UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Actualité Monde - Page 115

  • Algérie : film ou coup d'Etat ?

     

    Par Péroncel-Hugoz 

    Vétéran des grands-reporters du « Monde », Péroncel-Hugoz a travaillé dans plusieurs pays arabes avec une longue halte en Algérie où il eut sérieusement maille à partir plusieurs fois avec les autorités. Il entame une série de chroniques consacrées à ses « années algériennes ». Elles nous diront aussi quelque chose de l'Algérie d'aujourd'hui, En voici la première.

     

    peroncel-hugoz 2.jpgJe n'ai rien contre l'armée, au contraire, mais, en temps de paix je préfère quand même l'excursion champêtre à l’entraînement militaire et la fréquentation d'une bonne bibliothèque à la formation de jeunes recrues… 

    En 1965, trois ans après l’indépendance algérienne, je fus donc l’un des premiers (ce qui me valut à la caserne de Toulon le sobriquet pas franchement amical de « Ben-Bella »…) à candidater pour accomplir mes « 18-mois », dus à l'époque au drapeau tricolore, en Algérie, à titre civil. Frais émoulu de Sciences-po Paris, je fus donc bombardé par le gouvernement du vrai Ben Bella, administrateur au ministère de l'Agriculture et de la Réforme agraire, alors dirigé par un certain Ali Mahsas, connu pour son côté « ours » … 

    Je n'eus guère le temps de vérifier cette réputation car, à peine étais-je au travail, que les rues algéroises, un beau matin se couvrirent de chars, camions et soldats. La fille de l'ambassadeur de Turquie, lequel passait pour bien informé, me rassura : « Papa dit que c'est le cinéaste Pontecorvo qui tourne un film en ville sur la Bataille d'Alger » – un long métrage relatant la reprise de la Casbah d'Alger, en 1956, par les parachutistes français, était effectivement prévu. 

    On sut très vite, avant midi, que les chars étaient ceux du redouté colonel Boumédienne, lancés contre le président Ben-Bella. Celui-ci fut mis au secret dans une villa pied-noir et son pouvoir brouillon mais populaire remplacé par un opaque « Conseil de la Révolution ». Alger entra en hibernation. Mon ministre disparut. Je fus muté au Bureau national des statistiques, moi qui n'ai jamais vraiment su la table de multiplication … Le climat n'était pas à la protestation, surtout de la part d'un « gaouri », fils de l'ex-puissance coloniale … 

    Allah merci, on me confia une dizaine de jeunes stagiaires administratifs pour dresser avec eux la carte de l'Algérie indépendante industrielle. Une Algérie immense s'ouvrait à nous, du Sahel au Hoggar, de l'Atlas au Sahara pétrolier. Je me lançai avec enthousiasme dans ce travail itinérant, à travers un territoire à la nature magnifique, qui plus est rempli de traces historiques, y compris celles de mon propre peuple, resté 132 ans en Algérie. Je nouai des relations fructueuses avec mes subordonnés, enchantés, eux de découvrir leur propre pays. Et en avant ! (A suivre la semaine prochaine).   

    Prochain épisode : une police politique omniprésente

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le 360 du 29.01.2016

  • Libye : aux Arabes de jouer !

    Benghazi dévastée par la guerre intestine 

     

    Par Péroncel-Hugoz

    Après s'en être pris aux Occidentaux trop interventionnistes en Libye, Péoncel-Hugoz donne un coup de dent à la passivité arabe face au pays des Syrtes en pleine guerre civile.

     

    peroncel-hugoz 2.jpg« De Libye vient toujours du nouveau ! » nous apprit le Grec Hérodote qui forgea le nom de ce vaste pays à partir des Lébous, antique tribu berbère des lieux. Ces nouveautés libyennes furent souvent positives comme l'empereur romain Septime-Sévère, venu de Leptis-Magna ou bien la dynastie nationale des Karamanlis (1711-1835) ; ou encore la confrérie islamo-nationaliste, d'origine algérienne, des Sénoussis, qui, avec le règne du pacifique roi Idriss 1er (1951-1969) donna au pays ce qui fait figure aujourd'hui, face au sanglant chaos général, de « belle époque ».

    En 2011, le dictateur Kadhafi, agitateur international, fut renversé au cours d'une expédition typiquement impérialiste lancée par le président français Sarkozy, sur suggestion du « philosophe » parisien Bernard-Henri Lévy, affamé de rejouer les Malraux ou les Camus. Le résultat de cette énorme pantalonnade, soutenue par tout l'Occident, fut un appel d'air pour les djihadistes et brigands de tout poil vers le vide politique absolu ayant suivi le lynchage de Kadhafi.

    Les seules paroles sensées alors entendues parmi les Arabes – car l'affaire libyenne concerne essentiellement le monde arabe ! - vinrent de deux femmes : la reine Rania de Jordanie et l'ex-ministre française (de souche maroco-algérienne) Rachida Dati : « les musulmans doivent régler leurs problèmes entre eux ! ».

    Les décideurs arabes ont fait semblant de ne pas entendre cette double voix féminine, à part un peu le Maroc qui a abrité plusieurs fois les conversations libyo-libyennes dont les conclusions doivent maintenant être appliquées.

    La nouvelle mais anachronique expédition occidentale dont il est question ne réglerait rien, au contraire. C'est à la Ligue arabe, particulièrement amorphe ces temps-ci, c'est aux principales puissances militaires arabes suréquipées de matériel importé à grands frais d'Europe et d'Amérique du Nord, de prendre les choses en mains. Sinon le mal libyen va gagner toute l'Afrique sahélienne : le Nigeria où progresse Boko-Haram pourrait bientôt opérer la liaison avec la Libye via le fragile Niger, plus ou moins protégé (plutôt moins que plus…) par la France.

    Le géopolitologue français Bernard Lugan, dont les analyses concernant la Libye ont été vérifiées dans les faits depuis 2011, nous a annoncé, le 13 janvier, sur son blog que des avions furtifs de Daech, partis de Turquie, ont commencé à déverser des combattants internationaux sur le rivage des Syrtes. Un énorme califat djihadiste se dessine, de l'Euphrate au fleuve Niger via les sables pétrolifères de l'immense et vide Libye (6 millions d'âmes sur 1 760 000 km²). Et les Arabes regardent les bras croisés ce désastre se profiler à l'horizon …  •

    Lire : « Histoire et géopolitique de la Libye des origines à nos jours », par Bernard Lugan, 215 pages avec 25 cartes couleurs. 2015. A commander sur www.bernard-lugan.com 

  • Jean-François Colosimo : « L'alliance de la Turquie avec Daech est objective »

     

    Jean-François Colosimo a accordé un entretien-fleuve à FigaroVox au sujet du rôle géopolitique de la Turquie au Proche-Orient. Il déplore le double-jeu d'Erdoğan et la passivité de l'Europe. Ses positions - largement explicitées et développées dans cet entretien - correspondent à celles que nous avons toujours défendues ici. LFAR

    On a appris les bombardements d'un village chrétien de Sharanish au nord de l'Irak, dans le cadre des opérations anti-PKK. Juste après les attentats d'Istanbul, la Turquie avait lancé une campagne de frappes aériennes contre Da'ech en Irak et en Syrie. Quel est son ennemi prioritaire, Da'ech ou les minorités ?

    Jean-François Colosimo: Une vague de bombes qui revêt valeur d'avertissement pour l'État islamique et de gage pour les États-Unis ne saurait épuiser la question du double jeu d'Ankara dans la nouvelle crise d'Orient. Le fait de se vouloir à la fois le champion de l'Otan et le passeur de Da'ech n'engage pas d'autre ennemi prioritaire que soi-même. La Turquie est en lutte contre la Turquie. Elle combat les spectres des massacres sur lesquels elle s'est édifiée. Que les minorités, chrétiennes ou autres, souffrent au passage, c'est leur sort. Car toute l'histoire moderne du pays se conjugue dans ce mouvement de balancier perpétuel entre adversité du dehors et adversité du dedans. Et au regard duquel les changements de régime ne comptent guère.

    Comment s'est opéré le basculement d'une Turquie laïque vers l'intensification de l'emprise de l'islam sur toute la société? Quel est le sort des minorités ethniques et religieuses ?

    Afin de comprendre la Turquie d'aujourd'hui, il faut, comme il est d'habitude en Orient, s'établir sur le temps long. Plusieurs illusions de perspective menacent en effet une claire vision: qu'il y aurait une permanence en quelque sorte éternelle de la Turquie, qu'il y aurait lieu d'opposer la Turquie laïciste de Mustafa Kemal et la Turquie islamiste de Recep Erdoğan, que l'avenir de la Turquie serait nécessairement assuré.

    La Turquie contemporaine est incompréhensible sans l'Empire ottoman, lequel est lui-même incompréhensible sans l'Empire byzantin qui l'a précédé: comment passe-t-on, à l'âge moderne, d'une mosaïque multi-ethnique et pluri-religieuse à des ensembles nationaux et étatiques cohérents? Or, la décomposition de l'Empire ottoman, entamé dans les années 1820 avec l'indépendance de la Grèce, n'en finit pas de finir. Depuis la chute du communisme, de Sarajevo à Bagdad, les récents incendies des Balkans et les présents incendies du Levant attestent de sa reprise, de sa poursuite et de son caractère, pour l'heure, inachevé.

