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  • D'un colloque l'autre ... Paris, aujourd'hui : « Dessine-moi un Roi ... »

     

    COLLOQUE D’ACTION FRANÇAISE

    Forum de Grenelle - 5, rue de la Croix-Nivert - 75015

    Métro Cambronne

    SAMEDI 9 MAI 2015, de 14h à 18h

    Dessine-moi un Roi 

     

    Le royalisme, au XXIe siècle, est confronté à une situation originale : le système démocratique a montré ses limites, le régime républicain est contesté de toute part, et simultanément la France, ses territoires, son histoire, ses traditions et ses peuples s'effacent. Bien au-delà de la critique du régime républicain, le royalisme doit poser les bases de son exercice. Comment, aujourd'hui, gouverner la France avec une puissance affaiblie, des frontières abolies, une économie mondialisée et une population renouvelée, pour ne citer que ces points ? Avec quels principes, selon quelles méthodes ? Le colloque Dessine-moi un Roi entend entamer une réflexion sur les conditions réelles d'exercice du pouvoir. Une réflexion que l'Action française veut partager avec tous les acteurs du royalisme en France. 

    INTRODUCTION

    Un royalisme contemporain ou le cadre empirique d'une politique monarchique française aujourd'hui.

    Par François Marcilhac, Directeur éditorial de L’Action française 2000 

    AUX FONDEMENTS DE L’ETAT

    D'un État de droits à un État de libertés, ou la politique monarchique comme l'anti-Hobbes.

    Par Gérard Leclerc, Ecrivain et journaliste

    Le peuple et sa représentation

    Par Stéphane Blanchonnet, Président du Comité Directeur d’Action française 

    Territoire, nation et régions

    Par Frédéric Rouvillois, Ecrivain et professeur des universités 

    LA SOCIETE

    Réinventer les Biens communs

    Par Pierre de Meuse, Historien et docteur en droit 

    Réintroduire l'homme dans la nature

    Par Jean-Philippe Chauvin, Professeur d’histoire

    Les religions en Royauté

    Par Hilaire de Crémiers, Directeur de Politique Magazine 

    DOMAINES REGALIENS

    La Justice et l'autorité du droit naturel

    Par Philippe Pichot-Bravard, Ecrivain et professeur des universités 

    L'articulation des fonctions souveraines, législative et judiciaire

    Par Guillaume Bernard, Ecrivain et professeur des universités 

    Diplomatie nationale et village mondial

    Par Elie Hatem, Avocat et enseignant à la Faculté Libre de Droit 

    Indépendance militaire et mondialisation des conflits

    Par Bruno Castanier, Historien 

    CONCLUSION

    La fécondité de la prospective royaliste

    Par François Bel-Ker, Secrétaire général de l’Action française

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    A la suite du colloque, un BANQUET D’ACTION FRANÇAISE sera organisé : Militants, sympathisants, curieux et intervenants échangent, dans une ambiance festive, après les conférences; occasion de partager un moment d’amitié d’Action française. 

    TARIFS

    Colloque seul :  • Lycéens, étudiants et chômeurs : 6 € • Tarif normal : 10 €

    Colloque + banquet : • Lycéens, étudiants et chômeurs : 20 € • Tarif normal : 30 €. Chèque à l’ordre du CRAF - 10, rue Croix-des-Petits-Champs -75001 Paris

    Renseignements & inscriptions : contact@actionfrancaise.net

  • A Paris, demain dimanche ...

     

    « Du point de vue le plus terrestre, du point de vue politique, ce qu'il y a d'incomparable, chez Jeanne d'Arc, c'est la justesse du coup d'oeil, le bon sens, la rectitude du jugement.

    Pour sauver la France créée par ses Rois, confondue avec eux, il fallait relever la Royauté. Pour relever la Royauté, il fallait rendre confiance et prestige à l'héritier qui finissait par perdre espoir et, peut-être, douter de sa naissance même.

    C'est pourquoi la première rencontre de Jeanne et de Charles VII est si émouvante. Le geste de Jeanne reconnaissant le Dauphin qui la met à l'épreuve, et tombant à ses genoux, est décisif. Le principe sauveur, la monarchie, est désigné. » 

     

    Jacques BAINVILLE,  HISTOIRE DE FRANCE

  • « Vous avez dit souveraineté ? » : c'est le dossier du numéro de mai de Politique magazine - qui vient de paraître

     

    Découvrez le numéro de mai !

    Dossier : Vous avez dit souveraineté ?

    Quarante ans d’abandons successifs de souveraineté ont profondément altéré l’indépendance et l’autorité de notre pays dans le monde. Sont-ils irréversibles ? La réponse est non. Alors, comment faire pour retrouver nos marges de manœuvre sans compromettre nos grands équilibres ?

    Sommaire (Cliquez sur l'image ci-dessous) 

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  • DESSINE-MOI UN ROI…. par François Marcilhac*

     

    500021990.jpgLa question institutionnelle, en ces périodes de remise en cause sociale et culturelle, voire identitaire de notre nation, pourrait paraître inactuelle, surtout s’il s’agit de proposer rien moins que le recours, d’aucuns diraient le retour, à une forme politique qui semble appartenir de manière irrémédiable au passé de notre pays.

     

    D’autant que ce passé, le volontarisme politique actuel cherche à l’éloigner de nous et de nos enfants à une vitesse plus rapide que celle de l’écoulement paisible des siècles, dont le tort, aux yeux de nos idéologues, est de permettre au passé de devenir héritage. La volonté de nos actuels dirigeants de couper définitivement le peuple français de son histoire et de dissoudre la civilisation française elle-même n’a d’autre objet que d’absorber ce même peuple dans un trou noir : par définition le grand effacement rendra sans objet la question de l’insécurité culturelle. Et, par la même occasion, celle du politique, c’est-à-dire du gouvernement des hommes. La gouvernance suffit à la gestion des choses.

