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Idées, débats... - Page 474

  • Le film sur Charette, « C'était une fois dans l'Ouest » vient de sortir

     

    En voici une première recension, et le site sur lequel vous trouverez tout ce que vous voulez savoir sur ce film :

    www.cetaitunefoisdanslouest.a3w.fr

     

    « ...Avant tout, je suis vendéen - dit Eric Dick - et l'histoire des guerres de la Vendée militaire fait partie de mon identité, de ma culture : elle est toujours présente pour les habitants de la région et nous al portons en nous. Cette histoire revêt un caractère universel; les Vendéens ont souffert; ils ont été exterminés par cette nouvelle république parce qu'ils croyaient en Dieu, et leur roi et qu'ils ont refusé de mettre de côté leurs convictions. Ils en sont sortis grandis...

    ...La première chose qui m'importait était de donner la parole aux Vendéens. Les rares documentaires qui existent sur le sujet donnent un point de vue assez parisien des évènements, souvent centré sur Robespierre. A l'opposé, j'ai voulu que cette période tragique, de 1793 à 96, soit rapportée par des gens du terroir et du peuple...

    ...Voilà un peuple qui a osé se dresser et se battre contre ce qui représentait à ses yeux une invasion, craignant de voir ses croyances anéanties. Ce soulèvement contre un envahisseur peut se transposer aisément à notre époque, où l'islamisation est ressentie de plus en plus comme une agression culturelle. Je pense qu'à terme les mêmes causes conduiront aux mêmes effets...  »

    3828720459.jpg

    Le drapeau de Charette

     

  • LIVRE • Paris dessiné

     

    Par Anne Bernet

     

    anne bernet.pngLe Bureau des Affaires Publiques, nom trompeur d’une mystérieuse officine policière prétendument fondée par Clemenceau, est chargé de résoudre en toute discrétion les affaires parisiennes liées à l’ésotérisme. Dirigé par un maître des sciences occultes, le BAP n’ignore rien des puissances cachées au cœur de la capitale : démons, fantômes, esprits aquatiques de la Seine et ses affluents…

    Membre du BAP, Victor, petit escroc bon connaisseur des secrets ténébreux, s’est cru assez fort pour jouer en solo, mais le désenvoûtement qu’il a pratiqué au théâtre du Vieux Colombier, hanté par une entité mauvaise, a tourné au désastre. Et, lorsque l’on découvre, sur le parvis de Notre-Dame, une pièce d’or absolument pur, le BAP n’a plus de doute : le Cavalier bleu, le maître de la pierre philosophale, disparu pendant l’Occupation, n’a pas regagné pour rien son ancien domicile parisien. Le duel qui l’a jadis opposé à Raven, son ancien disciple passé du côté obscur, a repris. Car la pierre philosophale ne sert pas qu’à fabriquer de l’or…

    Inutile de dire que l’on n’y croit pas une seconde. Et cela n’a aucune importance. D’abord parce que les intrigues fantastiques de Pécau ont beaucoup de charme, et surtout parce que le dessin de Dim.D sublime Paris et vous le fait voir d’un œil neuf. L’album vaut d’être acheté, ne serait-ce que pour ses vues de Notre-Dame, de la place Saint-Georges, de l’Opéra ou du Champ de Mars sous un ciel de neige. 

    Paris Maléfices tome 2 ; L’or du millième matin, de Pécau et Dim.D., éditions Delcourt ; 56 p ; 14,50 €.

     

  • De la Monarchie de Louis XIV à la République de Monsieur Hollande

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgUn jour, le soleil s’est couché et il ne s’est pas relevé… C’était le 1er septembre d’il y a trois siècles : et pourtant, comme il l’avait promis, sa mort physique marque aussi sa « sur-vie » politique, au-delà de son temps et pour la mémoire des siècles, par la reconnaissance que l’Etat est maître du pays, par son administration et son autorité, mais aussi à travers ses monuments, autant Versailles que ce que Napoléon qualifiera des « masses de granit », c’est-à-dire les grands principes qui fondent l’Etat moderne et son fonctionnement. Louis XIV, d’une phrase célèbre prononcée sur son lit de souffrance et de mort, déclare : « Messieurs, je m’en vais, mais l’Etat demeurera toujours », sorte d’explication de texte à la formule rituelle de la Monarchie française « Le roi est mort, vive le roi », qui, après le dernier soupir du monarque, fut prononcée comme une évidence « absolue » au balcon du palais royal. 

    Dans La Croix (samedi 29-dimanche 30 août 2015), Frédéric Mounier écrit joliment que « Louis XIV fait naître la France » pour expliquer qu’il met en place les structures d’un Etat qui, d’une manière ou d’une autre, sera renforcé au fil des règnes et des circonvolutions de l’histoire, sans doute bien au-delà et pas forcément dans le même esprit (au contraire de ce qu’affirme Tocqueville) que celui de son incarnation la plus emblématique, celle-là même qui fit déclarer au roi-soleil, post-mortem et « faussement », « l’Etat c’est moi » ! Mais il est des faux, et celui-ci est de Voltaire dans son « siècle de Louis XIV », qui révèlent mieux la vérité que cette dernière elle-même quand elle n’ose se mirer dans les glaces de son palais ou se parer de grands mots, atours parfois vains du prestige : humilité royale, sans doute, peu compréhensible en nos temps d’egolâtrie républicaine… Evidemment que c’était lui, l’Etat, et il a passé son temps et usé ses énergies à le faire comprendre à tous ceux, féodaux du service d’eux-mêmes, qui oubliaient qu’ils devaient plus à la France qu’elle ne leur devait. Mais Louis XIV n’était « que » l’Etat et son Etat n’était pas encore ce Moloch ou ce Minotaure qu’il devint avec la Révolution et l’Empire, et que Bertrand de Jouvenel a si bien décrit et compris dans son ouvrage « Du pouvoir » publié dans les années 1940. 