    Ce processus historique, déjà long de deux siècles, explique à la fois la naissance et l'agonie de la Turquie moderne. Deux événements relevant de la logique de la Terreur encadrent son surgissement: le premier génocide de l'histoire, commis en 1915 par le mouvement progressiste des Jeunes-Turcs, soit 1 600 000 Arméniens d'Asie mineure anéantis ; la première purification ethnique de l'histoire, entérinée par la Société des Nations en 1923, consécutive à la guerre de révolution nationale menée par Mustafa Kemal et se soldant par l'échange des populations d'Asie mineure, soit 1 500 000 Grecs expulsés du terreau traditionnel de l'hellénisme depuis deux mille cinq cents ans. Une dépopulation qui a été aussi bien, il faut le noter, une déchristianisation.

    La déconstruction impériale que se proposait d'acter le Traité de Sèvres en 1920, en prévoyant entre autres une Grande Arménie et un Grand Kurdistan, laisse la place à la construction de la Grande Turquie, acquise par les armes, qu'endosse le Traité de Versailles en 1923. La Turquie naît ainsi d'un réflexe survivaliste. Elle doit perpétuer sa matrice, continuer à chasser ses ennemis pour exister, sans quoi elle risque de retomber dans la fiction et l'inexistence. L'ennemi extérieur a été battu. Reste à vaincre l'ennemi intérieur. Ou, plutôt, les ennemis, tant ils sont nombreux et tant la fabrique nationaliste ne fonctionne qu'en produisant, à côté du citoyen-modèle, son double démonisé.

    Qui ont été les victimes de cette politique ?

    Dès l'instauration de la République par Kemal, la modernisation et l'occidentalisation se traduisent par l'exclusion. C'est vrai des minorités religieuses non-musulmanes, ce qu'il reste de Grecs, Arméniens, Syriaques, Antiochiens, Juifs, Domnehs (ou Judéo-musulmans), Yézidis, etc. C'est vrai des minorités musulmanes hétérodoxes, Soufis, Alévis, Bektâchîs, etc. C'est vrai des minorités ethniques, Kurdes, Lazes, Zazas, etc. Toute différence est assimilée à une dissidence potentielle. Toute dissidence est assimilée à un acte d'antipatriotisme. Tout antipatriotisme doit être supprimé à la racine. Tout signe distinct de culte, de culture ou de conviction doit être dissous dans une identité unique, un peuple idéal et un citoyen uniforme.

    Cette guerre intérieure, que conduit l'État contre ces peuples réels au nom d'un peuple imaginaire, parcourt le petit siècle d'existence de la Turquie moderne. De 1925 à 1938, elle est dirigée contre les Kurdes à coups de bombes, de gaz et de raids militaires. En 1942, elle prend un tour légal avec la discrimination fiscale des communautés «étrangères», dont les Juifs, et la déportation dans des camps de dix mille réfractaires. De 1945 à 1974, elle s'appuie sur les pogroms populaires, à l'impunité garantie, pour liquider les derniers grands quartiers grecs d'Istanbul et leurs dizaines de milliers d'habitants tandis qu'à partir de 1989, les institutions religieuses arméniennes se trouvent plus que jamais otages d'un chantage à la surenchère négationniste. Avec les putschs de 1960, 1971, 1980, la guerre devient celle de l'armée contre la démocratie. Hors des périodes de juntes, elle est le produit du derin devlet, de «l'État profond», alliance des services secrets, des groupes fascisants et des mafias criminelles qui orchestre répressions sanglantes des manifestations, éliminations physiques des opposants et attentats terroristes frappant les mouvements contestataires: ce qui aboutit par exemple, entre les années 1980 - 2010, à décapiter l'intelligentsia de l'activisme alévi. Mais la guerre classique peut aussi reprendre à tout moment: dite « totale », puis « légale » contre le PKK d'Abdullah Öcalan avec la mise sous état de siège du Sud-Est, le pays kurde, elle présente un bilan de 42 000 morts et 100 000 déplacés à l'intérieur des frontières en vingt ans, de 1984 à 2002.

    La prise de pouvoir d'Erdoğan et de l'AKP va permette un retour de l'islam au sein de l'identité turque. Elle acte en fait une convergence sociologique qui a force d'évidence démographique, accrue par la volonté de revanche des milieux traditionnels marginalisés par le kémalisme, des classes laborieuses délaissées par les partis sécularisés, de la paysannerie menacée par la modernisation mais aussi, dans un premier temps, des minorités tentées de rompre la chape de plomb étatique. La réalité va cependant vite reprendre ses droits: le fondamentalisme sunnite devient la religion constitutive de la « turquité » comme, hier, l'intégrisme laïciste. La couleur de l'idéologie change, mais ni la fabrique, ni la méthode, ni le modèle. Les minorités, abusées, trahies, redeviennent les cibles d'une construction artificielle et imposée. Mais entretemps, à l'intérieur, la société est divisée puisqu'elle compte une avant-garde artistique et intellectuelle constituée. Et à l'extérieur, la stabilité intermittente issue du Traité de Lausanne cède devant les réalités oubliées du Traité de Sèvres.

    Quelles sont les ambitions géopolitiques de la Turquie dans la région proche-orientale et caucasienne ?

    Parallèlement à son entreprise d'islamisation de la société, Erdoğan a voulu établir la Turquie comme puissance internationale conduisant une politique autonome d'influence. La Turquie laïciste et militaire de la Guerre froide, intégrée au bloc occidental, n'est plus qu'un fantôme, servant de leurre à une ambition néo-ottomane. La Turquie veut à nouveau dominer le monde musulman proche-oriental. Or les pays arabes du Levant ont précisément fondé leur indépendance sur le rejet du joug des Turcs-ottomans, considérés comme des intrus politiques et des usurpateurs religieux et les anciennes républiques musulmanes d'URSS restent dans l'orbe de Moscou. C'est la limite de l'exercice.

    Erdoğan a néanmoins voulu jouer sur tous les tableaux: comme protecteur des entités ex-soviétiques turcophones en Asie centrale et sunnites au Caucase ; comme médiateur de la Palestine et de la Syrie au Machrek ; comme allié des populations islamisées d'Albanie, du Kosovo et de Bosnie en Europe ; et même comme défenseur des Ouïghours musulmans en Chine. Le signe le plus probant de sa rupture avec l'Occident étant de s'être posé en adversaire d'Israël, jusque-là l'allié d'Ankara, à l'occasion de ses sorties verbales à Davos ou des expéditions navales présentées comme humanitaires à destination de Gaza.

    Le fil rouge? Que la Turquie, sortie de l'effondrement de l'Empire ottoman, déportée à l'Ouest par une laïcisation jugée contre-nature, redevienne la première puissance du monde musulman et sunnite.

    Comment comprendre l'emprise d'Erdogan et de l'AKP, un parti islamo-conservateur, sur un pays qui semblait avoir réalisé une entreprise d'européanisation et de laïcisation depuis un siècle ?

    La pointe fine de la société civile, souvent remarquable, issue des anciens milieux cosmopolites d'Istanbul-Constantinople ou d'Izmir-Smyrne, tournée vers l'Europe non pas comme modèle de technicité mais de culture, reste malheureusement inefficace dans l'ordre politique. De surcroît, maladie fréquente dans les pays musulmans de Méditerranée orientale, l'opposition démocratique est éclatée, les forces progressistes étant divisées, notamment à cause de la question des minorités. Enfin, Erdoğan a su mener une guerre souterraine visant à soumettre les pouvoirs qui pouvaient lui résister: militaire, parlementaire, judiciaire, médiatique, et même religieux. L'erreur et la honte de l'Europe sont d'avoir laissé se développer son emprise tyrannique.

    Il faut rappeler l'affaire Ergenekon, du nom d'un réseau supposément composé de militants nationalistes sous la coupe d'officiers militaires et démantelé par le gouvernement islamiste. Entre 2008 et 2010, à la faveur d'une instruction et d'un procès fleuve, trois cents personnes ont été arrêtées, 194 inculpées, et les condamnations aussi nombreuses ont permis de mettre au pas l'armée et de discréditer l'idéologie républicaine. Il faut rappeler les dizaines et dizaines de journalistes virés sur ordre d'en-haut, emprisonnés pour offenses à la patrie, à l'islam, au chef de l'État. Il faut rappeler les poursuites judiciaires contre l'écrivain Orhan Pamuk qui avait osé évoquer le génocide des Arméniens, contre le pianiste Fazil Say qui avait osé se déclarer athée. Mais aussi la restauration du voile dans l'espace public sous prétexte de liberté de conscience, l'hypertaxation du raki et plus généralement de l'alcool sous prétexte de lutte contre l'alcoolisme, la multiplication des mosquées sous prétexte de la moralisation de la jeunesse, etc.

    Dans le même temps, le mouvement protestataire né à Istanbul après qu'Erdogan a annoncé sa volonté de détruire le Parc Gezi de Taksim, ce bastion alévi, a récemment enflammé la Turquie. La résistance qui existe est ainsi populaire et parcourue par les survivances minoritaires.

    Nous sommes face à un engrenage et une dérive autoritaire qui ne dit pas son nom. Au point que, alors qu'Erdoğan fustige «les nationalismes ethniques et religieux qui menacent la Turquie» (sic), bat le rappel de la pièce de théâtre qu'il avait écrite dans les années 1970 et dans laquelle il dénonçait le complot franc-maçon, juif et communiste, qu'il avance que les musulmans ont découvert l'Amérique avant Christophe Colomb ou que l'hitlérisme a été un facteur de modernisation, qu'il se fait construire un palais de mille pièces à Ankara, c'est son mentor spirituel, l'islamiste Fethullah Gülen, qui dénonce la mainmise et la corruption de l'AKP!

