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Idées, débats... - Page 471

  • Littérature • Maurras en son chemin de paradis [4]

     Illustration reprise de l’édition de luxe du Chemin de Paradis en 1927, ornée d’aquarelles de Gernez

     

    par Hilaire de Crémiers (Suite) 

    Nous poursuivons la publication des analyses du Chemin de Paradis par Hilaire de Crémiers. En voici la quatrième partie. L'on peut retrouver les trois premières sur Lafautearousseau, les 7 - 14 et 29 novembre.

     

    C'est en 1895, il y a juste cent vingt ans, que Calman-Lévy - « éditeur héroïque » dit Maurras - a édité le Chemin de Paradis. Un premier livre de contes philosophiques que son auteur écrivit, de fait, avant ou autour de ses vingt-cinq ans. Un recueil de neuf contes où Maurras, comme Anatole France le lui écrivit, méditait d'ingénieuses fables. Ces Mythes et Fabliaux, qui ne furent sans doute jamais parfaitement compris, formaient pourtant, déjà, une critique sans indulgence aucune, de ce mal moderne auquel Maurras se préparait à s'affronter. Rien moins que « pour le salut du monde et le règne de la beauté ».  Sans-doute pressentait-il et fixait-il ainsi, avec une prescience étonnante, ce qu'allaient être, dans l'ordre politique et littéraire, son œuvre et sa destinée.

    Hilaire de Crémiers a consacré de minutieuses et savantes études à cette œuvre de jeunesse de Charles Maurras, qui préfigure, expose-t-il, ce que seraient son œuvre et sa vie.

    Nous avons enregistré, il y a quelques années, plusieurs vidéos où Hilaire de Crémiers analyse le Chemin de Paradis et en propose une interprétation. Une analyse et une interprétation qui donnent à Maurras une profondeur singulière. Beaucoup plus extraordinaire que celle qui lui est habituellement reconnue. 

     

     

    Regard sur les trois contes de la série Harmonies  La Bonne Mort   Les Serviteurs     Discours à la louange de la double vertu de la mer (13 minutes)  

     

    Nous mettons en ligne, au fil de cinq samedis ou dimanches, cinq vidéos où Hilaire de Crémiers traite des neufs contes du Chemin de Paradis et dévoile ce qui en est, selon lui, le sens profond.  Lafautearousseau  

     

    Le Chemin de Paradis sur Maurras.net

    (Texte complet)

  • HISTOIRE • A lire sur Louis XIV

     

    Sélection non-exhaustive d’ouvrages parus sur Louis XIV à l’occasion du tricentenaire de sa mort.

    par Anne Bernet

    Patrick Dandrey : Louis XIV a dit
    Les Belles Lettres ; 465 p ; 19 €.
    Dandrey trie les citations attribuées au Roi-Soleil et, les classant par thèmes, raconte Louis XIV à travers les paroles qu’il prononça et celles qui lui furent prêtées. Un des meilleurs livres de ce tricentenaire.

    Jean-François Solnon : Louis XIV, vérités et légendes
    Perrin ; 275 p ; 14,90 €. Paru
    L’essentiel de ce que les gens savent à propos de Louis XIV est faux. Solnon relève trente-huit assertions mensongères, en retrace l’origine, rétablit la vérité.

    Jean et François Anthoine : Le Roi se meurt
    Le Cerf ; 280 p ; 19 €.
    Valets de chambre de Louis XIV, les frères Anthoine ne quittèrent pas son chevet durant sa dernière maladie, attentifs autant aux faits et gestes du mourant qu’à ceux de son entourage. Leurs souvenirs, grinçants ou émus, restent irremplaçables.

    Alexandre Maral et Thierry Sarmant : Louis XIV, l’univers du Roi-Soleil
    Tallandier ; 224 p ; 31,90 €.
    Le Roi-Soleil voulut donner de son règne une image sublime. Parmi cette iconographie pour laquelle tous les arts furent convoqués, Alexandre Maral et Thierry Sarmant ont fait un choix, et offrent ainsi une biographie indirecte du monarque.

    Sous la direction de Jean-Christian Petitfils : Le siècle de Louis XIV
    Le Figaro-Histoire Perrin ; 456 p ; 23 €.
    Tel Voltaire, les spécialistes du Grand Siècle proposent une vue d’ensemble de la vie, de l’œuvre et du royaume de Louis XIV. Une somme accessible, complète et juste.

    Mathieu Da Vinha : Versailles, enquête historique
    Tallandier ; 255 p ; 18,90 €.
    Conseiller historique de la série télévisée Versailles, Mathieu Da Vinha rectifie ici les erreurs introduites dans le scénario pour les besoins de l’intrigue et donne un ouvrage de vulgarisation intelligent et accessible mais à laisser aux ignorants.

    Laurent Dandrieu : Le Roi et l’Architecte
    Le Cerf ; 200 p ; 12 €.
    En 1665, mécontent de tous les projets d’embellissement du Louvre, Louis XIV invite le Bernin à Paris. L’expérience tournera court mais sera paradoxalement le révélateur du « goût français ». Laurent Dandrieu, excellent connaisseur de l’Italie et du baroque, donne un récit jubilatoire de ce voyage.

    John Lynn : Les guerres de Louis XIV
    Tempus Perrin ; 560 p ; 12 €.
    Une synthèse, pas toujours bienveillante mais incontestablement complète, de l’histoire militaire du règne et de la conception que Louis XIV se faisait de son rôle de « roi de guerre ».

    Charles-Édouard Levillain : Le procès de Louis XIV
    Tallandier ; 400 p ; 24,90 €.
    En 1667, tandis que s’affirment les ambitions du jeune Louis XIV, Paul de Lisola, diplomate au service des Habsbourg, publie un pamphlet qui fera date dans l’histoire de la propagande anti-française. À travers cet écrit et son impact sur l’opinion internationale, Levillain explore un aspect méconnu du Grand Siècle. 

    anne bernet.png

  • Peut-on en finir avec la « bédouinisation » de l’islam ?

     

    par Pierre de La Coste

     

    3328214605.jpg« Il faut en finir avec la bédouinisation de l’islam. » Ce barbarisme merveilleux émane de Tareq Oubrou, imam de la Grande Mosquée de Bordeaux (Paris Match, 24 novembre). Il touche une vérité essentielle : le problème de l’islam d’aujourd’hui, c’est qu’il tente d’imposer au monde moderne la religion des bédouins du VIIe siècle, leurs croyances, leurs mœurs, leurs coutumes, et jusqu’à leur habillement.

    Parvenir à émanciper un véritable « islam de France » de cet héritage encombrant serait sans aucun doute un immense progrès, qui nous immuniserait contre tout risque d’attentats et de djihad. Mais l’imam va plus loin encore. Chevauchant hardiment un dogme fondamental de l’islam sunnite, il va jusqu’à dire que « tout n’est pas absolu dans le Coran ». Sans employer le mot, il suggère que le Coran n’est pas « incréé », qu’il n’est pas Dieu lui-même. Qu’il n’existe pas de toute éternité « en langue arabe parfaite » dans le sein de Dieu. Bref, il avoue que le Coran, quoique inspiré par Dieu, est une œuvre humaine. On en a décapité pour moins que ça.

    Tareq Obrou n’ignore pas le sort de toutes les réformes de l’islam depuis les origines, étouffées dans l’œuf par les califes, détenteurs du pouvoir politico-spirituel. La plus célèbre de ces réformes avortées est celles des « mutazilites » rationalistes qui prétendaient interpréter le Coran au Xe siècle. Un moment soutenus par les abbassides, ils furent impitoyablement rejetés par la même dynastie. Mais on pourrait aussi citer l’exemple d’Averroès, le grand « Commentateur » d’Aristote, dont les livres furent brûlés par les fanatiques Almohades, dans l’Andalousie du XIIe siècle.