    La révolution française avait été une tentative, qui a échoué, de créer un peuple nouveau. La révolution russe en avait été une seconde, qui a elle aussi échoué. Dans les deux cas, les révolutionnaires ou leur héritiers ont, comme une leçon du vice à la vertu, fini par recourir au passé honni, nié, aboli, pour ressouder le peuple. Michelet a créé le roman national en y intégrant son passé monarchique, y compris la figure de Jeanne, même si ce fut pour la réinterpréter, en vue de participer à la construction d’un « peuple républicain » qui ne fût pas totalement hors sol ; Staline, face à l’envahisseur allemand, invoque les mânes de Pierre le Grand et soulage, momentanément, l’église orthodoxe du joug criminel sous lequel il l’avait placée. La question des institutions est comprise dans celle de l’unité d’un peuple.

    Nos dirigeants actuels sont malheureusement des révolutionnaires plus radicaux encore que leurs grands ancêtres. Il ne s’agit plus pour eux de créer un peuple nouveau, mais de dissoudre la notion même de peuple, et plus encore de « peuple français », qu’ils ont abandonnée pour celle, apparemment neutre, de « société ». Quant aux « valeurs républicaines » et à la République comme concept autoréférent — la République, pour nos hommes politiques, n’est plus française, elle EST, tout simplement — elles constituent les éléments de langage de cette substitution ontologique. Il s’agit désormais de « faire société commune dans une société diverse », selon le titre d’un rapport fameux, commandé en 2013 par le gouvernement, puisque, tout aussi bien, « c’est au nom des valeurs fondatrices d’une République effective qu’il faut une reconnaissance franche du pluralisme de la société française et d’une république de la diversité », que « le sens de l’intégration nationale a changé et que le lien social relève moins aujourd’hui d’une mise en forme et en conformité à des normes institutionnelles que de l’inventivité des acteurs sociaux, leur capacité à transformer la société française ». D’ailleurs, la France « est déjà un pays pluriethnique et pluriculturel ; elle le sera de plus en plus à l’avenir, et un pluralisme harmonieux reste à construire ». Pathétique logorrhée ! Si ce texte fut écrit quatorze mois avant l’« inventivité » dont firent preuve en janvier 2015 les frères Kouachy et Coulibaly, il le fut en revanche quelques mois à peine après les crimes inventifs de Mehra qui visaient, déjà, des militaires et des juifs. Comment plaider la naïveté ? « “Faire France” pour défaire la France », condamnait alors sans appel le comte de Paris [1].

    Pourquoi y revenir ? Parce que les nouveaux programmes scolaires, qui rendent notamment obligatoire en 5e l’enseignement de l’islam, aux dépens explicites du christianisme et de la chrétienté, sont une étape dans la réalisation par nos élites de cette déconstruction méthodique du peuple français par la voie du déracinement. Il en est de même de la relégation de l’enseignement du latin et du grec, désormais intitulé « Langues et culture de l’antiquité », dans ce nouveau machin pédagogiste que sont les Enseignements pratiques interdisciplinaires : là encore, s’exprime la volonté de couper les Français de leurs racines. Il est vrai que si la gauche n’a jamais aimé l’enseignement des humanités, la droite l’a puissamment aidée à l’éradiquer de notre système scolaire depuis plusieurs décennies. Déjà le 27 septembre 1922, le député royaliste Léon Daudet, qui les défendait contre le « moderniste » Herriot, déclarait : «  Il y a de l’or dans les enfants du peuple. Cet or, il faut l’amener à la surface », allant jusqu’à réclamer un enseignement général des bases du latin dès le primaire pour leur valeur formatrice. Quant à l’enseignement du français, le SNALC parle de « boucherie ». Mais la gauche, par son goût de la médiocrité qu’elle a toujours confondu avec la « démocratisation », n’a jamais souhaité un peuple trop instruit. S’il se mettait à ne plus voter pour elle...

    Ce qu’il a déjà commencé à faire. Voilà pourquoi elle souhaite en changer. Voilà pourquoi le peuple français vit à l’heure actuelle sa métamorphose ou plutôt sa défiguration en « république de la diversité ». Parler de peuple français est devenu pire qu’une incongruité : c’est une Marianne marquée au fer rouge sur le front des malpensants. Alors que l’unité historique — je ne dis pas ethnique — d’un peuple autour de son héritage est évidemment la condition sine qua non de son existence comme nation, les Français sont poussés vers leur effacement en tant que peuple. La question se situe non plus au plan des divisions politiques comme par le passé mais au plan existentiel. Ses élites cherchent à dissoudre les Français comme peuple pour le faire émerger comme « société commune dans une société diverse  ».

    Hier encore, l’Action française pouvait poser la question en termes strictement institutionnels : instabilité gouvernementale, centralisation politicienne, captation oligarchique des pouvoirs, non-représentativité du pays réel dans un système parlementaire partisan. Nous n’en sommes plus là, d’où la nécessité de notre colloque apparemment inactuel du 9 mai 2015 : oui, face à la victoire toujours plus éventuelle du « pire des pires », évoquée par Maurras à la fin de sa vie, il nous faut dessiner un Roi, à savoir l’image de l’espérance, contre l’entreprise de déracinement du peuple français par le double recours à une laïcité hostile à sa source spirituelle qu’est le christianisme et à un multiculturalisme aussi artificiel que programmé — la dernière réforme du collège ne faisant que mettre en application les préconisations du rapport de 2013.

    Nous devons, grâce à la figure royale, affirmer l’essence à la fois du peuple français et du souci politique. Comme le souligne le Prince Jean : « Le souci d’un prince français est de s’associer à tous ses compatriotes et de les rassembler dans une même affection. C’est aussi en restant fidèle à ses racines que le peuple français pourra relever les défis du futur. » [2]

    Face à la désagrégation de la France en « république de la diversité », réaffirmer que seul le Roi peut aujourd’hui faire peuple, c’est envoyer à nos compatriotes le message à la fois le plus prometteur et le plus subversif qui soit. 

    * François Marcilhac - L’AF 2908

    [1] Le Figaro du 18 décembre 2013 [2] Un Prince français, Pygmalion, 2009.

