’est pas les intéressés, d’ailleurs, que ça va déranger, leur génération ne regarde plus depuis longtemps la télé. Mais, disons-le tout de suite aux médias : il ne faudra pas, ensuite, aller se plaindre, les gars, s’ébaubir, pousser des oh, des ah (comme pour LMPT), « Menfin ! d’où sortent tous ces gens-là ? » quand ce mouvement de fond silencieux, cette jeunesse florissante, discrète, mais décomplexée – c’est ce qui fait la différence avec ses aînés -, sortira du bois pour telle ou telle cause, et que l’on ne pourra plus l’ignorer.

    Car cela viendra.

    Mai 68 a 50 ans, Daniel Cohn-Bendit, 73. Eux autres, les 12.000 pèlerins lancés sur la route de Chartres en ce week-end de Pentecôte par le pèlerinage Notre-Dame de chrétienté, ont 21 ans en moyenne. 30 pour le clergé qui les encadre.

    Ils rient, ils s’amusent, ils prennent des airs tragico-comiques pour contempler leurs ampoules, leur bronzage agricole et leurs cheveux en pétard après deux nuits sous la tente, comme tous les jeunes de leur âge. Et puis ils prient, ils chantent, ils s’agenouillent, ils souffrent, ils offrent, ils méditent, ils posent leur téléphone pour descendre, durant trois jours, au fond de leur âme, comme aucun jeune de leur âge.

    Ils ont affreusement mal aux pieds et horriblement mal dormi mais – allez comprendre – en redemandent chaque année, et ramènent en sus des copains au « pélé ». La liturgie y est, depuis toujours, en forme extraordinaire mais, par une porosité croissante, l’origine des pèlerins dépasse largement le cercle des chapelles dites « tradi ».

    Sur les réseaux sociaux, même les identitaires, qui ont habituellement la dent dure avec les cathos (naïfs, cuculs, gentillets), s’étonnent, admiratifs : « 12.000 jeunes rassemblés, 0 embrouille, 0 dégradation, pas un papier par terre. Comment ce miracle est-il possible ? Qui est ce peuple éduqué et respectueux ? Quelle est cette communauté qui n’emmerde personne ? », tweete Damien Rieu.

    La messe de clôture solennelle du lundi, en la cathédrale de Chartres, est comparable, mutatis mutandis, à la Rollex de Sarkozy vue par Séguéla : qui n’a jamais assisté à l’immense procession, sous les cantiques, de ce jeune clergé précédé par un interminable cortège de bannières, d’étendards et de statues de la Vierge, a un peu raté sa vie. La bonne nouvelle est que, dans l’Église, toute erreur a sa rédemption : il pourra y aller l’an prochain.

    Cette année, elle était célébrée par le cardinal Sarah, et cette présence symbolique, infiniment touchante, sonnait comme un juste retour des choses : dans son premier livre Dieu ou rien, sans renier sa culture familiale, il disait sa grande reconnaissance pour les missionnaires français : « Mon entrée dans la famille du Christ doit tout au dévouement exceptionnel des pères spiritains. Je garderai ma vie durant une immense admiration pour ces hommes qui avaient quitté la France, leurs familles et leurs attaches afin de porter l’amour de Dieu aux confins du monde. »

    Des dizaines d’années après, c’est lui qui vient transmettre le précieux dépôt à de jeunes Français pas plus vieux que le gamin qu’il était, c’est lui qui vient rendre son héritage à un peuple qui l’a oublié. Et il le fait d’une voix forte, sans ambages, avec des accents de Jean-Paul II au Bourget : « Terre de France, réveille-toi ! », « Peuple de France, retourne à tes racines ! » Il fustige un monde occidental pris en étau entre le nihilisme et l’islamisme, l’exhorte à prendre exemple sur ses ancêtres dont la foi a bâti ces cathédrales, demande aux jeunes d’être « les saints et les martyrs » de demain. Pour la langue de buis, ne pas compter sur lui. Le cardinal guinéen a secoué les puces, pour son bien, de l’Occident chrétien. Et si c’était cela, aussi, l’universalité de l’Église ? • 

    Ecrivain, journaliste

    Son blog

  • Le président de la République au pied du mur s'obstinera-t-il ?

