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Actualité Europe - Page 46

  • Espagne : Le roi Felipe VI s'est exprimé dans un discours d'une fermeté sans précédent

     Palais Royal de Madrid

     

    Le roi d'Espagne a rompu le silence hier, en fin de journée. 

    Les Echos titraient hier soir, à 22 h 15 : « Le roi d'Espagne attaque durement les dirigeants catalans » C'est en effet ce qui ressort de ce discours.

    Nous avons choisi de reprendre ci-dessous quelques extraits du commentaire du Huffington Post.

    Mais l'écoute du discours du roi s'impose. Malgré une très médiocre traduction, il est sous-titré, en français.  LFAR

     

     

    Le commentaire du Huffington Post - 3.10.2017 - 21 h 26 

    Une prise de parole exceptionnelle pour le garant de l'unité de l'Espagne. Dans un discours d'une rare fermeté, le roi Felipe VI a accusé mardi 3 octobre les dirigeants indépendantistes de la Catalogne de menacer la stabilité de l'Espagne, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-desus. 

    L'épreuve de force entre le gouvernement central et les dirigeants catalans, qui menacent de déclarer l'indépendance, a plongé l'Espagne dans sa crise la plus grave depuis (...) 1977. Dans une charge aussi rare que cinglante, Felipe VI a accusé les dirigeants catalans de s'être placés « en marge du droit et de la démocratie » en organisant le référendum de dimanche. 

    « Avec leur conduite irresponsable, ils peuvent même mettre en danger la stabilité de la Catalogne et de toute l'Espagne », a dit le souverain qui ne s'était pas exprimé sur la crise depuis dimanche. L'Etat doit assurer « l'ordre constitutionnel en Catalogne », a-t-il ajouté dans une allocution télévisée. 

    Face à cela, « c'est la responsabilité des pouvoirs légitimes de l'Etat d'assurer l'ordre constitutionnel et le fonctionnement normal des institutions, le respect de l'Etat de droit et l'autonomie de la Catalogne », a déclaré Felipe VI, sur le trône depuis 2014.

    Aux termes de l'article 155 de la Constitution, jamais encore invoqué, le gouvernement peut obliger une région à respecter ses obligations constitutionnelles si elle les viole ou si elle « porte gravement atteinte à la l'intérêt général de l'Etat ».

  • Notre vieil « ennemi héréditaire », l'Angleterre ...

     

    En deux mots.jpgSi l'on doutait que les journalistes - notamment de radio et de télévision - fussent attelés sans relâche et sans vergogne à une fonction de pure et classique propagande, l'affaire du Brexit, la façon très monolithique, très « formatée » dont elle n'a cessé d'être présentée, en donne une illustration tout à fait claire. Le bourrage de crâne parle chez nous un langage moins brutal, plus doucereux, que celui des régimes totalitaires d'autrefois ou même d'aujourd'hui, mais le résultat est le même. Sans qu'on soit sûr qu'il ne soit pis.

    Les médias n'ont pas désarmé avec le temps. France Inter annonçait encore samedi matin, sous une forme à peine hypothétique, la fonte à venir des effectifs de la City. Ces derniers n'ayant plus d'autre choix que de gagner Frankfort ou ... Paris.

    À ce que l'on dit dans les cercles éclairés, Paris, en effet, ambitionnerait même de ravir à la City sa place de premier rang. On ne demanderait pas mieux dans ces colonnes, si c'était sérieux. Il est permis, peut-être même normal, d'essayer. On ferait bien, toutefois, à notre avis, de ne pas trop y compter. La place et le potentiel de la City dans les opérations financières du monde lui est acquise depuis si longtemps, les liens qu'elle a tissés partout sont si étroits, les habitudes si ancrées, que le plus probable est qu'elle la conservera.

    On se plaît encore à Paris, Bruxelles, et ailleurs, à supputer que le Brexit pourrait bien ne pas aller à son terme, que les Anglais pourraient, en langage gaullien, « caler» , faire machine arrière ; que les négociations de sortie de l'U.E. pourraient ne pas aboutir avant longtemps ; que l'économie anglaise en supporterait de si funestes conséquences qu'elle s'en repentirait assez vite... Bref, toutes espèces de circonstances de nature catastrophique devant amener, en matière européenne, l'opinion britannique à s'inverser.

    Cela nous paraît méconnaître la situation, notamment économique, de l'Angleterre post-Brexit, en réalité nettement plus florissante que la nôtre en ce moment, tout autant que la psychologie du peuple anglais et de ses gouvernants.

    L'Histoire nous enseigne plutôt que les Anglais - peuple et Institutions - après avoir longtemps débattu, s'être affrontés âprement sur la ligne à suivre, une fois la décision prise, s'y tiennent jusqu'à avoir atteint leurs objectifs. De l'entêtement des Britanniques, l'Histoire nous donne maints exemples : la période napoléonienne qui ne s'achève qu'à Waterloo, comme la Seconde Guerre mondiale que l'Angleterre a menée seule, face aux puissances de l'Axe, après le défaut de la France en juin 40, et jusqu'à ce que Russes et Américains entrent dans le conflit. De Gaulle dira qu'elle fut l'âme de cette guerre, finalement gagnée, et c'est sans doute vrai.

    51dW11FzjZL._SX195_.jpgL'actuel ministre des Affaires Etrangères de Grande Bretagne, Boris Johnson, l'ancien maire de Londres, a écrit sur Winston Churchill un gros livre foisonnant, écrit à la va comme je te pousse, construit le plus anarchiquement du monde, mais bourré de faits, d'anecdotes, de mots d'esprit et surtout rempli d'admiration pour le courage, l'héroïsme même, le patriotisme et le profond loyalisme monarchique de son grand homme, dont il est patent qu'il est son modèle et son exemple. Son livre enseigne ces vertus.

    Typique du fonctionnement des institutions britanniques, auxquelles les Français entendent généralement fort peu de chose, une sorte de maturation en cours chez les tories et, probablement, chez l'intéressé lui-même, semble en ce moment devoir pousser Boris Johnson vers le 10 Downing street, où il pourrait bien un jour assez proche succéder â la pâle mais décidée Thérèsa May. Sans-doute est-elle aussi parfaite patriote anglaise que lui, mais sans son panache.

    Ainsi, les fonctionnaires de Bruxelles devraient avoir affaire dans les mois qui viennent â de redoutables et efficaces négociateurs, tandis que les acteurs réels de toutes les formes d'activité européenne, économique et autres, seront - sont déjà - pressés de mettre en place les accords - désormais bilatéraux - qui permettront de la poursuivre. Avec ou sans Brexit, l'Angleterre ne cesse pas d'exister, les réalités de transcender les bouts de papier et les idéologies.

    La France ne devra pas être en reste, n'aura pas avantage à s'enfermer dans son tête à tête de plus en plus inégal avec l'Allemagne. L'égoïsme anglais, quoique sous d'autres formes, n'est pas moindre que celui de notre grand voisin d'Outre-Rhin. Face à cet égoïsme, celui de notre vrai et vieil « ennemi héréditaire », nous aurons souvent à dresser le nôtre, à défendre nos intérêts bec et ongles. Mais, en la circonstance, nous devrions avoir, avec l'Angleterre - et en tirer quelque parti - ce point de convergence fondamental : son obstination à conserver sa souveraineté.  •

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Catalogne : Mariano Rajoy deviendra-t-il Mariano Kerenski ?

     

    Par Javier Portella

    Nous avons dit presque par accro, aussitôt après l'attentat islamique de Barcelone [Cf. Lien ci-dessous] ce que nous pensons fondamentalement de la question catalane. Sur la situation née du référendum de dimanche dernier, qui, bien-sûr intéresse la France et l'Europe, Javier Portella donne ici une analyse où rien ne manque : connaissance de la situation, clarté et hauteur de vue [Boulevard Voltaire, 2.10]. Nous ne pensons pas autrement que lui, même si, d'un point de vue français, nous ne nous serions sans-doute pas exprimés avec la même radicalité. En tout cas, le point est fait, les justes appréciations sont portées.   LFAR

     

    77dae4cee53d71a6de676a118bdb1379.jpeg.jpgIl y a quelque chose de fascinant, je vous assure, à suivre sur le terrain, à chaud – je me trouve ces jours-ci à Barcelone -, les prolégomènes d’une révolution. Certes, c’est on ne peut plus déchirant et angoissant de voir comment ton pays est en train d’être dépecé avant de tomber dans l’abîme. Mais ce qui devient fascinant, c’est de voir, de constater, jour après jour, le degré absolu de bêtise et de traîtrise de la part des Kerenski sans la collaboration desquels il ne pourrait jamais y avoir aucune révolution.