  • Eric Zemmour à Politique magazine : « Reconquérir la société par la culture » par Jean-Baptiste d'Albaret

     

    Politique magazine l’avait écrit dès sa parution : parce qu’il permet de comprendre comment la France en est arrivée à se renier elle-même, Le Suicide français d’Eric Zemmour est un livre capital. Pour l’écrivain, c’est par la culture que notre société a été contaminée par l’idéologie qui détruit notre pays. C’est par la culture qu’il faut la reconquérir. 

    Pourquoi choisir un titre aussi provoquant que « Le suicide français » ?

    L’aspect éditorial a bien sûr compté, mais le but était avant tout de frapper un grand coup, dès la couverture, pour alerter sur l’imminence de la catastrophe : la disparition pure et simple du peuple français et de sa civilisation tels qu’ils existent depuis des siècles. On peut toujours ergoter pour savoir s’il s’agit d’un suicide, d’un meurtre ou que sais-je encore… Il n’empêche que nous sommes collectivement fascinés par notre propre disparition et que nous cédons volontiers à cette pulsion mortifère. Il s’agit donc bien d’une sorte de suicide. Ou, si l’on veut, d’un suicide assisté.

    Qui en est le responsable ?

    Le responsable, c’est le projet subversif de ceux qui contraignent notre pays à ingurgiter des valeurs et des mœurs aux antipodes de ce qu’il a édifié au fil des siècles. C’est un totalitarisme d’un genre nouveau qui, en particulier à travers les médias, impose ses conceptions et guide les consciences, interdisant de fait toute pensée autonome. C’est la haine des élites politiques, économiques, médiatiques, héritières de Mai 68, envers le peuple français et son histoire. Et ce sont les Français eux-mêmes qui ont assimilé cette haine et, par une sorte de masochisme, l’ont retournée contre eux.

    Comment expliquez-vous alors le succès phénoménal de votre livre ?

    Quand les Français sortent de chez eux, ils ont l’impression d’avoir changé de continent ! Le voile se déchire… Nos compatriotes ne se sentent plus chez eux et il est interdit de le dire. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que nous avons affaire à un système qui évacue le réel. Dans mes écrits, j’essaie modestement de le remettre au centre du débat public, ce qui, évidemment, suscite la colère de ceux qui n’ont de cesse de l’ostraciser.

    Justement. Vos détracteurs vous reprochent des analyses manichéennes et réactionnaires. Que leur répondez-vous ?

    Généralement, ceux qui me reprochent ma vision « manichéenne » comme vous dites, sont les mêmes qui traitent mon livre de manière caricaturale. Livre que, d’ailleurs, souvent ils n’ont pas lu, ou alors très vite et très mal. Mais on accuse toujours les autres de ses propres turpitudes, c’est une loi de la psychologie… Quant au terme « réactionnaire », comme celui de « populiste », je l’assume pleinement. D’abord parce que, revendiquant mon droit à réagir, j’en suis un au sens propre. Ensuite, parce qu’en effet j’aime le passé, j’aime l’histoire et en particulier l’histoire de France, de laquelle nous aurions des leçons à tirer pour surmonter la crise actuelle qui menace de nous emporter. Tous les renouveaux se sont fondés sur des expériences du passé. Dans un de ses textes, le général De Gaulle en appelle à la tradition pour, je cite, « régénérer le pays ». Or, depuis quarante ans, par un mélange d’inconscience et d’arrogance, on s’ingénie à détruire notre mémoire nationale, ce qui est une catastrophe à tous les niveaux. Je ne défends évidemment pas une conception étriquée de la tradition, mais l’arrachement à nos racines comme condition du progrès humain est une idée fausse et dangereuse… Comme l’explique Jean-Claude Michéa, la liberté, telle que nous la concevons depuis le XVIIIe siècle, naît de la confrontation entre la tradition et l’individualisme. Or, Mai 68 a tué cette dialectique puisqu’il a détruit toute référence au passé : de ce fait, l’individu a été laissé à lui-même, à ses caprices, à son hubris.

    Dans votre livre, vous expliquez que ce qui a sauvé les soixante-huitards, c’est qu’ils ont échoué à prendre le pouvoir. Que voulez-vous dire par là ?

    Cette explication est tirée d’une discussion entre Alain Peyrefitte et Georges Pompidou rapportée dans Le Mal français, le livre de Peyrefitte. Or, contrairement à ce qu’on pourrait croire, le libéral, le progressiste, le moderne, ce n’est pas Pompidou, c’est Peyrefitte. Son action à l’Éducation nationale est une catastrophe ! En 1968, De Gaulle, qui ne comprend pas ce qui est en train de se passer, le pousse sur le devant de la scène en pensant qu’il va sauver les meubles. Mais c’est le contraire qui se passe. Pompidou, qui est le vrai conservateur, a tout compris. Il sera d’ailleurs furieux contre Chaban-Delmas et son discours de politique générale sur la « nouvelle société » où, remarque-t-il, pas une seule fois ne figure le mot « Etat ». De fait, Premier ministre en 1969, juste après les événements de mai, Chaban fait entrer l’esprit soixante-huitard dans les institutions gaulliennes. Esprit qui va, dès lors, se diffuser dans la société, comme le ver dans le fruit. 

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    Daniel Cohn-Bendit. Les soixante-huitards et leur entreprise de destruction des moindres rouages qui avaient édifié la France…

    En fait, essentiellement, sous l’argument culturel ?

    Oui, c’est par la culture, d’abord par la culture savante avec ce que les Américains appellent la french theory, puis par la culture populaire, que ces idées se sont diffusées. Dans mon livre, j’analyse un certain nombre de films et de chansons représentatifs de cette idéologie qui va progressivement subvertir la société traditionnelle d’avant les années 70. Ce fut d’autant plus efficace que la plupart des artistes de l’époque avaient un talent formidable. La violence comique d’un Coluche frise le génie ! Pas un seul des « humoristes » d’aujourd’hui – qui se contentent sagement d’être des chiens de garde de l’idéologie dominante – n’arrive à la cheville de ce pur produit de l’esprit de 68 qui fut sans doute l’un des plus grands « déconstructeurs » de la seconde moitié du XXe siècle. Ironie de l’histoire : si ces artistes avaient un tel talent, s’ils l’ont fait fructifier, c’est qu’ils ont bénéficié de l’excellente formation classique qu’ils ont contribué à détruire. De même avaient-ils eu un père à qui se confronter pour devenir des hommes. Mai 68 a tué la figure du père. Le féminisme en a fait une mère comme une autre.