    Si l’Etat royal devint plus fort sous et par Louis XIV que jamais il ne l’avait été auparavant, il restait fondateur et non uniformisateur, ce que, à travers sa formule sur la France considérée comme « un agrégat inconstitué de peuples désunis », le Mirabeau de 1789 reconnaissait pour mieux s’en plaindre, tout comme le fameux abbé Grégoire qui ne trouvait pas de mots assez durs pour fustiger cette diversité qui, pourtant, fait aussi la réalité de la France. Avec Louis XIV, la Monarchie devenait fédératrice, elle ordonnait autant qu’elle unifiait symboliquement autour du roi, et de la pluralité foisonnante de la France, elle gardait le côté pluriel mais aiguisait l’épée politique : l’Etat se musclait, il ne s’engraissait pas vainement … 

    Trois siècles après la mort du monarque-Apollon, qu’est devenu cet Etat qui fut sien avant que d’être officiellement « nôtre » par la grâce de la démocratie ? Si le fondateur de la Cinquième République fut, avec quelque raison sans doute, souvent comparé à Louis XIV (en particulier par ses opposants) et caricaturé comme tel par le dessinateur Moisan dans Le Canard enchaîné (qui en fit quelques recueils à succès avec André Ribaud), ses successeurs récents n’en ont guère la stature et font penser à cette phrase terrible du général de Gaulle rapportant sa rencontre cordiale mais vaine avec l’ancien président de la République Albert Lebrun, celui de 1940 : « Au fond, comme chef de l’Etat, deux choses lui avaient manqué : qu’il fût un chef ; qu’il y eût un Etat ». Effectivement, entre les mains des perpétuels présidents-candidats, l’Etat semble laisser filer ses fonctions et ses responsabilités régaliennes pour ne plus être qu’un « Semble-Etat » selon la formule si expressive de Pierre Boutang … 

    C’est quand elle est la plus monarchique que la République a la possibilité d’être grande et efficace, comme une sorte d’hommage du vice à la vertu. Mais la Cinquième République, même en ses plus belles heures gaulliennes, n’est pas la Monarchie et elle vire plutôt à la monocratie quand le président en poste ne pense qu’à sa réélection ou à sa postérité personnelle quand c’est à celle de l’Etat et de la France qu’il faudrait penser et pour laquelle il faudrait agir… La comparaison entre le roi-soleil et l’actuel président fait sourire bien de nos contemporains, et ce n’est pas aux dépens du monarque versaillais… 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

  • LITTERATURE & SOCIETE • Christian Millau : « Il manque à la nation une incarnation »

    Christian Millau. L'esprit français

     

    Dans cet entretien donné à Valeurs actuelles, on retrouve la liberté d'esprit et le regard avisé de Christian Millau - qu'il a de longue date posé sur notre époque, sa littérature, ses écrivains. Ainsi, à sa manière, aura-t-il servi son temps, aura-t-il aidé à le comprendre, à l'éclairer de son goût et de sa lucidité. Si l'on nous y poussait beaucoup, nous dirions - mais sans méchanceté aucune - que l'influence qu'il a exercée un temps sur la gastronomie française et ses métamorphoses discutables, nous paraît beaucoup plus incertaine ... Mais cela est une autre histoire. Ici, comme Emmanuel Macron, comme Maxime Tandonnet ou, à sa façon, Michel Houellebecq, Christian Millau constate qu'il manque à la nation une incarnation. Nous ne disons pas autre chose ... LFAR  

     

    Journaliste, écrivain, président du prix littéraire des Hussards... Christian Millau est un esprit libre. Une liberté dont il use avec malice pour répondre à nos questions.

    Quel regard portez-vous sur l'époque actuelle ?

    À vrai dire, je ne suis pas d'un tempérament nostalgique. La nostalgie est un rideau qu'on fait complaisamment tomber sur un pamé qui n'a pas toujours été rose. Chaque époque y cède à son tour. et j'imagine qu'on regrettait Saint Louis sous Louis X le !lutin ! On parle des "Trente Glorieuses" mais on oublie la guerre de Corée, la crise de Cuba : nous avions la quasi-certitude que la guerre allait recommencer ! En revanche, je comprends qu'on puisse regretter des hommes ou des événements exception. nels. Je revois encore de Gaulle descendant les Champs-Élysées, le 26 août 194.1! Là, oui, on a le droit de céder un peu à la nostalgie... Tous ceux qui étaient là, ce jour-là, se souviennent d'une France vibrante comme elle ne le sera jamais plus. On peut se dire : "Ce jour-là. la France existait".

    Et maintenant ?

    Maintenant, on essaie de se fabriquer des moments de communion nationale... La Coupe du monde de football en 1998, la célébration de "la France Black Blanc Beur : c'était à la fois touchant et un peu ridicule. Dans un registre bien plus dramatique, le "11 janvier", dont l'esprit s'est aussitôt dissipé, si tant est qu'il ait existé! En fait, ce qui nous manque, c'est une incarnation. Les Français forment une nation ; la France, une patrie. Nous manquons de quelqu'un qui nous le rappelle par ce qu'il est et par ce qu'il fait. En Mai 68, on a jeté de Gaulle par-dessus bord. Depuis cette pantomime, nous vivons dans un désordre incroyable... C'est tout de méme inouï que l'on n'arrive pas à faire chanter la Marseillaise à des enfants dans une école ! Il serait bon que, chaque fois que la gauche vient chez nous au pouvoir, la France se déclare automatiquement en état de catastrophe naturelle.

    L'époque est aux non-dits : après les attentats de janvier, on a vu que le gouvernement avait du mal à désigner l'ennemi...

    C'est ahurissant ! Je suis très sévère sur les médias en général. On entend des choses incroyables sur les chaînes d'information, certaines par ignorance, d'autres par lâcheté : il y a des mots, des sujets qui sont tabous. Il s'est créé une forme d'inquisition qui traque tout ce qui ne correspond pas aux dogmes du politiquement correct. Mais les gens sont saturés de cette pensée de sacristie laïque. 

    Était-on plus libre d'exprimer ses divergences dans les années 1950 ou 1960 ?

    Spontanément, je dirais oui, sans oublier cependant qu'il était très difficile de vivre de sa plume quand on n'était pas d'accord avec Sartre ou Aragon : il fallait se battre ! On parle beaucoup aujourd'hui des Hussards, que j'ai eu la chance de fréquenter assidûment. Mais ils vendaient très peu de livres, à l'époque ! La différence, c'est qu'on ne vous menaçait pas sans cesse de procès; en tout cas, on pouvait les gagner et, surtout, qu'on n'avait pas le sentiment de pécher contre la justice, l'humanité ou la planète, quand on était en désaccord avec la gauche. Ce sentiment du péché, c'est le génie de la gauche de vous le coller ! Aujourd'hui. on ose à peine ouvrir la bouche.

    Encore le péché appelle-t-il le pardon. Or, on a l'impression que nos politiques ont la manie de la repentance : il faudrait battre sa coulpe en permanence...

    Je suis d'accord pour dire qu'aujourd'hui, les politiques excitent les Français contre les Français. De Gaulle dont je parlais, a été haï, à droite connue à gauche. Il n'empêche qu'on s'inclinait devant cet homme, comme on pouvait s'incliner jadis devant nos souverains. On ne discutait pas la représentation de la patrie à travers de Gaulle. Aujourd'hui, on ne respecte plus la fonction présidentielle ni, d'ailleurs, les chefs d'entreprise qui font vivre ce pays !

    Vous évoquez les llussards. Voyez-vous une relève à ces impertinents ?

