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  • D'une année l'autre : Les souffrances du jeune Macron

     

     

    2293089609.14.jpgCe que nous écrivions le lundi 29 août 2017. Qui se confirme au lendemain d'un discours pour rien d'Emmanuel Macron devant le Congrès. Le Chef de l'État apparaît fragilisé par la lassitude des Français à son endroit et surtout par le nouveau contexte européen et mondial qui rend sa politique étrangère parfaitement décalée et illusoire. Ce matin, dans les médias, sa prestation d'hier à Versailles est éclipsée par le match France-Belgique de ce soir et par la démission, hier, à Londres, du bouillant Boris Johnson partisan d'un Brexit pur et dur ...  LFAR

         

    En deux mots.  

    Après sa fulgurante conquête du pouvoir, balayant les caciques et les candidats du Système, les vieilles structures partisanes, ce dont personne ne s'est plaint et que nul ne regrette, en tout cas pas nous, voici déjà pour Emmanuel Macron le temps de la défiance et du déclin.

    Nul ne peut se hasarder à dire s'ils sont ou non irréversibles, sauf l'expérience des derniers mandats, où malgré d'éphémères rebonds, ils furent tels. Impitoyablement. 

    Ainsi, dans notre République, Jupiter est-il voué à descendre assez vite de l'Olympe et c'est ce qui est arrivé à Macron, cet été.

    Cent jours auront suffi - le temps qui fut accordé à Napoléon pour aller de Golfe-Juan à Waterloo, qui fit perdre à la France sa position de 1ère puissance européenne - pour que tombe via les sondages le verdict des Français : 60% de mécontents. Dont 20% de très mécontents. 24 points se sont vite envolés en juillet et août. C'est le sujet omniprésent de cette rentrée. Et c'est aussi, en quelque manière, la vengeance des médias, qui avaient tant fait pour son élection, et que Macron voulut, à juste titre, remettre à leur place, aussitôt qu'il l'eût obtenue.

    On a qualifié cette élection de « triomphale ». On sait bien, pourtant, qu'elle ne l'a pas été. D'abord par le trop petit nombre de voix obtenues au premier tour, puis au second, où l'abstention, comme elle le sera aux Législatives, fut considérable. Parce que, d'autre part, le vote Macron, fut, comme pour ses prédécesseurs, sans véritable adhésion. Adhésion à quoi, d'ailleurs ? Pour la plupart des gens, y compris parmi ses pairs, Macron était d'abord une énigme ; son programme était inexistant ou indéchiffrable ; sa personnalité peu connue et, de toute façon, étrange. Il n'était - il n'est toujours - pas évident que la « pensée complexe » ni le fameux « en même temps » soient à la portée, ou du goût, de la plupart des Français. Il y eut surtout, à vrai dire, une curiosité bienveillante pour ce jeune-homme dynamique et charismatique, ou même christique dans ses moments les plus intenses d'exaltation et de romantisme et qui, par surcroît, promettait un « dégagisme » des plus sympathiques. Dans le fond, pourtant, comme ses prédécesseurs [Chirac, Sarkozy, Hollande], Emmanuel Macron a d'abord été élu « contre » : contre les « extrêmes » et contre le Système, bien que, selon toute évidence, il en fût, par excellence une émanation.

    Si peu démocrates que nous soyons, du moins au sens français, nous sommes d'avis qu'on ne gouverne pas bien ni très longtemps un grand peuple comme le peuple français, sans consentement ni adhésion.

    Les deux manquent depuis longtemps aux Chefs de l'Etat successifs de la Vème République. Si monarchique que soit la mécanique des actuelles Institutions et même si elles permettent au Chef de l'Etat de se maintenir contre vents et marées le temps de son mandat et de gouverner tant bien que mal, le manque de consentement et d'adhésion à leur personne comme à leur politique, ne leur permet aucune action, aucune réforme, d'envergure.

    Ce vice institutionnel profond, ce manque d'adhésion au Régime, qu'il avait perçu et exprimé du temps qu'il était ministre, comment Emmanuel Macron y réagira-t-il, y parera-t-il, maintenant que les vents lui sont contraires ?

    Ce peut être d'abord comme par une sorte de colère, de réprobation à l'endroit des Français, ainsi qu'il les a exprimées l'autre jour à Bucarest, pestant contre ce pays qui est incorrigiblement « inréformable », ces Français qui « détestent les réformes ». C'est à dire, en l'occurrence, malencontreusement, sa politique.

    Les biographes d'Emmanuel Macron le présentent volontiers comme cet « enfant gâté », selon l'appréciation d'Attali, à qui, depuis l'enfance, rien n’est refusé, tout réussit, qui s'est habitué de longue date à l'admiration de son entourage - famille, professeurs, condisciples - à ce que rien ne résiste à son charisme, rien à sa puissance de travail et de séduction, à sa faculté de convaincre. Par intelligence et empathie. 

    Mais le peuple français est autre chose que le cercle de famille, le petit monde des grandes écoles, le cercle des poètes disparus, autre chose que les « vieux » cultivés, influents ou très fortunés qu'il aime et, selon ses amis, qu'il excelle à « draguer », tels, chacun en son temps, Michel Rocard, Jacques Attali, David de Rothschild, Paul Ricoeur, Alain Minc et quelques autres, « parrains et grands frères ».

    Mais le Kairos, qu'il aime invoquer, dont il se croit bénéficiaire, ce temps favorable, ce temps de Dieu, ce temps de « la vie opportune » selon Verlaine, qui autorise tous les espoirs et garantit le succès des entreprises les plus hardies, semble en cette fin du mois d'août avoir plus ou moins abandonné notre Rastignac un peu illuminé. Pompidou disait de De Gaulle à Peyrefitte : « Vous savez, le Général est spécial ». Et c'était en un sens fort. Mais, à maints égards - sa vie singulière, sa psychologie souvent inquiétante...- Emmanuel Macron ne l'est pas moins.

    Comment surmontera-t-il l'épreuve politique et personnelle de l'impopularité que tous les Hollande, tous les Juppé, tous les Attali du microcosme se hâtent déjà d'exploiter.

    Alors Macron éprouvera peut-être combien il avait eu raison, du temps où il était ministre, de méditer sur l'incomplétude de notre démocratie, de constater que ce qu'il manque à la France c'est un roi et, à cet égard, de déplorer le grand vide de l'Elysée, qu'il n'aura pas comblé. Peut-être s’apercevra-t-il alors que l’élection ne confère pas la Royauté.

    Fini le Kairos, le temps favorable, le temps de Dieu. En cette fin d'été, pour Emmanuel Macron voici revenir Chronos qui dévore les heures et les jours, l'Histoire et les hommes.   

    2910916609.5.jpgRetrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien suivant ... :

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Le roi danse

    Le 3 juillet, dans une boîte de nuit de Lagos 

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

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    Aujourd’hui à Versailles, M. Macron se propose de « dévoiler le cap de son quinquennat devant députés et sénateurs » (Le Huffpost, 1er juillet).

    M. Ruffin, cocasse député de La France insoumise, a cru bon de déclarer, à propos du congrès de ce 9 juillet, qu’il « ne [voulait] pas aller écouter le Roi Soleil à Versailles » (France 3, 1er juillet). Il eût mieux fait de garder pour lui sa piteuse métaphore. Le pis est qu’il n’a pas été le seul. D’autres ont surenchéri, MM. Corbière et Mélenchon entre autres, jusqu’aux communistes assurant dans un communiqué ne pas vouloir aller « à Versailles adouber le monarque présidentiel ». Leur fait écho, en donnant lui aussi dans la caricature facile, M. Legrand, lequel commence son éditorial politique de vendredi 6 sur France Inter en dénonçant le « petit parfum monarchique » qui flotterait au-dessus de l’Elysée, « le château ». Reprenant les poncifs de la presse à sensation, M. Legrand ne se grandit pas en rabaissant l’institution monarchique à l’aune des caprices et fantaisies du couple Macron. 

    Pourtant n’est pas Louis XIV qui veut, même en dehors du champ politique. M. Macron, qui n’est ni roi ni soleil, est plutôt ridicule que resplendissant quand il s’exhibe. Certes, on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir trouvé dans son entourage un Molière ou un Lully. Fallait-il pour autant, lui, chef de l’Etat, s’afficher le soir de la Fête de la musique (21 juin) avec une brochette d’exotiques danseurs « transgenres » et se contorsionner maladroitement quelques jours plus tard (3 juillet) dans une boîte de nuit de Lagos ? Pas très louis-quatorzien, tout de même. Rien d’étonnant, dès lors, que son gouvernement ait, à son image, l’opposition qu’il mérite : pitoyable, si ce n’est scandaleux, le comportement de ces « élus du peuple » qui rabaissent  à leur petit niveau politicien ce qui devrait, pour eux au moins, être un moment de rassemblement républicain (et, faisons bonne mesure, « citoyen »). On aurait presque envie d’en rire. 

    Les choses sont pourtant plus sérieuses qu’il n’y paraît car, au delà des guignols, c’est de la France qu’il s’agit. Si le pays s’est à peu près satisfait des actuelles institutions, il ne faut pas oublier que, dans les partis et factions de la gauche surtout mais aussi du centre et parfois même d’une droite un peu extrême, la Cinquième République a été volontiers vilipendée. « Fascisme », « coup d’Etat permanent », « déni de démocratie », les attaques n’ont pas manqué, avec au fond, comme point commun, le regret d’un parlementarisme débridé - dont l’Histoire nous enseigne les méfaits pour notre pays. M. Legrand, encore lui (France Inter, 4 juillet), ne le cache pas : « La rénovation de la politique viendra […] de la prise de conscience des parlementaires qu’en fait, s’ils le veulent, s’ils le prennent, ils ont du pouvoir. » Allons plus loin : ce qui prête à sourire aujourd’hui, car relevant de la farce avec les histrions de La France insoumise dans les principaux rôles, pourrait tourner au tragique demain pour le pays si les velléités de certains devaient se concrétiser par l’instauration d’une Sixième République.