    Or, signe des temps, les dernières élections ont vu pour la première fois des Turcs non- kurdes voter pour des candidats kurdes, en l'occurrence ceux du parti HDP mené par Selahattin Dermitaş. Cela montre que la société entend barrer la route à la révision constitutionnelle grâce à laquelle Erdoğan veut s'attribuer les pleins pouvoirs. C'est dans ce contexte qu'est survenue l'instrumentalisation des attentats attribués à Da'ech.

    Quelle position la Turquie a-t-elle adopté à l'endroit de Da'ech ?

    Le sommet de la politique d'islamisation d'Erdoğan est le soutien implicite de la Turquie à Da'ech, par hostilité au régime d'Assad, aux courants progressistes arabes, et par une alliance objective sur le sunnisme fondamentaliste. La Turquie s'élève enfin contre l'essor de l'identité kurde en Turquie et, de ce point de vue, son alliance avec Da'ech est objective.

    C'est l'État turc qui a déverrouillé l'État islamique en lui offrant un hinterland propice au transport des combattants, à l'approvisionnement en armes, au transfert de devises, au commerce du pétrole. C'est la société turque qui souffre de ce rapprochement insensé. C'est l'Europe qui s'entête à demeurer aveugle à cette connivence mortifère.

    Pour quelle raison cette ambiguïté turque n'est-elle pas dénoncée par les pays qui luttent contre l'État islamique ?

    Parce que l'Europe impotente, sans diplomatie et sans armée a cédé au chantage d'Erdoğan sur l'endiguement supposé des réfugiés. Argent, reconnaissance, soutien, silence: Merkel et Hollande ont tout accordé à Erdoğan. Surtout, l'Union se plie au diktat de la politique ambivalente d'Obama qui privilégie l'axe sunnite, saoudien-qatari-turc, avec pour souci premier de ne pas sombrer l'Arabie saoudite dans le chaos.

    Comment une Turquie entrée dans une phase d'islamisation à marche forcée peut-elle encore espérer intégrer une Union européenne laïque? Pour quelle raison l'UE, depuis 1986, continue-t-elle à fournir des fonds structurels à un État dont il est hautement improbable qu'il entre en son sein ?

    La Turquie, en raison de son héritage byzantin, partagé entre l'Ouest et l'Est, a depuis toujours manifesté une volonté d'association avec l'Occident. Sa tentative d'entrer dans l'UE était liée au fait qu'une Turquie laïciste et moderne voulait être un exemple d'européanisation. Or aujourd'hui s'est opéré un renversement d'alliance vers l'Orient, et de l'occidentalisation à l'islamisation.

    L'entrée de la Turquie dans l'UE semblait cependant peu probable et le paraît encore moins aujourd'hui pour plusieurs raisons: géographiquement, l'Europe s'arrête au Bosphore. Historiquement, l'Europe s'est affirmée à Lépante et à Vienne en arrêtant les Ottomans. Politiquement, la Turquie deviendrait le pays à la fois le plus peuplé et le moins avancé, le plus religieux et le moins démocratique de l'Union. Militairement, elle en porterait les frontières sur des zones de guerre. Mais, surtout, culturellement, philosophiquement, l'État turc, non pas les intellectuels turcs, refuse cette épreuve typiquement européenne du retour critique sur soi et sur l'acceptation d'une mémoire partagée quant au passé, à commencer par le génocide des Arméniens. Mais l'arrimage de la Turquie à l'Europe, sous la forme de partenariat privilégié, doit demeurer un objectif. Il ne passe pas par une amélioration des cadres politiques ou économiques, mais par une libération des mentalités. Ce que veut empêcher Erdoğan.

    L'affrontement russo-turc est-il en passe de se durcir ?

    Erdoğan a osé défier Poutine sans en avoir les moyens et pour complaire aux États-Unis. L'opposition là encore est ancienne, ancrée, pluriséculaire et constitue un invariant de la géopolitique des civilisations. Un des vieux rêves tsaristes était de conquérir l'Empire ottoman afin de restaurer Byzance dont la Russie est issue. En 1915, l'annexion de Constantinople-Istanbul et sa transformation en Tsargrad, nouvelle capitale d'un Empire chrétien d'Orient couvrant des mers froides aux mers chaudes était à l'ordre du jour. Ce conflit renaît aujourd'hui: on aura ainsi vu récemment les Turcs réclamer la Crimée, redevenue russe, comme «terre de leurs ancêtres». Ou le parlement turc débattre du retour de Sainte-Sophie, la plus grande basilique du monde jusqu'à la construction de Saint-Pierre de Rome, transformée en musée sous Atatürk, au statut de mosquée qui avait été le sien sous l'Empire ottoman, tandis que les députés de la Douma votaient une motion en faveur de sa réouverture au culte orthodoxe.

    Moscou est déjà l'alliée d'Assad: il ne lui resterait qu'à appuyer les Kurdes, en profitant par exemple de leurs puissants relais communs en Israël, pour menacer profondément Ankara et embarrasser durablement Washington. Erdoğan a compris trop tardivement que, eu égard à la détermination de Poutine, il avait allumé un incendie.

    Comment expliquer l'incohérence de la politique étrangère de la France au Proche-Orient? Le pouvoir a-t-il une compréhension des ressorts profonds qui animent les pays de cette région ?

    Ces considérations historico-religieuses échappent totalement au gouvernement français et à l'Union européenne. La France fait preuve d'un manque de compréhension flagrant des ressorts profonds de ce qui se passe au Proche-Orient. Cette incompréhension n'est jamais qu'un signe de plus de l'erreur politique et morale qu'a été le choix d'abandonner le Liban qu'avait été celui de François Mitterrand. François Hollande, encore moins avisé, professe pour des raisons gribouilles de dépendance économique, une politique d'inféodation envers les pays théoriciens et fournisseurs de l'islamisme arabe qu'il était prêt à intituler pompeusement « la politique sunnite de la France » si quelques vieux pontes du Quai d'Orsay doués de mémoire ne l'en avaient pas dissuadé.

    La France de François Hollande a substitué à sa traditionnelle politique d'équilibre en Orient une politique hostile à l'Iran et à la Syrie, ignorante des Chiites et indifférente aux chrétiens. Ce n'est pas qu'une faute de Realpolitik, c'est une faute de l'intelligence et du cœur. Ou si l'on préfère, du devoir et de l'honneur.

    Quant à la Turquie proprement dite, au sein de cette «politique sunnite» que dirige Washington, c'est Berlin, liée de manière décisive à Ankara par la finance, l'industrie, l'immigration, qui décide pour Paris.

    Mais cet aveuglement de la gauche au pouvoir est-il si surprenant? Ce furent les socialistes d'alors, leurs ancêtres en quelque sorte, qui entre 1920 et 1923 encouragèrent les Grecs à reconquérir les rivages du Bosphore et de l'Égée avant de les trahir au profit de Mustafa Kemal, arguant qu'il fallait l'armer car son progressisme avait l'avantage sur le terrain et représentait l'avenir absolu. Et quitte à faire retomber une nouvelle fois Byzance dans l'oubli! Quel aveuglement sur la force du théologique en politique… Rien de bien neuf sur le fond, donc. Mais les massacres qui se préparent en Orient creuseront de nouveaux charniers qui, pour l'histoire, changeront cette ignorance passive en cynisme délibéré. 

    Jean-François Colosimo est écrivain et essayiste. Président du Centre national du livre de 2010 à 2013, il dirige désormais les éditions du Cerf. Son dernier livre, Les Hommes en trop, la malédiction des chrétiens d'Orient, est paru en septembre 2014 aux éditions Fayard. Il a également publié chez Fayard Dieu est américain en 2006 et L'Apocalypse russe en 2008.

    Entretien par Eléonore de Vulpillières

  • Cyclone sur l’économie mondiale du pétrole

     

    par Jean-Louis FAURE 

     

    Il nous semble que l’information sur la dévastation des prix du pétrole est outrancièrement déséquilibrée. Seul semble intéresser en effet le bénéfice qu’en retirent les consommateurs, prix à la pompe, fuel de chauffage et avantages pour les pays importateurs d’énergie (serait autour de 1 point de PIB pour la France, soit 20 milliards d'Euros pour un PIB de 2.000 mds d'Euros environ). Peu d’autres développements.

    Mais une presse un peu plus attentive nous fournit des chiffres particulièrement alarmants qui doivent nous inciter à un examen pertinent de la situation internationale. Nous nous servons principalement dans le Financial Times (FT), où nous lisons

    • Que l’on est passé de 115 USD / baril à l’été 2014 à moins de 30 USD aujourd’hui (en 18 mois).

    • Le 24 Déc 2015 le journal annonce qu’un baril à 100 USD n’est plus attendu avant 2040.

    Devant le refus obstiné des Séoudiens de réduire leur production, il est annoncé que les prix plongent en dehors de tout contrôle. Le but de Riyadh est de conserver ses parts de marché quel qu’en soit le prix. Objectif affiché par l’institut de prévision financière séoudien JADWA pour 2016 (lien http://www.jadwa.com/en).

    La totalité des projets retardés ou annulés se montent à 400 milliards USD, alors que la réduction n’était « que » de 100 mds en mai dernier, ce qui montre assez la vitesse de propagation de la crise. Le consultant américain Wood Mackenzie fait une liste de 68 projets gelés dans le monde. Sont concernés la mer du nord, le Kazakhstan, l’Australie, l’Angola, le Canada, les USA. L’industrie compte autour de 65.000 emplois brutalement perdus (FT du 14 Janvier 2016). Outre les compagnies pétrolières elles-mêmes, toute la sous-traitance (importante dans cette activité) est directement atteinte et lutte pour sa survie. Quelques comparaisons : ces 400 mds sont le PIB de l’Argentine, de la Pologne, le double du PIB du Portugal ou de l’Algérie, le quart du PIB de l’Inde. Le Venezuela nous dit « nous sommes terrorisés ».

