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Idées, débats... - Page 468

  • Livres • Pourquoi les Français plébiscitent Michel Houellebecq

     

    Sébastien Lapaque pose cette question [Le Figaro, 18.02.2016] : « Pourquoi les Français plébiscitent Michel Houellebecq » et il y répond du point de vue de la littérature et des écrivains. Sous l'angle politique - et / ou civilisationnel - son anticipation, en forme de roman, d'une situation politique qui pourrait devenir celle de la France, peut aussi être considérée comme une sorte de satire, de mise en garde ou d'alarme. Ce roman nous paraît avoir aussi joué ce rôle. LFAR

    Soumission est le roman qui s'est le mieux vendu en France en 2015. L'écrivain ne laisse personne indifférent et ses œuvres sont traduites dans de nombreuses langues.

     

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    Enfin une bonne nouvelle. D'après les statistiques de quelques spécialistes du marché de l'édition, penchés sur les livres comme d'autres le sont sur les canassons, Soumission, de Michel Houellebecq, est le roman qui s'est le mieux vendu en France en 2015. 590.000 exemplaires, nous jure-t-on. Sans compter les ventes en Belgique et en Suisse… Qu'en dit-on à Bruxelles et Genève ? Michel Houellebecq devant Fred Vargas, Guillaume Musso et Marc Lévy. Un écrivain devant les écrivants.

    L'année 2015 avait pourtant mal commencé, avec une tuerie islamiste à Charlie Hebdo qui arracha à notre affection l'économiste dissident Bernard Maris et quelques dessinateurs insignes. Aucune origine n'est belle, jurait un écrivain provençal. Grâce à Dieu, la fin de l'an 2015 a été consolatrice, avec une statistique admirable : Houellebecq seul en tête. Cet honneur et cet avantage ne sont pas fortuits. Dans Soumission, bon livre qui n'est pas son meilleur roman selon notre cœur (notre faveur va à Extension du domaine de la lutte et à La Carte et le Territoire), l'auteur de Rester vivant ne raconte pas l'histoire de la marquise qui sortit à cinq heures mais celle de la prise du pouvoir en France d'un parti musulman au terme de l'élection présidentielle de 2022. Avec l'aide de François Bayrou, de surcroît : je ne critique pas le côté farce, mais pour le fair-play, il y aurait quand même à dire… Chacun est libre de recevoir à sa guise les prédictions de l'écrivain. Quelque chose nous laisse penser qu'il faut se méfier des dons divinatoires des imaginatifs. Attention aux yeux, ça brûle !… Il y a toujours quelque chose de révélateur dans l'improbable augure d'un romancier qui voit ce que l'homme a cru voir. C'est un prophète, du grec prophanai: celui qui rend visible la parole.

    « Un sismographe hyperémotif »

    À lire Demain est écrit, de Pierre Bayard (Minuit, 2005), personne ne jurerait que c'est un concours de circonstances qui a fait coïncider la parution de Soumission et l'attaque terroriste de Charlie Hebdo - avec la mort de Bernard Maris, qui venait de publier Houellebecq économiste (Flammarion, 2014). Cet événement est l'essence même de la littérature. Et c'est ainsi que Michel Houellebecq est grand. « On peut en effet supposer que les textes littéraires entretiennent une relation de proximité particulière avec le fantasme et qu'ils sont ainsi porteurs de ses lignes de faîte, avant même qu'il vienne s'incarner dans la réalité », écrit Pierre Bayard. Michel Houellebecq est l'exemple le plus frappant d'un écrivain ayant trouvé son inspiration la plus authentique dans un événement qui allait lui succéder. Aucune surprise pour ceux qui le lisent depuis toujours. Avec Marcel Proust, il donne tort à ceux qui pensent qu'un grand romancier ne doit pas être intelligent. Au contraire. Trop sensible, trop intelligent : de cette rencontre surgissent des merveilles. L'auteur de La Poursuite du bonheur (La Différence 1991) est un sismographe hyperémotif capable de voir venir les tremblements de terre avec deux siècles d'avance.

    Au-delà de nos frontières

    Clown blanc d'un genre très particulier, Houellebecq est un écrivain qu'il faut savoir bien lire pour bien l'entendre. Comme Georges Bernanos, il émeut d'amitié ou de colère, mais ne laisse personne indifférent. On l'aime ou on le hait. Avouons ici notre point de vue. Nous l'aimons. Parce que Houellebecq, c'est beaucoup plus que Houellebecq. Pour ceux qui voyagent un peu dans le monde, à Berlin, à Milan, à New York, à São Paulo, à Mexico, à Pékin ou à Sidney, il est celui qui a remis en marche le compteur arrêté à Sartre et Camus. Pardon pour Le Clezio et Modiano, mais, au-delà de nos frontières, l'écrivain français d'aujourd'hui, dans toutes les langues du monde, c'est Houellebecq ; pardon pour Manuel Valls, qui a cru pouvoir (un mot qu'il adore) dissuader les Français de lire Soumission en s'improvisant critique littéraire, prouvant qu'il n'avait aucun point commun avec son supposé maître Georges Clemenceau, ami de l'art et des artistes. « La France, ça n'est pas Michel Houellebecq, ça n'est pas l'intolérance, la haine, la peur. » Et ta sœur ?

    Promenez-vous dans le monde, entretenez-vous avec les écrivains, les artistes et les individus qui sont la grâce et l'âme de leur pays. La France, c'est Houellebecq. 

    Sébastien Lapaque           

  • Cinéma • Salafistes : « Les gens veulent savoir pourquoi on leur tire dessus »

     

    Entretien avec François Margolin par Raphaël de Gislain

    Les réalisateurs de Salafistes, François Margolin et Lemine Ould M. Salem, pensaient pouvoir montrer le terrorisme tel qu’en lui-même, par le biais d’un documentaire tourné entre le Mali et la Tunisie sur près de trois ans donnant à voir la pensée djihadiste sans langue de bois. C’était sans compter sur les pressions politiques et la décision de l’ex-ministre de la Culture d’interdire le film aux moins de 18 ans pour des motifs discutables. Une mesure qui limite grandement l’exploitation et la diffusion d’un film pourtant essentiel. 

    Au départ, avez-vous eu des difficultés à trouver des financements pour financer Salafistes ?

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    François Margolin

    Quand on a commencé à l’automne 2012, le projet n’intéressait pas grand monde. Malgré l’absence de financement, j’ai tout de même décidé avec Lemine Ould M. Salem de démarrer le tournage. Immédiatement après les attentats de janvier 2015, les choses se sont débloquées. Canal+ et France 3, avec qui je travaille régulièrement, se sont montrés intéressés et ont participé par le biais de leur département Cinéma. Plus frileux, le département documentaire de France 3 émettait déjà des réserves sur la nature du film et le choix de ne pas commenter les images.

    Maintenant que le film est sorti, créant la controverse, le désistement de France 3 vous surprend-il ?

    Non seulement ce désistement me surprend mais je le trouve honteux. On ne se retire pas des financements d’un film d’un claquement de doigt. Ce que je trouve encore plus honteux, c’est de faire en sorte que Salafistes ne passe pas à la télévision. Etant donné le contexte actuel, il me semble que c’est un film essentiel, à voir précisément sur une chaine de télévision, pour nourrir un véritable débat.

    Comment expliquer la classification pour apologie du terrorisme proposée par le CNC, à l’inverse du propos du film ?

    On est passé en fait trois fois devant la commission. La première fois, un simple avertissement a été recommandé. La deuxième fois, la commission plénière a proposé à la ministre l’interdiction aux moins de 18 ans assortie d’un avertissement pour cause d’apologie du terrorisme ; j’ai donc modifié une scène qui posait problème pour que la commission puisse revoir son avis. Mais la troisième fois, ils ont été plus subtils, conscients que la classification pour apologie du terrorisme revenait à une interdiction strictement politique, ce qui n’est pas légal. Ils ont argué du fait qu’il n’y avait pas de contextualisation, pas de voix off, pas de point de vue contradictoire et des images très violentes pour classifier le film. Ces éléments sont bien plus faciles à justifier en termes de code du cinéma même s’il ne s’agit ni plus ni moins que d’une reformulation élégante et lissée de l’apologie du terrorisme. Invoquer la présence d’images violentes est un simple prétexte parce que la commission sait qu’il s’agit du seul moyen d’interdire le film aux moins de 18 ans  – avec la présence de scènes de sexe non simulées, ce que le film ne contient pas.

    Que cache cette clause selon vous ?

