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Idées, débats... - Page 470

  • Livres • L’or du rien

        Tadashi Kawamata   

     

    L'imposture que constitue ce que l'on appelle avec complaisance l'art contemporain est aujourd'hui assez communément dénoncé. C'est ce que fait ici avec pertinence Laurent Dandrieu en commentaire d'un livre d’Aude de Kerros qui démontre comment le dit art contemporain est devenu une bulle spéculative. De l’art de faire des fortunes avec du vent.

     

    laurent%20dandrieu%203.jpgLes chiffres donnent le tournis : 58,4 millions de dollars pour un chien gonflable de Jeff Koons (Balloon Dog), 100 millions de dollars pour une tête de mort (certes incrustée de diamants) de Damien Hirst (For the Love of God), 70,5 millions de dollars acquittés le 11 novembre dernier, chez Sotheby’s à New York, pour des gribouillages sur tableau noir signés de Cy Twombly (Untitled). Selon le site Artprice, le chiffre d’affaires annuel du marché de l’art contemporain serait aujourd’hui de 1,7 milliard d’euros, soit une augmentation de 1 800 % en quinze ans !

    Dans l’essai qu’elle consacre au phénomène, Aude de Kerros montre qu’aujourd’hui, l’art contemporain (qu’elle désigne par l’acronyme AC, pour bien souligner que ce courant ultra-dominant ne saurait prétendre à représenter la totalité de l’art d’aujourd’hui) est essentiellement devenu un art financier, une bulle spéculative pour grandes fortunes avides de placements hautement rentables et quasiment sans risques. Si le titre de son livre, l’Imposture de l’art contemporain, pourrait laisser croire à une énième dénonciation du vide de ce nouvel art officiel, l’approche en est plus novatrice : démonter les processus par lesquels, d’avant-garde esthétique, il s’est mué en puissance économique dominatrice et monopolistique.

    Sous ses dehors d’art contestataire, censé poser sur le réel un regard déconstructeur en ne cessant de le “questionner” — sans jamais donner la moindre réponse, ce qui permet de continuer à poser indéfiniment les mêmes questions —, l’art contemporain est devenu une valeur refuge, d’autant plus commode qu’elle est incontrôlable : « C’est un produit qui échappe à bien des réglementations, aux taux de change, aux problèmes de douane, grâce aux zones franches. Il offre des possibilités à l’évasion fiscale et au blanchiment d’argent. […] Les délits d’initiés, les trusts et les ententes ne sont pas réprimés sur le marché de l’AC. » Indépendant par essence de la critique, puisque seul le regard de l’artiste est apte à décider ce qui est de l’art, l’AC s’est, depuis quelques années, émancipé de la tutelle des institutions (musées, pouvoirs publics) pour ne plus dépendre que du marché. Un marché qui est tout sauf transparent, puisque collectionneurs, galeristes, experts et grandes maisons de ventes aux enchères travaillent main dans la main, avec la bénédiction complice des grands musées instrumentalisés par le secteur privé, pour déterminer les cotes des artistes d’une manière on ne peut plus artificielle — mais très avantageuse pour toutes les parties concernées. Irrespectueux par essence, l’art contemporain s’est d’ailleurs toujours montré très déférent vis-à-vis de la puissance de l’argent : « On peut se foutre de la gueule de l’art, mais pas de la gueule du marché », déclare ainsi Damien Hirst, qui parle d’or.

    Devenu marginal sur le marché de l’art, où il ne pèse guère ni artistiquement ni financièrement, Paris s’est vu attribuer un autre rôle : celui d’une place de prestige, assignée à la légitimation de l’AC. Versailles, le Louvre, l’hôtel de la Monnaie, en ouvrant leurs portes à Koons, Murakami ou McCarthy, leur confèrent par capillarité la dignité de la haute culture, une sorte de label de qualité symbolique incritiquable.

    Bien rodé, le système peut-il perdurer indéfiniment ? Depuis quelques années, le réveil de la pensée critique sur le sujet laisse deviner que le roi est de plus en plus nu. Quant à cette « titrisation du néant » que dénonce Jean Clair, cette manière de conférer des prix délirants à des objets qui artistiquement n’existent pas, elle semble condamnée à se dégonfler aussi sûrement que ces produits financiers dérivés qui ne reposaient sur rien de tangible et qui ont abouti à la crise des subprimes. À défaut de rester dans l’histoire de l’art autrement que comme symptôme de dégénérescence, peut-être Jeff Koons restera-t-il comme un prophète, pour avoir donné à ses oeuvres phares l’opportune apparence de baudruches. 

    Aude_de_Kerros.jpgL’Imposture de l’art contemporain, une utopie financière, d’Aude de Kerros, Eyrolles, 256 pages, 25 €.

    Laurent Dandrieu  [Valeurs actuelles]

  • Livres • Crime imaginaire et victimes réelles

     

    Entre blasphème, soldats d'Allah, charia et menace des kalachnikovs, une excellente chronique d'Éric Zemmour pour FigaroVox.

     

    Un an après Charlie, seule une plongée dans le passé du blasphème nous éclaire. Une histoire passionnante où religion et politique sont étroitement mêlées. Hier comme aujourd'hui.

    Le mot avait disparu du langage courant. Il évoquait des temps immémoriaux et obscurs, où le Moyen Âge et le chevalier de La Barre se mêlaient dans une grande confusion historique. Le blasphème nous semblait aussi désuet que la marine à voile mais sans susciter la même nostalgie pour la splendeur des équipages. Il y a un an, l'exécution de dessinateurs blasphémateurs au cri d'Allah akbar nous a ramenés dans un passé que l'on croyait révolu. Aussi efficace qu'une machine à remonter le temps, la kalachnikov des frères Kouachi ressuscitait un univers des «péchés de bouche» et des «serments outrageux» que Voltaire et la République des Jules avaient cru enterrer dans le linceul des «crimes imaginaires». Alors, pour mieux comprendre et combattre ce qui nous tombait dessus, autant plonger dans ce passé qui était fort bien passé. C'est ce que nous propose Jacques de Saint Victor, historien du droit bien connu des lecteurs du supplément littéraire du Figaro. Une plongée passionnante et instructive qui nous ramène aux sources juives du Dieu monothéiste, exclusif et jaloux, et de ces développements complexes en terre chrétienne.

    Notre auteur nous surprend en nous apprenant que, contrairement aux idées reçues, ce n'est pas tant l'Église qui réprima le blasphème que les rois ; le pape tempérait même les ardeurs répressives des rois: «C'est plutôt la politique que la religion qui a rendu la religion intolérante.» Les guerres de religion allaient donner une nouvelle vigueur à cette question, dans un temps où les protestants usaient du blasphème pour scandaliser les catholiques et où le protestantisme fut assimilé au blasphème par les catholiques. Pour sortir des guerres de religion, les politiques inventèrent la monarchie absolue. Que les Lumières et la Révolution remplacèrent par la nation. On n'avait plus besoin de Dieu et de la religion pour fonder la légitimité du pouvoir politique. «La France fut la première nation en Europe à abolir expressément le délit de blasphème en 1791… La première nation à dissocier aussi nettement le droit et la religion.» Les tentatives pour restaurer les anciens interdits (Restauration, second Empire) étaient vouées à l'échec et au ridicule. Mais le ridicule ne tue pas. Notre auteur s'en amuse ou s'en effraie. «Notons que notre exigence actuelle de “respect des religions” ou de “décence” puise sa source dans les plus obscures décisions de justice du second Empire, celles-là mêmes qui poursuivaient Proudhon, Baudelaire et Flaubert!» Nous vivons le temps des grands renversements d'alliance. Les progressistes ont des faiblesses pour le Moyen Âge. Les laïcards, des tendresses pour Allah. «La pénalisation du “discours de la haine” et le respect des convictions intimes étaient brandis par la droite ultracatholique de 1881 pour dénoncer le blasphème ; les voici repris aujourd'hui par les associations antiracistes.»

    À l'époque, c'est Clemenceau, anticlérical et anticolonialiste, qui lançait: «Dieu se défendra bien lui-même ; il n'a pas besoin pour cela de la Chambre des députés.» Aujourd'hui, c'est l'extrême gauche qui explique que la laïcité est un projet colonialiste et raciste, et que l'islam rigoriste n'est que «la rage des victimes de la mondialisation capitaliste».

    Jadis, l'État français combattait tout communautarisme et tout État dans l'État. Aujourd'hui, c'est l'État lui-même qui, avec la loi Pleven, «marque le début juridique du repli communautaire en France en institutionnalisant sans y prendre garde la logique identitaire». À l'ONU, sous la pression des pays musulmans, le conseil des droits de l'homme adopte une résolution en 2009 qui affirme la nécessité de poursuivre «toute forme de diffamation des religions» et le Vatican s'y oppose, voyant le danger pour les chrétiens dans les pays musulmans.

    Dans ce tohu-bohu historique et idéologique, notre auteur tente de raison garder. Il invoque les mânes modérés de Montesquieu ; refuse la confusion faite «entre respect des croyances et respect des sensibilités». Mais il paraît désarmé devant cette «singularité française: depuis le début des années 2000, la nation la plus laïque d'Europe va nourrir, en son sein, des exigences parmi les plus fondamentalistes du continent en matière de blasphème». Il diagnostique fort bien un retour à l'esprit des guerres de religion: «Le blasphème a fini par redevenir un “curseur identitaire” comme il l'avait été au XVIe siècle» ; mais il croit pouvoir établir une égalité entre les menaces venues de l'islam littéraliste et celles issues du christianisme fondamentaliste. Derrière celui-ci, il croit voir l'ombre de «l'ordre moral». Il continue à croire que «la société libérale laïque reste en définitive la seule réponse à ce délit de blasphème» ; mais il oublie que cette société libérale de la IIIe République respectait alors «la morale de nos pères» chère à Jules Ferry, et ne sacrifiait pas aux rites postmodernes de la théorie du genre et du mariage homosexuel. Il invoque avec raison le souvenir glorieux de Clermont-Tonnerre et sa fameuse phrase: «Il faut tout donner aux juifs en tant qu'individus, et rien en tant que nation», en omettant que les Israélites, en échange de leur émancipation religieuse, poursuivaient leur assimilation culturelle à une société chrétienne. Il craint que cette évocation vigoureuse et décomplexée de nos racines chrétiennes ne pousse au «choc des civilisations» en faisant mine de ne pas voir que le fameux choc a déjà fait couler le sang dans les rues de Paris. Il nous avait pourtant lui-même donné les clefs d'explication du retour tonitruant de cette question dans la France du XXIe siècle, en nous montrant que la répression du blasphème fut une des armes utilisées par le pouvoir royal pour affirmer son autorité et sa souveraineté.

