UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : qu'est ce que le système ?

  • Rigidité, rigidités... ou : quand le merveilleux système, en plus d'échouer, joue contre la France.....

            Il en rêvait, il l'a fait. Mais en Chine...

            A 78 ans, lui qui est toujours un jeune homme vert, comme dirait Déon, Luc Montagnier va continuer à faire fructifier ses dons, ses qualités et ses capacités, mais pas chez lui, pas chez nous : ainsi en a decidé un stupide sytème où la bureaucratisation, la sclérose, la rigidité et les multiples entraves d'un corset de règlements contraignants et étouffants, qui découragent et paralysent tout, sont la règle.

            Règle stupide, mais règle d'airain...

            A l'autre bout de la chaîne, des centaines de milliers de jeunes ont déjà quitté la France, au début de leur vie professionnelle, allant chercher ailleurs des conditions de travail plus gratifiantes, ou moins décourageantes, comme on voudra... Le Système tatillon, hyper centralisé, hyper étouffant réussit donc le double prodige de décourager et ceux qui sont à l'orée de leur vie professionnelle - les jeunes talents prometteurs... - et ceux qui ont acquis une expérience précieuse et irremplaçable, dont ils ne demandent qu'à faire profiter leur société, leur économie, leur pays.

            Ainsi aujourd'hui, après une première expatriation aux États-Unis à ses soixante cinq ans, le Professeur Montagnier part-il en Chine....

            C'est le résultat direct de ce Système mis en place méthodiquement depuis 1945 où tout doit être réglementé en fonction de l'idéologie de ceux qui, s'ils n'ont pas pris le pouvoir politique cette anné-là, se sont emparé des leviers de commande dans l'Education, les Médias, les Transports, l'EDF, les Ports etc... Et ont transformé l'économie et la société française en autant de bunkers, où prévaut l'idéologie officielle et non la liberté, la création et l'autonomie personnelle, à rebours de tout ce qui se fait ailleurs dans le monde.

            Ce petit cycle, inauguré en 1945, nous asphyxie et nous tue peu à peu, multipliant bastilles et privilèges au service de la même caste et de la même idéologie, sans que cela empêche le moins du monde le Pays légal de dormir : les talents et les espoirs français le condamnent, en votant avec leur pieds, et en partant, tout simplement, sans faire de bruit. Les idéologues n'en ont cure puisque, par définition, pour un idéolgue seule compte son idéologie....

  • ”Bon” ou ”mauvais”, un Président emporté par la logique perverse d'un Système broyeur.....

            On peut en dire, des choses, sur l'intervention présidentielle !....

            Si l'on est "pour", ou "plutôt pour", on pourra dire du Président - car c'est vrai - qu'il est fort et qu'il est habile, qu'il connaît bien ses dossiers, et même qu'il a de bonnes intentions (qui n'en a pas ?....).

            Si l'on est "contre", ou "plutôt contre", on pourra dire qu'il fait preuve d'un optimisme béat lorsqu'il affirme que le problème des retraites est réglé jusqu'en 2020 (rien n'est moins sûr, chiffres à l'appui...), et qu'il se trompe carrément (les plus hostiles diront qu'il ment...) lorsqu'il affirme que nous sommes en train de sortir de la crise, ce qui est faux et archi faux : la crise est bel et bien devant nous, et ce que nous vivons et avons vécu n'est qu'une pâle mise en bouche de ce qui nous attend.....

            Notre attitude et nos jugements, à nous, ne doivent évidemment pas entrer dans ce petit jeu du j'ai aimé/j'ai pas aimé : seul compte l'intérêt général, le Bien commun.

            Sarkozysme et anti sarkozysme sont deux erreurs de même type, et elles ont engendré trop de passions. Sarkozy n'est qu'un epiphénomène du Système, et l'on aurait grand tort de ne se centrer que sur son cas.

            Et de ce point de vue là, force est de constater - comme l'ont du reste noté plusieurs commentateurs... - que le quinquennat est terminé, et que nous sommes déjà - encore !... - en campagne électorale pour 2012 (Copé prépare même 2017 !...).

            Il est là, notre rôle, elle est là notre originalité, qui fonde notre raison d'exister : remettre en cause, par delà les hommes, la malfaisance d'un Système broyeur, qui stérilise par avance et par nature les éventuelles capacités, les éventuelles bonnes volontés, les éventuelles pertinences.... qui ne manquent pas dans la classe politique d'aujourd'hui; un Système qui ne donne pas le temps au temps; un Système de l'immédiat, du court terme, de l'électoralisme permanent, au détriment, bien sûr, de ce qui est profond, durable, pérenne....

            Et la France est soumise à ce Système, dont la stérilité contrecarre directement la fertilité de son peuple : c'est notre rôle, et notre force, que de le remettre en question sans cesse, jusqu'à ce que.....

  • A qui la faute, par Hilaire de Crémiers

            Dans Politique magazine de ce mois, Hilaire de Crémiers resitue bien "le" problème dans son vrai contexte : même si, de toute évidence, telle ou telle personnalité porte bien, dans certains domaines, telle ou telle part de responsabilité, il n'en demeure pas moins qu'en réalité le problème de fond est institutionnel : c'est un problème de régime, de Système.....

            A qui la faute ?

            "Trop facile... La faute, elle est dans les esprits, et dans des cadres institutionnels.... Personne n'a de vue d'ensemble du problème français. Il est essentiellement institutionnel et c'est ce que tout le monde refuse de voir...... c'est la faute au Système. Et cela depuis deux siècles, sauf exception...de monarchie...."

    WOERTH SYNDICATS.jpg

    A qui la faute ?.....

            C’est la faute à… Trop facile. C’est en vain qu’on la cherche chez les hommes. Elle est dans un esprit et dans des cadres institutionnels. Les hommes ne font que l’aggraver ou la dissimuler. 
     
           La loi sur les retraites est votée. Elle sera promulguée les jours prochains, sauf si elle est invalidée par le Conseil constitutionnel. Au jour où cet article est écrit, la situation redevient peu à peu normale. Mais rien ne permet d’être assuré d’un véritable retour au calme. 

           Il est des gens, la plupart payés par l’État ou par des institutions et des entreprises relevant de l’État, dont l’unique préoccupation est de fomenter le désordre, de l’attiser, de le propager. Il n’existe pas pour eux d’autre manière d’envisager la vie et, bien qu’il soit interdit de le dire, ils sont en quelque sorte préposés au trouble et payés pour cette tâche. C’est ainsi qu’eux-mêmes comprennent les choses et qu’il faut, d’ailleurs, les comprendre. Il est donc vain de croire qu’ils s’arrêtent dans leurs desseins – quand ils s’arrêtent – pour des motifs raisonnables. Ce n’est dans leur esprit qu’un moment stratégique où la paix, pour reprendre la formule consacrée, n’est qu’une manière de continuer la guerre. Les troupes qu’ils manipulent, ne sont que de pauvres gens dupés. Les agitateurs ne répondent jamais à un souci d’ordre, ni ne se retirent de leur combat parce qu’ils seraient satisfaits ou, au contraire, désabusés ou fatigués. Ce genre d’analyses rassurantes, faites pour le bourgeois dans la presse bourgeoise, ne supporte pas l’examen de la réalité.  

            La vérité qu’il n’est pas convenable d’exprimer, c’est que le système idéologique et partisan qui structure notre vie publique, les favorise à tout coup. Même quand en apparence ils semblent perdre la partie, ce n’est jamais que momentané. La raison en est simple ; elle fâche quand elle est dite crûment ; l’homme politique français, le responsable social, pour peu qu’ils soient cultivés, détournent le regard à sa seule évocation. Car comment ne pas voir l’évidence ? La révolution violente et tyrannique est et demeure le modèle exemplaire de la République française, même quand elle se dit conservatrice. Ce qu’elle conserve toujours et essentiellement, c’est ce schéma fondamental qui est l’origine même de sa légalité qu’elle a su transformer en légitimité historique et métaphysique. Tout dans ses us et coutumes, ses conceptions sociales et éducatives, ses mœurs politiques, sa rhétorique officielle, en est imprégné. N’est-ce pas aussi le message qu’elle proclame au monde entier ? L’exemple qu’elle prétend donner ? Exemple qui, d’ailleurs, a engendré les pires dictatures de l’histoire humaine, non seulement le bolchévisme, mais aussi l’hitlérisme qui n’aurait jamais existé si la France avait respecté les Hasbourg, comme l’ont fort bien montré les historiens sérieux et encore dernièrement François-Georges Dreyfus. 

     
            Cet héritage qu’elle considère comme sacro-saint par une sorte de religiosité inversée, est la cause même de son instabilité interne. A quoi s’ajoutent les instabilités externes d’un monde naturellement changeant et de plus en plus incertain. L’histoire de France dès lors n’est plus qu’une longue suite cacophonique. Et pourtant que de ressorts encore ! D’intelligence, de puissance, de capacité ! Mais il n’y a rien à faire : là où il faudrait l’harmonie, le désordre prévaut. Plutôt que la réforme nécessaire, la révolution qui grise les esprits et massacre les énergies. Comme en 89… Il suffit d’écouter Jean-Luc Mélenchon pour saisir l’esprit même du régime : pour en finir, s’exclame-t-il, sortons-les « tous » ! Soit, mais alors pourquoi pas Mélenchon lui-même ? Jusqu’à preuve du contraire, il en fait partie de ces « tous ». Et tant qu’à faire jetons aussi le régime qui les justifie « tous » ! Peut-être alors ces profiteurs du système pourraient- ils devenir de quelque utilité sociale. Pour l’ordinaire d’aujourd’hui, leur seule raison d’être, c’est de se disputer… pour le pouvoir ! Car, au fond, ce sont tous des bourgeois, fort bourgeois, et qui ne rêvent que de places et de pouvoirs. 
     
    Une mécanique implacable  

            L’affaire repartira, et de plus belle, inéluctablement. Les syndicats eux-mêmes qui font partie intégrante du système et qui en vivent, n’y pourront rien. Car ce système justement les dépasse et personne n’en a, au vrai, le contrôle. Il a sa propre mécanique, sans cesse relancée, que tous les ambitieux de la politique essayent d’utiliser à leur profit, dans un sens ou dans un autre, chacun s’imaginant que la combinaison en cours favorisera son projet. Grave erreur de calcul qui provoque tous les déboires : il suffit de songer aux mille « politiques » qui ont été tentées depuis des décennies ! Laquelle a vraiment réussi ? Tout n’a été et ne peut être que déception. Chez tous, tant chez les défenseurs de la République conservatrice que chez les partisans de la démocratie populaire. Car comment faire de la stabilité dans l’instabilité permanente ? La réforme la plus révolutionnaire ou, au contraire, la plus nécessaire n’est elle-même jamais que provisoire. Chacun est persuadé qu’il détient la vérité de la République, la solution qui la sauve ! Comment voulez-vous éviter les surenchères, surtout quand il s’agit d’une question de pouvoir. 