    Depuis lors, toute tentative de créer un « islam des Lumières » est vouée à l’échec. Pourquoi donc l’imam Oubrou réussirait là où tout le monde a échoué avant lui ? En fait, les raisons qu’il invoque pour expliquer pourquoi l’islam n’a jamais su se réformer nous indiquent surtout pourquoi lui-même n’y parviendra pas mieux. Les causes de cet immobilisme ? Ce sont, dit-il, les invasions, les croisades, la colonisation… Autrement dit, c’est de la faute des autres. Les musulmans sont toujours victimes, jamais responsables de leur histoire. Pourtant, ils n’ont pas toujours été envahis et colonisés. Ils ont aussi été victorieux et dominants. Pourquoi n’en ont-ils pas profité pour se « réformer » ? La tentative de l’imam de Bordeaux est, à l’avance et par lui-même, vouée à l’échec. On ne manque pas, déjà, d’expliquer que c’est à cause du chômage, de la crise, du racisme… Le prétexte est trouvé avant même que l’effort ne soit entrepris.

    Le problème de l’islam est en lui-même depuis les origines. Sa « bédouinisation » est native. L’islam est une religion universelle, mais qui tend à faire de tous les hommes des Arabes. Dieu ne parle que la langue des bédouins du VIIe siècle, tous les garçons doivent être circoncis, toutes les femmes voilées, la viande de porc interdite… et ce, sous toutes les latitudes, loin du désert qui a vu naître ces préceptes.

    C’est le bédouin Mahomet lui-même qui, devenant chef politique à Médine, a définitivement « bédouinisé » l’islam. Alors que le message universel du Christ, affranchi de la loi juive, prononcé en araméen, mais écrit en grec, puis en latin, puis dans toutes les langues, s’adresse à tous les humains. L’islam, c’est la Pentecôte à l’envers. 

    - Boulevard Voltaire [01.XII.2015)

    Essayiste, cadre du secteur du numérique

  • Littérature • Maurras en son chemin de paradis [3]

     Illustration reprise de l’édition de luxe du Chemin de Paradis en 1927, ornée d’aquarelles de Gernez.

     

    par Hilaire de Crémiers (Suite) 

    L'actualité que l'on sait nous a amenés, le weekend dernier, à suspendre la publication des analyses du Chemin de Paradis d'Hilaire de Crémiers. En voici la troisième partie. L'on peut retrouver les deux premières sur Lafautearousseau, les samedis 7 et 14 novembre.

     

    C'est en 1895, il y a juste cent vingt ans, que Calman-Lévy - « éditeur héroïque » dit Maurras - a édité le Chemin de Paradis. Un premier livre de contes philosophiques que son auteur écrivit, de fait, avant ou autour de ses vingt-cinq ans. Un recueil de neuf contes où Maurras, comme Anatole France le lui écrivit, méditait d'ingénieuses fables. Ces Mythes et Fabliaux, qui ne furent sans doute jamais parfaitement compris, formaient pourtant, déjà, une critique sans indulgence aucune, de ce mal moderne auquel Maurras se préparait à s'affronter. Rien moins que « pour le salut du monde et le règne de la beauté ».  Sans-doute pressentait-il et fixait-il ainsi, avec une prescience étonnante, ce qu'allaient être, dans l'ordre politique et littéraire, son œuvre et sa destinée.

    Hilaire de Crémiers a consacré de minutieuses et savantes études à cette œuvre de jeunesse de Charles Maurras, qui préfigure, expose-t-il, ce que seraient son œuvre et sa vie.

    Nous avons enregistré, il y a quelques années, plusieurs vidéos où Hilaire de Crémiers analyse le Chemin de Paradis et en propose une interprétation. Une analyse et une interprétation qui donnent à Maurras une profondeur singulière. Beaucoup plus extraordinaire que celle qui lui est habituellement reconnue. 

     

    Regard sur les trois contes de la série Voluptés : La consolation de Trophime  Eucher de l'île  Les deux testaments de Simplice (16 minutes)  

     

    Nous mettons en ligne, au fil de cinq samedis, cinq vidéos où Hilaire de Crémiers traite des neufs contes du Chemin de Paradis et dévoile ce qui en est, selon lui, le sens profond.  Lafautearousseau  

     

    Le Chemin de Paradis sur Maurras.net

    (Texte complet)

  • LIVRES • Un futur best-seller

     

    par Grégoire Arnould

    Les derniers jours de nos pères, son premier roman, fut un succès d’estime. Son deuxième, La vérité sur l’affaire Harry Quebert, est devenu un best-seller couronné par le Grand prix de l’Académie française…

    Le livre des Baltimore est la confirmation du talent du tout juste trentenaire Joël Dicker et la consécration d’un style dont l’efficacité redoutable ne gêne en rien de jolies trouvailles littéraires. Le narrateur Marcus Goldman est de nouveau de la partie. Il conte l’histoire de sa famille, scindée en deux : les Goldman de Montclair, petite ville middle-class qu’il habite avec ses parents, et ses cousins, les Goldman de Baltimore, habitants les quartiers aisés de la capitale du Maryland. Markie, comme il est surnommé, ne souhaite qu’une chose : devenir « un Baltimore ».

    Il passe donc ses week-ends et ses vacances, chez son oncle et sa tante avec lesquels il nourrit des relations filiales. Fasciné par le luxe et l’apparente facilité de leur vie, il ne voit pas le drame qui se joue quand deux personnages s’incruste dans cet univers à l’équilibre de façade… Plus ambitieux que le précédent roman de Dicker, Le livre des Baltimore est mieux qu’un bon polar.

    C’est la fresque d’une certaine Amérique, celle du déclassement social, aux conséquences désastreuses, d’une partie de sa population frappée par la crise économique. Pour ne rien gâcher, l’habileté narrative de Joël Dicker prend le lecteur en otage dès les premières pages… avec son consentement, comme un pur syndrome de Stockholm. A coup sûr, un nouveau best-seller. Vivement le prochain ! 

    Le livre des Baltimore, de Joël Dicker, éditions de Fallois, 480 p., 22 euros.

     

  • Une femme face à Daech

     

    Par Péroncel-Hugoz

     

    peroncel-hugoz 2.jpgOn ne se bouscule pas au portillon, tant en Occident qu’à travers la Oumma, pour formuler des critiques charpentées à l’encontre du ravageur « Califat de Raqqa ». Pourtant, des femmes arabes ont relevé le gant sans se faire trop prier. Projecteur sur l’une d’entre elles.

    Je ne m’en suis jamais caché, je ne suis pas très enthousiaste pour le « féminisme », surtout quand il est défiguré par des pitreries indécentes façon Femens, qui m’ont remis en mémoire ce mot de Napoléon 1er (1769-1821) : « Rien n’est pire qu’une femme sans pudeur ! ». Cependant, quand il s’agit d’une affaire capitale comme Daech, je guette sans relâche les critiques visant ces bourreaux des confins syro-irakiens, d’où qu’elles viennent. 

    C’est ainsi qu’à la fin de l’été 2015, j’ai noté que les phrases les plus sensées, les plus réalistes à ce sujet venaient de deux femmes arabes en vue, l’eurodéputée Rachida Dati et la reine Rania de Jordanie. Toutes deux, séparément, ont estimé dans des termes quasi similaires que « les musulmans devaient régler entre eux les graves problèmes qui les assaillent  !» L’épouse d'Abdallah II a ajouté, pour sa part : « Les musulmans modérés, à travers le monde, ne font pas assez pour gagner la lutte idéologique qui est au cœur de cette bataille. Si nous échouons face à ces extrémistes, la région proche-orientale sera dévastée avec des répercussions mondiales.». 

    Depuis lors, en cet automne, une troisième femme arabe, moins connue sauf dans les milieux universitaires, est venue apporter sa contribution à cette « lutte idéologique » : Lina Murr-Nehmé, professeur d’histoire à l’Université libanaise et riche d’une vingtaine d’ouvrages en plusieurs langues sur les civilisations d’hier et d’aujourd’hui; elle a publié récemment : « Fatwas et caricatures. La stratégie de l’islamisme », un ouvrage d’accès facile mais extraordinairement bien documenté, sans compter les photos tragiques qui appuient les textes. 

    Mme Murr-Nehmé, parfaite arabophone, a épluché à la loupe fatwas, sermons, livres, tracts, films, journaux en ligne, etc., mettant à nu les motivations d’Al-Qaïda, Daech, Boko-Haram et autres engeances de cet acabit. Elle a non seulement décortiqué, expliqué, mis à la portée du lecteur non spécialiste les justifications des tueurs de Montauban, Bruxelles, Paris, Casablanca, Madrid et ailleurs, mais elle a mis en lumière l’enseignement-propagande mortifère dispensé à de jeunes musulmans à la barbe (si j’ose dire !) des autorités nationales en France, Allemagne, Belgique, Amérique du Nord, etc. 