    Il y a encore, heureusement, des casseurs de tabous. je pense évidemment à Alain Finkielkraut, à Pascal Bruckner, à Luc Ferry ou même à Michel Onfray. À Zemmour aussi, même si je ne suis pas toujours d'accord avec lui. Il faudrait aussi citer Élisabeth Lévy, Denis Tillinac, Bruno de Cessole ou Fabrice Luchini. C'est pour cela que j'ai créé le prix oies Hussards, attribué à Sylvain Tesson cette année. Et ceux-là ont du succès de leur vivant ! C'est la preuve que les Français ne se satisfont pas du brouet médiatique, et c'est un signe d'espoir ! 

    Ravi de vous avoir rencontré, de Christian Millau, Éditions de Fallois, 360 pages, 22 €. 

    Propos recueillis par Fabrice Madouas et Marion Cazanove

     

  • HISTOIRE & ACTUALITE • Documentaire « Versailles, Rois, Princesses et Présidents »

     

    Bon à savoir (à vérifier)

    Pour les dépositaires du Pouvoir, nonobstant le dogme républicain, la France ne commence pas en 1789 ... Jamais. Ils vivent, reçoivent, travaillent et délibèrent, dans les ors et décors de l'Ancienne France.  Il n'y a rien à y redire, surtout lorsque cette pratique sert le prestige de la France. Ce qu'il est légitime de leur reprocher c'est leur déni de mémoire, leur obstination dans la négation de notre histoire intégrale. Rien de plus. LFAR 

     

    Lundi 14 septembre sur France 3 à 20h55, documentaire « Versailles, Rois, Princesses et Présidents » réalisé par Fréderic Biamonti avec narration de Lambert Wilson. 

    En voici le descriptif : « Le château de Versailles a été conçu comme un instrument de pouvoir par Louis XIV. Aujourd’hui, les Présidents de la République l’utilisent comme symbole de la puissance nationale. Khroutchev, Kennedy, Nixon, Elisabeth II, Kadhafi ou Xi Jinping y ont tous été reçus, dans des rituels qui rappellent la grandeur d’autrefois, et qui réveillent les fantômes du passé.

    Les archives de ces visites d’état nous amènent à reconsidérer Versailles sous un angle inhabituel : la machine à impressionner conçue par le Roi Soleil est aussi un des hauts lieux de la République, qui y a mis en scène les élections présidentielles jusqu’en 1953, ainsi que les réformes de la Constitution. Apothéose de ce Versailles républicain, le G7 mitterrandien de 1982 démontre la pérennité des formes du pouvoir, de la majesté royale du Grand Siècle à la solennité présidentielle d’aujourd’hui. » 

    FR3

  • CULTURE & HISTOIRE • Luminessences d'Avignon : quand les murs parlent

     

    Par Richard de Seze*

    Richard de Seze partage son émerveillement pour la ville d'Avignon, narrée par le spectacle de son et lumière Luminessences qui a lieu du 12 août au 3 octobre 2015 au Palais des Papes d'Avignon. Allez-y donc, vous qui habitez la Provence et les terres voisines ou vous qui y passez. C'est notre conseil.  LFAR  

    En Avignon, les murs du Palais des Papes parlent. Ils racontent leur histoire : les Papes et Jean Vilar, Mistral et les Rois, Avignon et la Mort. Ils racontent ce qu'ils ont vu et abrité, du plus magnifique au plus sordide, du plus incroyable au plus beau. Loin de mettre à plat l'histoire, de niveler les époques, d'effacer les références, ils parlent avec la tranquille assurance de leurs sept siècles d'existence, sacrifient volontiers l'écume des dernières années pour se concentrer sur ce qui doit être inoubliable, sur ce qui doit être sauvegardé. Comme le dit Jaccottet,

    « L'ouvrage d'un regard d'heure en heure affaibli

    N'est pas plus de rêver que de former des pleurs,

    Mais de veiller comme un berger et d'appeler

    Tout ce qui risque de se perdre s'il s'endort. »

    Réveillés en 2013, sortis de leur torpeur, les murs ne rêvent plus mais font pleuvoir sur les spectateurs un déluge d'images et de sons, comme s'ils avaient décidé de restituer en à peine trois quarts d'heure la quintessence des siècles où Avignon florissait. Dans la cour, chaque mur se fait écran mais aussi fenêtre ouverte sur ses trésors. Ils racontent leur construction, ils montrent les manuscrits, ils évoquent les fantômes, ils peuplent chaque mètre carré de figures, de couleurs, d'animaux qui bondissent, d'arbres qui s'épanouissent et d'immenses queues de paon ; les étoiles pleuvent, le feu jaillit, les eaux montent. Un bleu céleste qui n'a rien à envier à Chartres transforme chaque paroi en page cependant que chaque fenêtre est soulignée d'arabesques et supporte un saint, un archer ou un lion: des partitions dorées relient les miniatures qui ont pris vie et la musique éclate.

    Les Luminessences sont un spectacle immersif d'une qualité rare. La technique de la projection vidéo est transcendée, avec des images d'une précision stupéfiante, appliquées avec minutie sur des reliefs de quelques centimètres. L'inventivité est permanente: les murs sont présents ou s'effacent, révèlent ce qu'ils contiennent ou s'amusent à devenir une architecture fantastique à la Piranèse, le fleuve du récit prenant plaisir à toujours surprendre en mobilisant rarement deux fois les mêmes effets. “Féérique” serait parfait s'il n'était pas galvaudé car toute la démarche ressemble à un conte, où les objets sont animés, où les visions surgissent, où les génies agissent. L'idée même d'un monument prenant la parole pour se raconter, fantasque à souhait, s'incarne dans cette narration si spéciale, qui tient à la fois de l'exposition et du film pédagogique, de l'évocation historique et du témoignage.

    Les quatre murs sont indépendants, le récitatif unifiant la perception pendant qu'on tourne sur soi-même, attentif à suivre la course d'un motif ou à découvrir ce qui se passe dans son dos. Plongés dans un bain d'images, réellement au cœur de l'action, les spectateurs passent d'Avignon sous le soleil à une bibliothèque fantastique ou à des murs qui s'écroulent. Le commentaire souligne ce qui doit être compris, n'hésite pas à être mélodramatique et insiste avec sagesse sur un devoir de mémoire, sur la nécessité de s'inscrire dans une histoire qui dépasse les spectateurs et leur présent. Un enseignement et une émotion que peuvent partager cette année les touristes étrangers puisque le spectacle leur est proposé en anglais trois fois par semaine, une attention rare et pourtant si nécessaire.