            Ces gens qui se croient intelligents, sont des insensés. Ils devraient relire L’Ecclésiaste. Quelques-uns, ceux qui sont vraiment de bonne foi et qui voudraient sincèrement des améliorations, écœurés, n’y croient plus. Hélas, ils ont raison. 

            Le même système produira indéfiniment les mêmes résultats. Les habitudes sont là, d’esprit, de volonté, qui réactiveront les mêmes réflexes. Il en est qui, enivrés de discours fiévreux et d’agitations factieuses, sont capables de tout entreprendre pour tout détruire, surtout s’ils réussissent à mobiliser quelques milliers de jeunes qui peuvent en entraîner d’autres. Ce n’est pas parce que c’est ridicule que ça tombera à plat. 

            Il suffit d’un évènement, d’un accès de crise financière et économique encore plus violent – et rien ne l’exclut, au contraire – pour que la flamme se rallume. Le bien commun dans le système n’est la règle de personne, sauf des braves gens qui travaillent. Les autres ne cherchent qu’à se servir de l’évènement pour ébranler le pouvoir ou pour le prendre ou le reprendre. 

            Les considérations développées à propos des stratégies et des pédagogies dont il faut user pour faire passer une loi, considérations qui ont rempli la presse, sont totalement dérisoires. Avant les vacances ? Après les vacances ? Le conseiller social de Sarkozy, Raymond Soubie, se serait trompé dans l’évaluation des risques… Franchement si la France en est là ! C’est incontestablement que la situation est grave. Donc que, demain, à la moindre occasion, tout recommence.

           Les hommes politiques sont rivés à leur quotidien de guéguerre. Les uns se contentent de faire passer des réformes à minima – la réforme des retraites, la réforme territoriale qui ne sont que des quarts de réformes et mal ficelées –, les autres de les contrecarrer avec une grandiloquence dont la vacuité n’a d’égal que la perversité. Personne n’a de vue d’ensemble du problème français. Il est essentiellement institutionnel et c’est ce que tout le monde refuse de voir. Chacun veut ou croit tenir la mécanique, mais la mécanique est mauvaise. 
     
    L’international sauvera-t-il le national ? 

            Un remaniement gouvernemental n’en changera pas la nature. Le président qui a tenu des discours énergiques pendant l’été en pensant récupérer un électorat de droite qu’il a perdu, va, paraît-il, après la bagarre de l’automne sur les retraites, s’essayer à faire du social en nommant un homme comme Jean-Louis Borloo à la tête du gouvernement afin d’asseoir mieux sa personnalité politique sur un socle de gauche et de centre gauche. Lui ou un autre, peu importe ! 

            Il n’y gagnera rien ; il perdra sur tous les tableaux. Les présidentielles de 2012 et les législatives jointes vont empoisonner la vie politique française pendant toute cette fin de quinquennat. Les rendez-vous internationaux n’ajouteront aucune aura à Nicolas Sarkozy, contrairement à ce qu’il pense. L’Europe ne sera désormais qu’une cause de soucis supplémentaires, chaque nation ne cherchant plus que son intérêt face à la technocratie bruxelloise de plus en plus exaspérante. Quant à l’Allemagne, elle sera de plus en plus l’Allemagne. Le G20 et le G8 dont la France va prendre la présidence, n’accepteront pas les recommandations françaises pour l’évidente raison que la crise, loin d’être finie, va exacerber les conflits économiques. C’est une erreur de s’imaginer que l’international va sauver le national. Les échéances demeurent inéluctables. La France se retrouve et pour longtemps avec ses dettes incalculables, tous ses budgets en déséquilibre malgré les rabotages, des traités qui l’entravent, des institutions qui la ruinent, une monnaie qui la dessert, et un esprit public corrompu… Voilà la réalité. Et tout le monde de reprendre en chœur, surtout les futurs candidats : c’est la faute… à Sarkozy ! 

            Eh bien, non, c’est la faute… au système. Et cela depuis deux siècles, sauf exception… de monarchie ! Là où un Bonaparte, en quinze ans de pouvoir absolu, n’a pas réussi, pourquoi Sarkozy réussirait-il ? Et les autres qui veulent la place, s’il vous plaît ? Aucun n’a l’ombre d’un espoir de réussir. 

            Ce qu’il y a de terrible, c’est qu’ils croient tous au succès de leur stratagème politique. Alors que l’échec est la loi première du système ■ 

  • Anti système ? D’accord ! Mais qui est, vraiment, anti Système ?…..

            Lundi 14 février : la présidente du Front national affronte  le leader du Front de gauche, à 8h30, sur RMC et BFM TV. L'enjeu: montrer qui est le plus « antisystème », dit un « proche » de Marine Le Pen...

            Et c’est sur ce point que nous voudrions réagir, ici; sur ce propos du proche de Marine Le Pen, pas sur le débat lui-même, qui fut, d'ailleurs, plutôt intéressant…

    marine le pen,melenchon,front national,système,anti système,pays légal

    On n'est pas "anti Système" simplement parce qu'on a dit qu'on l'était....

            Qui est « Anti Système » ? Mais, aucun des deux, car le « proche » en question confond les mots ; il doit vouloir dire, par « système », les gens en place, comme s’il suffisait de les changer, en les remplaçant par des « bons », les « bons » étant évidemment, ceux du bord de la personne qui prononce ces mots définitifs. Depuis Boulanger, les Ligues et on en passe, c’est bien toujours la même sempiternelle erreur, la même sempiternelle et naïve croyance « qu’il n’y a qu’à » changer les hommes et « nous » mettre à la place, et tout ira bien. Alors que, non, pas du tout, et c’est l’Histoire qui le montre : ce n’est pas un problème de personnes, mais un problème d’Institutions, de régime, de Système, précisément (1). Et c’est en ce sens qu’il faut prendre le terme - en son sens premier, son sens fort… - ce que ne fait pas le « proche » de Marine Le Pen en question, qui se trompe sur le sens des mots…..

            Autre chose : on n’a peut-être pas assez écouté - ni retenu, donc, par voie de conséquence… - la petite phrase de Jean-Marie Le Pen sur Europe 1, le samedi 22 janvier (au cours de l’émission Noir sur Blanc, où il réagissait au premier discours de sa fille comme nouvelle Présidente du Front National)) :

             « Marine, il est évident, a fait porter son effort dialectique sur la laïcité et sur la République .... Elle veut que le pays sache que le Front national est un mouvement républicain, ce qui lui est quelquefois à tort contesté par ses adversaires…. »

            « A tort », dit-il. A raison…

    (1) : Notre Ephéméride du 21 mars rappellera que c'est le 21 mars 1908 que paraissait le premier numéro de L'Action française quotidienne (ce sera, d'ailleurs, le sujet de notre prochain Café actualité du 12 mars...) : elle est là, la véritable action anti-Système, dans la remise en cause, pour la remise en ordre. Et pas dans un simple ravalement de façade, par un changement de personnes....

  • Au Système !

    Le 49.3 a bien fait rire les caricaturistes....

     

    1A.jpg

  • Qu'est-ce qu'être Français ? La réponse d'un Québécois

    Crédits photo : Le Figaro / Le Figaro

     

    Nous avons fait remarquer maintes fois comment les plus pertinentes critiques portées à l'encontre de la société dite moderne ou postmoderne et du Système dans lequel nous vivons, par lequel nous sommes formatés, sont principalement venues de personnalités issues de la gauche plutôt que de la droite. Faut-il qu'elles nous arrivent, aussi, du dehors ? Est-ce si difficile pour un Français quelconque de s'extraire du conditionnement ? De s'évader - pour retrouver un regard lucide et penser librement - de la France Big Brotherisée ? 

    En tout cas, pour le québécois Mathieu Bock-côté, la polémique autour du terme « français de souche » est révélatrice de la crise d'identité que traverse la France. Lafautearousseau   

     

    Le Français de souche est victime d'un vilain paradoxe: officiellement, il n'existe pas, fondamentalement parce qu'il n'existerait plus. La nation française serait tellement métissée aujourd'hui qu'on ne saurait plus discerner quelque population de souche que ce soit. Il s'agirait d'un fantasme généalogique d'extrême-droite, référant à un âge d'or révolu de l'homogénéité ethnique qui aurait en fait été un enfer. En fait, il se pourrait même qu'il n'ait jamais existé: le métissage serait la véritable loi de l'histoire et d'une époque à l'autre, il aurait imposé ses codes à la France, qui n'existerait qu'au pluriel. Le Français de souche n'aurait même jamais existé, car il n'y aurait jamais eu d'époque d'avant l'immigration de masse.

    Et pourtant, de temps en temps, sans avertir, il revient à l'avant-scène, à la manière d'un affreux personnage qui sent très mauvais et qu'on évoque publiquement pour en dire du mal. C'est ce qui lui arrivé il y a quelques jours lorsque François Hollande y a fait référence pour préciser que les barbares qui avaient profané les sépultures dans un cimetière juif n'étaient pas seulement des «jeunes» parmi d'autres, pour reprendre la formule médiatiquement convenu, mais bien des Français de souche -autrement dit, ils n'étaient ni arabes, ni musulmans, et dans ce cas, il était tout à fait pertinent de rappeler leur origine ethnique sans que personne ne hurle à l'amalgame. On peut parler du Français de souche, mais seulement pour dire qu'il est un salaud.

    La chose n'est pas nouvelle et dépasse les seules préoccupations sémantiques. Il y a plus de dix ans, on s'en souvient, s'inquiétant de la persistance de l'identité française dans un pays qu'il aurait voulu soumettre au génie de la mondialisation et de la construction européenne, Philippe Sollers s'était permis une tirade contre la France moisie. Il pensait à la France béret-baguette, gouailleuse, enracinée, celle du terroir, qui préfère la souveraineté nationale au fédéralisme européen et qui s'imagine encore qu'il faut posséder quelques rudiments de culture française pour se dire français. Plus récemment, dans le débat sur l'identité nationale qu'il avait enclenché, Nicolas Sarkozy avait dit vouloir du gros rouge qui tache, manière comme une autre de tourner en dérision ce qu'il croyait être les préjugés de la France de souche devant les étrangers.

    D'une fois à l'autre, on le verra, c'est la même logique qui se met à l'œuvre: ce qui est spécifiquement français n'existe pas, et si cela existe, c'est très mal et il faut s'en distancier, s'en séparer, s'en débarrasser pour que naisse une nouvelle France post-identitaire, post-historique et post-nationale. Au mieux, ce sera pittoresque, et alors, on transformera cela en décor pour les touristes. Mais il n'est plus possible de se représenter autrement que négativement toute forme de substrat historique spécifique à la France. La poussée à l'indifférenciation qui traverse la mondialisation fait en sorte que ce qui est spécifique à un peuple et ne se laisse pas aisément traduire dans la culture globale des droits de l'homme est connoté négativement de manière automatique.