    Bien renseignée sur ce qui se passe au sein du « Califat » pour les gens ordinaires, ou dans des pays où les forces islamistes, sans être au pouvoir, gouvernent en fait la population, tout ou en partie (en Algérie, par exemple, ou au Nigeria), l’historienne du temps récent, nous fait pénétrer dans des mondes interdits. 

    Des preuves, des arguments, des faits ou des fatwas occultés jaillissent également au fil du travail de la prof libanaise, à la satisfaction de ceux qui cherchent des arguments en faveur de l’éradication morale et physique du jihadisme daechiste. Edité à Paris, pour sa version francophone, « Fatwas et caricatures » a suscité quelques remous au Liban mais il a finalement pu être diffusé et débattu au tout récent Salon « Libres Livres » de Beyrouth. Attendons maintenant les réactions lors de la parution en arabe de ce véritable manuel anti-Daech. Que Lalla Lina renforce alors sa sécurité ! … 

    * Lina Murr-Nehmé, « Fatwas et caricatures. La stratégie de l’islamisme ». Ed. Salvator, Paris - www.editions-salvator.com - 212 pages illustrées noir et blanc et couleurs. 22 €

    Péroncel-Hugoz

     

  • LITTERATURE • Maurras en son chemin de paradis [2]

     Illustration reprise de l’édition de luxe du Chemin de Paradis en 1927, ornée d’aquarelles de Gernez.

     

    par Hilaire de Crémiers (Suite) 

     

    C'est en 1895, il y a juste cent vingt ans, que Calman-Lévy - « éditeur héroïque » dit Maurras - a édité le Chemin de Paradis. Un premier livre de contes philosophiques que son auteur écrivit, de fait, avant ses vingt-cinq ans. Un recueil de neuf contes où Maurras, comme Anatole France le lui écrivit, méditait d'ingénieuses fables. Ces Mythes et Fabliaux, qui ne furent sans doute jamais parfaitement compris, formaient pourtant, déjà, une critique sans indulgence aucune, de ce mal moderne auquel Maurras se préparait à s'affronter. Rien moins que « pour le salut du monde et le règne de la beauté ».  Sans-doute pressentait-il et fixait-il ainsi, avec une prescience étonnante, ce qu'allaient être, dans l'ordre politique et littéraire, son œuvre et sa destinée.

    Hilaire de Crémiers a consacré de minutieuses et savantes études à cette œuvre de jeunesse de Charles Maurras, qui préfigure, expose-t-il, ce que seraient son œuvre et sa vie.

    Nous avons enregistré, il y a quelques années, plusieurs vidéos où Hilaire de Crémiers analyse le Chemin de Paradis et en propose une interprétation. Une analyse et une interprétation qui donnent à Maurras une profondeur singulière. Beaucoup plus extraordinaire que celle qui lui est habituellement reconnue. 

     

     Présentation générale du Chemin de Paradis - Regard sur les trois premiers contes : Le Miracle des Muses  Le Jour des Grâces  La Reine des Nuits (18 minutes)  

     

    Nous mettons en ligne, au fil de cinq samedis, cinq vidéos où Hilaire de Crémiers traite des neufs contes du Chemin de Paradis et dévoile ce qui en est, selon lui, le sens profond.  Lafautearousseau  

     

    Le Chemin de Paradis sur Maurras.net

    (Texte complet)

  • Égalité femmes-hommes : résister à l'oppression patriarcale par l'orthographe

     

    Une humoristique tribune de Solange Bied-Charreton*

    Le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a publié un Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe. Solange Bied-Charreton en a parcouru les bonnes feuilles. On en rira. Parce que c'est drôle. Et même grotesque. On apprenait dans les classes, il fut un temps, que le grotesque est l'une des catégories du comique. Il allie le ridicule qui fait rire à l'effroi qui glace. En voici un exemple excellemment commenté. LFAR   

    On ne remerciera jamais assez Danielle Bousquet, présidente du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, Gaëlle Abily, rapporteure, et toute leur équipe de professionnel.le.s (sic) de l'égalité de nous avoir enfin fourni ce « Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe ». Il était temps. Rappelons tout de même que, comme le souligne l'introduction du dit guide, « sans une vigilance continue, les stéréotypes de sexe sont reproduits, parfois de manière inconsciente ». Ce manuel est donc plus que bienvenu.

    La fière équipe du Haut conseil nous propose donc, sous la forme d'un pdf, dix recommandations pour une rééducation efficace et une meilleure pratique de la novlangue. « La langue, y est-il écrit, reflète la société et sa façon de penser le monde. » Museler le locuteur apparaît ainsi le moyen le plus sûr pour pérenniser l'idéal d'indifférenciation résultant de la périlleuse confusion entre différence et inégalité. La première des recommandations vise à « éliminer toutes expressions sexistes ». On pense, bien sûr, au si joli « mademoiselle » qui cachait mal, en fait, une volonté d'humilier les femmes célibataires. Plus loin, on nous indique de veiller à user du féminin et du masculin dans les messages adressés à tous et à toutes: c'est ici que les « é.e.s » et autres « l.le.s » interviennent. Comme dans « représenté.e.s », pour être certains que tout le monde le soit, ou dans « professionnel.le.s », pour montrer qu'on est qualifiés. Une tautologie astucieuse au service de la dénonciation d'une injustice criante : le masculin qui l'emporte sur le féminin. Il est là, le véritable scandale. Sectionner les désinences à l'aide de points - bizarrement les slashs n'ont pas remporté l'unanimité - est une manière de dire qu'on résiste courageusement à l'oppression patriarcale perpétuée par l'orthographe française. Au Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, l'analphabétisme est un humanisme. Ce qui rassure vraiment, puisqu'on apprend aussi que des linguistes ont participé à l'élaboration de ce guide. Plus loin, on nous demandera de ne pas réserver aux femmes les questions sur la vie personnelle, et notamment sur la vie de famille. Plutôt que d'encourager à la sobriété et à la discrétion, tout le monde est invité à étaler ses drames intimes. Pas certain que ça joue en faveur de la lutte contre le sexisme, mais essayons toujours. La septième recommandation a, enfin, particulièrement attiré notre attention : parler « des femmes » plutôt que de « la femme », de la « journée internationale des droits des femmes » plutôt que de la « journée de la femme » et des « droits humains » plutôt que des « droits de l'homme ». Surtout faites-vous plaisir et tentez autant que faire se peut d'être le plus pédant possible pour échapper au piège de l'essentialisme, on aurait vite fait de savoir de quoi vous parlez. Enfin le 8 mars, messieurs, le Haut conseil vous demande spécialement d'éviter d'organiser des concours de beauté, d'offrir une rose ou une plante verte au personnel féminin. Vous seriez bien accueillis, c'est aussi ça le problème.

    En somme, ce Guide aurait pu être une parodie, disons qu'il aurait peut-être mieux valu. D'aucuns diront qu'il n'est pas très productif de tirer sur une ambulance, avouons toutefois que ça reste divertissant. Si l'on se trouvait au beau milieu d'un film de Jean Yanne, par exemple, ç'aurait été parfait. Le problème c'est que c'est la réalité. Et le plus angoissant, au sujet de cette époque, n'est sans doute pas que tout y puisse être prétexte à plaisanterie, mais bien que personne n'éclate de rire. Le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes est tout de même une instance consultative officielle, placée auprès du Premier ministre, c'est-à-dire qu'hélas ce n'est pas une blague. Ce qui est triste, c'est que ce « Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe » ne servira finalement à rien. La conviction profonde des membres du Haut conseil consistant à penser qu'en supprimant ou en modifiant des mots on supprimera les réalités s'y rapportant est, quant à elle, émouvante.