     

    En deux mots.jpgQue fera le président de la République lorsque ses grandes conceptions – l’européenne et la mondialiste - finiront par buter sans retour contre le mur des réalités ? S'obstinera-t-il à courir après des solutions impossibles et caduques ou sera-t-il capable de tirer les conséquences de la situation telle qu'elle est vraiment ? Sera-t-il suffisamment souple d'esprit, aura-t-il assez de lucidité et de volonté réunies, pour redéployer sa politique - celle de la France -  la redéfinir de sorte qu'elle soit applicable, selon le vieux précepte qui veut que la politique ne soit rien d'autre que l'art du possible ? C'est en soi une question intéressante pour l'observateur de l'histoire politique en train de s'écrire. Elle est cruciale pour qui n'est pas indifférent au sort de la France, de l'Europe et du monde. 

    Cet homme jeune, cultivé, volontaire et avide de réaliser se condamnera-t-il longtemps - toujours ? - à une fidélité inféconde aux idées chimériques que de fumeux aînés lui ont inculquées ? Ou opèrera-t-il ce retournement réaliste qui lui sauverait la mise et pourrait donner â la France, à l'Europe, une politique salvatrice ? Comment le savoir ?

    Il semble bien en effet que nous nous trouvons à l'un de ces tournants de l'histoire où les cartes se rebattent et où le jeu reprend sur des bases renouvelées.

    Voyons ! Du Brexit aux élections italiennes qui viennent d'aboutir à la formation d'un gouvernement antisystème à Rome, en passant par la constitution du groupe des pays de Visegrad, par l'essor de l'AfD en Allemagne, par la présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle française, et par le vote autrichien, il est clair que le rejet des institutions de Bruxelles par les différents peuples d'Europe, va croissant, comme une déferlante qui finira par les recouvrir. Fonctionnaires bruxellois, tremblez pour vos sinécures ! Il n'y a plus grand monde pour les défendre. Leur discrédit est grand, quasi général. Leur Europe se défait, malgré qu'ils en aient. Une Contre Europe s'organise hors des institutions technocratiques de Bruxelles. Une Europe réelle face à une Europe légale. 

    Quant au couple franco-allemand qui est en tout cas le seul vrai moteur de toute construction européenne, il est clair – nous l’avons dit souvent - qu'il se disjoint. Ce n'est pas qu'on le veuille consciemment des deux côtés du Rhin. C'est seulement qu'il arrive un jour où quelques données objectives essentielles se chargent de défaire ce dont on avait longtemps rêvé et fait semblant de pratiquer. Alors, après les sourires de convenance et les accolades fraternelles, les mots fusent.  De sourds reproches et des impatiences jusque-là contenues finissent par s'exprimer. Ainsi d'Emmanuel Macron qui trouve qu'Angela Merkel est toujours trop lente à décider. Alors que tout simplement elle n'a ni l'envie ni le pouvoir de le suivre vers plus de fédéralisme européen. Plus amer encore, Emmanuel Macron fait remarquer que les bénéfices des uns font les déficits des autres. Cruel reproche qui touche au cœur d'une terrible disparité entre les deux nations, celle de leur commerce extérieur. A quoi s'ajoutent l'excédent budgétaire allemand et le déficit français.

    L'Allemagne quant à elle, a deux fermes résolutions : ne rien céder de sa souveraineté et ne pas payer pour les autres davantage qu'elle ne le fait déjà. Ou moins s'il se peut. Elle n'est tout de même pas assez puissante pour être l'hégémon dont l'Europe aurait besoin pour se constituer en État mais elle restera dominante et, en tout cas, souveraine, soyons en assurés. Macron n’y changera rien.

    Le délitement structurel du couple franco-allemand obère donc l'avenir de l’U.E. au moins autant que la montée des populismes dans presque tous les pays de l'Union.

    Du reste, si le fossé se creuse entre la France et l'Allemagne, il se creuse aussi entre cette dernière et ses voisins de la Mitteleuropa :  Autriche, Hongrie, Pologne, Tchéquie, Slovaquie, etc. En gros, d'ailleurs, l'ex-empire des Habsbourg en quelque sorte reformé. L'Europe bruxelloise craque aussi à l'Est ...