    Une décision purement politique. Salafistes dit clairement quelque chose que l’on ne veut pas entendre en France et qui est le contraire du discours gouvernemental depuis un an et demi, et à plus large échelle, de ce que disent les politiques depuis 15 ou 20 ans, à savoir que le terrorisme est l’œuvre d’une petite secte, de loups solitaires, de déséquilibrés etc. On ne peut pas sortir de ce film sans voir que le salafisme représente un phénomène important, qu’il touche beaucoup de monde, qu’il vient de l’Islam même s’il n’en est qu’une frange minoritaire. Aujourd’hui, lorsque le président fait un discours sur le terrorisme, il n’utilise pas les mots de « musulman » ou d’ « Islam »… On est dans un déni terrible auquel n’adhèrent pas les Français. Le film ne cherche ni à justifier ni à comprendre mais à voir qui sont ces gens en face de nous qui ont décidé de nous faire la guerre, pour savoir ce qu’ils ont dans la tête, chose que se demande l’essentiel (la plupart ?) des Français. Les gens veulent savoir pourquoi on leur tire dessus.

    D’où sont parties les pressions exactement ? On a parlé de l’intervention de Bernard Cazeneuve…   

    Je n’ai pas eu de pressions directes de sa part et je ne fais que répéter ce que l’on m’a dit. Les représentants du ministère de la Justice et du ministère de l’Intérieur étaient, semble-t-il, présents à la commission, qui n’est plus dite « de censure » mais « de classification ». Apparemment, c’est tout juste s’ils ne voulaient pas entamer des poursuites judiciaires contre le film – on se demande bien sur quelle base. Ils ont cherché à intimider les gens et fait du chantage… Quand on voit de tels comportements, on se dit que ce n’est pas comme cela que l’on va s’en sortir.

     Salafistes est-il victime d’une application outrancière de l’état d’urgence ?

    Avant les attentats du 13 novembre, le film serait sûrement passé à travers les mailles. On peut craindre que d’autres attentats se profilant, on soit obligé de s’habituer à ce genre de décisions… Le film est autant victime de l’état d’urgence que de la stupidité partagée aussi bien par certains politiques que certains journalistes, qui se sont empressés de répandre des rumeurs propagées par des gens qui n’avaient pas vu le film. Les gens qui l’ont vu ne lui font pas dire l’inverse de ce qu’il dit.

    Pensez-vous comme Michel Onfray qu’on ne peut plus parler de l’Islam en France ?

    Non, je pense au contraire qu’il faut en parler et que c’est faisable. Il serait d’ailleurs souhaitable que les musulmans prennent la parole plutôt que les non-musulmans. A ce sujet, les deux sensibilités sont présentes dans Salafistes. Même si parler sereinement de l’Islam est devenu compliqué en France aujourd’hui – on en a la preuve – c’est une nécessité que d’y arriver.

    Comment s’établit la diffusion du film malgré sa clause d’interdiction ?

    On est passé de 4 à 11 salles, ce qui est peu mais beaucoup eu égard aux pressions qui s’exercent sur elles. On cherche à faire peur, à dire que le film est très dur, qu’il faut fermer les yeux d’un bout à l’autre alors que ce n’est absolument pas le cas – à tout casser, il doit y avoir environ 90 secondes d’images violentes sur une heure et quart. Nous avons déposé une requête en référé pour faire annuler la décision de l’ex-ministre de la culture. On verra bien… J’espère en tout cas que l’on va trouver rapidement d’autres moyens de diffusion, que le film pourra passer à l’étranger et surtout qu’un jour ou l’autre, on le verra à la télévision… Son message est important. 

    Politique magazine

  • Réforme de l'orthographe : « Les lois naturelles et la longue mémoire transmises par la famille voila l'Ennemi » !

     

    Par Richard Portier

    Une pertinente analyse reçue dans les Commentaires sur Lafautearousseau

    Les raisons de l'activation du projet de réforme de l'orthographe sont multiples. Celle que cite Olivier Maicas est bien réelle : le projet "républicain" depuis les Pères spirituels de la Révolution est de soustraire les enfants a l'influence de leurs parents en la remplaçant par « l'éducation républicaine » (un « formatage » serait plus vrai) dispensée a l'école et maintenant complétée par la doxa médiatique assénée à répétition. Dans la termitière parfaite rêvée par les utopistes, à peine « humanisée » par rapport a son modèle animal, les lois naturelles et la longue mémoire transmises par la famille voila l'Ennemi .

    Mais cette raison n'est pas la seule : dans son très remarquable « Décomposition Française » (Ne mourez pas idiot : achetez-le, vite !) Malika Sorel-Sutter raconte (pp 214-215) : Alain Viala, Président de la commission chargée en 2000 de réformer les programmes d'enseignement du Français, reconnaît en 2005 que « la modification des programmes était guidée par le fait que l'arrivée des nouveaux publics, autrement dit d'adolescents venant de milieux ne leur permettant pas d'avoir une maitrise suffisante, l'exigeait. C'est pour cette même raison qu'a été modifié le travail sur la langue - vocabulaire et grammaire : travail à mener dés le primaire et au collège et a poursuivre au lycée ». Déclaration faite à Marcel Gauchet dans un ouvrage intitulé :« Programmes : Comment enseigner le Français. Former la personne et le citoyen ». Titre qui est lui-même tout un programme, clairement... Et l'excellente Malika de commenter : « La langue, la littérature au travers de l'imaginaire qu'elles construisent (je me permets d'ajouter : « et de la mémoire qu'elles véhiculent ») sont les vecteurs de l'identité. Il est illusoire d'imaginer que, en aval d'un tel programme d'adaptation, faire peuple, faire nation, tous ensemble, puisse encore être possible ».

    L'immigration nous a amené Najat mais aussi Malika. La différence entre les deux : l'une aime la France, et l'autre pas. 

  • La reform de Najatte

     

    par Yves Morel

    Il n'a pas dû être si commode d'écrire cette savoureuse et démonstrative chronique. Pas plus qu'il n'est aisé de la lire ! Et, tous comptes-faits, elle nous donne à penser qu'il sera bien plus difficile de réformer l'orthographe que de l'apprendre. Sauf orthographe purement anarchique et individuelle qui aura pour résultat qu'on ne pourra plus ni se lire ni se comprendre. L'incommunicabilité nous guette !   LFAR

     

    Saluon la courajeuze inissitiav de Mme Vallaudbelkassèm de relanser la réform de l’ortografe mise au poin en 1990 par le Comité supérieur de la langue française (CSLF) présidé par Michel Rocard, alor premiéministre. A vrè dir, il étè plus que temps de si mettre, tant notre lang est d’une difficulté aussi désespérante qu’inutil et ridicul. Pensé donc ! On écrit tradissionellemen « oignon » un mot qui, pourtan, se prononse « ognon », ou mieu encor, « onion ». Et « nénuphar » un mot qui se prononse pourtant « nénufar ». Sans parler de tous ces traits d’union qui n’ont été inventés que pour tendre des embuches à des générations de maleureux élèves et de braves et onètes adultes amenés à écrir à leur famille, à leur bienèmé (qui se mok gentiment de leurs fôtes quand elle è instruite) ou aux servisses publics ou sociô. Je vous demande un peu : à quoi cela rim-t-il d’écrire « porte-monnaie » alors kon pourrè toutaussibien écrir « portemonnaie » (ou, mieu encor, « portemonè ») ? Et pourquoi, dite-le-moi, som-nous obligé d’écrir « rendez-vous » avec un trèdunion, alors qu’il n’y en a pas à « compte rendu » ou « parti pris » ? Si ce n’è pas pour le plèsir sadic de mortifié, d’humilié les jans en leur tendan des pièges, alor keskecè ? Bienvenu donk aux « extraterrestres » avec lékel on poura fèr des « picnics » sans craindr kil zen profite pour nous dérobé notre « portemonnaie ».

    Et ces accents circonflexes qui ne servent à rien, sinon à fer comètre des fôtes qui ne devrè pas être considérés comtel puisk l’absens de ces accents ne change rien à la prononsiation du mot : pourquoi sobstiné à écrir « paraître » quand on peut écrir « paraitre » ? Et pui, ils sont mal plassés, ces accents, ils ne corresponde pas toujours à la prononsiation courante des mots. Prenon quelques exemples : on doi écrir « réglementaire », alors kon prononse souvent « règlementaire », ce qui ne devrè pa être considéré comme une erreur, puisqu’on écri et prononse « règlement », et non « réglement ». Demêm, ces foutus règles d’ortografe nous oblige à écrir « événement » alor que, biensouvan, on prononse « évènement ».

    On nou di que 2400 mots de la lang fransèse vont ètre affectés par sette réforme. Mais ce n’est la kune mesurette ; enfète, c’est toute la lang kil faut modifié, tout le vocabulère, la gramère, la conjuguèson, la sintaxe et le reste (sil y a un reste dailleur).

