UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Idées, débats... - Page 473

  • EXPOSITION • Clic-Clac impérial

     

    Par Camille Pascal*

    Camille Pascal montre ici avec le talent et le goût qu'on lui connaît, en quoi la France est un pays merveilleux non seulement à cause de la permanence de son administration qui passe les siècles et les régimes mais aussi par l'accumulation et la profusion toujours renouvelée de ses trésors ainsi protégés des aléas du goût et du pouvoir. On aura sans-doute compris que notre souci, ici, n'est politique que pour servir et prolonger cette civilisation française dont nous sommes les héritiers. Laquelle est aujourd'hui aux mains d'un Pouvoir qui, à bien des égards, volens nolens, conduit à sa disparition. Raison de plus pour suivre le conseil implicite de Camille Pascal et visiter l'exposition qu'il évoque ici avec une évidente délectation.   LFAR

      

    Camille%20Pascal_22222222222222.pngLe Mobilier national expose les savoir-faire de ses ateliers de restauration, jusqu’à la reconstitution parfaite du « bivouac de Napoléon ». 

    Le Garde-Meuble, ou Mobilier national comme l’on voudra, est une très vieille institution née sous Henri IV et qui a survécu à tous les régimes, même les moins conservateurs… Depuis très exactement quatre cent onze ans, une même administration — la France est un pays merveilleux — gère donc avec soin le patrimoine “mobilier” de l’État.

    Cette maison, somptueusement logée place de la Concorde par le roi Louis XV, est aujourd’hui abritée aux Gobelins dans des bâtiments futuristes conçus en 1936 par les frères Perret. Siècle après siècle, elle est devenue le grenier de la France où chaque époque a déposé ce qui ne lui plaisait plus pour passer commande de nouveautés ébouriffantes. Parfois, les révolutions ont fait un peu d’argent avec ce merveilleux bric-à-brac. Le mobilier de Versailles a été vendu à l’encan, le château des Tuileries a été pillé quatre fois en moins d’un siècle et Jules Ferry fit démonter et disperser les bijoux de la Couronne, mais l’administration du Garde-Meuble, elle, a sauvé ce qui pouvait l’être. Longtemps le Mobilier national, comme tous les greniers de bonnes maisons, est resté protégé des aléas du goût et du pouvoir par une épaisse couche de poussière, il s’est un peu endormi et les Français l’ont oublié.

    Il y a quelques années de cela, grâce à la restauration de la grande galerie, l’institution chargée de meubler palais nationaux, ministères et ambassades a entrouvert ses portes. La caverne d’Ali Baba s’est révélée au public. Ce fut un éblouissement. Tapisseries des Gobelins ou d’Aubusson, pendules de bronze doré, meubles de laque et d’ébénisterie, soies précieuses, cristaux fragiles, tapis de la Savonnerie, tout était là savamment étiqueté et bien rangé pour s’offrir aux regards des visiteurs assez peu habitués à voir ces trésors dans leur emballage.

    Aujourd’hui, le Mobilier national fait mieux : il offre à chacun de nous, dans le cadre d’une exposition temporaire, la possibilité d’aller à la rencontre de tous les métiers qui permettent l’entretien et la restauration du grand mobilier français depuis les beaux sièges du XVIIIe siècle jusqu’aux créations très contemporaines de Pierre Paulin ou d’Olivier Mourgue. Des mains aux mouvements parfaits reproduisent ainsi devant vous des gestes qui sont autant d’oeuvres d’art vivantes.

    Pour preuve de leur savoir-faire, ces artisans d’État exposent “le bivouac de Napoléon” entièrement restauré par leurs soins et meublé comme au soir de la bataille de Marengo. Les fauteuils de voyage sont ouverts devant une table de travail démontable. Le lit pliant de l’Empereur a été installé. Il est fait et n’attend plus que le “petit tondu”. On apprend d’ailleurs au passage que c’est pour lui qu’un serrurier de génie a inventé le fameux lit parapluie sur lequel des générations de parents se seront, depuis, énervées jusqu’aux larmes avant de pouvoir coucher leur bébé.

    Au moment où j’allais quitter cette exposition, un soldat de la garde impériale, shako en tête et fusil à l’épaule, venait monter la garde. Le grenier de la France est hanté par l’histoire. 

    Le Garde-Meuble, Paris, du 18 septembre au 13 décembre 2015

    Camille Pascal - Valeurs actuelles

  • LIVRE • Le testament du Kosovo

     

    par Bruno Stéphane-Chambon

    L’histoire du Kosovo en 1999, est déclinée en 16 dates. Ce journal de guerre a été tenu par Daniel Salvatore Schiffer, philosophe et essayiste belge, professeur de philosophie de l’art à l’École Supérieure de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Liège, déjà auteur d’une vingtaine d’ouvrages.

    Ce n’est pas un pavé dans la mare, mais une visite en enfer, en hommage aux serbes morts en héros, pour défendre leur pays. Si cette parution est tardive, c’est parce que les révélations faites dans cet ouvrage auraient été inaudibles et déclarées irrecevables par les tenants et, en l’occurrence, les manipulateurs de l’opinion de cette époque. Le déluge de feu qui s’est abattu sur ce pays, qui a toujours été l’allié de la France, a été d’une violence rare. Il fut et orchestré par les autorités américaines, soutenues par l’aviation française, et encouragé par les bonnes consciences qui ont délibérément menti. Sans manichéisme aucun, l’auteur, qui déplore la brutalité des dirigeants serbes qui entouraient l’ancien Président Slobodan Milošević, s’insurge contre ce bombardement qui a duré pendant soixante-dix-huit jours et nuits et causer d’innombrables victimes dont l’auteur lui-même qui fut blessé gravement. Et pourtant la Serbie a résisté ! Daniel Salvatore Schiffer dénonce surtout les pseudos intellectuels et les marionnettes politiques qui ont impunément soutenu ce combat inique en accusant les serbes d’exactions et en glorifiant à outrance l’Armée de libération du Kosovo, l’UCK.