    De même aujourd'hui, la répression du blasphème par des soldats d'Allah exprime la volonté d'affirmer sur notre sol, et nos populations, l'émergence d'un pouvoir islamique, fondé sur la charia et appuyé par la menace des kalachnikovs. Les islamo-gauchistes ont déjà choisi d'y faire allégeance. D'autres s'y refusent. Notre auteur, comme nous tous, devra se résoudre à choisir son camp. 

    Eric Zemmour 

    Blasphème de .Jacques de Saint Victor, Gallimard, 122p., 14 €

    Blasphème de .Jacques de Saint Victor, Gallimard, 122p., 14 €

  • Rétro 2015 • Civilisation, ce mot si souvent brandi en 2015 mais dont le sens profond nous échappe largement

     
     
    Guerre de civilisations ? Défense de la civilisation ? A la suite des attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan, le mot de civilisation s'est retrouvé dans tous les discours des politiques et des intellectuels français. Mais en connaît-on véritablement le sens ? Retour sur l'histoire d'un mot et tentative de définition.
    Telle est, du moins, ici, l'intention de Christophe Dickès et tel est l'objet de sa réflexion, qu'il mène à partir de la pensée de Jacques Bainville. Ce dernier serait sans-doute assez surpris que l'on tente de résumer son pessimisme et peut-être son espoir pour l'avenir de notre civilisation par la formule de Jean d'Ormesson citée par Christophe Dickès : « Le seul salut ne peut venir que de l’entreprise » ! Mais, de fait, l'analyse que nous livrons à la réflexion de nos lecteurs ne s'en tient heureusement pas là. Il faut donc lire l'ensemble de cette chronique qui, bien entendu, n'épuise pas le sujet ... LFAR
     

    dickès.pngA la question de savoir quel a été le moment le plus important de l’année 2015, il me semble qu’il ne s’agit pas d’un événement en particulier, mais plutôt d’un mot : celui de civilisation. Ce mot avait beaucoup été utilisé au lendemain des attentats du 11 septembre. On parlait alors du choc des civilisations, en écho au célèbre livre de Samuel Huntington.

    Depuis plus d’un an, la progression dans l’horreur des islamistes de Daech a amené nos hommes politiques à adopter l’idée d’une « défense de la civilisation ». Après Nicolas Sarkozy au mois de janvier dernier, Manuel Valls a franchi le Rubicon en évoquant à son tour la guerre de civilisation au mois de juin : « Nous ne pouvons pas perdre cette guerre parce que c’est au fond une guerre de civilisation. C’est notre société, notre civilisation, nos valeurs que nous défendons ». Le 14 juillet dernier, ce fut au tour de François Hollande de nous expliquer que nous étions face à des groupes qui « veulent remettre en cause les civilisations ». Par l’utilisation du pluriel, l’affaire se compliquait quelque peu... De son côté, et bien avant tout le monde, Christiane Taubira se réjouissait du changement de civilisation opéré par le mariage entre personnes de même sexe. Une civilisation serait donc à géométrie variable. Mais au fond qu’est-ce donc que la civilisation ? 

    En son temps, c’est-à-dire au début du XXe siècle, l’historien et journaliste Jacques Bainville (1879-1936) tenta de la définir en se posant la question de son avenir. Il le fit en 1922, c’est-à-dire au lendemain de la Grande Guerre, considérée à l’époque comme le plus grand traumatisme de l’histoire européenne. Il rappelait à juste titre que le mot de civilisation s’était répandu en Europe au XIXe siècle, c’est-à-dire à une époque de progrès scientifique, industriel et commercial : « La conception du progrès indéfini concourut à convaincre l’espèce humaine qu’elle était entrée dans une ère nouvelle, celle de la civilisation absolue. » Mais, pour Bainville, confondre progrès et civilisation était une erreur : le progressisme lyrique de Victor Hugo et le scientisme d’Auguste Comte ont été ensevelis dans la boue des tranchées de 1914. La guerre de masse rappela à l’espèce humaine que le progrès n’était pas si indéfini… A l’orgueil et à l’ivresse s’étaient substituées la mort et les souffrances, la peur et les angoisses. Conscient de la fragilité du monde dans lequel il vivait, Bainville constatait : « Nous voulons bien croire encore, par un reste d’habitude, au progrès fatal et nécessaire. Mais l’idée de régression nous hante, comme elle devait hanter les témoins de la décadence de l’empire romain. »

    La civilisation n’a donc rien à voir avec le progrès. Elle était pour lui comme la santé, destinée à un équilibre instable : « C’est une fleur délicate. Elle dépend de tout un ensemble de conditions économiques, sociales et politiques. Supprimez quelques-unes de ces conditions : elle dépérit, elle recule ». Et il ajoutait plus loin : « La réalité que l’on avait oubliée ou méconnue et qui se rappelle à nous cruellement, c’est que la civilisation, non seulement pour se développer, mais pour se maintenir, a besoin d’un support matériel. Elle n’est pas dans les régions de l’idéalisme. Elle suppose d’abord la sécurité et la facilité de la vie qui suppose à son tour des Etats organisés, des finances saines et abondantes. » Et c’est ici que Bainville donne la définition de la civilisation. Elle est, écrit-il, « un capital. Elle est ensuite un capital transmis. Car les connaissances, les idées, les perfectionnements techniques, la moralité se capitalisent comme autre chose. Capitalisation et tradition, - tradition c’est transmission, - voilà deux termes inséparables de l’idée de civilisation. »

    Il peut paraître étonnant de la part de Bainville, historien et spécialiste des relations internationales, d’associer l’idée de civilisation en partie à des nécessités économiques. Pourtant, c’est oublier qu’il fut, dans l’histoire de la presse, un des tous premiers journalistes économiques, collaborateur du journal libéral Le Capital. A cet égard, il offre bien des leçons pour notre temps et n’aurait pas été dépaysé sous la présidence de François Hollande et le gouvernement de Manuel Valls : il blâmait les rigueurs du fisc qui empêchait l’investissement ; il souriait de la fuite des capitaux en rappelant l’histoire de Voltaire que l’on considérerait aujourd’hui comme un exilé fiscal ; il soutenait le sort des classes moyennes « qui sont le plus solide support de la civilisation » contre l’Etat-providence. Il a même fustigé ces socialistes qui menacent la finance quand ils sont dans l’opposition, pour mieux la solliciter arrivés au pouvoir : « On menace, on épouvante d’abord les capitaux, on court ensuite après eux. On montre le poing aux banques dans l’opposition. Au pouvoir, et quand le Trésor est à sec, on sollicite l’aide des banquiers. » Dans une émission de radio, Jean d’Ormesson, à qui l’on demandait ce qu’impliquait « Changer de politique », le slogan de la soirée électorale du 13 décembre dernier, lança laconique : « Le seul salut ne peut venir que de l’entreprise. » Un constat très bainvillien en somme que ne semble pas comprendre notre gouvernement.

    Néanmoins, l’enseignement de Bainville a ses limites. En effet, il aurait été surpris par les fractures sociale et sociétale de notre époque, tout comme par le développement du communautarisme. La France du début du XXe siècle, c’est-à-dire la France de la IIIe République gardait une identité forte incarnée dans l’éloquence de ses hommes politiques, de ses gens de Lettres et ses hommes de presse. C’était un temps aussi où l’on respectait le professeur dont le rôle était de transmettre un savoir et non d’éduquer des enfants. La IIIe république entretenait aussi le culte du passé. De tout le passé, sans exception. A La Sorbonne, l’amphithéâtre Louis Liard qui date des premières années du régime républicain, un des plus beaux d’Europe, incarne cette conception assumée de notre histoire : on y voit le portrait en pied de Richelieu au-dessus de la chaire principale et, dans les médaillons, on reconnaît Pascal, Bossuet, Descartes, Racine, Molière et Corneille. L’âme française. Bainville pleurerait de voir que la civilisation est aujourd’hui aux mains d’amateurs plaçant le latin comme un « enseignement de complément » selon le jargon du Ministère de l’Education nationale.

    Bainville, qui associait nécessités de la politique intérieure et défis de la politique étrangère, croyait aux permanences dans l’histoire. Pour cette raison, son œuvre, qui ne cesse de puiser des exemples dans le passé, reste profondément contemporaine. C’est peut-être pour cette raison que depuis sa mort en 1936, elle a été rééditée par les plus grandes maisons de la place parisienne[1]. Si Bainville avait vécu de nos jours, il aurait été classé dans le camp des « déclinistes » aux côtés de Zemmour, Lévy, Rioufol ou de Villiers. Pourtant, il rappelait que « le pessimisme, cause de découragement pour les uns, est un principe d’action pour les autres. L’histoire vue sous un aspect est une école de scepticisme ; vue sous un autre aspect, elle enseigne la confiance. » L’année 2015, elle, nous aura enseigné une leçon oubliée, celle de la fragilité des temps. Il ne tient qu’à nous de redonner à notre civilisation toute sa force.   

