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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Éphéméride du 29 mai

    C'est au CNAM qu'est exposé le pendule de Foucault : on est "invité à venir voir tourner la Terre" !

     

     

     

    1067 : Philippe premier fait procéder à la dédicace de l'église Saint Martin des Champs  

    C'est sur ce site, et après un lent processus, que s'élèvera le premier musée de technologie. Il fut voulu et organisé par Louis XVI, en 1782 - un an avant qu'il ne fonde l'École des Mines -  sous le nom de Musée des Sciences et Techniques, avant de devenir le Conservatoire national des Arts et métiers.

    Les collections initiales du Musée provenaient de l'Académie des Sciences.

    En 1819, le CNAM fut chargé de délivrer un enseignement en sciences de l'ingénieur, et le gouvernement de la Restauration calqua son organisation sur celle du Collège de France.

    Toujours en 1819, Charles Dupin y créa la première Chaire d'enseignement de mécanique appliquée, et Jean-Baptiste Say la Chaire d'économie industrielle.

    On y présente la machine à calculer de Pascal, la marmite de Papin, les métiers à tisser de Vaucanson et Jacquard, les instruments de laboratoire de Lavoisier, les premières machines électriques de Gramme, les avions d'Ader et de Blériot... 

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       www.arts-et-metiers.net/musee.php?P=122&id=9&lang=fra&flash=f 

     

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    1346 : Ordonnance de Brunoy

     

    Il s'agit de la première réglementation forestière française (et en langue française), édictée par Philippe VI de Valois.

    Dans son article 4, l'Ordonnance précise que "les maîtres des eaux et forêts enquerront et visiteront toutes les forez et bois et feront les ventes qui y sont, en regard de ce que lesdites forez se puissent perpétuellement soustenir en bon estat" : c'est l'origine directe de l'actuelle ONF (Office national des Forêts) : 

     

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    La plus belle chênaie d'Europe, la Forêt de Tronçais, voulue par Colbert, est l'une des plus célèbres réussites de cette préoccupation constante pour l'entretien du patrimoine naturel, et du respect de la Création, qui est la "visibilité de Dieu" (Chateaubriand) :  

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    Au coeur de la forêt de Tronçais : la futaie Colbert...  : 

    http://www.paysdetroncais.com/foret-de-troncais/

     

    L'ONF gère également d'autres anciennes Forêts royales, comme celle de Fontainebleau :   

    http://www.aaff.fr/ 

    ou de Compiègne :  

    http://www.onf.fr/enforet/compiegne/explorer/decouverte/20130828-133101-774969/@@index.html

     

    • Sur l'ONF :  www.onf.fr/  

     

     

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    1698 : Naissance de Bouchardon

     

    Il était appelé indifféremment Edmé Bouchardon, ou Edme Bouchardon. 

    De l’Encyclopedia universalis :

    "Sculpteur parmi les plus illustres sous le règne de Louis XV, Bouchardon est considéré par ses contemporains comme l'artiste qui a "amené le goût simple et noble de l'antique" (Cochin). Son rôle fut en effet celui d'un précurseur : alors que les Adam et les Slodtz portaient à son extrême épanouissement le style rocaille, il s'en détourna pour se faire l'interprète du mouvement culturel qui, à partir de nouvelles connaissances archéologiques, préconisait le retour à un idéal classique. Son œuvre, accomplie avec une rigueur de théoricien, annonce et, dans une certaine mesure, prépare le classicisme de la fin du siècle; appréciée par les fervents de l'art antique, tel le comte de Caylus, elle ne rencontra pas la faveur du grand public.

    Bien qu'il ait exercé après sa mort une influence considérable, E. Bouchardon n'a pas formé une école; ce n'est pas son élève Vassé, mais Pigalle, qu'il indiqua lui-même comme son véritable successeur..."

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    http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/action-culturelle/celebrations-nationales/recueil-2012/beaux-arts-musique-et-cinema/edme-bouchardon

     

     

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    1825 : Sacre de Charles X

     

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           Prière du sacre (citée par Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, La pléiade, Tome II, page 119) : 
     

          "Dieu, qui par tes vertus conseilles tes peuples, donne à celui-ci, ton serviteur, l'esprit de ta sapience !

            Qu'en ces jours naisse à tous équité et justice : aux amis secours, aux ennemis obstacles, aux affligés consolation, aux élevés correction, aux riches enseignement, aux indigents pitié, aux pèlerins hospitalité, aux pauvres sujets paix et sûreté en la patrie !

            Qu'il apprenne à se commander soi-même, à modérément gouverner chacun selon son état, afin, ô Seigneur ! qu'il puisse donner à tout le peuple exemple de vie à toi agréable."  

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    Le Sacre de Charles X, par François Pascal Simon Gérard (1770-1837)

     Fortement inspirée de toiles de David sur des sujets comparables, ce tableau représente le moment de l’intronisation, lorsque l’archevêque de Reims, Jean-Baptiste de Latil, ayant lancé son "Vivat Rex in aeternum", le roi, assis sur son trône, donne l’accolade au dauphin, le duc d’Angoulême, et aux princes du sang, le duc d’Orléans, futur Louis-Philippe, et le prince de Condé, debout à ses côtés. 