    En vérité, le seul reproche kon puisse légitimeman adressé cette réforme, c’est d’être timoré, trô timide. Ainsi, on nous anonse que l’accent circonflexe sera mintenu pour distingué deux mots qui ont la mêm prononsiation, mais des sens différents : « mur », « mûr » et  « mûre », ou encore « du » et « dû ». Mais, je vous demande un peu : èce vrèment indispensable ? Kan je dis ou j’écris qu’à la belle sèson, j’ème me promener à la campagne et i keuillir des murs, tout le monde compren keu je parle de fruis, et non des murs d’une clôture ou d’une ferme ; et, si je lisè, dans un manuel d’instrucsion sivic, que l’impôt est du par tous les sitoillins, je comprendrè que ce du est le partissip passé du verbe devoir, et non l’article du ; sa tomb soulsens.

    Réformon donc ardiment notre ortografe, avec courage et confianse dans l’avenir (qui, au regard du présent, ne poura être que radieux). Mais attention ne feusons pas nimportekoua. Il n’est pas question d’alinier l’ortografe sur la fonétik, pureman et simpleman. Non ! Cela signerait la fin de notre lang, et ce n’est pas le but recherché loin de là. Il sajit de savoir évoluer pour s’adapter, en un monde qui se modifie sans cesse, avec intelligence et pragmatism, et dans le respè de l’étimologie des mots. C’est Mme Mari-Elène Drivaud, lexicografe et directrisse éditoriale du dicsionère Robert, ki le di.

    Ainsi, on n’écrira plus nénuphar, mais nénufar, car, ce mot est d’origine arabe, et  « le ph est d’origine grecque, il n’avait donc rien à faire là » (dixit [oh ! pardon pour le latin] Mme Drivaud). En revanche, toujour selon Mme Drivaud, on devra continuer à écrire nymphéa(s) parce que ce mot est, lui, d’origine grecque. Respectons l’istoire, la sivilisation, et donc l’étimologie, diantre !

    Respectons donc l’étimologie, mais sans superstission paralisante pour l’istoire et les origines de notre lang. Ainsi, sil est bon de savoir que le mot sociologie a été formé au XIXè siècle (par Auguste Comte) à partir des mots socius (latin) et logos (grec), pourquoi sobstiné à s’initié au latin ou au grec ancien ? Nous ne sommes pas des Romains ou des Grecs, tout de même, ni des clercs du Moillen-Age ; dailleur, mêm les curés ne célèbrent plu la messe en latin depuis une cinquantaine d’années. Najatte a bien fè de vouloir fèr passé définitiveman les humanités à la trape. Avec la réactivation de cette réforme de l’ortografe, elle parachève le travail éducatif ki fera des jeunes Fransès, des homs et des fames libres, sains de cor et d’esprit dans un monde nouvau kil nou faut préparé pour le plu gran bonheur de nos enfans. 

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle

  • Culture & Langue française • Sans circonflexes et sans complexes

     

    L’orthographe « rectifiée », une faute grave, c'est ce qu'affirme Elisabeth Lévy, dans cette chronique de Causeur que nous avons aimée [8.02]. Son style, ses formules dont elle a le don, son expression simple et directe, et, bien-sûr, sa clairvoyance sur le fond. Ce n'est pas toujours le cas, mais, ici, accord total ! LFAR

     

    sipa-1311899-jpg_1191852.JPGCurieux, ces « rectifications orthographiques » que leurs promoteurs vantent en expliquant qu’elles ne changeront rien et que, de surcroît, elles sont facultatives. De fait, les réformateurs eux-mêmes ne semblent pas très fiers de leur dernière victoire. On dirait que cette réforme, personne ne l’a vraiment voulue, en tout cas pas au sommet de l’Etat. Elle est arrivée toute seule, devenant opérationnelle vingt-six ans après sa conception par la grâce des tuyaux administratifs et la volonté de technocrates inconnus (une parution au JO du 6 décembre 1990, transcrite dans le Bulletin officiel de l’Education nationale du 26 novembre 2015 et finalement intégrée par les éditeurs pour la rentrée 2016).

    Simplification, rationalisation, adaptation : toutes les raisons invoquées par les saccageurs de la langue française s’inscrivent dans ce triptyque et elles sont toutes mauvaises. Il est tout de même effrayant que, s’agissant de cette chose précieuse, raffinée et, il est vrai un brin rigide mais avec tant de charme, qu’est notre langue, on n’invoque jamais l’argument de la beauté – on changerait l’orthographe d’un mot pour qu’il soit plus aimable à l’œil. Non, il faut simplifier, parce que des règles fantasques mais implacables, empilées en strates désordonnées depuis des siècles, sont devenues étrangères à beaucoup de Français, notamment parmi les jeunes. Que la maîtrise de codes complexes, truffés d’arbitraires et hérissés de cas particuliers, permette d’apprendre à penser, c’est une idée qui, paraît-il, n’est pas de notre temps. La moderne attitude, c’est d’assumer son ignorance.

    En somme, adaptons le niveau de langue à celui que nous sommes capables d’enseigner. On ne sait plus écrire « oignon » ? Qu’à cela ne tienne, virez-moi ce « i » trompeur et inutile. Quant aux « chapeaux de gendarme », ne sont-ils pas un discret signe de distinction, un ultime vestige de la prétendue supériorité de la culture sur l’ignorance ? Le circonflexe, c’est, la plupart du temps, une bonne manière qui ne sert à rien, sinon à rappeler un passé révolu : l’archétype du truc réac et nauséabond.

    Avant le langage SMS pour tous…

    Dans cette perspective, beaucoup trouvent que cette réforme ne va pas assez loin. Sur le site de l’Obs, André Crevel, « linguiste et grammairien » plaide aussi pour la suppression des doubles consonnes « quand cela n’a aucun impact sur la prononciation » : « ”Honnête” deviendrait “honête”, “supprimer” se transformerait en “suprimer”. On pourrait également remettre en question les “lettres grecques”. Par exemple, les “h” muet, vestige du grec, ne sont parfois pas utiles (“hippopotame” deviendrait “ipopotame”). » Ne nous arrêtons-pas en si bon chemin : éradiquons aussi les apostrophes, énervantes, les tirets, ambigus, et le point-virgule, bien trop indécis, le fourbe.

    De toute façon, comme l’a souligné Alain Finkielkraut au cours de l’émission « L’esprit de l’escalier », aucune réforme ne rattrapera les fautes réelles d’élèves qui conjuguent les substantifs (les pomment). À moins, bien sûr, de passer au langage SMS pour tous, ce qui nous permettra de réduire considérablement nos dépenses d’enseignement.

    … voila venu le temps de l’orthographe à la carte !

    Mais le plus comique, ou le plus sidérant, de l’affaire, c’est que cette réforme soit présentée comme facultative. L’orthographe à la carte, il fallait l’inventer. C’est comme pour le mariage, chacun fait ce qui lui plaît. Qu’est-ce que ça peut te faire que d’autres écrivent « nénufar », puisque tu pourras continuer à écrire « nénuphar » si ça te chante. Au final, au prétexte inavoué de faire disparaître d’antiques distinctions, on en crée une, de taille, entre ceux qui continueront à parsemer leurs textes de clins d’œil au passé et les enfants du nouveau perpétuel.

    Heureusement, les Français sont plus amusants et plus futés que ce que croient les réformateurs qui veulent leur simplifier la vie. Les gens ne veulent pas qu’on adapte l’orthographe aux fautes de leurs enfants, ils veulent qu’on leur apprenne à ne pas faire de fautes. La révolte qui gronde pour les circonflexes évoque furieusement celle qui s’est levée contre la réforme des collèges. On ne veut pas de votre égalité à deux balles, on ne veut pas de votre monde simplifié, sans complexes et sans complexité. Donc sans beauté ni intérêt. 

    Elisabeth Lévy

    est fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur.

  • Histoire • Ainsi meurent les empires

     

    Dans La Fin des empires, vingt spécialistes réunis sous la direction de Patrice Gueniffey et Thierry Lentz analysent comment, de l'Antiquité à nos jours, les empires ont toujours péri, mais aussi comment ils ont ressuscité sous d'autres formes. Une passionnante synthèse... Et une passionnante recension de Jean Sévillia. [Figaro magazine du 12.02].


    XVM06e8d676-796d-11e5-ba18-c49418e196fb.jpgUn peu plus de dix ans seront nécessaires au roi de Macédoine, Alexandre III, après qu'il eut soumis la Grèce, pour conquérir l'Asie mineure, l'Egypte et l'Empire perse, étendant son emprise de la Mésopotamie aux frontières de l'Inde. Mais, peu d'années après sa mort, ses successeurs se déchireront et l'empire d'Alexandre s'effondrera.