    Les Séoudiens considèrent réussir leur pari en mettant à genoux les producteurs américains d’huile de schiste.

    Et l’Iran n’a pas encore rénové et relancé sa production. 

    Pays producteurs touchés :

    Canada, Venezuela, Russie, Algérie, liste non exhaustive. Saignée dramatique pour le budget de beaucoup d’entre eux.

    Raymond Barre disait que l’économie n’aime pas le désordre. Devant cette situation catastrophique, nous ne voyons pas dans notre beau pays, qui s’en préoccupe au sommet de l’État, entre deux commémorations et la préparation des prochaines présidentielles … 

  • Examen de conscience au Levant ?

    Lattaquié au coeur du pays alaouite en Syrie

    Par Peroncel-Hugoz 

    Peroncel-Hugoz ne craint pas d'employer un ton particulièrement mordant pour dire aux sunnites syriens ce qu'il estime être leurs quatre vérités …

     

    peroncel-hugoz 2.jpgA en croire l'ancien ministre gaulliste et académicien (de France et du Maroc), Maurice Druon, proche du roi Hassan II (1961-1999), ce monarque regrettait que les musulmans ne pratiquent guère l' « examen de conscience », c'est-à-dire un bilan régulier de leurs actions, en regardant en face, sans biaiser, leurs réussites et, surtout leurs échecs, voire leurs fautes.

    A l'heure où vont sans doute enfin débuter au Machrek (Levant ou Proche-Orient, si vous préférez) de nouvelles négociations en vue de rétablir la paix en Syrie, ce n'est certainement pas en se contentant de répéter, comme des perroquets, « TSB ! », « TSB ! » (« Tout sauf Bachar ! ») que l'on arrivera à amorcer une solution. Revenez de vos illusions M. Fabius ! Sinon vous allez encore manger un de vos chapeaux ! 

    S'est-on seulement demandé sérieusement pourquoi les noçaïris ou ansariehs de lointaine obédience chiite  (appelés aussi alaouites depuis le Mandat français sur Damas [1920-1943] mais sans aucun rapport direct avec la dynastie alaouite du Maroc), s'accrochaient tant à la direction de l’État syrien, en la personne de Bachar El Assad ? En un mot, comme en cent parce que cette minorité (environ 10 % des 20 millions de Syriens) redoute d'être marginalisée, persécutée ou éliminée si les sunnites majoritaires (environ 70% de la population) reviennent au pouvoir suprême, comme ce fut le cas jusqu'en 1970, avant le coup d’État d'Hafez El Assad, père de Bachar. 

    Et cette crainte des noçairis ou alaouites n'est pas un vain fantasme : durant des siècles et des siècles, cette minorité fut maltraitée, rançonnée, traquée, à l'occasion massacrée, parfois même réduite en esclavage par les maîtres sunnites, au nom de l'orthodoxie religieuse. Les mandataires français soufflèrent à ces minoritaires de s'engager en masse dans la nouvelle armée syrienne pour échapper à la mainmise sunnite. Un orientaliste européen avisé, Raymond O'Zoux, prédit même, en 1931, que « ce petit peuple, souple et intelligent, sera bientôt un des premiers au Levant ». En attendant, ledit « petit peuple » investit à tel point l'armée qu'en 1970, elle prit par la force la tête de l’État, en la personne du général Hafez El Assad. 

    Une fois au pouvoir, les alaouites appelèrent en renfort auprès d'eux d'autres minoritaires ayant eu, eux aussi, à pâtir de la majorité sunnite : chrétiens d'Orient, ismaëliens (chiites septimains fidèles de l’agha-khan), druzes (issus lointainement de l'Islam chiite égyptien) auxquels s'agrégèrent ceux des sunnites qui renoncèrent à leur suprématie exclusive et acceptèrent de coopérer avec le nouveau régime. Cet ensemble humain représentant grosso modo un bon tiers des Syriens explique la résistance acharnée depuis 2011 autour d'Assad II, contre des insurgés sunnites armés : à en croire les services secrets occidentaux ces insurgés se répartiraient début 2016 en pas moins de … 163 groupes ou bandes distincts, le principal étant bien sûr Daech !… 

    Un examen de conscience survenant enfin, si Dieu veut, chez les sunnites les plus raisonnables*, permettrait peut-être à la communauté syrienne majoritaire de reconnaître enfin les fautes de ses aïeux et de souscrire à un nouveau système politique qui éliminerait, chez les minorités, autant que faire se peut, la peur de la vengeance ; cette peur qui explique le refus des alaouites (et des chrétiens, et des ismaëliens, etc.) de voir partir Assad fils, dictateur certes, comme son père, mais garantissant la survie des ses soutiens (et longtemps une relative prospérité dans ce magnifique pays qu'est Cham, la Syrie). 

    Quelle solution alors ? Eh bien, peut-être, tout simplement celle qui permet au voisin, le Liban aux dix-sept croyances, de subsister vaille que vaille malgré la guerre de 1975-1990. La peur des chrétiens (qui représentent 30 % environ de la population libanaise)  a été sinon complètement abolie, du moins maintenue à un niveau supportable pour la société : la Constitution du pays garantit donc que le chef de l’État soit toujours un chrétien (de la variété maronite, c'est-à-dire catholique orientale, majoritaire dans la Chrétienté libanaise). Un chrétien qui néanmoins n'a pas le vrai pouvoir, lequel appartient aux sunnites (gouvernement) et aux chiites (assemblée). Un minoritaire alaouite pourrait sans doute jouer ce rôle en Syrie.  •

     

    * Et il s'en trouve parmi cette élite islamo-syrienne, presque unique dans le monde arabophone, par ses qualités intellectuelles. A côté, la minorité alaouite n'est pas en reste : qu'on se souvienne seulement que le patriarche de la poésie arabe, Adonis (né en 1930, de son vrai nom Ali-Ahmed Saïd-Esber), appartient à cette communauté hétérodoxe dont il ne s'est jamais séparé, même s'il vit maintenant en France après avoir vécu au Liban. Ancien élève du Lycée français de Tartous, Adonis est aussi un des phares de la Francophonie littéraire universelle. 

    Lire :

    « Les Arabes ou le baptême des larmes » par M. Hayek, Gallimard, Paris.

    « Guerres secrètes au Liban » par A. Laurent et A. Basbous, Gallimard.

    « Les États du Levant sous Mandat français » (1931), par R. O'Zoux, Larose, Paris. Réédité à notre époque au Liban avec des présentations inédites de Fouad-Ephrem Boustany et de Moussa Prince. 

    Peroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le 360 du 08.01.2016

  • C'est pour la France que l'avenir de l'Algérie a de quoi nous inquiéter ...

     

    Le lundi de Louis-Joseph Delanglade [Inquiétante fin de règne en Algérie], que nous avons mis en ligne hier, a suscité plusieurs commentaires intéressants parmi lesquels celui de Jean-Louis Faure se détache de façon évidente. C'est pourquoi nous le publions en note aujourd'hui de sorte qu'il soit vu du plus grand nombre de nos lecteurs. En matière de politique étrangère, Lafautearousseau s'essaie à dégager une ligne qui soit, tout simplement celle des intérêts français. Or l'explosion qui menace en Algérie constituerait un risque considérable pour la France. Comme Louis-Joseph Delanglade, Jean-Louis Faure indique quelle en serait la nature. Il n'est pas interdit de prévoir. Même au contraire ! De prévoir et d'alerter. Quant à la question de la double-nationalité, que Jean-Louis Faure évoque à fort juste titre en fin de commentaire, nous aurons à coup sûr à y revenir.  Lafautearousseau 

     

    Ne doutons pas de deux évènements à venir :

    • nous sommes à la veille d’un drame,

    • la déflagration viendra de la crise économique.

    Quelques chiffres balisent la catastrophe.

    La démographie avec une population de 40 millions d’habitants dont un tiers a moins de 15 ans ! Jeunesse sans espoir sinon de franchir la Méditerranée.

    Dans ses dernières livraisons de l’Afrique Réelle où ce pays retient toute l’attention de Bernard LUGAN, il nous donne des informations qui laissent sans voix sur la nécessité d’importer des produits vivriers de base de l’agro-alimentaire, loin des belles productions des trois départements ex-français. Remarquable synthèse dans les N° 70 Oct 2015 et suivant, rappelant entre autre qu’au départ des Français, l’industrie représentait 30 % du PIB dans la décénie1970, tombés à 5 % en 2015.

    Les revenus des hydrocarbures sont 60 % du budget. Nous voyons le trou quand les prix s’effondrent en 18 mois. Louis-Joseph Delanglade parle de corruption et de prédation : ce sont 90.000 fonctionnaires et assimilés descendant du FLN et de son organisation qui se partagent le gâteau, pour en distribuer une partie. La France le sait et en connaît les circuits …

    Nous partageons l’inquiétude de Louis-Joseph Delanglade : quand l’explosion se produira les drapeaux algériens décoreront les fenêtres en France, et inutile de parler de cinquième colonne pour se donner un air intelligent. Il ne manquera pas d’Hidalgo, d’Autain, de Pompili, de Guetta, de Cohen FI, de Roger-Petit voire de Cazeneuve et de Valls (mais on pourrait monter plus haut) pour nous expliquer que la ruine du pays est la conséquence de la colonisation !

    Le terreau est là, pour alimenter un islam fondamentaliste (aucun des sigles utilisés par les journaleux ne me convient).