    Les spectateurs - les participants, plutôt, car on ne peut se contenter d'être spectateur - comprennent tous la leçon et ce qui a été réveillé et suscité ne risque plus de se perdre. Ils portent désormais en eux le Palais qui les a accueillis, la France, Avignon, sa foi et ses papes. C'est ce que vise explicitement le créateur, Bruno Seillier, attentif à souligner le ciment spirituel de cette aventure de pierres. Cofondateur d'Amaclio, qui produit et réalise ce spectacle, il vise toujours à toucher le cœur et à solliciter l'intelligence. Au total, avec La Nuit aux Invalides et Les Ecuyers du Temps à Saumur, dont il est également l'auteur, il a séduit et convaincu plus de 330 000 spectateurs en 3 ans. Car la sensation d'émerveillement ne doit pas s'arrêter (et ne s'arrête pas) aux effets, elle doit en pénétrer les causes. Embrassant sept siècles, le texte d'Avignon réussit à exposer les racines, historiques et religieuses, sans pour autant en figer le développement: la magie du lieu, révélée en 1947 par Jean Vilar, est présentée comme le juste prolongement de son génie spécifique, lentement distillé et transformé pourvu que les hommes en aient conscience. Chesterton évoquait « La tradition [qui] signifie donner des votes à la plus obscure de toutes les classes, à nos ancêtres. C'est la démocratie des morts. La tradition refuse de se soumettre à la petite et arrogante oligarchie de ceux qui n'ont fait que de naître .» Les Luminessences retissent un lien social aussi précieux qu'oublié: celui qui nous lie à notre passé et peut étoffer notre présent.

    Les Luminessences d'Avignon, tous les soirs du 12 août au 3 octobre 2015 au Palais des Papes d'Avignon, www.lesluminessences-avignon.com 

    * Richard de Seze    

    Richard de Seze, consultant en communication dans une agence parisienne, fait partie du groupe Jalons. Il est le co-auteur, avec Basile de Koch, du Cahier de vacances catho, paru en 2015 aux éditions du Cerf.       

     

  • HISTOIRE • 20 h 55 MARDI, SECRETS D'HISTOIRE : Louis XIV, l'homme et le roi

     

    Ce sont deux émissions de Stéphane Bern que l'on pourra regarder mardi prochain sur France 2. Deux évocations successives de Louis XIV à l'occasion du trois-centième anniversaire de sa mort. Il y en aura d'autres, dans les semaines et mois qui viennent, par exemple sur Arte qui en annonce une série. L'on apprécie plus ou moins les réalisations de Stéphane Bern selon qu'on considère l'ampleur de son travail de vulgarisation - indéniablement positive - de notre Histoire, particulièrement celle de l'Ancien Régime, ou que l'on s'agace de ce qu'il apparaisse superficiel, qu'il ait le don de peopleliser tout ce qu'il touche, bref, que son style et ses façons déplaisent. Chacun jugera. Mais nous ne pouvons que conseiller à nos lecteurs de regarder les deux émissions dont voici la bande-annonce et les présentations. 

     

     

    Dans une première émission "Louis XIV, l'homme et le Roi", Stéphane Bern nous fait découvrir pas à pas l'itinéraire fascinant du Roi-Soleil, son enfance, sa prise du pouvoir, sa conception de l'Etat et de la monarchie absolue de droit divin qu'il entend incarner, ses batailles, nombreuses, ses amours, tumultueuses, et son goût tout aussi passionné pour les arts, l'architecture, les jardins, la musique ou la danse...

    Tout cela constitue l'héritage de Louis XIV qui est considérable. Il va inspirer des souverains comme des artistes un peu partout dans le monde. Et certains de ses choix ou de ses décisions vont avoir des conséquences politiques bien après son règne et même jusqu'à nos jours !
    Le château de Versailles vous ouvrera ses portes pour évoquer son créateur. Mais nous ferons revivre aussi pour vous des lieux disparus et chargés de symboles comme Marly, le château de Clagny, le Trianon de Porcelaine ou la Ménagerie Royale !

    Grâce aux témoignages des historiens les plus reconnus et à la visite de ces chefs d'œuvre du patrimoine, c'est Louis XIV dans son intimité que vous allez rencontrer.

    Et pour que le portrait soit complet, le grand  comédien Jacques Sereys a accepté d'endosser les habits du monarque pour vous faire entendre tout au long de cette émission la pensée de Louis-le-Grand... Grâce à ses propres confidences, aux mémoires de Saint-Simon ou aux lettres de la Princesse Palatine, il nous est possible de restituer le raisonnement très personnel de ce roi qui va régner sur la France pendant 72 ans !

    Il y a exactement 300 ans, le 1er Septembre 1715, le roi Louis XIV rend son dernier soupir, au château de Versailles, dans l'extraordinaire monument qu'il dédie à sa gloire et au rayonnement de la France.

    Dans un deuxième épisode de SECRETS D'HISTOIRE diffusé juste après "Louis XIV, l'homme et le Roi", Stéphane Bern vous entraine au château de Versailles, le 1er septembre 1715. 

    Dans sa chambre au centre du palais, le vieux roi Louis XIV se meurt. Il a 77 ans. Avec lui prend fin, il y a exactement trois cents ans, l’un des plus longs règnes de l’histoire. 

    De ses maladies et ses médecins (c'est beaucoup dire…) à sa longue agonie et ses funérailles grandioses, de la bataille rangée autour de son testament à son bilan contesté, sans oublier les frasques de la régence qui s’annonce, Stéphane Bern et Secrets d’Histoire nous dévoilent ce qui fut le dernier grand spectacle du roi-soleil. Un moment crucial, que beaucoup considèrent comme l’un des actes de naissance de notre France moderne… 

     

  • La Saint Louis, c'était hier et Boulevard Voltaire l'a célébrée. Bravo !

    Saint Louis et notre temps, par Henri VI, Comte de Paris

    Texte publié dans Le Monde, en 1970, pour le 700e anniversaire de la mort du roi Saint Louis.  [Extraits]

     

    comte de Paris

     

    « Il n'est pas deux époques plus différentes, apparemment, que celle de Saint-Louis et la nôtre. Notre monde, gouverné par la science et les techniques, qui se veut matérialiste, où l'on ne connaît ni bien ni mal, ne peut que difficilement comprendre un siècle qui fut peut-être celui de la plus haute spiritualité, où le péché était en abomination, et qui reconnut pour héros celui dont tous les actes de la vie et jusqu'à l'holocauste final, n'eurent d'autre principe que la foi: la foi la plus ardente, la plus généreuse et la plus agissante qui s'empara jamais de l'esprit et du cœur d'un homme. La gratuité des dernières croisades, inspirées par le seul amour du Christ, apparaît comme aberrante à notre temps où il arrive qu'on en prêche de nouvelles, pour la défense d'une certaine forme de civilisation, sans doute, mais aussi pour sauvegarder le culte sourcilleux d'un tout autre dieu.

    Notre société, décomposée, où triomphe l'individualisme absolu, avec ses apparences égalitaires, son refus du sacré et son pouvoir banalisé, est certes à l’opposé de la société féodale du milieu du treizième siècle, rigoureusement organisée et hiérarchisée, mais couronnée par une autorité légitime, sacralisée, aux vertus évangéliques. Point n'est donc surprenant que ce règne, glorieux entre tous, qui malgré les vicissitudes de l'histoire, demeura si longtemps populaire et ne suscita qu'admiration et respect, soit aujourd'hui tenu pour négligeable, voire dénigré et contesté. 