    Vingt-deux siècles plus tard, à l'est de l'Europe, l'Empire soviétique prendra la suite de l'Empire russe, né peut-être quand Ivan IV le Terrible, dans une symbolique empruntant à Rome et à Byzance, prit le titre de « tsar de toutes les Russies ». Il ne faudra cependant qu'un an et demi, entre la déclaration d'indépendance de la Lituanie, le II mars 1990, et la démission de Mikhaïl Gorbatchev, le 25 décembre 1991, pour que disparaisse cet empire qui avait Moscou pour capitale.

    Deux millénaires séparent Alexandre le Grand et Gorbatchev. De l'Antiquité à nos jours, d'autres empires sont nés, ont atteint leur apogée, puis ont disparu. C'est cette fascinante litanie de puissances englouties par l'Histoire qu'égrène un livre collectif réalisé sous la direction de Patrice Gueniffey et Thierry Lentz, deux spécialistes de Napoléon. Vingt historiens — dont Claude Mossé, Jean-Louis Voisin, Sylvain Gouguenheim, Jean Meyer, Bartolomé Bennassar, Jean-Paul Bled, Arnaud Teyssier ou Lorraine de Meaux — y analysent la chute de ces constructions politiques que furent l'Empire romain d'Occident et la Perse sassanide, l'Empire carolingien et Constantinople, l'Empire aztèque et l'Empire espagnol, le Saint Empire romain germanique et le Grand Empire de Napoléon, l'Empire chinois et l'Empire ottoman, l'Autriche-Hongrie et le Troisième Reich, l'Empire britannique et l'Empire colonial français.

    « Tout empire périra », observait naguère le grand historien Jean-Baptiste Duroselle. D'un cas à l'autre, les causes diffèrent : trop grande disparité des populations conquises, paupérisation économique, épuisement politique ou militaire, crises de succession intérieures, rivalités extérieures. Les circonstances varient tout autant : longue agonie pour l'Empire byzantin, maladie de langueur pour le Saint Empire romain germanique et pour l'Empire ottoman, défaite militaire pour l'empire des Habsbourg, apocalypse sous les bombes pour le Reich hitlérien. Ajoutons que la durée de vie des empires « décourage toute comparaison », comme le reconnaissent Gueniffey et Lentz dans leur avant-propos : quelques années pour Alexandre le Grand et Napoléon, un siècle pour les Empires inca et aztèque, quatre siècles pour les Empires arabes, cinq siècles pour Rome, huit siècles pour le Saint Empire romain germanique, mille ans pour l'Empire byzantin.

    A raison de ces dissemblances, est-il possible d'établir une théorie du phénomène impérial ? Rappelant, dans leur passionnante préface, que Montesquieu, Gibbon ou Toynbee s'y sont essayés, les deux directeurs de l'ouvrage esquissent à leur tour une réflexion à ce sujet. Mais pour souligner un paradoxe : si les empires sont mortels, tel le phénix, ils ressuscitent toujours. Parce qu'ils incarnent un mythe dont les hommes ont besoin. Les deux autres formes politiques qui ont existé dans le passé sont la cité ou l'Etat-nation. La première, limitée par sa taille, ne correspond plus aux exigences du monde moderne. Le second est d'origine européenne, or les Européens, après les excès du siècle des nationalités (le XIXe siècle) et les tragédies du XXe siècle, se sont détournés de l'Etat-nation, aspirant, à travers l'Union européenne, à dépasser les frontières afin de renouer avec la paix, à vivre sous un pouvoir lointain, par-là même respectueux des particularismes. La deuxième moitié du XXe siècle, en Europe, a vu par conséquent un regain de l'idée impériale. Pour autant, Patrice Gueniffey et Thiery Lentz rappellent que les rois de France, rejetant la tutelle de l'empereur comme du pape, imposèrent jadis le modèle de la nation, modèle qui triomphe à travers les Etats qui, aujourd'hui, décident de l'avenir du monde : les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Iran, Israël, et.. l'Allemagne. L'Allemagne qui est en train de saper l'Europe, si bien que, au XXIe siècle, les rêves d'empire se sont déjà évanouis sur le Vieux Continent. Conclusion : l'histoire continue. 

    Détails sur le produit

    La Fin des empires, sous la direction de Patrice Gueniffey et Thierry Lentz, Perrin/Le Figaro Histoire, 474 p., 22 €.

  • Retour à Maurras : « Ce pays-ci n'est pas un terrain vague ... » Voilà ce qui doit guider notre politique de l'immigration !

      

    L’hospitalité 

    Il s'agit de savoir si nous sommes chez nous en France ou si nous n'y sommes plus ; si notre sol nous appartient ou si nous allons perdre avec lui notre fer, notre houille et notre pain ; si, avec les champs et la mer, les canaux et les fleuves, nous allons aliéner les habitations de nos pères, depuis le monument où se glorifie la Cité jusqu'aux humbles maisons de nos particuliers. Devant un cas de cette taille, il est ridicule de demander si la France renoncera aux traditions hospitalières d'un grand peuple civilisé. Avant d'hospitaliser, il faut être. Avant de rendre hommage aux supériorités littéraires ou scientifiques étrangères, il faut avoir gardé la qualité de nation française. Or il est parfaitement clair que nous n'existerons bientôt plus si nous continuons d'aller de ce train. (…) Ce pays-ci n'est pas un terrain vague. Nous ne sommes pas des bohémiens nés par hasard au bord d'un chemin. Notre sol est approprié depuis vingt siècles par les races dont le sang coule dans nos veines. La génération qui se sacrifiera pour le préserver des barbares et de la barbarie aura vécu une bonne vie.

    (…) #La jeune France d'aujourd'hui est en réaction complète et profonde contre ce double mal. Elle rentre chez elle. Ses pénates intellectuels, ses pénates matériels seront reconquis. Il faut que l'ouvrier français, le savant, l'écrivain français soient privilégiés en France. Il faut que les importations intellectuelles et morales soient mises à leur rang et à leur mérite, non au-dessus de leur mérite et de leur rang. L'étiquette étrangère recommande un produit à la confiance publique : c'est à la défiance du pays que doit correspondre au contraire la vue de tout pavillon non français. Qu'une bonne marque étrangère triomphe par la suite de cette défiance, nous y consentons volontiers, n'ayant aucun intérêt à nous diminuer par l'ignorance ou le refus des avantages de dehors, mais l'intérêt primordial est de développer nos produits en soutenant nos producteurs. Le temps de la badauderie à la gauloise est fini. Nous redevenons des Français conscients d'une histoire incomparable, d'un territoire sans rival, d'un génie littéraire et scientifique dont les merveilles se confondent avec celles du genre humain.  

     

    Charles Maurras 

     

    L’Action française, 6 juillet 1912

     

  • Cinéma • Les Filles au Moyen Âge : « C'est toi l'obscurantiste ! »

     

    Eugénie Bastié donne ici une excellente critique des Filles au Moyen-âge, et tout un ensemble de sérieuses raisons d'aller voir le film. La principale est que ce film - comme l'article d'Eugénie Bastié [Figarovox, 8.02] - tend à restaurer l'image du Moyen-Âge français dans toute sa vérité. LFAR

     

    picture-2563491-5ueuang.jpgLe film d'Hubert Viel, avec Michael Lonsdale, est un chef-d'œuvre de douceur et de poésie. Il vient rétablir une vérité historique: l'époque médiévale était douce pour les femmes.

    Depuis Les Visiteurs, l'image moyenne et vague que nous avons du Moyen Âge est celle d'une vaste fosse à purin, où surnagent des mages noirs, des gueux édentés et des seigneurs très méchants. Quant aux femmes, les pauvres, elles étaient soit des sorcières vouées au bûcher par des curés sales et malveillants, soit des princesses godiches prisonnières dans leurs tours, attendant désespérément un valeureux chevalier. C'est après, bien plus tard qu'est arrivé la Libération, avec Simone de Beauvoir, qui d'un coup de baguette magique a libéré la femme de l'esclavage, passée «de l'ombre à la lumière» grâce à la pilule, au chéquier et à l'IVG. Tel est, en substance, le conte qu'on nous raconte.

    Le film, Les Filles au Moyen Âge, vient sonner le glas de ces idées reçues. Dans un petit pavillon de la France périphérique, entre une rocade encombrée et une zone industrielle, trois petites filles exaspérées parce que les garçons préfèrent jouer à la console qu‘avec elles, vont voir leur grand-père. Celui-ci, incarné par l'immense Michael Lonsdale, commence à leur raconter une histoire: celle des filles au Moyen-âge. Les petites saynètes, tournées en noir et blanc dans des paysages bucoliques, des décors et des déguisements extrêmement simples s'enchaînent, ponctuées par la voix douce de Lonsdale.