    C'est le paradoxe de l'identité française, en fait, et un semblable raisonnement pourrait s'appliquer aux autres nations occidentales, qui sont aussi soumises à la censure de fer propre à l'idéologie multiculturaliste. On dira que la France qui mérite d'être célébrée se distingue par les valeurs de la République, mais on oublie que ces valeurs, du moins, telles qu'elles se formulent aujourd'hui, ne se distinguent pas fondamentalement des valeurs revendiquées par d'autres nations, comme l'Allemagne, les États-Unis, le Canada, le Québec ou l'Italie. Autrement dit, la France cherche à se définir par ce qu'elle n'a pas de singulier, et refoule dans des stéréotypes négatifs ce qu'elle pourrait avoir en propre.

    Qu'est-ce qui fait que la France n'est pas le Danemark? On ne trouvera pas vraiment la réponse à cette question dans le seul universalisme républicain. D'une manière ou de l'autre, et en parlant ou non du Français de souche, il faudra bien rappeler les droits de l'histoire, ou si on préfère, des cultures historiques, celles qui font que les peuples ne sont pas interchangeables, qu'ils ont chacun une personnalité singulière, qui s'exprime dans l'appropriation des paysages, dans la cuisine (il est amusant de noter que dans Soumission, la jeune Myriam, qui l'a quitté pour Israël, exprime sa nostalgie de la France en parlant des fromages! Quant à lui, Éric Zemmour, dans la tournée de promotion du Suicide français, a donné le même exemple pour parler concrètement de l'identité française), dans la chanson, dans les contes et légendes, autrement dit, dans les mœurs, dans le mode de vie. Bien évidemment, le culte de la république à la française caractérise aussi le particularisme français.

    Devenir Français, cela ne consiste pas, alors, à se contenter d'une carte d'identité comme si un pays n'était qu'une association administrative s'ouvrant à n'importe qui s'y installe, mais cela ne saurait exiger non plus le partage d'une généalogie pluri centenaire. Mais cela consiste à s'approprier une culture, à s'en approprier la mémoire, aussi, pour la faire sienne. Cela consiste à envoyer les signaux, nombreux, qui témoignent de mille manières d'une appartenance héritée ou revendiquée à un peuple, à une identité qui a noué ses fils intimes au fil de l'histoire, et qu'il serait bien triste de voir aujourd'hui se dissoudre. Nous ne pourrons pas toujours vivre dans le déni des cultures. 

     

    FIGARO VOX - Mathieu Bock-Côté     

     Mathieu Bock-Côté est sociologue (Ph.D). Il est chargé de cours à+  HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels « Exercices politiques » (VLB, 2013), « Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois » (Boréal, 2012) et « La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire » (Boréal, 2007)

  • Ce Système dont nous ne voulons plus...

    Par Jean-Philippe Chauvin 

    1262631406.jpg

    En juin 1980, le journal Royaliste titrait, sur fond de Marianne vacillante : « Qui croit encore au système ? » : nous étions en pleine Giscardie, et les contestations restaient vives, dans le même temps que les Gauches s'apprêtaient à accéder au pouvoir, pour la première fois sous la Cinquième République, et soufflaient constamment sur les braises, s'enivrant de grands mots et de slogans qui se voulaient encore « révolutionnaires ».

    Les royalistes n'étaient pas les derniers à contester la présidence de « Foutriquet », selon le mot du philosophe Pierre Boutang, et à prôner un changement de tête, en attendant et en préparant un changement dans les institutions, certains en approfondissant celles de la Cinquième, « de la monarchie élective à la monarchie héréditaire et arbitrale » et d'autres, plus rudement, en renversant l'ordre centraliste, « de la République jacobine à la Royauté fédérale des peuples de France ». Mais tous pouvaient se reconnaître dans le titre de Royaliste, et, près de quarante ans après (ces fameux « quarante ans » que les Gilets jaunes évoquent comme un véritable mantra), après ces quatre décennies sans doute perdues pour la France (sauf peut-être sur la question de la décentralisation, avec les lois de 1982 et de 2004), ce titre paraît tout à fait adapté à la situation ! 

    Bien sûr, il paraît nécessaire de définir ce que l'on peut nommer « système » pour éviter tout malentendu et toute illusion, et ne pas se tromper ni de cible ni d'enjeu. Le « système », c'est d'abord un état d'esprit libéral (au sens le plus extrême du terme) mis en pratique par le jeu d'institutions de moins en moins politiques et de plus asservies par les féodalités financières et économiques, de la République à l'Union européenne, et c'est surtout l'imposition d'une « gouvernance mondialisée » symbolisée et représentée par le pouvoir de grandes villes-monde ou d'immenses zones métropolisées qui n'ont plus guère de rapports avec les pays et les populations historiques sur lesquelles elles vivent, souvent à leur dépens, comme du temps de la romanisation antique. Le système, c'est ce carcan de la démocratie dite représentative de plus en plus lointaine pour ceux qu'elle prétend représenter sans leur laisser le droit à la libre parole, et qui est aux mains de partis et de notables de moins en moins représentatifs des réalités sociales de notre pays ; c'est ce que l'on pourrait nommer « le pays légal », celui des élus, des parlementaires (qualifiés souvent de « parlementeurs », comme en février 1934 ou dans les années 1950, avant le retour du général de Gaulle) et des ministres, mais aussi des syndicats, des médias ou des artistes de la société du spectacle, vitrine de la société de consommation. 

    Au regard des derniers événements, l'on peut aisément constater que ce système, qui porte aujourd'hui le nom « synthétique » de « République » et qui a peu à voir avec le sens premier de ce mot, la « Res publica » (la chose publique, ou la communauté publique, de la Cité), se défend bien à défaut de bien gouverner : la célèbre formule d'Anatole France, l'auteur du conte si peu républicain « L'île des pingouins », reste actuelle, et les méthodes du Sinistre de l'Intérieur, M. Castaner, démontrent à l'envi ces procédés de « basse police » qui vont si bien à ce système qui, à défaut d'être bien aimé, entend forcer les citoyens à l'accepter sans contester.

    images.jpgLes diverses limitations de la liberté d'expression, les censures insidieuses ou les manipulations nombreuses, sans oublier les nouveaux moyens de la répression courante, des charges en moto (que j'avais, un des premiers, évoquées dans mon témoignage sur les événements parisiens du samedi 1er décembre) aux blocages de bus de manifestants bien en amont de Paris, de l'usage (inédit en ville depuis 2005) des blindés frappés de l'écusson de l'Union européenne (tout un symbole !) aux jets inconsidérés de gaz lacrymogène sur des manifestants un peu trop joyeux (comme place de l'Opéra samedi 15 décembre), sans oublier les projets ministériels et gouvernementaux de limitation légale du droit de manifester, tout cela marque une radicalisation d'un Système aux abois, furieux de s'être laissé bousculer par des « manants en gilets jaunes », sortis des profondeurs d'un « pays réel » négligé, voire oublié des « élites » (sic) tout d'un coup empêchées de « mondialiser en rond », selon l'heureuse expression d'un commentateur radiophonique... 

    les-manants-du-roi-979181-264-432.jpgEn d'autres temps, Jean de La Varende, écrivain enraciné de Normandie, avait réhabilité le sens du mot « manant », en rappelant sa véritable et historique signification : « des manants, le beau mot qui réunissait gentilshommes et terriens... de maneo : je reste, je persévère et j'attends. Les autres pouvaient fuir ; pouvaient courir où l'on se divertit : à eux, les manants, de continuer, d'assurer. » 

    35282784_524232294690752_2201719867948662784_o.jpgAlors, oui, en nous souvenant d'où nous venons et qui nous sommes, il nous est possible et fort légitime de revendiquer, face à un système féodal-libéral inquiet de ne plus être « la seule alternative » chère à Margaret Thatcher, d'être « les manants du roi », non pour détruire ce qui s'effondre, mais pour fonder un nouveau pacte social et politiquement royal, à l'écoute et au service de tous, cette alliance de l'Autorité nécessaire au sommet et des libertés garanties à la base, cette nouvelle arche française prête à affronter les tempêtes de ce « monde global » et de son « globalitarisme » néfaste pour les hommes comme pour la planète toute entière : pour ramener les Fouquet contemporains à la raison, il nous faut un « Louis XIV institutionnel », non un tyran mais un roi « protecteur des hommes et défenseur de la paix ». 

    La Monarchie n'a pas de sceptre magique, mais elle est la meilleure arme contre les spectres d'une mondialisation devenue folle d'avoir toujours eu tort... ■  

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

    A lire dans Lafautearousseau

    Au fait, qu'est-ce que le « Système » dont nous parlons ? Essai de définition ...

  • « Ici boire, manger, dormir, argent » : Le Figaro enfonce le clou sur le scandale de l’Ame. Ou : qu’est notre Douce Fran

                Nous en parlions samedi, pour approuver les déclarations de Claude Goasguen, dans Valeurs actuelles....

                Alors que les feuilles de Taxe d'habitation viennent d'arriver, après celles de la Taxe foncière, voilà que Le Figaro publie un article documenté sur cette gabegie, et ce véritable scandale, qu'est devenu l'Ame. Concrètement, sur les détournements d'argent - appelons un chat, un chat... - opérés par des voleurs, qui vivent à nos crochets, pendant que nos taxes et contributions diverses ne cessent d'augmenter.

                L'Etat et les Collectivités locale ne perçoiventt plus des impôts, comme cela est naturel dans toute société bien organisée, mais nous prennent à la gorge. Et pendant ce temps-là, à l'autre bout de la chaîne, des gaspillages insensés sont réalisés avec des fonds publics......

                Il est difficilement supportable par les contribuables que nous sommes tous de lire, en cette période de feuillles d'impôts, cet article de Sophie Roquelle, du 10 octobre, qui confirme ce que l'on savait déjà, ou dont on se doutait un peu......

    Aide médicale d'Etat : ces vérités qui dérangent 

    ame.jpg

    La France fait face à un afflux d'immigrants d'Europe de l'Est et du Caucase. Crédits photo : OLIVIER LABAN-MATTEI/AFP

                Depuis dix ans, les étrangers en situation irrégulière peuvent se faire soigner gratuitement en France grâce à l'Aide médicale d'Etat (AME). Mais le coût du dispositif explose. Afin de comprendre pourquoi, Le Figaro Magazine a enquêté auprès des médecins, des hôpitaux et des pharmaciens. Et fait réagir les associations.

                 Une enquête sur l'Aide médicale d'Etat ? Sauve qui peut ! Dans les ministères, les administrations, les associations humanitaires, la simple évocation de ce dispositif qui permet aux étrangers en situation irrégulière de se faire soigner gratuitement déclenche une poussée d'adrénaline. «Le sujet est explosif ! s'étrangle un haut fonctionnaire qui connaît bien le dossier. Vous voulez vraiment envoyer tout le monde chez Marine Le Pen ?» La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a pris la mesure de l'hypersensibilité du dossier lorsqu'elle a timidement évoqué devant les parlementaires, en juillet, l'idée de faire acquitter aux bénéficiaires de l'AME une contribution forfaitaire de 15 à 30 euros par an. Les associations ont aussitôt accusé Mme Bachelot de vouloir grappiller quelques euros sur le dos des damnés de la terre.