    M. Macron peut bien danser, il n’est pas Louis XIV - ça se saurait. Ses proches prétendent cependant qu’à défaut de les reconnaître, il tient compte de ses erreurs. On peut donc encore espérer, si ce n’est penser, qu’il répondra mieux, si peu que ce soit, à l’attente manifeste des Français qui aspirent à une restauration et à une incarnation du pouvoir politique, préservant au moins ainsi le pays d’une dangereuse régression institutionnelle. ■ 

  • Selon des renseignements russes et chinois, début d’une invasion de l’Asie centrale par l'État Islamique 

     

    2293089609.14.jpgLe site Réseau International a publié fin mai [22.05] d'intéressantes informations très détaillées sur le redéploiement en cours des combattants de l'État Islamique en Asie centrale. A-t-on proclamé trop vite la destruction de l'État islamique ? Va-t-il ressurgir en Afghanistan ? Affaire à suivre.  LFAR 

     

    logori3.jpgPar Andrey Afanasyev

    Des sources dans les agences militaires et de renseignement russes, disent que la préparation d’une opération offensive à grande échelle contre la Russie à travers le Tadjikistan et l’Ouzbékistan est dans la phase finale. Citant des données provenant de canaux de communication avec les ministères de la Défense de la Chine, du Pakistan et de l’Afghanistan, ils disent que l’Afghanistan est la pierre angulaire de ce plan.

    Des messages similaires ont déjà été reçus, en particulier lors d’une récente conférence sur la sécurité qui s’est tenue à Tachkent, la capitale ouzbèke. Puis le ministre tadjik des Affaires étrangères Sirodzhiddin Aslov a annoncé publiquement l’activation des terroristes dans la région :

    « Nous voyons l’activation de groupes terroristes, leur progression dans les régions du nord de l’Afghanistan, en particulier dans les territoires limitrophes du Tadjikistan, l’augmentation du nombre de partisans de l’EI et la participation d’un certain nombre de citoyens des républiques post-soviétiques aux groupes et mouvements terroristes présents en Afghanistan…. cela nous préoccupe sérieusement » .

    Selon les agences de renseignement russes, le nombre de terroristes de l’EI opérant en Afghanistan varie de 2500 à 4000 personnes. Ces données ont été confirmées par le ministère de la Défense de la Chine. Les sources de la RPC affirment qu’au moins 3800 combattants opèrent dans 160 cellules terroristes mobiles. Ils sont concentrés dans la province de Nangarhar, à la frontière avec le Pakistan, où l’État islamique a augmenté la production et le trafic de drogue, ainsi que la création d’infrastructures pour la formation de combattants et de kamikazes.

    Comment ça va se passer

    Selon des sources militaires russes, des terroristes se retirent actuellement de Syrie et d’Irak par voie maritime jusqu’au port de Karachi, dans le sud du Pakistan. Après cela, ils arrivent à Peshawar près de la frontière afghane et s’installent dans la province de Nangarhar. Le nouveau siège de l’EI dans la région est situé dans le district d’Achin.

    À partir de la fin de l’année 2017, les terroristes ont réussi à rassembler jusqu’à 500 combattants syriens et irakiens, dont plusieurs dizaines de femmes. Des sources disent que la plupart d’entre eux sont des citoyens de la France, du Soudan, du Kazakhstan, de la République tchèque, de l’Ouzbékistan, etc.

    L’objectif principal de l’EI en Afghanistan est non seulement la déstabilisation du pays, mais aussi une invasion à grande échelle des républiques post-soviétiques d’Asie centrale : le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan afin d’attiser les tensions aux frontières sud de la Russie.

    Les sources de renseignement russes disent qu’il y aura deux voies pour l’offensive de l’EI. L’une mènera au Tadjikistan à travers les provinces du Nuristan et du Badakhshan, l’autre passera par Farakh, Ghor, Sari-Pul et Faryab au Turkménistan.

    Le principal responsable des opérations de l’EI est le gouverneur de la province de Nangarhar, Mohammad Gulab Mangal. Il utilise la structure des radicaux pour renforcer son influence dans les régions voisines. De plus, Mangal est bien connu pour sa participation aux opérations financières de l’EI. Des sources affirment que toute tentative de protestation des populations locales est violemment réprimée par les autorités, y compris par des opérations punitives contre les zones peuplées.

    Mangal a été connecté aux services spéciaux américains pendant une longue période. La page Wikipédia à son propos dit que le gouverneur actuel de Nangarhar a pris part à une guerre contre les troupes soviétiques dans les années 80. Juste après l’invasion américaine en 2001, il a été nommé à la tête de l’autorité locale. Les médias occidentaux le considèrent comme un homme d’État efficace et juste. La BBC a même qualifié Mangal de « nouvel espoir pour Helmand», une province qu’il gouvernait.

    Selon le ministère de la Défense afghan, l’EI prévoit d’augmenter son effectif à 5000 soldats dont la plupart seront cantonnés dans la province de Mangals.

    Il est à noter que les deux plus grandes bases militaires américaines dans le pays sont situées près de la région de NAngarhar contrôlée par l’EI et un gouvernement corrompu.  

    Réseau international

  • Culture • Loisirs • Traditions

     

    2293089609.14.jpgCe visuel est destiné à marquer l'unité des articles du samedi et du dimanche, publiés à la suite ; articles surtout culturels, historiques, littéraires ou de société. On dirait, aujourd'hui, métapolitiques. Ce qui ne signifie pas qu’ils aient une moindre importance...  LFAR

  • Civilisation • D'accord avec Guillaume Roquette : Pour l'amour de l'entrecôte, ne laissons pas les végans imposer leur façon de vivre

     

    2293089609.14.jpgGuillaume Roquette a raison et le sujet n'est pas anodin. On verra pourquoi en lisant cet article*.  Il ne s'agit pas seulement de « nous contraindre d'adopter une nouvelle façon de manger » - ce qui est déjà très grave en soi car notre « façon de manger » est l'un des éléments de notre culture et de notre civilisation. Il s'agit de tous les détruire.  LFAR 

     

    DouxuH4m_400x400.jpgLe malheureux boucher dormait au-dessus de sa boutique, à Jouy-en-Josas. Quand l'alarme s'est déclenchée, dans la nuit de dimanche à lundi dernier, il était trop tard. Sa vitrine était en miettes et maculée d'un tag bombé à la hâte : « Stop spécisme ».

    Depuis quelques mois, des dizaines de boucheries-charcuteries et autres commerces de bouche sont victimes des mêmes dégradations, commises par des militants qui se revendiquent, selon leur degré d'extrémisme, végans, animaliste's ou antispécistes. En partant d'une idée estimable, le respect dû aux animaux, ces écologistes d'un nouveau genre ont élaboré une idéologie inquiétante en allant jusqu'à prétendre (c'est la définition de l'antispécisme) qu'un agneau de lait a la même valeur qu'un être humain.

    Avant d'aller plus loin, précisons que chacun a naturellement le droit d'être végétarien, même si la vie doit être bien triste quand elle s'interdit à tout jamais le bonheur d'un gigot de sept heures ou d'une truite aux amandes. De même, il est parfaitement légitime de souhaiter que la filière de l'élevage traite convenablement les bêtes promises à la consommation. Mais les forcenés de la cause animale ne se contentent pas de cette juste ambition, ils veulent interdire à quiconque non seulement de manger de la viande ou du poisson, mais aussi de chasser, voire de monter à cheval ou simplement de porter des chaussures en cuir ! Au nom du respect des droits de la bête. C'est un trait de notre époque : quiconque est animé d'une conviction se fait désormais un devoir de l'ériger en norme pour essayer de l'imposer à la société tout entière. Grâce à une force de frappe inédite, celle des réseaux sociaux, et le recours plus ou moins avoué à la violence, une minorité d'activistes végans entend donc dicter sa loi à tous les braves gens qui voudraient juste continuer à vivre comme ils l'entendent. Les bouchers (sauf ceux qui sont halal, curieusement épargnés malgré la brutalité des règles de l'abattage rituel), auxquels on pourrait ajouter les chasseurs, sont aujourd'hui leurs cibles prioritaires. Mais, si la force publique ne ramène pas ces agités à la raison, ils ne s'arrêteront pas en si bon chemin.

    D'autant que leur militantisme n'est pas la manifestation d'un mouvement isolé. A y regarder d'un peu près, l'antispécisme n'est qu'une des innombrables déclinaisons du politiquement correct contemporain. C'est en effet la même idéologie qui veut nous contraindre d'adopter une nouvelle façon de manger, de boire, d'écrire ou d'aimer. L'objectif est toujours le même : abolir nos modes de vie pour créer un nouveau monde, sans mémoire, sans traditions et sans culture. Bref, sans identité. Ce n'est évidemment pas très réjouissant mais, grâce au Ciel, rien ne nous force à baisser la tête pour nous soumettre à tous ces diktats. De même qu'il est permis de s'opposer sans complexe à l'écriture inclusive et à la théorie du genre, on a encore la liberté de se faire griller une belle entrecôte. Résister à l'oppression est parfois un plaisir. 