    L'historienne Régine Pernoud au cinéma

    XVM2bec849c-cda3-11e5-85f1-b52fa717e71f-300x300.jpgC'est le livre de Régine Pernoud, La Femme au temps des cathédrales, joué par des enfants. Comme l'historienne l'a démontré, le Moyen-Âge était une période bénie pour les femmes. Courtisées, adulées, vénérées comme images de la Vierge Marie, elles y avaient autant de droits que les hommes. Et c'est à partir de la «Renaissance»- qui porte mal son nom- que celles-ci ont commencé à voir leur pouvoir décliner à mesure que grandissait la société bourgeoise. Le film, rythmé par des chants magnifiques, rend merveilleusement l'idée, développée par Pernoud, que c'est le christianisme qui a libéré la femme et lui a donné un statut d'égale de l'homme, alors qu'auparavant elle n'était, notamment sous l'Antiquité, considérée que comme un objet. «C'est un événement décisif qui se produit dans le destin des femmes avec la prédication de l'Évangile. Les paroles du Christ, prêchées par les apôtres à Rome et dans les différentes parties de l'Église, ne comportaient pour la femme aucune mesure de «protection», mais énonçaient de la façon la plus simple et la plus bouleversante l'égalité foncière entre l'homme et la femme», écrit Pernoud.

    Sans tomber dans le travers de l'esprit de sérieux qui définit notre époque, le réalisateur brosse avec humour et tendresse le portrait de ces héroïnes qui étaient des piliers de la société médiévale, et ce, sans les secours de la parité. Dans Les filles au Moyen-Âge, on croise ainsi Clotilde, qui convertit son mari Clovis et la France au christianisme, Hildegarde de Bingen, femme de lettres et de sciences qui découvrit la gravité, des siècles avant Newton, ou encore Jeanne, la Pucelle, la femme la plus connue du monde, qui fit plier le veule et changeant Charles VII, et bouta les Anglais hors de France.

    Humour et tendresse

    À la fin du film, une scène charmante montre deux enfants, le petit garçon en business man agitant sa cigarette électronique et Mélisande, jeune princesse échouée dans notre temps. «Je sais coudre, chanter, je parle hébreu, grec et latin», lui dit la petite princesse sur le parking d'un supermarché. «Je peux t'offrir un CDD en service après-vente chez Darty» lui répond le gamin, après avoir mûrement réfléchi. On mesure alors avec un sourire amer tout ce que le «progrès» a fait gagner aux femmes et aux hommes de notre temps. Les moissonneuses-batteuses et les autoroutes, les caissières et les 35h ont remplacé le rythme des saisons et l'accord avec la nature qui régnait aux temps médiévaux.

    «L'esprit d'enfance va juger le monde», écrivait Bernanos. Par ce film exquis, Hubert Viel ne fait pas que rétablir une vérité historique, il juge aussi notre époque. Par la voix de l'enfance. L'enfance des jeunes acteurs, touchants de spontanéité. L'enfance de notre histoire, le Moyen-Âge, berceau tendre et radieux noirci par une civilisation qui a pris en goût la haine des origines.

    On se souvient des mots que met André Frossard dans la bouche de Lucifer dans Les trente-six preuves de l'existence du diable: «Qualifier d'obscur ce carrousel permanent de couleurs et d'extravagances empanachées était un peu gros, mais avec vous la subtilité ne paie pas. Des générations de cornichons macérés dans vos établissements scolaires se sont représentés le Moyen-Âge sous l'aspect d'un tunnel rempli de chauve-souris…». Que ceux qui croient que la subtilité paie se ruent dans les quelques salles qui passent encore ce film charmant. Ils en auront pour leur argent. 

    Eugénie Bastié

     

    Bande annonce

     

  • Antoine de Crémiers évoque Louis Martinez

    Louis Martinez (au centre) - Antoine de Crémiers (à gauche) - Le prince Sixte Henri de Bourbon Parme (à droite)

     

    Antoine de Crémiers a donné dans les commentaires de Lafautearousseau cette évocation de Louis Martinez dont nous avons déploré la mort, samedi dernier, 6 février. Nous avons pensé qu'à raison de ce qu'elle nous rappelle et même de ce qu'elle nous apprend de la personnalité si attachante de Louis Martinez, elle devait figurer en page d'accueil de ce site, pour être vue et lue du plus grand nombre possible de nos lecteurs. C'est chose faite. Merci à Antoine de crémiers.  LFAR   

     

    3663252842.jpgLors d'une conférence de Louis sur « le jargon de Babel » j'avais eu le grand plaisir de le présenter à ceux qui n'avaient pas la chance de le connaître.

    Présenter Louis Marinez est un exercice difficile, susceptible de se traduire en une litanie d'éloges qui pourrait paraître suspecte, exagérée et surtout gênante pour sa modestie. Passons donc rapidement, non sans souligner, peut-être ne le sait-il pas, que je lui dois beaucoup, comme à quelques uns de mes maîtres, peu nombreux, dont je tiens soigneusement enfermés dans ma réserve personnelle, pensées et propos afin d'y puiser à loisir.

    C'est dans un autre monde, celui de la guerre froide que nous avons fait connaissance, à l'époque des convois « ciblés » pour la Pologne qui nous conduisaient à Cracovie où le nom de Louis Martinez était notre sésame nous ouvrant bien des portes.

    Donc, historien et professeur de russe, traducteur de Pasternak, Soljenitsyne, Platonov et bien d'autres, Louis Martinez, après 40 ans d'enseignement de la langue et de la littérature russe se met à écrire des romans, peut-être, faudrait-il dire son roman, son histoire et celle de sa terre à la tragique destinée : l'Algérie.

    La fresque se déroule de la veille de la guerre de 14 au mois de juillet 1962 (massacres d'Oran) sous forme d'un triptyque : « Denise ou le corps étranger » suivi du « Temps du silure », « celui des gestations longtemps secrètes qui crèvent d'un coup en enfantements catastrophiques » puis de la « Dernière marche ». Le plus frappant à la lecture de ces livres, c'est la langue, précise, aussi bien dans son vocabulaire que dans sa ponctuation, bref, française, mais hélas de ce français que l'on écrit de moins en moins et qui nécessite pour le lecteur, même averti, comme un nouvel apprentissage.

    Pour terminer, j'avoue un petit faible pour « L'intempérie » petit roman aixois où l'on rencontre à chaque page la ville et son histoire et dans lequel se révèle comme signe de décivilisation « le bizarre jargon qui a éclos comme vermine ». Peut-on rêver meilleure introduction au  « jargon de Babel » ? 

     

  • Rencontre pape-patriarche à Cuba : le mur de Dioclétien va tomber

     

    C'est un événement, d'un point de vue historique et géopolitique, d'une importance majeure qu'évoque ici Jean-Baptiste Noé. Et l'analyse qu'il en donne nous semble d'un grand intérêt. D'un point de vue religieux, tout autant. Mais ce n'est pas celui où nous nous plaçons ici. Vendredi prochain, le pape François et le patriarche orthodoxe Kirill se rencontreront à La Havane et les implications géopolitiques de leur rencontre, telles qu'on peut les envisager, sont analysées ici remarquablement, nous semble-t-il, par Jean-Baptiste Noé [Figaro du 05.02.2016]. Nous en conseillons une lecture attentive.  LFAR  

     

    À Cuba, le mur de Dioclétien va tomber

    Les rues de Rome étaient parcourues par la rumeur depuis quelques jours : on espérait une rencontre entre François et Kirill lors du voyage du pape au Mexique. Moscou avait démenti, mais personne ne croyait vraiment cette dénégation. Quand la salle de presse du Saint-Siège convoqua pour 12h les journalistes pour communiquer une nouvelle importante, on comprit que Moscou pouvait passer par Rome. La rencontre qui se tiendra le 12 février prochain à La Havane est un entrechoque de l'histoire et de la géopolitique ; un événement historique majeur.

    Catholiques et orthodoxes : les Latins et les Grecs

    La fracture qui sépare les catholiques et les orthodoxes est d'abord culturelle et politique. La foi y a été conviée pour donner une justification théologique qui désormais n'a plus lieu d'être. La question du filioque est réglée, et les fidèles catholiques peuvent communier lors des messes orthodoxes, sous certaines conditions. La rupture entre Rome et Constantinople est d'abord d'ordre géopolitique. C'est la fracture entre la partie grecque et la partie latine du même Empire romain. C'est la fracture entre deux capitales, Rome et Byzance, qui ont lutté pendant des siècles pour affirmer leur primauté. C'est l'empereur Dioclétien qui, en créant la Tétrarchie, a officialisé la rupture politique et administrative de l'Empire entre l'Occident et l'Orient. Quand le christianisme se développe, il hérite d'une situation complexe où les Grecs méprisent les Latins, qui souffrent d'un complexe d'infériorité par rapport à leurs frères aînés dans la culture. Tous les conciles œcuméniques du premier millénaire se tiennent en Orient. La théologie chrétienne s'approfondit à Nicée, Antioche, Alexandrie, Constantinople. Saint Jérôme vient à Jérusalem pour traduire la Bible en latin, et saint Augustin regrette de ne pas parler le grec.