    Certaines circonstances du temps de Saint Louis ne sont pas pour autant si éloignées du nôtre. Au jeu des comparaisons, il serait facile d'y trouver des similitudes étonnantes pour ceux qui douteraient de la constance de la nature humaine et du renouvellement des situations qu'elle explique: révolte de puissants mal contents; violences estudiantines ; ébranlement des maîtres, université en péril; poussées anarchiques au mysticisme déclamatoire; prétentions abusives et virulentes de groupes sociaux jaloux de leurs privilèges... Mais ce n'est pas à ces péripéties qu'il faut s'arrêter pour nous sentir plus proches du roi à la conscience héroïque; mieux vaut rechercher dans l'exemple qu'il nous a laissé, dans les enseignements qu'il nous a légués ce qui doit être utile au pays dans le présent, ce qui peut contribuer à assurer son avenir. Cela est bien, je crois, la meilleure manière d'honorer sa mémoire.

    D'abord, il faut constater que tous les principes par lesquels s'est constituée notre vie nationale se manifestent déjà ou sont en germination dans le règne de Saint Louis, « printemps de la France ». Avec Louis IX apparaît vraiment la notion de légitimité fondée sur le respect du peuple et du pouvoir qui le représente, le guide et le sert. C'est de lui que la monarchie capétienne tient son caractère spirituel qui donne à son œuvre de justice, d'unité et d'émancipation sa valeur profonde.

    [...] Nous sommes tous les fils de Saint Louis : quelles que soient les apparences présentes, les Français resteront les pèlerins de l'idéal, la seule recherche de biens matériels ne suffira pas à les satisfaire et n'apaisera pas leur soif de justice. » 

     

  • Un hôtel au château de Versailles ? Tous comptes faits, Frédéric Rouvillois doit avoir raison

     

    Chacun, après tout, se fera son avis, réagira à sa façon. Mais la position de Frédéric Rouvillois sur ce sujet sensible - particulièrement pour des royalistes -  nous paraît tout bien pesé raisonnable et positive. L'exemple des paradors espagnols nous paraît être un argument de poids. Ils ont sauvé de la ruine ou de la muséification quantité d'édifices anciens, désormais pleins de vie, parfois de pures merveilles architecturales et historiques comme l'hôtel San Marcos à Leon ou l'hôtel des Rois Catholiques à Saint Jacques de Compostelle. La France eût été bien inspirée de reprendre chez elle cette idée que l'Espagne a conçue et commencé de réaliser sous le règne du roi Alphonse XIII ... Il est encore temps ! LFAR 

     

    frederic-rouvillois.jpgPour Frédéric Rouvillois*, la probable installation d'une résidence hôtelière sur le domaine peut être un moyen astucieux de sauver des bâtiments en déshérence. Selon lui, « la muséification systématique du patrimoine a quelque chose de glaçant ».

    L'Établissement public du château de Versailles a lancé un appel d'offres pour transformer un ensemble de trois bâtiments longeant le Parterre de l'Orangerie, inoccupés depuis 2008, en hôtel. Certains s'opposent à une privatisation du patrimoine, d'autres pointent la baisse des crédits du ministère de la Culture et l'urgence de restaurer des bâtiments qui sont dans un état de délabrement avancé. Que pensez-vous de cette controverse ?

    Frédéric Rouvillois: Elle me rappelle celle qui a eu lieu récemment à propos de la vente des biens de la famille d'Orléans. Cette dernière a suscité un débat : certains se scandalisaient du fait que les princes de la maison de France vendent un certain nombre de biens importants liés à l'Histoire, aux enchères, comme de simples particuliers. Il me semble que ce réflexe était un peu bourgeois : dire « nous avons un patrimoine, il faut absolument le garder tel qu'il est, sans en modifier un atome » est inapproprié. Mais des objets à caractère historique - portraits, meubles ou argenterie - ne changent pas de nature en changeant de propriétaire. Au fond, qu'ils soient entre les mains de la famille d'Orléans ou d'un collectionneur chinois ou texan amoureux de l'histoire de France ne modifie pas la valeur des objets.

    La polémique actuelle est similaire. Se scandaliser que des bâtiments qui ont été conçus pour abriter des personnes et des activités humaines, et être des lieux de vie soient loués temporairement, et transformés en hôtels par leur propriétaire, ce qui permettrait de les sauver, est une réaction inadaptée. Dans l'appel d'offres se trouve l'idée que l'on restaurerait les bâtiments en question, leur toiture. Si cela permet de ne pas les laisser à l'abandon, de conserver un patrimoine même dévolu temporairement à des activités commerciales ou privées, cela importe peu. La muséification systématique du patrimoine a quelque chose de glaçant. Evitons de tomber dans le côté « poussiéreux » que peut avoir une certaine conception de la préservation du patrimoine français. L'Espagne fait cela depuis longtemps avec les Paradores [ndlr: établissements de luxe situés dans des châteaux, forteresses, couvents, et autres édifices historiques, fondés par le roi Alphonse XIII pour promouvoir le tourisme en Espagne dès 1928] et ce principe fonctionne très bien.

    Y-aurait-il des monuments non-transformables par nature ?

    Evidemment. Les monuments sacrés. Mais ici, on ne transforme pas une église en jacuzzi ! Il ne s'agit pas de faire comme les révolutionnaires de 1793 qui voulaient transformer les églises en grenier à blé ou les vendre à des marchands de pierres pour les détruire et en faire des pavés pour les routes… Ici, la destination n'est pas remise en cause ou dévoyée. Il s'agit de permettre à des gens, contre une somme élevée, de profiter de la beauté du patrimoine historique français, du témoignage le plus élevé, le plus noble de la grandeur de la France. Le projet ne me paraît pas devoir susciter immédiatement la condamnation.

    Cela ne risque-t-il pas de ternir l'esprit de ces lieux historiques ? Certains parlent de « disneylandisation » du patrimoine…

    Non, si « disneylandisation » il y a, elle serait plutôt du fait de ceux qui exposent des œuvres de Jeff Koons dans la galerie des Glaces ou des installations bizarres d'Anish Kapoor dans les jardins de Versailles. C'est cela qui ternit l'esprit des lieux.

    Ce projet voit-il le jour parce que l'Etat déserte toute une partie du domaine de la culture ?

    L'Etat a fait des choix en matière de culture. Il préfère subventionner l'art contemporain dans ce qu'il a de moins artistique et de plus lié à la spéculation financière. S'il s'occupait davantage du patrimoine, notamment architectural, on ne le verrait pas dans l'état d'abandon dans lequel certains monuments sont aujourd'hui. Une fois que l'on a fait ce constat, il convient de prendre des initiatives telles que cet appel d'offres pour éviter que ce patrimoine ne tombe en ruines.

