La faute de Dom Hollandère, par Dominique Jamet
Recours plein d'esprit aux Contes du Lundi, par Dominique Jamet, dans Boulevard Voltaire, pour réfléchir sur le cas Hollande, après que les derniers chiffres du chômage, ceux du mois de mars, sont tout juste tombés. On s'en amusera, en même temps qu'on discutera l'optimisme de Dominique Jamet : certes, la croissance continue du chômage depuis l'élection de François Hollande devrait, théoriquement, lui interdire de se représenter en 2017. Ce serait, dit Jamet, une chance, sinon pour lui, du moins pour nous. Mais croit-il vraiment que cette hypothèse soit actuellement celle que retient François Hollande ? Terra Nova s'active à définir de nouvelles stratégies en vue, non seulement qu'il se représente, mais, selon l'inquiétante hypothèse de Houellebecq, en vue de sa réélection. Le système est conservateur ! Nous verrons bien. LFAR
Chacun connaît, ou du moins devrait connaître, Les Trois Messes basses, l’un des plus succulents Contes du lundi d’Alphonse Daudet. Son grotesque et pitoyable héros, le révérend Dom Balaguère, chapelain gagé des sires de Trinquelage, est induit en tentation le soir même de Noël par son clerc, le diabolique petit Garrigou – d’autant plus diabolique qu’il est le diable en personne. Obsédé et affolé par l’odeur et la pensée des dindes aux truffes, des carpes dorées, des gélinottes et autres friandises qui constituent le menu du réveillon, le prêtre indigne, censé célébrer comme il se doit la naissance du Sauveur, expédie ou plutôt massacre ses trois messes basses devant les châtelains et toute la bonne société du village, effarée et complice. Après quoi, tout ce petit monde cède joyeusement au péché de gourmandise, et Dom Balaguère, qui en a pris plus que sa part, succombe dans la nuit à une indigestion carabinée. En punition de quoi, tous les 24 décembre, le desservant et ses fidèles reviennent dans la chapelle en ruine pour y suivre trois messes d’outre-tombe.
Ce n’est pas par gourmandise mais par présomption que Dom Hollandère a péché et persévéré dans le péché. « Le chômage », a-t-il dit, « n’est pas une fatalité, et j’inverserai la courbe ». C’était le 9 septembre 2012, sur TF1, et le petit Garrigou, je veux dire Michel Sapin, renchérissait sur son maître : « L’inversion de la courbe du chômage est désormais amorcée », affirmait-il sur BFMTV le 28 novembre 2012. De passage au Salon de l’Agriculture, le révérend Dom Hollandère récidivait : « 2013 », admettait-il, « sera marquée par une progression du chômage, mais en 2014, nous serons sur une reprise. » C’était le 23 février 2013.
Conscient mais un peu tard du risque qu’il avait pris, Dom Hollandère, en visite le 18 avril 2014 aux usines Michelin, faisait à moitié acte de contrition : « Si le chômage ne baisse pas d’ici 2017 », avouait-il, « je n’ai ou aucune raison d’être candidat ou aucune chance d’être réélu. » Ce qui n’empêchait pas le père François Rebsamen, qui n’est pourtant pas un enfant de chœur, de prendre à son tour des risques inconsidérés : « On va avoir fin 2015 », assurait le 17 mars dernier le ministre du Travail, « une stabilisation, voire une baisse du chômage. J’en prends l’engagement. » Ils sont décidément incorrigibles.
En vain de bons apôtres ont-ils suggéré qu’on ne publie et qu’on ne commente plus qu’une fois par trimestre les chiffres du chômage. La punition de Dom Hollandère, de son Sapin (de Noël) et de l’abbé Rebsamen continue de tomber chaque mois lorsque l’INSEE rend publics les résultats de leur politique, que les médias leur rappellent leurs promesses et que nous en mesurons l’aune. Et il devrait en être ainsi jusqu’en 2017, où nous verrons peut-être enfin le bout du tunnel que nous traversons depuis 2008. Car si le châtiment de Dom Balaguère est supposé durer toute l’éternité, celui de Dom Hollandère devrait arriver à son terme dans deux ans. Une chance pour lui. Et pour nous. •
Dominique Jamet- Boulevard Voltaire