    Que l'on ne se méprenne pas : ce rejet ne vaut pas hostilité à l'Europe en tant que telle. Il y a, à vrai dire, au sein des peuples européens, fort peu d’opposants à l'idée d'Europe en soi. Au contraire. Le reproche des peuples est bien plutôt dirigé contre le cosmopolitisme, l'universalisme, le multiculturalisme, le libre-échangisme sans frein ni limites de Bruxelles. En matière de politique migratoire comme en matière d'ouverture de l'Europe aux quatre vents du mondialisme économique et financier. A bien y regarder, ce qui est reproché aux instituions de Bruxelles est bien plutôt de n'être pas vraiment, pas assez, et même fort peu européennes. Les nations d'Europe veulent simplement rester elles-mêmes, conserver leur souveraineté, leur identité, et ne pas être envahies de migrants. Mais, sur ces bases, elles restent ouvertes à une Europe des nations ou, plus précisément, des États. Ce chemin respectueux et réaliste reste ouvert. Ainsi pourrait se définir une nouvelle politique européenne de la France. Il est même possible qu’elle finisse par s'imposer d'elle-même - da se - comme la solution réaliste, le recours obligé. Nonobstant Macron, le fédéraliste.

    En même temps, l'irruption de Donald Trump sur la scène internationale semble sonner aussi le glas de la mondialisation programmée et paisible dont Jacques Attali avait transmis naguère le rêve à Emmanuel Macron. Trump est en train de briser la ligne imaginaire de cet horizon qu'Attali avait dit indépassable au jeune Macron. Sens de l’Histoire oblige. Attali a toujours attendu l'avènement d'une gouvernance mondiale. Trump renoue à l'inverse avec le protectionnisme et déchire les traités signés par son prédécesseur. Ses discours martiaux, ses drôles de gesticulations et de mimiques le font parfois ressembler à une sorte de Mussolini yankee, qui eût été le chef de la première démocratie du monde ... Mais laquelle ? 

    Hubert Védrine signale au contraire, il nous semble à juste titre, que cette évolution des États-Unis d'Amérique - America first ! - ne tient pas essentiellement à la personnalité de Donald Trump lui-même mais plutôt à une sorte d'État profond américain qui aspire à restaurer sa puissance. Fût-ce au détriment de ses amis et alliés européens. Les nations, on le sait bien, n'ont pas d’amis ; elles ont des intérêts.

    Trump met ainsi l'Europe au pied du mur - sous le joug américain dans l’affaire iranienne. Il la révèle à elle-même : malgré sa cohésion de façade, l'Europe n'est pas une puissance. Parce qu’elle n’est ni un seul peuple ni un Etat.  Seulement une communauté de civilisation.  Ce n'est pas la même chose. Emmanuel Macron s’obstine à le nier. En vain. 

    Ni Maurras ni De Gaulle ne s'y sont trompés : nous ne sommes pas encore sortis de l'ère des nations. Tant s'en faut.   

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • La police de la pensée

     

    Par  Mathieu Bock-Côté 

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans  cette chronique fort intéressante du Journal de Montréal [1.05] Mathieu Bock-Côté, après avoir dit que « nous aimons croire que nous vivons en démocratie », expression singulièrement restrictive et dubitative, ajoute que nous aimons croire aussi que « jamais, dans l’histoire, les hommes n’ont été aussi libres que maintenant » ». Et il concède : « Globalement, c’est vrai. » Précaution oratoire ? On peut le penser car la suite de sa réflexion est tout entière non pas tout à fait pour démontrer le contraire, mais pour marquer toutes les redoutables limites et restrictions de tous ordres qu'il est réaliste d'opposer à cet optimisme de principe. L'article dans son énoncé et sa composition est nuances, prudence et habileté. Au bout du compte, c'est la vérité vrai, lucide et réaliste qu'il dévoile. Et nous sommes d'accord.    LFAR

      

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    Nous aimons croire que nous vivons en démocratie et que jamais, dans l’histoire, les hommes n’ont été aussi libres que maintenant. Globalement, c’est vrai. Nous jouissons de réelles libertés et pouvons élire nos dirigeants.