    [1] Bainville, La Monarchie des Lettres (anthologie), Robert-Laffont, coll. Bouquins, 1184 pages, 30,50€.

    Historien et journaliste, spécialiste du catholicisme, Christophe Dickès a dirigé le Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège chez Robert Laffont dans la collection Bouquins. Il est également l'auteur de Ces 12 papes qui ont bouleversé le monde (Tallandier).

    Atlantico

  • Exposition • Monarchie et beaux-arts

    Vaduz

    Par Péroncel-Hugoz

    Emballé par une exposition de haut vol à Aix-en-Provence, Péroncel-Hugoz en profite pour mettre en lumière les liens naturels existant entre la royauté et les arts.

     

    peroncel-hugoz 2.jpgEn ce moment, et jusqu’au 20 mars 2016, se tient à Aix, ancienne capitale de la Provence comtale puis royale, une exposition de peinture comme on en voit rarement par sa haute qualité, et qui permet aussi de se pencher sur les rapports étroits existant souvent, tant en Occident qu’en Orient, entre monarchie et beaux-arts. 

    La collection en question ici appartient aux princes souverains du Liechtenstein qui règnent depuis le XVIIe siècle sur ce petit (160 km², 36 000 âmes, capitale Vaduz) mais superbe pays, inséré entre Rhin et Alpes, entre Suisse et Autriche et où règne actuellement, depuis 1989, Son Altesse Hans-Adam II, quinzième monarque de cette dynastie germanique qui a résisté à tous les bouleversements et a affirmé son indépendance en écartant l’idée d’adhésion à l’Union européenne. 

    Les tableaux présentés à Aix-en-Provence sont tous hors concours et résument bien la grande peinture européenne d’hier, loin, très loin des «installations» de ferrailles et chiffons d’aujourd’hui qui font rugir d’admiration les chroniqueurs «dans le vent» de la presse euro-américaine … Une foule franco-étrangère se presse chaque jour depuis le 7 novembre, vers le grandiose hôtel (et nouveau musée) de Caumont, rendu récemment à ses décors XVIIIe siècle, pour y admirer des œuvres de Cranach, Raphaël, Rubens, Rembrandt, Franz Hals, Van Dyck, Claude-Joseph Vernet, Hubert Robert, Madame Vigée-Lebrun, etc. 

    Des sculptures de Breker au Maroc 

    En parcourant les hautes salles du musée, je pensais au patient travail de collectionneur des souverains français, de François 1er à Napoléon III, via Louis XIV et Louis-Philippe 1er, grâce à la perspicacité de qui Paris possède aujourd’hui, avec le Louvre, le plus vaste pôle artistique des cinq continents. Je pensais aussi à la collection de peintures marocaines et étrangères que l’actuel monarque chérifien a commencée et également aux œuvres d’art réunies par certains de ses prédécesseurs, tel son grand-père Mohamed V qui, comme le très connaisseur président Senghor du Sénégal, sut faire appel par trois fois à celui qui fut sans doute le plus novateur, le plus spectaculaire sculpteur européen du XXe siècle, Arno Breker (1) ; le sultan-roi dépassait ainsi avec panache les préventions politiques contre cet artiste qui avait travaillé … pour le Troisième Reich d’Hitler… L’Art, le vrai, se reconnaît au fait qu’il est toujours au-dessus des vicissitudes de l’Histoire. La dynastie de Vaduz offre aussi un modèle exemplaire, quoique peu connu, de lignée adonnée à la constitution raisonnée d’un patrimoine artistique cohérent et varié. Loin des artistes de pacotille… 

    On se moque facilement, dans les salons casablancais ou parisiens, des extravagances de nouveaux-riches des islamo-pétro-monarchies mais c’est oublier que plusieurs d’entre elles (Koweït, Abou-Dhabi, Doubaï, Oman, Bruneï) sont collectionneuses et on ouvert des musées. Si l’Arabie fait exception, avec son intransigeant wahabisme qui a même laissé détruire d’insignes monuments historiques dans les Villes saintes de l’Islam, l’autre Etat wahabite, Qatar, a su, lui, honorer les beaux-arts avec magnificence sans pour autant renier sa doctrine religieuse. En Iran, la dynastie hélas renversée des Pahlavi a laissé derrière elle de fabuleuses collections persanes et européennes qui, tôt ou tard, feront derechef les délices des Iraniens. 

    Par hasard, c’est à Aix que je tombais sur le livre, pas encore traduit en français, du philosophe allemand naturalisé états-unien, Hans-Herman Hoppe (né en 1949), ayant enseigné en Europe et en Amérique, et qui, dans un essai brillamment argumenté, «Democracy: the God that failed» (Démocratie : le dieu qui a échoué) démontre que les monarchies, ayant pour elles « la durée et le temps», peuvent réaliser ce dont sont incapables beaucoup de républiques, par exemple réunir dans la sérénité, augmenter et conserver des collections d’œuvres d’art. Hoppe, comme avant lui le penseur canadien Marshall McLuhan (1911-1980), est devenu un fervent royaliste par la simple observation de faits contemporains ou historiques. Tous deux ont pointé la bousculade permanente des présidences de quatre ou cinq ans, qui plus est mangées en partie par des campagnes tapageuses et coûteuses en vue d’éventuelles réélections… Hoppe associe à son éloge de la royauté celui du capitalisme familial, tellement plus humain que le « bizness » international, aveugle et anonyme. 

    Les princes du Liechtenstein se sont de tout temps tenus à distance des jeux politiciens et l’un des plus beaux résultats de leur comportement détaché se trouve dans ces collections, actuellement en partie exposées à Aix; collections figurant au premier rang des patrimoines artistiques royaux, avant même peut-être celui des Windsor, en Grande-Bretagne, si on en croit les experts en art occidental. 

    Si vous passez cet hiver par la Provence, ménagez-vous une halte à l’hôtel de Caumont et vous jugerez !              

     

    Le Musée Caumont est ouvert tous les jours de l’année de 10h à 18h. Librairie. Petite restauration. Parc-autos à proximité. 3, rue Joseph-Cabassol, à deux pas du cours Mirabeau, 13100-Aix-en-Provence. 

    1. Voir « Arno Breker à la cour chérifienne », par Péroncel-Hugoz, « La Nouvelle Revue d’Histoire », Paris, juillet-août 2009

    Peroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le 360 du 25.12.2015

  • Société • Nativité et résurrection à l’italienne

     Palerme, Sicile

     

    Un point de vue original et juste de Camille Pascal

    Pour l'essentiel, Camille Pascal établit par l'exemple une comparaison entre la France et l'Italie, à l'avantage de cette dernière : « L’Italie, toute République qu’elle soit, sait d’où elle vient. ». L'explication est selon nous très claire : la République italienne naît presque immédiatement après la seconde guerre mondiale, comme une suite de la défaite de l'Italie, conduite par Mussolini et la dynastie des Savoie. Elle ne procède pas d'une révolution et n'a avec la Révolution française que des liens indirects. Elle ne se bâtit pas en rupture avec l'Histoire de l'Italie, elle ne pratique pas la table rase, elle ne renie pas ses racines C'est ce qui la différencie d'avec la République française qui se tient toujours, en définitive, dans le droit fil de la Révolution française, de l'idéologie qui la fonde et, sous diverses formes, du jacobinisme et de la Terreur. Sa radicalité ne s'est jamais vraiment éteinte. Et la France continue, si l'on peut dire, d'en porter la croix. LFAR

     

    Camille%20Pascal_22222222222222.pngLa réplique scrupuleuse d’un chef-d’oeuvre du Caravage a retrouvé la place de l’original, probablement vandalisé puis détruit.

    L’événement est passé quasiment inaperçu en France mais il a eu un retentissement considérable en Italie et dans le monde de l’art. Le 12 décembre dernier, à Palerme, la Nativité avec saint François et saint Laurent, du Caravage, a retrouvé le délicieux oratoire de San Lorenzo et son cadre de stucs insensés, sculpté par le grand Serpotta à l’extrême fin du XVIIe siècle.

    Le tableau avait été peint par le maître au lendemain de sa fuite des geôles de l’ordre de Malte, soit un an avant qu’il ne soit retrouvé mort sur une plage de Toscane, dans des conditions déjà pasoliniennes. Malgré la présence à l’arrière-plan de l’ange et de saint François d’Assise en prière, cette Nativité reste d’un très grand réalisme caravagesque.

    Saint Joseph est représenté avec la jeunesse que lui donnent les Écritures mais que lui refuse le plus souvent l’iconographie traditionnelle ; tournant le dos au spectateur, vêtu d’un pauvre manteau vert et chaussé de simples pantoufles, il semble dialoguer avec les saints apocryphes imposés par les commanditaires. La Vierge, elle, a la simplicité d’une jeune femme du peuple et regarde tristement l’Enfant Jésus posé à même le sol dans une position d’abandon, qui pourrait être celle d’un sommeil profond si elle n’annonçait pas déjà son sacrifice. La tête d’un boeuf pensif contemple cette Nativité désolée par l’obscurité du jour de la crucifixion.

    Pourtant, le tableau qui était inauguré en grande pompe le 12 décembre dernier est un faux ou, plus exactement, une réplique scrupuleuse savamment reconstituée grâce à des techniques de pointe. L’original, lui, a disparu. Il a été volé sur ordre d’un mafieux et maladroitement découpé au couteau par un mauvais garçon de Naples, qui devait avoir les mêmes traits que les modèles masculins dont le Caravage aimait à faire des apôtres, des martyrs ou des Bacchus. La toile n’a jamais été retrouvée. Massacrée par les larrons chargés de ce larcin, refusée par les receleurs épouvantés et peut-être taraudés par le remords du sacrilège qu’ils avaient ordonné, elle aurait été détruite.