    On a parfois l’impression que cette idéologie que vous décrivez est en fait une sorte de religion qui a pénétré toutes les couches de la société jusqu’au plus haut sommet de l’Etat…

    Absolument ! On a affaire à une nouvelle religion d’état prêchée par des grands-prêtres qui catéchisent, sermonnent, excommunient… Sous couvert de « valeurs de la République », nos élites nous imposent une religion républicaine – le progressisme, le féminisme, l’antiracisme – qui est précisément l’anti-république puisqu’elle est tout sauf la « chose publique » mais une idéologie. Leur idéologie.

    N’est-ce pas, au moins en France, une dérive inhérente au régime républicain, cette sacralisation du politique ?

    C’est une question compliquée mais vous avez sans doute raison de penser que cette tendance est inscrite dès l’origine dans les gènes de la République. Michelet parlait de Robespierre et des Montagnards comme du « parti-prêtre ». Nous sommes un peuple de dogmatiques… Moi, je suis pour la révolution arrêtée par Bonaparte, celle qui, comme il le disait lui-même, s’arrête aux principes qui l’ont commencée : l’égalité et le mérite. Rien de plus, rien de moins ! Cela dit, je comprends la critique contre-révolutionnaire. Quand il relève les contradictions des principes de la Révolution et de la philosophie des Lumières, Joseph de Maistre a souvent raison sur le plan intellectuel. Vous voyez, je n’ai rien contre les monarchistes. Mais il faut assumer son héritage et savoir en conserver le meilleur. Et, je le répète, le meilleur de la Révolution française, c’est la fin des privilèges liés à la naissance. C’est le mérite.

    On sait que vous êtes un admirateur de Napoléon…

    Dans Mélancolie française, mon précédent livre, je soutiens, à rebours de l’historiographie autorisée, que Napoléon a porté au plus haut l’ambition poursuivi pendant quinze siècles par la monarchie française d’être reconnue comme l’héritière de Rome. Ce rêve de la monarchie de succéder à l’Empire romain, Napoléon l’a accompli même si l’aventure s’est terminée par un désastre. Cette thèse permet de comprendre pourquoi l’échec final de 1815 est une rupture profonde de l’histoire de France. A partir de cette date, elle ne peut plus dominer l’Europe. Elle n’est plus un géant et elle le sait. Par une sorte d’effet de compensation, ses élites cherchent depuis des modèles et des maîtres à l’étranger : ce fut l’Angleterre, puis l’Allemagne et l’Amérique, enfin l’URSS et maintenant l’Europe, mais l’Europe allemande…

    Revenons-en à l’actualité. Des critiques extrêmement virulentes contre les socialistes au pouvoir et le politiquement correct de la société médiatique proviennent d’intellectuels classés à gauche (Michel Onfray, Jean-Claude Michéa, Régis Debray, Christophe Guilluy…). Pour vous, qu’est-ce que cela signifie sur le plan du climat intellectuel et idéologique français ?

    J’écris depuis vingt ans que le clivage entre la droite et la gauche n’a plus aucun sens ! En voilà la preuve. Je vous renvoie à la remarquable formule d’un autre intellectuel venu de la gauche, Alain Finkielkraut, sur l’alternative entre « le parti du sursaut et le parti de l’autre ». Nous avons le choix entre « l’autre », c’est-à-dire celui qu’on aime jusqu’à la haine de soi, et le « sursaut », autrement dit le refus de disparaître, collectivement en tant que peuple, mais aussi personnellement comme individu libre. Un philosophe comme Michel Onfray, qui a beaucoup lu et beaucoup travaillé, est en train de choisir. Venu du camp autoproclamé « progressiste », il n’en est pas moins dans le collimateur du « parti de l’autre » parce qu’il a compris que sa liberté individuelle – en tant que citoyen mais aussi en tant que penseur et intellectuel – est en jeu.

    Le Front national peut-il être l’instrument de cette nécessaire réaction ?

    Il m’est difficile de répondre à cette question. Le FN fait de la politique politicienne, ce qui est son rôle mais ce n’est pas mon combat. à mon avis, le nerf de la guerre c’est de reconquérir culturellement la société sur les thèmes que j’ai définis dans mon livre. La réaction politique et électorale ne pourra aboutir qu’après. Quand la société sera prête à l’accueillir. Et on ne sait pas encore quelle forme partisane elle prendra. 

    A lire : Le suicide français, Albin Michel, 544 p., 22,90 euros.

       Politique magazine

  • Ils sont fous, ces Anglais ! Retour sur le Royal Baby mais surtout sur la spécificité anglaise, avec Dominique Jamet ...

    La Grande-Bretagne a, ces jours-ci, une double actualité : la naissance du royal baby et l'engouement paradoxal qu'il suscite - dont Frédéric Rouvillois a analysé les causalités hier, ici-même - et la très incertaine consultation qui se déroule aujourd'hui pour élire le 56e Parlement du Royaume-Uni. Dans le billet politico-humoristique qui suit, Dominique Jamet a donné, dans Boulevard Voltaire, sa perception de la spécificité anglaise. Laquelle se caractérise d'abord par ce fait, difficilement exportable chez nous, que le peuple anglais, de façon très naturelle et spontanée, n'a jamais accepté que sa souveraineté et son indépendance puissent être si peu que ce soit amoindries. Dans ou hors de l'Europe n'a pour lui, en ce sens, qu'une relative importance ... LFAR     

     

    3312863504.jpgIls sont fous, ces Anglais. Et pas du chocolat Lanvin, comme feu Salvador Dalí, qui avait dû toucher de substantielles royalties pour se fendre de cette déclaration immortelle et feindre de s’en pourlécher les moustaches. Non, fous d’un royal baby de trois kilos sept cents grammes né sans complications, en toute simplicité, dans une clinique à 7.000 euros la nuit, de la princesse Charlotte Diana Elizabeth, qui pourrait bien devenir un jour leur reine si son arrière-grand-mère, son grand-père, son père et son frère aîné venaient à faire défaut, et qui, à défaut de jamais les gouverner, règne déjà sur leurs cœurs et donne un coup de fouet bien venu à l’économie nationale. Complètement gagas de ce petit bout de chou et prêts à se ruer sur les magazines, les layettes, les mugs, les théières, les assiettes, les robes et les napperons qui rappelleront le considérable événement dont Kate ex-Middleton et duchesse de Cambridge vient d’accoucher.