    Mais cela ne veut pas dire que nos gouvernants ne cherchent pas à contrôler nos pensées.

    Rumeurs ?

    On en a encore eu une preuve récemment avec la Ville de Montréal qui, comme nous le rapportait Radio-Canada la semaine passée, va implanter un programme « d’agents anti-rumeurs » qui auront pour vocation de surveiller nos conversations et de nous corriger quand nous exprimons des pensées incorrectes à propos de l’immigration. 

    Ces agents, recrutés dans tous les milieux, auront pour mission d’intervenir dans la vie quotidienne pour nous corriger idéologiquement. 

    Comment ne pas voir dans cela une odieuse propagande à tentation totalitaire ?

    Qui distinguera les vérités à propager et les rumeurs à déconstruire ou censurer ?

    Si je considère que l’immigration massive n’est pas une bonne chose pour le Québec, s’agit-il d’une fausse rumeur ?

    Si je refuse de croire l’étrange théorie soutenant que la discrimination est à l’origine du taux de chômage élevé dans certaines communautés culturelles, est-ce une fausse rumeur ?

    Si je constate que l’islam s’intègre mal partout en Occident, est-ce une fausse rumeur ?

    Si je dis que les « migrants irréguliers » qui traversent la frontière sans permission sont des immigrés illégaux, est-ce une fausse rumeur ?

    Pensée correcte

    En gros, suffira-t-il d’être défavorable à l’immigration de masse pour être corrigé par cette nouvelle police de la pensée qui se veut ludique, mais qui fait surtout penser au roman 1984 de George Orwell ?

    Car c’est de cela qu’il s’agit : de nous rééduquer à partir du logiciel multiculturaliste.

    Est-ce que nous voyons à quel point le gouvernement devient intrusif lorsqu’il se permet de surveiller les pensées de la population pour mieux la soumettre à l’idéologie officielle ?     

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Macron, notre Orphée national

     

    Par Hilaire de Crémiers

     

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    Emmanuel Macron poursuit sa quête et n’arrête pas son chant. L’univers en est témoin. 

    Emmanuel Macron, dès le début de sa présidence, s’est situé là où, dans sa pensée sûrement réfléchie, il devait se situer, c’est-à-dire au plus haut niveau international : entre Vladimir Poutine et Donald Trump, en chef naturel de l’Europe et en « penseur » du monde de demain. Le nouveau président français n’avait parlé de réformer et de redynamiser la France que pour pouvoir s’adresser avec plus de liberté et plus d’autorité au monde. Car, le monde, comme l’Europe et la France, a un grand et urgent besoin de se réformer, lui aussi, et d’abord en esprit, tant les risques encourus qui accompagnent la mondialisation heureuse, s’accumulent à l’horizon.

    Il fallait, il faut un lanceur d’alerte. Le voici : c’est lui. Il a tout vu, tout jugé, tout soupesé, des immenses possibilités de progrès pour l’humanité tout entière si les peuples qui la constituent, font les bons choix, comme des dangers non moins immenses qui la menacent dans le cas inverse.

    La France idéale de Macron

    La France s’est administré la leçon à elle-même et par sa voix à lui, légitimée, sacralisée dans la verticalité par son élection à lui, bien à lui, et qui a tranché heureusement un débat crucial où la France – il est catégorique sur ce point, il l’a dit et redit – s’est retrouvée elle-même dans un choix fondamental entre ce qu’il appelle lui-même le recroquevillement nationaliste, le pire de tous les maux, et l’ouverture audacieuse où brille le champ du possible pour parler comme le lyrique grec.

    La France peut donc à son tour administrer sa leçon au monde et, toujours et encore, par sa voix à lui ; car sa voix à lui est dorénavant la voix de la France. C’est le moment, le fameux « kairos » grec où tout se joue du passé, du présent et de l’avenir, où le sens des destins se dessine à coup sûr. Il n’est pas permis de manquer une telle « occasion ».