                Silence gêné à Bercy, où l'on prépare un tour de vis sans précédent sur le train de vie de la nation: «coup de rabot» sur les niches fiscales, suppressions de postes de fonctionnaires, déremboursements de médicaments... Mais toucher à l'AME n'est tout simplement pas prévu au programme de la rigueur. Le projet de budget pour 2011 prévoit même une augmentation de 10 % !

                 Depuis deux ans, la facture de la couverture médicale des sans-papiers s'envole. Son rythme de progression est trois à quatre fois supérieur à celui des dépenses de santé de tout le pays: + 13 % en 2009 (530 millions d'euros pour 210.000 bénéficiaires) et encore + 17 % au début de cette année. De toute évidence, l'enveloppe de 535 millions d'euros prévue en 2010 sera largement dépassée. Pour l'an prochain, ce sont 588 millions d'euros que Bercy a mis de côté pour l'AME. Soit, à peu de chose près, le montant des recettes fiscales que le gouvernement veut récupérer sur les mariés/pacsés/divorcés, ou encore le coût global du bouclier fiscal, qui fait tant couler d'encre.

                Afin d'y voir plus clair, les ministères de la Santé et du Budget ont commandé un nouveau rapport à leurs services d'inspection. L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF) ont déjà planché à deux reprises, en 2003 et en 2007, sur les nombreuses dérives de l'AME et ont émis des recommandations qui ont été partiellement suivies par les pouvoirs publics... des années plus tard. Ainsi, il a fallu attendre cette année pour que les attestations d'AME soient plastifiées et comportent la photo du titulaire.

                Pourquoi tant de gêne ? Echaudé par la séquence «identité nationale» et l'affaire des Roms, le gouvernement n'a visiblement aucune envie d'exacerber le ras-le-bol d'une opinion publique déjà exaspérée par la montée de la délinquance. Inutile non plus d'agiter un nouveau chiffon rouge sous le nez des associations, déjà très énervées par le projet de loi Besson sur l'immigration.

                Ces dernières sont sur le pied de guerre, déterminées à défendre jusqu'au bout l'accès aux soins gratuit et sans restriction des sans-papiers. «Au nom d'une certaine idée de la France», martèle Pierre Henry, le président de France Terre d'asile, mais aussi parce qu'«il s'agit d'une question de santé publique» face à la recrudescence d'épidémies. Excédé qu'«on se serve de quelques cas particuliers pour faire des généralités» et jeter l'opprobre sur l'AME, Pierre Henry réfute toute idée de ticket modérateur: «Quand vous n'avez pas de ressources, chaque centime d'euro compte. Quand vous vivez dans une précarité extrême, il n'y a pas de médecine de confort.» La Cimade, association protestante très active auprès des sans-papiers, somme les pouvoirs publics de ne pas «stigmatiser encore un peu plus les étrangers».

                Il n'empêche, les députés de droite, plusieurs fois lâchés en rase campagne sur l'AME par les gouvernements en place, ont l'intention de revenir à la charge. Au front, comme souvent sur les questions d'immigration, les députés UMP Claude Goasguen et Thierry Mariani n'entendent pas céder au «terrorisme intellectuel autour de ce dossier». A l'occasion de la discussion budgétaire, ces jours-ci, ils veulent ferrailler pour obtenir une «redéfinition des soins» éligibles à l'AME. En clair, réserver le dispositif aux soins d'urgence. «Il y a une vraie exaspération sur le terrain. Chacun doit maintenant prendre ses responsabilités», préviennent ces deux élus.

                Pour la première fois, les parlementaires pourraient rencontrer le soutien de la communauté médicale. Car médecins, pharmaciens, infirmières et même certains militants associatifs commencent à dénoncer un système sans limite ni contrôle, parfois détourné de son objectif initial, voire carrément fraudé.

                C'est Laurent Lantieri qui, le premier, a mis les pieds dans le plat. Dans un entretien à L'Express publié début septembre, le grand spécialiste français de la greffe du visage a confié son agacement de voir les principes du service public «dévoyés» avec l'AME. «Soigner les étrangers en cas d'urgence ou pour des maladies contagieuses qui pourraient se propager me paraît légitime et nécessaire, prend-il soin de préciser. En revanche, je vois arriver à ma consultation des patients qui abusent du système.» Et de raconter l'histoire de cet Egyptien qui avait eu le doigt coupé bien avant de s'installer en France et demandait «une opération de reconstruction», prétextant qu'il n'avait pas confiance dans la médecine de son pays. «En réalité, poursuit le chirurgien, ce monsieur s'était d'abord rendu en Allemagne, mais il jugeait bien trop élevée la facture qu'on lui avait présentée là-bas. Une fois en France, il avait obtenu l'AME et il estimait avoir droit à l'opération!» Ce que Laurent Lantieri lui refusa.

                Du tourisme médical aux frais du contribuable ? Claudine Blanchet-Bardon n'est pas loin de le penser. Cette éminente spécialiste des maladies génétiques de la peau voit parfois débarquer à sa consultation de l'hôpital Saint-Louis des patients AME venus du bout du monde exprès pour la voir. «Je vais vous dire comment ça se passe, confie-t-elle. Ils tapent le nom de leur maladie sur internet au fin fond de la Chine, tombent sur mon nom parmi d'autres et découvrent qu'en France, ils peuvent se faire soigner gratuitement. Ils arrivent clandestinement ici, restent tranquilles pendant trois mois et débarquent à ma consultation avec leur attestation AME, accompagnés d'un interprète. L'interprète, lui, ils le payent.» Le coût des traitements au long cours de ce type d'affection se chiffre en dizaines de milliers d'euros par an.

                Avec certains pays proches comme l'Algérie, l'affaire est encore plus simple. Un cancérologue raconte, sous le couvert d'anonymat : «Nous avons des patients qui vivent en Algérie et qui ont l'AME. Ils viennent en France régulièrement pour leur traitement, puis repartent chez eux. Ils ne payent que l'avion...»

                De plus en plus de médecins réclament un «véritable contrôle médical lors de l'attribution de l'AME». Ou, au moins, un accord de la Sécu avant d'engager certains soins. Car, à la différence de l'assuré social lambda, le bénéficiaire de l'AME n'a nul besoin d'obtenir une «entente préalable» avant d'engager des soins importants. C'est ainsi que des femmes sans-papiers peuvent faire valoir leurs droits à des traitements d'aide médicale à la procréation. «Pur fantasme!» s'insurgent les associations. «Elles ne sont pas très nombreuses, mais on en voit...» répond une infirmière d'une grande maternité de l'est de Paris, choquée que «la collectivité encourage des femmes vivant dans la clandestinité et la précarité à faire des enfants». Chaque tentative de fécondation in vitro (FIV) coûtant entre 8000 et 10.000 euros, la question mérite effectivement d'être posée.

                Le député Thierry Mariani n'en finit pas de citer cet article paru il y a deux ans et demi dans Libération* qui raconte l'histoire incroyable d'un couple de Camerounais sans-papiers qui voulait un enfant. Monsieur est «séropositif, il a deux autres femmes et sept enfants au Cameroun». Suivi en France pour son sida, il vient de se marier pour la troisième fois, mais sa jeune femme «n'arrive pas à être enceinte» et «s'est installée dans la banlieue parisienne depuis qu'elle a décidé de tenter une FIV. (...) Sans papiers, elle est en attente de l'Aide médicale d'Etat». Les médecins étaient, paraît-il, «perplexes» face à cette demande, mais ils finiront par y accéder.

                A l'heure où les hôpitaux croulent sous les déficits, «cette distribution aveugle de l'AME», selon le mot de Mme Blanchet-Bardon, finit par excéder les praticiens hospitaliers, «coincés entre leur devoir de soignant et les limites de la solidarité nationale».

                Pierre Henry, de France Terre d'asile, balaie les allégations de tricheries : «S'il y a des abus, les premiers coupables sont les médecins.» Mais le corps médical renvoie, lui, vers la Caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) qui délivre le précieux sésame. «Nous, on est là pour soigner, pas pour vérifier les attestations AME», souligne un médecin urgentiste.

                Le problème est que la CPAM ne fait elle-même qu'appliquer des textes d'une extrême légèreté, les seules conditions requises pour obtenir l'AME étant trois mois de résidence en France et des ressources inférieures à 634 euros par mois. Les demandeurs étant clandestins, le calcul des ressources relève de la fiction. «Nous prenons en compte les ressources au sens large: il s'agit plutôt des moyens de subsistance», explique un travailleur social, qui concède n'avoir aucun moyen de vérifier les dires du demandeur.

                En l'absence de données fiables, la situation des bénéficiaires de l'aide médicale est l'objet de vastes débats. Pour les associations, «l'extrême précarité» des immigrés clandestins justifie pleinement leur prise en charge totale par la solidarité nationale. Une affirmation qui doit être quelque peu nuancée. Selon une enquête réalisée en 2008 par la Direction des études du ministère des Affaires sociales (Drees) auprès des bénéficiaires de l'AME résidant en Ile-de-France, «près de 8hommes et 6femmes sur 10 travaillent ou ont travaillé en France». Il s'agit essentiellement d'emplois dans le bâtiment, la restauration et la manutention pour les hommes, de ménage et de garde d'enfants pour les femmes.

                L'hôpital représente un peu plus des deux tiers des dépenses AME, le solde relevant de la médecine de ville. Très souvent refusés par les praticiens libéraux en secteur II (honoraires libres), ces patients fréquentent assidûment les centres médicaux des grandes villes où toutes les spécialités sont regroupées. «Comme c'est gratuit, ils reviennent souvent», soupire une généraliste qui se souvient encore de la réaction indignée d'une de ses patientes, tout juste régularisée, à qui elle expliquait qu'«elle allait dorénavant payer un peu pour ses médicaments, et que pour (eux) aussi, c'était comme ça...».

                Aucun soignant - ni aucun élu d'ailleurs - ne remet en cause l'existence de l'AME ni sa vocation dans la lutte contre la propagation des épidémies, notamment de la tuberculose, en pleine recrudescence. Dans l'est de Paris, une épidémie de gale qui avait frappé un camp d'exilés afghans l'an dernier a pu être éradiquée efficacement grâce à l'aide médicale. Mais c'est la gratuité généralisée des soins qui choque un nombre croissant de médecins et de pharmaciens.

                Dans cette officine proche d'une gare parisienne, on voit défiler chaque jour une dizaine de clients avec une attestation AME. «Pour la plupart, c'est de la bobologie: aspirine, sirop...» raconte la pharmacienne, qui vérifie avec soin les documents présentés. «La paperasserie, c'est l'horreur. Les attestations papier sont tellement faciles à falsifier.» Parfois, la clientèle AME est plus nombreuse, comme dans ce quartier du Xe arrondissement de Paris où les bobos cohabitent avec une forte population immigrée. «Sur 60ordonnances par jour, je fais une vingtaine d'AME», raconte la gérante d'une pharmacie. Dans le lot figurent presque à chaque fois deux ou trois trithérapies (traitements anti-sida) et autant de Subutex (traitement de substitution à l'héroïne). «Le reste, poursuit-elle, ce sont généralement des traitements pour les petites maladies des enfants, des gouttes, des vitamines, car nous avons une forte communauté asiatique dans le quartier.»