    Peuple bizarre qui n’hésita pas à décapiter son roi un siècle et demi avant que nous en fissions autant au nôtre mais qui entoure d’une dévotion fétichiste les représentants de la dynastie germano-germanique dont les hasards matrimoniaux ont fait le symbole vivant de l’unité nationale. Peuple curieux qui roule à gauche et vote à droite. Peuple étrange où l’usage est qu’un Premier ministre, s’il vient à être battu aux élections, quitte à jamais la scène politique (une exception, de taille : Winston Churchill). Peuple qui ne fait rien comme tout le monde.

    Il y a des décennies qu’outre-Manche comme de ce côté du Channel, l’Europe, plus exactement l’adhésion à l’Union européenne, avec les abandons de souveraineté, les servitudes, à proprement parler, qu’elle a entraînés, fait débat. Il y a quelques années que les sondages font ressortir régulièrement qu’une majorité de citoyens britanniques sont plutôt partisans de distendre, de renégocier, voire de rompre les liens qui attachent leur pays à la construction boiteuse et bancale dont le siège est à Bruxelles.

    Or, figurez-vous que, de la même manière que l’an dernier le gouvernement de Sa Majesté avait invité les électeurs écossais à dire en toute liberté et en toute sérénité s’ils voulaient demeurer dans le Royaume-Uni ou s’en séparer, sachant que, quelle que fût leur réponse, celle-ci serait prise en compte, le Premier ministre sortant, David Cameron, s’est engagé, s’il est reconduit jeudi à son poste, à consulter ses concitoyens, au plus tard en 2017, par référendum, pour leur demander de décider souverainement et tranquillement s’ils entendent diluer l’indépendance britannique dans la soupe fédéraliste ou redevenir maîtres de leur destin, étant entendu, quelle que soit leur réponse, que le pouvoir exécutif s’inclinera devant le verdict de son peuple. À n’y pas croire…

    C’est bien la peine d’avoir conservé la monarchie pour donner des leçons de démocratie à la terre entière, à commencer par un pays que nous connaissons bien et qui passe son temps à prétendre qu’il lui a donné naissance en 1789.

    Oui, décidément, ils sont fous, ces Anglais, comme dirait Astérix.   

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    - Boulevard Voltaire

     

  • Colloque à GAND ce samedi 9 mai 2015 : « Gand, capitale du Royaume de France. Mars-Juillet 1815 »

     

    Programme et inscriptions, cliquez sur l'image ci-dessous

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  • Royal baby : pourquoi un tel engouement ? Les réponses de Frédéric Rouvillois à Figarovox

    La Galerie des Rois au portail de Notre-Dame : 28 statues figurant les rois de Juda

     

    Qu'ils les idolâtrent ou qu'ils les critiquent, les Français, de façon générale - y compris les royalistes - n'entendent pas grand chose aux monarchies étrangères, aux systèmes politiques et sociétaux qu'elles incarnent. Leurs jugements sont presque toujours sommaires et se font, la plupart du temps, par simple comparaison avec le système français actuel ou avec ce que fut, ou ce que pourrait être, la monarchie française. L'illustration ci-dessus montre que l'archétype du Roi ne date pas d'hier; qu'il traverse, sous des formes toujours diverses, les temps et les lieux. Y compris les nôtres ce que Frédéric Rouvillois développe ici de façon très pertinente. A noter qu'il sera l'un des intervenants au colloque « Dessine-moi un roi » qui se tiendra à Paris, samedi prochain, 9 mai. 

    frederic-rouvillois.jpgFIGAROVOX. - La famille royale britannique s'est agrandie ce vendredi, avec la naissance du deuxième enfant du Prince William. Pages Facebook dédiées à l'évènement, paris sur le prénom, centaines de journalistes venus du monde entier massés devant la clinique, merchandising lié à la nouvelle petite princesse… Comment expliquer un tel battage médiatique ?

    Frédéric Rouvillois. - Plusieurs causalités se combinent pour faire de cette naissance un évènement de portée internationale.

    La plus visible réside dans le caractère people que revêt cette naissance. Cette fascination envers les célébrités est, au fond, très ancienne : elle correspond à la fascination éprouvée par le « bon peuple » envers ceux d'en haut, qu'il s'agisse de princes et de princesses ou actuellement de certains artistes à la mode. Chanteurs, comédiens et acteurs se sont, d'une certaine manière, substitués à la haute aristocratie et jouent le même rôle dans l'imaginaire populaire. Un peu de snobisme s'y rajoute d'ailleurs très probablement. 

    Cette fascination envers les people, qui existe depuis toujours, a été démultipliée par le développement de l'image et des médias. L'utilisation de la photo, notamment dans les journaux, a ainsi accentué le phénomène : un journal comme Point de vue s'est lancé grâce à de nombreux reportages photographiques. Les innombrables modes de diffusion actuels de l'image donnent ainsi un retentissement inouï aux événements, qui prennent une dimension planétaire.

    Dans le cas de cette naissance, la fascination exercée est accentuée par l'image renvoyée par le jeune couple, qui conjugue une histoire d'amour de cinéma à une dimension princière. L'effervescence médiatique s'explique donc en partie par cette fascination envers les people et tout particulièrement envers la monarchie anglaise qui est l'une des dernières à conserver véritablement ses us et coutumes.