    Et donc voici que, par, avec et en Macron, la France est de retour – c’est ce qu’il pense et affirme – : à la fois monarchique et révolutionnaire, impériale et républicaine, humaniste et résolument moderne. Elle peut et doit se faire entendre : enfin intelligente, audible, cohérente en ses multiples facettes et ses composantes aussi indéfiniment variées qu’indéfiniment accueillantes, elle s’inscrit avec la dignité qui s’impose et dont il s’est totalement investi, dans la grande tradition qui la caractérise, une et multiple, qui est, comme il l’a expliqué, beaucoup plus qu’une culture particulière et qui la place à cette hauteur de certitude et de compréhension où s’épanouit son magistère aussi ferme que bienveillant que personne au monde ne peut lui contester. Là, amour et justice, comme dans l’antique psaume, s’embrassent ; philosophie et politique se retrouvent et s’épaulent ; technologie de la modernité et littérature du cœur et de l’esprit frayent le même chemin de l’antique tragédie humaine enfin comprise et sentie ; poésie et histoire recommencent à célébrer leurs noces éternelles. Qui pourrait ne pas être sensible à une telle voix ? La nature elle-même y répond, car elle s’adresse aussi et d’abord à elle. Les animaux s’enchantent à ce sort meilleur qu’elle promet ; alors, comment l’homme se montrerait-il plus sauvage ? Les arbres et toute la végétation du monde s’apprêtent à l’écouter religieusement comme dans le tableau de Poussin ; le ciel, la terre, le climat, oui, le climat si perturbé par l’homme, vont lui obéir : c’est qu’une telle voix sait leur parler. Le nouvel Orphée conquiert le monde par le charme irrésistible de sa pensée et de son discours. Ah ! que seulement sa douce et belle chimère, son Eurydice, cette « justice » aussi vaste que lointaine qui devrait être la raison même du monde, cette Eurydice qu’il chérit, ne s’éloigne point de la voix et de la lyre de son Orphée de peur qu’en s’égarant, poursuivie par quelque méchant Aristée, jaloux et impie, elle ne se fasse piquer au talon par le serpent captieux.

    Un langage mythologique

    Mythe, direz-vous, Ami lecteur ? Non point, c’est le réel de notre président qui refaçonne le monde à son idée. Il en est le centre ; il le dit en toute simplicité. Il n’est que de prendre connaissance de l’entretien qu’il a donné récemment à La Nouvelle Revue française.

    « Les Français sont malheureux, dit-il, quand la politique se réduit au technique, voire devient politicarde. Ils aiment qu’il y ait une histoire. J’en suis la preuve vivante. Je suis très lucide sur le fait que ce sont les Français et eux seuls qui m’ont fait et non un parti politique. »

    Et encore :

    « Je suis une aberration dans le système politique traditionnel… En réalité, je ne suis que l’émanation du goût du peuple français pour le romanesque. Cela ne se résume pas en formules, mais c’est bien cela le cœur de l’aventure politique. En somme, on est toujours l’instrument de quelque chose qui vous dépasse …»

    À propos de l’Europe qui incontestablement, après tant d’espoirs grandiosement exprimés, lui inflige depuis six mois une série de déceptions, il se revanche en lui annonçant des temps tragiques que lui, plus qu’aucun autre, saurait et sait assumer :

    « Ce vieux continent de petits-bourgeois – ce n’était pas ce qu’il disait sur la Pnyx à Athènes ni à la Sorbonne ! – se sentant à l’abri dans le confort matériel, entre dans une nouvelle aventure où le tragique s’invite. Notre paysage familier est en train de changer profondément sous l’effet de phénomènes multiples, implacables, radicaux. Il y a beaucoup à réinventer… Paradoxalement ce qui me rend optimiste, c’est que l’histoire en Europe redevient tragique

    Et de conclure :

    « Dans cette aventure, nous pouvons renouer avec un souffle plus profond dont la littérature ne saurait être absente. »

    Ah bon ! Colette et Giono, Gide et Camus, Proust et Céline sont les auteurs qu’il cite comme l’ayant structuré. Qu’est-ce à dire, au juste ? On ne sache pas que Gide soit structurant ! Et ce n’était certes pas les intentions d’un Proust ni d’un Céline.

