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Un hôtel au château de Versailles ? Tous comptes faits, Frédéric Rouvillois doit avoir raison

 

Chacun, après tout, se fera son avis, réagira à sa façon. Mais la position de Frédéric Rouvillois sur ce sujet sensible - particulièrement pour des royalistes -  nous paraît tout bien pesé raisonnable et positive. L'exemple des paradors espagnols nous paraît être un argument de poids. Ils ont sauvé de la ruine ou de la muséification quantité d'édifices anciens, désormais pleins de vie, parfois de pures merveilles architecturales et historiques comme l'hôtel San Marcos à Leon ou l'hôtel des Rois Catholiques à Saint Jacques de Compostelle. La France eût été bien inspirée de reprendre chez elle cette idée que l'Espagne a conçue et commencé de réaliser sous le règne du roi Alphonse XIII ... Il est encore temps ! LFAR 

 

frederic-rouvillois.jpgPour Frédéric Rouvillois*, la probable installation d'une résidence hôtelière sur le domaine peut être un moyen astucieux de sauver des bâtiments en déshérence. Selon lui, « la muséification systématique du patrimoine a quelque chose de glaçant ».

L'Établissement public du château de Versailles a lancé un appel d'offres pour transformer un ensemble de trois bâtiments longeant le Parterre de l'Orangerie, inoccupés depuis 2008, en hôtel. Certains s'opposent à une privatisation du patrimoine, d'autres pointent la baisse des crédits du ministère de la Culture et l'urgence de restaurer des bâtiments qui sont dans un état de délabrement avancé. Que pensez-vous de cette controverse ?

Frédéric Rouvillois: Elle me rappelle celle qui a eu lieu récemment à propos de la vente des biens de la famille d'Orléans. Cette dernière a suscité un débat : certains se scandalisaient du fait que les princes de la maison de France vendent un certain nombre de biens importants liés à l'Histoire, aux enchères, comme de simples particuliers. Il me semble que ce réflexe était un peu bourgeois : dire « nous avons un patrimoine, il faut absolument le garder tel qu'il est, sans en modifier un atome » est inapproprié. Mais des objets à caractère historique - portraits, meubles ou argenterie - ne changent pas de nature en changeant de propriétaire. Au fond, qu'ils soient entre les mains de la famille d'Orléans ou d'un collectionneur chinois ou texan amoureux de l'histoire de France ne modifie pas la valeur des objets.

La polémique actuelle est similaire. Se scandaliser que des bâtiments qui ont été conçus pour abriter des personnes et des activités humaines, et être des lieux de vie soient loués temporairement, et transformés en hôtels par leur propriétaire, ce qui permettrait de les sauver, est une réaction inadaptée. Dans l'appel d'offres se trouve l'idée que l'on restaurerait les bâtiments en question, leur toiture. Si cela permet de ne pas les laisser à l'abandon, de conserver un patrimoine même dévolu temporairement à des activités commerciales ou privées, cela importe peu. La muséification systématique du patrimoine a quelque chose de glaçant. Evitons de tomber dans le côté « poussiéreux » que peut avoir une certaine conception de la préservation du patrimoine français. L'Espagne fait cela depuis longtemps avec les Paradores [ndlr: établissements de luxe situés dans des châteaux, forteresses, couvents, et autres édifices historiques, fondés par le roi Alphonse XIII pour promouvoir le tourisme en Espagne dès 1928] et ce principe fonctionne très bien.

Y-aurait-il des monuments non-transformables par nature ?

Evidemment. Les monuments sacrés. Mais ici, on ne transforme pas une église en jacuzzi ! Il ne s'agit pas de faire comme les révolutionnaires de 1793 qui voulaient transformer les églises en grenier à blé ou les vendre à des marchands de pierres pour les détruire et en faire des pavés pour les routes… Ici, la destination n'est pas remise en cause ou dévoyée. Il s'agit de permettre à des gens, contre une somme élevée, de profiter de la beauté du patrimoine historique français, du témoignage le plus élevé, le plus noble de la grandeur de la France. Le projet ne me paraît pas devoir susciter immédiatement la condamnation.

Cela ne risque-t-il pas de ternir l'esprit de ces lieux historiques ? Certains parlent de « disneylandisation » du patrimoine…

Non, si « disneylandisation » il y a, elle serait plutôt du fait de ceux qui exposent des œuvres de Jeff Koons dans la galerie des Glaces ou des installations bizarres d'Anish Kapoor dans les jardins de Versailles. C'est cela qui ternit l'esprit des lieux.

Ce projet voit-il le jour parce que l'Etat déserte toute une partie du domaine de la culture ?

L'Etat a fait des choix en matière de culture. Il préfère subventionner l'art contemporain dans ce qu'il a de moins artistique et de plus lié à la spéculation financière. S'il s'occupait davantage du patrimoine, notamment architectural, on ne le verrait pas dans l'état d'abandon dans lequel certains monuments sont aujourd'hui. Une fois que l'on a fait ce constat, il convient de prendre des initiatives telles que cet appel d'offres pour éviter que ce patrimoine ne tombe en ruines.