    Mais l'intérêt suscité par cet heureux évènement contient également une dimension de psychologie politique. Dans un monde où les repères disparaissent, il est rassurant de constater qu'il existe des choses qui perdurent. La naissance de la fille du Prince William sera célébrée un peu de la façon que fut célébrée celle d'Elisabeth II ou de la reine Victoria en 1819. Dans une société qui évolue vite, et même trop vite pour la plupart des gens, de tels éléments de stabilité complète servent de cadres et de bases pour des individus qui en manquent cruellement. A l'instar de la principauté de Monaco, la monarchie anglaise donne le sentiment qu'il y a une pérennité des institutions qui se traduit par le principe monarchique. À chaque fois que celui-ci se trouve rappelé par une naissance, c'est alors le monde entier qui se réjouit, ce qui est assez sympathique ! 

    Cela traduirait-il une aspiration à une préservation des traditions ?

    Cela traduit probablement le fait que ces traditions nous manquent, que leur absence serait plutôt ressentie comme une lacune. Certains d'entre nous ont certainement envie de les préserver ou de les reconstituer tandis que d'autres ne le souhaitent pas. Ce qui est sûr, c'est que cette effervescence autour des naissances royales traduit quelque chose : il n'y a pas de fumée sans feu. En l'occurrence, ce feu est celui de quelque chose qui a disparu et que l'on aimerait retrouver.

    La tour de communication de Londres a affiché «it's a girl», une étude de la London School of Marketing indiquait que les retombées économiques de la naissance royale se solderaient à plus de 300 millions de livres. Finalement, ne serait-ce pas juste une histoire de communication et de « gros sous » ?

    Les « gros sous » en sont la conséquence et non la cause. C'est parce que le public se passionne pour cet évènement que des hommes d'affaires avisés l'utilisent pour développer leur business. Autrement, cet enthousiasme aurait été présent pour chaque naissance princière. Or cela n'a pas été le cas pour des monarchies européennes toutes aussi importantes, comme les monarchies espagnole, hollandaise ou scandinave.

    Comment expliquer une telle popularité de la famille royale britannique ?

    Avec Monaco, elle est l'une des seules à avoir maintenu pleinement les rites de la royauté, à « jouer encore le jeu », où les institutions traditionnelles sont encore présentes. 

    Que ces monarchies qui ont préservé leurs traditions suscitent un tel enthousiasme, non seulement local mais aussi mondial, fait réfléchir… Petits garçons et petites filles aiment les princes et princesses, et ils apprécient que ces princes et princesses continuent à ressembler à des princes et princesses. On ne s'ampute pas en quelques instants de siècles d'histoire et de coutumes.

    La monarchie anglaise a ainsi su conserver pleinement les apparences - ça n'est pas la Reine d'Angleterre qui prend les décisions prises en son nom. Et ce sont ces apparences auxquelles sont attachés les gens qui ne manifestent, en général, que peu d'intérêt pour les rapports de force politiques.

    À propos d'apparence, dans Le roi au-delà de la mer, Jean Raspail dénonce les « princes de magazine » de notre époque, cantonnés à une fonction de représentation. Le rôle des monarchies européennes est-il devenu seulement symbolique ?

    Ces apparences ne sont pas nulles et sans portée car elles ne sont pas de simples illusions : dans le domaine politique, au sens large du mot, les symboles conservent une immense importance. Ainsi, quand bien même il ne s'agirait que de monarchies d'apparence, celles-ci conserveraient leur intérêt dans le sens où ces symboles, c'est déjà, c'est encore quelque chose. Ils sont des éléments de stabilité, et la présence de tels repères - même s'ils sont en partie effacés et en partie illusoires - ne sont pas négligeables, comme le souligne leur succès dans les médias. Les monarchies signifient encore quelque chose pour les gens. Certains d'entre eux qui possèdent une famille royale à la tête de leur pays ont d'ailleurs le sentiment de faire un peu partie de cette famille. Cette idée est particulièrement présente en Angleterre. 

    Un tel scénario aurait-il pu être possible en France ?

    La France n'est pas indifférente envers son passé monarchique. En 1957, quand l'actuel Comte de Paris s'est marié, le général de Gaulle - qui n'était plus au pouvoir - avait envoyé une lettre étonnante au père du marié et au marié lui-même, dans laquelle il expliquait que ce mariage qui allait avoir lieu était un événement très important pour la France et pour tous les Français. Sous la IVe république l'un des Français les plus importants du XXe siècle a ainsi souligné l'importance que revêtait l'union d'un descendant des rois de France. De même, lorsque le prince Jean d'Orléans, futur représentant de la Maison de France s'est marié, il y a eu une certaine médiatisation de la cérémonie.

    Mais il faut prendre en compte le degré de médiatisation exercé. Si le prince Jean développait davantage sa communication personnelle, la naissance de ses enfants ne serait peut-être pas aussi médiatisée que celle de la petite princesse anglaise mais pourrait renouveler cette histoire d'amour des Français avec la famille qui les a gouvernés pendant plusieurs siècles. 

    Frédéric Rouvillois est né en 1964. Il est professeur de droit public à l’université Paris Descartes, où il enseigne le droit constitutionnel et s’intéresse tout particulièrement à l’histoire des idées et des mentalités. Après avoir travaillé sur l’utopie et l’idée de progrès (L’invention du progrès, CNRS éditions, 2010), il a publié une Histoire de la politesse (2006), une Histoire du snobisme (2008) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (élu par la rédaction du magazine Lire Meilleur livre d’histoire littéraire de l’année 2011).

  • Hollande au pays de l’or noir : la juste analyse d'Hadrien Desuin dans Causeur*

    Nos intérêts immédiats sont [peut-être] à Riyad. Mais quid de notre stratégie ?

    L'analyse qui suit est à deux paramètres : nos intérêts les plus immédiats circonscrits à quelques contrats - importants - et nos intérêts stratégiques de long terme. En quelques lignes de conclusion, l'auteur relativise à juste titre le premier des deux termes : en s'alliant à ses pires ennemis, les théocraties sunnites, Paris, faute d'une vision stratégique d'ensemble, ne sert pas les vrais intérêts de la France. Analyse qui est aussi la nôtre.  LFAR.  