    En l’occurrence, leur claudication remonte à très loin : à quarante ans, lorsque le nouveau régime dit démocratique, craintif et espérant amadouer le fauve, a entrepris la cession la plus complète des ressorts du pouvoir : depuis la police jusqu’à l’enseignement et l’endoctrinement médiatique. Sans oublier l’argent : c’est à 55 milliards d’euros que s’élève, à l’heure actuelle, la dette de la Generalitat envers l’État espagnol. Si celui-ci fermait le robinet, pas un seul policier, pas un seul fonctionnaire, pas un seul des dirigeants de la sédition n’aurait touché, ce 30 septembre, son salaire. En espagnol, on appelle ça « ser, tras cornudo, apaleado ». En français, être cocu et content.

    Les résultats obtenus par tous les collabos objectifs de la sécession – depuis Juan Carlos 1er et son fiston jusqu’à l’ensemble des dirigeants de droite, de gauche et du centre – sont maintenant là : une région, la Catalogne, irréconciliablement, mortellement scindée en deux ; et une nation, l’Espagne, vieille de plusieurs siècles, qui risque d’être démembrée. C’est ainsi qu’elle deviendrait le premier État-nation européen à périr. 

    « Mort à l’État-nation ! », « Vive l’Europe des mille petites régions ! », vont s’écrier certains, tandis que d’autres – les mondialistes qui souhaitent et le Grand Remplacement et le Grand Éparpillement conduisant à la mort des peuples et des nations – vont se frotter les mains. Il faut, certes, œuvrer pour la grande Europe, pour l’Europe vécue en tant que patrie charnelle, puissante, grande, belle. Mais cette Europe, qui passe certainement par la reconnaissance des particularités et les droits de ses régions, ne passe nullement par la dissolution de ces grandes unités de langue, de culture et d’histoire que sont les peuples devenus nations depuis des siècles. 

    Que va-t-il se passer maintenant en Catalogne ? La révolution gronde, c’est évident. Mais non seulement la révolution sécessionniste. L’autre aussi : celle commandée par les gauchistes et les communistes de CUP, Podemos et Esquerra Republicana, qui voient dans l’indépendance le premier pas vers la dissolution du pays et la révolution totalitaire de leurs rêves. Plus les eaux seront troubles, plus et mieux pourront-ils y pêcher. Or, il s’agit d’une révolution d’un type nouveau. Non pas la révolution des prolétaires (ou prétendus tels), mais celle des bobos. La première révolution du XXIe siècle, la révolution 2.0, celle du « dernier homme », que dirait Nietzsche, la révolution de l’Homo festivus, que dirait Philippe Muray.

    La grande question est, dès lors : les enfants de l’angélisme, les bobos à l’esprit Bisounours qui ont, dans un air de fête, occupé tout le week-end les écoles pour rendre possible la tenue, dimanche, d’un simulacre de référendum, les révolutionnaires de ce prétendu « populisme de gauche » qui recueille le plus grand nombre de voix dans les seuls quartiers huppés, en un mot tous ces gens si gentils et charmants, vont-ils être capables de dresser des barricades et d’y laisser vaillamment, s’il le faut, leur peau ?

    On peut en douter. Tout comme on peut douter que, lorsque lundi ou mardi la République indépendante de Catalogne sera proclamée, Mariano Rajoy ose prendre les mesures que la loi commande et le moindre bon sens exige : état d’urgence, suspension de l’autonomie de la Catalogne et arrestation du président Carles Puigdemont et des principaux dirigeants du coup d’État.  

    Écrivain et journaliste espagnol

     

    A lire dans Lafautearousseau ...

    En deux mots : Barcelone : « No tinc por »

  • Macron dit à Rajoy son « attachement à l'unité constitutionnelle de l'Espagne ». Il a bien fait !

     

  • Europe & dénatalité • Couples « politiques » et couples princiers ...

    Les conjoints des chefs d'Etat au sommet de l'OTAN, le 25 mai 2017  

    Publié le 11.7.2017 - Actualisé le 30.9.2017 

    Par Péroncel-Hugoz

    Informé par des statisticiens chrétiens des Etats-Unis, notre chroniqueur s’est penché sur le phénomène de « dénatalité » constaté récemment parmi le haut personnel politique en Europe occidentale. A lire ou relire au moment où une majorité de « politiques » sans postérité planchent sur l'avenir de l'Europe ...

     

    peroncel-hugoz 2.jpgL’élection cette année à la présidence française d’Emmanuel Macron (39 ans, né en 1977), le plus jeune chef d’Etat français depuis Napoléon Bonaparte (Premier consul à 30 ans, en 1799) a suscité l’attention de chercheurs catholiques nord-américains, dont le journaliste Phil Lawler, connus pour investiguer dans les affaires intimes de leurs contemporains. Ils en ont déduit, par exemple, que si le président Macron reste marié à son épouse actuelle, Brigitte Trogneux (née en 1953, 64 ans, mère de trois enfants par son mariage précédent avec un certain M. Auzière qu’on donne pour « financier »), il n'aura pas de postérité. 

    Sur cette lancée, la curiosité démographique de nos chrétiens anglo-saxons les a conduits à dresser la liste des grands dirigeants d’Europe occidentale, mariés ou « en couple » - mais sans le moindre enfant. Cette liste est longue ; en voici « les stars » : la chancelière allemande, la Première ministre britannique ainsi que les chefs de gouvernement hollandais, suédois, écossais, italien, etc. Le Grand-Duché de  Luxembourg bat, si l’on ose dire, tous les records avec le tout-puissant président en exercice de la Commission européenne, marié sans postérité, et son compatriote le Premier ministre du minuscule Etat luxembourgeois, époux…d’un autre homme. Cette union officielle entre personnes de même sexe est légale depuis 2015 dans cette monarchie catholique créée en 1867 sur une base historique plus ancienne. 

    Lors du sommet du Pacte atlantique, ce printemps, à Bruxelles, les téléspectateurs du monde entier ont pu voir, avec stupéfaction pour pas mal d’entre eux, la photo des « premières dames » dont les époux participaient à ce sommet. A côté de la reine des Belges et de la « compagne » du Premier ministre belge, on notait la présence de Mme Trump en grand décolleté, de Mme Macron en robe courte, de Mme Erdogan, empaquetée en bleu, et enfin celle du « mari » du chef du gouvernement luxembourgeois… 

    Ce que ces chrétiens américains, férus de statistiques matrimoniales européennes, n’ont pas relevé, c’est le contraste abyssal entre la dénatalité en Europe occidentale, symbolisée par cette photo qu’on n’ose plus guère appeler de « famille » et le grand nombre d’enfants animant la plupart des cours européennes (Danemark, Norvège, Suède, Angleterre, Hollande, Belgique, Luxembourg, Liechtenstein, Monaco, Espagne) mais aussi la plupart des familles royales seulement prétendantes (Portugal, Italie, Grèce, Bulgarie, Allemagne, France, etc.). 

    Un constat s’impose : les couples politiques ne voient guère plus loin que leur propre vie ou carrière tandis que les couples princiers, ayant l’habitude héréditaire de la continuité nationale, essaient, eux, de se projeter dans l’avenir.

    Rendez-vous dans 50 ou 100 ans !  