Pour le moment, seul le château de Chambord est touché par cette transformation d'une partie du domaine en gîtes de charme. Estimez-vous qu'à l'avenir, d'autres joyaux du patrimoine français puissent être concernés par ces privatisations ?

C'est possible. Mais dès lors qu'on ne transforme pas la Sainte Chapelle en supermarché, ce n'est pas gênant. L'important est de ne pas commettre de contre-sens sur l'esprit des lieux. Lorsqu'ils ont été pensés pour abriter des gens, comme le sont les châteaux, ils peuvent l'être de nouveau - que ce soient des chefs d'Etat étrangers ou des riches clients amoureux de notre patrimoine. Certains monuments, comme le château de Compiègne par exemple, vide et peu visité, auraient à gagner à ce qu'une partie soit transformée en hôtel de charme et qu'ils retrouvent leur lustre d'antan plutôt que de s'engloutir que à peu dans le maelström de la poussière. 

* Frédéric Rouvillois est professeur de droit public et écrivain. Il a publié de nombreux ouvrages sur l'histoire des idées, notamment L'Invention du progrès, aux origines de la pensée totalitaire (CNRS Éditions, 2010), ainsi que des essais sur la politesse, le snobisme et les institutions, et plus récemment Une histoire des best-sellers (Flammarion, 2011). Son dernier livre Crime et utopie, une nouvelle enquête sur le nazisme, a été publié chez Flammarion.

Entretien réalisé par Eléonore de Vulpillières (Vox Culture)

            

Commentaires

  • Finalement, F. Rouvillois a raison et l'exemple des paradores espagnols est un bon exemple.
    Si l'on sauve à Versailles les espaces de prestige et que l'on transforme en hôtel de luxe des parties annexes qui avaient été conçues, au temps de Louis XIV, comme appartements attribués aux courtisans, ce ne serait au fond que les ramener à leur destination première et leur rendre la vie. Le vrai scandale à Versailles, ce sont ces expositions d'oeuvres minables, loufoques et vulgaires mais toujours démesurées d'un "art" dit contemporain totalement dégradant et en totale dysharmonie avec les lieux..

  • Ce qui était à craindre sur ce sujet c'était les réactions outrées des ultras. Donc, bien d'accord avec ce dernier commentaire "intelligent". Metci !

  • Même si les arguments de Frédéric Rouvillois sont pertinents, il y a cependant certaines limites à concevoir le patrimoine historique français entre les mains de personnes privées morales et non physiques.

    Tout d'abord, il y aurait intérêt à interdire la possession de ce patrimoine par des sociétés étrangères ou majoritairement étrangères, pour que celui-ci demeure français. Dans un cas comme Versailles, l' Etat devrait avoir son mot à dire même auprès d'une société propriétaire privée pour ne pas y faire n'importe quoi (peut-être sera ce le cas, le bâtiment en question étant sans doute classé monument historique). Il ne faut pas en effet oublier les pilleurs de notre patrimoine que furent les "investisseurs japonais", il y a quelques années en arrière (château de Sully à Rosny, château de Madame du Barry à Louveciennes etc).

    Il y a également une autre objection quant à la transformation de lieux historiques en hôtels. Bien souvent, il n'y reste plus rien à visiter car il n'y a pas eu d'intérêt à préserver ce qui pouvait l'être hormis les murs ou il y a eu préalablement dépouillement des intérieurs comme dans le cas des Japonais. Par ailleurs, lorsque vous souhaitez vous rendre dans ces lieux seulement pour apprécier ce qu'il en reste ou leur écrin, vous ne pouvez le faire qu'en y séjournant, le restaurant vous étant interdit car réservé aux seuls hébergés.

    Il devrait donc y avoir dans ce type d'opération, une sorte de charte permettant un espace de visite ou d'accès à ces sites en terme d'horaire ou de lieu (accès au moins aux jardins par exemple) afin que les sites demeurent en partie accessibles au public et non pas aux seuls résidents.

  • Fréderic Rouvillois a raison, il faut faire vivre es monuments ou bâtiments à l'abandon/ la muséafication ou glaciation d e notre notre patrimoine après la glaciation de notre école est bien une caractéristique d e notre république bourgeoise, finalement toujours héritière des acheteurs des biens nationaux .. Ne soyons pas conservateur du mal, de notre république Maintenant le mauvais goût régnant dans l'art officiel il est peut être plus sûr de faire hôtels de charme qu 'y abriter des expositions déjantés à la gloire de l'art officie
    Comme disait l a nourrice d e Louis XV l'emmenant loin des médecins! " celui vous ne l'aurez pas" Ce bâtiment ne sera plus à la gloire d'un régime moribond.

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