    Le journal de bord de Daniel Salvatore Schiffer pèche parfois par de nombreuses réitérations mais qui sont parfois nécessaires pour la bonne compréhension des faits et de leur interprétation. Par ailleurs, philosophe et humaniste, Schiffer disserte sur l’origine des guerres et se prête à de nombreuses digressions qui exigent du lecteur une attention soutenue. D’une lecture parfois un peu difficile, cet ouvrage n’en reste pas moins le cri d’un Juste. L’amour de la Serbie en est sa marque de fabrique, ou plutôt le sceau sacré apposé sur la charte de la vérité enfin révélée. Un livre incontournable sur cette période de l’histoire dont notre pays ne sort pas grandi, à rapprocher de celui de Pierre Péan, Kosovo : une guerre juste pour créer un Etat mafieux, et, surtout, du Martyre du Kosovo, de Nikola Mirković. 

    Le Testament du Kosovo, Journal de guerre, de Daniel Salvatore Schiffer, édition du Rocher, 512 pages, 21 €

     

     

  • LITTERATURE & SOCIETE • La rentrée littéraire vue par Proudhon

     

    Une tribune de Sébastien Lapaque * 

    Sébastien Lapaque déplore avec Proudhon la marchandisation des livres et des biens culturels en cette période de rentrée littéraire. Pour ceux d'entre nous qui sont d'Action française, l'ont été - mais, en quelque manière, on le reste toujours - ou y sont passés, Sébastien Lapaque n'est pas un inconnu. Nous l'avons côtoyé à l'Action française dans sa jeunesse turbulente qui, heureusement, ne semble pas l'avoir quitté. Il déplore, ici, avec Proudhon, la marchandisation des œuvres de l'esprit et le déclin ou l'éclipse, de la grande littérature. Il a évidemment raison. Avec Proudhon, avec Bernanos, son maître et le nôtre. Et avec Maurras qui rangeait, lui aussi, Proudhon parmi ses maîtres et qui a écrit, au début du siècle dernier, le livre définitif qui explique, prévoit, non sans quelque espoir d'aventure et de renaissance, cet asservissement de l'Esprit que Lapaque déplore ici en cherchant les moyens d'en rire. L'Avenir de l'intelligence, en la matière, avait tout dit. C'était en 1905.  LFAR     

     

    L'autre soir, boulevard Haussmann à Paris, j'ai croisé Clitandre, non loin de l'immeuble où Marcel Proust, reclus dans sa chambre tapissée de liège, mena contre la mort son marathon pour retrouver le Temps, prouvant que la littérature n'était pas l'écriture d'une histoire, mais l'histoire d'une écriture. Clitandre est un écrivain à la mode, reconnu, célébré ; il est membre d'un prestigieux prix littéraire. Lorsque je lui ai demandé quel livre il voulait faire couronner cette année, il m'a parlé du dernier roman d'un auteur vedette de la maison d'édition dans laquelle il publie ses propres ouvrages. Plus tard, c'est la voix d'Argyre que j'ai entendu couler dans les enceintes du taxi qui me conduisait chez moi. Argyre est chef du service culture d'une grande radio : elle était invitée chez un confrère pour évoquer la rentrée littéraire. Au journaliste qui voulait savoir si elle avait lu chacun des 589 romans publiés à la fin du mois d'août et comment elle faisait pour distinguer l'excellent du tout-venant dans cette gigantesque pile de livres, Argyre a répondu que non, elle ne lisait par tout, qu'elle commençait par les incontournables — les « poids lourds » qu'un critique doit lire — et qu'ensuite elle se laissait guider par les attachées de presse dont elle connaissait d'expérience le bon goût. « La machine est bien huilée », me suis-je dit. Je l'ai vérifié quelques jours plus tard, en découvrant qu'une phrase de Télèphe, rédacteur en chef d'un magazine et littérateur négligeable, avait été retenue dans un encart publicitaire de son propre éditeur pour vendre au « gros public » un roman aussi insignifiant que les siens dont il avait fait l'éloge auparavant.

    Lorsqu'on a envie de pleurer du monde, il convient d'inventer le moyen d'en rire. C'est dans un volume oublié de Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) que j'ai trouvé certaines consolations aux noirceurs morales de notre siècle en miettes. Les Majorats littéraires est un livre que le fameux polémiste, économiste, philosophe et sociologue franc-comtois a fait paraître à Bruxelles en 1862. Rien de mieux qu'un auteur anarchiste pour comprendre les causes profondes du désordre établi. Dans Les Majorats littéraires, Proudhon s'intéresse à la question de la propriété intellectuelle, mais aussi, dans une vigoureuse deuxième partie, à « la décadence de la littérature sous l'influence du mercenarisme ». En lisant Proudhon, j'ai repensé à Clitandre et à ses amitiés, à Argyre et à ses poids lourds, à Télèphe et à son gros public.

    « L'art de vendre un manuscrit, d'exploiter une réputation, d'ailleurs surfaite, de pressurer la curiosité et l'engouement du public, l'agiotage littéraire, pour le nommer par son nom, a été poussé de nos jours à un degré inouï. D'abord, il n'y a plus de critiques: les gens de lettres forment une caste ; tout ce qui est écrit dans les journaux et les revues devient complice de la spéculation. L'homme qui se respecte, ne voulant ni contribuer à la réclame, ni se faire dénonciateur de la médiocrité, prend le parti du silence. La place est au charlatanisme. » Proudhon l'explique un peu plus loin dans son pamphlet: la littérature est l'expression de la société. Dans un monde où nous ne croyons plus à rien parce que nous sommes tous à vendre et que tout est à vendre — comme le produit des champs et les articles manufacturés sortis des usines —, les lettres et les arts ne font pas exception.