    En Occident, l'Empire disparaît et les structures se dissolvent. En Orient, l'Empire romain demeure. L'empereur qui siège à Constantinople est l'héritier des César. Charlemagne et les empereurs allemands jalousent celui qui porte la véritable pourpre.

    Au tournant de l'an mil la rupture est consommée, mais celle-ci était vivace depuis plusieurs siècles. Avec la chute de Constantinople en 1453 c'est Moscou qui reprend l'héritage de l'orthodoxie ; c'est elle la troisième Rome.

    Prémisses d'une réconciliation

    Il faut lire Taras Boulba de Gogol pour prendre la mesure du degré de haine qui a pu exister entre catholiques et orthodoxes, surtout en terres orientales où la foi recouvre les disparités ethniques. Polonais et Russes, Croates et Serbes ont longtemps été en conflit, revivant la fracture des Latins et des Grecs, actualisant le traumatisme du sac de Constantinople par les Vénitiens en 1204.

    C'est Léon XIII (1878-1903) qui comprend l'intérêt du rapprochement de Rome et de Moscou. Il opère une modernisation de la vision géopolitique du Saint-Siège. Le premier, il comprend que dans ce siècle de positivisme et de haine de la foi ,la fracture n'est plus entre Grecs et Latins, mais entre ceux qui se rattachent à Dieu et ceux qui dénient son existence. Nous sommes là au cœur des enjeux de la modernité actuelle. Entre Rome et Saint-Pétersbourg, les relations se réchauffent, le tsar invite même le pape à participer à des conférences internationales, ce que refuse l'Italie. La révolution bolchévique empêche le rapprochement, et l'espoir renaît en 1991.

    Benoît XVI a beaucoup fait pour la réunification des deux poumons de l'Église. Il a rencontré plusieurs fois Kirill avant que celui-ci ne devienne patriarche de Moscou si bien que, lors de la messe d'installation de François comme Pape, son bras droit était présent à Rome. C'était déjà une première. Le mur virtuel de Dioclétien séparant l'Empire entre Orient et Occident est en train de s'effriter.

    Cuba, épicentre de la géopolitique du Saint-Siège

    Que cette rencontre ait lieu à Cuba ne manque pas de surprendre. Il fallait un lieu neutre, le pape s'y arrêtera en allant au Mexique, et Kirill y sera présent pour une visite dans l'île. On peut supposer que la concordance des voyages n'est pas le fruit du hasard.

    Cuba, le lieu de l'affrontement terrible ente Kennedy et Khrouchtchev où le monde a failli basculer dans la guerre nucléaire. Cuba où a eu lieu une des révolutions communistes les plus sanglantes. Cuba, où la diplomatie pontificale s'est actionnée durant tout le siècle : Jean XXIII pour réconcilier États-Unis et URSS, Jean-Paul II pour une première visite historique, Benoît XVI pour asseoir la réconciliation, et François pour faire lever l'embargo. À La Havane en 2016, l'événement sera aussi important qu'à Berlin en 1989. Raul Castro, père et acteur d'une des révolutions communistes les plus sanglantes du XXe siècle, est aujourd'hui l'acteur de la plus grande révolution œcuménique de l'histoire. Voilà ce dictateur sanguinaire repenti qui scelle la rencontre de l'Orient et de l'Occident séparés depuis 1 000 ans. Quel retournement de l'histoire ! La terre du communisme athée, l'espérance des générations de mai 68 qui ont vu dans le Che et dans Castro leur salut, qui retourne à la foi et qui accueille les vicaires du Christ. Au moment de la crise des missiles, quel fou aurait pu espérer cela?

    L'Orient en sort changé

    La rencontre des Tropiques va changer le visage de l'Orient. Alors que l'Europe occidentale se coupe de la Russie et refuse de voir en Poutine un allié, la réconciliation de Moscou et de Rome va contraindre les chancelleries à revoir leur stratégie diplomatique, si elles ont une vision réaliste des relations internationales. Fin juin se tiendra en Crète un concile de toutes les églises orthodoxes. C'est la première fois que ce type de concile aura lieu. Seront notamment présents les patriarches de Moscou et de Constantinople. La question romaine sera un des sujets centraux de cette rencontre. La chute du mur du schisme à Cuba va faire circuler les grands vents de l'Orient. 

    Jean-Baptiste Noé

    Jean-Baptiste Noé est historien, auteur de Géopolitique du Vatican, PUF, 2015.

  • Aix-en-Provence : Louis Martinez, un grand universitaire et un ami, nous a quittés

     

    Le professeur Louis Martinez est mort, à Aix-en-Provence, samedi matin 6 février et nous serons nombreux, non seulement à Aix, à Marseille et dans le Midi mais aussi, sans-doute, dans la communauté universitaire dont il était un membre éminent, et dans celle des Français d'Algérie à laquelle, né à Oran, il appartenait, à porter son deuil.

    Le Café actualités d'Aix-en-Provence où il intervenait, auquel il participait régulièrement, nous a transmis quelques lignes d'hommage de Catherine Rouvier qui méritent d'être citées : « ... Louis Martinez est mort ce matin. C'est un homme à la fois immensément érudit et très bon qui nous quitte. Il a de plus toujours combattu : pour libérer la Pologne des 1984 et sans relâche depuis, contre les idéologies matérialistes athées. [...] Que ceux qui peuvent se libérer viennent lui manifester leur gratitude pour cette courageuse défense de la liberté de penser et de croire dans un monde ou être politiquement incorrect est pire qu'être un assassin. Traducteur de Soljenitsyne, il savait ce qu'est une chape de plomb idéologique et lutta  contre, partout où il pouvait. Mais sa grande bienveillance naturelle et son immense érudition lui évitèrent toujours tout sectarisme et tout jugement hâtif ou injuste. Il nous manque déjà

    Quant à nous, nous le revoyons dans les repas-conférences du 21 janvier, à Marseille, auxquels il venait, au Café actualités d'Aix-en-Provence, et, plus récemment, à Marseille, pour une réunion-débat sur la crise ukrainienne où il avait brillamment débattu avec le prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme, défendant un point de vue qui n'était pas en tous points le nôtre, mais nous apprenant, du même coup, de nombreuses et précieuses choses sur la Russie et le monde slave. Il était, par surcroit, un merveilleux et chaleureux pédagogue. On ne se lassait pas de l'interroger. Inutile d'ajouter qu'il était un ami de l'Action française, de la Fédération Royaliste Provençale en particulier. Et c'est à l'honneur de l'Action française que d'avoir toujours suscité des amitiés d'une telle qualité.

    Nous exprimons à Madame Jacqueline Martinez, toujours très présente elle aussi, toutes nos condoléances, notre soutien dans cette douloureuse épreuve, et notre attachement fidèle au souvenir de Louis Martinez. Lafautearousseau 

     

    * Les obsèques de Louis Martinez auront lieu vendredi 12 février à midi en l'église Saint-Jean-de-Malte à Aix.

    ** Nous mettrons en ligne dans quelques jours la vidéo où Louis Martinez débat assez longuement avec le prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme et ses amis pourront ainsi le retrouver plein de vie, d'intelligence et de cette sorte de charme qu'il avait éminemment dans tout échange. Ce sera notre façon de lui rendre hommage, selon nos moyens.

  • Culture & Littérature • Alain Finkielkraut : un néo-réac sous la coupole

     

    Par Henri BEC

     

    2015-03-20_155205_bec-village.jpgAlain Finkielkraut a prononcé son discours de réception à l’Académie française (on dit son « remerciement »), où il avait été élu en avril 2014. On se souvient que cette élection avait été accompagnée des cris d’orfraie du petit monde médiatico-bobo, scandalisé de l’élection d’un pareil réactionnaire.

    D’une part elle nous a donné le plaisir d’assister à l’effondrement d’une pensée, et peut-être même d’un système qui ne séduit plus les esprits. Les mouvements de l’histoire sont toujours lents nous a appris Jacques Bainville, ceux de la pensée également. Mais l’Académie s’est une fois de plus honorée de résister au mauvais air du temps.

