Les règles de la tragédie classique ont été respectées ; le psychodrame s’est joué en trois actes :
- 1er acte : le lundi 4 mai aux environs de 23h, Robert Ménard, maire de Béziers, participe à une émission télévisée. Il évoque, en terminant, le pourcentage d’enfants d’origine musulmane présents dans les écoles de sa ville, pourcentage qu’il déduit de la lecture des listes qui lui sont communiquées par le Rectorat, comme cela se pratique pour tous les maires. A priori rien d’extraordinaire. Personne, sur le plateau, ne s’étonne ni ne proteste.
Le lendemain, chez Bourdin (BFMTV), il confirme qu’avec des taux de 80 % d’enfants d’origine musulmanes dans certaines écoles, toute tentative d’intégration est impossible et qu’il est important de connaître les réalités pour pouvoir intervenir, dans le propre intérêt de ces enfants.
C’était sans compter sur la surveillance des bien-pensants, « républicains » donneurs de leçons.
- 2ème acte : dès le début de la matinée du lendemain, toutes les radios et télévisions annoncent, à la une de leur journaux, l’ouverture d’une enquête judiciaire. La nuit n’a pas manqué d’être agitée place Vendôme ! Et de fait, dans l’après-midi, des inspecteurs de la police judiciaire de Montpellier, dont un spécialiste des nouvelles technologies, perquisitionnent certains services de la mairie et fouillent les disques durs. Pour des faits d’une telle gravité, il était évidemment impératif de déployer des moyens exceptionnels. La forte délinquance constatée dans la région et la sécurité des braves gens pouvaient attendre !
Le président de la République, en visite au Qatar, modèle de libertés et de tolérance religieuse comme l’on sait, y va de son couplet sur la discrimination ethnique. Ce non incident était, n’en doutons pas, une préoccupation essentielle de la politique extérieure de la France.
A l’Assemblée, Cécile Duflot demande ni plus ni moins la destitution du maire de Béziers. Au nom du premier ministre, Najat Vallaud-Belkacem, sentant le mauvais procès, tout en s’indignant avec des propos convenus sur « les valeurs de la République », répond à côté.
- 3ème acte : le mercredi dans la matinée, le maire est entendu dans les locaux du SRPJ de Montpellier. La Licra, le MRAP, la Maison des potes sont plein d’espoir, le scandale prend de la consistance.
Mais, soudain, le ciel s’effondre sur tout ce petit monde politico-médiatique : le procureur de Béziers laisse entendre que les perquisitions n’ont rien donné et que l’on s’oriente vers une absence de poursuite …
Brusquement la presse nationale, déchaînée la veille, n’évoque plus le sujet. Seuls quelques journaux locaux tentent de maintenir la mobilisation et d’éviter le ridicule. Jusqu’au député UMP, battu aux précédentes municipales, qui déposera la gerbe du 8 mai en marge de la cérémonie officielle « pour ne pas créer d’ambiguïté ». Là, manqué, le ridicule sera atteint.
Devant cet échec annoncé, une technique bien connue va prendre le relai. Les provocateurs professionnels, appuyés par des éléments extérieurs à la ville, tentent la mobilisation des quartiers difficiles, ceux où depuis plusieurs décennies les gouvernements dits de droite ou de gauche ont regroupé les immigrés … et où Robert Ménard a résidé à son retour d’Algérie ; des quartiers qui ont voté majoritairement pour les candidats qu’ils soutenaient lors des dernières élections. Là encore rien n’y fait ; deux ou trois petites centaines de personnes déambulent tristement dans la ville.
Le soufflet s’est effondré
L’épisode est cependant instructif. Le mot fichier n’a jamais été employé par le maire de Béziers mais a été repris à satiété, aucun propos discriminatoires n’a été prononcé mais « les heures les plus sombres de notre histoire » ont sans cesse été évoquées. Le représentant du Front de gauche au conseil municipal arborait au veston une étoile et un croissant jaune.
Les déclarations de Manuel Valls qui, en 2009 dans sa ville de Vitry, souhaitait qu’on rajoute « quelques blancs, quelques whites, quelques blancos » et envisageait de déposer un projet de loi pour favoriser les statistiques ethniques, estimant que « c’est l’absence de mesures concrètes qui est à craindre », étaient oubliées, de même que l’article de Libération qui, pour mesurer la diversité, indiquait le 30 mai 2012 avoir employé la méthode « utilisée par l’Observatoire des discriminations, consistant à répertorier les prénoms non francophones ».
Et que dire des propos de Georges Felouzis, sociologue, auteur de plusieurs ouvrages sur les inégalités scolaires, qui, étudiant la situation de 144 000 élèves, écrivait « pour construire un indicateur nous permettant d’accéder aux élèves étrangers et issus de l’immigration, nous avons pris en compte deux éléments significatifs : la nationalité et le prénom de l’enfant ».
Ah ! si on avait pu prendre en défaut ce maire dont les décisions courageuses, toujours blâmées, déformées, triturées, manipulées, ne cessent de porter leurs fruits.
Manipulation indécente de l’opinion, lynchage stalinien parfaitement mis en œuvre, tentative d’intimidation, opération de déstabilisation, tous ces procédés orchestrés par ceux qui constatent avec horreur que la France se réveille, semblent devenir la méthode préférée de gouvernement. •
Addendum : le tribunal administratif de Montpellier a rejeté, le 11 mai, la saisi de la Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CIR) qui demandait l’interdiction du fichage des enfants musulmans de Béziers.
René Tallavigne - Politique magazine