    Souvenons nous des propos du président Pompidou rapportés par Michel Jobert : « il faudrait que l’Algérie et la France se montrent un peu plus d’indifférence ». Depuis cette remarque il y a 40 ans, c’est exactement l’inverse qui s’est déroulé … La question de la double nationalité est brulante. 

  • Inquiétante fin de règne en Algérie

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que la stabilité de l’Algérie est d’autant plus précaire qu’elle tient à un mort en sursis, M. Bouteflika, quasi octogénaire dans son fauteuil roulant et déjà victime de quelques attaques cérébrales. On peut bien sûr penser que le régime se survivra une fois de plus dans un nouvel équilibre entre l’armée et l’ex-parti unique d’un côté, les islamistes de l’autre - à ceux-ci l’emprise sur la société, à ceux-là la réalité du pouvoir. Mais pour combien de temps ? 

    Outre que rien n’est certain, il semble avéré qu’une lutte féroce est en cours. Certains voient un signe dans le récent limogeage du général Médiène, dit Toufik, lequel, à la tête du Département du renseignement et de la sécurité, a toujours été, pendant un quart de siècle, l’ennemi irréductible des islamistes. C’est l’avis de M. Pons dont L.F.A.R. du 22-XII-2015 a reproduit l’article intitulé « Bouteflika veut livrer l’Algérie aux islamistes ». D’autres analysent plutôt l’éviction de Toufik comme une preuve de la mainmise de fait sur le pouvoir de M. Saïd Bouteflika, frère de l’actuel président. Mais les velléités dynastiques de Saïd (le terme de « régence » a même été employé à son propos), en l’opposant à l’armée, en font un allié objectif des islamistes…  

    Il faut aussi prendre en compte l’existence d’une caste de profiteurs du système, lesquels, même s’ils ne constituent pas stricto sensu une oligarchie pourraient le devenir puisqu’ils visent à rien de moins qu’à une appropriation des richesses du pays par un petit groupe d'hommes d’affaires. Là où cela se complique, c’est que « le programme économique des islamistes est assez compatible avec l'idée que se font les oligarques de la gestion de l’Etat » (M. Boucetta, L’expression*). 

    Si les islamistes semblent donc en position de force pour la suite, on ne peut exclure un autre scénario, celui du chaos et de la guerre civile, d’autant que la population algérienne est la première victime de la cure d’austérité qu’impose l’effondrement des cours du pétrole et la persistance d’un prix très bas. L’explosion des déficits qui en est résultée rend de plus en plus difficile, si ce n’est impossible, d’acheter la paix sociale en puisant dans les milliards de l’or noir. 

    Dans tous les cas de figure, il faut s’attendre à des jours mauvais, avec risque de contagion non négligeable, d’abord vers la Tunisie, qui reste le maillon faible de l’ancienne A.F.N. et, n’en doutons pas, exportation vers la France à travers les Algériens, bi-nationaux ou pas. Le roi Hassan II aimait à souligner qu’on n’échappe pas à la Géographie. Rappelons donc que Marseille est à 750 km d’Alger. Rappelons surtout qu’on évalue à plusieurs millions (parfois jusqu’à cinq ou six selon les études citées par Réflexion*) les personnes d’origine algérienne en France. 

    Si l’on en juge par le laxisme récurrent des autorités françaises face aux manifestations « algériennes », à preuve les drapeaux déployés, sur la voie publique (voies de circulation bloquées à l’occasion de mariages; manifestations et saccage du centre-ville de Marseille à l’occasion de matches de foot-ball, etc.) il est impossible que nous soyons épargnés par des troubles graves qui secoueraient l’Algérie. Quant à notre diplomatie, elle semble inexistante, en tout cas apparemment incapable d’agir ès qualités, c’est-à-dire de manoeuvrer, en Algérie même pour déterminer une politique enfin favorable aux deux pays. 

    Les perspectives sont donc très inquiétantes. Euphémisme ?  

    * Quotidien algérien

     

  • Monde • Au secours, encore une élection présidentielle américaine !...

    Symboles des deux principaux partis américains

     

    Par Péroncel-Hugoz

    Péroncel-Hugoz se déchaîne par avance contre le matraquage médiatique lié à la nouvelle campagne électorale aux Etats-Unis qui va résonner dans le monde entier en 2016.

    peroncel-hugoz 2.jpgDans notre jargon journalistique, nous nommons «marronniers» des événements qui reviennent régulièrement au fil de l'actualité, comme la foire aux truffes en Provence, le marché aux moutons de la fête du Sacrifice au Maroc … ou bien l'élection présidentielle américaine. Tous les quatre ans, les téléspectateurs du monde entier sont conviés, durant des heures et des heures d'antenne, à assister au plus grand cirque électoral de la planète. C'est lassant, endormitoire à souhait. 

    En avant donc les «conventions», les «caucus» de la Nouvelle-Angleterre au Nebraska via le Missouri, avec ces cohortes enfiévrées de vieilles dames à cheveux bleutés, coiffées de casquettes à l’effigie de leur candidat et agitant frénétiquement des petits drapeaux nationaux, criant, hurlant, se trémoussant, sautant à l'unisson avec des équipes sportives en survêtements criards et des majorettes sautillantes. Tous les quatre ans, ce spectacle assommant et bruyant est toujours identique, ou quasiment, et il est déversé sur la Terre entière. On n'en peut plus, c'est éternellement pareil, sans oublier les discours creux et redondants, les ovations mécaniquement déclenchées, les sourires dents-blanches des candidats et leurs familles, chiens compris parfois. Et les mêmes musiques assourdissantes et vulgaires, par-dessus le marché ! 

    En plus, les vrais enjeux ne sont presque jamais montrés au grand public car l'élection se joue entre comités de soutien et bons amis des candidats, pour savoir quel sera le plus gros contributeur privé de la campagne ; et en général, c'est le candidat le plus gâté en dons qui sera le chef de l’Etat américain. Il lui faudra alors distribuer, en récompense, quelques nominations honorifiques et on aura ainsi un milliardaire ignorant bombardé ambassadeur en Colombie, et qui croira être en Bolivie … Ou un autre néo-diplomate qui n'arrivera pas à trouver sur une mappemonde le Liban ou le Bhoutan, «trop petits sur la carte» … 

    Cette fois, cependant, on devrait peut-être un peu rigoler si le candidat multimilliardaire Donald Trump (aux nom et prénom dignes de Disneyland ) se maintient ; et s'il y arrive, en plus, il n'aura pas besoin de dons puisqu'il est riche d'au moins dix milliards de dollars, dont cent millions déjà débloqués pour commencer sa campagne. Rappelons au passage que Mister Trump fut lui-même, jadis, l'un des plus importants contributeurs du futur président Clinton … En 2016, Mr Trump pourrait se trouver, pour le Parti républicain, opposé à la candidate du Parti démocrate, Mrs Hillary Clinton, épouse de l'ex-président Bill … 

    Malgré gaudrioles, blagues de mauvais goût, annonces intempestives et fanfaronnades, Mr Trump est pour le moment en tête des sondages parmi les électeurs républicains ; et Michaël Steele, intellectuel métis américain pondéré, qui présida de 2009 à 2011 le Comité national du Parti républicain, n'a pas hésité à déclarer au « Figaro du 18 décembre 2015 : «Trump à un instinct phénoménal de ce que les gens veulent entendre. Il sait se connecter avec eux. Ils disent : ce milliardaire est comme nous. Il pense comme nous ». Et Mr Steele de conclure :  « Ça, c'est de l'or politique !». Quant à moi, à mon modeste rang d'observateur étranger, je me suis dit : si Trump se maintient, à tout le moins le divertissement sera garanti, entre énormités et dérapages ; pour une fois une campagne présidentielle américaine ne serait pas ennuyeuse à périr comme les précédentes …  

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le 360 du 01.01.2016

  • Éric Zemmour : « Entre Ryad et Téhéran, ce n'est pas la guerre. Enfin, pas encore.»

     

     

    L'exécution d'un imam chiite par l'Arabie Saoudite a provoqué des manifestations très hostiles à Téhéran, avec qui Ryad a rompu les relations diplomatiques.

    "Ce n'est pas la guerre entre l'Arabie Saoudite et l'Iran. Enfin, pas encore", affirme Éric Zemmour. "L'ambassade saoudienne à Téhéran brûle et Ryad rompt ses relations diplomatiques avec l'Iran, mais ce n'est pas la guerre, pas encore", insiste le journaliste, pour qui la guerre est pourtant "dans les têtes et dans les cœurs : une guerre de mille ans entre chiites et sunnites, une guerre civile au sein de la nation musulmane". Il explique que si l'Iran est une république et si l'Arabie est une monarchie, "seul le Coran fait loi". 

    Pour Éric Zemmour, "la révolution iranienne de 1979 a refait de la religion le moteur politique du monde arabo-musulman". Il poursuit : "Depuis lors, les deux rivaux s'affichent comme le meilleur musulman, le plus cher à Allah, le plus respectueux de son message divin, même quand il s'agit d'occire les infidèles". Il explique que Téhéran comme Ryad ont fait de l'islam "un message mondialisé, le seul qui depuis la chute de l'Union soviétique s'oppose à sa version occidentale". 

  • Les chrétiens entre pétrole et charia

     

    Une remarquable analyse de Frédéric Pons, comme à l'ordinaire. Un autre aspect des drames du Proche-Orient.

     
    frederic_pons_2.jpgLe pape François a évoqué, en juin, « la vie de milliers et de milliers de familles [qui] semble avoir moins de poids, sur la balance des intérêts, que le pétrole et les armes ». Il désignait ainsi les minorités chrétiennes et yazidis broyées par les persécutions. Après la Turquie et le Liban, l’Irak et la Syrie allongent le martyrologe de la chrétienté orientale. Aux morts et aux disparus, aux femmes et aux enfants volés, violés, vendus, s’ajoute un exode d’une ampleur sans précédent. Des territoires immenses se vident de toute présence chrétienne. Malgré le devoir d’espérance, il est difficile de croire à un retour possible.