    Les rappels à l'ordre des hauts parleurs de la Grande Machine valent pour tous. Agiotage, spéculation, charlatanisme, observe Proudhon… On ne saurait mieux dire. Une grande partie des jurés des prix littéraires et des critiques employés dans les « lignes d'étapes de l'armée de la distribution et de l'éloge des marchandises actuelles » (Guy Debord) ne revendiquent ni pour eux-mêmes ni pour les autres la possibilité de préserver la souveraineté de leur conscience ou l'expression leur goût. Au pire, ils ricanent et se rendent complices de la haine d'une littérature désormais tombée en réclame ; au mieux, ils s'intéressent aux livres comme d'autres à la Bourse ou au Pari Mutuel Urbain. Il jaugent les écrivains comme des actions ou des canassons. Leur horizon, ce n'est pas la jubilation que procure l'art de grand style, c'est faire des coups et de trouver le tiercé dans l'ordre. « Quand la littérature devrait s'élever, suivre la marche ascensionnelle des choses, elle dégringole. A genoux devant le veau d'or, l'homme de lettres n'a qu'un souci, c'est de faire valoir au mieux de ses intérêts son capital littéraire, en composant avec les puissances de qui il croit dépendre, et se mutilant ou travestissant volontairement. »

    Pierre-Joseph Proudhon encore une fois.  •

    * Sébastien Lapaque est écrivain. Il est critique littéraire au Figaro.

     

  • CULTURE • Didier Rykner : « La classe politique est devenue inculte ! »

     

    par Raphaël de Gislain

     

    Depuis une dizaine d’années, le site Internet La Tribune de l’art passe au crible le monde de la culture et des musées, prenant le parti du patrimoine et des œuvres, souvent à rebours de l’idéologie dominante. Rencontre avec Didier Rykner, son bouillonnant fondateur…

    Rykner-600x401.jpgPourquoi avoir créé La Tribune de l’art et dans quel contexte l’avez-vous fait ?

    J’ai créé La Tribune de l’art en 2003, parce que je souhaitais lire un journal que je ne trouvais pas, qui n’existait pas, c’est-à-dire un journal d’art ou l’on parle d’expositions que l’on a vues – la plupart des revues d’art commentent des évènements qu’elles n’ont pas vues –, de livres que l’on a lus, etc. J’ai créé ce que je souhaitais avoir en quelque sorte. Après une formation d’ingénieur agronome, je suis passé par Sciences Po et l’école du Louvre mais je ne suis pas devenu conservateur. Le devoir de réserve n’a jamais été tellement mon style… Mon idée était de faire du journalisme sans langue de bois, comme un historien de l’art, en considérant le patrimoine et en prenant le parti de le défendre. Dans ce milieu, cela n’a rien d’une évidence. Pour cela il fallait un média libre et indépendant comme La Tribune de l’art. Culturellement, le contexte était alors meilleur qu’aujourd’hui…

    Existe-t-il encore une véritable critique d’art en France ?

    Il existe encore des critiques d’art, bien sûr, mais le problème est global. De plus en plus de journaux dépendent de groupes puissants comme Arnault, Lagardère, Bouygues, qui ont des intérêts énormes dans diverses activités, dans l’industrie ou le bâtiment, et qui tiennent les deux bouts de la chaîne. Par exemple, Arnault détruit des immeubles de l’ancienne Samaritaine. Comment voulez-vous que les journaux qui lui appartiennent soient critiques ? Dans ce contexte, il n’est alors plus question de défendre l’intérêt du patrimoine… Le phénomène est le même avec les expositions : lorsque les journaux sont partenaires, il ne faut pas attendre qu’ils en livrent une analyse objective… à cela, il faut aussi ajouter le copinage et les renvois d’ascenseurs, plutôt fréquents dans le milieu. Les critiques d’art sont donc de moins en moins nombreux à être indépendants et à pouvoir s’exprimer. Pour ma part, j’ai été boycotté surtout au début, du temps où Donnedieu de Vabres était au ministère de la Culture et Henri Loyrette au Louvre. Actuellement (cela a commencé d’ailleurs du temps d’Henri Loyrette lui même, il faut le reconnaître) je ne suis plus tenu à l’écart, même lorsque je combats les réserves du Louvre à Lens. On met même un point d’honneur à m’inviter…

    Comment voyez-vous évoluer l’articulation entre le monde politique et le monde culturel ? On a l’impression que le premier a totalement asservi le second…

    Il apparaît avec évidence que la classe politique est devenue complètement inculte. Même si une minorité échappe à la règle, les gens qui nous gouvernent, à droite comme à gauche, ne connaissent rien et s’en fichent. Par voie de conséquence, la politique se désintéresse de plus en plus du patrimoine et des musées. Il n’y a qu’à voir l’actuel projet de loi sur le patrimoine. Le ministère donne l’impression de vouloir se débarrasser de biens qui l’encombrent, en transférant la responsabilité aux villes, ce qui va être une catastrophe puisque les maires n’ont eux-mêmes souvent que peu d’intérêt ou peu de compétences pour la sauvegarde de leurs bâtiments… Le problème est donc lié à des hommes politiques a-cculturés qui considèrent que l’histoire de l’art est superflue, alors qu’il s’agit d’une des richesses principales de la France, qui plus est, source de revenus énormes… La culture n’est regardée que pour ces postes prestigieux et les nominations abracadabrantes continuent : on parle de nommer Muriel Mayette, l’ancienne administratrice de la Comédie Française, à la tête de la Villa Médicis, sans aucune légitimité… Regardez avec quelle vitesse le Louvre est actuellement entraîné dans une vertigineuse dérive intellectuelle. Il y aura l’année prochaine au Louvre-Lens une exposition sur le Racing club de Lens – il fallait quand même l’imaginer –, et à Paris dès septembre, trois autres expositions : Les mythes fondateurs d’Hercule à Dark Vador, – qui peut sérieusement penser que Dark Vador incarne « un mythe fondateur » ? –, Une brève histoire de l’avenir, d’après le livre de Jacques Attali, qui n’est tout de même pas connu pour ses compétences en matière d’histoire de l’art et dont on peut déjà craindre le verbiage, et des installations de Claude Lévêque, artiste contemporain qui n’a rien à faire au Louvre. Parallèlement, les rétrospectives Le Nain et Charles Le Brun auront lieu non pas à Paris mais à Lens, sans que l’on se demande s’il y avait là-bas un public pour des rétrospectives nécessairement pointues… Heureusement, à côté, certains musées de province s’en sortent à la force du poignet, avec des moyens parfois réduits. On peut citer le musée de Lyon, le musée de Montpellier, de Rennes, ou encore de Roubaix, qui est à sa façon un exemple, situé dans la ville la plus pauvre de France. Il est la preuve que tout n’est pas une question de budget. Mais la tâche est de plus en plus difficile pour eux.