    C’est incontestablement un nouveau succès de prestige pour la France. François Hollande est le premier chef d’État occidental a être reçu à l’occasion d’un conseil extraordinaire des monarchies du Golfe. Couronnée par la vente des Rafale au Qatar et peut-être aux Émirats arabes unis, la diplomatie française semble renouer avec les ambitions d’une politique arabe d’envergure.

    Des réussites diplomatico-militaires qui n’auraient pas été obtenues sans la position intransigeante affichée par le couple Hollande-Fabius sur les dossiers syrien et iranien. Les monarques du désert ont invité François Hollande, non seulement pour signer des contrats d’armements mais surtout pour signifier leur colère au seul allié qui compte, les États-Unis. À quelques jours d’une réunion importante à Washington, le tapis déroulé devant le chef de l’Etat est un chiffon rouge frénétiquement secoué par les princes arabes en direction d’une Amérique infidèle.

    L’émergence des hydrocarbures de schiste et la guerre des prix qui en découle ont redonné aux États-Unis une liberté d’action et de ton au Moyen-Orient. Au point que l’Amérique, pour contrer le terrorisme international et déjouer l’influence de la Russie, rééquilibre sa politique moyen-orientale en direction des pays chiites. En guerre contre les milices djihadistes en Irak et en Syrie, et sur le point de conclure un accord nucléaire historique avec Téhéran, Barack Obama et John Kerry remettent en cause une alliance vieille de soixante-dix ans. Initié par Franklin Roosevelt et Ibn Seoud au sortir de la guerre, le pacte du Quincy sombre inexorablement dans les profondeurs de l’Histoire.

    La France, opportuniste, s’engouffre dans la brèche. Parce qu’à l’image des pétromonarchies, elle est isolée dans sa propre région. En Europe, face à la Russie et à l’Allemagne, elle ne parvient pas à relancer son grand projet d’unification européenne de l’Atlantique à l’Oural. À l’Ouest, les Etats-Unis et le Royaume-Uni regardent ailleurs, vers l’Asie. Au sud, laMéditerranée n’est plus qu’un cimetière pour clandestins. La France n’a d’autre choix que de se vendre aux plus offrants : les pétromonarchies du golfe.

    Est-ce là une superbe leçon de pragmatisme? La France progressiste, héritière des Lumières et de la Révolution, se livre à des rois de droit divin mais brise son isolement stratégique. En Arabie saoudite, les récentes décapitations au sabre illustrent les mœurs moyen-âgeux de nos alliés désormais les plus proches. Le printemps arabe s’est noyé dans le bain de sang de Bahreïn mais la vente d’un Rafale vaut bien un prêche wahhabite…

    L’alliance que la France célèbre ces jours-ci à Doha et à Riyad n’est certes pas morale mais reste vitale si l’on considère nos intérêts immédiats. La France est économiquement exsangue et voilà que quelques bédouins enrichis viennent lui offrir un sursis de puissance et d’influence. À long terme pourtant, Paris renforce ses pires ennemis; les théocraties sunnites. Celles-ci nourrissent partout de leurs pétrodollars un islam radical que nos soldats tentent par ailleurs de contenir. En vain, parce que sur le temps long la France renonce à ses valeurs et donc à ses vrais intérêts. Pour construire une politique étrangère, plus que des contrats, il faut une vision stratégique. 

    * Hadrien Desuin - Causeur

    Photo : YOAN VALAT/POOL/SIPA. 00702761_000001.

     

  • Pour une contre-révolution européenne : une réflexion de Claude Bourrinet*

     

    Nous souhaitons, nous aussi, bien-sûr, cette contre-révolution que Claude Bourrinet prône dans cette excellente chronique que Boulevard Voltaire vient de publier. Nous l'avons parfois appelée alter-révolution pour marquer qu'elle ne peut pas être un simple retour en arrière, mais une autre révolution, pour retrouver - ou restaurer - ce que Pierre Boutang nommait l'ordre légitime et profond. Ou encore une métamorphose selon le terme que Claude Bourrinet emploie ici (comme Edgar Morin ...) ou une metanoïa que Boutang préférait. Nous ne contesterons pas que celle-ci doive s'accomplir, si elle survient, à l'échelle européenne; peut-être, d'ailleurs, est-elle déjà commencée ... Nous pensons simplement qu'elle devra prendre corps au travers des peuples divers du Vieux-Continent et des Etats qui le composent et ont seuls, pourvu qu'ils le veuillent, que les peuples les y poussent, les moyens politiques de cette autre révolution. Nous ne méconnaissons pas non plus les risques de triomphe de cette barbarie intérieure (et collective) mondialisée dont parle Claude Bourrinet. Mais nous ne pensons pas qu'on doive pour autant la considérer comme inéluctable : nous voyons en effet se créer ou se recréer de par le monde quantité de pôles de résistance au déracinement et à l'aplatissement. Observons bien : les deux tendances coexistent et il n'est pas sûr, selon nous, que les racines de ce monde, dans la diversité de leurs modalités, voire de leurs oppositions, aient dit leur dernier mot.  LFAR  • 

     

    1a509934c914f41577f64636bc0580d3 LFAR.jpgLa philosophe Simone Weil, morte en 1943, en rappelant l’impérieux besoin d’enracinement, combattu de toutes leurs armes par tous les pouvoirs qui se sont succédé depuis l’avènement de ce que les historiens appellent la « période contemporaine », considérait comme nécessaire la suppression des partis, perçus comme des factions, des parasites prospérant sur un grand corps vivant. Les organisations politiciennes sont, en effet, des prismes par lesquels la réalité est déviée, déformée, trafiquée, pour servir à des causes qui n’ont rien à voir avec l’intérêt de la communauté. C’est là le résultat néfaste d’une « table rase » révolutionnaire, qui a arraché le peuple à ses racines millénaires, pour le faire entrer, volens nolens, dans la modernité individualiste, utilitariste, et amnésique. Encore au milieu du XIXe siècle, la plupart des Français parlaient encore leur langue régionale, avant d’user du français. Depuis, l’École républicaine, la presse, puis la télévision, enfin le « nomadisme », ont éradiqué les restes d’identités liées aux patries charnelles.