    Solange Bied-Charreton (FigaroVox)            

    Solange Bied-Charreton est écrivain. Son dernier roman Nous sommes jeunes et fiers est publié chez Stock

            

  • SPORT & SOCIETE • Rugby : Contes et légendes de la Coupe du monde

     

    « Le jeu est moins important que ce qu’il y a autour »

    Le point de vue de Régis de Castelnau

    Nous ne sommes pas certains d'être toujours - ni même souvent - d'accord avec Régis de Castelnau, mais nous avons aimé cet article qui parle de sport - sujet convenable, paraît-il, pour un dimanche - du rugby et de ses traditions et de ce qu'il y a autour dont Régis de Castelnau donne une évocation si vivante et si sympathique que l'on se prend de l'envie d'y participer. On y retrouve les princes anglais, Land of my father, la faible considération du rugby pour le football, Cardiff et l'Angel Hotel... De la victoire de la Nouvelle Zélande lors de la Coupe du monde de Rugby, Régis de Castelnau tire même une leçon politique : « La seule solution que je peux proposer pour rendre compte de la place de ce jeu est de dire que la Nouvelle-Zélande est une équipe de rugby qui a un État. » Leçon majeure. Ce n'est pas nous qui lui donnerons tort.  Lafautearousseau

      

    castelnau.jpgLa Coupe du monde de rugby s’est donc achevée sur la victoire prévisible de la Nouvelle-Zélande.

    Même s’il a fallu supporter les commentateurs ineptes de TF1, ce fut un joyeux tournoi où il y eut de jolies choses. J’en ai retenu deux. D’abord un des plus beaux twits de l’histoire, celui qui accompagnait la photo des deux petits-fils d’Élisabeth II assistant à Twickenham à la victoire du Pays de Galles sur l’Angleterre. William l’héritier du trône, Prince de Galles, portant le maillot rouge au poireau accompagné de sa princesse, et reprenant avec elle à pleins poumons le « Land of my father ». Harry le rouquin portant le maillot blanc à la rose. La photo les montre à la fin du match perdu par l’Angleterre, William hilare tenant par l’épaule son épouse radieuse, et son frère renfrogné faisant manifestement la gueule. Adressé à Harry, le twit disait : « ce moment où tu vois que c’est ton frère qui a chopé la fille, que c’est lui qui sera roi, qu’il n’est pas roux, et qu’en plus il est gallois ».

    Autre manifestation de l’exaspérante supériorité britannique, ce match joué sur un stade aimablement et temporairement prêté par un club de football. Un joueur irlandais à terre vaguement secoué par un plaquage irrégulier, simule et se tortille un peu trop. L’arbitre gallois Nigel Owens lui demande de s’approcher et lui dit : « si vous voulez jouer au football, il faut venir la semaine prochaine. Aujourd’hui on joue au rugby. » Les arbitres étant désormais équipés d’un micro, des millions de téléspectateurs l’ont clairement entendu. Notre jeune irlandais risque de la traîner longtemps, celle-là. Et j’imagine les ricanements saluant cette saillie dans les bars de Bayonne ou de Mont-de-Marsan.

    Et le jeu, me dira-t-on ? Le rugby a ceci de particulier que le jeu, y est moins important que ce qu’il y a autour. C’est ce rapport à la culture qui en fait la spécificité. Par exemple, on aime les grands joueurs quand ils jouent, et on les vénère quand ils ne jouent plus. Plusieurs d’entre eux ayant annoncé leur retraite à la fin du tournoi, chacun va pouvoir étoffer son panthéon personnel. Pour moi ce sera Victor Matfield, magnifique deuxième ligne sud-africain qui a promené son allure de seigneur sur tous les terrains de la planète. Pierre Berbizier m’a dit qu’il était assez filou, et Boudjellal qu’il avait plus transpiré dans les boîtes de nuit que sur le terrain lors de son bref passage à Toulon. Voilà de vrais compliments Monsieur Matfield. Dans mon panthéon, il y a aussi un fantôme, Keith Murdoch, le pilier disparu. Dont il faut rappeler l’histoire.

    Ceux qui ont eu la chance de parcourir la Nouvelle-Zélande, immense pâturage habité de loin en loin par des paysans rougeauds, savent que ce n’est pas un pays. Il y pleut tout le temps, donnant parfois à cette contrée de faux airs de Bretagne. Mais sans le granit et les calvaires, ce qui change tout. Ce n’est pas non plus vraiment une nation. C’est plus compliqué que cela. L’alliance des Blancs et des Maoris pour faire un peuple, c’est une légende. Les danses guerrières qu’on met à toutes les sauces, du folklore. Il n’y a qu’un seul Haka : celui de l’armée noire avant ses matchs internationaux. Alors le rugby ? La référence à la religion est une facilité. La seule solution que je peux proposer pour rendre compte de la place de ce jeu est de dire que la Nouvelle-Zélande est une équipe de rugby qui a un État.

    En 1972 la sélection néo-zélandaise fut envoyée en Europe pour une interminable tournée. Elle arriva au pays de Galles. En ce temps-là, les Gallois dominaient le rugby de l’hémisphère nord. Le pays des mines fournissait à son équipe de terribles piliers tout droit sortis des puits pour l’occasion. Pour le match de Cardiff, les Blacks alignèrent Keith Murdoch en première ligne. Non seulement il tint la dragée haute aux mineurs à maillot rouge, mais c’est lui qui marqua l’essai qui permit à la Nouvelle-Zélande de l’emporter.

    Les joueurs Blacks résidaient dans l’Angel Hotel juste à côté du stade. La soirée y fut longue et probablement très arrosée. Murdoch souhaitant la prolonger voulut aller chercher du ravitaillement aux cuisines. Un vigile eut l’idée saugrenue d’essayer de l’en empêcher, pour se retrouver instantanément par terre et à l’horizontale, l’œil affublé d’un joli coquard. On parvint à envoyer Murdoch au lit et tout le monde pensait que malgré l’incident, en rien original, on en resterait là. Les Gallois sont gens rudes, la chose n’était pas de nature à les contrarier. Mais c’était compter sans la presse londonienne. Les Anglais ayant inventé le fair-play considèrent en être dispensés, mais sont en revanche très exigeants avec les autres. L’équipe de la Rose devait jouer les All blacks quelques jours plus tard, alors pourquoi ne pas essayer de les déstabiliser ? Devant la bronca médiatique, les dirigeants de la tournée, durent la mort dans l’âme, exclure Keith Murdoch, et le renvoyer séance tenante au pays. Ce qui ne s’était jamais produit en 100 ans et ne s’est jamais reproduit depuis. L’accompagnant à l’aéroport, ils le virent monter dans l’avion qui devait le ramener à Auckland.

    Où il n’arriva jamais. Personne n’a revu le natif de Dunedin, 686e néo-zélandais à avoir porté la tunique noire, disparu à jamais. Que s’est-il passé dans son esprit pendant ces longues heures de vol ? Quels ont été ses sentiments, la honte, le chagrin ou l’orgueil ? Peut-être les trois qui l’ont poussé à s’arrêter quelque part, nul ne sait où. Et à se retirer pour toujours. Pour ne pas affronter le regard des autres, quitter un monde où une bagarre d’après boire, vaut au héros la pire des proscriptions ? Essayer d’oublier la souffrance de savoir que l’on entendra plus le bruit des crampons sur le ciment du couloir qui mène à la pelouse, que l’on ne sentira plus cette odeur, mélange d’herbe mouillée et d’embrocation. Et qu’on ne vivra plus ce moment silencieux dans le vestiaire, où l’on vous remet le maillot à la fougère d’argent, quelques instants avant la minute prescrite pour l’assaut. Et peut-être surtout, pour ne rien garder qui puisse rappeler qu’un jour on a été humilié.

    La légende s’est emparée du fantôme, beaucoup l’ont cherché, prétendu l’avoir trouvé. Ou l’avoir vu, en Australie du côté de Darwin, sur une plate-forme pétrolière de la mer de Tasmanie, ou au sud de l’île du Sud. Dans beaucoup d’autres endroits encore. Autant de mensonges, d’inventions et de rêves. Certains amis d’Hugo Pratt allèrent jusqu’à dire qu’il avait rejoint Corto Maltese à la lagune des beaux songes.