    Les Palermitains n’ont jamais accepté cette disparition, ils ont d’abord tenté l’impossible pour retrouver l’original puis, en désespoir de cause, ils se sont donné les moyens de cette véritable résurrection de leur Nativité.

    Tout fut alors fait pour que ce chef d’oeuvre du ténébrisme ait retrouvé sa place avant Noël, de façon à ce que la Sainte Famille enfin réunie pour la Nativité puisse être offerte à la contemplation des fidèles. Le président de la République italienne, Sergio Mattarella, a tenu à assister, lui-même, à cette résurrection d’un monument de l’art sacré.

    L’Italie, toute République qu’elle soit, sait d’où elle vient. 

    Camille Pascal (

    Valeurs actuelles)

     

  • Beaux-arts • Andy Warhol : la prophétie du vide

     

    par Raphaël de Gislain

    L’un des mages de l’art contemporain fait l’objet d’une exposition nécessairement haute en couleurs au musée d’Art moderne de Paris. Ainsi est l’art d’Andy Warhol : un feu d’artifice tape-à-l’œil couronnant un monument de vacuité.

    « Le vide est en train de s’emparer de la planète », observait avec détachement Andy Warhol dans son journal en 1984. Il ne pouvait intérieurement que s’en réjouir, y voir briller le reflet de ses intuitions profondes, lui qui, depuis ses débuts dans les années 60, s’était évertué à inverser les polarités de l’art pour en brouiller les fréquences, rompant radicalement avec la religion romantique de l’artiste, chose que les Surréalistes n’avaient jamais osé faire, pour que se lève une aube nouvelle où le Rien devient la mesure de toute chose – de l’art en particulier –, où le temps s’arrête parce que l’âme cesse de battre, où l’ennui éternel accapare toute parcelle de vie, la matière ayant tout emporté sur son passage dans le productivisme effréné de l’après-guerre. La silhouette iconique du « pope of the pop » rabâchée ad nauseam comme une publicité – une ombre dégingandée d’adolescent au masque lunaire, aussi glacial que le platine de ses perruques – ne doit pas oblitérer la profondeur du vide où l’artiste a plongé de façon presque fatale : il y a quelque chose de sacrificiel dans l’art de Warhol ; un martyre de dandy condamné à vivre devant son miroir pour l’éternité.

    Des « trucs » érigés en œuvres d’art

    – O’ Brien : « Croyez-vous à la peine de mort ? »
    – Warhol : « Pour l’amour de l’art, bien sûr »
    Sa première véritable exposition en 1962, à Los Angeles, donne le « la » d’une conception qui entend renverser l’ensemble des paradigmes de l’art que la civilisation a mis des siècles à enfanter : en y montrant des peintures de boîtes de Campbell’s Soup, dont il se nourrissait, Andy Warhol transforme in fine les masses en commanditaires suprêmes de l’œuvre. Le Pop Art, un courant né en Angleterre, se révèle par son biais et celui de quelques autres, la nouvelle forme de l’art américain en réaction contre l’expressionnisme abstrait jugé trop élitiste. La culture dite populaire en est tout à la fois le sujet et l’objet : pour sa deuxième exposition, Warhol présente près de 400 « sculptures », des répliques de cartons d’emballage ou brillent les logos des marques Kellogg’s corn flakes, Brillo, Mott’s Apple Juice, etc. Ce faisant, l’artiste de Pittsburg exploite les « trucs » appris dans son métier de « designer » commercial et de publicitaire, les transposant dans le champ artistique. Si le scandale arriva, le malheur n’avait pourtant rien de neuf…

    Warhol ne faisait-là que recycler les fameux ready-made de Marcel Duchamp qui, dès 1913, exposait roue de bicyclette et autre urinoir à la barbe des critiques qui manquaient de s’étrangler devant tant d’audace. Dans Paris-New York et retour, Marc Fumaroli offre une lecture lumineuse du contexte dans lequel agissait Duchamp. Normand de vieille souche, cultivé et lettré, l’artiste vint fuir une vie de province bourgeoise dans le Paris des artistes. Ses deux frères étaient d’excellents peintre et sculpteur ; comment exister, lui qui se rêvait unique ? En déclarant que tel objet était une œuvre d’art qui s’ignorait. Avant lui, travaillait-on sans signer ? Il signerait sans travailler… Il y avait de l’esprit fin-de-siècle dans cette posture qui relevait d’une farce du Chat noir ou d’une fantaisie décadente de Laforgue. Mais en la mimant, Warhol en fait tout autre chose. Il coule le concept de ready-made dans la mentalité américaine de son temps, plus que jamais portée vers la consommation. La blague n’a plus à faire rire mais à faire vendre.

    A la peinture trop artisanale, trop lente et donc peu rentable, il préfère vite la sérigraphie, une technique de reproduction photographique sur toile qui lui assure une force de frappe maximum. L’art est un produit comme un autre. On doit pouvoir le démultiplier pour qu’il atteigne le plus grand nombre. Sa Factory, son usine-atelier où s’agglutinent poètes branchés et muses sous LSD, est là pour ça. Tout se décline à l’infini, puisque le sens a disparu au profit de la surface, qui demeure seule à subsister. La mort peut se choisir en vert, en rouge, en jaune, en bleu selon la photo de chaise électrique que l’on préfère ; les images de stars reproduites jusqu’à plus soif, de Jackie Kennedy, de Marilyn Monroe, etc. bénéficient de la même stratégie commerciale. De même que les portraits royaux diffusaient l’image de la monarchie, la publicité devient chez Warhol l’art des grandes démocraties…

    D’un totalitarisme à l’autre

    Il est assez fascinant de constater comment l’art warholien, par son absolue déshumanisation, en vient à vampiriser les concepts les plus éloignés de sa dynamique pour y puiser sa propre substance. Ainsi du réalisme socialiste auquel il s’oppose en tous points dès le départ, aussi bien politiquement qu’idéologiquement, en vantant malgré lui l’impérialisme américain, le règne de l’argent-roi et la consommation comme un art. Précisément par sa démarche, et parce que le libéralisme de l’image fonde dorénavant l’art des masses, Wahrol retourne les préceptes du réalisme socialiste en une forme de réalisme capitaliste. Son idéal créatif, ainsi que son meilleur modèle économique, l’un n’existant pas sans l’autre, pourrait même reposer sur la diffusion d’une seule et unique image. Après tout, quoi de plus rentable pour un industriel ? Ses nombreux portraits de Mao Tsé-toung paraissent illustrer cette tentation d’anéantissement artistique total, que l’artiste avoue à demi-mot : « Ils (les Chinois) sont vraiment cinglés. Ils ne croient pas en leur créativité. Leur seule image, c’est celle de Mao Tsé-toung. C’est formidable. On dirait une sérigraphie »…

    Devant cette vie de bluff qui croit en tout sauf en elle-même, face à une conscience qui s’est condamnée à engendrer une œuvre volontairement vaine et sans âme, on devine, en creux, comme un destin sacrifié. Warhol, élevé dans le catholicisme uniate, qui priait avec sa mère et restait au fond de lui attaché à la figure du Pape – il rencontra Jean-Paul II en 1980 – finit par s’immoler par l’argent pour que s’accomplisse son siècle. Lâcheté ou cynisme, peu importe. Le temps de l’art commercial était venu et il œuvra à son avènement. Il y réussit presque trop bien. L’art contemporain et ses succursales demeurent aujourd’hui encore asservis à sa vision du marché et de la masse ; les dégâts sont irréversibles. En investissant la totalité des canaux de diffusion qui allaient fonder le monde postmoderne, médias, commerce et finance, le Pop Art a forgé la matrice de l’art spéculatif d’aujourd’hui. Une certaine Europe bourgeoise aura fait l’immense erreur de le mépriser, calfeutrée dans ses pédantes certitudes, sûre de pouvoir balayer cette avant-garde, comme les autres, d’un revers de la main. Il se jouait sous ses yeux une guerre idéologique majeure…

    Warhol Unlimited, Musée d’Art moderne de Paris, jusqu’au 7 février.

     

  • Patrimoine • Lancement du projet de reconstruction de la flèche de Saint-Denis

     

    Les projets de reconstruction sont nombreux. Peu se réalisent, beaucoup tardent à le faire. Tous sont intéressants, méritent d'être signalés et témoignent, en tout cas, de l'attachement persistant de la société française à son patrimoine historique. LFAR 

    En cette année 2015, la façade de la basilique vient d'être rénovée : elle a retrouvé la blancheur de ses pierres, ses inscriptions dorées et sa très originale horloge dont les aiguilles sont en forme de serpent. Mais, depuis un siècle et demi, il manque à la basilique sa tour nord, surmontée d'une flèche (croquis ci dessous).

    st denis 2.jpgJusqu'au XIXème siècle, les deux éléments culminaient à 86 mètres au-dessus du parvis. Frappés par la foudre puis déstabilisés par une tornade, ils avaient dû être démontés en 1846. Une intervention - pense-t-on à l'époque - provisoire... 

    Fin 2015, un Comité de parrainage du projet de reconstruction de la tour nord et de sa flèche, présidé par l'académicien Erik Orsenna se crée, appuyé par la mairie : "Cette basilique fait partie de notre histoire. Elle est inscrite dans les gènes d'une ville qui s'est édifiée autour d'elle. C'est l'une de nos grandes fiertés, et il est temps de lui redonner le visage qu'elle a eu pendant des siècles." (Didier Paillard, le maire PCF de Saint-Denis)  

    L'idée portée par la municipalité et les parrains du projet est d'installer un chantier médiéval en pleine ville, le visiteur étant ainsi plongé dans les techniques de l'époque, tout à côté de la cathédrale, découvrant comment sont façonnés les éléments de la tour, observant le travail des artisans (tailleurs de pierre, forgerons, charpentiers...), découvrant les méthodes de transport de l'époque, exactement comme ce la se passe au château de Guédelon, édifice construit aujourd'hui selon les méthodes utilisées au Moyen-Âge... 

    st denis 3.jpg

     

     

    L’horloge de la Basilique est une superbe rosace de 4,50 mètres de diamètre, restituée avec ses très curieuses - et très originales... - aiguilles en forme de serpent...