    D’autre part, le discours prononcé sous la coupole n’en fut pas moins éminent : « Le nationalisme, voilà l’ennemi : telle est la leçon que le nouvel esprit du temps a tirée de l’histoire, et me voici, pour ma part, accusé d’avoir trahi mon glorieux patronyme diasporique en rejoignant les rangs des gardes-frontières et des chantres de l’autochtonie. Mais tout se paie : ma trahison, murmure maintenant la rumeur, trouve à la fois son apothéose et son châtiment dans mon élection au fauteuil de Félicien Marceau. Les moins mal intentionnés eux-mêmes m’attendent au tournant et j’aggraverais mon cas si je décevais maintenant leur attente » .

    Alors il a répondu à leur attente mais il les a déçus.

    La France s’oublie elle-même

    Dans de nombreux ouvrages dont le très controversé L’identité malheureuse, Alain Finkielkraut n’a cessé de déplorer la disparition progressive de notre culture, notre langue, notre littérature, notre religion, nos traditions et tout simplement notre art de vivre, pour en arriver à l’être désincarné dont rêve tout dictateur, notamment le dictateur consumériste américain. Et de regretter que la France « semble glisser doucement dans l’oubli d’elle-même ».

    « Notre héritage, qui ne fait certes pas de nous des êtres supérieurs, mérite d’être préservé, entretenu et transmis aussi bien aux autochtones qu’aux nouveaux arrivants. Reste à savoir, dans un monde qui remplace l’art de lire par l’interconnexion permanente et qui proscrit l’élitisme culturel au nom de l’égalité, s’il est encore possible d’hériter et de transmettre » .

    Fils d’un juif déporté, son remerciement, au terme duquel il devait, selon une belle tradition, faire l’éloge de son prédécesseur, Félicien Marceau, homme de lettres belge, condamné par contumace à 15 ans de travaux forcés pour collaboration avec l’ennemi, condamnation qu’Alain Finkielkraut juge « exorbitante » , était très attendu. « Il n’y a pas de hasard, pensent nos vigilants, et ils se frottent les mains, ils se lèchent les babines, ils se régalent à l’avance de cet édifiant spectacle ».

    Mais il eut été étonnant que Finkielkraut s’abaissât à un jeu malsain.

    Rappelant Richelieu, fondateur de l’Académie, il cite Pierre Gaxotte, l’historien de l’Action française, évoquant Blum : « Comme il nous hait ! Il nous en veut de tout et de rien, de notre ciel qui est bleu, de notre air qui est caressant, il en veut au paysan de marcher en sabots sur la terre française et de ne pas avoir eu d’ancêtres chameliers, errant dans le désert syriaque avec ses copains de Palestine ». Il reprend Simone Weil (la philosophe, pas l’autre) et affirme, comme elle l’avait écrit dans L’enracinement, avoir été étreint par le « patriotisme de compassion » … « non pas donc l’amour de la grandeur ou la fierté du pacte séculaire que la France aurait noué avec la liberté du monde, mais la tendresse pour une chose belle, précieuse, fragile et périssable. J’ai découvert que j’aimais la France le jour où j’ai pris conscience qu’elle aussi était mortelle, et que son « après » n’avait rien d’attrayant » .

    L’hommage à Félicien Marceau

    Puis c’est tout en nuances qu’il analyse l’évolution intellectuelle de Louis Carette, le véritable nom de Félicien Marceau.

    Celui-ci occupait le poste de chef de section des actualités au sein de Radio-Bruxelles, placé sous le contrôle direct de l’occupant. Lorsque la connaissance des mesures prises contre les juifs commence à se répandre, il écrit  « Je puis concevoir la dureté. Je suis fermé à la démence. Je résolus de donner ma démission » .

    « Ce geste ne lui est pas facile » commente Finkielkraut. « Deux hontes se disputent alors son âme : la honte en restant de collaborer avec un pouvoir criminel ; la honte, en prenant congé de laisser tomber ses collègues et de manquer ainsi aux lois non écrites de la camaraderie » . Il explique longuement sa démarche, « révulsé par la guerre immonde qui suscite tout ce qu’il y a d’immonde dans le cœur déjà immonde des braillards » et rappelle que De Gaulle lui a accordé la nationalité française en 1959 et que Maurice Schumann a parrainé sa candidature à l’Académie française.

    Son discours stigmatise tous ceux qui, sans nuance mélangent les époques et les hommes pour ne juger qu’à l’aune d’un moment : « Aux ravages de l’analogie, s’ajoutent les méfaits de la simplification. Plus le temps passe, plus ce que cette époque avait d’incertain et de quotidien devient inintelligible. Rien ne reste de la zone grise, la mémoire dissipe le brouillard dans lequel vivaient les hommes, le roman national qui aime la clarté en toutes choses ne retient que les héros et les salauds, les chevaliers blancs et les âmes noires » …

    … « Car les hommes prennent pour l’être vrai le système formé par la rumeur, les préjugés, les lieux communs, les expressions toutes faites qui composent l’esprit du temps. Cartésiens et fiers de l’être, ils ont le cogito pour credo. « Je pense, donc je suis » disent-ils alors que, le plus souvent, au lieu de penser, ils suivent « Les démocrates, les modernes que nous sommes, prétendent n’obéir qu’au commandement de leur propre raison, mais ils se soumettent en réalité aux décrets de l’opinion commune ».

    Et de déclarer solennellement sous cette coupole, devant les représentants de l’intelligence et de la culture française, protecteurs de la langue : « Je ne me sens pas représenté mais trahi et même menacé par les justiciers présomptueux qui peuplent la scène intellectuelle » …

    Il analyse enfin longuement l’œuvre littéraire de Félicien Marceau : « Félicien Marceau appartient à cette période bénie de notre histoire littéraire, où les frontières entre les genres n’étaient pas encore étanches. Les auteurs les plus doués circulaient librement d’une forme à l’autre et savaient être, avec un égal bonheur, romanciers, essayistes, dramaturges« .

    Contre le prêt-à-penser

    Sa conclusion résume, dans un magnifique raccourci, les pensées distillées quotidiennement par les penseurs-censeurs enfermés dans leurs certitudes, leurs caricatures et finalement leurs erreurs, grands prêtres satisfaits du penser correct :

    « C’est la mémoire devenue doxa, c’est la mémoire moutonnière, c’est la mémoire dogmatique et automatique des poses avantageuses, c’est la mémoire de l’estrade, c’est la mémoire revue, corrigée et recrachée par le Système. Ses adeptes si nombreux et si bruyants ne méditent pas la catastrophe, ils récitent leur catéchisme. Ils s’indignent de ce dont on s’indigne, ils se souviennent comme on se souvient » .

    La place manque ici pour évoquer la magnifique réponse de Pierre Nora. Le directeur des Débats a rendu un hommage appuyé à Alain Finkielkraut après le départ de quelques grincheux. Dans Marianne (oui, oui Marianne !) Laurent Nunez se demande si ces « idiots » (sic) ont bien tout compris.

    Il entretient avec le nouvel académicien, dit-il, « une amitié distante » faite de « tout ce qui nous rapproche et nous réunit : une sensibilité attentive au contemporain, un judaïsme de génération et d’enracinement décalé, un souci de l’école et de la transmission, un rapport intense à la France, à sa culture, à sa langue, à son histoire. »

    Il formule le même constat sur « la désintégration de l’ensemble national, historique et social et même sur le naufrage d’une culture dans laquelle nous avons tous les deux grandi » .

    Mais : « À mon sens, le mal vient de plus loin, de la transformation douloureuse d’un type de nation à un autre que tout mon travail d’historien a cherché à analyser. Ses causes sont multiples et l’immigration me paraît avoir joué surtout un rôle d’accélérateur, de révélateur et de bouc émissaire. En un sens, je suis, en historien, encore plus pessimiste que vous. L’identité nationale, vous disais-je, serait peut-être aussi malheureuse s’il n’y avait pas un seul immigré, car le problème principal de la France ne me paraissait pas la puissance de l’Islam, mais la faiblesse de la République » .

    Et pour finir : « L’Académie française représente, sachez-le, le conservatoire et le condensé de tout ce qui vous tient le plus à cœur : une tradition historique vieille de près de quatre siècles, la défense de la langue dans son bon usage, le respect de la diversité des personnes dans l’unité d’un esprit de famille et le maintien, par-delà l’abîme de nos différences, d’une éternelle courtoisie. La Compagnie vous a ouvert les bras, vous allez connaître avec elle ce que c’est qu’une identité heureuse » .

    Déception bien sûr de ceux qui attendaient une condamnation sans appel, sinon une exécution, de Félicien Marceau d’abord, d’Alain Finkielkraut ensuite. Aussitôt les écrans et les radios se sont fermés, les patrons de la pensée manipulée sont partis pratiquer leur terrorisme intellectuel sur une autre victime, la discrétion s’est abattue sur cette brillante entrée à l’Académie où, faut-il le rappeler, la famille d’Orléans a son siège attitré sous la coupole. Ce fut, pour l’occasion, une fille de feu le comte de Paris qu’une limousine noire aux vitres teintées a amenée jusqu’à la cour intérieure pour respecter cette règle multiséculaire. Il est plaisant de constater que l’Académie n’entend pas rompre le fil de l’histoire. 