    On observe des collusions de plus en plus fréquentes, via l’art contemporain, entre le marché de l’art et les institutions publiques, comme Versailles ; est-ce un phénomène général ?

    Il est clair qu’il y a un certain nombre d’artistes, toujours les mêmes, comme Lévêque ou Buren, que l’on retrouve partout y compris dans des lieux dévolus à l’art ancien. Le Louvre et Versailles ont ainsi de véritables politiques d’art contemporain, ce qui n’est absolument pas dans leur rôle. Cela a certainement un impact sur la cote des artistes, même si l’on constate qu’elles se dirigent le plus souvent vers des artistes connus, dont la cote est déjà solidement établie. Koons en est un bon exemple.

    Les expositions représentent aujourd’hui un véritable marché destiné aux masses. Les historiens de l’art ne jouent-ils pas un jeu dangereux en y participant et en cautionnant le mythe de l’art pour tous ?
    Il est heureux que les historiens de l’art participent aux grandes expositions ; ainsi, certaines ont-elles de réelles qualités scientifiques. Il est certain que l’on veut aujourd’hui que tout le monde aille au musée, y compris les gens qui ne s’y intéressent pas. On les attire donc avec des choses qui ne sont pas muséales pour les faire venir, ce qui est absurde. C’est par exemple ce que vient de faire le musées des beaux-arts de Lille, cet été, avec une exposition sur Donald et les canards… Le niveau baisse donc et on accompagne cette baisse… Vouloir faire des blockbusters avec des grands noms pour que défilent des centaines de milliers de visiteurs aboutit à un non-sens dans la mesure où plus personne ne profite des œuvres. L’idéologie ambiante est que tout se vaut, que Dark Vador est aussi légitime au Louvre qu’Hercule, qu’il n’y a pas de hiérarchie dans la culture. Il faut toujours un prétexte contemporain et populaire pour prétendument faire aimer l’art ancien. Rabaissé de la sorte, l’art ancien n’est quasiment plus considéré pour ce qu’il est. 

     

     - Politique magazine

  • ACTUALITE • Guy Béart : « La mort, c’est une blague »

     

    par Dominique Jamet

     

    3312863504.jpgDans la lumière noire du soleil de la mort, la véritable stature de Guy Béart apparaît enfin. 

    Tout jeune débutant au début des années cinquante, une seule chanson l’avait propulsé au sommet, L’Eau vive, que l’on apprend encore, paraît-il, dans les écoles. Des dizaines d’autres avaient suivi, sans lui valoir jamais tout à fait la place que méritait son talent. Ombrageux, personnel, indépendant, libre, trop libre, littéraire, trop littéraire, Guy Béart était peu à peu sorti des circuits, aussi bien ceux de la distribution lorsqu’il avait prétendu gérer lui-même son œuvre, que ceux de la complaisance, de la connivence et de la mode. La maladie contre laquelle il luttait depuis de longues années avait achevé de le murer dans la solitude orgueilleuse et un peu amère de sa maison de Garches. Cependant, il fut accompagné jusqu’au bout par la ferveur joyeuse, aujourd’hui endeuillée, de la petite foule des happy few qui, lors de ses trop rares apparitions sur scène ou à l’occasion des fêtes qu’il leur donnait à domicile, reprenaient en chœur un répertoire qu’ils connaissaient par cœur.

    Dans la lumière noire du soleil de la mort, la véritable stature de Guy Béart apparaît enfin, comme on pouvait s’y attendre, et les médias saluent mais un peu tard « le dernier des troubadours », comme ils disent, ou, plus simplement, « un grand parmi les grands », l’égal des deux autres « B » de la chanson à texte d’après-guerre : Georges Brassens et Jacques Brel.

    Sur les piliers et sous les voûtes de l’Arc de Triomphe, à Paris, est gravée la glorieuse liste des victoires et des généraux de la Révolution et de l’Empire. Bal chez Temporel, L’Eau vive, Il n’y a plus d’après, Il y a plus d’un an, Vous, Les couleurs du temps, Qu’on est bien, Laura, Les souliers, À Amsterdam, Les Couleurs du temps, La Vérité, Couleurs vous êtes des larmes, La fille aux yeux mauves, L’espérance folle, Hôtel-Dieu, Demain je recommence… : la liste est longue aussi, et belle, des airs et des textes qui composent à Béart, dans le ciel de la chanson la voûte immatérielle d’un incomparable arc-en-ciel.

    « La mort, c’est une blague », avait écrit Guy Béart. De fait, les hommes meurent mais leur œuvre demeure. Trenet l’avait dit avant lui : « Longtemps, longtemps, longtemps/Après que les poètes ont disparu/Leurs chansons courent encore dans les rues. » Les chansons de Guy Béart voleront longtemps encore de lèvres en lèvres, même quand on ne connaîtra pas le nom de leur auteur. Elles sont immortelles, et il en sourira, là où il est entré avant-hier, dans la grande salle de bal de l’intemporel. 