  • BD • Quelques BD pour les vacances de Noël

     

    par CS

     

    Le Papyrus de César

    Difficile de passer à côté de la dernière production des éditions Albert René et des célébrissimes aventures d’Astérix et Obélix. Pour cette 36e aventure des irréductibles gaulois, les dignes héritiers de René Goscinny et Albert Uderzo nous emmènent à Rome, dans le Palais de César. Promoplus, le conseiller en communication de l’empereur romain sous les traits duquel se cache Jacques Séguéla, lui promet un « grand succès » avec son ouvrage sur la Guerre des Gaules. Seulement, ce manuscrit recèle un défaut : le chapitre XXIV intitulé « Revers subis face aux irréductibles gaulois d’Armorique ». Le plus simple serait de le supprimer suggère Promoplus quand César s’insurge : « Tu suggères à César de travestir la vérité ? ».
    Finalement César accepte de supprimer cette « tache sur son curriculum vitae ». Mais l’un des scribes de César, Bigdatha parvient à faire passer ce chapitre manquant à Doublepolémix, avatar de Julian Assange que les auteurs auraient pu (et dû ?) appeler Wikilix…

    Deux ans après Astérix chez les Pictes, qui a servi de transition entre les albums d’Uderzo en solo et la mise en place du duo Ferri-Conrad, on retrouve l’esprit des premiers albums avec ses caricatures, ses jeux de mots, quelques expressions latines, et son esprit potache. Le sujet assez grave puisqu’il s’agit du pouvoir de l’information est traité avec autant de légèreté que de finesse. Et si le scénario manque parfois d’originalité et peut pécher par classicisme, les dessins de Conrad restent dynamiques, virevoltants et totalement fidèles à l’esprit de la série. D’ailleurs, la meilleure critique est venue d’Albert Uderzo, en personne, qui a dit aux auteurs : « Bravo les p’tits gars ! ». Inutile de dire que cet album aura encore le succès qu’il mérite. Tiré à 4,2 millions d’exemplaires dont deux millions pour la France, Le Papyrus de César devrait vite s’imposer comme la meilleure vente de l’année.

    Le Papyrus de César – Jean-Yves Ferri et Didier Conrad – Editions Albert René – 48 pages – 9,95 euros.

     

    La Guerre des Amants

    Guerre-des-Amants-T3.jpgBerlin. Vendredi 13 juillet 1945 en zone américaine. Des soldats américains parmi lesquels le Capitaine Walter entrent dans une cave et y découvrent des civils allemands qui tentent de survivre dans le chaos de cette fin de guerre. Au milieu des femmes et des enfants, les soldats qui font partie du Monument, fine arts and archive program (MFAA) aussi appelé « Monument Men », découvrent un superbe Fragonard. Quelques semaines plus tard, le capitaine Walter, accompagné de son chauffeur, Harry, se retrouvent devant la porte de Brandebourg et s’engagent dans la zone soviétique. Des losanges bleus, des points rouges guident les deux hommes à travers les ruines de la capitale allemande. Ils recherchent naturellement toutes les œuvres qu’Hitler a pillées au cours de ses conquêtes en vue de créer un musée à sa gloire, mais surtout, ils veulent mettre la main sur le Graal des peintures : le retable de l’Agneau Mystique de Van Eyck. Un retable du XVe s. que les Russes convoitent également. Mais le capitaine Walter ignore que c’est Natalia, son ancien amour russe croisée dans l’école d’art du Bauhaus de Weimar (http://www.politiquemagazine.fr/trois_nouveautes_chez_glenat/), qui dirige la « Mission trophée » pour le compte de Staline.

    Avec Jaune Berlin, Jack Manini et Olivier Mangin signent la fin de cette belle trilogie aussi intéressant que palpitante. En fin d’ouvrage, l’historienne Emmanuelle Polack revient, dans un cahier de huit pages, sur la véritable histoire des Monuments men, entre protection des collections publiques et spoliation des collections privées.

    La guerre des amants – Tome 3 – Jaune Berlin – Jack Manini et Olivier Mangin – Editions Glénat – 56 pages – 14,50 euros.

     

    Saladin, conquérant de Jérusalem

    Saladin.jpgL’histoire que nous content Mathieu Mariolle, Julien Loiseau et Roberto Neli commence à la victoire de Saladin aux cornes de Hattin en 1187 contre les chevaliers francs de Guy de Lusignan juste avant la troisième Croisade (1189-1192). Ces derniers sont presque tous capturés et ne doivent la vie qu’en échange d’une rançon (ce que ne raconte malheureusement pas l’ouvrage). Le décor est néanmoins planté. La mort a toujours chevauché aux côtés de Saladin, dès son enfance. Flashback en 1148, à Damas. Saladin Al-Nasir a dix ans. Nous sommes en pleine deuxième Croisade. Son frère aîné vient de mourir dans son djihad pour défendre l’actuelle capitale syrienne. Saladin dont le prénom signifie « rectitude de la foi » annonce à son père qu’il prend la suite avec l’émir d’Alep, Nur Al-Din. Pour ce faire, les arabes doivent s’unifier. Ces alliances commencent à se nouer quatre ans plus tard quand Saladin, accompagné de son oncle Shirkûh vont rencontrer Nur Al-Din. La reconquête des lieux saints, en priorité Jérusalem, est en marche…

    Le nom de Saladin qui fonde la dynastie ayyoubide qui elle-même va régner pendant presque deux cents ans de la Tunisie aux portes de la Turquie, reste toujours associé à celui de Richard Cœur de Lion, avec qui il finit par négocier. . Il pemet que Jérusalem reste sous suzeraineté islamique avec l’autorisation pour les Francs de s’y rendre en pèlerinage. Son prestigieux nom reste aussi associé à la prise de Jérusalem en 1187 aux mains des Chrétiens depuis 1099. Et quand il meurt en 1193 à l’âge de 55 ans, Saladin dont le nom An-Nasir signifie « celui qui reçoit la victoire de Dieu », Jérusalem restera longtemps entre les mains musulmanes.

    Les auteurs parviennent à retranscrire avec justesse l’atmosphère de l’époque et à reproduire les batailles qui ont émaillé la vie d’une des figures les plus emblématiques du monde arabe.

    Saladin – R. Meli, M. Mariolle et J. Loiseau – Editions Glénat – 56 pages – 14,50 euros.

     

    Catherine de Médicis, reine imprévue

    Catherine-de-Médicis.jpgReine de France pendant douze ans, régente du Royaume pendant plus de deux ans et demi, Catherine de Médicis a marqué son époque, celle de la Renaissance, sans doute l’une des plus riches de l’Histoire de France. Titrée Duchesse d’Urbino à la mort de ses parents, elle est beau parti financier puisqu’elle hérite de la richesse de son père, Laurent de Médicis et de sa mère, Madeleine de la Tour d’Auvergne qui lui laisse de nombreuses terres. Mariée à Henri d’Orléans (futur Henri II) à qui elle donne dix enfants en quinze ans, elle devient une bru très appréciée de François 1er qui voit en elle une femme de caractère sur qui le Dauphin peut et pourra s’appuyer quand il deviendra roi. Mais après douze ans de règne, celui-ci meurt dans un tournoi d’un malheureux coup de lance.. Commencent pour elle, deux ères : l’un où son rôle, ses conseils, son influence seront déterminants ; l’autre où le tragique

    A travers cette bande-dessinée, les auteurs veulent tordre le cou à la légende noire qui entoure ce personnage emblématique. Ils démontrent bien comment Catherine de Médicis, qui n’était, de par sa condition de femme, destinée à devenir qu’un pion entre les hommes de pouvoirs (papes, rois, …) a su admirablement tirer son épingle du jeu. Car rien ne prédestinait cette Italienne à régner en France. Pourtant, dans cette période troublée des Guerres de Religion, elle a mis toute son énergie pour apaiser les tensions, chercher le dialogue, tout en tenant ses positions de fervente catholique. Elle ne peut éviter le massacre de la Saint-Barthélemy. Malgré un scénario dense et complexe, le lecteur parvient à se forger une image réelle de cette reine totalement atypique et très politique pour l’époque. Le cahier final permet d’en savoir plus sur ce personnage encore énigmatique pour nombre de Français.

    Catherine de Médicis – M. Gabella, R. Villard, P. Martinello – Editions Glénat – 56 pages – 14,50 euros

  • Culture • Un Prince artiste

     

    par Hilaire de Crémiers

     

    157e493dd19d0d2ee135205f081739f9_Hilaire.jpgLe Prince Henri d’Orléans – c’est sa signature d’artiste – expose à l’atelier Visconti de Xavier et Sigrid de Montrond des œuvres encres de Chine sur papier qui ne peuvent manquer d’émouvoir.

    La finesse du trait comme l’application sobre et ouatée y relève les sujets d’une poésie tendre et rêveuse. Il s’en dégage une atmosphère de nostalgie et de mélancolie qui attarde le regard sur quelques moments de contemplation fugitive où la création s’essaye à délivrer, dans l’éphémère instant, un message d’éternité. Des oiseaux migrateurs, des colibris alignés, un aigle qui prend son essor, un vol de vautour, un ballet de cygnes, une buse pensive, des colombes qui s’aiment d’amour tendre, un faucon attentif jettent l’émoi dans l’âme en attente d’une révélation mystérieuse. L’horizon est lointain, le pont ne relie que des songes, le château se perd dans le ciel noir, la tempête soulève la mer, abat les arbres et terrorise la terre, la barque ne peut être que solitaire ou se fondre dans les flots déchaînés, les chevaux hennissants sont parqués, Moscou brûle mais peu importe, car la Russie est éternelle. Reste à sortir des sous-bois et des bosquets d’yeuses, des fleurs du mal et du pays des insectes ravageurs, pour tenter de passer au-delà du voile de l’horizon.