    Politique magazine

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    Les nénuphars, peints par Claude Monet 
     
     
    2227883577.jpg20 juillet 1906
     
    Somme toute, que reproche-t-on à l'orthographe usuelle ? D'être difficile à apprendre ? Que propose-t-on de lui substituer ? Une orthographe simplifiée et mise à la portée des instructions les plus négligées ?
     
    C'est ici que réside ce qui n'est pas seulement une erreur mais une sottise. Qui ne voit aussitôt que, si l'on raisonne pour les paresseux ou pour les pauvres d'esprit, il n'y aura jamais de simplification suffisante ?
     
    Il faut aller tout de suite à l'extrémité, et l'extrémité c'est l'orthographe phonétique, le droit donné à chacun d'écrire comme son oreille entend. Du moment qu'il y a une orthographe, elle sera toujours trop compliquée, il faudra toujours l'apprendre.
     
    On voit mal où est l'avantage. Pour le voir, pour soutenir qu'il existe et que les simplifications proposées abrégeraient des études inutiles, il faut admettre que les enfants ont un mal considérable à retenir la figure de chaque mot. Les réformateurs proposent, par exemple, de terminer uniformément par les lettre èle tous les mots qui contiennent ce son. On écrira hirondèle, èle, quèle, èle, je me rappèle comme stèle et fidèle.
     
    Vous souvenez-vous d'avoir eu la moindre peine à retenir qu'on devait mettre : hirondelle, aile, quelle, elle, rappelle ? Tel n'est pas mon cas. Et j'imagine qu'on apprendrait fort vite à ne pas confondre l'èle de l'oiseau avec èle, pronom personnel. Mais il faudrait l'apprendre encore, et je ne vois donc pas trop où est l'avantage, sinon de rendre obscure et lointaine l'origine du second mot et difficilement compréhensibles les dérivés (je ne sais en ce moment s'il en existe de très usuels, mais il y en a à coup sûr) où se retrouve la forme originale du latin ala.
     
    S'il s'agit d'apprendre pour apprendre, mieux vaut continuer d'enseigner ce qui est conforme à la fois aux habitudes et à l'étymologie. Aile, c'est ala, comme ellle c'est illa. S'il y a difficulté, au moins est-elle logique et permet-elle de se débrouiller, tant bien que mal, dans la forêt des mots savants. L'orthographe actuelle est, à y bien regarder, plus utile que nuisible aux personnes médiocrement instruites : son accord, même quelquefois un peu lâche, avec l'étymologie, ce sont les humanités du pauvre, c'est le latin des études primaires. L'orthographe compliquée est par là plus "démocratique" que l'orthographe simplifiée.
     
    Il est surprenant que les réformateurs n'aient pas pensé à cela. 
     
    Journal, Tome I (années 1901 à 1918), Plon, pages 37 à 38.
     
     

  • Civilisation & Société • Faut-il douter de l’art contemporain ?

     

    par Aloysia Biessy

    Le jeune blog Le Rouge & Le Noir répond sans ambiguïté et en débat : il faut douter de l'Art contemporain. Avis partagé, bien-sûr ! LFAR

     

    rn.pngLes Historiens de l’art ont une fâcheuse tendance à créer des catégories systématiques pour cataloguer les mouvements artistiques suivant des périodes de l’Histoire… L’Histoire ne peut se défaire de la période artistique qui l’influence, guide le geste de l’artiste, tant à à l’échelle organique (constitution de la matière) que dans la qualité essentielle (sens profond) de l’œuvre qu’il créée. Mais déconstruite, l’Histoire est désormais jaugée à l’aune de son échéance immédiate ; depuis la fin de la seconde guerre mondiale, une sorte d’irrésistible mouvement pousse le spectateur à adopter une « posture consciente » vis-à-vis de l’ouvrage, réflexion factice imposant un examen ontologique obligé, plein d’une vanité mortifère. C’est dans ce cadre, s’abritant docilement à l’ombre d’un prêche humaniste dénué de sens, que l’art « contemporain » prend corps.

    La désertion du sens : une dialectique usée

    Sans plus s’interroger sur la nature de l’art, seul son caractère actuel autorise la reconnaissance de l’ouvrage. Abandon de son sens profond, de cette manne de transcendance immortalisée dans la matière par la seule virtuosité de l’artiste… A l’heure où la vieille dialectique (usée) de la désertion du sens n’en finit plus d’essaimer son poison, le progrès fait loi : la légitimité de l’innovation tant répétée depuis Duchamp, mais privée de l’acte de subversion ultime du fou génial, est devenue inaudible. La subversion passéiste est devenue désormais systématique. L’aboutissement de deux siècles de projection nihiliste est grossièrement illustrée… C’est une sorte de manifeste, sommant le spectateur de se plier à une inéluctable « interaction » avec l’œuvre - un « dialogue » (sic) - imposé par le devoir de bonheur auquel on n’a d’autre choix que de se conformer. Désormais, on « interroge l’œuvre » plutôt que d’être happé par ces puissants traits de génie des artistes, fruit d’une émulation exprimée à l’échelle tant sensible qu’essentielle… L’indiscipline duchampienne ne pouvait être estampillée. La reprise qu’en fait depuis une centaine d’années « l’artiste » contemporain relève au mieux de l’ignorance crasse, au pire de l’opportunisme malléable du « créateur », obéissant au bon gré d’un mécène s’évertuant toujours à distinguer un Degas d’un Warhol…

    Un art subventionné... par le secteur privé

    De fait,  quiconque s’intéresse à cet « art » actuel ne peut honnêtement ignorer le marché sous-jacent qui l’anime ; « Murakami est un artiste Arnault », lance insidieusement Jean-Jacques Aillagon au détour d’une émission de télévision… [1] On entend déjà les concerts de voix s’insurger : « au même titre que Le Brun ou le Sueur étaient des ‘’artistes Louis XIV’’ ! ». A cette différence : les peintres d’alors œuvraient pour le Beau et à l’expansion de la magnificence royale… Là où les concepteurs d’ouvrages contemporains éludent la nature figurative de l’art - reflet de la nature, relativisent la nécessaire prouesse technique dont elle se doit de faire preuve et ne sont, désormais, qu'uniquement tributaires du degré de maîtrise technique d’un intervenant tiers, reflètent les goûts de castes élitistes, ignorantes, dont la vulgarité ne semble avoir d’égale mesure que la vénalité.

    C’est dans la perspective de porter un regard attentif à l’expression artistique contemporaine que le Rouge et le Noir va débattre de l’art contemporain. « Dans notre monde de certitudes, seul l’art contemporain permet de douter. Ouf ! », aime à déclarer (sérieusement ?) le ploutocrate directeur du Théâtre du Rond-Point, Jean-Michel Ribes. Laissons donc le lecteur douter… 

    [1Émission de « Ce soir ou jamais », Frédéric Taddeï, France 2, 27 septembre 2010.

    Le Rouge & Le Noir

     

  • Traditions ... • Carnavals de France

     

    6 mai,reims,henri iii,paix de beaulieu,louis xiv,versailles,le vau,le notre,louis xiii,tunnel sous la manche,eurostar,eurotunnel,francois grignardVoici bientôt le temps des carnavals, tradition diverse, sans cesse maintenue et renouvelée, mais venue du fond des âges ...

    En 1294, Charles d’Anjou, Comte de Provence, signale avoir passé à Nice "les jours joyeux de Carnaval".

    Pour être tout à fait juste, il faut bien admettre que fort peu de gens se souviendraient aujourd'hui de ce Prince, s'il n'avait, par cette brève mention, été le premier à attester de l'existence - en l'occurrence, à Nice - de ces intenses manifestations d'allégresse populaire.

    Michel Mourre lui-même reste assez discret sur le personnage, et note surtout qu'il fit "de fréquents séjours en Provence où il se montra un sage administrateur". Ce qui explique sa présence, en 1294, aux réjouissances du Carnaval de Nice, qui est donc le plus ancien connu, et reconnu, en France, même s'il n'est, bien sûr, pas le seul : le Carnaval de Dunkerque, par exemple, se signale par son exceptionnelle animation et - en plus de son "jeter de harengs" - par la très belle et très émouvante Cantate à Jean Bart, l'illustre enfant de la cité :

     

     

    Mais plusieurs autres villes en France organisent de très beaux et très joyeux Carnavals.

    Carnavals de France  -  Carnaval de Nice - Carnaval de Dunkerque