                Les pharmaciens sont particulièrement vigilants sur le Subutex, objet de tous les trafics. Même si la Sécu veille au grain, il est bien difficile d'empêcher un patient muni de son ordonnance de faire la tournée des pharmacies pour se fournir en Subutex avant de le revendre. Le tout sans débourser un euro. Il y a deux ans, un vaste trafic de Subutex, via l'AME, a été démantelé entre la France et la Géorgie. «L'AME, c'est une pompe aspirante», insiste un autre pharmacien, las de distribuer toute la journée gratuitement des médicaments de confort et des traitements coûteux à «des gens qui n'ont en principe pas de papiers en France, alors que les petites dames âgées du quartier n'arrivent pas à se soigner».

                Sur le terrain, l'explosion des dépenses a été ressentie par tous. Et chacun a son explication. Pour les associations, c'est le résultat de la politique anti-immigration du gouvernement. Le durcissement du droit d'asile aurait rejeté dans la clandestinité un nombre plus élevé d'exilés. En outre, les sans-papiers, craignant plus que jamais d'être interpellés, attendraient la dernière minute pour aller se faire soigner. «De plus en plus de patients arrivent chez nous dans un état de santé extrêmement délabré», souligne-t-on à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), dont les 45 établissements ont vu leur facture AME grimper de 16 % l'an dernier (à plus de 113 millions d'euros). Des soins plus complexes et des durées de séjour plus longues font flamber les coûts.

                Les travailleurs sociaux ont aussi noté depuis le printemps 2009 un afflux d'immigrants d'Europe de l'Est et de l'ex-Union soviétique: des Roumains et des Bulgares (souvent des Roms), mais aussi des Tchétchènes, des Kirghiz, des Géorgiens, et même des Russes. Les associations sont débordées par ces arrivées de familles entières. «On ne va pas pouvoir accueillir tout le monde», soupire Geneviève, permanente dans un centre d'accueil pour étrangers, qui se souvient d'un Roumain arrivé en France il y a peu, avec pour seul bagage un petit bout de papier sur lequel son passeur avait écrit: «Ici boire manger dormir argent.»

    * Libération du 24 janvier 2008.

  • Qu'est-ce que le sacré ?...

            Elles sont toujours intéressantes, les chroniques littéraires d'Edmonde Charles-Roux, dans La Provence du dimanche. Parfois, même, elles nous touchent plus particulièrement, nous, les royalistes, comme cette fois où elle aprésenté le livre de son frère, prêtre, sur Louis XVII, pour le martyre duquel elle a eu des mots très justes et, disons-le, superbes...

            Ce dimanche 5 février, Edmonde Charles-Roux a choisi de s'arrêter sur le Jeunesse du sacré, de Régis Debray : LA PROVENCE EDMONDE DEBRAY.jpg

    debray,charles-roux

     

            Gallimard, 202 pages, 23 euros

  • Qu’est-ce que la France ?...

               Voici, réédité en format poche (1), l'ouvrage qui reprend les débats animés par Alain Finkielkraut dans son émission Répliques, sur France Culture.

     
     
    1554717064.jpg

               La France doit-elle rester une nation, ou devenir une société multi-culturelle post-nationale ? Finkielkraut rappelle la formule de Renan : "Une nation est une âme, un principe spirituel... Deux choses constituent cette âme : l'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs, l'autre est le consentement de continuer à faire valoir l'héritage indivis...".

               Autrement dit, la nation est à la fois héritage et projet, communauté de destin. Or aujourd'hui l'héritage est réduit pour certains (et par certains) à des crimes qui exigent repentance, et le projet n'est plus vécu...

               Quelques unes des personnes ayant participé à Répliques : Stephen Smith - Françoise Vergés - Pascal Blanchard - Jean-Pierre Obin - Hakim El Karoui - Michèle Tribalat - Maurice Agulhon - Lionel Jospin - Daniel Bensaïd - Philippe Raynaud - Jean-Marc Ferry - Pierre Manent - Paul-Marie Couteaux - Nicolas Tenzer- Christophe Barbier - Hubert Védrine - François Furet - Jacques Le Goff - Pierre Nora - Paul Thibaud - Marie-Claude Biais - Marcel Gauchet - Danièle Hervieu - Léger - Henri Tincq - Michel Winock- René Rémond - Zeev Sternhell - Pierre Jourde - Richard Millet - Claude Habib - Mona Ozouf...

    (1)   : Qu’est-ce que la France ?, Alain Finkielkraut. Folio Gallimard, 445 pages, 8 euros.

  • Le Système en est à désavouer ses préfets qui appliquent... ses décisions !...

                Alexis Brézet a fort bien analysé (1) l'affaire du Préfet Bernard Fragneau. "Un haut fonctionnaire courageux" ("il y en a", note-t-il avec malice...) qui a préféré demander à être relevé de ses fonctions plutôt que d'accepter d'être désavoué par cet Etat qu'il n'a fait que servir.

                Préfet de la région Centre et du Loiret, lorsque le scandale est arrivé, Bernard Fragneau, serviteur intègre et méritant de l'Etat, a été nommé préfet hors cadre le mercredi 31 mars.

    fragneau bernard.jpg
    Quand un Préfet applique les lois,
    et s'élève contre ce que Brézet appelle fort justement "la tyrannie de l'émotion"
    c'est simple: on le vire !...

                Nicolas Sarkozy a donc envoyé un nouveau signal fort aux délinquants du monde entier: le frère - clandestin - qui bat sa soeur n'est pas poursuivi ni expulsé, et reste donc bien au chaud chez nous; et la soeur, également clandestine, prétendant risquer un mariage forcé au Maroc - alors que rien n'est moins sûr... - peut rester au chaud ici, elle aussi !

                Chapeau !

                Question à dix centimes d'euro: qu'est-ce qui va augmenter ? Les clandestins et nos impôts...

                Moyennant quoi le même Sarkozy redonne aux Préfets la charge de suspendre les allocations familiales versées aux parents démissionnaires.

                Oui, mais, comme dit Brézet, "encore faudrait-t-il que le premier Préfet qui s'avisera d'appliquer cette sanction ne soit pas désavoué..."

    (1) : On lira l'article ici : La casquette et le chapeau.pdf

  • REPRENDRE LE POUVOIR ? QU'EST-CE A DIRE ?

    237497988.jpgLe Camp Maxime Real del Sarte , université d’été d’Action française, tout particulièrement destinée aux jeunes, à leur formation politique, se tiendra du 25 au 31 août au château d’Ailly, dans le pays roannais.
     
    Le thème choisi cette année, repris du titre d'un livre important de Pierre Boutang, paru en 1977, sera : Reprendre le pouvoir; thème difficile et sérieux, sur lequel il nous a semblé bon de revenir ici, en remontant à la source, c'est à dire au livre lui-même et à son sens vrai.
     
    En lisant la suite, on en trouvera une analyse détaillée. La matière en est ardue. Mais elle dit l'essenrtiel. Et Elle explique aussi pourquoi nous préférons illustrer l'annonce de la prochaine université d'été des jeunes d'Action française avec l'image d'un ardent feu de camp plutôt que celle - utilisée par les organisateurs - d'une scène des journées d'émeutes - d'ailleurs inabouties - de février 1934... Mais nous aurons à reparler de Pierre Boutang à propos du Qui suis-je ? d'Axel Tisserand !
     

    RETOUR SUR « REPRENDRE LE POUVOIR »

    OU LA LÉGITIMITÉ RETROUVÉE …

     

    Que dit Pierre Boutang dans ce livre profond et érudit ? Il n’envisage évidemment pas l’acte en lui-même de prendre le pouvoir, encore moins les techniques du coup de force, du coup d’Etat, que les royalistes, comme d’autres, ont évoquées tant de fois dans le passé. Boutang sait trop bien que cette affaire, dans l'immédiat, n’est pas sérieuse ; qu’elle n’est pas d’actualité ; que, sur ce plan là, comme, d’ailleurs, sur le plan électoral, les royalistes sont « un néant de force » ; que la leur est autre ; qu’il est donc illusoire et coupable de les entretenir dans ce mythe aujourd’hui irréalisable et ridicule. Ce n'est pas que les royalistes aient jamais renoncé à faire la monarchie - Pierre Boutang, en vérité, y a songé, y a travaillé toute sa vie - mais que les conditions doivent préalablement en être réunies; que la chose doit devenir possible et réalisable; qu'elle doit sortir de l'ordre du fantasme. On verra comment...

    reprendre-le-pouvoir-pierre-boutang-9782727500469 copie.jpg

    Le propos de Reprendre le pouvoir est, en effet, d'en redéfinir, d'abord, une idée acceptable. Si l'avenir n'est pas au chaos, il ne peut être qu'à la Légitimité retrouvée, instaurée, restaurée, vaste et profonde réalité dont le respect et le culte pourraient seuls définir une droite qui serait digne de ce nom et la distinguer suffisamment de toutes ses caricatures, fasciste, libérale, conservatrice...

     

    SAUVER UN PEUPLE

     

    Ce que Pierre Boutang rappelle d'abord, c'est qu'il y a en tout temps un peuple à sauver. Hier, de l'emprise terrorisante du Communisme mais aujourd’hui de l'empire corrupteur de la finance internationale. Or pour qu'un peuple fasse son salut temporel, il lui faut le secours d'un Pou­voir politique.  « Rebâtir quelque idée du pouvoir » (147) est d'abord nécessaire. « Les nouveaux philosophes ne sont pas les seuls à être dépourvus de théorie du pouvoir Ce que j'observe dans l'histoire contemporaine, c'est que la théorie politique s'effrite à mesure que le pouvoir s'use. Moralité, on ne fait plus de distinction entre les bons et les mauvais pouvoirs - ceux que j'appelle les pouvoirs mal vécus » (Nouvelles Littéraires, 26 janvier 1978). En un sens, c’est aussi ce que dit aujourd’hui Edgard Morin, à l’horizon de la gauche, où les mythes fondateurs se sont écroulés, depuis quelques décennies, déjà.

     

    LE POUVOIR LÉGITIME

     

    Quelle est donc la nature du Pouvoir qui sauve, dont les pouvoirs qui écrasent, qui corrompent et qui tuent, l'âme et le corps, sont les contrefaçons ? « Ce n'est pas simple, résume Pierre Boutang lui-même, dans un entretien donné aux Nouvelles littéraires, au lendemain de la parution de Reprendre le pouvoir. Le pouvoir apparaît au mieux par la nature et le jeu de ses éléments. Ces éléments sont au nombre de trois : la légitimité - qui pose la souveraineté, l'existence même du souverain et son intention d'agir pour le bien commun; le consentement populaire - sans quoi le pou­voir n'est qu'une contrainte évacuant l'humanité; enfin l'auto­rité - l'acte, le résultat de droit et de fait auquel il est consenti ».