    Ces « trafiquants de mort » que dénonce le pape sont les djihadistes en tenue de combat, mais aussi leurs complices — veste et cravate en Turquie, djellabas immaculées dans le Golfe — et les “stratèges du chaos” d’Amérique et d’Europe, rappelle Marc Fromager, le directeur d’Aide à l’Église en détresse (AED). « Entre les différentes opérations militaires, des velléités de redécoupage de la région et un alignement servile sur les intérêts des pétromonarchies, l’Occident aura durablement marqué le Moyen-Orient », écrit-il dans une synthèse remarquable (Guerres, Pétrole et Radicalisme, les chrétiens d’Orient pris en étau, aux éditions Salvator). Père de six enfants, l’auteur n’a jamais cessé d’arpenter ces terres bibliques ravagées par de puissants intérêts géoéconomiques, où la charia, le pétrole et le commerce des armes anéantissent lentement toute trace de présence chrétienne. Cette « stratégie du chaos » a détruit l’Irak puis la Libye, où les milices djihadistes « imposent à la fois la charia et le contrôle juteux de toutes sortes de trafics ». Les semeurs de violence ont recommencé en Syrie : « Les dirigeants sont-ils réellement inconscients ou simplement cyniques ? »

    La France de Nicolas Sarkozy et de François Hollande n’en sort pas grandie. Après avoir abandonné sa responsabilité de protectrice des chrétiens d’Orient, elle aura brillé par son absence de vision stratégique et perdu tout crédit en naviguant à la godille. Jusqu’à ce virage à 180 degrés à propos d’Assad, en novembre, sous la pression de Vladimir Poutine, homme d’État et de convictions, la “divine surprise” de 2015 dans cette région charnière. 

    Frédéric Pons

     

     
  • La guerre monétaire se renforce

     

    par Ludovic Greiling

    En incluant le yuan dans son panier de référence, le Fonds monétaire international a consacré une devise qui n’est pas issue de la sphère américaine. Une grande première en soixante-dix ans, dont les conséquences pourraient être aussi importantes qu’inattendues pour notre finance et notre économie.

    La situation monétaire de la planète est en train de changer. Pour la première fois depuis la création du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale en 1945, une devise qui n’est pas issue de la zone d’influence américaine a reçu une consécration mondiale.

    Ainsi le FMI a-t-il décidé fin novembre d’inclure le yuan chinois dans ses opérations. Jusqu’ici, seuls le dollar américain, l’euro (auparavant, le mark et le franc), la livre sterling et le yen japonais servaient de référence au Droit de tirage spécial – DTS – la devise particulière émise par l’institution basée à New-York. Au 1er octobre 2016, le yuan fera partie du lot, et pas qu’un peu : il sera inclus dans le panier utilisé par le FMI à hauteur de 11 %, contre 8 % chacun pour le yen et pour la livre. Seuls l’euro (31 %) et le dollar américain (42 %) sont considérés comme plus importants que la monnaie chinoise dans les transactions mondiales. Une vraie consécration que Pékin a pourtant appréciée avec discrétion tant ses espoirs étaient importants.

    Yuan-dollar, la guerre en coulisses

    Qu’est-ce qu’un Droit de tirage spécial du FMI ? « C’est la monnaie mondiale émise par le FMI, et qu’il distribue à ses pays membres [en cas de demande de prêts]. C’est simplement un autre type de monnaie, comme le dollar ou l’euro, qui n’est adossée à rien. La seule petite différence, c’est que les DTS ne peuvent être utilisés que par des pays, et non des particuliers. Mais les pays peuvent échanger leurs DTS contre des dollars ou des euros (au sein du FMI, via un mécanisme de transactions secret) », explique l’analyste spécialisé Jim Rickards dans sa lettre financière Intelligence stratégique. Le panier de monnaies dans lequel va être intégré le DTS ne constitue qu’une simple base de calcul pour estimer la valeur de la devise du Fonds monétaire international. Le DTS n’est pas adossé à un panier de devises, mais seulement calculé par rapport aux cours du dollar, de l’euro, du yen, de la livre et l’an prochain du yuan, selon les pondérations décrites plus haut. A quoi sert le FMI ? L’organisme a longtemps prêté à ses pays-membres en dollars seulement. Il a donc participé à la domination du billet vert à travers la planète, car cette monnaie ne peut in fine qu’être réinvestie dans la finance états-unienne. Mais la contestation de ce système – notamment par le général de Gaulle – a poussé le FMI à créer sa propre devise en 1969. En général peu utilisée (le FMI est d’abord prompt à prêter en dollars), elle a néanmoins connu des pics de demande lors des grandes crises de liquidité de 1972, 1980 et 2009. « L’élite au pouvoir ne les fait intervenir [les DTS] que lorsqu’il lui semble que le système monétaire international s’effondre », analyse Jim Rickards.

    L’entrée du yuan dans le panier du Fonds monétaire international destiné au calcul du DTS est donc avant tout symbolique. Elle n’obligera pas dans l’immédiat des banques centrales à acquérir de la devise chinoise. « Elle ne change pas immédiatement notre système actuel de taux de change », a souligné le vice-gouverneur de la Banque centrale de Chine. Mais elle pourrait inciter à terme les gérants internationaux à utiliser davantage le yuan dans leurs transactions. Déjà, la devise chinoise est la première monnaie utilisée dans le commerce de la zone Asie-Pacifique, remarquait l’agence de notation Fitch le mois dernier. « Le renminbi [autre nom du yuan] est toujours en course pour devenir une monnaie mondiale majeure, mais cela dépend de la détermination des autorités dans l’ouverture du marché », souligne l’analyste Robert Koepp de l’entreprise Economist Corporate Network.

    Le FMI va-t-il perdre la main ?

    Les gérants de fonds ne seront définitivement preneurs de la devise chinoise que quand ils pourront l’échanger plus facilement contre des actifs libellés dans cette monnaie. Ce sont donc des actifs chinois qu’ils recherchent en premier lieu. C’est pourquoi le pays a entamé ces deux dernières années une certaine libéralisation de son marché des capitaux pour faciliter l’entrée d’argent étranger. Ainsi Pékin a-t-il donné la possibilité aux entreprises étrangères d’emprunter en yuans sur la place offshore de Hong Kong ou a-t-il lancé un contrat à terme libellé en yuans sur le pétrole. « Le duel monétaire entre la Chine et les états-Unis est un sujet absolument majeur, et il est scruté à la loupe par les agents financiers », souligne l’ancien consultant de la banque Lazard, Antoine Brunet, selon qui les discussions acharnées au FMI ont provoqué une guerre commerciale depuis cet été (voir encadré).

    Dans son combat, Pékin est bien aidé par la Russie, qui a déclaré ouvertement la guerre au dollar américain depuis la mise en place de sanctions financières par Washington en 2014. En exhortant les pays du monde à ne plus utiliser le billet vert dans leurs transactions lors du G20 de Brisbane, en affirmant ouvertement qu’il serait prêt à émettre des obligations d’état libellé en yuans en juin dernier, le Kremlin a donné un sérieux coup de pouce à la devise chinoise.

    La décision récente du Fonds monétaire international, défavorable au dollar, pourrait donc étonner. Mais certains observateurs avancent qu’il cherche ainsi à ne pas être pris de court par deux établissements concurrents récemment lancés : la Banque des pays émergents poussée par la Russie, qui est en train de finaliser son capital de départ, et la Banque asiatique d’infrastructures et de développement créée par Pékin en 2014. Cette dernière a attiré plusieurs pays européens – dont la France – à son tour de table, et elle a annoncé qu’elle effectuerait prochainement son premier prêt … en yuans. 

     

  • Alain de Benoist : « Il ne sert à rien de supprimer Daech si l’on ne sait pas par quoi le remplacer ! »

     

    Nous reprenons ces excellentes - et pertinentes - réflexions d'Alain de Benoist qui visent, au fond, à mettre en garde contre une politique étrangère perpétuellement moralisante, idéologique et sans vision ni projet de long terme. Celle que nous avons, nous aussi, toujours dénoncée ici. Qui fut à la base des tragiques erreurs irakiennes, libyennes, afghanes et autres, dont nous avons aujourd'hui les conséquences dramatiques jusque sur notre sol. LFAR 

     

    1251985609.2.jpgFrançois Hollande a promis aux Invalides de « tout faire pour détruire les fanatiques de l’armée de Daech ». On en prend le chemin ?

    C’est de la gesticulation. Après s’être refusé à bombarder les positions de l’État islamique pendant plus d’un an pour se concentrer sur l’aide apportée aux opposants à Bachar el-Assad, le chef de l’État a seulement décidé d’intensifier nos frappes. Mais des attaques aériennes n’ont jamais permis de gagner une guerre, surtout réalisée par des chasseurs-bombardiers qui ont le plus grand mal à atteindre les cibles mobiles et des ennemis particulièrement aptes à la dispersion et à l’imbrication avec les populations (ne soyons pas naïfs au point de croire que nos frappes ne touchent que des djihadistes !). On compte à l’heure actuelle de vingt à trente frappes par jour sur un territoire grand comme la Grande-Bretagne, soit environ 8.300 frappes depuis le début des bombardements. Les frappes réalisées par nos avions de combat ne représentent que 4 % de ce total. Elles ont, au mieux, permis de détruire 1 % du total des effectifs armés de Daech. On est loin du compte.