     

     41hcNtsEd5L__SL300_.jpg

     Journaliste et écrivain - Boulevard Voltaire*

     

  • LIVRE • Louis XIV en paroles

     

    par Anne Bernet

     

    anne bernet.pngLongtemps, il a fallu s’y résigner : les paroles s’envolaient, seuls les écrits restaient. Ainsi, jusqu’à l’invention de moyens d’enregistrement de la voix et du son, toute parole prononcée, fût-elle attestée par des témoins fiables, ne peut être regardée comme authentique, exacte et sûre. Après non plus, d’ailleurs…

    Louis XIV n’a évidemment pas échappé à ce sort et l’essentiel des mots que lui attribue la postérité a de fortes chances d’être apocryphes, à commencer par le fameux « l’État, c’est moi ! », inventé de toutes pièces à l’époque de Napoléon.

    Patrick Dandrey a pris le risque, et il s’en explique habilement, d’opérer un tri parmi les milliers de citations attribuées au Roi-Soleil et, les classant par thèmes, de raconter la vie de Louis XIV à travers les paroles qu’il prononça, peut-être, et celles qui lui furent prêtées, reflet paradoxal de la vision que les contemporains et la postérité ont eue de lui.

    Intelligent, disert, informé, critique à bon escient, remettant chaque « mot » en perspective et dans son contexte, voici un livre remarquable, passionnant, drôle souvent, profond toujours qui compte parmi les meilleurs de cette année de tricentenaire.  

    Louis XIV a dit, de Patrick Dandrey, les Belles lettres, 465 p., 19 euros. 

     

  • CINEMA • Erick Dick : « La Vendée a lutté contre l’agression culturelle »

     

    par Raphaël de Gislain

    Auteur d’un documentaire en forme de voyage sur les traces du chef vendéen le plus emblématique, le réalisateur Eric Dick remet Charette à l’honneur. Alors que son film vient de sortir, Politique magazine l’a rencontré.

    Pourquoi cet intérêt pour les guerres de Vendée ?

    Avant tout, je suis vendéen et l’histoire des guerres de la Vendée militaire fait partie de mon identité, de ma culture ; elle est toujours présente pour les habitants de la région et nous la portons en nous. Cette histoire revêt un caractère universel ; les Vendéens ont souffert ; ils ont été exterminés par cette nouvelle république parce qu’ils croyaient en Dieu, en leur roi et qu’ils ont refusé de mettre de côté leurs convictions. Ils en sont sortis grandis.

    Par quel prisme racontez-vous l’histoire de ce peuple ?

    La première chose qui m’importait était de donner la parole aux Vendéens. Les rares documentaires qui existent sur le sujet donnent un point de vue assez parisien des évènements, souvent centré sur Robespierre. A l’opposé, j’ai tenu à ce que cette période tragique, de 1793 à 96, soit rapportée par des gens du terroir et du peuple. C’est leur sentiment qui m’a intéressé, et l’aspect légendaire autant que la vérité historique. L’autre point était de m’attacher à un héros ; en l’occurrence Charette. Il demeure le plus emblématique. Il a rassemblé les maraîchins, avec le panache d’un guerrier qui aimait faire la fête. Mille fois il aurait pu avoir les honneurs, partir en Angleterre ou encore virer sa veste, mais il est resté fidèle à sa foi en la monarchie, quitte à se retrouver seul.

    Vous ralliez-vous à la thèse du génocide ?

    Je pense qu’il y a eu beaucoup d’exagération de la part des militaires et qu’on a fait en sorte que le peuple vendéen soit très affaibli. Y-a-t-il eu des ordres qui venaient d’en haut pour exterminer méthodiquement une population ou les exactions furent-elles le fait de généraux zélés des colonnes infernales ? Mon rôle, en tant que réalisateur, n’est pas de trancher. Avec ce film, j’espère surtout délier les langues. Il semble qu’aujourd’hui l’heure de la « victoire des vaincus » ait sonné et que d’aucuns demandent des comptes…

    En quoi serait-ce une histoire d’actualité ?

    Voilà un peuple qui a osé se dresser et se battre contre ce qui représentait à ses yeux une invasion, craignant de voir ses croyances anéanties. Ce soulèvement contre un envahisseur peut se transposer aisément à notre époque, où l’islamisation est ressentie de plus en plus comme une agression culturelle. Je pense qu’à terme, les mêmes causes conduiront aux mêmes effets…

    Comment peut-on voir votre film ?

    Aucun producteur n’ayant voulu participer, j’ai eu recours à des financements propres… Il est donc important que les gens puissent le voir. Le film va être distribué au cinéma dans plus de 80 salles, à Paris comme en province. Il sera ensuite décliné en séries télévisées dans le courant de l’année 2016 et disponible en VOD. 

    C’était une fois dans l’Ouest, d’Eric Dick, Zedig distribution, 120 min. En salles. Toutes les informations sur le site : www.cetaitunefoisdanslouest.a3w.fr/ 

     

     

  • LIVRES • Hollande en vérité

     