    * Figaro magazine, dernière livraison [vendredi 6 juillet]

  • Société & Actualité • Vous avez aimé l’invasion ? Vous adorerez la guerre civile

     

    par Olivier Pichon

     

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    Sans remonter loin dans le temps, à la querelle des Armagnacs et de Bourguignons, force est de constater que les invasions, en France, se doublent généralement d’une guerre civile. Les Français se plaisent à ajouter au malheur des temps d’irruption étrangère, la guerre civile qui est, comme chacun sait, la pire des guerres. En 1870 avec l’invasion prussienne ce fut la Commune de Paris, guerre civile s’il en est, dont on rappellera que ce fut, avant son programme social, le refus de l’occupation étrangère qui la déclencha. En 1944, ce qu’on appelle la Libération fut aussi une guerre civile consécutive à l’occupation allemande : elle fit plus de morts que la révolution française. Il semble bien aujourd’hui, à considérer les mouvements qui agitent l’opinion, que ce double scénario (parfois à fronts idéologiques renversés), se représente aujourd’hui et qu’en conséquence ce qu’il faut bien appeler une invasion, même si elle prend les formes de la modernité droit-delhomisée, risque de se doubler d’une guerre civile entre ceux qui l’acceptent par soumission ou par choix idéologique et ceux qui la refusent.

    25 000 réfugies, 200 000 clandestins, 650 000 personnes entrées en France cette année ! Les chiffres donnent le tournis et plus personne ne peut connaître et n’a le droit de connaitre combien et qui il accueille sur le sol de son pays. Le cauchemar de la submersion migratoire est masqué par l’obligation de « solidarité ». Mais quel mérite avons-nous donc à être solidaires si nous y sommes contraints par la loi et la violence de l’Etat ? Celui-ci prendra des ressources supplémentaires pour accueillir la misère du monde et comme par enchantement, les sommes que l’on n’a pas pour aider les agriculteurs ou les PME écrasées par le RSI, ces sommes donc, sont disponibles pour les réfugiés. Aider son prochain, bien sur, mais par l’exercice libre de la volonté libre. Cette solidarité là, c’est obliger à donner aux enfants des autres ce que l’on nous interdit de donner à nos propres enfants, telle est la réalité fiscale aujourd’hui.

    Sous la modernité jadis festive, le tragique de l’histoire

    Ceux qui ont les micros et ceux qui les commandent, en gros les nouveaux seigneurs, veulent encore nous persuader que nous sommes en démocratie. Celle-ci est une religion, nous sommes croyants mais non pratiquants, l’oligarchie n’a pas attendu François Hollande pour enterrer les aspirations populaires et leur expression démocratique. La France est muselée depuis une génération, ce silence forcé à fonctionné jusqu’à ce que la souffrance identitaire devienne trop forte, le mur (de Berlin) du politiquement correct se lézarde, le barrage n’est pas loin de céder. Partout en France, dans la presse, sur les ondes et dans la sphère numérique, des hommes et des femmes d’origines philosophiques différentes osent désormais se prononcer sur la décomposition avancée du pays et parlent d’invasion et de guerre civile.

    Philippe de Villiers voit déjà « les dhimis et les dissidents face à face ». Or il est clair que si le risque de guerre civile n’est plus exclu, ce malheur est la conséquence d’un Etat failli, non seulement sur le plan économique – la faillite matérielle rend impuissant et soumis, mais aussi sur le plan institutionnel, la Ve république n’assure plus l’ordre qui protège les faibles et freine les arrogants et les puissants du moment, qu’ils soient l’oligarque de service ou le petit caïd de banlieue, tous les deux contre le peuple. Le personnel oligarchique de cette république est totalement hors-sol, le premier d’entre eux, l’hôte de l’Elysée. Le dualisme dhimis contre dissidents constitue les prémices de la logique des collabos et des résistants, nous n’en sommes pas tout à fait à ce stade, mais sous l’écume de la modernité se cache encore et toujours une composante historique pérenne et répétée à l’envie par les lois d’une histoire tragique ; « ôte-toi de là que je m’y mette !» appelé plus pudiquement grand remplacement. L’auteur de ces lignes avait écrit, il y a trente ans que ce qui se mettait alors en œuvre était que le socialisme, celui des socialistes et celui des autres, ne pouvant tout à fait changer LE peuple s’organisait pour changer DE peuple. C’est aujourd’hui manifeste, la modernité dans cette affaire, l’humanitaire, les droits de l’homme, les impératifs économiques du financement des retraites, les besoins supposés de main d’œuvre, autant de billevesées modernes, et d’ailleurs rationnellement fausses, cachent de plus en plus mal la réalité d’une occupation de l’espace et le versement du « tribut aux tribus ».

    L’Etat providence moderne est devenu le tribut aux tribus

    Or ce tribut aux tribus est tout simplement la conséquence d’un Etat-providence entré en contradiction avec lui-même dès lors qu’il devient un impératif politique d’accueillir toute la misère du monde. Mais sa capacité attractive décroit au fur et à mesure qu’il attire, tandis que ses bénéficiaires légitimes sont délaissés – les périphéries de Guilluy, le peuple « sur lequel s’exerce le pouvoir » d’Onfray. L’impuissance de l’Etat est trop manifeste pour qu’on y insiste. On ne fait jamais que la politique étrangère de ses clients, et la France, en Syrie par exemple, a voulu être le bon petit soldat des petro- monarchies. Les exemples de la dhimitude de l’Etat central sont légions, mais à l’échelle de la France profonde c’est la même chose. Nos départements, en faillite, n’arrivent plus à financer les routes et l’on roule dangereusement sur des départementales mal entretenues, où les auxiliaires du fisc que sont devenus les gendarmes, font payer les conducteurs solvables pour 5KM de trop. Ainsi occupés les pandores n’ont pas le temps de s’occuper des malfrats catégorie S qui courent dans la nature et de temps à autre en assassinent l’un d’entre eux. Et pendant ce temps, les départements, souvent premiers employeurs, peinent à financer le social qui devient ultra-majoritaire dans leur budget au détriment des autres fonctions : routes, patrimoine, collèges, etc.

    Les naufrageurs seront bientôt les naufragés

    Il est courant que les invasions font tomber les régimes, mais hélas quand le capitaine conduit le navire sur les récifs il n’est pas la seule victime. La vague du séisme migratoire va connaître plusieurs répliques. Pour l’heure, on nage dans les bons sentiments, mais déjà les immigrants d’origine chrétienne sont victimes des musulmans, la chose se passe en Allemagne. D’aucuns s’étonnent d’une telle attitude et se croient à l’abri puisqu’ils sont solidaires, on ne saurait s’en prendre à son sauveur ! Erreur, pour une part des musulmans arrivés en Europe, c’est par la volonté d’Allah qu’ils occupent la terre DAR AL-HARB, (par opposition avec DAR AL-ISLAM où s’applique déjà la charia). Cette terre à donc vocation à subir la charia et les moyens pour y parvenir peuvent ou non passer par la taqiya, la dissimulation. Dans un entretien publié par Paris Match, le juge Marc Trévidic, ancien du pôle antiterroriste du palais de justice de Paris s’exprime ainsi : « Les jours plus sombres sont devant nous. La vraie guerre que l’EI entend porter sur notre sol n’a pas encore commencé ». A cette perspective les optimistes diront que la violence manifeste va enfin faire réagir les citoyens et que l’islamisme par sa violence, devenue évidente, a commis une faute tactique, qu’il n’est plus dans la dissimulation et que les peuples d’Europe ne vont plus l’accepter. Erreur double : d’abord parce qu’ils sont ici et non au Proche-Orient et que toute la société, tous les faiseurs d’opinion la disposent au renoncement, au compromis. Les uns croient encore l’islam soluble dans la république et la laïcité (Pierre Manent vient d’en démontrer l’impossibilité), les autres tablent sur le modèle consumériste et l’hédonisme jouisseur qui ont abaissé le peuple de France, érotisé la société et abruti de sexe et de showbiz la jeunesse pour corrompre les musulmans, les derniers enfin croient au vote mais oublient la logique : un homme une voix, (et la démographie) telle que même la droite de la droite lorgne vers eux, pour en obtenir les suffrages…

    L’intifada de basse intensité

    Les risques d’attentats sont spectaculaires mais la vraie bombe est démographique, le vieillissement physique et mental de la vieille Europe, et, ce qui se passe dans les banlieues, moins spectaculaire que les attentats, constitue une intifada de basse intensité qui risque de dériver vers une guerre civile ethnique. La présence en Europe de très fortes masses jeunes, d’origine arabo-musulmane, de plus en plus islamisées, avec en leur sein, une minorité d’importation formée militairement et voulant en découdre dans un djihad d’émeutes insurrectionnelles, sera le facteur déclencheur d’un guerre ethnico-civile. L’ennemi c’est le monde européen et chrétien. Dans cette analyse la déclaration de Nadine Morano relève de l’évidence, sa condamnation fait, de facto, de ses juges à charges, des collabos dont l’ancien président de la République. L’histoire bégaye, il y aura de nouveaux Laval et de nouveaux d’Estienne d’Orves !

    Et si nous voulons éviter le pire qui n’est jamais sur comme chacun sait, il faut impérativement voir, sous la modernité, la réalité. Aujourd’hui cette réalité est inhérente à la nature humaine, c’est le risque de la guerre, le problème n’étant plus désormais de l’éviter mais de ne pas la perdre.  

  • Culture • Loisirs • Traditions

     

    2293089609.14.jpgCe visuel est destiné à marquer l'unité des articles du samedi et du dimanche, publiés à la suite ; articles surtout culturels, historiques, littéraires ou de société. On dirait, aujourd'hui, métapolitiques. Ce qui ne signifie pas qu’ils aient une moindre importance...  LFAR

  • Culture • 25 minutes avec Jacques Trémolet de Villers sur TV Libertés à propos de Cicéron et d'autres sujets ...

     

    Anne Brassié reçoit Maître Jacques Trémolet de Villers qui présente son livre « En terrasse avec Cicéron », terrasse se situant à Vivario, en Corse. Une remarquable conversation sur la mort et la vieillesse, le bonheur et la souffrance.