    Qui dit guerre dit effort de guerre. Or, depuis des années, les budgets militaires sont les parents pauvres de la dépense publique. Passés désormais au-dessous du seuil de suffisance, ils ne permettent plus d’assurer nos missions régaliennes dans un monde qui devient pourtant toujours plus dangereux. Parallèlement, des milliers de militaires qui pourraient être mieux employés ailleurs ont été transformés en vigiles de rue (les opérations Vigipirate et Sentinelle mobilisent l’équivalent de deux brigades, alors que nous n’en avons que douze). Comme l’a dit le colonel Michel Goya, « il est toujours délicat de jouer les gros bras quand on n’a plus de bras ».

    Que faudrait-il faire ?

    Chacun sait bien qu’on ne pourra pas faire éternellement l’économie d’un envoi de troupes au sol. Mais personne ne s’y résout pour l’instant. Citons encore le colonel Goya : « Il n’y a combat dit asymétrique et résistance souvent victorieuse du “petit” sur le “fort” que tant que ce dernier craint de venir combattre sur le terrain du premier […] Quand on ne veut pas de pertes, on ne lance pas d’opérations militaires. »

    S’assurer de l’étanchéité de la frontière avec la Turquie, aujourd’hui inexistante, serait l’un des premiers objectifs à atteindre. La Turquie joue, en effet, un jeu irresponsable. Tout ce qui l’intéresse est de nuire à Bachar el-Assad et d’empêcher la naissance d’un État kurde indépendant. Elle aide directement ou indirectement Daech, et elle le finance en lui achetant son pétrole. Elle n’a pas hésité à abattre un avion russe parce que celui-ci bombardait des convois pétroliers, et les États-Unis lui ont apporté leur soutien dans cette agression d’une gravité inouïe au seul motif que les Turcs sont membres de l’OTAN.

    Cela pose la question de nos rapports avec l’OTAN, dont le général Vincent Desportes n’hésite pas à dire qu’elle est devenue une « menace sur la sécurité des Européens » et un « outil de déresponsabilisation stratégique » qui « nous prive des moyens de gagner des guerres et constitue le meilleur obstacle à l’édification d’une défense commune européenne indépendante ». À l’inverse, cela devrait nous amener à collaborer sans arrière-pensées avec tous les ennemis de nos ennemis, à commencer par la Russie, la Syrie et l’Iran. Mais soyons sans illusions : tous les spécialistes savent que cette guerre ne peut être qu’une entreprise de longue haleine, qui va durer au moins dix ou vingt ans.

    À supposer que les Occidentaux – ce terme est employé à dessein – aient la capacité technologique de gagner la guerre contre le terrorisme, comment ensuite gagner une paix durable ?

    Parler de « guerre contre le terrorisme » (ou « contre le fanatisme »), comme le font les Américains, n’est qu’une façon détournée de ne pas nommer l’ennemi. Notre ennemi n’est pas le terrorisme. Notre ennemi, ce sont ceux qui utilisent le terrorisme contre nous – et qui nous ont à ce jour plus terrorisé que nous ne les avons terrorisés nous-mêmes. On a tendance, aujourd’hui, à présenter les interventions militaires comme des « opérations de police ». C’est oublier qu’il y a une différence essentielle entre les unes et les autres, car la guerre aspire à la paix par la victoire, tandis que la police poursuit une mission sans fin (on ne fait pas la paix avec les délinquants). Refuser le statut d’ennemis à ceux que l’on combat, c’est s’engager dans des hostilités qui n’en finiront jamais.

    Lutter contre l’État islamique implique de s’attaquer aux causes premières de sa force, lesquelles ne sont pas militaires, ni même religieuses, mais fondamentalement politiques. Il ne sert à rien de supprimer l’État islamique si l’on ne sait pas par quoi le remplacer. S’imaginer que les choses reprendront leur cours normal une fois qu’on aura fait disparaître les « fanatiques » et les « psychopathes », c’est rêver debout. Cela exige une intense activité diplomatique, à la fois nationale et surtout régionale. Au bout du compte, une grande conférence internationale sera nécessaire, qui devra sans doute envisager un remodelage des frontières. Mais dans l’immédiat, il faudrait déjà en savoir plus sur l’État islamique, et se demander – la question a été posée récemment par Xavier Raufer – comment il se fait que ses principaux dirigeants ne sont justement pas des islamistes, mais le plus souvent des anciens cadres de l’armée de Saddam Hussein.  •

    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier

    Boulevard Voltaire

     

     
  • Que faire face à l’État islamique ?

     

    par Georges-Henri Soutou

    Les attentats du 13 novembre ont ouvert les yeux de ceux qui refusaient encore de le voir : la France est engagée dans une guerre, à la fois intérieure et extérieure, contre l’État islamique. Reste une question : que faire ?

    Les attentats du 13 novembre à Paris l’ont démontré : la France est désormais totalement impliquée dans la crise géopolitique provoquée par l’État islamique (EI). Plus encore, du fait de la présence d’une considérable population d’origine musulmane sur notre territoire, la paix civile et les structures mêmes de notre pays sont directement visées par cette forme nouvelle de terrorisme international.

    L’EI n’est sans doute qu’un proto-état, mais il administre un territoire. Et il contrôle des terroristes à l’extérieur de ses frontières : comme l’affirme un rapport émanant des services du procureur général de la Confédération helvétique, récemment publié dans la presse suisse, certains des auteurs des attaques contre Paris venaient de Syrie. Ses moyens financiers, considérables, lui viennent du racket local, de la vente du pétrole, du trafic d’œuvres d’art. Son stock d’armes, d’origine irakienne, n’a rien à envier à celui des états voisins et le risque serait qu’il puisse un jour se doter d’armes chimiques. Le but de l’EI est d’établir un « califat », d’abord sur le Moyen-Orient puis élargi à l’ensemble des pays musulmans.

    Certes, ses troupes ont subi récemment des revers sur le terrain, face aux forces kurdes et irakiennes en particulier. Mais il poursuit de toute évidence une double stratégie. Une stratégie offensive d’expansion territoriale, qui s’exerce actuellement en direction de la Libye et qui, à terme, vise l’Arabie saoudite, fragile et à la position ambiguë. Et une stratégie défensive, destinée à empêcher toute intervention extérieure sur son territoire. Cette dernière s’est d’abord traduite par une guerre « asymétrique », à l’origine de l’État islamique, menée par d’anciens militaires irakiens sunnites entrés en révolte après l’occupation américaine et britannique. Guerre victorieuse puisqu’elle a largement réussi à faire échouer les projets de Washington en Irak, la quasi-totalité des troupes américaines quittant le pays avant sa stabilisation politique.

    Un terrorisme multiforme

    Le terrorisme international est ensuite devenu l’autre forme de cette guerre « asymétrique ». L’attentat à la gare d’Atocha (190 morts), à Madrid, en 2004, a précipité la défaite électorale du conservateur Aznar… et le retrait des troupes espagnoles d’Irak. Quant aux attentats du 13 novembre à Paris, ils ont isolé la France au sein d’une Union européenne où beaucoup pensent que Paris aurait été mieux inspiré de ne pas aller bombarder les positions de l’EI. C’est précisément l’objectif recherché : faire pression sur Paris pour qu’il renonce à intervenir. à cela s’ajoute le fait que l’EI ne peut que tirer profit d’une sidération de l’Europe face à la crise des migrants et à la radicalisation de certains jeunes musulmans européens qui vont grossir les bataillons de Daech.
    Ce terrorisme est donc multiforme : autochtone, il puise ses forces vives dans nos banlieues ; international, il pratique avec Daech un terrorisme d’« État flou » qui consiste à isoler les dirigeants des pays visés en terrorisant leurs opinions publiques, à dialectiser les différentes composantes de l’adversaire et à provoquer, par le cycle attentats-répression, des réactions de solidarité de certaines populations avec les terroristes.

    Que faire ?

    Face à l’État islamique, deux priorités doivent guider l’action de la France : la sécurité chez nous et la stabilisation du Proche-Orient, mais aussi de l’Afrique du Nord et du Sahel. Car c’est bien l’immense monde sunnite qui est en jeu et qu’il faut considérer dans son ensemble. La situation s’est tellement aggravée que l’attitude d’abstention prônée par certain – qui était sans doute la bonne en Irak en 2003 et l’eût été sans aucun doute en Libye en 2011 –, n’est plus suffisante face à l’EI.

    Il s’agit donc de concentrer ses forces et de diviser celles des adversaires. Du point de vue français, l’urgence est à la recherche d’alliés. Force est de constater qu’actuellement nos intérêts stratégiques convergent avec ceux de la Russie et de l’égypte mais sont opposés à ceux de l’Arabie saoudite et de la Turquie et différents de ceux des États-Unis qui considèrent toujours que leurs adversaires principaux dans la région sont les Russes et les Iraniens.

    Au Sahel, la France ne peut pas faire l’impasse sur une coopération avec l’Algérie, même si les relations sont complexes. Le danger serait de refaire l’erreur de la guerre froide en subsumant tout sous le conflit contre l’EI. Il y a des oppositions locales à exploiter, entre sunnites, ou à propos des Kurdes. La situation doit s’apprécier de façon rigoureusement objective.