    par Bruno Stéphane-Chambon

    Rédacteur en chef du service « actualités » de Famille Chrétienne, Samuel Pruvot enquête sur la véritable personnalité du Chef de l’Etat en auditionnant une cinquantaine de proches et interlocuteurs privilégiés. François Hollande veut incarner la social-démocratie en s’appuyant sur des mouvements post modernes qu’il croit créer et maîtriser. Quant à son rapport avec Dieu, on est dans le clair-obscur, tant il feint d’ignorer le fait religieux et exalte une vision exclusive de la laïcité. Pourtant, dès son enfance, le futur Président avait été éduqué principalement par sa mère, Nicole, chrétienne très ancrée à gauche. A Rouen il suit ses premières études à Jean-Baptiste de La Salle dans un climat religieux et altruiste. Mais à son entrée à Sciences-Po, il affirme sa rupture en se présentant comme un laïc républicain qui estime que la vie publique doit être profane et que le sacré n’y a pas sa place. A l’ENA, alors que l’ensemble des étudiants préfère suivre des stages en ambassade ou en préfecture, il choisit une étude sociologique sur la banlieue. Accompagné de sa future compagne Ségolène Royal, il est reçu dans une cité par un prêtre salésien, Jean-Marie Petitclerc, adepte du Catholicisme social, avec qui le courant passe immédiatement. Ils vont dans les tréfonds des cités à la rencontre des jeunes en perdition. Bien que reconnaissant la fraternité agissante au nom du Christ de ce prêtre, François Hollande demeure profondément laïc. Il rejoint alors François Mitterrand et, habile politique, devient expert en l’art de la synthèse des différents courants du PS. Toujours en mouvement, rarement dans la réflexion, il privilégie la médiation. Lors de sa campagne présidentielle, il prend des conseils auprès d’un chrétien de gauche, Jean-Baptiste de Foucauld, ancien collaborateur de Jacques Delors. Mais il semble plutôt intéressé par les réseaux de ce dernier que par sa spiritualité. Une fois au pouvoir, il affiche une incompréhension totale devant la révolte des catholiques (et celle de nombreux musulmans) face aux lois sociétales qu’il édicte. Monseigneur Dominique Rey, évêque de Toulon-Fréjus, constate : « François Hollande est comme beaucoup de politiques : il a la tentation de nier toute autorité qui transcende les siècles. » De son côté, Julien Dray, intime du Président, reconnaît que « François ne fait pas référence à Dieu. Il n’a pas d’angoisses métaphysiques. Jamais je n’ai entendu en privé l’expression d’une recherche, un quelconque besoin d’ancrage ». Comme si François Hollande avait enfoui son âme aux tréfonds de son être. Avec ce portrait proche de la psychanalyse, sans empathie mais avec un regard dénué de malveillance, Samuel Pruvot tente de nous donner les clefs afin de saisir la complexité de cet homme pressé.  

    François Hollande, Dieu et La République, deSamuel Pruvot, éditions Salvator, 19,50 euros 

     

  • Hommage à Jean Raspail et à sa lucidité d'il y a quarante ans !

  • Le film sur Charette, « C'était une fois dans l'Ouest » vient de sortir

     

    En voici une première recension, et le site sur lequel vous trouverez tout ce que vous voulez savoir sur ce film :

    www.cetaitunefoisdanslouest.a3w.fr

     

    « ...Avant tout, je suis vendéen - dit Eric Dick - et l'histoire des guerres de la Vendée militaire fait partie de mon identité, de ma culture : elle est toujours présente pour les habitants de la région et nous al portons en nous. Cette histoire revêt un caractère universel; les Vendéens ont souffert; ils ont été exterminés par cette nouvelle république parce qu'ils croyaient en Dieu, et leur roi et qu'ils ont refusé de mettre de côté leurs convictions. Ils en sont sortis grandis...

    ...La première chose qui m'importait était de donner la parole aux Vendéens. Les rares documentaires qui existent sur le sujet donnent un point de vue assez parisien des évènements, souvent centré sur Robespierre. A l'opposé, j'ai voulu que cette période tragique, de 1793 à 96, soit rapportée par des gens du terroir et du peuple...

    ...Voilà un peuple qui a osé se dresser et se battre contre ce qui représentait à ses yeux une invasion, craignant de voir ses croyances anéanties. Ce soulèvement contre un envahisseur peut se transposer aisément à notre époque, où l'islamisation est ressentie de plus en plus comme une agression culturelle. Je pense qu'à terme les mêmes causes conduiront aux mêmes effets...  »

    3828720459.jpg

    Le drapeau de Charette

     

  • LIVRE • Paris dessiné

     

    Par Anne Bernet

     

    anne bernet.pngLe Bureau des Affaires Publiques, nom trompeur d’une mystérieuse officine policière prétendument fondée par Clemenceau, est chargé de résoudre en toute discrétion les affaires parisiennes liées à l’ésotérisme. Dirigé par un maître des sciences occultes, le BAP n’ignore rien des puissances cachées au cœur de la capitale : démons, fantômes, esprits aquatiques de la Seine et ses affluents…

    Membre du BAP, Victor, petit escroc bon connaisseur des secrets ténébreux, s’est cru assez fort pour jouer en solo, mais le désenvoûtement qu’il a pratiqué au théâtre du Vieux Colombier, hanté par une entité mauvaise, a tourné au désastre. Et, lorsque l’on découvre, sur le parvis de Notre-Dame, une pièce d’or absolument pur, le BAP n’a plus de doute : le Cavalier bleu, le maître de la pierre philosophale, disparu pendant l’Occupation, n’a pas regagné pour rien son ancien domicile parisien. Le duel qui l’a jadis opposé à Raven, son ancien disciple passé du côté obscur, a repris. Car la pierre philosophale ne sert pas qu’à fabriquer de l’or…

    Inutile de dire que l’on n’y croit pas une seconde. Et cela n’a aucune importance. D’abord parce que les intrigues fantastiques de Pécau ont beaucoup de charme, et surtout parce que le dessin de Dim.D sublime Paris et vous le fait voir d’un œil neuf. L’album vaut d’être acheté, ne serait-ce que pour ses vues de Notre-Dame, de la place Saint-Georges, de l’Opéra ou du Champ de Mars sous un ciel de neige. 

    Paris Maléfices tome 2 ; L’or du millième matin, de Pécau et Dim.D., éditions Delcourt ; 56 p ; 14,50 €.

     

  • De la Monarchie de Louis XIV à la République de Monsieur Hollande

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgUn jour, le soleil s’est couché et il ne s’est pas relevé… C’était le 1er septembre d’il y a trois siècles : et pourtant, comme il l’avait promis, sa mort physique marque aussi sa « sur-vie » politique, au-delà de son temps et pour la mémoire des siècles, par la reconnaissance que l’Etat est maître du pays, par son administration et son autorité, mais aussi à travers ses monuments, autant Versailles que ce que Napoléon qualifiera des « masses de granit », c’est-à-dire les grands principes qui fondent l’Etat moderne et son fonctionnement. Louis XIV, d’une phrase célèbre prononcée sur son lit de souffrance et de mort, déclare : « Messieurs, je m’en vais, mais l’Etat demeurera toujours », sorte d’explication de texte à la formule rituelle de la Monarchie française « Le roi est mort, vive le roi », qui, après le dernier soupir du monarque, fut prononcée comme une évidence « absolue » au balcon du palais royal. 