     

     

    En terrasse avec Cicéron. Jacques Trémolet de Villiers. Ed. Les Belles Lettres.

    TVLIBERTES  TVLibertés

    A Lire aussi sur Lafautearousseau ...

    Quand Cicéron s'installe à la terrasse du bar à Vivario

  • Livres & Histoire • Centurion fidèle

    En opération en Algérie [1958] 

     

    par Claude Wallaert

     

    2939591524.jpgNez en bec de toucan, cheveux bruns rebelles, œil perçant, grande gueule au cœur d’or, Jacques Massu aura été mêlé à notre tumultueuse histoire des années trente à la fin des années soixante du siècle dernier.

    Saint-Cyrien, officier de la Coloniale, il découvre très tôt l’Afrique, dont il subira toujours le charme, et qui sera le théâtre de ses premiers combats.

    Rallié parmi les tous premiers à la France Libre pendant la Deuxième Guerre mondiale, il est un des lieutenants les plus appréciés de Leclerc, et participe sous ses ordres à l’épopée de la mythique 2e DB, jusqu’au cœur du IIIe Reich, à Berchtesgaden. Très vite après l’armistice, c’est le départ pour l’Indochine, dans le contexte difficile du désarmement japonais, et des premiers troubles fomentés par le Vietminh. Retour en Afrique, et spécialement en Algérie, où il conduit et remporte la si célèbre et si décriée « Bataille d’Alger », et tente de son mieux de faire face aux désordres, aux factions violentes, aux bouleversements précédant l’indépendance.

    De retour en métropole, et investi du commandement des Forces Françaises en Allemagne, il sera pour le général de Gaulle le grognard fidèle et réconfortant lors de l’épisode de Baden-Baden aux heures sombres de 1968. Puis viendra la retraite, studieuse et active jusqu’au bout.

    Pierre Pellissier nous livre là un ouvrage passionnant : d’abord par la stature de cet officier au parcours exceptionnel, à la personnalité très attachante, économe de la vie de ses hommes, possédant la vivacité et le coup d’œil du guerrier, dont la fidélité envers ses chefs n’obère ni le sens critique, ni la rude franchise ; ensuite par l’évocation fouillée et très vivante des évènements et surtout des hommes : officiers, administrateurs, hommes politiques, terroristes, et aussi les humbles auxquels Massu s’est toujours intéressé, de concert avec sa femme, favorisant en particulier au plus fort de la bataille d’Alger la création d’œuvres sociales au profit des femmes et des enfants musulmans.

    En refermant ce beau livre, on a le sentiment d’avoir approché l’Histoire à travers l’engagement sans faille d’un valeureux soldat, d’un chef de guerre, et aussi d’un homme de cœur. 

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    MassuPierre Pellissier, Perrin 443 p., 24 €
  • Cinéma • Et mon cœur transparent

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    Et mon cœur transparent, un film de David et Raphaël Vital-Durand, avec Julien Boisselier (Lancelot, alias Paul), Caterina Murino (Irina) et Sara Giraudeau (Marie Marie), adapté du roman éponyme de Véronique Ovaldé.

     

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    « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
    D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime  (…)
    Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
    Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème »

                                                           Paul Verlaine 

    Cette fois-ci c'est Sara Giraudeau qui nous a attirés avec son minois mignon et sa voix  douce. Elle m'a effectivement envoûté dans la série du Bureau des Légendes. Sa participation dans ce mauvais thriller est malheureusement trop brève.

    Rien ne dynamise ou dynamite ce film même si on explose de joie avec le laboratoire. Il faut dire que depuis le levothyrox les ennemis de nos ennemis sont nos amis, et l'échec de la Manif pour tous nous a mis du côté des partisans de la manière forte.

    Contre les labos, néanmoins, rien ne vaut l'excellente fille de Brest. •  

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • Atlantico : « Le modèle suisse ou la force tranquille de la nation (n’en déplaise à Emmanuel Macron...) »

     

    2293089609.14.jpgIl nous paraît nécessaire que les royalistes - à l'Action française, notamment - prennent conscience de l'actuelle évolution des esprits. Elle est en réaction contre la pensée dominante dans de nombreux médias. Et elle gagne des publications dont ce n'était pas forcément la vocation d'y prendre part. Cette évolution nous paraît marcher du même pas que les transformations politiques en cours en Europe et Outre-Atlantique. L'entretien qui suit - en défense du nationalisme et du populisme - est paru dans Atlantico hier 5 juillet. Qu'on le lise ! Il est sur la même ligne que celle exposée en d'autres termes par Mathieu Bock-Côté [Article suivant]. Les textes ci-dessous sont parus sur Atlantico ...  .  LFAR  

     

    boutin.jpgLa Suisse met en vigueur ce 1er juillet une législation de « préférence indigène » avantageant la recherche d'emplois des résidents par rapport aux frontaliers. De son côté, Emmanuel Macron continue de cracher son venin sur les pays dont les choix nationalistes populaires les font passer, selon lui, pour des lépreux. 

    Atlantico : Emmanuel Macron dénonçait le 21 juin « la lèpre qui monte » « le nationalisme qui renaît, la frontière fermée que certains proposent » ce qui lui avait valu les réponses de Matteo Salvini, mais également de Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump qui a pu déclarer : « nous avons été traités de déplorables, d’obscurantistes et maintenant de lépreux… Les Français sont en train de réaliser combien Macron est devenu embarrassant. » Au delà de ces échanges, ne peut on pas voir un risque à critiquer ainsi les nations à priori ? N'est ce pas également nier le caractère parfaitement démocratique de certaines nations, et leur capacité à faire des choix ?

    Christophe Boutin : L’historien de l’évolution des sociétés démocratiques de la fin du XXe et du début du XXIe siècles sera certainement étonné de la violence et de la suffisance qui auront ponctué les réactions des représentants de la super-classe mondiale lorsque les peuples avaient le malheur de ne pas faire le « bon choix ». 

    Aux USA ou en Europe, dans ces États démocratiques dont le principe est pourtant, comme le rappelle l’article premier de notre Constitution, le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », c’est en effet aussitôt, de la part de l’oligarchie au pouvoir,un incommensurable mépris qui se déverse dans ce cas. « Lèpre », « sans dents », « déplorables », « racistes », tout est fait pour salir et stigmatiser ceux qui n’ont pas fait le choix de leurs princes. 

    Le même historien relèvera aussi les procédés mis en œuvre pour contrôler cette expression démocratique : atteinte à la liberté d’expression et au pluralisme des courants d’idée et d’opinion, pourtant censément garantis par les textes fondateurs des déclarations des droits, grâce à des lois pénalisant tout écart de la doxa ; organisation, après un blocage, d’une nouvelle consultation, en espérant un choix différent ; vote d’un texte d’abord rejeté par référendum par un Parlement aux ordres ; utilisation des « marchés » pour faire pression sur les économies des États frondeurs et leurs populations ; lenteurs dans la mise en œuvre des choix démocratiques par des négociations sans fin ou l’absence de textes réglementaires d’application ; refus d’organisation de nouveaux référendums ou de prise en compte des pétitions de citoyens ; organisation de manifestations « spontanées »… Refermant ses archives, cet historien verra peut-être dans tout cela une courageuse tentative des « sachants » pour museler enfin la plèbe ignare, ou, peut-être, l’une des causes de la révolution qui a suivi… il est encore trop tôt pour le dire.  

    Quoi qu’il en soit, il est intéressant de voir combien est grande chez cette oligarchie mondialiste la détestation de la nation. Belle idée, puisque de gauche, au XVIIIe, lorsqu’au nom de la nation on mettait à bas la monarchie, la nation, devenue de droite à la fin du XIXe siècle (Taine, Renan, Maurras…), est alors passée du côté obscur de la Force. Synonyme d’enfermement sur soi, vecteur des plus sombres pulsions, l’Union européenne ne cesse de nous rappeler que « le nationalisme, c’est la guerre ». La nation ne peut plus exister, à la rigueur, que comme dispensatrice de subsides à des résidents devenus tous citoyens, et qui peuvent ainsi, par la magie administrative, « faire nation » lors de cérémonies festives comme la coupe du monde de football. Mais qu’elle se prétende enracinée dans l’histoire, porteuse de valeurs voire, horrosco referens, d’une identité, voilà qui révulse nos oligarques.  

    Le problème est que si les peuples peuvent s’amuser à oublier leurs solidarités lors des périodes bénies de l’histoire, si tant est qu’il y en ait eu, en temps de crise ils cherchent au contraire à les retrouver : la peur ressoude, et elle ressoude ceux qui se ressemblent contre un ennemi commun qui prend la figure de l’Autre. On peut le déplorer, on peut penser qu’il faudrait au contraire, pour conjurer les violences, se jeter dans les bras de cet Autre, se dire que « si tous les gars du monde se donnaient la main cela ferait une ronde », mais l’historien cherche en vain des partisans de cette démarche qui aient survécu à la rencontre. Or dans ce cadre de crise qui est le nôtre en Europe en 2018, la nation est le plus vaste des cercles d’appartenance, la communauté cohérente la plus importante, et, malgré les critiques, elle ressurgit donc « naturellement » pourrait-on dire. 

    Par ailleurs si le nationalisme a parfois produit des emphases et des excès, il a tout autant favorisé le développement des arts, enrichi des cultures, développé des droits et libertés. Et il a su défendre l’ensemble lorsqu’il le fallait, c’est-à-dire lorsque les frontières - encore un gros mot pour certains, qui oublient qu’un groupe humain vit sur un territoire donné, qu’il façonne selon son génie propre - étaient menacées.  

