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Algérie : Un drôle du curé pied-noir ...

 

Par Péroncel-Hugoz 

Poursuivant sa petite fresque sur l’Algérie d’antan, Péroncel-Hugoz fait revivre ici une figure oubliée de l’Algérie coloniale puis indépendante, victime et de la justice française et de la dictature algérienne… Vétéran des grands-reporters du « Monde », Péroncel-Hugoz a travaillé dans plusieurs pays arabes avec une longue halte en Algérie où il eut sérieusement maille à partir plusieurs fois avec les autorités. Il poursuit une série de chroniques consacrées à ses « années algériennes ». Elles nous disent aussi quelque chose de l'Algérie d'aujourd'hui.

 

Quand j’arrivai à Alger, en 1965, l’abbé Alfred Bérenguer, curé de Remchi-Montagnac, en Oranie et député de cette région, était célèbre car il avait seul – avec un élu de Tiaret, Kaïd Ahmed, hiérarque du parti unique mais homme de cœur – osé protester urbi et orbi contre une loi de l’Assemblée constituante algérienne établissant une citoyenneté à étages dans la nouvelle république : la citoyenneté des musulmans, « irrévocable », et celle des non-musulmans, donc les pieds-noirs et quelques israélites indigènes, « révocable » … Ni Bérenguer ni son collègue mahométan ne furent entendus par un régime qui – hélas ! – dès le début, avait montré, sous l’influence de ses protecteurs soviétiques, une tendance grandissante à l’autocratisme. 

Le prêtre-député, écœuré, se retira de la politique pour se consacrer à ses paroissiens oranais et à ses Mémoires*. Mais, de même que durant la guerre d’Algérie (1954-1962), il avait reçu nuitamment, à la barbe des Français, dans sa cure de Montagnac le futur colonel-président Boumedienne, et donné des remèdes à ses moudjahidines, il continua, après son départ de l’Assemblée, à recevoir des décideurs locaux ou étrangers et, bien sûr, des journalistes friands de ses analyses caustiques et de son humour ravageur… L’instauration, dès 1965, d’un régime militaire à Alger par, justement, l’ex-visiteur nocturne Boumedienne, ne changea rien en apparence au sort du Père Alfred resté libre d’aller et venir et de recevoir qui il voulait, mais la police secrète (voir à ce sujet mon précédent « coup de dent ») n’eut pas la même retenue envers les visiteurs du curé d’Oran. Ayant été de ceux-là, en 1988**, dans le chef-lieu de l’Ouest algérien, après les sanglantes émeutes de la jeunesse urbaine, je fus littéralement enlevé dans mon hôtel oranais par trois ou quatre « gorilles » muets qui me réexpédièrent aussi sec, par avion, à Alger où, après, j’eus ma voiture de location fracturée et ma chambre à l’hôtel Saint-Georges grossièrement fouillée. Je repartis donc de moi-même pour Paris où je publiai dans « Le Monde » mes reportages brûlants pour lesquels Bérenguer et des relations locales à lui m’avaient pas mal aidé. 

La trop fameuse Sécurité militaire (SM) était certainement au courant des « incartades » de l’ « abbé-fellaga » mais, à cause même de ce surnom il était intouchable : durant la guerre d’indépendance, forcé de quitter l’Algérie française à cause de ses contacts avec les maquisards indépendantistes, il avait été condamné par contumace à dix ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’Etat français en Algérie », et cela en dépit de sa croix de guerre obtenue dans la gehenne du Mont-Cassin. Bérenguer, sans adhérer stricto sensu au Front de libération nationale algérien accepta donc, en 1959, une tournée humanitaire en Amérique du Sud, au nom du Croissant-Rouge algérien mis en place par les nationalistes. A Cuba, un petit « sommet Castro-Bérenguer » inquiéta tellement le général de Gaulle, alors président de la France, qu’il envoya en contrefeu à La Havane rien moins que le ministre-écrivain André Malraux … 

D’abord retiré à Tlemcen, à partir de 1990, l’ex-curé pied-noir de Montagnac puis Oran mourut en 1996, plus qu’octogénaire, à Aix-en-Provence mais il voulut être inhumé dans sa terre natale oranaise. Comme le rappela alors son double compatriote, le journaliste Slimane Zeghidour, Bérenguer, « cet Algérien à part entière », refusa toujours toute pension ou autre avantage de la part de l’Algérie indépendante où le discriminatoire Code de la nationalité, qui avait tant encoléré le brave curé, est toujours en vigueur en 2016 … 

Péroncel-Hugoz 

Prochain et dernier article de cette série : « Assassinat d’un poète.» 