    Cependant, le coup mortel fut donné par ce véritable génocide culturel que fut, après la guerre, l’exode rural. La « modernisation » accélérée du pays acheva de transformer la France en canton du monde. Le mondialisme pouvait y pondre ses œufs, sans gêne, comme un coucou. Le gaullisme ne fut qu’un vain sursaut, avant le saut. Les Français, « américanisés » à outrance, se ruèrent sur les gadgets et les mirages du nouvel ordre libéral global. Un nouveau communautarisme, comme le préconise Julien Rochedy, et comme l’excellent dernier numéro de la revue Éléments l’analyse, est sans doute la dernière solution, avant la disparition totale.

    L’immigration massive a, au moins, eu cette vertu qu’elle nous mit devant notre propre vide existentiel. Si ces populations allogènes ne s’intégreront jamais à notre civilisation, elles nous obligèrent à nous regarder. Ne soyons pas stupides : le prétendu « Français de souche » n’est plus qu’un singe de ses maîtres anglo-saxons. Comme disaient les marxistes, sa « praxis », nonobstant ses incantations « nationales », le place de plain-pied dans l’univers postmoderne du « dernier homme », mû par des stimuli narcissiques, des simulacres empoisonnés, et des besoins grotesques.

    La « contre-révolution » est aussi une révolution. Tenter de sortir du puits est quasi désespéré, mais invoquer les mânes des ancêtres, comme au Tibet on fait tourner les moulins à prière, est vide de sens, si la métamorphose de l’ectoplasme actuel en être de chair et de sang ne s’effectue pas jusque dans les tripes, jusque dans son cœur, jusque dans ses habitudes les plus intimes. Le reste n’est que littérature. 

    * - Professeur de Lettres  

     
     
     
  • Polémique : Ploërmel et la statue de saint Jean-Paul II, par François Reloujac*

     

    Le Tribunal administratif de Rennes, saisi par l’association la Libre pensée, vient de rendre une décision grave de conséquence le 30 avril dernier. La statue de saint Jean-Paul II qui a été érigée à Ploërmel, ne peut pas rester sur le domaine public ; la croix et l’arche qui la surplombent, doivent être démontées car ce sont des « symboles ostentatoires de la religion ». Passons sur le fait que cette œuvre est protégée par la loi sur la propriété intellectuelle et que cette décision du tribunal administratif peut donc avoir des conséquences pécuniaires non négligeables.

    Ce qui doit être examiné ici, ce sont les conséquences logiques de cette décision si elle était appelée à faire jurisprudence. Plus aucune croix ne devrait donc, en France, rester sur le domaine public. D’où, deux solutions : soit on les enlève toutes, au nom de la laïcité ; soit l’État les vend, avec le bout de terrain sur lequel chacune est implantée. Mais qui aura l’argent nécessaire pour les acheter, d’autant que, Bruxelles et l’Autorité de la concurrence veillant, l’État – ou les collectivités locales – sera tenu de les vendre au plus offrant !

    Compte tenu de la motivation, les conséquences ne s’arrêtent pas là : puisque ce qui est visé ce sont les « symboles ostentatoires de la religion », il est indispensable de faire disparaître les croix, les croissants et les étoiles de David de tous les cimetières de France. Peut-être que cela fera baisser le nombre des profanations. Le gouvernement avait déjà réussi ce qu’aucun dialogue interreligieux n’avait obtenu jusqu’à présent : réunir sous une seule bannière catholiques, juifs et musulmans… contre ce que l’on a appelé abusivement le « mariage pour tous ». Le tribunal administratif de Rennes ouvre donc ainsi la voie à un nouveau rapprochement entre les hommes – et les femmes – de bonne volonté.

    Mais, les conséquences ne s’arrêtent pas là. Car les « symboles ostentatoires de la religion » comprennent aussi les basiliques, les cathédrales, les monastères – le Mont Saint-Michel –, les synagogues et les mosquées… sans compter la pagode de Chanteloup ! Comment peuvent-elles rester sur le domaine public ? L’État va-t-il devoir rendre à l’Église les lieux de culte nationalisés en 1905 ? Ou devra-t-il détruire les monuments les plus fréquentés de France. Au moins, il pourra faire des économies sur le plan Vigipirate puisqu’il n’aura plus à protéger aucun lieu de culte. Cela sera certes insuffisant pour satisfaire les demandes de Bruxelles concernant la réduction des dépenses publiques, mais cela ira du moins dans le bon sens.

    Il faudra aussi faire disparaître de tous les musées publics français les « symboles ostentatoires de la religion ». Comment exposer au public des œuvres de Raphaël, Michel-Ange, Philippe de Champaigne ou même Claude Monet ou Salvador Dali ? On a déjà fait disparaître de l’enseignement de la littérature les œuvres de Racine, alors pourquoi s’arrêter en chemin ?

    Quant à l’Opéra Bastille, il devra désormais faire tomber le couperet sur le final de Faust. Comment accepter en effet qu’une salle subventionnée par un État laïc puisse laisser Marguerite prier « Anges purs, anges radieux, portez mon âme au sein des Cieux » avant que le chœur ne vienne couronner l’œuvre en chantant la conclusion : « Christ est ressuscité » ?

    Reste un autre problème. Comment ne pas être obligé de changer la dénomination des Saint-Etienne, Saint-Raphaël, Saint-Tropez ou encore Saint-Malo, villes dont le nom sont là aussi des « symboles ostentatoires de la religion » ?

    Non, décidément, la décision du tribunal administratif de Rennes ne saurait s’arrêter à la seule statue de saint Jean-Paul II à Ploërmel. Et, puisque la Turquie est un pays laïc à l’image de la France, gageons que demain la Mosquée bleue et Sainte Sophie disparaîtront du ciel d’Istanbul. 

     - Politique magazine