    Et voilà qui rend compte et de l’homme et de ses décisions et de ses prétentions. Rappelons-nous : Poutine reçu à Versailles ; Trump invité le 14 juillet ; sa longue mélopée prophétique sur la Pnyx où l’histoire se récapitule ; son cours magistériel et initiatique à la Sorbonne ; sa leçon sympathique, d’allure aussi réaliste qu’impertinente, faite en Afrique et à l’Afrique ; ses mises en garde adressées à l’Europe ; son intervention en Syrie, à ce qu’il dit, à la fois médicinale, philosophique, exemplaire ; sa récente visite d’État à Washington, ses entretiens tout en souplesse, en compréhension, en incitation, en subtil aménagement des compromis internationaux avec un Trump aussi brutal qu’amical, les embrassades réciproques à tous moments qui n’empêchèrent point son discours solennel, de conviction historique, prononcé en anglais au Congrès et salué par des applaudissements unanimes, où il n’omit aucun des articles de son credo, y compris sur le climat ; son voyage en Australie où il redit sa vision du monde ; son court passage en Nouvelle-Calédonie où il se garde de prendre parti sur la question pendante pour laisser s’exprimer la seule liberté ; son prochain voyage à Moscou en ce mois de mai où il se propose de dire tout ce qu’il doit dire… Si cette voix était entendue, il n’est pas de problème qui ne trouverait sa solution, n’est-ce pas ?

    Il y a du Hugo chez Macron – plus que du Camus ou du Proust ! –, cet art de faire des synthèses qui se veulent poétiques, en cascades successives, où la France, c’est l’Europe, l’Europe, c’est le monde, le monde, c’est l’univers, l’univers, c’est Dieu, et Dieu, c’est tout, le grand Tout que l’Esprit domine. Quel Esprit ?

    Une conception surannée

    05fe6f673edb12c50532f31ec1805c65.jpgNotre Orphée réussira-t-il à conquérir et reconquérir son Eurydice ? De sourds grondements se font entendre. Que se passera-t-il le 12 mai quand Trump prendra sa décision au sujet de l’Iran ? Le conflit israélo-palestinien prend des proportions dont nul ne peut prédire les conséquences ; le Moyen-Orient explose littéralement et de tous les côtés. L’Europe n’est plus qu’une superstructure sans cohésion interne. Tout ce qui était annoncé dans ces colonnes, il y a six mois, se réalise ; ce n’est plus nous qui écrivons que le rêve européen de Macron s’évanouit : tous les commentateurs s’y mettent ! La Russie sera de plus en plus russe et la Chine – de nouveau impériale – de plus en plus chinoise. La Corée du Nord et la Corée du Sud se rapprochent… Les tensions commerciales et monétaires qui ne font que commencer, exaspèrent les enjeux nationaux. Rien ne se passe comme prévu selon le plan idéal du songe macronien ; l’initiation orphique risque de se perdre dans le sombre néant des jours.

    Et, cependant, Orphée chante… Il continue de chanter. Et Eurydice va disparaître. Qui ne sait d’avance qu’il échouera ?… Trop amoureux d’elle ! Sa tête arrachée quelque jour par les Ménades vengeresses et roulant dans les flots impétueux de l’histoire, de sa langue glacée réclamera aux échos indéfiniment son Eurydice.

    Eurydicem vox ipsa et frigida lingua

    Ah ! miseram Eurydicen, anima fugiente, vocabat ;

    Eurydicen toto referebant flumine ripae.     

    Hilaire de Crémiers

  • Après l'attentat de Paris, la déclaration d'Emmanuel Macron ce sont paroles que vent emporte

     

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    En déclarant que « la France ne cédera pas un pouce aux ennemis de la Liberté », Emmanuel Macron ne dit, ne désigne, ne montre du doigt, à peu près rien.  

    Ce langage vaguement et faussement idéaliste, est tout simplement erroné, impropre, singulièrement faible et en tout cas très inférieur à la radicalité de la guerre qui nous est menée. 

    L'ennemi qui nous agresse le fait au nom de l'Islam. Il ne s’attaque pas à la Liberté, avec majuscule, abstraite et idéale dont il se moque comme d'une guigne, au besoin en exerçant la sienne qui est de tuer et de mourir, mais à notre société, à notre Civilisation, ou du moins à ce qu'il en reste, qui est fondé sur tout autre chose que le droit-de-l'hommisme hors sol du président Macron.  