* «Un curé d’Algérie en Amérique latine, 1959-1960», Société nationale algérienne d’édition et de diffusion, 1966. Lire aussi « Entretiens d’Alfred Bérenguer avec Geneviève Dermendjian », le Centurion, Paris, 1994. 

** Non plus comme correspondant du  jounal «Le Monde» en Algérie que j’avais quittée en 1973 pour l’Egypte, mais en tant qu’envoyé spécial de ce même journal.

Repris du journal en ligne marocain le 360 du 12.02.2016

 

Commentaires

  • Il m'est impossible de laisser passer cet article sans intervenir!
    Tout d'abord JE suis un Pied-Noir, fierté que je partage avec quelques centaines milliers de survivants en voie d'extinction proche; l'abbé Berenguer n'en était pas un. En tant qu'homme il avait choisi d'etre algerien,et dans ce cas précis la double nationalité n'était pas possible!Dés qu'il s'est rangé du coté du FLN la déchéance"nationale" de sa communauté d'origine était automatique. On ne peut etre du coté des egorgeurs et des égorgés a la fois.
    En tant que pretre la position de Berenguer a été indéfendable. On peut accepter d'un pretre qu'il tienne "balance égale" entre tous les hommes,chretiens ou non,c'est une des facettes difficiles de cet état. Moi qui ne suis pas chretien ,sans "haine de l'autre",bien au contraire (je crois que la diversité du monde fait sa richesse et sa beauté) j'ai du mal avec cette idée,mais je la comprends et l'admets. Pourtant un pretre en charge d'une paroisse est en charge,tout de meme ,avant tout,de ses ouailles,non? Berenguer les a trahies et et trompées,il leur a menti : il ne tenait pas "balance égale"!Il avait fait le choix des assassins qui eventraient les femmes enceintes,egorgeaient les enfants,coupaient le sexe des hommes pour le leur enfoncer dans la bouche, (Et davantage d'autres musulmans que de Pieds Noirs!) trainaient les jeunes soldats faits prisonniers derriere les mulets jusqu'a ce qu'ils meurent écorchés ,ou encore qui posaient les bombes fabriquées par les communistes dans le pied des lampadaires métalliques qui explosaient a l'heure de sortie de l'école,tuant femmes et enfants musulmans et européens mortellement mélés. Le choix de ceux aussi qui massacrerent de façon atroce des dizaines de milliers de harkis ,qui avaient,bien a tort,choisi la France....
    Il n'avait pas adhéré "stricto sensu"? Trop mignon,trop délicat! Pensait-il qu'il n'avait pas de sang sur les mains? Comme Ponce Pilate? Trop facile,Berenguer (Et Peroncel Hugoz......)
    Moi qui me suis battu pour l'Algerie Française,pardon,pour une Algerie Nouvelle,en partie française,je n'ai tué personne,par hasard,mais je SUIS SOLIDAIRE de mes freres qui ont du le faire ,le sang qu'ils ont versé est sur mes mains aussi.
    Cette Algérie Nouvelle (nous savions bien que rien ne serait plus jamais comme avant!) un vrai pretre aurait eu a coeur d'essayer d'en faire comprendre la necessité aux chretiens de sa paroisse,d'en dessiner les contours,de rapprocher les communautés ,au lieu de choisir UN camp! Celui de la Haine et du sang!
    Berenguer n'était ni un Pied Noir ,ni un "brave curé".
    Et pour couronner le tout c'était un idiot :il s'est étonné que l'Assemblée Algerienne décrète une "citoyenneté a étages" ? mais c'est la Dhimmitude! Le statut des non-musulmans en terre d'Islam depuis Mahomet!
    Peroncel Hugoz est ,désolé mais c'est ainsi,un Dhimmi; Désolé encore mais il en est imprégné.
    Son Maroc est aussi une terre d'Islam pur et dur! Mon ami Omar marocain non -musulman ,qui vit a paris a du payer pour la construction de la Mosquée Hassan II ,faute de pouvoir revenir au Maroc sans y etre incarcéré. Najat Vallaud Belkacem siège au Conseil de la Communauté Marocaine a l'etranger sous le nom de Najat Belkacem, car selon la loi marocaine,qui est celle de la charia ,elle n'est PAS mariée a Boris Vallaud! Elle n'en n'a pas le droit....etc,etc....Tout cela et le reste PH le sait bien,mieux que nous! Il l'accepte pour le plaisir de vivre au Maroc plutot qu'en France (et je le comprends....) mais cela fait de lui un Dhimmi volontaire.
    Je vais sans doute deplaire mais le Roi est nu.......

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