    Pour le moment, seul le château de Chambord est touché par cette transformation d'une partie du domaine en gîtes de charme. Estimez-vous qu'à l'avenir, d'autres joyaux du patrimoine français puissent être concernés par ces privatisations ?

    C'est possible. Mais dès lors qu'on ne transforme pas la Sainte Chapelle en supermarché, ce n'est pas gênant. L'important est de ne pas commettre de contre-sens sur l'esprit des lieux. Lorsqu'ils ont été pensés pour abriter des gens, comme le sont les châteaux, ils peuvent l'être de nouveau - que ce soient des chefs d'Etat étrangers ou des riches clients amoureux de notre patrimoine. Certains monuments, comme le château de Compiègne par exemple, vide et peu visité, auraient à gagner à ce qu'une partie soit transformée en hôtel de charme et qu'ils retrouvent leur lustre d'antan plutôt que de s'engloutir que à peu dans le maelström de la poussière. 

    * Frédéric Rouvillois est professeur de droit public et écrivain. Il a publié de nombreux ouvrages sur l'histoire des idées, notamment L'Invention du progrès, aux origines de la pensée totalitaire (CNRS Éditions, 2010), ainsi que des essais sur la politesse, le snobisme et les institutions, et plus récemment Une histoire des best-sellers (Flammarion, 2011). Son dernier livre Crime et utopie, une nouvelle enquête sur le nazisme, a été publié chez Flammarion.

    Entretien réalisé par Eléonore de Vulpillières (Vox Culture)

                

  • HISTOIRE & ACTUALITE • Notre « France inerte » analysée par Tocqueville

     

    Un commentaire de  Nicolas Bonnal, écrivain

    Que penserait Tocqueville, aujourd'hui, où cinq républiques ont passé, où leur histoire, est connue, où l'on connaît aussi leur fin, du moins celle des quatre premières, la cinquième ne devant pas trop tarder, sans-doute, à nous dévoiler la sienne, qui ne devrait guère différer des précédentes ...  leur histoire, leur fin et aussi leurs résultats ? Nous ne pouvons pas répondre pour Tocqueville. Simplement, l'on peut supposer que ce grand aristocrate, qui n'avait pas manqué de pressentir et de décrire ce que seraient les vices profonds des démocraties modernes et n'optait pour la République que par défaut, ne persisterait probablement pas à juger la République bonne pour le Français, ou pour la France... Autour de 1848, beaucoup d'intellectuels français ont vécu des années d'illusions que les faits démentiront. Aujourd'hui, la haine de l'ancienne dynastie n'a plus cours; au contraire, l'Histoire et sa diffusion à travers le grand public, l'engouement qu'il lui porte, ont amené comme une nostalgie assez répandue de l'ancienne France. A quoi s'ajoute la conscience largement partagée, que décrit fort bien Nicolas Bonnal, du piège moderne, ou républicain, ou démocrate, aujourd'hui refermé sur nous. D'où les déclarations Macron qui, peut-être, seraient aujourd'hui aussi celles d'un Tocqueville dégagé des illusions de 1848 et effrayé de leurs suites.  LFAR         

     

    1538183.jpgHollande vient de dire que les traités se signent toujours en secret, et que le bon peuple n’y a rien à voir. Cette bonne nouvelle, jointe à la tyrannie européenne qui se renforce, contre la Grèce, contre l’Italie, contre le peuple allemand aussi, que Merkel oblige à se faire envahir (300.000 réfugiés en six mois) m’inciterait au désespoir, n’était cette relecture de Tocqueville, qui montre comment le piège moderne, ou républicain, ou démocrate se met en place en 1848.

    Notre grand analyste, qui était alors ministre des Affaires étrangères*, reconnaît que « la république était sans doute très difficile à maintenir », mais aussi qu’elle est « assez difficile à abattre. La haine qu’on lui portait était une haine molle, comme toutes les passions que ressentait alors le pays. »

    Il voit que le pays ne changerait plus pour la raison suivante :

    « D’ailleurs, on réprouvait son gouvernement sans en aimer aucun autre. Trois partis, irréconciliables entre eux, plus ennemis les uns des autres qu’aucun d’eux ne l’était de la république, se disputaient l’avenir. De majorité, il n’y en avait pour rien. »

    C’est l’entropie. Tocqueville découvre que si médiocre qu’elle soit, la république est bonne pour le Français. Et voici pourquoi :

    « Je voulais la maintenir, parce que je ne voyais rien de prêt, ni de bon à mettre à la place. L’ancienne dynastie était profondément antipathique à la majorité du pays. Au milieu de cet alanguissement de toutes les passions politiques que la fatigue des révolutions et leurs vaines promesses ont produit, une seule passion reste vivace en France : c’est la haine de l’ancien régime et la défiance contre les anciennes classes privilégiées, qui le représentent aux yeux du peuple. »

    Un des drames, en effet, de notre histoire moderne est que la nullité des élites républicaines, malhonnêtes oligarchies qui nous menèrent aux désastres militaires, aux humiliations coloniales, à la gabegie économique et au déclin démographique et culturel, ne suscitera jamais autant de haine et de ressentiment des masses (ces masses libérées en 1789 et aussitôt condamnées à cent jours de travail de plus par la loi Le Chapelier de 1791) que la vieille noblesse que Bonald ou de Maistre défendirent en vain.

    Car on n’a pas besoin de la télé pour les mener par le bout de leur nez, ces masses !

    Et leur excitation, vaine et souvent manipulée, reflète en fait leur inertie profonde.

    Et Tocqueville d’ajouter :

    « Je pensais donc que le gouvernement de la république, ayant pour lui le fait et n’ayant jamais pour adversaires que des minorités difficiles à coaliser, pouvait se maintenir au milieu de l’inertie de la masse, s’il était conduit avec modération et avec sagesse. »

    Modération et sagesse qui nous mèneront au coup d’État de 1851, à la guerre prolongée de 1871, aux hécatombes de 1914, à la raclée de 1940, aux déculottées coloniales et aujourd’hui à l’anéantissement par le minotaure euro-américain.

    Et notre masse inerte aura tout toléré. 

    * Alexis de Tocqueville fut ministre des Affaires étrangères de juin à octobre 1849.  

    , écrivain

     

  • SOCIETE • La plèbe du Net veut du sang. Tout savoir, tout dire… mais pour quoi faire ?

     

    Telle est la question que Benoît Rayski pose dans Causeur et à laquelle, selon nous, il répond fort bien.