    Le nationalisme ne mérite donc pas cet excès d’indignité, qui s’explique sans doute plus par le fait qu’il ose lutter pour garantir la protection de la communauté nationale contre les effets délétères d’une économie mondialisée qui reste l’horizon ultime de nos oligarques. Ce qu’ils reprochent à la nation, c’est de freiner l’avènement de ce monde nouveau où les winners pourront enfin régner sans partage. Mais le risque, pour tous ces donneurs de leçons, est de laisser par trop voir le décalage qui existe entre les principes de la démocratie, répétés comme des mantras puisque, pour que le peuple ne se soulève pas, il faut, rappelle Tocqueville, qu’il pense tenir la chaîne qui lie collectivement ses membres, et la réalité d’un pouvoir inégalitaire. 

    Alors que la Suisse met en vigueur ce 1er juillet une législation de « préférence indigène » avantageant la recherche d'emplois des résidents par rapport aux frontaliers, ou que le Japon, après une longue période de refus de l'immigration, a pu ouvrir ses frontières afin de faire face à ses besoins, comment expliquer notre regard moral posé face aux choix réalisés par les nations ? Comment expliquer ce regard porté sur des décisions prises de façon démocratique dans le cadre national ?

    Les nations, dont l’objectif principal est de « persévérer dans leur être », ce qui ne veut pas dire fixisme mais évolution volontaire, ont toute légitimité pour agir comme elles le veulent, « ouvrant » ou « fermant » leurs frontières en fonction de leur seul intérêt. Et à partir du moment où, si la règle du jeu national est la démocratie, les règles démocratiques ont été respectées lors des débats et des votes, la décision prise par la nation, soit directement par le référendum, soit par ses représentants, est juridiquement parfaitement légitime.  

    On objectera qu’elle doit encore respecter le « droit » - la loi française devant par exemple respecter la Constitution, et pouvant être sanctionnée par le Conseil constitutionnel lorsque ce n’est pas le cas. Mais n’oublions pas que, d’une part, le Conseil constitutionnel refuse de contrôler la conformité de lois référendaires qui sont l’expression directe du peuple souverain, et, d’autre part, qu’en cas de désaccord il y a toujours la possibilité pour ce même peuple souverain de réviser la Constitution pour amener le juge constitutionnel à accepter ses choix. Reste, c’est vrai, l’existence de juges supranationaux, au premier rang desquels la Cour européenne des droits de l’homme, mais sa légitimité ne résulte que de la signature d’un traité, qui peut toujours être dénoncé, et non d’une sorte de mystique d’un droit supranational. 

    Rien n’explique donc les termes employés pour critiquer certains choix, sinon la nécessité, lorsque la critique politique n’est plus possible, de la remplacer par une critique morale. Au nom d’une pseudo-morale pseudo-universelle, au nom en fait de la doxa de la classe dominante traduite en termes binaires de conflits entre le « Bien » et le « Mal », relayée ad nauseam par des médias peuplés de ces intellectuels organiques décrits par Gramsci comme servant à domestiquer la société, éclairée par ces images passant en boucle qui achèvent, dans le monde moderne, de sidérer les populations, on prétend discréditer la thèse démocratiquement majoritaire et conférer une légitimité absolue, parce que « morale », à celle qui a été rejetée.   

    En quoi ce biais visant à lier « nation » et « lèpre », niant les nations démocratiques, peut-il justement conduire à renforcer des acteurs du type de Steve Bannon ou Matteo Salvini, dont les objectifs peuvent parfois être classés dans une rubrique plutôt « nationaliste » ? 

    Comme le dit Steve Bannon dans le même entretien, « l’autorité ne vient pas de l’imagination » - comprendre ici de ce délire moralisateur qui ne repose que sur du vent – « mais de la réalité. Et la réalité, c’est que Macron parle pendant que Salvini ou Orbán agissent ». On peut en effet tenter d’écarter des thèses, de les interdire de parole, de cacher des informations, de travestir la réalité. On peut, comme dans le conte bien connu d’Andersen, faire croire que l’empereur porte un merveilleux costume quand il est nu. Mais un jour vient où la réalité, brute, violente, évidente, ne peut plus être niée.  

    « Macron consacre toute son énergie à essayer de contenir la vague populiste – continuait Bannon - et c’est tout ce qu’on retiendra de lui. Mais il est impossible de la stopper. » Il est certain en tout cas que ce n’est pas en occultant les éléments qui ont contribué à créer cette vague, comme le choc migratoire ou la revendication identitaire, et en stigmatisant de manière  méprisante nationalistes et populistes, que les peuples européens ne se rendront pas compte que l’empereur est nu.Le décalage entre le discours moralisateur et la réalité du quotidien ne peut donc que servir les discours réalistes. 

    Pourquoi alors les moralisateurs ne s’en rendent-ils pas compte ?

    Parce que nous en sommes arrivés à une véritable incommunicabilité paradigmatique entre les « progressistes » et les « conservateurs », entre « les moralisateurs » et les « réalistes » : ce sont les mêmes mots qui sont utilisés (nation, démocratie…), mais ils n’ont plus le même sens dans l’esprit de ceux en usent ou les entendent, au point que les gardiens de la doxa ne se rendent plus compte que les éléments critiques qu’ils présentent (« c’est un nationaliste ») servent en fait dans l’esprit d’une grande partie de nos populations ceux qu’ils voudraient abattre. Un cas d’école qui fascinera certainement l’historien que nous évoquions.   

    Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment  publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009)  et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017).

     Voir la bio en entier

  • Bock-Côté : « Depuis une quarantaine d'années, on a assisté à la criminalisation progressive du sentiment national, »

     

    2293089609.14.jpgGRAND ENTRETIEN - Dans une charge contre le multiculturalisme et le politiquement correct, le sociologue québécois puise dans l'actualité récente des exemples éloquents : suppression du mot « race » de la Constitution, passages piétons aux couleurs de la gay pride à Paris... Bien d'autres sujets essentiels sont évoqués dans cet entretien foisonnant et sans concession réalisé par Alexandre Devecchio pour Figarovox [29.06]. Serons-nous d'accord sur tout ? Pas forcément. Sur le fond, sur la pensée si riche de Mathieu Bock-Côté, nous le serons, à l'évidence.  LFAR 

     

    Sur fond de moralisation de la question migratoire et de radicalisation féministe, les députés ont voté en commission le retrait du terme «race» de l'article 1er de la Constitution et y ont également introduit l'interdiction de « distinction de sexe ». Que cela vous inspire-t-il ? 

    Cela faisait un bon moment que la proposition d'un retrait du terme « race » de la Constitution traînait dans le paysage politique. On rappelle avec raison que François Hollande en avait fait la promesse lors de l'élection présidentielle de 2012. Le raisonnement est le suivant : si les races n'existent pas, comme on le dit aujourd'hui, pourquoi les mentionner ? Ils y voient l'aboutissement constitutionnel d'un antiracisme authentique. Pourquoi pas ?

    Mais il y a néanmoins un paradoxe étonnant sur lequel on doit se pencher : c'est au moment où on veut bannir le mot race que la question raciale resurgit au cœur de la vie politique, à travers l'action des groupuscules identitaires d'extrême-gauche, dont les Indigènes de la République sont emblématiques. La mouvance indigéniste entend achever la décolonisation en dénationalisant la France, ce qui implique à la fois sa soumission et sa conversion à un multiculturalisme qui veut non seulement réintroduire la race dans le débat public, mais qui veut en faire la catégorie fondatrice de la citoyenneté et de la représentation. Elle pousse à une racialisation des appartenances qui accule ensuite au séparatisme racial revendiqué, comme on le voit avec la multiplication des « rencontres non-mixtes pour personnes racisées » dans le milieu universitaire, pour emprunter les termes de la novlangue diversitaire. En fait, si on se penche un peu sur les textes de référence de cette mouvance, on constate qu'elle cultive un racisme antiblanc décomplexé. S'il y a une tentation raciste en France, elle vient de là. La mouvance indigéniste excite le repli communautariste et cherche à fissurer le noyau intime de la nation. Mais cela ne semble pas troubler exagérément les grands médias, qui accueillent les représentants de cette mouvance à la manière de grands démocrates. La haine raciale est officiellement proscrite, sauf lorsqu'elle vise ceux qu'on nous invite à appeler les « Blancs » parce qu'il s'agirait simplement d'une critique des « dominants » par les « racisés ». La mauvaise conscience occidentale a de l'avenir.

    Qu'on me permette un mot sur cette sociologie racialiste qui s'impose de plus en plus dans l'université. Faut-il mettre le Français, l'Allemand, l'Écossais, l'Anglais, le Russe, le Letton, le Québécois et le Néerlandais dans la même catégorie parce qu'ils sont « Blancs » ? Faut-il faire de même avec le Malien, l'Haïtien, le Kenyan et l'Afro-Américain parce qu'ils sont « Noirs » ? Cette racialisation débile des appartenances est incroyablement régressive : elle pousse à l'abolition de l'histoire et de la culture pour naturaliser les groupes humains en grandes catégories zoologiques. Mais puisque cette proposition vient de la gauche, ou du moins, d'une certaine frange de la gauche radicale, on l'accueille favorablement, ou du moins, sans trop la condamner.

    Alors devant cela, je me demande quel est le sens de ce vote des députés, qui me semblent incroyablement détachés du réel politique, auquel ils devraient pourtant porter attention. Que pensent les députés qui se sont ralliés à cet amendement de cette effrayante racialisation des appartenances ?

    Ce progressisme langagier peut-il vraiment réduire ou corriger les injustices et les inégalités ?