    À chaque fois qu’une équipe néo-zélandaise vient à Cardiff, quelques joueurs se rendent à l’Angel Hotel pour y boire un coup. Ils n’y ont pas manqué cette fois encore. Les ignorants prétendent que c’est pour s’excuser du « manquement » de Keith Murdoch. Peut-on mieux ne rien comprendre ? Ils viennent boire à la santé et à la mémoire du fantôme, leur frère. Pour lui dire qu’ils ne l’oublieront jamais.

    Il m’a été donné d’aller voir quelques matchs à Cardiff. À chaque fois, j’ai sacrifié au rite et fait le pèlerinage. Évidemment, car ce sont les Anglais qui ont raison et c’est pour cela qu’on les déteste. Happiness is Rugby. 

    Régis de Castelnau (Causeur)
    avocat

  • BD • Nouveautés Glénat

     

    par CS

    Shadow Banking : « Engrenage »

    Dans le premier tome, Mathieu Dorval est appelé par son ami Victor de la Salle vice-président et n°2 de la Banque centrale européenne (BCE). Ce dernier qu’il considère comme un père lui apprend que le dossier d’adhésion de la Grèce dans la zone euro a été faussé. Il en détient les preuves et confie la clef à Mathieu. Mais Victor de la Salle est peu après retrouvé mort. Mathieu est lui-même victime d’une agression armée. Il ne doit la vie sauve qu’à l’intervention inopinée de son ami Skull un hacker très affûté. Le deuxième tome de Shadow Banking s’ouvre sur une nouvelle agression de Mathieu dans les rues de Barcelone. Le jeune employé de banque a, en effet, dû quitter Paris pour rejoindre Maureen Lazslo, informaticienne surdouée et ancienne employée de la banque BRS. Elle seule pourra, d’après Skull à la limite de ses compétences, casser les verrous de la clé USB et ainsi prouver autant les manipulations bancaires passées et en cours que l’innocence de Mathieu Dorval. Mais ce dernier est toujours poursuivi par les assassins de Victor de la Salle. Ils veulent toujours lui faire porter le chapeau…

    Ce deuxième tome est à l’image du premier : fidèle à l’esprit bancaire, ses techniques et son jargon ; haletant dans un scénario bien léché malgré quelques petites imperfections et surtout la grosse ficelle de la petite amie de Mathieu qui n’est pas celle que l’on croit… Une chose est certaine : le lecteur sort renforcé dans ses convictions. Oui le système bancaire est un milieu d’impitoyables requins. Et l’on se dit que le Shadow Banking, sorte de système bancaire parallèle, a de beaux jours devant lui.

    Shadow Banking – Tome 2 – Engrenage – E. Corbeyran- F.Bagarry et E. Chabbert – Editions Glénat – 48 pages – 13,90 euros

     

    Kertsen, tome 2

    Dans le premier tome intitulé « Pacte avec le mal »* et sorti au début de l’année 2015, Pat Perna et Fabien Bédouel faisaient découvrir au grand public le personnage de Félix Kersten, médecin personnel du Reichsführer Adolf Himmler.

    Le tome 2 « Au nom de l’Humanité » s’ouvre sur l’opération Anthropoid qui a conduit le 27 août 1942, à l’assassinat à Prague de l’Obergruppenführer Reinhard Heydrich, adjoint d’Himmler avant d’effectuer un saut dans le temps, jusqu’en 1948, au consulat des Pays-Bas en Suède où est convoqué Peter Sichel. Ce dernier a rendez-vous avec M. Posthumus qui est chargé, par son gouvernement de faire toute la lumière sur les faits et gestes de Kersten pendant la Seconde guerre mondiale. Ce dernier est-il vraiment digne d’obtenir la nationalité suédoise ? Le médecin du Diable a-t-il vraiment sauvé des vies comme il l’affirme ? C’est une véritable enquête à laquelle se livre le professeur N.W. Posthumus, directeur de l’Institut hollandais de documentation de guerre. A travers elle et la narration très fluide des auteurs, on découvre que le successeur d’Heydrich, Ernst Kaltenbrunner, se révèle particulièrement dangereux et sournois, qu’il fait surveiller de près Kersten et tente même de le faire assassiner. L’intervention du très jeune colonel Walter Schellenberg, chef du contre-espionnage nazi, lui vaut la vie sauve. Et Kersten peut ainsi négocier avec Himmler la libération de nombreux détenus, en majorité juifs. Mais il reste à trouver les preuves…

    Avec un sens du détail et de la vérité historique très affûté, Pat Perna et Fabien Bédouel retiennent l’attention du lecteur jusqu’à la dernière page. Ce second tome, qui clôt ce polar historique est à la hauteur du premier : haletant et captivant.

    Kersten, médecin d’Himmler - Tome 2 : « Au nom de l’Humanité » – Pat Perna et Fabien Bédouel – Editions Glénat – 48 pages – 13,90 euros.

    * http://www.politiquemagazine.fr/nouveautes-glenat/

  • LITTERATURE • Maurras en son chemin de paradis [1]

    Illustration reprise de l’édition de luxe du Chemin de Paradis en 1927, ornée d’aquarelles de Gernez.

    par Hilaire de Crémiers 

    C'est en 1895, il y a juste cent vingt ans, que Calman-Lévy - « éditeur héroïque » dit Maurras - a édité le Chemin de Paradis. Un premier livre de contes philosophiques que son auteur écrivit, de fait, avant ses vingt-cinq ans. Un recueil de neuf contes où Maurras, comme Anatole France le lui écrivit, méditait d'ingénieuses fables. Ces Mythes et Fabliaux, qui ne furent sans doute jamais parfaitement compris, formaient pourtant, déjà, une critique sans indulgence aucune, de ce mal moderne auquel Maurras se préparait à s'affronter. Rien moins que « pour le salut du monde et le règne de la beauté ».  Sans-doute pressentait-il et fixait-il ainsi, avec une prescience étonnante, ce qu'allaient être, dans l'ordre politique et littéraire, son œuvre et sa destinée.

    Hilaire de Crémiers a consacré de minutieuses et savantes études à cette œuvre de jeunesse de Charles Maurras, qui préfigure, expose-t-il, ce que seraient son œuvre et sa vie.

    Nous avons enregistré, il y a quelques années, plusieurs vidéos où Hilaire de Crémiers analyse le Chemin de Paradis et en propose une interprétation. Une analyse et une interprétation qui donnent à Maurras une profondeur singulière. Beaucoup plus extraordinaire que celle qui lui est habituellement reconnue.

     

    Introduction au Chemin de Paradis - 18 minutes 

    Nous mettrons en ligne, les cinq prochains samedis, cinq vidéos où Hilaire de Crémiers traite des neufs contes du Chemin de Paradis et dévoile ce qui en est, selon lui, le sens profond.  Lafautearousseau  

     

    Le Chemin de Paradis sur Maurras.net

    (Texte complet)

     

  • CINEMA • Les patries de cœur de Cheyenne Carron

     

    par Raphaël de Gislain

    Nul doute que ce film ne bénéficiera d’aucun relais officiel ni d’aucune promotion d’envergure. En dehors du Balzac à Paris, sa diffusion sera sûrement réduite. Il faudra pourtant tout faire pour le voir quitte à le commander en cliquant ici.

    Patries est de ces films portés de bout en bout par une lumière, par une clarté qui transcendent littéralement leur sujet. Il aborde de front l’un des tabous qui fait trembler les adeptes du prêt-à-penser, le racisme anti-blanc, thème dont il s’empare avec une humanité qui envoie valser les utopies de bonne conscience, assenées à longueur d’Intouchables dès qu’il est question de banlieue et d’intégration au cinéma.

    L’histoire est celle d’une famille « de race blanche » qui quitte la campagne pour venir s’installer dans une périphérie dévastée par la crise. Le père est aveugle, la mère travaille et Sébastien, le fils, essaye de se faire des amis. Ils veulent croire à un nouveau départ. Le jeune homme sympathise avec Pierre, un Camerounais qui tente de le faire entrer dans son cercle.

    Mais il se heurte au rejet, puis à la menace, puis à la violence du groupe… Cheyenne-Marie Carron signe ici son meilleur film, réalisé, comme les précédents, de façon totalement indépendante, en marge du CNC et de ses subventions. Bien plus abouti que L’Apôtre, dont la forme laissait à désirer, la maîtrise de l’image y est réelle, le noir et blanc épousant idéalement la réflexion, portée par un ton libre et naturel qui flirte avec le documentaire.