    C’est tout en retenue que s’exprime une sensibilité trop exquise pour accepter la seule vanité des êtres. Cette exposition donne à saisir quelque esquisse intime des méditations d’une âme aussi princière que doucement et fortement humaine.

    Exposition jusqu’au 16 janvier des œuvres encres de Chine sur papier du Comte de Paris, Atelier Visconti, 5 rue Visconti – 75006 Paris. Ouvert du mardi au samedi de 14h à 19h. Téléphones : 01 43 25 44 48 – 06 11 16 98 89.

  • Livres & Patrimoine • La grâce d'une cathédrale

    La grâce des grandes cathédrales de France, vous la découvrirez en lisant la présentation qui suit et en visitant le site qui leur est consacré.

    Vous y trouverez de riches possibilités de lectures, de très beaux livres, de superbes cadeaux à offrir, pour ces temps de fêtes, ou - qui sait ? - plus tard.

    Cliquez sur l'image ci-dessous.

    La grâce d'ue cathédrale.jpg

    UNE GRANDE COLLECTION D'ART

    Un patrimoine exceptionnel, des livres prestigieux

    Les cathédrales, témoins d’une grande et riche histoire, fédèrent les hommes dans la fascination, quelles que soient leurs convictions religieuses. La collection de livres d'art « La grâce d’une cathédrale » propose une approche scientifique et accessible à un large public. Elle a été créée et est dirigée par le théologien et éditeur Mgr Joseph Doré, archevêque émérite de Strasbourg.

    Toutes les facettes du monument

    Chaque volume est dirigé par l'évêque de l'édifice concerné, rédigé par une trentaine de spécialistes reconnus, et structuré en trois grandes parties : l'histoire du chantier ; la description exhaustive (richesses et particularités de l'édifice) ; la vie de la cathédrale à travers les siècles (histoire religieuse, politique et symbolique).

    Plus de 500 pages, plus de 600 images...

    Avec un grand format, entre 400 et 500 pages et 500 à  600 illustrations traversant les époques, ces livres présentent la somme des connaissances actuelles sur les grandes cathédrales de France. Une reliure de grande qualité et une somptueuse jaquette en font des ouvrages d’exception, dans un excellent rapport qualité-prix. 

  • La Nouvelle Revue Universelle publie les Actes du colloque « Pour un nouveau régime »

     

    PAR CHRISTIAN FRANCHET D’ESPEREY

     

    066.jpgIl y a un an – c’était le 6 décembre 2014 – se tenait, salle Rossini à Paris, le premier colloque du Cercle Vauban. « Vauban I » en quelque sorte… comme on dirait d’un concile ! À ses trois cents participants, il a laissé un souvenir marquant. Son programme s’était donné un air de slogan : « Pour un nouveau régime ». Mais, précédant cet appel au changement de système, et au fil d’une suite serrée d’interventions, on put y assister à une rigoureuse démonstration : non seulement la France était en voie de décomposition, « en lambeaux », mais elle était politiquement dans une impasse, le régime se révélant incapable de remettre en cause ses propres bases. Pas d’autre issue, donc, qu’un bouleversement politique radical. 

    Un an plus tard, diagnostic et remède – s’en étonnera-t-on ? – n’ont pas pris une ride. Et leur évidence ne fait pas un pli… C’est pourquoi le Cercle Vauban a décidé de pérenniser sur le papier ce moment privilégié de vérité politique qu’a été son premier colloque en demandant à la Nouvelle Revue universelle de lui consacrer un numéro entier. 

    Les Actes de « Vauban I » : un instrument de travail et un message particulier à transmettre.   

    En publiant les Actes de « Vauban I », le Cercle Vauban n’entend évidemment pas s’accorder un brevet d’autosatisfaction. Son intention est de proposer un instrument de travail qui explicite où se situe l’axe central de sa réflexion. Dans l’ensemble de notre paysage politique et culturel, les objectifs qu’il s’est fixé présentent en effet, un caractère tout à fait spécifique. Sans du tout contredire les diverses et souvent superbes initiatives prises ailleurs – mouvements, associations et lieux de réflexion ou de formation animés par le même esprit de révolte, surtout depuis le succès de la Manif pour tous –, le Cercle Vauban est convaincu d’avoir un message particulier à transmettre. 

    Il vise tous ceux pour qui l’amour de la France est d’abord un sentiment inné, spontané, sorti du cœur, mais aussi une perception raisonnée, fondée sur l’héritage reçu, l’éducation, l’expérience et la culture. De son histoire millénaire, la France a, Dieu soit loué, hérité des reins solides. Il en fallait pour résister à des gouvernements qui, depuis des décennies, suscitent un esprit de guerre civile permanente allant jusqu’aux guerres de religion déclenchées par un laïcisme fanatique ; qui, de 1870 à 1940, ont en moins de 70 ans  provoqué trois invasions de la France ; qui, en Algérie, ont engagé une guerre gagnée militairement et perdue politiquement ; qui ont sacrifié l’indépendance et la prospérité nationales à des chimères pseudo-européennes et mondialiseuses ; qui ont laissé s’installer sur le territoire des populations entières dans des conditions suicidaires avec les conséquences dramatiques que l’on connaît aujourd’hui ; qui, enfin, à bout d’idées nocives, en viennent à vouloir liquider, en toute inconscience, les fondements même de notre culture et de notre civilisation. 

    Avec l’offensive contre l’institution conjugale, par cette trop fameuse loi Taubira issue d’un lobby au pouvoir d’influence inversement proportionnel à son importance numérique, la spirale du déclin paraissait en effet sans appel. Pour beaucoup, la France semblait en voie de dissolution inéluctable. Penser la disparition de la France, disait Bainville, serait impie, mais pas absurde. Nous y étions… 

    C’est alors qu’a surgi le Printemps 2013 ! Divine surprise, printemps de grâce, jaillissement inespéré d’un renouveau, la France de toujours descendait dans la rue pour crier son refus de mourir. Ces foules joyeuses, familiales, détendues, ces jeunes de tous âges, sans haine mais déterminés, ont révélé à la face du monde que la France pouvait encore se tenir debout, crier sa révolte et son indignation. Révolte vraie, authentique indignation qui ne devaient rien aux boursouflures d’un système médiatique aligné, aseptisé, robotisé. 

    La déception qui suivit fut cruelle. La loi scélérate, dénoncée et rejetée par le déferlement populaire, aurait dû être révisée, ou retirée, comme Mitterrand l’avait fait pour l’école en 1984. On sait qu’il n’en a rien été. S’arc-boutant sur deux piliers qu’il contrôlait l’un et l’autre, la force policière et l’institution parlementaire, le pouvoir est passé en force. Assumant cyniquement l’image d’un nouveau totalitarisme.     

    Réforme des institutions et réforme intellectuelle et morale vont de pair

    Tout ceci, direz-vous, est bien connu. Oui. Mais ce rappel est l’occasion de discerner ce que le caractère extrême de la situation de 2013 a ouvertement révélé. Est apparue d’une manière éclatante cette réalité demeurée, en général, latente : sous couvert d’une alternance droite/gauche d’apparence, un pouvoir qui sacrifie délibérément le bien commun aux intérêts particuliers qu’il sert peut parvenir à rester indéfiniment aux commandes. Et donc à assurer indéfiniment le blocage de toute réforme profonde, qu’elle concerne la famille, l’enseignement, la monnaie, la politique européenne, la défense ou les problèmes sociétaux. Pour assurer la continuité de ce monopole et de cette capacité de blocage, le pouvoir doit systématiquement empêcher toute remise en cause des institutions qui en garantissent le maintien. Tous ses efforts et toute son habileté consistent à préserver le système institutionnel de tout risque de transformation en profondeur qui ouvrirait la porte à l’indispensable réforme intellectuelle et morale. 

    C’est ce goulot d’étranglement sur la voie de notre salut, pas toujours clairement perçu, que le Cercle Vauban entend mettre en pleine lumière. 

    Que l’on ne s’y trompe pas. Il ne s’agit pas du tout de renoncer à rappeler la nécessité d’une réforme intellectuelle et morale. Les racines de la société française, aujourd’hui négligées, oubliées ou bafouées, la fonction des corps intermédiaires et le respect du principe de subsidiarité, le rôle du spirituel et de la religion dans notre équilibre politique, économique et social ou encore la place centrale du bien commun dans notre vie collective, ne quittent pas un instant le champ de nos préoccupations. 

    En réalité, réforme des institutions et réforme intellectuelle et morale sont indissolublement liées. Mais l’une doit-elle passer avant l’autre ? Éternelle question de l’œuf et de la poule. Dans l’univers marxiste, Gramsci l’avait tranchée en privilégiant la conquête des esprits, la prise de pouvoir culturelle, sans d’ailleurs parvenir à prouver une plus grande efficacité de sa méthode pour faire la révolution. 

    Certains de nos amis se demandent s’il n’y a pas du bon grain à y prendre pour servir notre propre cause. Ils ont sûrement raison d’y réfléchir, la question est importante. Le Cercle Vauban, pour sa part, est convaincu que de reconnaître la priorité pratique conférée au combat institutionnel n’obère en rien l’indispensable retournement de l’esprit public dans le sens du droit naturel et du souci primordial du bien commun : le « politique d’abord » n’a jamais rien signifié d’autre et, par la diversité de ses travaux, le Cercle Vauban prouve qu’il est le dernier à l’oublier. 