    Dans La Croix (samedi 29-dimanche 30 août 2015), Frédéric Mounier écrit joliment que « Louis XIV fait naître la France » pour expliquer qu’il met en place les structures d’un Etat qui, d’une manière ou d’une autre, sera renforcé au fil des règnes et des circonvolutions de l’histoire, sans doute bien au-delà et pas forcément dans le même esprit (au contraire de ce qu’affirme Tocqueville) que celui de son incarnation la plus emblématique, celle-là même qui fit déclarer au roi-soleil, post-mortem et « faussement », « l’Etat c’est moi » ! Mais il est des faux, et celui-ci est de Voltaire dans son « siècle de Louis XIV », qui révèlent mieux la vérité que cette dernière elle-même quand elle n’ose se mirer dans les glaces de son palais ou se parer de grands mots, atours parfois vains du prestige : humilité royale, sans doute, peu compréhensible en nos temps d’egolâtrie républicaine… Evidemment que c’était lui, l’Etat, et il a passé son temps et usé ses énergies à le faire comprendre à tous ceux, féodaux du service d’eux-mêmes, qui oubliaient qu’ils devaient plus à la France qu’elle ne leur devait. Mais Louis XIV n’était « que » l’Etat et son Etat n’était pas encore ce Moloch ou ce Minotaure qu’il devint avec la Révolution et l’Empire, et que Bertrand de Jouvenel a si bien décrit et compris dans son ouvrage « Du pouvoir » publié dans les années 1940. 

    Si l’Etat royal devint plus fort sous et par Louis XIV que jamais il ne l’avait été auparavant, il restait fondateur et non uniformisateur, ce que, à travers sa formule sur la France considérée comme « un agrégat inconstitué de peuples désunis », le Mirabeau de 1789 reconnaissait pour mieux s’en plaindre, tout comme le fameux abbé Grégoire qui ne trouvait pas de mots assez durs pour fustiger cette diversité qui, pourtant, fait aussi la réalité de la France. Avec Louis XIV, la Monarchie devenait fédératrice, elle ordonnait autant qu’elle unifiait symboliquement autour du roi, et de la pluralité foisonnante de la France, elle gardait le côté pluriel mais aiguisait l’épée politique : l’Etat se musclait, il ne s’engraissait pas vainement … 

    Trois siècles après la mort du monarque-Apollon, qu’est devenu cet Etat qui fut sien avant que d’être officiellement « nôtre » par la grâce de la démocratie ? Si le fondateur de la Cinquième République fut, avec quelque raison sans doute, souvent comparé à Louis XIV (en particulier par ses opposants) et caricaturé comme tel par le dessinateur Moisan dans Le Canard enchaîné (qui en fit quelques recueils à succès avec André Ribaud), ses successeurs récents n’en ont guère la stature et font penser à cette phrase terrible du général de Gaulle rapportant sa rencontre cordiale mais vaine avec l’ancien président de la République Albert Lebrun, celui de 1940 : « Au fond, comme chef de l’Etat, deux choses lui avaient manqué : qu’il fût un chef ; qu’il y eût un Etat ». Effectivement, entre les mains des perpétuels présidents-candidats, l’Etat semble laisser filer ses fonctions et ses responsabilités régaliennes pour ne plus être qu’un « Semble-Etat » selon la formule si expressive de Pierre Boutang … 

    C’est quand elle est la plus monarchique que la République a la possibilité d’être grande et efficace, comme une sorte d’hommage du vice à la vertu. Mais la Cinquième République, même en ses plus belles heures gaulliennes, n’est pas la Monarchie et elle vire plutôt à la monocratie quand le président en poste ne pense qu’à sa réélection ou à sa postérité personnelle quand c’est à celle de l’Etat et de la France qu’il faudrait penser et pour laquelle il faudrait agir… La comparaison entre le roi-soleil et l’actuel président fait sourire bien de nos contemporains, et ce n’est pas aux dépens du monarque versaillais… 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

  • LITTERATURE & SOCIETE • Christian Millau : « Il manque à la nation une incarnation »

    Christian Millau. L'esprit français

     

    Dans cet entretien donné à Valeurs actuelles, on retrouve la liberté d'esprit et le regard avisé de Christian Millau - qu'il a de longue date posé sur notre époque, sa littérature, ses écrivains. Ainsi, à sa manière, aura-t-il servi son temps, aura-t-il aidé à le comprendre, à l'éclairer de son goût et de sa lucidité. Si l'on nous y poussait beaucoup, nous dirions - mais sans méchanceté aucune - que l'influence qu'il a exercée un temps sur la gastronomie française et ses métamorphoses discutables, nous paraît beaucoup plus incertaine ... Mais cela est une autre histoire. Ici, comme Emmanuel Macron, comme Maxime Tandonnet ou, à sa façon, Michel Houellebecq, Christian Millau constate qu'il manque à la nation une incarnation. Nous ne disons pas autre chose ... LFAR  

     

    Journaliste, écrivain, président du prix littéraire des Hussards... Christian Millau est un esprit libre. Une liberté dont il use avec malice pour répondre à nos questions.

    Quel regard portez-vous sur l'époque actuelle ?

    À vrai dire, je ne suis pas d'un tempérament nostalgique. La nostalgie est un rideau qu'on fait complaisamment tomber sur un pamé qui n'a pas toujours été rose. Chaque époque y cède à son tour. et j'imagine qu'on regrettait Saint Louis sous Louis X le !lutin ! On parle des "Trente Glorieuses" mais on oublie la guerre de Corée, la crise de Cuba : nous avions la quasi-certitude que la guerre allait recommencer ! En revanche, je comprends qu'on puisse regretter des hommes ou des événements exception. nels. Je revois encore de Gaulle descendant les Champs-Élysées, le 26 août 194.1! Là, oui, on a le droit de céder un peu à la nostalgie... Tous ceux qui étaient là, ce jour-là, se souviennent d'une France vibrante comme elle ne le sera jamais plus. On peut se dire : "Ce jour-là. la France existait".

