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A qui la faute, par Hilaire de Crémiers

        Dans Politique magazine de ce mois, Hilaire de Crémiers resitue bien "le" problème dans son vrai contexte : même si, de toute évidence, telle ou telle personnalité porte bien, dans certains domaines, telle ou telle part de responsabilité, il n'en demeure pas moins qu'en réalité le problème de fond est institutionnel : c'est un problème de régime, de Système.....

        A qui la faute ?

        "Trop facile... La faute, elle est dans les esprits, et dans des cadres institutionnels.... Personne n'a de vue d'ensemble du problème français. Il est essentiellement institutionnel et c'est ce que tout le monde refuse de voir...... c'est la faute au Système. Et cela depuis deux siècles, sauf exception...de monarchie...."

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A qui la faute ?.....

        C’est la faute à… Trop facile. C’est en vain qu’on la cherche chez les hommes. Elle est dans un esprit et dans des cadres institutionnels. Les hommes ne font que l’aggraver ou la dissimuler. 
 
       La loi sur les retraites est votée. Elle sera promulguée les jours prochains, sauf si elle est invalidée par le Conseil constitutionnel. Au jour où cet article est écrit, la situation redevient peu à peu normale. Mais rien ne permet d’être assuré d’un véritable retour au calme. 

       Il est des gens, la plupart payés par l’État ou par des institutions et des entreprises relevant de l’État, dont l’unique préoccupation est de fomenter le désordre, de l’attiser, de le propager. Il n’existe pas pour eux d’autre manière d’envisager la vie et, bien qu’il soit interdit de le dire, ils sont en quelque sorte préposés au trouble et payés pour cette tâche. C’est ainsi qu’eux-mêmes comprennent les choses et qu’il faut, d’ailleurs, les comprendre. Il est donc vain de croire qu’ils s’arrêtent dans leurs desseins – quand ils s’arrêtent – pour des motifs raisonnables. Ce n’est dans leur esprit qu’un moment stratégique où la paix, pour reprendre la formule consacrée, n’est qu’une manière de continuer la guerre. Les troupes qu’ils manipulent, ne sont que de pauvres gens dupés. Les agitateurs ne répondent jamais à un souci d’ordre, ni ne se retirent de leur combat parce qu’ils seraient satisfaits ou, au contraire, désabusés ou fatigués. Ce genre d’analyses rassurantes, faites pour le bourgeois dans la presse bourgeoise, ne supporte pas l’examen de la réalité.  

        La vérité qu’il n’est pas convenable d’exprimer, c’est que le système idéologique et partisan qui structure notre vie publique, les favorise à tout coup. Même quand en apparence ils semblent perdre la partie, ce n’est jamais que momentané. La raison en est simple ; elle fâche quand elle est dite crûment ; l’homme politique français, le responsable social, pour peu qu’ils soient cultivés, détournent le regard à sa seule évocation. Car comment ne pas voir l’évidence ? La révolution violente et tyrannique est et demeure le modèle exemplaire de la République française, même quand elle se dit conservatrice. Ce qu’elle conserve toujours et essentiellement, c’est ce schéma fondamental qui est l’origine même de sa légalité qu’elle a su transformer en légitimité historique et métaphysique. Tout dans ses us et coutumes, ses conceptions sociales et éducatives, ses mœurs politiques, sa rhétorique officielle, en est imprégné. N’est-ce pas aussi le message qu’elle proclame au monde entier ? L’exemple qu’elle prétend donner ? Exemple qui, d’ailleurs, a engendré les pires dictatures de l’histoire humaine, non seulement le bolchévisme, mais aussi l’hitlérisme qui n’aurait jamais existé si la France avait respecté les Hasbourg, comme l’ont fort bien montré les historiens sérieux et encore dernièrement François-Georges Dreyfus. 

 
        Cet héritage qu’elle considère comme sacro-saint par une sorte de religiosité inversée, est la cause même de son instabilité interne. A quoi s’ajoutent les instabilités externes d’un monde naturellement changeant et de plus en plus incertain. L’histoire de France dès lors n’est plus qu’une longue suite cacophonique. Et pourtant que de ressorts encore ! D’intelligence, de puissance, de capacité ! Mais il n’y a rien à faire : là où il faudrait l’harmonie, le désordre prévaut. Plutôt que la réforme nécessaire, la révolution qui grise les esprits et massacre les énergies. Comme en 89… Il suffit d’écouter Jean-Luc Mélenchon pour saisir l’esprit même du régime : pour en finir, s’exclame-t-il, sortons-les « tous » ! Soit, mais alors pourquoi pas Mélenchon lui-même ? Jusqu’à preuve du contraire, il en fait partie de ces « tous ». Et tant qu’à faire jetons aussi le régime qui les justifie « tous » ! Peut-être alors ces profiteurs du système pourraient- ils devenir de quelque utilité sociale. Pour l’ordinaire d’aujourd’hui, leur seule raison d’être, c’est de se disputer… pour le pouvoir ! Car, au fond, ce sont tous des bourgeois, fort bourgeois, et qui ne rêvent que de places et de pouvoirs. 
 