    Lire : Philippe d’Edimbourg - Une vie au service de Sa Majesté, par Philippe Delorme, Tallandier, Paris, 2017. 300 p. avec cahier de 24 photos

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le360 du 7.07.2017

  • Référundum catalan : « L'indépendance n'est qu'un slogan »

     

    Par   

    Cet entretien de Paul Gérard avec Benoît Pellistrandi [Figarovox, 25.09] donne un éclairage à la fois informé, argumenté et juste sur la situation grave de la Catalogne et de l'Espagne, à la veille du référendum catalan de dimanche prochain, 1er octobre. Les événements qui s'y passent, dans la polémique, l'agitation, la tension et même l'affrontement, concernent la France. L'Espagne est un pays voisin, latin, comme nous atlantique et méditerranéen, avec lequel nos liens sont multiséculaires et où règne un Bourbon. En aucun cas sa dislocation ne ferait notre affaire. On pourra se reporter à nos propres réflexions sur le sujet,  brièvement données dans notre article Barcelone : « No tinc por », paru à la suite de l'attentat du mois dernier dans la capitale catalane [Lien ci-dessous].   LFAR

     

    maxresdefault.jpgLe Parlement catalan avait adopté le 9 novembre 2015 une résolution visant à créer une république indépendante de Catalogne si le « oui » l'emporte au référendum du 1er octobre. Pourquoi la Catalogne, dont l'autonomie accordée par la constitution de 1978 et augmentée par la loi de 2006, tient-elle à son indépendance ? 

    L'indépendantisme a longtemps été une option politique minoritaire et marginale en Catalogne. Si aujourd'hui les thèses indépendantistes ont gagné du terrain c'est que trois phénomènes majeurs se sont produits ces dix dernières années.

    D'abord, il y a eu la crise économique. Rappelons-nous : entre 2008 et 2012, l'Espagne plonge et se trouve au bord d'une situation comparable à la Grèce. Dans ces conditions, un discours dénonçant le « racket fiscal » auquel l'Espagne soumettrait la Catalogne devient largement audible. Et les responsables catalans de masquer derrière cet argument leurs propres choix budgétaires entre 2010 et 2013. L'indépendantisme se nourrit d'un populisme antiespagnol encouragé par le gouvernement de Catalogne.

    Deuxième élément clef : la crise économique provoque l'affaiblissement dramatique du PSOE (Parti Socialiste). La Catalogne était un traditionnel fief électoral du PSOE: en 2008, aux élections générales, les socialistes obtiennent 25 députés sur les 47 que la Catalogne envoie à Madrid. En 2011, 14 ; en 2015, 8 ; en 2016, 7.

    La Gauche Républicaine Catalane (ERC) a vu l'occasion historique de liquider ce parti national en Catalogne. L'irruption de Podemos a achevé le processus. Si bien qu'a disparu un parti national essentiel à l'articulation des liens entre la Catalogne et le reste de l'Espagne. Le Parti Populaire a toujours été faible en Catalogne et la représentation politique semble être majoritairement nationaliste et indépendantiste.

    Troisième élément : les effets d'une politique culturelle, éducative et audiovisuelle (TV3 est une télévision publique catalane) qui ont véritablement « catalanisé » une génération. Les militants les plus radicaux sont des jeunes de moins de 40 ans… Comme l'estime l'ancien président du parlement européen, le catalan socialiste Josep Borell, « la radicalisation d'une partie de la société catalane n'est pas étrangère à une propagande systématique ». L'indépendantisme est moins une revendication venue de la société catalane qu'une instruction diffusée par les institutions catalanes.

    Le problème de l'indépendance, c'est que ce n'est qu'un slogan. Aucune discussion précise n'a eu lieu pour essayer de penser et de décrire ce que serait une Catalogne coupée de l'Espagne et hors de l'Union européenne. L'indépendance est une revendication passionnelle mais pas un projet argumenté.

    En 2012 le ministre de l'éducation nationale de l'époque José Ignacio Wert avait appelé à « espagnoliser » les jeunes catalans. Y a-t-il donc un tel hiatus culturel entre la Catalogne et l'Espagne ?

    Oui. Aujourd'hui, selon les sondages, 40% des Catalans se sentent aussi Espagnols que Catalans et seulement 25% ne se sentent que Catalans. Ce sont ces 25% qu'on entend principalement. La Catalogne comme région autonome à la compétence des questions éducatives. Elle a aussi des compétences culturelles et linguistiques.

    Tout récemment, le maire de Sabadell a proposé de modifier le nom des rues pour effacer les traces du franquisme. Parmi les noms qu'il fallait oublier, celui d'Antonio Machado (1875-1939), le grand poète libéral et laïque de l'Espagne populaire, mort à Collioure de tristesse à la suite de la victoire de Franco. Son crime : avoir écrit le recueil Champs de Castille, un hymne à l'endurance des populations rurales, humbles et pauvres !

    Une telle ignorance dit à quel point certains Catalans se sont enfermés sur eux-mêmes et vivent dans une représentation biaisée du reste du monde… et d'eux-mêmes ! L'ambition du ministre José Ignacio Wert était de remettre, par l'enseignement, un peu de liens communs entre tous les Espagnols. Il y a eu une « balkanisation » de l'éducation en Espagne qui est très regrettable. On apprend la géographie de sa communauté autonome (pas seulement en Catalogne) et on ignore celle de l'Espagne !

    Alors même que la consultation du 1er octobre a été déclarée inconstitutionnelle par le Tribunal constitutionnel espagnol, les indépendantistes poursuivent leur agenda. En cas de « oui » au scrutin, Madrid peut-elle empêcher la sécession de la Catalogne ?

    Bien entendu. Une déclaration unilatérale d'indépendance aurait un caractère absolument ridicule. Seul le Venezuela s'est déclaré prêt à reconnaître le nouvel État… L'Union Européenne insiste sur le caractère anticonstitutionnel de la démarche de Barcelone. Ce que l'on sait c'est que le gouvernement catalan a préparé une agence fiscale catalane. Il s'est aussi emparé des données de la Sécurité sociale.

    Mais de quels moyens disposerait le nouvel État fantôme ? Ce serait casser encore plus une société catalane qui est déjà fracturée.

    Ce qui est certain c'est que le gouvernement espagnol - je préfère cette expression à Madrid car en opposant Madrid et Barcelone, on oublie l'existence de 47 millions d'Espagnols - n'opposera jamais la violence à l'action des responsables catalans mais toujours les instruments de l'État de droit. Nous sommes en 2017… pas en 1936, malgré les discours délirants et irresponsables de certains.

    Quelle est l'histoire de l'indépendantisme catalan ? Pourquoi a-t-il une telle vigueur aujourd'hui ?

    Il faut distinguer l'indépendantisme et le nationalisme, ou plutôt les nationalismes.

    Ceux-ci précédent l'indépendantisme. Le nationalisme naît à la fin du XIXe siècle à la faveur d'abord d'une renaissance culturelle du catalan. La langue n'était plus qu'utilisée oralement et elle a bénéficié d'une remise en valeur écrite. Sont d'ailleurs à l'origine de ce mouvement des érudits catholiques, souvent très conservateurs ! Puis la bourgeoisie catalane a voulu faire valoir ses intérêts face à Madrid: elle est en effet protectionniste alors que les céréaliers castillans sont favorables au libre-échange. Mais d'un autre côté, le développement d'un prolétariat en Catalogne a donné des forces à la gauche et un nationalisme révolutionnaire s'est développé. Dans les années 1930, ces deux nationalismes sont concurrents… et la banque catalane financera le coup d'État des militaires de juillet 1936 pour écraser la gauche prolétaire !

    En 1977, l'ancien président en exil de la Généralité de Catalogne, Josep Tarradellas, est rétabli dans ses fonctions. C'est un accord avec le président Suárez (chef du gouvernement espagnol de 1976 à 1981). Il s'agit en effet de consolider le centre-droit et la démocratie-chrétienne contre la gauche catalane. L'opération fonctionne et Jordi Pujol (Convergence et Union) dirigera la région de 1980 à 2003 !

    Aujourd'hui, la coalition au pouvoir noue ensemble des nationalismes idéologiquement très distincts : vous avez les héritiers de Jordi Pujol mais aussi les républicains de gauche et surtout les bolcheviques de la Candidature d'Unité Populaire. Ces derniers (10 sièges au parlement de Catalogne sur 135) sont la clef qui donne la majorité absolue et tout se fait par eux, avec eux, grâce à eux et à cause d'eux.

    Or, la CUP veut voir dans l'indépendance l'occasion de la révolution sociale. D'ailleurs, ces jours-ci, les structures catalanes de Podemos rallient la revendication du référendum car les militants et leurs leaders, Pablo Iglesias et Ada Colau (maire de Barcelone) y voient l'occasion de lancer un grand mouvement contre le Parti Populaire au pouvoir à Madrid.