    « L'ère de la transparence » ou « l'ère du vide » ? Il est bien vrai que le Net peut être les deux. Et beaucoup plus souvent le vide que la transparence. Et aussi - parce que la transparence n'est pas en soi une valeur - la vulgarité, l'impudeur et le sang. Et c'est d'ailleurs pourquoi, soit dit en passant, cette ère de la communication universelle qui serait censée élever, rapprocher, uniformiser, pacifier la planète entière, nous paraît bien suspecte d'être fort incapable de tenir ce genre de promesses. Elle pourrait bien être le contraire de ce qu'il est commun de dire et de croire à son sujet ... Reste que le Net peut aussi servir à la diffusion de contenus utiles. Et que ceux qui ont ou croient avoir quelque chose à dire dans cet ordre d'idées se doivent de s'en servir. C'est pourquoi Lafautearousseau existe et tente de servir non l'individualisme contemporain, mais son pays, la France, et un projet politique, une France royale. LFAR  

     

    Dans les arènes de Rome, la plèbe voulait du sang. Et on lui en donnait à flot pour étancher sa soif. Dans les arènes modernes, c’est-à-dire sur le Net, la plèbe veut la même chose. Une différence de taille : au Colisée ils étaient quelques dizaines de milliers, sur la toile ils sont quelques dizaines de millions. Et la aussi il faut que ça saigne. Tout le monde à poil ! On appelle ça la vérité toute nue. On veut tout savoir. Et en même temps on se shoote au « on nous cache tout, on nous dit rien ».

    La démocratie de l’instantané, celle du clic et du clip, n’a pas été conçue en effet pour faire travailler le cerveau. La toute dernière contorsion du Net concerne Robert Capa. Des chercheurs – en d’autres temps on aurait dit des fouille-merde – ont longuement enquêté sur le plus célèbre photographe de tous les temps. Et ils ont trouvé ce qu’ils voulaient. Capa n’a pas dit la vérité ! Oh joies ineffables ! Le photographe affirmait avoir passé une heure trente sur les plages du débarquement en 1944 : il ne serait resté en réalité que trente minutes sur le sable normand. Qu’est-ce qu’on est content… Capa disait avoir pris une centaine de clichés : dix ou douze seulement après enquête. On est très, très content. Car le minus lobotomisé scotché à son écran adore quand quelqu’un d’illustre est convaincu de mensonge. Ça met les géants à la portée du nain qu’il est.

    Autre révélation alléchante qui date d’il y a quelque temps. La « vérité » sur une photo aussi célèbre que celles du débarquement. Le cliché du « Baiser de New York ». Prise le jour de la victoire en mai 1945 l’image montre un marin américain en train d’embrasser goulument sur la bouche une jeune et jolie infirmière renversée en arrière. Honte aux symboles !

    Des années, des dizaines d’années après, des chercheurs ont dénoncé l’horreur qui se cachait derrière cette photo. L’infirmière n’était pas consentante : le marin l’avait embrassée sans lui demander son avis. Quasiment un viol ! De quoi se pourlécher les babines. L’infirmière devenue une très vieille dame n’a quand même pas déposé plainte. Sur le Net, cette grandiose affaire a eu autant de succès que l’histoire concernant Robert Capa. On appelle ça « l’ère de la transparence ». Le sociologue Gilles Lipovetsky la définit très bien : « l’ère du vide ». 

    Benoît Rayski  Causeur

    * Photo: Pixabay. 

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    L’ère du vide : Essais sur l’individualisme contemporain  4.8 �toiles sur 5 Prix : 8,40 €

     

  • HISTOIRE • L’histoire militaire autrement

     

    Par Ludovic Greiling

    En mars 1918, en pleine guerre, les ingénieurs allemands de la compagnie Krupp réalisent une prouesse technologique : la projection d’un obus à plus de 120 kilomètres de son point de tir, à une époque où les canons les plus gros n’excédaient pas un rayon de 30 à 40 km, rappellent les éditions Pierre de Taillac dans un livre riche en iconographie.

    Pour se faire, ils inventent des tubes géants qui projettent les obus à 1500 mètres à la seconde, les font grimper jusqu’à 45 kilomètres d’altitude dans les couches raréfiées en gaz de l’atmosphère, puis les font retomber à un ou deux kilomètres près sur leurs objectifs.

    Prouesse technologique, impact mineur

    Le but de l’Etat-major allemand ? Atteindre la capitale et provoquer la panique dans Paris, en même temps qu’il décide de lancer des offensives qui enfoncent le front situé à une centaine de kilomètres.

    Si la percée allemande et les tirs des Paris Kannonen provoque le départ de près de 500 000 habitants à partir de mars 1918, la plupart des Parisiens demeurent sur place et s’habituent aux bombardements, dont le bilan s’avère limité : en quatre mois et demie, 320 projectiles auront frappé Paris et sa banlieue, provoquant la mort de 256 personnes et en blessant 625.

    Après la guerre, en dépit des efforts allemands pour garder secret les plans de cette arme unique, les services français recueilleront témoignages et documents révélant en partie les secrets de fabrication de la firme Krupp.

    Mais l’histoire de la balistique à très haute altitude ne s’arrête pas là.

    Dans les années 50 et 60, un brillant ingénieur canadien reprend l’idée et les plans des Paris Kannonen, et tente de concevoir pour les gouvernements canadiens puis américains des lanceurs de satellites à bas coût.

    Ces projets sont finalement abandonnés en Amérique du Nord, mais l’homme relance son activité en privé. Dans les années 80, il propose ses services à plusieurs gouvernements, dont l’Irak, ce qui provoquera les craintes du voisin israélien. Il sera mystérieusement assassiné par balles en mars 1990 à Uccle, une cité périphérique de Bruxelles.

    Au total, voici un livre rigoureux et bien écrit, brillamment illustré par les éditions Pierre de Taillac qui publie des photos exceptionnelles.  

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    Feu sur Paris ! L’histoire vraie de la Grosse Bertha, par Christophe Dutrône (éd. Pierre de Taillarc – 30 euros).

     

  • LIVRES • L’armée du roi de France

     

    Par Ludovic Greiling

    Une plongée simple et directe dans l’évolution de l’armée et de l’Etat aux XIIIe et XIVe siècles : c’est ce que nous propose le grand médiéviste Xavier Hélary dans une thèse remaniée pour le grand public.

    Avec l’évolution de la levée des armées, on touche aussi à la transformation de l’Etat. A cet égard, le règne centralisateur de Philippe Le Bel tranche nettement avec celui de ses prédécesseurs.

     Le roi Philippe tente non seulement d’imposer des impôts permanents, qui seront finalement abandonnés au regard de l’opposition à la levée des taxes, mais il porte aussi un coup important au système féodal en convoquant « l’arrière-ban » à l’ost de 1302. Il se permettait ainsi de passer outre le pouvoir des seigneurs locaux qui étaient jusque là seuls habilités à réunir hommes ou argent auprès de leurs propres vassaux.