    Le propos dépasse la simple confrontation culturelle ; il souligne l’échec des politiques d’intégration menées depuis trente ans en insistant sur une idée essentielle : les immigrés ne doivent pas être traités comme des enfants abandonnés ; des racines, une culture, une patrie les imprègnent. Une part de leur mal-être provient de l’ambition naïve et illusoire d’une assimilation républicaine totale, source d’inévitables conflits identitaires.

    Les déchirures apparaissent au sein de cette famille camerounaise, si belle à l’écran, qui a tout sacrifié pour venir en France. A la différence de ses sœurs, le fils ne pense qu’à retrouver le pays de ses ancêtres qui gronde en lui mais qu’il ne connaît pas. La France n’est pas nécessairement cet Eldorado qu’elle a la prétention d’incarner… 

    Patries, de Cheyenne-Marie Carron, en salles et en DVD ici.

  • DECES • René Girard : En attendant l’Apocalypse

     

    par Jean-Baptiste d'Albaret

    Décédé avant-hier à l’âge de 91 ans, l’académicien René Girard était l’un des plus brillants intellectuels français. En 2007, il avait accordé un long entretien à Politique magazine, à l’occasion de la sortie d’Achever Clausewitz. Nous le republions ci-dessous.

    2890857040.jpgDans son dernier livre, un recueil d’entretiens avec son éditeur Benoît Chantre, intitulé Achevez Clausewitz, René Girard, plus que jamais fidèle à sa théorie de la rivalité mimétique, propose une analyse neuve de l’histoire moderne. À la lueur du fameux traité du stratège prussien, témoin privilégié de la modernité en marche, il décortique avec une rare érudition le ressort des rapports conflictuels entre la France et l’Allemagne. Avec, en point de mire, les enjeux contemporains : quand la politique n’a plus les moyens de réguler la violence, il en appelle à une radicale conversion au christianisme. Professeur émérite de l’Université de Stanford, vivant aux États-Unis, l’académicien français était de passage à Paris où il a reçu Politique magazine.

    Vous avez trouvé dans l’œuvre de Clausewitz des résonances avec la vôtre. Lesquelles ?
    Lorsqu’il meurt en 1831, après une brillante carrière d’officier supérieur dans l’armée prussienne, Clausewitz laisse une œuvre de stratégie militaire : De la guerre, dont il considère que seul le premier chapitre est achevé. Ce premier chapitre décrit les mécanismes de la guerre moderne considérée comme un « duel ». « Duel » qui est une « montée aux extrêmes » d’« actions réciproques ». À mon avis, plus que de simples processus guerriers, Clausewitz donne une définition de la violence qui concerne les rapports humains en général.

    De la guerre donne donc prise à votre théorie du mimétisme ?
    Oui, car Clausewitz a compris que la violence ne réside pas dans l’agression, mais dans la rivalité. Si les hommes s’inscrivent dans cette rivalité c’est parce qu’ils désirent les mêmes choses par imitation. Et l’homme désire par-dessus tout le désir de l’autre. C’est ce que j’appelle le « désir mimétique » qui fait de l’autre un modèle mais aussi un obstacle. Or, si l’objet du désir est unique et non partageable, la rivalité engendre la violence. Autrement dit, la violence humaine se définit par son objet – enjeu de la rivalité – et non par l’agression qui est la manière facile d’évacuer la violence puisque l’agresseur est toujours l’autre. La violence est fondamentalement réciproque.

    Achever Clausevitz… il est inachevé ?
    Oui, et sur plusieurs points, ce qui le rend d’autant plus passionnant. Cet officier prussien, acteur des terribles guerres qui déchirèrent l’Europe à l’orée du XIXe siècle, prophétise, mais sans le dire, les deux siècles à venir. L’idée d’une revanche de la Prusse sur la France est l’essentiel de son livre. De ce point de vue, le mélange de passion fervente et de haine farouche qu’il nourrit à l’égard de Napoléon est tout à fait extraordinaire. Quel exemple de mimétisme ! Mais il a beau se faire l’apôtre de la guerre, il n’a pas, contrairement à Hegel, une vision métaphysique et glorieuse de celle-ci comme préface à l’achèvement de l’Histoire. Clausewitz était un homme étonnant. Il aimait la guerre et pensait que le XVIIIe siècle l’avait affaiblie. Sa crainte était que, passées les guerres révolutionnaires et napoléoniennes, on en revienne à la « guerre en dentelle », cette guerre selon lui corrompue du XVIIIe siècle. Ce qui en fait un mauvais prophète même si, dans le même temps, il pressent ce que nous appelons la guerre totale ou la guerre moderne, celle qui ne met plus aux prises des armées conventionnelles, mais des sociétés entières. En somme, une « montée aux extrêmes » qui ne connaîtrait plus de frein.

    Vous insistez beaucoup sur cette notion de « montée aux extrêmes »…
    Ce que Clausewitz appelle « montée aux extrêmes », je l’appelle rivalité, concurrence, donc mimétisme. Notion fondamentale et perçue comme telle car tous ses commentateurs en font état. C’est le cas de Raymond Aron.Mais, comme les autres, Aron pense que, pour des raisons très concrètes comme la fatigue des adversaires, elle ne peut exister dans la pratique. C’était refuser de voir la nouveauté du traité. Clausewitz est le témoin d’une accélération de l’histoire, d’un emballement de violences mimétiques. Il laisse ainsi entendre l’idée que si la guerre n’a jamais cessé depuis les origines, se produit une inéluctable « montée aux extrêmes » qui va en s’intensifiant. Mais il s’empresse de cacher cet aspect terrifiant pour affirmer que la guerre absolue n’aura jamais lieu. « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », dit-il. Mais ces moyens sont autrement puissants que la politique ! En réalité, de nos jours, la politique est rongée par la violence. Regardez le terrorisme : la guerre est potentiellement partout et échappe progressivement à toute institution, militaire ou politique.

    Il nous faut donc comprendre l’origine de la violence pour la dépasser. Nous en revenons à votre pensée qui place le Christ au centre de toute explication raisonnable du monde…
    Ce que d’aucuns me reprochent, m’accusant d’un a priori religieux. C’est faux. Ma théorie est positiviste et même matérialiste. Elle porte sur le fait religieux en général et sur la violence qui fonde la culture. Lorsque, dans une communauté, une masse de désirs mimétiques se croisent, les rivalités qui en découlent se propagent à l’ensemble du groupe. Au paroxysme de la crise, le conflit finit par se polariser sur un adversaire. Et, plus l’adversaire fait l’unanimité, plus il y a de chances pour que le groupe se purge unanimement sur lui. Cette « crise mimétique » – « crise », car la communauté risque l’autodestruction – s’apaise finalement par le sacrifice de cette victime qui réconcilie la communauté avec elle-même. La réitération rituelle, progressivement symbolique, de ce meurtre fondateur, garantie la paix sociale.

    Vous dites que la culture se fonde sur un meurtre originel ?
    Oui, et la communauté, ayant sacrifié cette victime sur qui elle a porté la responsabilité de ses malheurs, s’en trouvant mieux, en fait le symbole de sa délivrance : elle est le dieu primitif, à l’origine de toutes les cultures et de toutes les civilisations. Autrement dit, le religieux est une protection offerte à la communauté contre l’imitation et donc contre la violence. C’est aussi ce que décrivent les mythes qui offrent tous la même structure :Œdipe est d’abord coupable de parricide et d’inceste, puis bienfaisant puisque son expulsion de Thèbes rétablit la tranquillité. C’est donc un mythe classique, religieux par excellence, puisqu’il célèbre et condamne à la fois la victime.

    Victime en réalité innocente même si ses persécuteurs, unanimes, l’imaginent coupable…
    Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les persécuteurs ne se savent responsables ni de leur rivalité mimétique, ni du phénomène collectif qui les en délivre jusqu’à la prochaine crise. Ce phénomène nous lui donnons aujourd’hui un nom: celui de bouc émissaire. Sans savoir pourquoi d’ailleurs, car nous n’en voyons pas le caractère religieux. Or, il nous faut l’interpréter religieusement pour comprendre l’essence de ce que j’appelle le religieux archaïque par opposition au religieux moderne qui est le christianisme. Car l’ethnologie et l’anthropologie ont découvert – et les chrétiens ont eu tort de nier cette découverte – que les Évangiles sont le récit de ce phénomène. Mais la science moderne se trompe quand elle en déduit que la religion chrétienne est encore une forme de religion archaïque.