    On est dans une convergence d'aspirations contradictoires. Cela s'est déjà vu… en 1937 : et ce fut une guerre civile dans la guerre civile espagnole. C'est dire comme la situation de confusion est grave et combien faire de l'indépendantisme l'alpha et l'oméga de toute la politique risque de conduire à de rudes désenchantements.

    Madrid a-t-elle selon vous raison de réprimer l'organisation du référendum en allant jusqu'à emprisonner des responsables catalans ?

    Personne n'est emprisonné. La justice espagnole a lancé des procédures contre des hauts fonctionnaires qui, obéissant à un gouvernement qui excède ses compétences, sont dans l'illégalité. Un juge d'instruction (de Barcelone) a lancé une opération judiciaire. Des hauts fonctionnaires ont été entendus dans le cadre d'une garde à vue. Ils sont depuis libérés mais mis en examen. D'autres hauts fonctionnaires sont restés eux dans le cadre de la loi.

    On peut citer le secrétaire général du Parlement de Catalogne qui a refusé d'entériner le coup de force parlementaire du 6 septembre. On doit citer les juges, les policiers qui font leur travail. Comment pourrait-on leur reprocher ? Il faut aussi mesurer l'intimidation politique et administrative à laquelle sont soumis les fonctionnaires catalans. En novembre 2014, quand une première consultation fut organisée, la Généralité de Catalogne ordonna aux proviseurs des lycées d'ouvrir leur établissement. Une proviseure, Dolores Agenjo, a demandé un ordre écrit : elle ne l'a jamais reçu parce que c'était illégal. Mais elle a dû faire face à des pressions considérables. On lui doit un livre très éclairant: SOS. Séquestrée par le nationalisme (2016).

    L'action de l'État de droit espagnol vise tout simplement à protéger les citoyens espagnols en Catalogne face aux dérives d'un pouvoir qui se croit tout-puissant et qui entend forcer la démocratie.

    A-t-il jamais existé, en réalité, une nation espagnole?

    Voilà une redoutable question qui agite les Espagnols, les historiens et les penseurs depuis plusieurs siècles. Quand en 2008, l'Espagne a remporté la coupe d'Europe de football, qu'elle a répété cet exploit en 2012 et qu'entre-temps elle remporte la coupe du monde en 2010, les Espagnols se sentaient fiers de leur équipe. Quand Nadal triomphe sur les courts de tennis, les Espagnols aiment ce champion modeste, travailleur et génial. Quand en 1992, Barcelone a accueilli les Jeux Olympiques, ce fut une fierté nationale.

    Oui, il y a des moments d'unité et les Espagnols savent se reconnaître entre eux. Alors bien sûr, l'histoire de l'Espagne est marquée par des épisodes dramatiques, au premier rang la guerre civile. Les fractures sont énormes. Mais quelle nation européenne n'est pas ainsi lacérée par son histoire et ses mémoires contradictoires ? Croyez-vous que la nation italienne soit une évidence ? Et la nation allemande ? Du coup, le pessimisme historique sur l'Espagne affaiblit un sentiment national difficile.

    Ce qui manque à l'Espagne est une appréciation juste et comparée de son histoire. Trop souvent, elle porte en elle-même une vision exagérée de ses échecs ce qui conduit à un discours sévère sur le pays. Mais c'est manquer de vision : ce pays existe. Attention aux instrumentalisations de l'histoire. Quand la Catalogne a-t-elle été une nation indépendante ? Il y a mille ans… et le concept de nation n'a pas alors le sens qu'on lui donne.

    Une nation, c'est une histoire commune : comment douter qu'existe en Espagne une histoire commune ? Une nation, c'est une culture : comment douter que l'Espagne a fourni une manière de dire la vie, de la traduire et de la comprendre ? Une nation, c'est un peuple : or le peuple espagnol existe, comme réalité politique et constitutionnelle mais aussi comme réalité singulière en Europe. Une nation, c'est également la manière dont les autres pays la voient. Or, qui, dans le monde, doute de l'existence de l'Espagne ?  

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    Agrégé d'histoire et ancien élève de l'Ecole normale supérieure, Benoît Pellistrandi est professeur en classes préparatoires au lycée Condorcet à Paris et spécialiste de l'histoire espagnole. Il a notamment publié Histoire de l'Espagne. des guerres napoléoniennes à nos jours chez Perrin en 2013.

    Lire dans Lafautearousseau ... 

    Barcelone : « No tinc por  »

  • Ce qu’est l’Europe aujourd’hui

     

    par Gérard Leclerc

     

    2435494823.jpgLes résultats des élections allemandes ont donné lieu à des commentaires plutôt convergents.

    La victoire de la chancelière Angela Merkel a un goût d’amertume et son quatrième mandat s’annonce difficile. Je ne sais s’il faut partager le pessimisme extrême de ceux qui lui annoncent des allures crépusculaires. Mais il est incontestable que cette remarquable tacticienne se trouve aux prises avec des difficultés liées à la situation concrète de son pays et à celle de l’Europe. En effet, le régime représentatif reflète forcément l’évolution d’une société et les mouvements de son opinion publique. L’émergence de la formation Alternative pour l’Allemagne ne pouvait surprendre, elle est dans la logique des événements récents. Si l’on peut craindre la dureté de certaines de ses positions, on doit admettre qu’elle s’exprime dans un cadre régulateur qui vaut mieux que l’expression sauvage de certaines peurs et de certains réflexes.

    Force est de reconnaître également que ce qui est vrai pour l’Allemagne l’est aussi pour l’ensemble de l’Europe, et que cela risque de contrarier les projets qu’Emmanuel Macron envisageait de réaliser en accord avec la chancelière. Il faut convenir, même si ce n’est pas une réalité forcément agréable, que l’Europe de l’Est est réfractaire à une politique globale d’ouverture à l’immigration. La Hongrie, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie sont solidaires à l’encontre d’une volonté qui leur imposerait des quotas d’immigrés. Même des intellectuels que l’on considérait comme participant d’une sorte de consensus progressiste se retrouvent avec les États qui craignent pour leur cohérence interne. Il faut bien comprendre que la République Tchèque, par exemple, ne renie pas forcément l’héritage de Vaclav Havel lorsque elle veut défendre sa spécificité qu’elle considère comme fragile, eu égard au caractère modeste de son État, à sa culture et sa langue minoritaires. C’est de tout cela qu’il faut tenir compte, et les élections sont la meilleure médiatrice pour donner au peuple l’occasion d’exprimer leurs craintes et leurs espoirs. Les élections allemandes sonnent l’heure d’un nouveau défi pour l’Europe.  

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 26 septembre 2017

  • Une victoire si amère que ça ?

    A la Une du Figaro d'hier lundi ... 

     

    En deux mots.jpgIl a fallu bien des années à Alain Minc pour s'apercevoir que les nations, comme les personnes, ont, selon son expression, un ADN. C'est ce que les élections allemandes viennent de nous rappeler. Et de nous démontrer avec la force de l'évidence. 

    Manifestement, Allemands et Français, nous ne sommes pas le même peuple. Nos ADN sont différents, parfois opposés. Malgré De Gaulle et Adenauer, malgré Giscard et Schmidt, Mitterrand et Kohl, malgré les avions, le TGV, Internet, Erasmus, les réseaux sociaux, les interdépendances de tous ordres, notamment économiques ou financières, etc. C'est comme si rien n'était de taille, malgré l'opinion courante, à gommer les différences. 

    Nous avons élu le président de la République il y a à peine un peu plus de trois mois. Mais Emmanuel Macron a surtout été choisi parce qu'il incarnait les apparences de la rupture : par l'âge, la culture, le maintien, l'allure et parce qu'il signifiait le « dégagisme ». C'est à dire l'éviction programmée et rapide de toute une caste honnie dont on ne voulait plus. En l'affaire, l'électorat d'avril dernier n'a pas cherché beaucoup plus loin. Un trimestre a suffi pour que la cote de popularité du Chef de l'Etat soit au plus bas. On sait qu'elle a perdu 24 points en juillet-août et, aujourd'hui, plus de 60% des Français se disent mécontents, dont 20% de « très » mécontents. La rue manifeste, les routiers font mine de bloquer les postes d'essence et Mélenchon invite les jeunes à se mettre « en mouvement ». Il joue son Bolivar ou son Lénine et agite les vieux rêves de la Révolution. 