    Allons-y d'une évidence : le langage évolue, et d'une époque à une autre, il y a une forme de tri naturel qui n'est rien d'autre qu'un mouvement de civilisation des mœurs. Dans notre monde, on ne dit plus nègre, on ne dit plus rital, on ne dit plus youpin, et globalement, c'est très bien. L'histoire de la politesse nous rappelle que ce qui peut se dire ou ne pas se dire d'une époque à l'autre varie et on peut se réjouir que certaines insultes hier prisées méritent aujourd'hui à ceux qui les emploient une très mauvaise réputation. Il arrive aussi que ce souci de « politesse » bascule dans l'euphémisation du réel, lorsque le sourd devient le malentendant ou l'aveugle, le non-voyant. On ne sait pas trop ce qu'on gagne à parler ainsi, sinon à déréaliser le langage et à l'enfermer dans un univers autoréférentiel.

    Mais ce n'est plus de cela dont il s'agit ici dans cette orwellisation du langage qui caractérise aujourd'hui la langue médiatique. Souvent, il s'agit de masquer le réel, tout simplement, comme c'est le cas avec la référence obsédante au vivre-ensemble, au moment même où la société se décompose et s'effiloche. Il peut aussi inverser le sens du réel. Il faudrait se souvenir de Jacqui Smith, l'ancienne ministre de l'intérieur britannique, qui en 2008, avait affirmé qu'il fallait parler non plus d'attentats islamistes, mais anti-islamiques, parce qu'ils seraient contraires à la vocation naturellement pacifique de l'islam. De la même manière, quand un homme comme Jacques Toubon joue avec les chiffres et les définitions pour laisser croire que l'immigration massive n'a pas eu lieu en France depuis 40 ans, comme on l'a vu récemment, il s'engage dans un travail de falsification de la réalité qui pousse le commun des mortels à croire que les autorités cherchent moins aujourd'hui à agir sur le réel qu'à le dissimuler. Cette idéologisation du langage devrait nous pousser à relire Milosz et Koestler, qui ont consacré des pages lumineuses à l'aveuglement idéologique.

    La guerre culturelle, qui s'est substituée à la lutte des classes, est d'abord une bataille pour déterminer la signification de notre univers symbolique et pour transformer les codes et repères qui constituent le monde commun. On veut déterminer les paramètres de la perception commune et décider quels phénomènes sociaux ou aura le droit de voir ou non. Comment se représente-t-on la société ? Comment a-t-on le droit de la représenter ? En fait, le politiquement correct est un dispositif inhibiteur installé au cœur de l'espace public qui a pour fonction de refouler dans ses marges ceux qui affichent leur dissidence avec l'orthodoxie diversitaire. Et le politiquement correct se radicalise au rythme où la société diversitaire se décompose, comme s'il fallait à tout prix empêcher qu'on en tienne compte. De ce point de vue, le multiculturalisme est un régime idéocratique et autoritaire.

    Je vous donne un exemple : on parle beaucoup, depuis quelques années, d'une « libération de la parole xénophobe » et il est bien vu de s'en inquiéter. Il y aurait même une montée de l'intolérance en Europe, et la démocratie serait mise en péril par la tentation du repli identitaire - on connaît ce lexique. Mais on peut voir les choses autrement : depuis une quarantaine d'années, on a assisté à la criminalisation progressive du sentiment national, au point où même la forme la plus bénigne de patriotisme a été assimilée à une inquiétante dérive nationaliste. À travers cela, c'est le besoin d'enracinement qu'on a moralement disqualifié. Il n'est plus légitime, pour un peuple, de vouloir assurer sa continuité historique ou de défendre ses frontières devant l'immigration massive sans qu'on présente de telles aspirations comme autant de symptômes de la progression de l'extrême-droite dans la vie publique.

    Alors s'agit-il vraiment d'une libération de la parole xénophobe, ou du simple éclatement d'une digue idéologique et médiatique qui censurait le sentiment national ? S'agit-il d'un retour du racisme 70 ans après la deuxième guerre mondiale ou d'un refus enfin affirmé de xénophobiser tout ce qui relève de près ou de loin de la nation ? À tout le moins, on comprend que toute bataille politique suppose une bataille pour définir la réalité, mais celle-ci n'est pas infiniment malléable et elle finit par regagner ses droits, que nous la regardions en face ou non.

    Plus anecdotique, Anne Hidalgo a décidé d'installer de manière permanente des passages piétons LGBT après qu'un passage piéton « arc-en-ciel » a été recouvert d'insultes homophobes. Dans le même temps, l'Assemblée nationale sera pour la première fois pavoisée aux couleurs LGBT. Cette politique en direction des minorités, sous prétexte de lutte contre les discriminations, ne trahit-elle pas finalement l'idéal égalitaire et anti-communautaire républicain ?

    Je ne suis pas certain que cela soit si anecdotique. Ces insultes contre les homosexuels sont inadmissibles, évidemment, et il est bien qu'on le dise, qu'on le répète, même. Ils relèvent d'une bêtise crasse, abjecte et militante qui devrait avoir honte d'elle-même.

    Mais on voit ici comment le politiquement correct récupère ces insultes pour les instrumentaliser : on cherche ainsi à faire croire qu'elles seraient symptomatiques d'une renaissance du démon de l'homophobie qui hanterait la France. Il faudrait urgemment se mobiliser contre lui pour le chasser de la cité. Cela correspond à la sociologie diversitaire qui soutient que les sociétés occidentales se définiraient aujourd'hui essentiellement par une structure patriarcale, homophobe, raciste et sexiste qu'il faudrait faire tomber urgemment. Pouvons-nous raison garder ? On constate ici que le système médiatique est prêt à récupérer n'importe quel événement pour maintenir en vie ce grand récit de l'hostilité occidentale à la différence.

    XVM70472746-7bc0-11e8-9b13-5c6ef20204ff-400x500.jpgEt cela peut aller plus loin. Si la France suit la pente nord-américaine, c'est au nom de la lutte contre l'homophobie, et demain, contre la transphobie, qu'on voudra de nouveau la convertir à la théorie du genre ou qu'on militera pour la reconnaissance d'un troisième sexe normalisé dans les formulaires administratifs, et cela, pour en finir avec la représentation binaire de la différence sexuelle. Et comme on doit s'y attendre, à ce moment, ceux qui ne participeront pas aux applaudissements obligatoires seront rangés dans le camp des réactionnaires. Cela devrait nous amener à réfléchir à la « lutte contre les discriminations », à laquelle en appellent tous les politiques, sans prendre la peine de réfléchir au cadre théorique dans lequel elle s'inscrit et qui la justifie. La moindre différence est désormais pensée comme une discrimination illégitime à combattre.

    Autre chose. Il faudrait se questionner sur ce qui, dans le logiciel médiatique, permet de transformer un fait divers en fait politique. Ces insultes sont comprises comme un événement politique exigeant une réponse politique. Mais quelle est la matrice idéologique qui transforme les faits divers en faits politiques, et comment fonctionne-t-elle ? Pourquoi, par exemple, le scandale de Telford est-il traité comme un fait divers n'ayant aucune signification particulière ? Pourquoi avons-nous parlé avec tant de pudeur des agressions sexuelles à grande échelle de Cologne ? Pourquoi la hausse de l'insécurité causée par l'immigration massive est-elle tue, ou même niée, au point même où ceux qui en font mention passent pour des agitateurs racistes et des prêcheurs de haine ?

    En fait, tout ce qui remet en question la grandeur de la société diversitaire est abordé avec une gêne extrême : on craint que si l'information se rend au peuple, ce dernier n'en tire des conclusions indésirables. Alors on ira même jusqu'à criminaliser les porteurs de mauvaises nouvelles, comme on le voit avec les procès idéologiques à répétition, qu'ont subi bien des intellectuels et journalistes français ces dernières années.

    De manière plus large, est-on en train d'assister en France à un nouveau tournant politiquement correct? Régis Debray a-t-il raison de parler d'américanisation de l'Europe ?

    Je ne suis pas particulièrement porté à l'anti-américanisme mais je constate qu'il est aujourd'hui nécessaire de critiquer une nouvelle forme d'impérialisme idéologique qui vient d'Amérique et qui pousse chaque nation à la déculturation. Ce n'est pas être anti-américain que de ne pas vouloir devenir américain et de ne pas vouloir plaquer sur la France des catégories historiques et sociologiques qui n'ont rien à voir avec elle. Pour parler du politiquement correct, on pourrait peut-être même parler, pour s'inscrire dans l'histoire culturelle américaine, d'une forme de puritanisme idéologique, qui consiste à vouloir purger une société de toutes ses aspérités culturelles et symboliques, pour les rendre conformes au dogme diversitaire. Il faut refouler les mauvais sentiments que nous inspire la postmodernité et envoyer sans cesse à ses contemporains des signes ostentatoires de vertu, pour emprunter la formule de Vincent Trémolet de Villers. On le fera en dénonçant rituellement, et sur une base quotidienne, s'il le faut, les phobies qui polluent notre monde, quitte à en inventer des nouvelles, comme la grossophobie ! Ceux qui prendront la peine de s'intéresser à ce que devient aujourd'hui l'université américaine et aux types de controverses qui l'animent seront sincèrement horrifiés.

    Mais on peut aussi voir dans l'idéologie diversitaire qui a fait du politiquement correct son régime de censure médiatique une poursuite de la tentation totalitaire qui hante la modernité et qui se présente aujourd'hui sous un nouveau visage. De nouveau, on rêve à un monde réconcilié, réunifié et absolument transparent à lui-même. Un monde sans identités, mais aussi sans carnivores, sans fumeurs, sans buveurs, sans dragueurs, sans aventuriers et sans relations particulières, c'est-à-dire un monde sans amitié, absolument programmé, lisse, amidonné - un monde qui aurait fait mourir d'ennui un Joseph Kessel et qui donnerait des envies d'exil à un Sylvain Tesson. Nous recommençons à rêver de l'homme nouveau, mais il s'agit cette fois de l'homme sans préjugés, délivré de ses appartenances, de sa culture, de ses désirs et du vieux monde auquel il était encore lié. Le politiquement correct a pour vocation d'étouffer la part du vieux monde encore vivante en lui pour lui permettre d'enfin renaître après son passage dans la matrice diversitaire, purifié et prêt à embrasser une nouvelle figure de l'humanité, délivrée de cette préhistoire morbide qu'aura été l'histoire de l'Occident. Car pour que l'humanité nouvelle advienne, on doit d'abord en finir avec l'Occident en général et l'Europe en particulier. Si on ne comprend pas cela, on ne comprend fondamentalement rien au progressisme d'aujourd'hui.