    Votre idée est que, précisément, elles sont antinomiques…
    C’est l’évidence. Les ethnologues devraient penser à l’interprétation du phénomène. Tous les textes évangéliques s’appliquent à inverser le rapport au bouc émissaire. Ils nous disent que la victime est innocente et que la foule a tort. C’est le sens de la parole du Christ : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice ». Jésus nous invite à exercer de façon positive notre désir mimétique en suivant son modèle : le pardon et la réconciliation. Même si ses textes n’ont pas la précision des récits de la Passion, l’Ancien Testament inverse déjà le primitif. Le message est le même. Job et Joseph, victimes d’un lynchage collectif, affirment leur innocence. Ils sont indubitablement prophétiques du Christ… Je crois que le judaïsme aurait tout à gagner d’une réconciliation avec le christianisme.

    L’originalité de votre thèse, c’est qu’elle rétablit la réalité complète de la personne du Christ qui intervient dans l’Histoire qui est nécessairement différente avant et après.
    Le christianisme, parce qu’il ne s’est pas défini par rapport aux religions archaïques, n’est pas arrivé à préciser sa propre originalité. Il n’existe d’ailleurs aucune théorie officielle de la passion du Christ. Elle est salvatrice, mais pourquoi ? C’est un mystère… Mais nous devons voir que la Rédemption, sur le plan terrestre, met fin aux religions archaïques et au règne de la violence aveugle. Ce renversement fondamental, le monde moderne ne le comprend pas. Pour lui, le christianisme est une religion comme les autres. Voilà qui confronte la modernité et le relativisme qui la caractérise a un paradoxe car le scepticisme, sans le savoir, n’existe dans ce qu’il a de vrai, que parce qu’il est chrétien.

    Le monde moderne a compris le mécanisme du bouc émissaire –même s’il n’en voit pas la dimension religieuse – ce qui n’a pas apaisé la violence. Au contraire, on a l’impression que la violence domine le monde au moment précis où la guerre en tant que telle, y compris dans les discours, semble s’effacer.
    Oui, car la pensée humaniste fausse notre jugement : sans la révélation évangélique, c’est-à-dire sans la compréhension réelle du mécanisme de la violence, la non-violence ne produit, en fin de compte, que plus de violence. C’est que nous sommes de plus en plus privés de ressources sacrificielles. Tendre à la non-violence comme notre époque le prétend, c’est renoncer à ces ressources. Or, il est évident que la violence apaise la violence. Nous en sommes tous plus ou moins conscients. Au fond, tous les gestes d’impatience sont des gestes sacrificiels. En fait, il y a confusion : depuis les Lumières, nous faisons porter la responsabilité de la violence sur le religieux et nous pensons que l’homme, naturellement, est non-violent. Mais c’est de l’inverse qu’il s’agit. Le religieux, au moins, contient la violence. De même, nous prétendons nous libérer de tous les interdits, considérés, à juste titre d’ailleurs, comme religieux. Mais ceux-ci ont une fonction primordiale : ils réservent, au cœur des communautés, une zone protégée, comme la famille par exemple, essentielle à sa survie.

    Vous dites que « l’Apocalypse a commencé ». C’est à partir de l’oeuvre de Clausewitz la thèse de votre livre. Pourquoi ?
    Clausewitz a perçu que la « montée aux extrêmes » qui caractérise les rapports humains, et pas seulement la guerre, est la tendance de l’humanité. Et cette « montée aux extrêmes » provoque inéluctablement un épuisement général. Les ressources naturelles sont frappées de rareté par une consommation de plus en plus intense. Qu’en sera-t-il demain ? Aussi pouvons-nous dire que si la concurrence est le progrès de l’homme, elle est aussi ce qui peut le détruire.

    Vous citez abondamment les textes apocalyptiques…
    On se fait une idée extraordinaire des textes apocalyptiques. On les dit irrationnels, farfelus. Ils ont pourtant une particularité qui saute aux yeux : ils mélangent le naturel et le culturel. Ils décrivent des guerres « ville contre ville » – toujours cette idée de mimétisme violent, cette lutte des doubles –mais aussi des tremblements de terre, des raz-de-marée, etc. Autrement dit, guerres et révoltes de la nature sont concomitantes. Voilà qui nous ramène à des préoccupations contemporaines car nous ne savons plus, aujourd’hui, ce qui relève de la culture et ce qui relève de la nature. Quel est l’impact de l’homme sur ce que nous appelons le « dérèglement climatique » ? De même, nous savons tous, plus ou moins consciemment, qu’avec les armes technologiques nous avons les moyens de nous détruire nous-mêmes avec la planète entière. La confusion, décrite dans les textes apocalyptiques, réapparaît aujourd’hui au niveau scientifique. C’est colossal !

    Il y a toutes sortes de textes apocalyptiques : en particulier le chapitre 24 de Matthieu ou le chapitre 9 de Marc qui sont la description d’une crise sacrificielle. C’est-à-dire qu’un phénomène de bouc émissaire fondateur d’une nouvelle religion devrait apparaître. Mais nous ne sommes plus dans le monde archaïque et il est donc suggéré que cette crise va continuer en s’aggravant. Cette crise, c’est le progrès. Autrement dit, c’est l’Histoire qui devrait nous enseigner qu’elle va vers sa fin. Chez Paul, il est très net que c’est l’ordre culturel, l’ordre romain en l’occurrence, qui garantit la paix. Mais aujourd’hui l’ordre culturel fiche le camp : privé de bouc émissaire, il n’a plus les moyens d’évacuer la violence. La dimension apocalyptique de la Bible, c’est cette révélation de la violence humaine débarrassée des protections symboliques que procurait le bouc émissaire. Vous voyez, ces textes sont d’une rationalité extraordinaire.

    Tout ce qui est sur terre va vers sa fin : c’est le sens de l’Apocalypse. Mais, en même temps, c’est une révélation…
    Voilà ce qui est suggéré, à mon avis, tout au long des Évangiles. Le sens de la Croix, c’est ce retournement du sacrifice contre nous-mêmes, contre notre propre désir destructeur d’imitation. C’est l’offre du royaume de Dieu. Offre qui implique un choix : se sauver ou se perdre.Quand j’étais enfant, le dernier dimanche de la Pentecôte et le premier dimanche de l’Avant étaient consacrés à l’Apocalypse. À la messe, les sermons portaient sur le sujet. Pourquoi l’Église a-t-elle supprimé cette tradition, au moment même où, avec l’invention de la bombe atomique, ces textes étaient redevenus d’une actualité brûlante. Elle a pensé qu’il fallait rassurer les gens. Mais les gens ont besoin de sens.

    Longtemps, le discours officiel du clergé – en particulier français – était à la disparition des fins dernières noyées dans une sorte de religiosité même plus archaïque car l’archaïque, au moins, était tragique.
    Vous avez raison. En retirant le drame, il a retiré l’intérêt. Mais je me réjouis de voir les choses changer. Les jeunes prêtres réagissent très nettement contre le progressisme ecclésiastique, je le vois notamment aux États-Unis. Ce qui m’étonne c’est que l’Église, disons certaines personnes à l’intérieur de l’Église conciliaire, aient pu s’imaginer que ce message édulcoré du christianisme, si éloigné de sa vérité profonde, allait s’imposer. Quelle drôle d’idée… Je crois que le christianisme va réapparaître dans toute sa force grâce aux textes apocalyptiques car leur aspect dramatique correspond au climat de notre époque.