    Dimanche dernier, les Allemands ont renouvelé le Bundestag qui pour la quatrième fois reconduira Angela Merkel â la chancellerie. S'il n'y en a pas de cinquième, elle y sera restée 16 ans. D'ailleurs, comme Helmut Kohl, son mentor.   

    Merkel gouvernera à la tête d'une coalition ; son parti, quoique largement en tête, ressort légèrement affaibli de la consultation de dimanche. Mais, c'est évident, elle a très largement l'estime et le soutien du peuple allemand. Au reste, l'on a trouvé, Outre-Rhin, les débats Merkel-Schulz terriblement ennuyeux, tant leurs programmes sont proches. L'Allemagne est un pays de consensus. En France, il est rare et éphémère. Amère victoire pour Merkel ? C'est surtout une vision française ...

    Bainville réfléchit dans son Journal, vers 1932-33, sur le « besoin d'être commandés » des Allemands, peut-être plus vif, chez eux, que chez la plupart des autres peuples. Commandés, ils le seront peu après sous une forme extrême, où l'hubris, le romantisme, l'exaltation, l'horreur et, pour finir, l'apocalypse suprême, affecteront, dans un unanimisme peu contestable, ce peuple, d'ordinaire raisonnable, sagement laborieux et uni.  

    Quatre-vingt-dix députés de l'AFD entreront bientôt au Bundestag, véritable lieu de la souveraineté allemande, ce qui brise un peu l'unanimisme dont nous avons parlé, ou, vu autrement, le reconstitue contre une AFD pour l'instant à 13%.  

    L'essor de l'AFD témoigne - et c'est une première - de l'ébranlement des tabous - ou des complexes - allemands d'après-guerre. Ce parti sera-t-il amené à constituer un jour autour de lui une unanimité de substitution ?  On ne peut jurer de rien. Mais dans cette grande et opulente maison de retraite  constitutive aujourd'hui pour partie de la nation allemande, brandir la menace d'une quelconque résurgence d'un mouvement ou d'un climat ayant une vraie parenté avec la période nazie, nous paraît relever d'une propagande de piètre niveau. 

    Rien ne dit si l'Allemagne de l'unanimisme, à tout le moins du consensus, de la stabilité et de la richesse, durera longtemps. Son effondrement démographique l’inquiète et l’affaiblit. Pour l'instant, elle est satisfaite de son sort et en sait gré à ses dirigeants. La guerre qu'elle mène aujourd'hui - c'en est une - est industrielle et économique. Et c'est une guerre lucrative celle-là qui lui rapporte bon an, mal an, 250 milliards.  

    Nous avons gardé notre légèreté, notre inconstance, - essentiellement en politique - et notre manie gauloise des divisions infinies. De sorte que nous vivons, avec les Allemands, de part et d’autre du Rhin, Gaulois et Germains, sous des systèmes non plus ennemis, mais antithétiques.  •

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    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Notre avant-guerre ?

    La Chine investit près de 200 milliards de dollars/an pour son armée 

     

    En deux mots.jpgPériodiquement, il faudrait relire Giraudoux, esprit sage et subtil, bienveillant et souriant aux misères des hommes et des peuples, à leurs insuffisances et à ces fatalités qui, à intervalles réguliers, les conduisent dans de terribles malheurs. Par exemple les guerres modernes. Giraudoux en savait quelque chose, qui en avait vécu deux. Mondiales, pour la première fois. Mais on ne lit plus Giraudoux, on l'a oublié ou presque, on ne joue plus son théâtre. A notre société il manque la culture et au théâtre un Jouvet, qui avait fait de Giraudoux l'auteur dramatique de sa vie. 

    Ce qui nous a rappelé Giraudoux ces temps derniers, ce sont les prodromes d'une guerre, qui montent de l'actualité avec leur lot de ridicules, de dérision et de sourde inquiétude. C'est ce dont Giraudoux a superbement traité dans La guerre de Troie n'aura pas lieu. Et qui finalement aura lieu comme chacun sait. 

    Entre 1870 et 1914, on avait déjà cru une nouvelle guerre impossible. On pensait que le perfectionnement des armes la rendait trop meurtrière pour qu'elle fût tentée. On le croyait encore le 2 août 1914. Mais la guerre éclata quand-même le 3. Entre les deux conflits mondiaux on recommença : la tragédie avait été trop terrible entre 1914 et 1918, elle avait fait un trop grand nombre de morts - autour de 20 millions - pour qu'une guerre pût encore se produire. Et aussi on avait créé la Société des Nations, la SDN, ancêtre de notre ONU, pour, de toute façon, l'empêcher. Dérisoire illusion ! Hubert Védrine l'a fort bien dit : les institutions internationales ne sont que des lieux de rencontre. 

    Les grands conflits sont en général précédés de guerres dites régionales. La guerre d'Espagne, où les armées européennes, sauf la nôtre, s'étaient essayées, sur terre et dans le ciel, s'est terminée le 1er avril 1939 ; la Seconde Guerre mondiale éclata le 1er septembre. Nous avons aujourd'hui la guerre de Syrie, dont Eric Zemmour a dit - peut-être avec raison - qu'elle est notre guerre d'Espagne. Mauvais présage … Les aviations russe, américaine et accessoirement française, se croisent dans le ciel syrien, au risque, d'ailleurs, de s'y affronter. Des militaires de mêmes nationalités s'affairent sur son sol.  

    Précèdent aussi les conflits majeurs, ces rencontres entre « grands » où l'on fait assaut de pacifisme et de bons sentiments. Giraudoux, toujours, a restitué cette dramaturgie singulière dans La Guerre de Troie n'aura pas lieu, avec une infinie délicatesse et une lucidité amusée. En 1938, il y avait eu Munich. Nous avons les G7, les G 20, et les conférences au « format Normandie ». Trump, Poutine et Xi Jinping se sont rencontrés à Hambourg en 2017 ; les membres, plus chanceux, du G7 se sont offerts Taormine comme jadis on se retrouvait à Locarno. 

    La politique des « sanctions » fait aussi partie de la panoplie des avant-guerres. Comme il y eut, autour de 1935-1937, les sanctions contre l'Italie, aux funestes conséquences, nous avons les sanctions américaines contre Cuba et les sanctions, d'ailleurs réciproques, des « démocraties » contre la Russie, ou contre l'Iran et, aujourd'hui, les sanctions votées à l'ONU, contre la Corée du Nord. 

    C'est maintenant dans le Pacifique que semble s'être déplacée la perspective de grands affrontements. Loin de notre Europe, et c'est tant mieux. Les missiles de Pyongyang survolent à intervalles rapprochés le Pacifique et le Japon lui-même, qui d'ailleurs, avait occupé jadis la Corée. Elle ne l'a pas oublié. Les 160 000 Américains de l'ile Guam vivent dans la peur qu’un missile nord-coréen leur tombe dessus. Mais chacun sait que derrière la Corée du Nord il y a l'immense Chine et derrière la Corée du Sud et le Japon, les Etats-Unis. Contenue, pour un temps dont on ne peut dire combien il durera, par des motivations commerciales et financières, la rivalité sino-américaine n'en est pas moins un phénomène grandissant, derrière les sourires et les poignées de main. 

    Ces motivations pacifico-pragmatiques, toutefois, n’empêchent pas la course aux armements, dont on croit qu'on ne se servira jamais, comme on avait pensé jadis que la guerre de Troie n'aurait pas lieu. La course aux armements caractérise aussi les avant-guerres et nous conseillerons aux sceptiques de considérer l’ampleur et l’accroissement, étonnants pour les optimistes, des budgets militaires des grandes puissances d’aujourd’hui : les 622 milliards de dollars américains, que Trump vient de décider d’augmenter de 7% ; les presque 200 milliards de dollars chinois ; le programme militaire indien, en passe de rejoindre la Chine sur ce terrain ; sans compter l’éventuel réarmement du Japon, d’ailleurs déjà entamé. Que pèsent, en comparaison, les 44 milliards français et les 48 milliards russes ? 