    Ce politiquement correct a été embrassé depuis longtemps en Amérique du Nord. Quand est-il né exactement? Comment a-t-il imposé son hégémonie culturelle ?

    En un mot, il naît sur les campus américains, à partir de la fin des années 1960, et se développe jusqu'aux années 1980, où il commence à s'institutionnaliser dans l'université, avant de devenir médiatiquement hégémonique avec les années 2000. C'est le fruit des Radical Sixties et d'un croisement bien particulier entre le néomarxisme et les formes les plus toxiques de la contre-culture. Très schématiquement, il repose sur une critique radicale de la civilisation occidentale, accusée d'avoir construit une figure aliénante de l'homme, qu'il faudrait déconstruire en s'appuyant sur les différentes minorités qui auraient subi son hégémonie. Il faut dès lors attaquer ou censurer ce qui était encore hier la norme majoritaire de nos civilisations, et valoriser ce qui était marginalisé ou laissé de côté. Sur le plan philosophique, le politiquement correct repose sur une inversion radicale du système normatif de notre civilisation, qui doit désormais neutraliser et déconstruire son noyau existentiel, pour se définir désormais à partir de ceux et celles qu'elle aurait historiquement exclus, qui sont désormais investis d'une charge rédemptrice quasi-religieuse.

    XVM172b90d4-7bc0-11e8-9b13-5c6ef20204ff-300x400.jpgConcrètement, le politiquement correct repose aujourd'hui sur une culture de la surveillance généralisée: tout ce qui entre en contradiction avec l'orthodoxie diversitaire est dénoncé et monté en scandale par des groupuscules à la psychologie milicienne qui se comportent comme des professionnels de l'indignation - et il s'agit d'une profession rentable. Pas une semaine ne se passe sans qu'on ne dénonce telle ou telle rémanence du vieux monde et sans qu'on nous répète que nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour accoucher de la société diversitaire idéale. Le politiquement correct carbure aux scandales, de temps en temps réels, la plupart du temps artificiels, qu'il sait mettre en scène pour garder la société vigilante contre l'éternel retour du monde d'hier, même sous la forme apparemment neutralisée de la nostalgie. Jamais il ne baisse la garde, jamais il ne veut la baisser. Souvent, il devient ridicule, comme on l'a vu avec la controverse de l'écriture inclusive, et alors, il feint de s'arrêter, mais c'est pour reprendre sa croisade dès que le cycle de l'actualité a repris son cours. De ce point de vue, toute critique du politiquement correct implique une critique du fonctionnement du système médiatique et une explicitation de ses biais inavoués.

    N'a-t-il pas été ébranlé par l'élection de Donald Trump ? La gauche intellectuelle américaine a-t-elle entamé un début d'auto-critique sur ce sujet ?

    Au contraire. La gauche intellectuelle américaine se radicalise. Elle ne doute plus d'elle-même. Devant Trump, qui incarne de manière caricaturale et convenons-en, souvent détestable tout ce qu'elle exècre, elle est ivre de vertu et fait valoir encore plus sa splendeur morale. Jamais elle n'a moins douté que maintenant. Avec un grand esprit de sérieux, elle se demande doctement si l'Amérique ne bascule pas vers le fascisme. On devrait être capable de critiquer la présidence souvent inquiétante de Trump sans verser dans une telle outrance - mais la gauche idéologique est-elle capable de s'imaginer un adversaire qui ne soit pas un ennemi du genre humain ? Sa tentation, à laquelle toujours elle cède, c'est la croisade morale pour chasser de la cité ceux qui ne souscrivent pas à ses dogmes. Elle ne croit pas au pluralisme politique: elle distingue entre l'avant-garde, qu'il faut célébrer, et dans laquelle elle se reconnaît, et l'arrière-garde, assimilée au bois-mort de l'humanité, dont il ne faut pas s'encombrer et qui est de toute façon condamnée par le sens de l'histoire. Au fond d'elle-même, elle croit à la vertu politique de l'ostracisme. Ce qui la menace, toutefois, c'est qu'une part de plus en plus importante de la population se fiche désormais des campagnes de salissage médiatique. Plus encore : plus les médias désignent à la vindicte publique un homme ou une idée, plus cette frange de la population s'y identifie. La société se polarise comme jamais.

    Cette idéologie étrangère à la culture européenne, en particulier française, peut-elle s'imposer durablement sur le vieux continent ? Ne risque-t-elle pas de nourrir, comme aux États-Unis, une réaction « populiste » ?

    On sous-estime le poids de la révolte contre le politiquement correct dans ce qu'on appelle la poussée populiste contemporaine. Le commun des mortels s'exaspère avec raison contre le contrôle tatillon du langage, contre le culte immodéré des minorités quelles qu'elles soient, contre les délires idéologiques comme l'écriture inclusive, contre un certain féminisme radical qui n'en finit plus d'en appeler à la charge contre le patriarcat alors que nos sociétés n'ont jamais été aussi égalitaires, contre la mouvance trans et queer qui veut déconstruire les fondements même de la différence sexuelle, et ainsi de suite. Le commun des mortels sent qu'on veut transformer radicalement sa culture et naturellement, il se braque. Il y a des limites à faire semblant de rien devant un tel matraquage idéologique. Nos sociétés, avec raison, sont prêtes à s'ouvrir à une pluralité de modes de vie, c'est la grandeur des sociétés libérales, mais n'ont pas particulièrement envie d'être transformées en un grand camp de rééducation idéologique à ciel ouvert avec des sermonneurs sur toutes les tribunes qui les accusent d'être arriérées. Permettez-moi aussi une petite réflexion sur le « populisme ». Le « populisme » est un gros mot, très rarement défini, dont on fait usage pour disqualifier moralement et politiquement ceux qui affichent leur dissidence avec l'orthodoxie diversitaire. On s'alarme de sa montée sans jamais nous dire exactement de quoi il s'agit. Et on peut croire que la dénonciation désormais rituelle du populisme dans les médias contribue à cette exaspération populaire, qui pousse aux révoltes électorales comme l'élection de Trump, le Brexit ou l'élection italienne.

    Alain Finkielkraut insiste sur la nécessité de refuser « le politiquement correct » sans pour autant verser dans « le politiquement abject ». Dans un contexte de crise de l'Occident, cet équilibre va-t-il devenir de plus en plus précaire ? Comment le préserver malgré tout ?

    Je partage le même souci qu'Alain Finkielkraut. Le politiquement correct comme le politiquement abject sont les deux faces d'une même médaille et ils s'expriment souvent d'une manière absolument détestable sur les médias sociaux. Mais je vous avouerai mon pessimisme : je crois de moins en moins en l'avenir de la courtoisie démocratique, nécessaire à la conversation civique, même si je la crois absolument nécessaire. Pour que la politique soit civilisée, ou du moins, pour qu'on contienne sa charge polémique, elle doit s'inscrire dans un monde commun, qui transcende nos désaccords les plus profonds. Ce cadre, c'était la nation. Quand elle se décompose, c'est une psychologie de guerre civile qui remonte à la surface. Je ne suis pas certain que nous puissions contenir, du moins pour un temps, la radicalisation de la rhétorique politique. Sur internet, je l'ai dit, plusieurs se complaisent dans la fange. La vie publique devrait exiger une certaine décence. Elle suppose aussi une pluralité légitime de points de vue : aucun camp ne devrait réclamer pour lui le monopole du vrai, du bien et du juste.

    Mais je suis convaincu d'une chose : plus le discours dominant fonctionnera au déni de réel et plus il diabolisera ceux qui cherchent à en rappeler l'existence, plus il poussera à la révolte de grandes couches de la population et dégagera un boulevard pour des entrepreneurs politiques qui sauront canaliser cette exaspération. En fait, cette recomposition est déjà commencée. Reste à voir quel visage elle prendra.   ■ 

    Mathieu Bock-Côté        

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politiquevient de paraître aux éditions du Cerf [2016].

     

    1630167502.jpgXVM8d8b71a4-8f2b-11e7-b660-ef712dd9935a-150x200.jpgAlexandre Devecchio est journaliste au Figaro, en charge du FigaroVox. Il vient de publier Les Nouveaux enfants du siècle, enquête sur une génération fracturée (éd. du Cerf, 2016) et est coauteur de Bienvenue dans le pire des mondes (éd. Plon, 2016).

    Alexandre Devecchio

  • Migrants : Émmanuel Macron sur la même pente glissante qu’Angela Merkel

     

    Par Marc Rousset

     

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    Emmanuel Macron fait figure d’exception isolée en Europe, luttant à contre-courant, tandis que Merkel est sur la sellette. « Merkel muß Weg » (« Merkel doit quitter le pouvoir »), pensent de plus en plus d’Allemands.

    Macron suivra inexorablement Merkel sur la pente glissante et descendante. En Italie, 62 % des sondés approuvent la politique migratoire du gouvernement et soutiennent la décision de fermer les ports aux bateaux de migrants.

    Laurent Wauquiez a tout juste en soulignant que la crise migratoire est le révélateur de l’incapacité européenne à protéger, qu’il faut reconduire les migrants dans les ports de départ et mettre en place une force navale militaire européenne pour contrôler la Méditerranée. L’idée émise par « Jupiter » de créer des centres d’accueil sur le sol européen est digne d’un technocrate irresponsable, irréaliste. Cela aurait pour effet de créer un nouvel appel d’air.