    Qu’elle est votre perception de la situation religieuse en États-Unis ?
    Il y a un effondrement du protestantisme que j’appelle « bourgeois », par opposition au fondamentalisme. Les convertis protestants sont les forces vives de l’Église catholique américaine. En Amérique, contrairement à la France, il est très facile de dire qu’on croit en Dieu. La déchristianisation n’en est pas au même point. Pourtant, lorsque je suis arrivé aux USA, 70% des catholiques allaient à la messe tous les dimanches. Chiffre tombé aujourd’hui à 30 %. Mais l’Église catholique reste la plus importante et, surtout, elle est la plus intellectuelle car beaucoup d’universitaires en font partie ce qui lui donne une puissance combative qu’elle n’a pas ici.

    Que penser de la relative bonne santé des fondamentalistes ?
    Cela correspond au climat de l’époque qui a besoin, répétons-le, de sens. L’erreur des fondamentalistes, c’est qu’ils attribuent la violence à Dieu. Mais Dieu, de toute évidence, n’est pas violent. Notre époque qui a prétendu s’en débarrasser en fait la preuve : ce sont les hommes qui se détruisent eux-mêmes. Au contraire, seul Dieu sauve l’homme de sa violence. Il est donc grand temps que l’Église affirme haut et fort son message et place le monde devant la seule alternative qui lui reste : se convertir au Christ ou s’enfoncer dans le chaos apocalyptique engendré par une violence qui ne peut plus être évacué par un mécanisme sacrificiel obsolète. 

  • LITTERATURE & SOCIETE • Princesse de Clèves, Modiano : qui a peur des écrivains ?

     

    Sébastien Lapaque, dans sa dernière tribune du Figaro pointe l'inculture des hommes politiques qui ne prennent plus le temps de lire. Négligence condamnable autant pour les dirigeants de droite que de gauche.

    Les lecteurs de Lafautearousseau savent bien que nous sommes attentifs aux écrits de Sébastien Lapaque, tant pour des raisons déjà anciennes qui nous relient à sa réflexion et nous donnent le sentiment de lui être proches, que pour son souci de fond - et patriotique - touchant au statut dégradé de la culture, de la littérature, des livres eux-mêmes, et à leur marchandisation, dans notre France contemporaine, notre chère et vieille nation, jadis littéraire. Par là, Lapaque rejoint, pour ce qui est de notre aujourd'hui, l'une des obsessions d'Alain Finkielkraut, mais de quelques autres aussi, et, si nous remontons bien plus loin, aux environs de l'année 1900, l'une des thèses les plus prophétiques de Charles Maurras, développée avec minutie dans son Avenir de l'Intelligence. Au fond, le statut aujourd'hui dégradé, lui aussi, des politiques n'est-il pas, au moins pour partie, fonction de l'aggravation de leur inculture ? Et cette dialectique néfaste produit notre abaissement collectif, ce qui est plus grave. En quoi nous rejoignons parfaitement Sébastien Lapaque.  Lafautearousseau     

     

    Sébastien_Lapaque.jpgQuoi qu'on en dise, ce fut une affaire assez stupéfiante. Il est regrettable que certains l'aient si vite oubliée et pardonnée. Le 26 octobre 2014, après l'annonce, par les jurés suédois du prix Nobel de littérature, de leur choix d'honorer Patrick Modiano, Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, s'est révélée incapable de citer le titre de l'un de ses romans. Quels titres pourtant ! La Place de l'Etoile, Rue des Boutiques obscures, Dans le café de la jeunesse perdue… A ceux qui l'interrogeaient, la ministre expliqua qu'elle n'avait plus le temps de lire depuis deux ans. Une façon de sous-entendre qu'une fonction sérieuse ne s'accordait pas à des futilités telles que la littérature. Elle avait visiblement oublié Charles de Gaulle lisant Lord Jim de Conrad lors d'un voyage en avion et François Mitterrand savourant Chasses subtiles de Jünger avant ses réunions à l'Elysée.  

    Ce qui est effrayant, c'est que dix-sept jours séparaient les aveux de la ministre de la Culture de l'annonce des jurés suédois. Deux semaines n'avaient donc pas suffi à l'exquise Fleur Pellerin pour envoyer l'un de ses collaborateurs à la librairie Delamain (155, rue Saint Honoré à Paris, en face de son ministère), acheter les éditions de poche de Dora Bruder (144 pages), de Voyage de noces (157 pages) ou de Vestiaire de l'enfance (150 pages) afin de les lire de toute urgence et de découvrir un écrivain dont la reconnaissance internationale honore la France — et surtout perpétue l'idée que le monde continue de se faire de la France : une nation littéraire. Cette technicienne, si prompte à parler d'« offres » et de « contenus », n'avait même pas songé à demander à son chauffeur de glisser un disque dans le lecteur de sa Citröen C6 blindée afin d'entrer dans l'univers soyeux de Patrick Modiano par l'intermédiaire d'un livre-audio tandis qu'elle se rendait à l'aéroport dans une ambiance paisible et climatisée. La preuve que la littérature n'a plus la moindre valeur aux yeux de cette femme bardée de diplômes. Ni d'usage, ni d'échange. 

    Dans La Haine de la littérature (Editions de Minuit, 220 p., 19 €), un livre remarquable de savoir, de précision et d'intelligence, William Marx montre à quelles hauteurs s'est élevée cette passion destructrice au cours de l'histoire. Il faut découvrir la réflexion vagabonde de cet ancien élève de l'Ecole normale supérieure, professeur de littératures comparées à Nanterre. Son livre est féroce et souvent très drôle. Sa lecture achevée, une question se pose cependant. Pourquoi l'érudit subtil, doué pour le commerce des classiques, a-t-il cherché une illustration à sa thèse dans « l'affaire de la Princesse de Clèves », longuement commentée, et non pas dans « l'affaire Modiano », si fraîche, si éloquente, mais évoquée de manière allusive et renvoyée en note ? Pourquoi reproche-t-il à la ministre qui ne lit pas Patrick Modiano sa « maladresse », quand il accuse le président qui s'est moqué de Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, comtesse de La Fayette, d'être « populiste » ? 

    Une asymétrie nous chagrine dans cette perspective. On peut bien penser que trop d'années furent arrachées du milieu de notre vie par un César inculte venu de la droite. On l'a partout répété ; on s'en est lamenté. Ce qui est étonnant, c'est d'observer, aujourd'hui, qu'aucun des champions de La Princesse de Clèves, gardiens de l'honneur des belles lettres et du statut littéraire de la chère et vieille nation, ne se scandalise de la voir présentement tombée sous le joug d'un César inculte venu de la gauche, qui confesse ne jamais lire de romans et affiche peu de goût pour le théâtre. Une inculture serait-elle à ce point préférable à une autre ? 

    Les écrivains ne font pas peur qu'aux seuls bourgeois des beaux quartiers. La haine de la littérature dont William Marx propose une typologie convaincante — c'est au nom que l'autorité, de la vérité, de la moralité et de la société qu'on a de tout temps pourchassé les doctes, les lettrés, les poètes — n'a pas établi ses campements sur la seule Rive droite. Il est un anti-littérature et un anti-intellectualisme de gauche au moins aussi détestables que l'anti-littérature et l'anti-intellectualisme de droite. 

    Quand ceux-ci consistent à dire : « Nous possédons probablement dans nos bibliothèques de quoi discuter pour les siècles à venir. C'est pourquoi j'aimerais vous dire: assez pensé, assez tergiversé, retroussons tout simplement nos manches » (comme l'expliqua Christine Lagarde, Ministre de l'Economie et des Finances en 2007), ceux-là reviennent à écrire : «Ne dites plus : Monsieur le Professeur, dites : crève salope ! », (comme le firent quelques agités du Quartier latin en 1968). 

    Lorsqu'on aime les livres, l'encre, le papier, le savoir, la pensée, les poètes mélancoliques et les romanciers aventureux, il n'y a aucune raison d'être plus indulgent à l'égard des uns que des autres. Dans l'instant, la haine des livres est de toutes parts, l'inutilité de la littérature dénoncée sur les deux rives de la Seine, l'opulente et la bohème. D'accord avec William Marx pour penser que l'indifférence, l'ironie et la moquerie à l'égard des écrivains de grand style est une tache de sang intellectuelle que « toute l'eau de la mer ne suffirait pas à laver » (pour reprendre une image frappante de Lautréamont), nous nous permettons d'ajouter, afin que nulle méprise ne subsiste : sur la gauche comme sur la droite du visage. 

    Sébastien Lapaque