     

    « Les variétés de pouvoir - c'est-à-dire aussi les variétés de sa perversion - se définissent selon l'ordre ou l'absence par­tielle de ces éléments. Vue de l'État, la légitimité a besoin du consentement pour justifier l'autorité; vue du peuple, l'autori­té a besoin de la légitimité pour obtenir le consentement. L’ordre dans lequel se composent ces éléments constitutifs du pouvoir n'est donc jamais le même, à un moment donné, pour le peuple et pour l'État : sinon il n'y au­rait plus dialogue entre eux, mais monologue, monologue d'un souverain sans peuple - tyrannie - ou d'un peuple sans souve­rain - anarchie -. Comme vous le voyez, le dialogue du peuple et de l'État obéit à une dialectique complexe, toujours recom­mencée. Le peuple, par sa liberté de consentement commence là où le Prince finit; le Prince par l'autorité que lui confère le consentement, commence là où le peuple finit. »

    « Qu'y a-t-il de nouveau dans votre théorie du pouvoir ? - Ce qu'il y a de nouveau, c'est qu'elle était oubliée ». Pourtant, la manière, en particulier, dont Boutang fonde toute sa Politique sur l'idée de souveraineté, non idée en l'air, mais idée d'une réalité de naissance, réalité pater­nelle, toujours antécédente donc légitime, donc fondatrice d'ordre (49-106), est neuve et admirable.

    Quelle est donc pour nous, aujourd'hui, la figure la plus accessible de cette nécessaire légitimité ? La plus naturellement présente à notre esprit français, évidemment, c'est la monarchie. « C'est quoi, pour vous, l'idée monarchiste ? C'est l'idée d'un pouvoir qui ne s'achète pas; ni par le nombre, ni par la force, ni par l'argent.» Magnifique !

     

    SERVITEUR DE LA LÉGITIMITÉ

     

    Pour parler ainsi, il faut être libre. Pierre Boutang était libre. Contre le Communisme, qu'il méprise consciemment et délibérément. « Le marxisme n'est jamais qu'une aberration de la pensée vraie, une négation de la légitimité; il n'a rien créé, il a exclusivement détruit. Il portait le Goulag en puissance. En quoi, je vous le demande, ce tragique aboutissement d'une pen­sée nulle, d'une pensée minable, d'une pensée morte, pourrait-il fonder une théorie du pouvoir ? »

    Mais également ennemi de la ploutocratie dite libérale : « Aujourd'hui, la société ne transmet plus que les vices et les dysharmonies des classes supérieures. Il n'y a plus rien à con­server, la droite a complètement échoué. Réduite à l'instinct de combinaison, n'ayant plus rien à sacrifier, elle n'encourt même plus le risque de paraître lâche ou hypocrite; le type du bourgeois libéral, c'est le PDG toujours absent qui abandonne sa femme au bridge et à la psychanalyse, et que ses fils s'en vont vomir dans le gauchisme. On ne me soupçonnera de rien si j'affirme que la gauche, elle, peut encore raconter des trucs généreux : elle ne vaut pas mieux.

    « Je ne suis pas un conservateur: à condition que ça ne fasse pas de mal aux êtres, je dis que la société d'argent peut bien crever ! A bas l'usure, l'argent selon moi ne doit pas faire de petits : ce principe salubre définit ce que Marx appelait le so­cialisme féodal. Et bien, va pour le socialisme féodal.»

     

    AUX SOURCES SACRÉES DU POUVOIR

     

    Celui qui l'interroge alors pour les Nouvelles littéraires ne s'y est pas trompé, ce mépris de tout culte de l'homme suppose un autre culte. « Quand on-rejette l'intérêt matériel, la vanité de puissance, le commerce des pseudo-valeurs, et qu'on veut se prémunir contre tout cela, il arrive fatalement un moment où, faute de faire confiance à l'homme, on réhabilite la Providen­ce... C'est ce que vous faites à la fin de votre livre en rêvant d'un Prince chrétien, qui sera le « serviteur de la légitimité ré­volutionnaire. — Bien sûr, je crois en la Providence.»

    En vérité, pour Pierre Boutang, cette transcendance, Dieu, le Dieu de l'Évangile catholique, est présent non à la fin mais à la source de toute souveraineté légitime, comme il est à l'origine de sa réflexion, et dès la première page de son livre. D'accord avec Simone Weil : « Il n'y a que par l'entrée dans le transcendant, le surnaturel, le spirituel authentique que l'homme devient supé­rieur au social. Jusque-là, en fait et quoi qu'on fasse, le social est transcendant à l'homme. Dès lors la seule protection possi­ble pour l'homme est que ceux qui sont sur la route de la sain­teté aient une fonction sociale reconnue. Mais quel danger ! »

    Comment faire ? Appellera-t-on les saints (!) à gouverner ? La solution que choisit Boutang est plus sage, celle d'un Pouvoir dont l'institution, à ses yeux, est sainte, jaillie des sources doublement sacrées de la paternité divine et de la paternité humaine, et triplement sa­crées si l'on accepte la « modification chrétienne » que déve­loppe magnifiquement sa Troisième Partie (147-180), suivant, en cela, l’idée d’Urs von Balthasar. Car, pour lui, c'est bien le Christianisme qui fonde la distinction du roi et du tyran, par la légitimité or­donnatrice, seule forme viable, stable, loyale d'une monarchie populaire. 

  • Mais, qu'est-ce que la Civilisation ?.....

           Nous nous faisons assez l'écho des remous tragi-comiques provoqués par les propos - au demeurant banals mais aussi spécieux - de Claude Guéant sur ces civilisations qui ne se valent pas toutes....

            Nous le faisons pour dénoncer le terrorisme intellectuel - car il faut le faire à temps et à contre-temps - et aussi pour mettre cette gauche et cette extrême-gauche moralisatarices face à leurs contradictions insolubles : leur prétention à faire en permanence, à tout le monde et sur tout sujet, un jugement dernier perpétuel et sans appel combine le scandaleux, le ridicule et, tout simplement, la contradiction avec ce qu'elles sont en réalité, depuis leur origine...

            Maintenant, cela étant dit, et en même temps qu'on relève les principales perles du bêtisier dans lequel ont sombré plusieurs personnalités (!), il faut revenir à l'essentiel. Car, au fond, et même s'il ne répond pas, ou répond à côté, ou répond à tort, au sujet, Claude Guéant a mis le doigt sur un point important : qu'est-ce qu'une civilisation ? Qu'est-ce que "la" Civilisation ?

            En attendant un prochain Grand Texte (c'est pour bientôt) de Jacques Bainville sur le sujet, nous ressortons notre XXème Grand Texte, de Charles Maurras, intitulé justement Qu'est-ce que la Civilisation ? Et, quand on lira, bientôt donc, le texte de Bainville, on sera frappé par l'accord profond de la pensée de l'un et de l'autre, un accord, une proximité d'esprit qui s'étend du reste bien au-delà de ce simple sujet, aussi important soit-il....

    GRANDS TEXTES (XX) : Qu'est-ce que la Civilisation ?, de Charles Maurras.

    (Texte paru pour la première fois le 9 septembre 1901 dans la Gazette de France, repris en 1931 dans la revue Principes; en 1937 dans Mes idées politiques; enfin dans les Oeuvres capitales).

    MAURRAS 12.jpg

              Peu de mots sont plus employés, peu de mots sont moins définis que celui-là. On entend quelquefois par civilisation un état de moeurs adoucies. On entend d'autres fois la facilité, la fréquence des relations entre les hommes. On imagine encore qu'être civilisé,c'est avoir des chemins de fer et causer par le téléphone. En d'autres cas, au minimum, cela consiste à ne pas manger ses semblables. Il ne faut pas mépriser absolument ces manières un peu diverses d'entendre le même mot, car chacune est précieuse; chacune représente une acception en cours, une des faces de l'usage, qui est le maître du sens des mots. Trouver la vraie définition d'un mot n'est pas contredire l'usage, c'est au contraire, l'ordonner; c'est l'expliquer, le mettre d'accord avec lui-même. On éprouve une sorte de plaisir sensuel à survenir dans ce milieu troublé et vague pour y introduire la lumière avec l'unité.


                Les faiseurs de dictionnaires ont trop à écrire pour s'encombrer sérieusement de ce souci. Le seul petit lexique que j'ai sous les yeux au moment où j'écris, s'en tire à bon compte, et je ne crois pas que ses confrères fassent de beaucoup plus grands frais. Je le copie: "Civiliser, rendre civil, polir les moeurs, donner la civilisation. -Civilisation, action de civiliser, état de ce qui est civilisé. -Civilisateur, qui civilise. -Civilisable, qui peut être civilisé." Et voilà tout. Pas un mot de plus. Le seul menu lumignon qui soit fourni par cet ingénieux lexicographe est dans "polir les moeurs", qui n'éclaire que médiocrement le sujet. Nous pourrions dépouiller quantité de doctes volumes sans être plus avancés. Mieux vaut peut-être concentrer avec force son attention, songer aux sociétés que nous appelons civilisées, à celles que nosu appelons barbares et sauvages, les comparer entre elles, voir leurs ressemblances, leurs différences, et tâcher d'en tirer des indications.

    caverne tatras.JPG
    Caverne de Lokietek, dans les Monts Tatras

                Je vous épargnerai cette besogne d'analyse, qui risquerait de vous paraître fatigante, et ne vous en soumettrai que le résultat. Celui-ci me paraît se défendre assez bien par la seule évidence qui lui est propre.

                Ne vous semble-t-il pas que le vrai caractère commun de toute civilisation consiste dans un fait et dans un seul fait, très frappant et très général ? L'individu qui vient au monde dans une "civilisation" trouve incomparablement plus qu'il n'apporte. Une disproportion qu'il faut appeler infinie s'est établie entre la propre valeur de chaque individu et l'accumulation des valeurs au milieu desquelles il surgit. Plus une civilisation prospère et se complique, plus ces dernières valeurs s'accroissent et, quand même (ce qu'il est difficile de savoir) la valeur de chaque humain nouveau-né augmenterait de génération en génération, le progrès des valeurs sociales environnantes serait encore assez rapide pour étendre sans cesse la différence entre leur énorme total et l'apport individuel quel qu'il soit.

                Il suit de là qu'une civilisation a deux supports. Elle est d'abord un capital, elle est ensuite un capital transmis. Capitalisation et tradition, voilà deux termes inséparables de l'idée de civilisation. Un capital.... - Mais il va sans dire que nous ne parlons pas de finances pures. Ce qui compose ce capital peut être matériel, mais peut être aussi moral.