    Justement, si le pragmatisme devait être abandonné, si un conflit majeur venait à éclater un jour ou l’autre dans les régions du Pacifique que nous avons évoquées, il ne faudrait pas dénier à l’Europe, qui s’est si longtemps épuisée à se battre chez elle, notamment la France, la chance de se trouver, pour une fois fort éloignées du théâtre du conflit, ni, nonobstant toutes alliances,  le droit de s’en tenir soigneusement à l’écart. Chacun sait que la guerre de Troie n’aura pas lieu. Mais si elle avait lieu tout de même ? Nous devrions dire comme Louis XV et rester sur le mont Pagnotte.  • 

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  • Charles Saint-Prot : « La priorité fondamentale, c’est la récupération de tous les instruments de souveraineté. »

     

    Trois questions à… Charles Saint-Prot, directeur général de l’Observatoire d’études géopolitiques, qui a donné une conférence au Camp Maxime Real del Sarte 2017 sur la place de la France dans le monde. Il répond ici aux questions d'Action française 200O. Charles Saint-Prot est aussi un vieil ami de l'actuelle équipe de Lafautearousseau.  LFAR

     

    Saint-prot.jpgVous évoquez la nécessité de la volonté politique en matière de politique étrangère, cependant le problème de nos élites n’est-il pas une méconnaissance de la France en tant qu’entité historique, voire sa négation ?

    Il ne peut y avoir de grande politique étrangère sans une ferme volonté politique et sans un cap précis conforme à l’intérêt national puisque le but ultime du politique est de servir cet intérêt. Il est triste de devoir constater que la volonté politique est trop souvent absente ou du moins très timide dans la politique étrangère de la France. Cela est dû au fait que les hommes politiques ont, pour le plus grand nombre d’entre eux, sombré dans la facilité, la routine, la soumission à l’idéologie du renoncement. Ils se sont laissé enfermer dans le piège mortel d’une construction européenne qui se fait sous la forme d’un super-État totalitaire au détriment des États-Nations, à commencer par la France.
    Comme je l’expose dans mon ouvrage L’État-nation face à l’Europe des tribus (Cerf), l’eurocratie – dirigée par une Allemagne sûre d’elle-même et dominatrice – rêve de faire sauter le verrou de la nation pour imposer un système supranational s’inscrivant dans le projet mondialiste ultra-libéral. Il semble que la plupart des dirigeants français ne prennent pas la mesure de la menace puisqu’ils acceptent ce diktat supranational, ignorant du coup les lois de la politique française et les leçons de l’Histoire qui enseignent qu’il faut toujours rester maître chez soi sinon on court le risque de perdre toutes ses libertés en perdant son indépendance.

    Ne doit-on pas voir dans ce renoncement une conséquence de la faillite de nos institutions (républicaines) ?

    Sans doute la situation déplorable de notre politique étrangère est- elle due à l’inconséquence d’un système politique dont les faiblesses sont évidentes. Ce système est générateur de prétendues élites a-nationales et conformistes qui ignorent le bien commun, bafouent les intérêts les plus évidents de la nation et sont déconnectées du pays réel. Ce système est en faillite ; il ne vit qu’au jour le jour, d’une élection à l’autre. Du coup, pour ce qui concerne la place de la France dans le monde, la thèse exposée par Maurras dans son fameux Kiel et Tanger  – dont le président de la République Georges Pompidou louait d’ailleurs la lucidité lors du centenaire de Sciences Po – se révèle exacte : le régime républicain, qui est hélas de plus en plus tributaires des brigues, des factions et des groupes de pression, est impuissant et, par conséquent, incapable de mener une politique étrangère durable conforme à l’intérêt national.

    Quelle est la place des droits de l’homme au sein de la diplomatie ?

    Une politique étrangère obéit à des objectifs précis concernant le rôle d’une nation dans le monde. Il est clair qu’elle n’a pas à répondre à des critères idéologiques, sentimentaux ou prétendument moraux. Il ne faut pas mélanger politique et morale. Il ne s’agit pas de pratiquer une sorte d’ingérence en donnant à tout bout de champ des leçons aux autres et en se mêlant des affaires intérieures des États souverains. Pas plus d’ailleurs qu’il ne faut se laisser donner des leçons par les autres. La politique étrangère ne consiste pas à se faire le propagandiste d’options idéologiques en faisant la promotion de la « démocratie » et des « droits de l’homme », toujours conçus à sens unique et d’une manière bien hypocrite quand on voit le nombre de situations dramatiques que l’on s’obstine à ignorer (par exemple l’éradication de l’identité tibétaine par la Chine)
    Ce qui doit primer dans l’ordre international c’est le principe, posé par les traités de Westphalie (1648), réaffirmé par le Congrès de Vienne de 1815 et exposé dans la Charte des Nations unies adoptée en 1945 : le droit international est fondé sur le principe de la souveraineté, intérieure et extérieure, des États. Sans le respect de la souveraineté s’impose alors la loi du plus fort ou celle d’un super-État artificiel ou encore celle d’obscures institutions supranationales qui n’ont aucune légitimité.
    Pour ce qui concerne la place de la France dans le monde, il faut se concentrer sur l’essentiel : la priorité fondamentale c’est la récupération de tous les instruments de souveraineté (politique, monétaire, économique, juridique, linguistique…), le refus de se soumettre à une entité supranationale comme l’union européenne, la reconstruction d’un ordre multipolaire fondé sur la souveraineté des États et respectant la diversité et l’indépendance des nations.  •

    Repris du site Action française - Publié le 15.09.2017

  • Terrorisme • Londres, après Barcelone et Rotterdam

    Métro de Londres, après l'attentat

     

     Publié le 25 août  2017 - Réactualisé le 16 septembre 2017

    En deux mots.jpgAinsi de Barcelone à Rotterdam, en passant par Paris, de l'Espagne aux Pays-Bas, axe historique s'il en est, de Londres à Berlin, de Nice à Birmingham ou à Turku, sur la Baltique, dans la lointaine Finlande, se dessine aujourd'hui toute une cartographie de la nouvelle offensive de l'Islam contre l'Europe, sans plus laisser beaucoup d'espaces, de peuples, d'Etats,  à l'écart de la menace, à l'abri des objectifs et des coups islamistes ; sans plus laisser passer beaucoup de temps, non plus, d'un attentat à l'autre : ainsi l'Angleterre vit, en ce moment, au rythme d'un attentat par mois.

    C'est aujourd'hui le continent européen qui est globalement visé. L'Europe doit s'y résigner, l'admettre, en prendre conscience : une guerre lui a été déclarée, lui est menée, sans-doute d'un type nouveau à l'ère contemporaine, mais une guerre tout de même, dont le front n'est pas une ligne discernable, dont les combattants ne portent pas l'uniforme d'une armée régulière, sont dissimulés, mobiles, imprévisibles, et peuvent frapper n'importe où, n'importe qui. 

    Cette guerre, on le sait, peut durer longtemps, elle oppose des adversaires inégaux, les islamistes étant plus déterminés à nous agresser, nous vaincre et nous soumettre, que nous à les mettre hors d'état de nuire, plus sûrs de leur cause que nous de la nôtre. 

    Dans ce combat, malgré la disproportion des forces en présence - qui est bien-sûr en notre faveur : les terroristes ressortent rarement vivants de leurs entreprises, les forces de l'ordre les tuent presque à tout coup - notre faiblesse pour l'essentiel est de deux ordres : 

    1. L'extrême fragilité de notre « civilisation » de type postmoderne, déracinée, décervelée, déculturée, atomisée et au sens profond démoralisée, sans fierté, sans convictions, petites ou grandes. Et la liste n'est pas close. 

    2. L'extrême débilité de nos institutions politiques et des hommes qui les incarnent. (Ce qui inclut les femmes). 

    A de rares exceptions près, toutes à l'Est, cette constatation vaut pour l'ensemble de l'Europe, à commencer par le semble-couple franco-allemand. La chancelière Merkel - à qui l'on a attribué, y compris parmi nous, bien plus de qualités politiques qu'elle n'en a vraiment - l'a amplement démontré lorsqu'elle a appelé plus d'un million de migrants à entrer en Europe. A la vérité, la médiocrité des dirigeants européens fait presque pitié.

    Ainsi, nous ne comprendrons rien à la lutte antiterroriste, nous ne la mènerons pas efficacement, tant que nous ne nous rendrons pas compte que le mal est plus en nous qu'en nos assaillants ; tant que nous continuerons à vociférer stupidement en priorité contre l'islam sans nous apercevoir que le mal principal est d'abord en nous-mêmes. 