    Action extérieure et action intérieure

    La nouveauté du conflit implique une coordination précise entre action extérieure et action intérieure. à l’extérieur, il faut se concentrer sur l’adversaire principal – qui n’est pas Assad ! – et diviser les autres. Premièrement : viser les ressources vulnérables de l’État islamique (transports de pétrole, trafics d’œuvres d’art, flux financiers internationaux). Deuxièmement : s’appuyer sur les éléments chiites de la région pour le refouler sur le terrain car les Kurdes refuseront d’intervenir au-delà des limites de leur territoire. De plus, ces derniers compliquent encore les relations de l’Occident avec la Turquie, puissance sunnite et de plus en plus « ottomane ».

    A l’intérieur, une politique antiterroriste, dure mais chirurgicale, s’impose : elle doit éviter de solidariser les musulmans avec les extrémistes tout en intégrant les deux directions stratégiques, intérieure et extérieure. Dans l’immédiat, Paris peut agir sur des problèmes particuliers : cesser l’opposition systématique à Assad (discrètement, nous avons déjà commencé) ou réexaminer la question touarégue qui préexiste au problème islamiste au Mali.

    Une politique d’équilibre

    A plus long terme, quelle pourrait être l’évolution de la situation ? On sait la volonté des Etats-Unis et de leurs alliés, en particulier l’Arabie saoudite, de créer un grand ensemble sunnite. En face, l’Iran, allié à la Russie, l’Irak et des groupes chiites comme le Hezbollah libanais, entendent constituer un ensemble chiite, géographiquement d’ailleurs beaucoup moins étendu que celui de leurs rivaux. En effet, les ambitions iraniennes sont régionales alors que le sunnisme s’étend de l’Atlantique à l’Asie centrale.

    Viser à l’équilibre entre ces deux grands groupes est l’intérêt de la France, même si, comme c’est probable, les frontières héritées de la Première Guerre mondiale et de la fin de l’Empire ottoman ne survivent pas à la crise actuelle. En outre, avec l’aide de la Russie et de l’Égypte, le deuxième volet de cette stratégie différenciée viserait à permettre aux minorités religieuses – notamment chrétiennes, druzes, alaouites – de se maintenir le long de la Méditerranée, à portée d’intervention aéronavale, dans des états, comme le Liban ou la Syrie, encouragés à leur faire un sort correct. Quant aux États-Unis, ils continueront à garantir en dernier recours la sécurité d’Israël. Mais tant que Jérusalem n’aura pas accepté une solution étatique à la question palestinienne, toute tentative de reconstruction et de stabilisation du Moyen-Orient échouera tôt ou tard.

    En ce qui concerne la menace déjà actuelle sur la Libye, qui grandit de jour en jour, la solution pour notre pays est la même qu’au Sahel : coopérer avec l’Égypte et les pays d’Afrique du Nord dont les dirigeants sont directement concernés par la menace islamiste. Le chemin sera long et difficile. Il implique de plus de revoir notre organisation de défense et de sécurité. En admettant enfin la notion si discutée d’un continuum sécurité-défense. 

    de l'Institut. Historien

  • Bouteflika veut livrer l’Algérie aux islamistes

     

    par Frédéric Pons

    L'on sait que nous suivons avec attention les remarquables analyses géopolitiques de Frédéric Pons dans Valeurs actuelles : parce qu'elles procèdent d'une parfaite connaissance des dossiers et d'une approche des grandes questions toujours réaliste et d'un rare bon sens. D'autre part, la situation de l'Algérie et ses possibles évolutions nous paraît devoir être pour la France un grave et constant objet de préoccupation. Non en soi-même, mais parce que, de fait, l'Algérie reste, en un sens, que nous le voulions ou non, indissolublement liée à la France. Alger est à six- cents kilomètres de Marseille, plusieurs millions d'immigrés algériens ou d'origine algérienne vivent en France, enfin la France conserve certains intérêts en / ou avec l'Algérie. Que ce pays entre en convulsion, qu'il soit submergé par l'islamisme le regarde. mais malheureusement, nous regarde aussi si l'on songe aux très graves conséquences, en France et hors de France, que pourrait avoir pour nous une brusque dégradation de la situation en Algérie. C'est aussi - c'est surtout - en ce sens que l'article qui suit nous intéresse. LFAR

     

    frederic_pons_2.jpgLe récent séjour médical d’Abdelaziz Bouteflika à Grenoble et la vague de limogeages qui affecte l’appareil sécuritaire algérien confirment l’accélération du processus de transition à Alger, dont devraient profiter les “néo-islamistes” algériens. Réélu pour un quatrième mandat, en avril 2014, Bouteflika ne gouverne plus que sous le contrôle de son frère Saïd et du clan présidentiel. L’armée est déjà à leur botte. Ils sont en train de casser le redoutable DRS (Département du renseignement et de la sécurité), la seule structure encore capable de s’opposer à eux. Réputé inamovible depuis vingt-cinq ans, son chef, le mystérieux général Mohamed Lamine Mediène, “Toufik”, vient d’être brutalement débarqué, comme le patron de l’antiterrorisme, le chef de la garde présidentielle et une quarantaine d’autres généraux ou officiers, écartés ou emprisonnés pour d’obscures raisons. “Toufik” ne veut pas se laisser étouffer. Il vient de dénoncer « une injustice » à l’égard de ses anciens subordonnés, appelant à « laver l’honneur des hommes qui se sont entièrement dévoués à la défense de l’Algérie ».

    Cette sortie sans précédent — “Toufik” ne s’était jamais exprimé publiquement — confirme les fortes tensions au sommet de l’État. « Le couteau a atteint l’os » (la situation est grave), dit Khalida Toumi, ex-ministre de la Culture, membre du “groupe des 19”, des cadres de la nomenklatura algérienne qui demandent à être reçus par Bouteflika. « Le président est pris en otage par son entourage direct », estime Lakhdar Bouregaâ, ancien commandant de la wilaya IV (Algérois), membre de ce groupe. Tous redoutent l’arrivée au pouvoir des islamistes que Bouteflika a amnistiés de façon très généreuse depuis 1999 puis insérés au plus haut niveau de l’économie algérienne. Proches de l’AKP turc, ces “islamo-conservateurs” avaient un dernier obstacle à lever : la menace latente du DRS, aux ordres des généraux “éradicateurs” qui les avaient vaincus entre 1992 et 1999. Leur élimination ouvre aux barbus algériens les portes du pouvoir.

    Bouteflika leur laissera un beau cadeau : la plus grande mosquée d’Afrique, Djamaâ El Djazaïr, dotée d’un minaret de 270 mètres dominant la baie d’Alger. Ce projet pharaonique — la “mosquée Bouteflika” — devrait coûter 1 milliard d’euros. 

    Frédéric Pons

  • Coup de poker ?

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Naissance, donc, à Ryad d’une grande « coalition islamique antiterroriste » : dénomination qui a le mérite de la clarté mais qui ne peut manquer de susciter certaines interrogations, tant la situation est embrouillée. Trente-quatre pays musulmans réputés sunnites - ce point est important - parmi lesquels des poids-lourds régionaux comme la Turquie et l’Egypte seraient donc d’accord pour « combattre le terrorisme militairement et idéologiquement ». Il est toujours possible qu’à moyen terme cette coalition finisse par engager réellement des troupes au sol contre l’Etat islamique. Cela pourrait d’ailleurs constituer, au moins dans un premier temps, une aubaine pour des pays « occidentaux » dont l’engagement, fondé pour l’essentiel sur des frappes aériennes, montre ses limites. 

    Ce qui est sûr, c’est que la manoeuvre séoudienne répond à un triple objectif au plan international. D’abord se dédouaner de la légitime suspicion qui pèse sur les relations troubles qu’entretiennent le wahhabisme séoudien et la mouvance salafiste jihadiste : si l’Etat séoudien lui-même n’est pas directement partie prenante, ce sont bien une école de pensée et des financements venus du royaume qui sont en cause. Ensuite réaffirmer ses propres prétentions à la conduite de l’ « Umma » (ensemble de la communauté musulmane) que lui conteste de fait l’instauration du califat d’Abou Bakr Al-Baghdadi. Enfin, affaiblir le parti chiite conduit par l’ennemi irréductible, l’Iran, pour l’instant en pointe contre l’Etat islamique : Ryad cherche donc à instrumentaliser la lutte contre l’E.I. pour mieux contourner le croissant chiite. 

    Cependant, en voulant sortir de l’ambiguïté, se poser en chef de file de l’islam sunnite et s’impliquer davantage au niveau régional, le gouvernement séoudien pourrait bien, sur le plan intérieur, bouleverser l’équilibre fondateur du régime entre wahhabisme et famille royale. Jusqu’où pourrait-il aller dans cette voie ? Qui peut dire jusqu’où se propagerait l’onde de choc que provoquerait une déstabilisation de la monarchie ? L’Arabie Séoudite ferait ainsi courir à tous le risque d’un embrasement général du Proche-Orient dont les conflits localisés (Syrie-Irak et Yemen) n’auraient été que les prémices. 

    Pour les béats (France Inter, encore et toujours) cet engagement séoudien, « sortant d’un silence qui finissait par passer pour une connivence », est la preuve que l’islam n’a rien à voir avec le terrorisme, les soldats de l’E.I. devenant de facto des « hérétiques » (sic). On nous permettra d’être sceptique, d’accord en cela, une fois n’est pas coutume, avec la plupart des commentateurs - « coup de pub », « coup de com »,   « jeu de dupes », etc. On attend de connaître la position du gouvernement. On se rappelle les propos de M. Valls sur le Qatar et l’Arabie Séoudite, peu après les attentats de novembre (« Je n'ai pas de raison de douter de l'engagement de ces deux gouvernements »). On ose espérer qu’au delà d’une déclaration de circonstance, M. Valls n’est pas assez naïf pour ne pas douter et que la politique proche-orientale de la France ne reposera pas sur un acte de foi.