    Ce que nous avons à défendre contre l'agression de l'Islam guerrier, c'est en vérité ce qui demeure encore debout ou pourrait renaître de ses cendres de notre héritage, de nos racines, de nos origines, de notre être profond débarrassé des miasmes de la modernité.  C'est aux ennemis de ces biens précieux que nous ne devons pas céder un pouce. Et ce n'est pas du tout ce que nous faisons. 

    Dans l'ordre pratique, c'est en effet bien plus qu'un pouce que nous avons déjà cédé et continuons bel et bien de céder à nos ennemis, en dépit des belles paroles lancées depuis les palais de la République.  

    Que l'on regarde tout bêtement le cursus du tueur tchétchène soi-disant français qui a frappé samedi soir à Paris, près de l'Opéra, et que l'on nous dise si nous n'avons pas déjà cédé bien plus qu'un pouce aux ennemis de la France. Et que l'on nous dise aussi si l'on va continuer à leur en céder encore beaucoup de la sorte ou si l'on va se décider enfin à prendre envers eux les mesures d'exception qui s'imposent. 

    En attendant qu'elles soient prises, les déclarations martiales d''Emmanuel Macron, pour reprendre un poète de nos commencements, ce sont paroles que vent emporte.   

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Mémoire & Actualité • Mai 68 : 50 ans plus tard

     

    Par  Mathieu Bock-Côté 

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans  cette chronique du Journal de Montréal [8.05] Mathieu Bock-Côté dit en seulement quelques mots, quelques lignes, ce qu'est le véritable héritage de Mai 68. Au moment où les médias - dont nous-mêmes - sont emplis de l'évocation de cet épisode d'exaltation que Malraux qualifia jadis de psychodrame et qui le fut, sans-doute vraiment pour ceux qui l'ont vécu, il est salutaire de dire, à contre-courant, ce qu'il en est fondamentalement ressorti : « depuis une cinquantaine d’années, nous avons appris à nous détester comme civilisation ». Détestation radicalement mortifère, pathologie dont on ne sort comme le professait Pierre Boutang que par une métanoia, un retour sur nous-mêmes, nos racines, nos origines, nos enfances, au double sens historique et anthropologique.   LFAR

      

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    Ces jours-ci, en France, on cherche à commémorer les 50 ans de Mai 68.

    On se souvient évidemment des émeutes, des conflits avec la police et des slogans révolutionnaires dont les étudiants tapissèrent alors les rues de Paris.

    Individualisme

    Mais l’essentiel, à l’époque, se trouvait ailleurs que dans ce carnaval révolutionnaire que cherchent à répéter sur une base régulière les nouvelles générations militantes. 

    Mai 68, en France comme ailleurs en Occident, marque plutôt un changement de civilisation et le passage d’un monde à un autre. Notre civilisation bascule.

    Mai 68 annonce l’avènement d’une société où triomphera un individualisme de plus en plus absolu. Certains s’en réjouissent en applaudissant la liberté nouvelle de ceux qui ne se retrouvent pas dans les valeurs dominantes. On peut comprendre. 

    Dans les faits, on doit surtout constater que cet individu ne connaissant plus que ses droits et ne voulant plus entendre parler de ses devoirs a quelque chose de troublant. L’héritage de Mai 68, c’est celui d’une société qui sacralise les désirs de chacun comme s’ils étaient des commandements divins. L’enfant-roi en est le symbole indiscutable.

    Surtout, Mai 68, à la grandeur du monde occidental, ouvre une époque vouée à la déconstruction de toutes les grandes institutions, notamment l’école. On voudra faire disparaître la relation d’autorité entre le maître et l’élève. On renoncera aussi à transmettre à ce dernier un vrai savoir, de peur de brimer son développement personnel.

    Occident

    Mais ce refus de transmettre l’héritage culturel ne s’explique pas seulement par de nouvelles techniques pédagogiques débiles.

    Fondamentalement, depuis une cinquantaine d’années, nous avons appris à nous détester comme civilisation. Nous nous accusons de racisme, de sexisme, d’homophobie, d’islamophobie, et ainsi de suite. Pourquoi poursuivre une civilisation si détestable ?

    Et nous diabolisons systématiquement ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’accusation.

    Tel est le véritable héritage de Mai 68.     

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).