    Cette nécessaire autocritique, nous devons l'accomplir non pas comme une repentance vulgaire, au sens de la doxa, mais au contraire pour retrouver, revivifier, notre fond vrai. Celui qui nous vient de la lointaine Histoire française et européenne, car au delà de la hideuse caricature bruxelloise, l'Europe, aujourd'hui, se retrouve d'une certaine manière unie contre un danger commun, comme il lui est déjà arrivé de l'être, en d'autres temps, sinon pareils, du moins semblables.   

    Ce n'est pas une équation simple, mais elle est vraie : sans un retournement politique et social profond, qui remette en cause jusqu'à nos démocraties sous leur forme européenne actuelle et nos sociétés version postmoderne, nos chances de sortir, rapidement ou pas, vainqueurs des islamistes sont bien faibles et sans portée.  

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  • Un duo dynamique ?

     

    En deux mots.jpgFaut-il admettre l’idée banale, l’idée bateau, selon laquelle les moyens de transport et de communication modernes, internet, les avions, le téléphone portable, la télévision et tout le reste, convergent pour réaliser la fusion des peuples, abolissent les frontières, gomment les différences et rendent l'unité de l’humanité absolument inéluctable ? Ainsi subséquemment, qu’un gouvernement mondial. Telle est la vision, d'esprit prophétique, de Jacques Attali et de beaucoup d'autres, moins inspirés 

    Par exemple, le gentil, le candide, Yann Moix et le pape François. Duo improbable mais qui s'est révélé lors de l'émission ONPC [On n'est pas couché] où Dominique Wolton était invité pour présenter son livre de dialogue avec le pape. Yann Moix en a conçu - et il l'a dit - un fort et inattendu enthousiasme pour l'Eglise catholique. Pourquoi ? Parce qu'elle a pris la tête du grand mouvement qui mène à l'unité du monde et qu'elle l'accélère et le parachève en prêchant la généralisation des libres migrations, le métissage des cultures et des hommes. Les nations, Yann Moix l'affirme d'autorité, sont d'ailleurs déjà obsolètes, détruites, abolies. Les frontières n'existent plus ; il n'y a plus d'autre peuple que mondial. Bien-sûr grâce à internet, aux voyages, aux smartphones, à la télévision, etc. Accessoirement, il ne le dit pas, grâce aussi au libre mouvement des flux financiers sans frontières. D'enthousiasme encore, Moix, on ne sait trop pourquoi, en vient même à citer le théologien Gustave Thibon. Etonnant pour nous qui, jadis, l'écoutions aux Baux de Provence, ou ailleurs, loin de ce fatras. 

    Faut-il croire ces choses-là ? Sont-ce des rêveries ou la réalité ? Refuser cette évidence ne serait-ce pas cela rêver ? Dénier les réalités des temps modernes ! Mais justement que disent les réalités ? 

    D'abord ceci : l'idée que le monde est en passe de s'unifier ne date pas d'hier. Le XIXe siècle y a cru dur comme fer. Hugo en tête qui annonçait dans d'assez mauvais vers des lendemains où il n'y aurait « plus de frontières ». Et même : « Plus de fisc ». Cela prête à rire…  Un siècle et demi a passé. L'humanité a vécu deux guerres mondiales d’une cruauté sans analogue dans l'Histoire et des avions américains ont lâché des bombes atomiques sur le Japon. 

    Et que disent les réalités d'aujourd'hui de l'unification du monde ? Faut-il en faire le détail ? Au Proche et Moyen Orient, en Afrique, en Asie, partout les armes parlent, des menaces sont échangées, les conflits s'aiguisent, les rivalités s'affirment et se précisent, les budgets militaires arabes, russes, américains, asiatiques, s'enflent démesurément. Qu’est-ce qui peut garantir que les forces ainsi créées à grand effort ne serviront jamais ? Les grands conflits commencent toujours par des combats de coqs, tels ceux auxquels nous assistons ces semaines-ci.

    Les avions, internet, les smartphones, les télévisions et les radios censés, par nature, devoir nécessairement accomplir l’homogénéisation des peuples, servent aussi à bien autre chose : les avions à transporter des soldats ou des terroristes, à lancer des bombes ou à s'écraser sur des tours ; internet, les smartphones, les télévisions et les radios à diffuser des propagandes, des consignes, religieuses ou nationalistes, idéologiques ou terroristes, ou encore communautaristes, toutes choses qui ont peu de rapport avec l'unité du monde. Ne veut-on pas voir ? En dehors de la pauvre Europe occidentale, épuisée de tant de conflits passés et de tant de doutes sur elle-même, de tant de scrupules et de reniements, ce n'est partout que nationalismes et retour sur soi : religions, philosophies anciennes, traditions et modes de vie. Cela est vrai des plus grands : Russie, Chine, Inde, Japon, Etats-Unis. Mais aussi de beaucoup d'autres de moindre importance. 

    Les avions, les bateaux de croisière et les cars Macron continueront donc de déverser aux quatre coins du monde leurs flots de touristes hébétés ; les réseaux sociaux et les téléphones - quand ils ne serviront pas aux terroristes - à déverser leurs niaiseries sur la terre entière. De même que radios et télévisions. Il s'en suivra en effet une certaine standardisation des peuples. Mais George Steiner a fait observer que les standardisations se font toujours par le bas. 

    Même s'il satisfait l'univers des financiers, qui ont largement poussé à la roue pour que ces phénomènes prospèrent et eux avec, on peut se demander ce que pèsera – face aux actifs, aux déterminés - ce monde de zombies. 

    La vérité – on pourrait multiplier les exemples à l’infini - c’est que les techniques sont neutres. Elles charrient le bien comme le mal.   

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    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Le paradoxe de la Catalogne, identitaire et ... remplaciste

     

    Par Javier Portella

    Il s'agit là d'une réflexion d'une chaude actualité sur les événements graves que vivent en ce moment la Catalogne et toute l'Espagne. [Boulevard Voltaire, 14.09] Et qui, bien-sûr concerne la France et l'Europe. Nous en avions traité par accroc dans Lafautearousseau, lors de l'attentat islamique de Barcelone [Cf. Lien ci-dessous]. Mais pour ce qui est des paradoxes de l'indépendantisme catalan, Javier Portella connaît manifestement son affaire. Nous ne pensons pas autrement que lui. Et il l'exprime avec science, clarté et hauteur de vue.   LFAR

     

    77dae4cee53d71a6de676a118bdb1379.jpeg.jpgOn peut se poser la question : pourquoi ne pas laisser les Catalans s’exprimer « démocratiquement » (voilà le mot talisman !) et décider du sort de la Catalogne lors du référendum que les indépendantistes ont convoqué illégalement pour le 1er octobre, un référendum qu’ils auraient d’ailleurs des chances de perdre si jamais il avait lieu d’une façon normale et selon les règles du jeu ?

    La réponse est simple. Si on ne laisse pas « le peuple décider », c’est pour la bonne et simple raison qu’il y a des choses qui sont hors décision. On ne décide pas de vivre ou de mourir, d’être ou de ne pas être (sauf, bien entendu, si vous voulez vous suicider). On ne le décide pas en tant qu’individu ; on ne le décide pas non plus en tant que peuple.

    De deux choses l’une, en effet. Soit vous adhérez à la vision individualo-libéralo-gauchiste du monde, soit vous adhérez a la vision identitaire, organique des choses. Soit vous considérez que le peuple (ou la nation, ou la communauté… peu importe le nom) n’est qu’un amas d’atomes individuels qui décident de signer (ou de résilier) le fameux Contrat par lequel ils auraient fait le choix de se mettre ensemble ; soit vous considérez qu’il n’y a pas de contrat, le peuple (ou la nation, ou la communauté…) étant un tout organique – « une unité de destin », disaient Hegel et, en Espagne, un certain José Antonio Primo de Rivera – dans lequel le passé, le présent et l’avenir s’entremêlent dans un lien qui ne peut être brisé, le tout étant supérieur à la somme des parties.

    Disons-le par une boutade. Puisque la patrie est autant la terre des contemporains que des ancêtres, un référendum portant sur le sort de la patrie ne saurait être valable que si les ancêtres, eux aussi, pouvaient y voter ! 