    Le seul modèle migratoire acceptable pour l’Europe est le modèle australien. Le « en même temps » pour naïfs inconscients ne fonctionne pas. Il faut choisir entre invasion migratoire et fermeté la plus totale au nom de l’éthique de la conviction, de la responsabilité et non pas de la morale, car toute faille finit par devenir une brèche béante avec écroulement final du mur. En cas de guerre, face à une invasion, on ne construit pas des ponts ; on les fait, au contraire, sauter sous peine de passer devant le conseil de guerre pour faute lourde ou trahison.

    En Australie, les migrants originaires d’Afghanistan, du Sri Lanka ou du Moyen-Orient prenaient la mer à partir de l’Indonésie pour débarquer sur les côtes septentrionales du pays-continent. 1.200 personnes ont péri noyées lors des traversées. Le gouvernement a opté pour la tolérance zéro. Les bateaux de migrants ont été systématiquement refoulés par les bâtiments de la marine de guerre australienne. Les migrants qui parvenaient malgré tout à passer étaient exilés dans des camps de rétention reculés du Pacifique à Nauru et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, même si leur demande d’asile était jugée fondée. Cette politique a été couronnée de succès et il n’y a plus une seule arrivée clandestine en Australie !

    C’est certainement ainsi qu’aurait aussi réagi Napoléon en réglant le problème ultra-simple de l’immigration extra-européenne en cinq minutes quant aux décisions à prendre, alors que cela fait quarante ans que nos démocraties décadentes palabrent, s’interrogent, tout en se faisant envahir sans réagir. Plus de 460.000 arrivées par an, entre les clandestins et les immigrés légaux en France avec Macron : de la folie furieuse digne de la haute trahison.

    Le ministre de l’Intérieur australien Peter Craig Dutton estime à encore 14.000 les migrants attendant un bateau en Indonésie. « Il est essentiel que les gens se rendent compte que les succès obtenus de haute lutte ces dernières années pourraient être mis par terre par un seul geste de compassion », a-t-il prévenu. Avec la précision suivante : « Les bateaux ont disparu, mais si un seul bateau réussit à gagner l’Australie, la nouvelle se répandra comme une traînée de poudre. »

    C’est ce que ne veut pas comprendre ou feint de ne pas comprendre Macron avec sa politique clownesque ambiguë du « en même temps ». On ne peut fermer, le lundi, les ports français aux migrants de l’Aquarius et, le mardi, décider d’en accueillir, une fois qu’ils sont arrivés en Espagne. Quant au projet de loi Asile et Immigration, il augmente les durées administratives de rétention, qui ne servent pratiquement à rien, tout en renforçant la pression migratoire, puisqu’il facilite la réunification familiale pour les mineurs arrivés en France.

    Macron doit apprendre à choisir ou s’en aller ! Le vent a tourné, en Europe, dans le sens des peuples qui ne veulent pas mourir. Macron, le Gorbatchev du Système, doit arrêter d’illusionner en matière d’immigration comme en matière de réduction des dépenses publiques et d’imposition des Français ! Les élections européennes seront son premier chant du cygne.  • 

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    Économiste

    Ancien haut dirigeant d'entreprise

  • Accord sur les migrants : l'Italie et l'Autriche, nouveaux chefs de file de l'Europe ?

     

    2293089609.14.jpgDans cet intéressant entretien donné à Figarovox [4.07], au lendemain du dernier conseil européen, Jean-Thomas Lesueur, expose comment les leaders des pays d'Europe centrale et d'Italie sont désormais les hérauts d'une opinion européenne de plus en plus favorable à un durcissement de la politique migratoire. C'est cette voix qu'ils ont fait entendre au Conseil européen. 

     

    Le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte semble être parvenu à imposer ses conditions lors des négociations sur les migrants. L'Italie est-elle en train de prendre un rôle de leader en Europe ? 

    Sur cette question, en effet. À la lecture du communiqué du Conseil européen, on trouve une inflexion, qu'on peut trouver trop lente bien sûr, dans le sens d'un durcissement de la réponse à la question migratoire. Dans le vocabulaire employé, on relève des euphémismes, des prudences, tout un champ lexical de pondération, mais il est notamment question du rôle des ONG, ce qui est nouveau. On assiste à une prise de conscience des peurs que suscite en Europe la question migratoire, et de la volonté de juguler les flux de la part des dirigeants européens. Et c'est assurément par l'Italie et l'Autriche que ces changements adviennent. On a beaucoup dit, hier soir, que le processus bloquait parce que l'Italie avait des revendications particulières qu'elle voulait voir prises en compte. Or c'est justement grâce au rôle de l'Italie que ce conseil a lieu et que la stratégie européenne de contrôle des flux commence à changer.

    L'accord signé est-il significatif ? On voit que beaucoup de décisions reposent sur le volontariat des pays, notamment pour établir des postes de contrôle en dehors de l'Union européenne. Que va-t-il sortir de concret ?

    Je pense que l'Italie va se sentir confortée dans sa stratégie de refus d'accueillir les navires de migrants. Concrètement, tout conduit à une décomplexion par rapport aux mesures de restriction de l'immigration et d'interdiction d'accès aux ports nationaux. Malte en profitera peut-être aussi pour durcir l'accueil des navires de migrants.

    Quant aux décisions prises, elles reposent effectivement sur le volontariat. Lorsque l'on suit cela de près, rien de très neuf n'émerge de cet accord. Il s'agissait d'abord, pour les dirigeants européens, que ce sommet ne tourne pas au psychodrame : ça aurait pu bien mal finir ! Les partisans d'une politique migratoire ferme prennent la main, mais Bruxelles et pas mal d'États membres restent dans l'optique d'une politique européenne concertée. Toute la culture européenne est une culture de consensus et de compromis. Et cette recherche d'équilibre est fragile. Il n'y a plus que Macron, à la sortie du conseil, pour mettre en avant l'idée d'un « dialogue européen ». Les autres chefs d'État ou de gouvernement ont plutôt insisté sur la nécessité de tarir les flux migratoires.

    La position de la France est-elle hypocrite ?

    Oui, c'est le triomphe du « en même temps ». Cela dit, Emmanuel Macron n'invente rien : François Hollande faisait la même chose, à savoir accueillir beaucoup moins de migrants que prévu sans l'assumer publiquement. Sur le fond, Macron est soulagé de ne pas avoir à assumer l'accueil de nouveaux migrants auprès de sa population, et publiquement il se targue de respecter les droits de l'homme et de bousculer l'Europe sur cette question.

    Pourquoi les récalcitrants, comme l'Autriche ou la Hongrie, ont-ils signé l'accord, si ce n'est pour sa flexibilité et le flou qui entoure les décisions prises ?

    Le fond de l'accord est assez peu contraignant, voilà le fond de l'affaire. L'Italie va par exemple pouvoir continuer sa politique de fermeté migratoire avec ce qui apparaît comme une forme de blanc-seing de la part du conseil européen. Politiquement, c'est une vraie victoire pour elle. Les Autrichiens ou les Italiens se rendent d'ailleurs compte que leur position est exactement celle attendue par les populations d'Europe occidentale. Cela constitue une situation politique inédite : la convergence d'un message porté par les dirigeants d'Europe centrale et italiens et des attentes d'une large partie de l'opinion des pays de l'Ouest. Politiquement, les résultats sont encore difficiles à cerner. Il reste que, sociologiquement et culturellement, les pays d'Europe de l'Est ont une influence considérable et portent une parole influente dans toute l'Europe. Ce qu'Angela Merkel et Emmanuel Macron sont obligés de prendre en compte.

    Comment va-t-on « trier » entre les migrants économiques et les réfugiés qui demandent l'asile ? Quels moyens seront mis en œuvre ?

    Le « laboratoire » de cette mesure sera l'Italie. Il faudra installer de vrais moyens, des hommes, du matériel et des procédures, notamment à la frontière entre la Libye et le Niger. Et l'enjeu portera sur la durée des procédures, qui doit passer de plusieurs mois à seulement quelques semaines. Mais il va sans dire que les migrants n'iront pas s'arrêter volontairement à ces postes de tri… Un Sénégalais de vingt ans, par exemple, qui tente d'atteindre l'Europe ne fuit ni la guerre, ni aucune persécution, ni même la famine, il n'a donc pas de moyens légitimes d'obtenir l'asile : il ne s'y présentera pas de lui-même.

    Il faut ainsi mettre les moyens pour obtenir une vraie politique migratoire européenne et renforcer le mécanisme de garde-frontières européens. Ce qui demanderait un coût de plusieurs milliards: l'Union européenne sera de toute façon amenée à dépenser beaucoup d'argent pour mettre au point cette politique réclamée par les peuples… Car raccompagner un clandestin à la frontière coûte cher.

    Et que deviendront les migrants des navires de sauvetage en mer affrétés par les ONG ?

    C'est la première fois que le sujet est évoqué dans les conclusions d'un Conseil européen. Je pense que, pour un pays comme l'Italie, cela ouvre la possibilité de mieux contrôler ses eaux, voire d'aller intervenir au plus près des ports libyens pour bloquer les passeurs ou les ONG en mettant ensuite ses partenaires devant le fait accompli. L'Italie aurait d'ailleurs l'aval des populations européennes en recourant à ce genre de démarche. Cet accord européen pourra créer un socle d'action pour que l'Italie monte d'un cran dans sa politique migratoire. Le climat européen et les mentalités changent énormément: nous sommes à un moment de rupture, notamment par rapport au renvoi des migrants. Il y a donc aussi un problème de droit qui doit être posé…  

    Jean-Thomas Lesueur est délégué général de l'Institut Thomas More.

    Entretien par  Journaliste Figaro Paul Sugy  Journaliste Figaro Etienne Campion