Une mécanique implacable  

        L’affaire repartira, et de plus belle, inéluctablement. Les syndicats eux-mêmes qui font partie intégrante du système et qui en vivent, n’y pourront rien. Car ce système justement les dépasse et personne n’en a, au vrai, le contrôle. Il a sa propre mécanique, sans cesse relancée, que tous les ambitieux de la politique essayent d’utiliser à leur profit, dans un sens ou dans un autre, chacun s’imaginant que la combinaison en cours favorisera son projet. Grave erreur de calcul qui provoque tous les déboires : il suffit de songer aux mille « politiques » qui ont été tentées depuis des décennies ! Laquelle a vraiment réussi ? Tout n’a été et ne peut être que déception. Chez tous, tant chez les défenseurs de la République conservatrice que chez les partisans de la démocratie populaire. Car comment faire de la stabilité dans l’instabilité permanente ? La réforme la plus révolutionnaire ou, au contraire, la plus nécessaire n’est elle-même jamais que provisoire. Chacun est persuadé qu’il détient la vérité de la République, la solution qui la sauve ! Comment voulez-vous éviter les surenchères, surtout quand il s’agit d’une question de pouvoir. 

        Ces gens qui se croient intelligents, sont des insensés. Ils devraient relire L’Ecclésiaste. Quelques-uns, ceux qui sont vraiment de bonne foi et qui voudraient sincèrement des améliorations, écœurés, n’y croient plus. Hélas, ils ont raison. 

        Le même système produira indéfiniment les mêmes résultats. Les habitudes sont là, d’esprit, de volonté, qui réactiveront les mêmes réflexes. Il en est qui, enivrés de discours fiévreux et d’agitations factieuses, sont capables de tout entreprendre pour tout détruire, surtout s’ils réussissent à mobiliser quelques milliers de jeunes qui peuvent en entraîner d’autres. Ce n’est pas parce que c’est ridicule que ça tombera à plat. 

        Il suffit d’un évènement, d’un accès de crise financière et économique encore plus violent – et rien ne l’exclut, au contraire – pour que la flamme se rallume. Le bien commun dans le système n’est la règle de personne, sauf des braves gens qui travaillent. Les autres ne cherchent qu’à se servir de l’évènement pour ébranler le pouvoir ou pour le prendre ou le reprendre. 

        Les considérations développées à propos des stratégies et des pédagogies dont il faut user pour faire passer une loi, considérations qui ont rempli la presse, sont totalement dérisoires. Avant les vacances ? Après les vacances ? Le conseiller social de Sarkozy, Raymond Soubie, se serait trompé dans l’évaluation des risques… Franchement si la France en est là ! C’est incontestablement que la situation est grave. Donc que, demain, à la moindre occasion, tout recommence.

       Les hommes politiques sont rivés à leur quotidien de guéguerre. Les uns se contentent de faire passer des réformes à minima – la réforme des retraites, la réforme territoriale qui ne sont que des quarts de réformes et mal ficelées –, les autres de les contrecarrer avec une grandiloquence dont la vacuité n’a d’égal que la perversité. Personne n’a de vue d’ensemble du problème français. Il est essentiellement institutionnel et c’est ce que tout le monde refuse de voir. Chacun veut ou croit tenir la mécanique, mais la mécanique est mauvaise. 
 
L’international sauvera-t-il le national ? 

        Un remaniement gouvernemental n’en changera pas la nature. Le président qui a tenu des discours énergiques pendant l’été en pensant récupérer un électorat de droite qu’il a perdu, va, paraît-il, après la bagarre de l’automne sur les retraites, s’essayer à faire du social en nommant un homme comme Jean-Louis Borloo à la tête du gouvernement afin d’asseoir mieux sa personnalité politique sur un socle de gauche et de centre gauche. Lui ou un autre, peu importe ! 

        Il n’y gagnera rien ; il perdra sur tous les tableaux. Les présidentielles de 2012 et les législatives jointes vont empoisonner la vie politique française pendant toute cette fin de quinquennat. Les rendez-vous internationaux n’ajouteront aucune aura à Nicolas Sarkozy, contrairement à ce qu’il pense. L’Europe ne sera désormais qu’une cause de soucis supplémentaires, chaque nation ne cherchant plus que son intérêt face à la technocratie bruxelloise de plus en plus exaspérante. Quant à l’Allemagne, elle sera de plus en plus l’Allemagne. Le G20 et le G8 dont la France va prendre la présidence, n’accepteront pas les recommandations françaises pour l’évidente raison que la crise, loin d’être finie, va exacerber les conflits économiques. C’est une erreur de s’imaginer que l’international va sauver le national. Les échéances demeurent inéluctables. La France se retrouve et pour longtemps avec ses dettes incalculables, tous ses budgets en déséquilibre malgré les rabotages, des traités qui l’entravent, des institutions qui la ruinent, une monnaie qui la dessert, et un esprit public corrompu… Voilà la réalité. Et tout le monde de reprendre en chœur, surtout les futurs candidats : c’est la faute… à Sarkozy ! 

        Eh bien, non, c’est la faute… au système. Et cela depuis deux siècles, sauf exception… de monarchie ! Là où un Bonaparte, en quinze ans de pouvoir absolu, n’a pas réussi, pourquoi Sarkozy réussirait-il ? Et les autres qui veulent la place, s’il vous plaît ? Aucun n’a l’ombre d’un espoir de réussir. 

        Ce qu’il y a de terrible, c’est qu’ils croient tous au succès de leur stratagème politique. Alors que l’échec est la loi première du système ■ 

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