    Et maintenant ?

    Maintenant, on essaie de se fabriquer des moments de communion nationale... La Coupe du monde de football en 1998, la célébration de "la France Black Blanc Beur : c'était à la fois touchant et un peu ridicule. Dans un registre bien plus dramatique, le "11 janvier", dont l'esprit s'est aussitôt dissipé, si tant est qu'il ait existé! En fait, ce qui nous manque, c'est une incarnation. Les Français forment une nation ; la France, une patrie. Nous manquons de quelqu'un qui nous le rappelle par ce qu'il est et par ce qu'il fait. En Mai 68, on a jeté de Gaulle par-dessus bord. Depuis cette pantomime, nous vivons dans un désordre incroyable... C'est tout de méme inouï que l'on n'arrive pas à faire chanter la Marseillaise à des enfants dans une école ! Il serait bon que, chaque fois que la gauche vient chez nous au pouvoir, la France se déclare automatiquement en état de catastrophe naturelle.

    L'époque est aux non-dits : après les attentats de janvier, on a vu que le gouvernement avait du mal à désigner l'ennemi...

    C'est ahurissant ! Je suis très sévère sur les médias en général. On entend des choses incroyables sur les chaînes d'information, certaines par ignorance, d'autres par lâcheté : il y a des mots, des sujets qui sont tabous. Il s'est créé une forme d'inquisition qui traque tout ce qui ne correspond pas aux dogmes du politiquement correct. Mais les gens sont saturés de cette pensée de sacristie laïque. 

    Était-on plus libre d'exprimer ses divergences dans les années 1950 ou 1960 ?

    Spontanément, je dirais oui, sans oublier cependant qu'il était très difficile de vivre de sa plume quand on n'était pas d'accord avec Sartre ou Aragon : il fallait se battre ! On parle beaucoup aujourd'hui des Hussards, que j'ai eu la chance de fréquenter assidûment. Mais ils vendaient très peu de livres, à l'époque ! La différence, c'est qu'on ne vous menaçait pas sans cesse de procès; en tout cas, on pouvait les gagner et, surtout, qu'on n'avait pas le sentiment de pécher contre la justice, l'humanité ou la planète, quand on était en désaccord avec la gauche. Ce sentiment du péché, c'est le génie de la gauche de vous le coller ! Aujourd'hui. on ose à peine ouvrir la bouche.

    Encore le péché appelle-t-il le pardon. Or, on a l'impression que nos politiques ont la manie de la repentance : il faudrait battre sa coulpe en permanence...

    Je suis d'accord pour dire qu'aujourd'hui, les politiques excitent les Français contre les Français. De Gaulle dont je parlais, a été haï, à droite connue à gauche. Il n'empêche qu'on s'inclinait devant cet homme, comme on pouvait s'incliner jadis devant nos souverains. On ne discutait pas la représentation de la patrie à travers de Gaulle. Aujourd'hui, on ne respecte plus la fonction présidentielle ni, d'ailleurs, les chefs d'entreprise qui font vivre ce pays !

    Vous évoquez les llussards. Voyez-vous une relève à ces impertinents ?

    Il y a encore, heureusement, des casseurs de tabous. je pense évidemment à Alain Finkielkraut, à Pascal Bruckner, à Luc Ferry ou même à Michel Onfray. À Zemmour aussi, même si je ne suis pas toujours d'accord avec lui. Il faudrait aussi citer Élisabeth Lévy, Denis Tillinac, Bruno de Cessole ou Fabrice Luchini. C'est pour cela que j'ai créé le prix oies Hussards, attribué à Sylvain Tesson cette année. Et ceux-là ont du succès de leur vivant ! C'est la preuve que les Français ne se satisfont pas du brouet médiatique, et c'est un signe d'espoir ! 

    Ravi de vous avoir rencontré, de Christian Millau, Éditions de Fallois, 360 pages, 22 €. 

    Propos recueillis par Fabrice Madouas et Marion Cazanove

     

  • HISTOIRE & ACTUALITE • Documentaire « Versailles, Rois, Princesses et Présidents »

     

    Bon à savoir (à vérifier)

    Pour les dépositaires du Pouvoir, nonobstant le dogme républicain, la France ne commence pas en 1789 ... Jamais. Ils vivent, reçoivent, travaillent et délibèrent, dans les ors et décors de l'Ancienne France.  Il n'y a rien à y redire, surtout lorsque cette pratique sert le prestige de la France. Ce qu'il est légitime de leur reprocher c'est leur déni de mémoire, leur obstination dans la négation de notre histoire intégrale. Rien de plus. LFAR 

     

    Lundi 14 septembre sur France 3 à 20h55, documentaire « Versailles, Rois, Princesses et Présidents » réalisé par Fréderic Biamonti avec narration de Lambert Wilson. 

    En voici le descriptif : « Le château de Versailles a été conçu comme un instrument de pouvoir par Louis XIV. Aujourd’hui, les Présidents de la République l’utilisent comme symbole de la puissance nationale. Khroutchev, Kennedy, Nixon, Elisabeth II, Kadhafi ou Xi Jinping y ont tous été reçus, dans des rituels qui rappellent la grandeur d’autrefois, et qui réveillent les fantômes du passé.

    Les archives de ces visites d’état nous amènent à reconsidérer Versailles sous un angle inhabituel : la machine à impressionner conçue par le Roi Soleil est aussi un des hauts lieux de la République, qui y a mis en scène les élections présidentielles jusqu’en 1953, ainsi que les réformes de la Constitution. Apothéose de ce Versailles républicain, le G7 mitterrandien de 1982 démontre la pérennité des formes du pouvoir, de la majesté royale du Grand Siècle à la solennité présidentielle d’aujourd’hui. » 

    FR3