    Voilà donc les deux visions du monde qui s’affrontent partout : celle de ceux qui aiment la patrie et celle de ceux qui aiment les atomes individuels (et les masses qui vont avec). Le paradoxe, en Catalogne, c’est que les sécessionnistes aiment les deux en même temps ! Ils aiment, bien entendu, la patrie. Enfin, ce qu’ils entendent par là : rien que la petite patrie catalane, tandis qu’ils vouent, comme tous les chauvinismes, leur haine à l’Autre. En l’occurrence, à la grande patrie espagnole à laquelle ils sont historiquement, culturellement et linguistiquement rattachés par toute sorte de liens. 

    Mais si ces gens-là aiment la patrie, ils aiment encore plus l’individualisme grégaire de nos jours, le nihilisme libéralo-individualiste-gauchiste étant même leur marque la plus profonde. Certes, ils invoquent constamment l’amour qu’ils vouent à la terre catalane, à ses traditions folkloriques, à sa langue, à la beauté – indéniable – de ses paysages… Voilà des sentiments bien nobles et légitimes – bien plus, d’ailleurs, que le détachement identitaire qui marque aujourd’hui le reste de l’Espagne –, mais voilà aussi des sentiments qui ne sauraient justifier aucune séparation, la Catalogne « opprimée » par l’Espagne étant une fiction historique qui ne tient pas debout et dont le mythe n’a commencé à germer qu’à la fin du XIXe siècle.

    Peu importe, dès lors, la véritable identité, profondément duelle, aussi espagnole que catalane, du pays ; peu importent toutes les considérations historiques, culturelles, linguistiques ; peu importe une identité profondément bafouée par ceux-là mêmes qui, prétendant la défendre, remplissent le pays avec des centaines de milliers de musulmans venus remplacer les Catalans de souche… Peu importe tout cela. Si nous voulons l’indépendance, disent-ils au plus profond de leur cœur, c’est tout simplement parce que nous le voulons, nous le décidons, nous n’en faisons qu’à notre tête. Un point, c’est tout.

    Reste que la police semble enfin s’apprêter à mettre les points sur les i (y compris la police catalane, dont les policiers sont payés par Madrid, la Generalitat étant tombée en faillite frauduleuse). Il est vrai, aussi, que la racaille des gauchistes de la CUP, appuyée sans doute par ceux de Podemos, s’apprête à en faire autant en prenant, le 1er octobre, les rues d’assaut. La possibilité que Barcelone brûle, comme elle brûla en 1909, lors de la Semaine tragique organisée par les anarchistes d’alors, n’est pas à exclure.  

    Écrivain et journaliste espagnol

     

    A lire dans Lafautearousseau ...

    En deux mots : Barcelone : « No tinc por »

  • Le scandale de la non-application de la loi Fioraso

     

    Par Marc Rousset

    Qui dénonce ici un scandale bien réel. Sur l'espéranto, comme solution d'attente, on sera, bien-sûr, moins d'accord. Ou même pas du tout !  LFAR 

     

    3973556484.jpgLe président Albert Salon, de l’association Avenir de la langue française, nous met en garde, dans sa Revue n° 62 de septembre 2017, sur la confusion entre anglicisation et internationalisation. Il s’élève avec force contre la couardise et le scandale de la non-application des dispositions législatives de la loi Fioraso par le gouvernement français.

    Les tribunaux administratifs, en France, se contorsionnent pour ne pas condamner les universités, dont l’École normale supérieure, et les grandes écoles qui offrent des formations diplômantes exclusivement en anglais. Celui de Paris a refusé de condamner le Comité français d’organisation des Jeux olympiques de 2024, qui avait pourtant choisi le débile slogan publicitaire d’une marque commerciale privée – « made for sharing » – triomphalement projeté sur la tour Eiffel. Le français est pourtant bien la langue officielle fondatrice des Jeux olympiques rénovés par le baron Pierre de Coubertin !

    Il se trouve, d’une façon très opportune, que la Cour constitutionnelle italienne vient d’infliger une leçon magistrale à l’Europe, et plus particulièrement à la France de Macron ! Le problème posé était celui du passage de l’Instituto Politecnico di Milano au « tout anglais » à compter du niveau master. Il ne s’agissait en aucune façon de s’opposer à l’enseignement des langues étrangères dans un pays – ce que tout le monde accepte et souhaite. La question était de savoir si on allait autoriser, pour la totalité d’une formation, le remplacement du français par l’anglais en France, de l’italien par l’anglais en Italie, de l’allemand par l’anglais en Allemagne, etc.

    En France, le Parlement a dit « non » avec la loi Fioraso ; il a imposé une limite au volume d’enseignement dispensé dans une langue étrangère à 50 % et exigé une maîtrise suffisante du français pour la délivrance d’un diplôme.

    Pour la Cour constitutionnelle italienne : « Les buts légitimes de l’internationalisation ne peuvent pas réduire la langue italienne, au sein de l’université italienne, à une position marginale et subordonnée, en faisant disparaître cette fonction de vecteur de l’histoire et de l’identité de la communauté nationale, qui lui est propre, ainsi que son être, en soi, de patrimoine culturel à préserver et à valoriser. »

    Malheureusement, en France, la loi Fioraso du 22 juillet 2013 n’est pas appliquée. Le nombre de formations de niveau licence ou master totalement en anglais était de 634 en avril 2013. Il est de 951 en janvier 2017, soit une augmentation, en quatre ans, de +50 % au risque d’une disparition totale des formations supérieures dispensées en français malgré la loi en vigueur dans la République française. 

    Des pays comme la France, l’Allemagne et l’Italie ne peuvent se soumettre. L’important est que la résistance s’organise en France.

    Le scandale de l’anglais, seule langue étrangère pouvant être présentée au concours d’entrée de l’ENA – une des dernières inventions de nos lâches élites -, se doit d’être dénoncé et combattu publiquement. Après le Brexit, tous les Français – à l’exception de Macron – se doivent d’œuvrer pour que le français devienne la langue de l’Europe !

    Et si ce n’est pas le français, cela ne pourra pas être non plus l’anglais, voire même « l’anglo-américain », langue impérialiste et destructrice de l’Amérique qui conduirait inéluctablement, à terme, à la disparition de toutes les langues nationales de l’Europe. À l’instar du breton en France ou du français en Louisiane.

    Il ne restera alors plus, le dos au mur, pour tous les Européens, qu’on le veuille ou non, une seule et unique solution réaliste et n’ayant rien d’utopique : l’espéranto, seule langue neutre et éthique susceptible de préserver à long terme la survie des langues nationales et le plurilinguisme européen !   •

    Économiste
  • Les déclarations du pape : Il n'y a pas à s'étonner

    Le pape Pie XII

     

    Par Antiquus  

    Ce commentaire - du 13 septembre - complète les articles que nous avons publiés ici sur les prises de position récentes du pape François. Antiquus y préconise le retour à une politique capétienne d'indépendance politique à l'égard de la papauté. Le cas échéant, on pourra se reporter aux articles concernés.  (Liens ci-dessous). Merci à Antiquus !  LFAR

     

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    Il n'y a pas à s'étonner : les déclarations du pape, comme l'a montré Dandrieu, sont l'aboutissement d'une évolution déjà fort ancienne de la doctrine pontificale.

    Dandrieu la fait remonter à Pie XII. Je pense qu'elle est déjà présente chez Léon XIII. En fait, du moment où les papes ont perdu leur pouvoir temporel, ils ont estimé qu'ils n'avaient plus aucune responsabilité à tenir à l'égard du gouvernement des Etats. D'où la condamnation de la peine de mort, dont Maistre disait qu'elle était le fondement de tout pouvoir. D'où l'abandon de l'Etat chrétien et la nouvelle doctrine sur la liberté religieuse, et aussi la délégitimation de la nation, et la transformation de l'Eglise (à usage externe seulement) en une ONG, se revendiquant comme la plus ancienne et la plus vénérable.

    Faut-il en déduire que la papauté n'est plus à la tête de la « seule internationale qui tienne » selon l'expression du martégal ? Il nous suffit de puiser dans l'héritage capétien les principes du gallicanisme, qui nous autorise à invoquer l'étanchéité de la France aux interventions pontificales qui s'opposent à la légitime perduration de notre pays.  

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