                L'industrie, au grand sens du mot, c'est-à-dire la transformation de la nature, c'est-à-dire le travail de l'homme, c'est-à-dire sa vie, n'a pas pour résultat unique de changer la face du monde; elle change l'homme lui-même, elle le perfectionne, comme l'oeuvre et l'outil perfectionnent l'ouvrier, comme l'ouvrier et l'oeuvre perfectionnent l'outil. Le capital dont nous parlons désigne évidemment le triple résultat de cette métamorphose simultanée.

    lascaux 2.jpg
    Peintures murales, Lascaux
     

                Le sauvage qui ne fait rien ou qui ne fait que le strict nécéssaire aux besoins pressants de la vie, laisse à la forêt, à la prairie, à la brousse leur aspect premier. Il n'ajoute rien aux donées de la nature. Il ne crée point, en s'ajoutant à elles, un fort capital de richesses matérielles. S'il a des instruments ou des armes, c'est en très petit nombre et d'un art aussi sommaire que primitif..... Mais cet art étant très sommaire n'exige pas non plus, comme le fait tout industrie un peu développée, des relations multiples et variées entre voisins, congénères, compatriotes. Il contracte, sans doute, comme dans toute société humaine, des moeurs, mais elles sont rudimentaires, sans richesse ni complexité. La coopération est faible, la division du travail médiocrement avancée: les arts et les sciences sont ce que sont l'industrie et les moeurs. Tout le capital social en est réduit à son expression la plus simple: ni pour le vêtement, ni pour l'habitation, ni pour la nourriture, l'individu n'obtient des sociétés qui le forment autre chose que les fournitures essentielles ou les soins indispensables. Le fer fut longtemps ignoré; on assure même qu'il y a des sauvages qui n'ont aucune idée du feu.

               Mais les capitaux particuliers à l'état sauvage ont encore cette misère d'être fragiles et bien rarement sujets à durer. C'est la hutte qu'il faut reconstruire sans cesse. C'est la ceinture ou le pagne d'écorce sèche. C'est la provision à rassembler quotidiennement. Aucun moyen d'éterniser les acquisitions. Je ne parlerai même pas de l'écriture ! Mais les langues parlées ne supportent qu'un très petit nombre d'associations de pensée. Il y a des secrets utiles, précieux, découverts par fortune ou selon d'ingénieuses observations personnelles, sujettes à se perdre irrémédiablement dans la nuit. Point de mémoire collective, point de monument, nulle continuité. Ou l'on se fixe, et le mouvement naturel des choses de la terre qui se renouvellent sans cesse ne s'arrête pas d'effacer méthodiquement toute trace de chaque effort. Ou l'on erre de lieu en lieu, et la course de l'homme vient ajouter sa turbulence aux autres causes de déperdition et d'oubli. Chaque tentative de constituer en commun des capitaux solides est exposée à des risque indéfinis. La tradition n'est pas absente, parce qu'il n'y a point de société sans tradition, ni d'hommes sans société:  mais elle est au plus bas. L'individu ne pourrait subsister sans elle: parce qu'elle est misérable et faible, la faiblesse et la misère des individus sont évidentes.; cependant, en présence d'un si maigre héritage, le nouveau-né peut se considérer, sans qu'il ait à rougir du peu qu'il apporte en regard de ce qu'il reçoit. S'il doit beaucoup à al sociét, il lui serait possible de la rendre sa débitrice.

                Mais, tout au contraire, le civilisé, parce qu'il est civilisé, a beaucoup plus d'obligations envers la société que celle-ci ne saurait en avoir envers lui. Il a, en d'autres termes, bien plus de devoirs que de droits.

                Et quand je parle, en ceci, des civilisés, je ne veux point parler d'un de ces favoris de la nature ou de l'histoire qui, nés Français, ou Italiens, ou Espagnols, ou même Anglo-Saxons, bénéficient des plus brillants, des plus heureux et de plus merveilleux processus du genre humain. Je ne désigne même pas le membre d'une de ces petites nationalités secondaires qui participent, par leur position dans l'espace ou dans le temps, à nos vastes développements généraux. Au-delà même de diverses clientèles de notre civilisation occidentale, l'étendue et l'immensité du capital accumulé, l'influence du nôtre crée des réserves trop nombreuses, trop puissantes, trop bien transmises et trop éclatantes pour qu'il ne soit pas trop ridicule d'y opposer ou d'y comparer la frêle image d'un nouveau-né à peine distinct de sa mère. En des cas pareils, il est certain que l'individu est accablé par la somme des biens qui ne sont pas de lui et dont cependant il profite dans une mesure plus ou moins étendue. Riche ou pauvre, noble ou manant, il baigne dans une athmosphère qui n'est point de nature brute, mais de nature humaine, qu'il n'a point faite, et qui est la grande oeuvre de ses prédécesseurs directs et latéraux, ou plutôt de leur association féconde et d eleur utile et juste communauté.

    decouverte-de-la-roue-t7873.jpg

                Non, ne comparons pas des incomparables. Prenons plutôt des civilisations moins avancées, encore inachevées et barbares, où le choeur des idées, des sentiments et des travaux ne fait que bégayer ses antiques paroles: les âges héroïques, les tribus aux premiers temps de leur migration, ou les cités au premiers jours de leur édifice, ou la mer au jour de ses premiers matelots, les champs aux premiers jours de leur défrichement. Quel capital démesuré représente le simple soc, incurvé,  d'une charrue, la toile d'une voile, la taille d'un quartier de roc, le joug d'un chariot, l'obéissance d'un animal de course ou de trait ! Quelles observations, quels tâtonnements signifient les moindres données précises sur les saisons, sur la course des astres, le rythme et la chute des vents, les rapports et les équilibres ! Non seulement aucun homme isolé ne peut comparer son savoir au savoir général qu'exprime ceci, mais jamais une génération unique, en additionnant ses efforts, ne réaliserait rien de tel. Du point de vue individuel, si ce point de vue était admissible pour une intelligence et pour une raison humaine, on ne saurait voir une bêche ni une rame sans vénération: ces deux pauvres outils passent infiniment ce que peut concevoir une imagination solitaire, à plus forte raison ce que peut accomplir un art personnel.

                Comme les bêches et les rames se sont multipliées et diversifiées, comme les instruments de l'industrie et cette industrie elle-même n'ont cessé, par une activité séculaire, de s'accroître et de s'affiner, ainsi les civilisations accroissent, perfectionnent leurs ressources et nos trésors. Le petit sauvage était nourri par sa mère et dressé par son père à certains exercices indispensables. Rien de durable autour de lui, rien d'organisé. Ce qu'il avait de vêtements, on le lui cueillait ou il l'empruntait de ses mains aux arbres et aux herbes. Ainsi du reste. Mais, autour de l'homme civilisé, tout abonde. Il trouve des bâtiments plus anciens que lui et qui lui survivront. Un ordre est préparé d'avance pour le recevoir, et répondre aux besoins inscrits soit dans sa chair, soit dans son âme. Comme les instruments physiques sont appropriés à la délicatesse des choses, il est des disciplines, des sciences et des méthodes qui lui permettent d'accélerer sa vue du monde et de se conduire lui-même. Je n'examine pas s'il a plus d'heur ou de malheur, car c'est une question tout à fait distincte de celle qui se pose ici; je suis simplement forcé de constater qu'il a, beaucoup plus qu'un sauvage, l'attitude et la figure d'un débiteur.

    INVENTIONS ET DECOUVERTES.JPG
    VIIIème millénaire avant J.C, Invention de l'agriculture....
     

                Sa dette envers la société est à peu près proportionnée à l'intensité de sa vie: s'il vit peu, il doit relativement peu; mais s'il profite des nombreuses commodités que ses contemporains, les ancêtres de ces derniers et les siens propres ont accumulées à nos services, eh bien ! sa dette augmente dans la même large proportion. Mais, dans un cas comme dans l'autre, il n'y a point à espérer de la solder: quelque service que rende un individu à la communauté, il peut être vénéré par ss successeurs, c'est-à-dire rangé au nombre des communs bienfaiteurs de la race, mais, au point du temps où nous sommes, il ne s'acquittera jamais envers les devanciers. Inventez le calcul différentiel ou le vaccin de la rage, soyez Claude Bernard, Copernic ou Marco Polo, jamais vous ne paierez ce que vous leur devez au premier laboureur ni à celui qui frêta la première nef. A plus forte raison le premier individu venu et, comme on dit, l'Individu, doit-il être nommé le plus insolvable des êtres.

                Mais, de tous ces individus, le plus insolvable est sans doute celui qui appartient à la civilisation la plus riche et la plus précieuse. S'il y a donc une civilisation de ce genre, ses membres, débiteurs par excellence, pourront tous se définir par ce caractère.

                Nous devrions, je crois, protester contre une erreur assez commune du langage. On dit très indifféremment la civilisation et les civilisations. Non, cela n'est point la même chose du tout. Il y a en Chine une civilisation: c'est-à-dire un capital matériel et moral que l'on se transmet. Il y a des industries, des arts, des Sciences, des moeurs. Il y a des richesses, des monuments, des doctrines, des opinions, des qualités acquises favorables à la vie de l'être humain. Même phénomène aux Indes, au Pérou, si on le veut; à certains égards, au fond de l'Afrique, où se fondèrent des royautés puissantes, et jusque dans les îles de l'Océanie. Ce qui est exceptionnel, sur la planète, ce n'est peut-être pas un certain degré de civilisation, mais plutôt une certaine sauvagerie. L'homme est conservateur, accumulateur, capitalisateur et traditionaliste d'instinct. Quelque développées que soient pourtant ces différentes civilisations, elles ne sont pas, à proprement dire, la Civilisation.

     
    kukulkan.gif
    Pyramide maya du Kukulkan (Mexique)

                La Civilisation ne sera définissable que par l'histoire. Il y eut un moment, dans les fastes du monde, où, plus inventif et plus industrieux qu'il ne l'avait jamais été, l'homme s'aperçut néammoins que tant d'art s'épuisait en vain. A quoi bon, en effet, majorer le nombre des biens et la quantité des richesses ? Toute quantité est susceptible d'accroissements nouveaux, tout nombre d'une augmentation indéfinie. Le merveilleux, le sublime, le grandiose ou l'énorme, tout ce qui dépend de la quantité ou du nombre des éléments utilisés, ne peut promettre à l'avidité de l'homme que déception. Une tour ou une colonne de cent pieds peut être haussée de cent autres pieds qui, eux-mêmes, peuvent être multipliés de même manière.  Qu'est-ce donc que ces progrès tout matériels ? Ni en science, ni en art, ni même pour les simples commodités de la vie, cet amas de choses n'est rien. Plus il s'enfle, plus il excite en nous, désespérant, nos désirs.

                Un poète, un pauvre poète tard venu dans un âge de décadence et qui assistait à la baisse de la Civili

  • « REPRENDRE LE POUVOIR » ? QU'EST-CE A DIRE ?

     

    « Reprendre le pouvoir » est le titre d'un livre important de Pierre Boutang, paru en 1977, il y a tout juste quarante ans; ouvrage difficile et sérieux, sur lequel il nous a semblé bon de revenir ici, en remontant à la source, c'est à dire au livre lui-même et à son sens vrai. On en trouvera ci-dessous une analyse détaillée. La matière en est ardue. Mais nous espérons y dire à grands traits l'essentiel.