    Mais en France, dans les conditions présentes, l’expérience montre que c’est par la voie politico-institutionnelle que le mal – le mal français dénoncé dans la conclusion du colloque – s’est imposé. Et c’est par la même voie qu’il perpétue son emprise. Notre tâche est de le faire comprendre, et de le dénoncer, avec tous les moyens que nous sommes en mesure de mobiliser. 

    « Être (ou ne pas être) républicains »

    En pleine Révolution, découvrant la « république », les Français ont pu croire à un avenir limpide, le principe de base du « nouveau régime » semblant transparent : tout le pouvoir au peuple. C’est-à-dire à nous tous. À nous tous ? Est-ce à dire à chacun de nous ? Difficile question, inauguratrice d’une réflexion sans fin ni fond sur la nature de la démocratie. On y tombe sur des apories comme celle-ci : si le peuple choisit la dictature, la situation est-elle démocratique ? Aporie, certes, mais devenue une effrayante réalité : elle a mis le feu au XXe siècle, celui des camps de la mort et du goulag. 

    D’ailleurs, on l’a souvent noté, quand on parle de l’Ancien Régime, on sait ce que c’est, mais on serait bien en peine de dire ce qu’est le « nouveau régime ». Depuis plus de deux cents ans, la France est à sa recherche. Dans une vieille chanson de notre folklore, la « femme du roulier » – les plus jeunes la découvriront sans peine sur Internet –, l’héroïne « cherche son mari de taverne en taverne, avec une lanterne »… Ainsi la République va-t-elle, les droits de l’homme à la main, à la recherche de la formule la mieux adaptée à ses « valeurs » du moment. Ses changements de numéro, IIIe, IVe, Ve, liés aux vicissitudes de l’histoire, ne traduisent aucune réalité de fond. On a vu, sous le même numéro, les situations les plus opposées : par temps d’orages (Clemenceau en 1917, de Gaulle en 1961), le rêve démocratique suspend son vol, le temps de sauver la République… Aujourd’hui, avec le quinquennat, nous sommes dans une VIe République de fait qui n’a jamais osé dire son nom. Et ceux qui réclament ouvertement une VIe République ne veulent rien d’autre qu’un retour à la IVe… D’ailleurs, à toutes les époques de turbulences et de violences latentes, les constitutions ont été soumises à des sollicitations plus ou moins brutales, voire à des viols répétitifs. Et même… en réunion. C’est Jacques Perret qui qualifiait la constitution de la Ve de marie couche-toi là ! 

    Aujourd’hui, rien n’est plus banal que de modifier la Constitution. À la manière des poupées Barbie, on peut l’habiller au gré des utilités ou des toquades du moment. Des deux procédures prévues, la plus « démocratique » – la voie référendaire – est tombée en désuétude car suspectée de servir la cause « populiste ». On disait naguère de Giscard d’Estaing : son problème, c’est le peuple. Cela concerne maintenant tous les politiciens de l’oligarchie dominante. Leur problème, c’est le peuple… donc, exit le référendum. 

    Heureusement, il reste une autre procédure, celle qui permet de rester entre soi : la réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat en Congrès. Il suffit de parvenir à y réunir une majorité. Les sujets les moins propres à figurer dans une charte institutionnelle, pour peu qu’ils correspondent aux dernières lubies des lobbys, peuvent dès lors devenir prétexte à révision. 

    La constitution se voit donc désacralisée au moment où s’impose une nouvelle sacralisation, celle des « valeurs de la République » et des nouveaux fétiches sociaux ou sociétaux comme la non-discrimination ou le droit à disposer de son corps. Une nouvelle sacralisation, soit dit en passant, parfaitement discriminatrice à l’égard de certains droits comme le droit à la vie, mais ceci est une autre histoire. Il demeure que la sacralisation du pouvoir, en France, a toujours eu pour objet de préserver l’intégrité de l’autorité mise au service du bien commun. C’est précisément cela que l’on désacralise aujourd’hui. 

    On ne doit cependant pas se dissimuler cette réalité de fait : aussi discréditées qu’elles soient, ces institutions demeurent un efficace instrument entre les mains de ceux dont l’intérêt est de bloquer tout espoir de les réformer en profondeur. Par une obscure conscience de se voir condamné par ses propres contradictions, le système a de lui-même organisé son caractère inamendable. 

    L’objectif de fond, essentiel, unique, est de conserver aux partis leur mainmise sur la vie politique. Mainmise sur les élections à tous les niveaux : les Français sont contraints à choisir leurs représentants locaux, régionaux ou nationaux selon des critères essentiellement partisans – et l’élection présidentielle elle-même n’a pas échappé longtemps à cette calamité. C’est là le point essentiel sur lequel nous devons porter le fer. 

    Le colloque Pour un nouveau régime : un essai de démonstration

    Le colloque Pour un nouveau régime n’a pas été, on l’a compris, de ces colloques universitaires où chaque intervenant est essentiellement attaché à développer ses idées personnelles sur le sujet de sa spécialité, ou à faire la promotion – sûrement justifiée ! – de son dernier livre. 

    Ici, au contraire, les interventions successives se sont enchaînées selon une logique rigoureuse et bien perçue par tous, dans le but d’en dégager une irrécusable démonstration.Le fil en est clair : la France est « en lambeaux », l’évocation de quelques grands sujets suffit à en apporter la preuve ; on ne sortira pas de cette situation en se bornant à vouloir régler chaque problème isolément : il faut une politique d’ensemble, et donc un gouvernement qui se mette au service exclusif du bien commun, ce qui implique un changement radical de régime politique. La première partie a déroulé d’une manière rigoureusement démonstrative l’ardente nécessité d’un changement de régime. Et la seconde a exposé les quelques principes de base nécessaires au développement durable d’un nouveau régime. 

    Telle a été la démarche collective de nos intervenants. Ce qui ne signifie pas qu’ils aient fait abstraction de leur personnalité, il eût été difficile d’attendre cela d’eux. Chacun a donné sa propre vision du sujet qui lui était proposé – mais, on le constatera, loin de nuire à la force de la démonstration, cette diversité a contribué à l’enrichir. 

    Les huit intervenants du colloque Pour un nouveau régime

    Il est temps, maintenant de laisser la place aux Actes du Colloque Vauban I. C’est-à-dire de laisser s’exprimer nos huit intervenants : par ordre d’entrée en scène, Frédéric Rouvillois, Jacques Trémolet de Villers, François Reloujac, Fabrice Hadjadj, Jean-Baptiste Donnier, Marie-Pauline Deswarte, Pierre Chalvidan et Axel Tisserand. 

    Grâce à eux, de simple petit groupe de réflexion qu’il était au départ, voilà le Cercle Vauban devenu force de proposition, et appelé à toucher un large public. Ainsi ce colloque a-t-il été, pour le Cercle, un évènement fondateur. Il reviendra à Hilaire de Crémiers d’en tirer les conclusions en évoquant le « mal français » et son remède. 

    Abonnements : La nouvelle revue universelle, 1 rue de Courcelles, 75008 PARIS - 4 numéros par an - Tarif :  m Normal, 1 an, 70 €  m Soutien, 1 an 100 €  m Normal, 2 ans, 130 € m Réduit, 1 an (étudiants, chômeurs) 40 €. Étranger et DOM-TOM : 77 €

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  • Nantes, c'est aujourd'hui : Une grande fête du livre à ne pas rater !

     

    L’URBVM [l’Union Royaliste Bretagne Vendée Militaire] et le CRAF [Centre Royaliste d'Action Française] auront un stand. N'hésitez à les rejoindre !

    Source : URBVM

  • Littérature • Maurras en son chemin de paradis [5]

    Illustration reprise de l’édition de luxe du Chemin de Paradis en 1927, ornée d’aquarelles de Gernez

     

    par Hilaire de Crémiers (Suite) 

    Nous poursuivons la publication des analyses du Chemin de Paradis par Hilaire de Crémiers. En voici la cinquième partie. L'on peut retrouver les quatre premières sur Lafautearousseau, les 7 - 14 - 29 novembre et 5 décembre.

     

    C'est en 1895, il y a juste cent vingt ans, que Calman-Lévy - « éditeur héroïque » dit Maurras - a édité le Chemin de Paradis. Un premier livre de contes philosophiques que son auteur écrivit, de fait, avant ou autour de ses vingt-cinq ans. Un recueil de neuf contes où Maurras, comme Anatole France le lui écrivit, méditait d'ingénieuses fables. Ces Mythes et Fabliaux, qui ne furent sans doute jamais parfaitement compris, formaient pourtant, déjà, une critique sans indulgence aucune, de ce mal moderne auquel Maurras se préparait à s'affronter. Rien moins que « pour le salut du monde et le règne de la beauté ».  Sans-doute pressentait-il et fixait-il ainsi, avec une prescience étonnante, ce qu'allaient être, dans l'ordre politique et littéraire, son œuvre et sa destinée.

    Hilaire de Crémiers a consacré de minutieuses et savantes études à cette œuvre de jeunesse de Charles Maurras, qui préfigure, expose-t-il, ce que seraient son œuvre et sa vie.

    Nous avons enregistré, il y a quelques années, plusieurs vidéos où Hilaire de Crémiers analyse le Chemin de Paradis et en propose une interprétation. Une analyse et une interprétation qui donnent à Maurras une profondeur singulière. Beaucoup plus extraordinaire que celle qui lui est habituellement reconnue. 