     La société n’en demeure pas moins plurielle, avec des territoires administrés ici par des abbayes, là par des comtes, quand ce ne sont pas des bourgeois qui ont la haute main sur certaines villes et le roi sur ses propres terres.

     Une société où, en dépit d’un sentiment d’honneur et de devoir très fort dans la caste chevalière, le contrat écrit est déjà largement répandu, à charge à la personne qui s’estime lésée de défendre son cas devant un parlement de justice.

    Ceux-ci sont souvent saisis dans les litiges liés à l’armée du roi de France, tel administré estimant qu’il est devrait être exonéré de ses charges et tel autre pensant que le roi lui demande trop d’apports.

     Un vrai livre d’histoire, accessible au grand public, qui permet des analogies avec les temps actuels. 

     L’armée du roi de France, de Xavier Hélary (éd. Perrin, 21 euros)

     

  • LIVRES • Un Déon pour l’été ... On réédite Les gens de la nuit

     

    Une remarquable chronique de Jérôme Leroy, écrivain et rédacteur en chef culture de Causeur.  

     

    Jerome_Leroy0.jpgOn réédite un Michel Déon pour l’été. C’est toujours une bonne idée de rééditer un Déon, surtout avec un joli bandeau de Loustal. Déon nous rappelle l’époque, pas si lointaine, où le succès public n’était pas forcément contradictoire avec la qualité littéraire. Et comme tout allait ensemble, cela donnait de très bons films quand on adaptait au cinéma un  roman de Déon: Un taxi mauve de Boisset avec Noiret, Rampling, Fred Astaire et l’Irlande dans le rôle principal, vous vous souvenez? En plus, il y avait quelque chose de plaisant à voir un cinéaste de gauche adapter un écrivain de droite. Si vous voulez trouver l’équivalent aujourd’hui, vous pouvez toujours chercher. Le goût vécu comme manière de dépasser les clivages politiques, c’est une idée qui a dû mourir à l’orée des années 80, la décennie où tout le monde est devenu très moral tout en choisissant le  pognon et la réussite comme valeurs cardinales.

    Les gens de la nuit, à l’origine, est un roman de 1958. Longtemps, sa première phrase nous a hantés, nous qui sommes insomniaques comme pas deux: «Cette année-là, je cessai de dormir. » C’est ce qui donne ce caractère d’hallucination précise au livre qui se déroule pour l’essentiel entre le coucher du soleil et l’aube ; dans le périmètre de Saint-Germain-des-Prés, celui que continuent à rechercher les touristes des années 2010 alors qu’il est devenu un continent disparu aussi improbable que l’Atlantide.

    Le narrateur des Gens de la Nuit a trente ans. c’est un fils de bonne famille: la preuve, son père va être élu à l’Académie Française. Cela fait un peu ricaner le fils. Michel Déon, dans la préface qu’il donne pour l’occasion, se moque gentiment de son propre revirement sous l’habit vert.

    Le fils sort de trois ans de Légion et pour s’occuper fait un métier tout neuf. Avec deux amis, il a monté ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui une agence de com’. Dans les années 50, on disait relations publiques. Son activité consiste surtout à promener des clients étrangers dans le « gay paris ». C’est ennuyeux mais ça le distrait d’un chagrin d’amour, un vrai chagrin d’amour, celui qui vous dévaste et vous transforme en fantôme de vous-même.

    Comme chez tous les gens pudiques, le narrateur en souffre d’autant plus qu’il en parle peu et seulement à lui-même. On retrouve là, si vous voulez, cette esthétique éminemment française de la retenue qui commence avec Madame de Lafayette et s’arrête avec les Hussards dont Michel Déon fut un éminent représentant. Depuis, on hurle, on pleure, on éructe, on se lamente, dans le roman comme ailleurs, ce qui est encore plus fatigant, à la longue, que de passer ses nuits de bar en bar et de manger des pieds de porcs à l’aube du côté des Halles.

    Pour s’occuper le narrateur fait des rencontres dans les caves de jazz et les bistrots ouverts très tard. Il a une liaison avec Gisèle qui est comme lui un oiseau de nuit, mais du genre bohème. Elle vit à l’hôtel avec Maggy, elle porte des pantalons fuseaux, elle aime faire l’amour et à l’occasion, quand elle n’a pas de papier pour prendre une adresse, elle remonte son chandail pour qu’on écrive sur sa peau nue.

    On n’est pas très loin de l’Occupation, non plus. Le narrateur devient l’ami d’un peintre très doué qui ne veut plus peindre et qui est un ancien de la Légion Charlemagne puis il sauve de la bastonnade une étudiante communiste, Noire de surcroît. Il se débarrasse avec l’aide du peintre du buste de son aïeul qu’il trouve aussi pompeux que son père dans le bois de Boulogne et il découvre que le peintre  et l’étudiante sont amants.

    Bref, il fait un peu n’importe quoi, ses amis aussi, mais ce n’importe quoi enchante. Extrait d’un dialogue avec l’étudiante communiste:

    «  - C’est merveilleux, dit-elle, je ne pensais pas que nous étions si bien organisés. Il y a longtemps que tu surveilles le coin?

    - J’y arrivais à la minute. Et pourquoi me tutoyez vous?

     - Tu n’es pas un camarade?

    Elle s’était rejetée contre la portière, le regard soudain dur.

    - Non.

    - Alors pourquoi m’avoir tirée de là?

    - Pour rien. Pour le plaisir. Pour l’honneur. »

    La dernière réplique pourrait faire une belle devise, comme celle du Prince de Ligne

    qui avait répondu, quand on lui demandait les raisons de son exil au moment de  l’Empire: « L’honneur. L’humeur. L’horreur. »

    Ce qui est amusant, en plus, avec le recul, c’est que l’on s’aperçoit que dans ces années-là, et dans les mêmes parages bistrotiers,  les personnages des Gens de la Nuit auraient pu croiser la bande de Debord et des premiers situs qui dérivaient sur le mode « psychogéographique » afin de réenchanter la ville. Ainsi, cette scène où le peintre fait découvrir au narrateur à l’aube le ballet purement gratuit des arroseuses municipales devant l’Hôtel de Ville avant qu’elles ne se mettent au travail.

    Pour le reste, est-il utile de savoir que le narrateur guérira de son chagrin d’amour un peu à la manière de Swann ou de Frédéric Moreau, que le comportement erratique et angoissé de nombre de personnages est dû à la « poudre » qui fait son apparition dans Paris et qu’il y a du roman noir dans Les gens de la nuit ?

    Sans doute, mais le plaisir donné par ce roman est ailleurs, dans quelque chose qui ne vieillit pas, qui ne vieillira jamais et qui s’appelle la mélancolie : « Nous ne sommes pas nombreux à connaître ses secrets, pas nombreux mais inguérissables. »

    Les gens de la nuit de Michel Déon (édition revue et corrigée, La Table Ronde) 5,93 €

    Jérôme Leroy