     

    RETOUR SUR « REPRENDRE LE POUVOIR »

    OU LA LÉGITIMITÉ RETROUVÉE …

     

    C1_x45CXUAEXuM8.jpgQue dit Pierre Boutang dans ce livre profond et érudit ? Il n’envisage évidemment pas l’acte en lui-même de prendre le pouvoir, encore moins les techniques du coup de force, du coup d’Etat, que les royalistes, comme d’autres, ont évoquées tant de fois dans le passé. Boutang sait trop bien que cette affaire, dans l'immédiat, n’est pas sérieuse ; qu’elle n’est pas, dans l'instant, d’actualité ; que, sur ce plan là, comme, d’ailleurs, sur le plan électoral, les royalistes sont « un néant de force » ; que la leur est autre ; qu’il est donc illusoire et coupable de les entretenir dans ce mythe, à ce stade, inactuel. Ce n'est pas que les royalistes aient jamais renoncé à faire la monarchie - Pierre Boutang, en vérité, y a songé, y a travaillé toute sa vie - mais que les conditions doivent préalablement en être réunies; que la chose doit devenir possible, actuelle et réalisable; qu'elle doit sortir de l'ordre du fantasme. On verra comment...  

    Le propos de Reprendre le pouvoir est, en effet, de redéfinir, d'abord, une idée acceptable du Pouvoir. Si l'avenir n'est pas au chaos, il ne peut être qu'à la Légitimité retrouvée, instaurée, restaurée, vaste et profonde réalité dont le respect et le culte pourraient seuls définir une droite qui serait digne de ce nom et la distinguer suffisamment de toutes ses caricatures, fasciste, libérale, conservatrice...

    SAUVER UN PEUPLE 

    Ce que Pierre Boutang rappelle d'abord, c'est qu'il y a en tout temps un peuple à sauver. Hier, de l'emprise terrorisante du Communisme mais aujourd’hui de l'empire corrupteur de la finance internationale. Or pour qu'un peuple fasse son salut temporel, il lui faut le secours d'un Pou­voir politique.  « Rebâtir quelque idée du pouvoir » (147) est d'abord nécessaire. « Les nouveaux philosophes ne sont pas les seuls à être dépourvus de théorie du pouvoir Ce que j'observe dans l'histoire contemporaine, c'est que la théorie politique s'effrite à mesure que le pouvoir s'use. Moralité, on ne fait plus de distinction entre les bons et les mauvais pouvoirs - ceux que j'appelle les pouvoirs mal vécus » (Nouvelles Littéraires, 26 janvier 1978). En un sens, c’est aussi ce que dit aujourd’hui Edgard Morin, à l’horizon de la gauche, où les mythes fondateurs se sont écroulés, depuis quelques décennies, déjà. 

    LE POUVOIR LÉGITIME 

    Quelle est donc la nature du Pouvoir qui sauve, dont les pouvoirs qui écrasent, qui corrompent et qui tuent, l'âme et le corps, sont les contrefaçons ? « Ce n'est pas simple, résume Pierre Boutang lui-même, dans un entretien donné aux Nouvelles littéraires, au lendemain de la parution de Reprendre le pouvoir. Le pouvoir apparaît au mieux par la nature et le jeu de ses éléments. Ces éléments sont au nombre de trois : la légitimité - qui pose la souveraineté, l'existence même du souverain et son intention d'agir pour le bien commun; le consentement populaire - sans quoi le pou­voir n'est qu'une contrainte évacuant l'humanité; enfin l'auto­rité - l'acte, le résultat de droit et de fait auquel il est consenti ». 

    « Les variétés de pouvoir - c'est-à-dire aussi les variétés de sa perversion - se définissent selon l'ordre ou l'absence par­tielle de ces éléments. Vue de l'État, la légitimité a besoin du consentement pour justifier l'autorité; vue du peuple, l'autori­té a besoin de la légitimité pour obtenir le consentement. L’ordre dans lequel se composent ces éléments constitutifs du pouvoir n'est donc jamais le même, à un moment donné, pour le peuple et pour l'État : sinon il n'y au­rait plus dialogue entre eux, mais monologue, monologue d'un souverain sans peuple - tyrannie - ou d'un peuple sans souve­rain - anarchie -. Comme vous le voyez, le dialogue du peuple et de l'État obéit à une dialectique complexe, toujours recom­mencée. Le peuple, par sa liberté de consentement commence là où le Prince finit; le Prince par l'autorité que lui confère le consentement, commence là où le peuple finit. »

    « Qu'y a-t-il de nouveau dans votre théorie du pouvoir ? - Ce qu'il y a de nouveau, c'est qu'elle était oubliée ». Pourtant, la manière, en particulier, dont Boutang fonde toute sa Politique sur l'idée de souveraineté, non idée en l'air, mais idée d'une réalité de naissance, réalité pater­nelle, toujours antécédente donc légitime, donc fondatrice d'ordre (49-106), est neuve et admirable.

    Quelle est donc pour nous, aujourd'hui, la figure la plus accessible de cette nécessaire légitimité ? La plus naturellement présente à notre esprit français, évidemment, c'est la monarchie. « C'est quoi, pour vous, l'idée monarchiste ? C'est l'idée d'un pouvoir qui ne s'achète pas; ni par le nombre, ni par la force, ni par l'argent.» Magnifique !  

     SERVITEUR DE LA LÉGITIMITÉ 

    Pour parler ainsi, il faut être libre. Pierre Boutang était libre. Contre le Communisme, qu'il méprise consciemment et délibérément. « Le marxisme n'est jamais qu'une aberration de la pensée vraie, une négation de la légitimité; il n'a rien créé, il a exclusivement détruit. Il portait le Goulag en puissance. En quoi, je vous le demande, ce tragique aboutissement d'une pen­sée nulle, d'une pensée minable, d'une pensée morte, pourrait-il fonder une théorie du pouvoir ? »

    Mais également ennemi de la ploutocratie dite libérale : « Aujourd'hui, la société ne transmet plus que les vices et les dysharmonies des classes supérieures. Il n'y a plus rien à con­server, la droite a complètement échoué. Réduite à l'instinct de combinaison, n'ayant plus rien à sacrifier, elle n'encourt même plus le risque de paraître lâche ou hypocrite; le type du bourgeois libéral, c'est le PDG toujours absent qui abandonne sa femme au bridge et à la psychanalyse, et que ses fils s'en vont vomir dans le gauchisme. On ne me soupçonnera de rien si j'affirme que la gauche, elle, peut encore raconter des trucs généreux : elle ne vaut pas mieux.»

    « Je ne suis pas un conservateur: à condition que ça ne fasse pas de mal aux êtres, je dis que la société d'argent peut bien crever ! A bas l'usure, l'argent selon moi ne doit pas faire de petits : ce principe salubre définit ce que Marx appelait le so­cialisme féodal. Et bien, va pour le socialisme féodal.» 

    AUX SOURCES SACRÉES DU POUVOIR 

    Celui qui l'interroge alors pour les Nouvelles littéraires ne s'y est pas trompé, ce mépris de tout culte de l'homme suppose un autre culte. « Quand on-rejette l'intérêt matériel, la vanité de puissance, le commerce des pseudo-valeurs, et qu'on veut se prémunir contre tout cela, il arrive fatalement un moment où, faute de faire confiance à l'homme, on réhabilite la Providen­ce... C'est ce que vous faites à la fin de votre livre en rêvant d'un Prince chrétien, qui sera le « serviteur de la légitimité ré­volutionnaire. — Bien sûr, je crois en la Providence

    En vérité, pour Pierre Boutang, cette transcendance, Dieu, le Dieu de l'Évangile catholique, est présent non à la fin mais à la source de toute souveraineté légitime, comme il est à l'origine de sa réflexion, et dès la première page de son livre. D'accord avec Simone Weil : « Il n'y a que par l'entrée dans le transcendant, le surnaturel, le spirituel authentique que l'homme devient supé­rieur au social. Jusque-là, en fait et quoi qu'on fasse, le social est transcendant à l'homme. Dès lors la seule protection possi­ble pour l'homme est que ceux qui sont sur la route de la sain­teté aient une fonction sociale reconnue. Mais quel danger ! »

    Comment faire ? Appellera-t-on les saints (!) à gouverner ? La solution que choisit Boutang est plus sage, celle d'un Pouvoir dont l'institution, à ses yeux, est sainte, jaillie des sources doublement sacrées de la paternité divine et de la paternité humaine, et triplement sa­crées si l'on accepte la « modification chrétienne » que déve­loppe magnifiquement sa Troisième Partie (147-180), suivant, en cela, l’idée d’Urs von Balthasar. Car, pour lui, c'est bien le Christianisme qui fonde la distinction du roi et du tyran, par la légitimité or­donnatrice, seule forme viable, stable, loyale d'une monarchie populaire.  

    DISCIPLE CHRÉTIEN DE MAURRAS 

    capture-d_c3a9cran-2015-08-11-c3a0-21-12-31.pngSi la pensée politique de Boutang s'enrichit puissamment de celle des autres, elle est antérieure à leurs apports et plus riche. Parce que le principe foncier de sa réflexion est son expérience première de la naissance et du langage que l'enfant tient de son père, ses père et mère, sa nation. C’est sur cette reconnaissance du PERE, du consentement à ce SOUVERAIN, de ce premier regard d'en dessous vers une PROVIDENCE bienveillante, que toute la Politique sacrée de Bou­tang s’est fondée. Fut-ce avant la rencontre de Maurras ou après, ? En tout cas, la leçon de Maurras rejoignait l'attachement au Père, et dans la communion de ces deux mouvements Boutang a formulé très tôt son ample théorie de la tradition royaliste française et de son nationalisme intégral. Il a su en montrer, même chez Maurras, au-delà de son positivisme méthodique, l'inspiration et le fondement chrétiens, quitte à admettre que parfois Maurras s'est trompé sur le Christ (170). Sa réhabilitation de la politique maurrassienne n'en est que plus forte (27, 151). 

    RÉVOLUTION POUR LA LÉGITIMITÉ 

    Dans ses dernières pages, Boutang désespère de la société actuelle dont il n'y a plus rien à conserver. Après les aventures fasciste et progressiste (46), tout est perdu si quelque haut héroïsme ou quelque Providence n'intervient (142-143). Mais pour susciter quelle forme humaine de salut ? Boutang  rapporte le propos de Pierre Emmanuel « Depuis la fin de la monarchie la France est incapable de se créer un État » (46). Boutang aspire donc à la révolution pour la Monarchie. « Il n'y a plus qu'à attendre et préparer activement le nouvel âge héroïque » (242), le nouveau Moyen Age qu'annonçait Berdiaev. Il attend « une légitimité révolutionnaire, une révolution pour instaurer l'ordre légitime et profond ». Nous aussi !   

     

    Reprendre le pouvoir, Paris, Le Sagittaire, 1977

  • Ce qu'est la Démocratie, selon Bernanos...

    Vu - et apprécié - sur le compte tweeter Georges Bernanos

    (un compte que "suit", naturellement, lafautearousseau...)

    1A.jpg

    "La Démocratie est la forme politique du Capitalisme, dans le même sens que l'âme est la Forme du Corps selon Aristote, ou son Idée, selon Spinoza."  
     
    Georges Bernanos, Lettre aux Anglais, 1942