     

     Regard sur le conte de la série Harmonies :  Discours à la louange de la double vertu de la mer (13 minutes)  

     

    Nous achevons ainsi la mise en ligne, au fil de cinq samedis ou dimanches, de cinq vidéos où Hilaire de Crémiers traite des neufs contes du Chemin de Paradis et dévoile ce qui en est, selon lui, le sens profond.  Lafautearousseau  

     

    Le Chemin de Paradis sur Maurras.net

    (Texte complet)

     
  • LIVRES • Belgique : C’est agité près de chez vous

     

    Jérôme Leroy : Jean-Baptiste Baronian dévoile l’exubérance de nos voisins

    On se sera aperçu que nous aimons les textes et l'écriture de Jérôme Leroy. Il s'agit ici, à travers l'ouvrage de Jean-Baptiste Baronian, qui vient de paraître, de la Belgique, de sa littérature, de sa culture, de ses particularités, notamment linguistiques, de son histoire, et des petites nations préférées aux empires... Nous ne sommes pas concernés : La France n'est pas un gros empire. Et nos amis lecteurs belges nous diront peut-être ce qu'ils en pensent ... LFAR 

    Jerome_Leroy0.jpgLongtemps, pour moi, la Belgique d’abord a été une manière de province mentale, d’état d’esprit qui m’a révélé une certaine aptitude à la rêverie et même à la mélancolie. Cela a sans doute commencé avec les vignettes de certains albums d’Hergé, celles où justement  on reconnaît des rues de villes belges. Elles ressemblent à des rues françaises et pourtant ce ne sont pas tout à fait les mêmes : l’uniforme des policiers, la couleur des boites postales, l’allure des magasins de quartiers. Ce décalage subtil me plongeait dans un ravissement légèrement anxieux. J’étais chez moi et j’étais ailleurs aussi, en même temps. J’étais belge sans le savoir, déjà.

    Il y a eu ensuite, je crois, ce goût pour le symbolisme fin de siècle, cette fascination pour les toiles et les dessins de Fernand Khnopff que j’aimais autant, dans son genre, qu’Odilon Redon ou Gustave Moreau et quand j’ai découvert Bruges – faites-le si possible à l’automne, le matin, sans touristes – avec comme guide Bruges-la-morte de Georges Rodenbach, illustré par ce même Khnopff, j’ai compris que j’étais enfin arrivé dans un de ces endroits où, de manière assez nervalienne, le rêve infuse la réalité à moins que ce ne soit le contraire.

    Bien des années plus tard, en 1992, je découvrais cette même sensation, mais de façon beaucoup plus brutale, dans une salle du Quartier Latin, avec un film belge appelé à devenir culte, C’est arrivé près de chez vous, réalisé et joué par Benoît Pooelvorde, alors inconnu, Remy Belvaux et  André Bonzel. Ce film, on s’en souviendra peut-être, parodiait avec une férocité rare, où le rire le disputait sans cesse à la nausée, la télé-réalité, alors balbutiante, sur un mode grotesque et horrifique, en imaginant une équipe de tournage qui suivait, caméra à l’épaule, un tueur professionnel qui avait des avis sur tout. Là aussi, comme chez Hergé, émergeait cette impression, bien résumée par le titre, d’un « chez vous » légèrement diffracté où l’on croit faussement pourvoir s’attacher à une réalité qui n’est déjà plus tout à fait la nôtre. Certains belgicismes contribuent à créer ce subtil décalage avec la réalité – c’est bien du Français mais on ne le comprend pas : qui pourrait traduire, par exemple, « Derrière l’aubette partait une drève » ?

    On trouvera dans Le dictionnaire amoureux de la Belgique de Jean-Baptiste Baronian des explications de ces belgicismes et des entrées pour Khnopff, Bruges, Rodenbach. On trouvera aussi des entrées pour Hergé et C’est arrivé près de chez vous. C’est que notre académicien de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique n’hésite pas à convoquer les mauvais genres ou ceux jugés mineurs pour tenter d’élucider cet étrange sentiment, contradictoire, de proximité et d’exotisme qui saisit le Français quand on lui parle de la Belgique, ou même le Belge, « en étrange pays dans son pays lui-même ». Baronian est d’ailleurs un spécialiste reconnu de la littérature fantastique qui fait l’objet de plusieurs entrées dans son Dictionnaire. Il fut aussi, dans les années 70, le patron de la Bibliothèque Marabout avec sa collection Fantastique. Celle-ci a fait découvrir à des générations de lecteurs (par exemple, Emmanuel Carrère , que j’ai entendu reconnaître sa dette à l’égard de Baronian au cours d’une conversation à la Foire du livre de Bruxelles) cette fameuse « école belge de l’étrange » qui a inventé entre la fin du XIXe siècle et les années soixante du XXe le réalisme magique d’un Franz Hellens, l’épouvante d’un Jean Ray sans oublier les danses macabres de Michel de Ghelderode, par ailleurs un des seuls grands noms de la scène contemporaine ayant vraiment retenu les leçons d’Artaud sur « le théâtre de la cruauté ».

    À propos de Ghelderode et de quelques autres écrivains et artistes comme, en peinture, Ensor, Magritte ou Dotremont, Baronian nous rappelle que la Belgique est la mère de beaucoup d’avant-gardes. Ainsi en va-t-il pour le symbolisme, l’art nouveau, le surréalisme et même le situationnisme à travers le groupe Cobra et la figure de Raoul Vaneigem.

    Une hypothèse pour expliquer cette étrange fécondité ? Depuis sa naissance en 1830, la Belgique est un pays au cœur double, qui vit sur une contradiction linguistique fondatrice, et chacun sait que les contradictions, qui sont les moteurs de l’Histoire, sont aussi ceux de l’imaginaire. N’oublions pas ainsi que la Belgique nous a donné deux géants du XXe siècle, devenus des figures universelles : Tintin et Maigret, le reporter et le commissaire. Sans la Belgique, d’ailleurs, la littérature française ne serait pas grand-chose. Le nombre d’écrivains français qui sont belges dépasse l’entendement : de Simenon à Michaux, en passant Verhaeren, Maeterlinck, Norge ou le trop méconnu Scutenaire dont Mes Inscriptions sont un régal d’insolence et d’esprit. Baronian a été son ami, il lui consacre une entrée toute en délicatesse mais cela ne l’empêche pas de citer un aphorisme des plus représentatifs du bonhomme : « Le surdoué, on lui montre un poil, il voit le pubis. »

    Le propre d’un Dictionnaire amoureux comme celui de Jean-Baptiste Baronian est la subjectivité, celle de l’auteur comme celle du lecteur qui peut entamer le voyage par la route qui lui plaît. Très complet sur la littérature et la peinture, Baronian ne l’est pas moins sur l’Histoire et il rappelle, par exemple, à l’article « Violence » que l’image du Belge débonnaire et rieur en prend un coup au vu des soixante-dix dernières années. Et d’énumérer la Question royale, quand Léopold III, roi collabo, dut céder la place à son fils Baudouin après des manifestations meurtrières et quasi-insurrectionnelles ; la querelle linguistique et les affrontements violents qui en découlent dans les Fourons ; les « tueurs fous du Brabant », pratiquant des massacres aveugles dans les supermarchés pour provoquer une réaction autoritaire du pouvoir, sur le modèle de la stratégie de la tension en Italie ; l’assassinat de députés socialistes qui en savaient trop dans des affaires de corruption ; sans compter l’affaire Dutroux, moment d’horreur pure, qui révéla de surcroît de graves dysfonctionnements de la gendarmerie et de l’appareil d’état.

    Mais, à la lecture de ce Dictionnaire, on se réjouit que la Belgique existe encore. Elle est en effet, plus que tout autre pays européen, soumise à ces forces contradictoires, à la fois centrifuges et centripètes, qui encouragent la division, la sécession et dans le même temps poussent à se fondre toujours un peu plus dans une construction supranationale. On se rappelle alors que si l’on est, comme Baronian, amoureux de la Belgique, c’est parce qu’elle est précisément une petite nation, celles dont André Suarès disait dans ses Vues sur l’Europe : «  Je dirai la grandeur des petites nations. Elles seules sont à l’échelle de l’homme. Les gros empires ne sont qu’à l’échelle de l’espèce. Les petites nations ont créé la cité, la morale et l’individu. Les gros empires n’en ont même pas conçu la loi nécessaire ni la dignité. Aux empires, la quantité ; la qualité aux petites nations. »

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    Jean-Baptiste Baronian, Dictionnaire amoureux de la Belgique, Plon, 2015. 25€

    Jérôme Leroy 

    Ecrivain et rédacteur en chef culture de Causeur.

  • BD • Une BD brillante

     

    par Anne Bernet

     

    anne bernet.pngAbder Phénix, voleur minable, ne croit en rien, sinon en l’immortalité que confère la gloire. Il rêve du gros coup qui ferait passer son nom à la postérité.

    Aussi, lorsque arrivé le premier sur le lieu du massacre de voyageurs, il comprend que la jeune femme assassinée n’est autre que la nouvelle grande prêtresse de l’Artémision, la tentation est trop forte : le temple d’Éphèse est réputé abrité le plus prodigieux trésor du monde, et l’occasion trop belle d’y avoir accès. Il suffit de faire passer la charmante et peu respectable Daphné, l’une de ses anciennes complices, pour la chaste élue de la Déesse… Si l’usurpation d’identité sacrilège réussit, Abder ne va pas tarder à comprendre qu’il se trame, dans les souterrains du temple, d’étranges affaires bien éloignées de celles de la religion…

    Les Sept Merveilles est l’une des bonnes séries de bandes dessinées historiques en cours de publication. Après la statue de Zeus à Olympie, les jardins suspendus de Babylone et le phare d’Alexandrie, Luca Blengino poursuit sa promenade, solidement documentée et illustrée par les meilleurs talents de la bédé italienne, une référence en fait d’esthétisme et de reconstitution historique, en proposant sa propre version, décapante, de l’incendie qui détruisit l’Artémision en 356 avant notre ère. Brillant.

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    Les Sept Merveilles, le temple d’Artémis, de Luca Blengino, Antonio Sarchione, éditions Delcourt, 54 p., 14,50 euros.