    Louis XVIII avait renoncé à la cérémonie du sacre, notamment parce qu’il n’aurait pu en supporter les fatigues. Charles X quant à lui reprit la tradition et voulut une cérémonie fidèle à celle de ses ancêtres. Les préparatifs commencèrent dès novembre 1824. Un budget important fut consacré à la restauration des bâtiments, à la décoration fastueuse de la cathédrale de Reims et du palais archiépiscopal. Pour l’occasion, le roi fit spécialement composer une messe par Luigi Cherubini et commanda un opéra à Gioacchino Rossini, Le Voyage à Reims. Son carrosse, dessiné par l’architecte Charles Percier, était une berline à huit chevaux.

    Le 27 mai 1825, le cortège royal partit de Compiègne. Charles X avait prêté serment de fidélité à la Charte constitutionnelle. Étaient présents savants, artistes et poètes comme le baron Gérard, Alphonse de Lamartine ou Victor Hugo. Ce dernier composa l’ôde "Le sacre de Charles X", qu’il publia le 18 juin suivant dans son recueil Ôdes et Ballades et dans laquelle il se posait en chantre de l’alliance du trône et de l’autel. Le 31 mai, le roi exerça ses pouvoirs de thaumaturge en touchant les écrouelles de cent trente malades.
     

    De Jacques Bainville, Histoire de France, chapitre XVIII, La Restauration :
           
    "...On a dit et redit que les Bourbons, au sortir de l'exil, n'avaient rien oublié, rien appris. Si l'on voulait être juste, on pourrait s'étonner qu'ils eussent oublié tant de choses et trouvé naturel d'en accepter tant. Les frères de Louis XVI ne songeaient à rétablir ni l'ancienne Constitution ni l'ancienne physionomie du royaume. Ils prirent la situation telle qu'elle était, avec l'administration et les Codes de l'an VIII, laissant même à leur poste une grande partie des préfets et des sous-préfets de Napoléon.
     
    Jamais, dans l'histoire de la dynastie, il n'y avait eu d'aussi long interrègne et l'on a le droit d'être surpris que la royauté ne soit pas revenue d'exil avec un plus gros bagage de préjugés. Les émigrés en avaient rapporté bien davantage et le plus gênant pour la monarchie, ce qui était nouveau pour elle, c'était l'existence d'un parti royaliste, alors qu'autrefois ceux qui n'étaient pas royalistes formaient seuls des partis.
     
    La tâche la plus délicate des Bourbons restaurés fut de se dégager de leurs partisans, des hommes qui avaient pourtant souffert et lutté pour eux, dont le dévouement, ne fût-ce que pour la sécurité de la famille royale, était encore utile. Si les royalistes fidèles avaient droit à la justice, comme les autres Français, ce n'était pas pour eux seuls qu'on pouvait régner. 
     
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    Charles X et Louis XVIII, Médaille commémorative du Palais de la Bourse, achevé en 1825 

     

    Cependant ils attendaient des réparations et des récompenses. Il fallait aussi rassurer la nombreuse catégorie des propriétaires de biens nationaux. En outre, de toutes les parties du grand Empire napoléonien, du fond de l'Allemagne et du fond de l'Italie, où des corps isolés de la Grande Armée s'étaient maintenus malgré la débâcle, des soldats, des officiers, des fonctionnaires rentraient par milliers, et tout ce monde, dont la guerre avait été l'unique profession et qu'on n'avait plus de quoi employer, devait former une classe de mécontents. Le bonapartisme aurait là ses recrues. Il y avait aussi les restes du parti jacobin, muet sous l'Empire et que sa chute avait ranimés. Il serait malaisé de trouver une ligne moyenne entre tant d'éléments et d'intérêts divers..."

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    Charles X, Médaille du Sacre de Reims
     
     
     
    N'ayan
  • Économie : le Système ne sait plus quoi inventer pour sauver sa tête

    Par Marc Rousset    

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    « Un État qui crée des dettes et imprime de la monnaie sans valeur ment à son peuple et le conduit vers le précipice. »

    Les épiphénomènes médiatiques des variations des taux de croissance sont l’arbre qui cache la forêt, les somnifères pour endormir les foules, en oubliant les éléphants dans le couloir.

    Qu’au premier trimestre 2019, l’Italie soit à 0,2 % de croissance, que la zone euro soit à 0,4 % de croissance, que les 263.000 créations d’emploi aux États-Unis aient dépassé le consensus en avril ne change rien à la situation catastrophique de l’Italie, à la fragilité de la zone euro et des États-Unis, car ces rebonds ne seront probablement pas durables. Les hirondelles médiatiques ne feront jamais le printemps.

    Les médias ont découvert une pseudo « théorie monétaire moderne » qui consiste tout simplement, comme Macron et la BCE, à raser gratis en faisant fonctionner la planche à billets, en augmentant les dettes et les déficits, en baissant les taux d’intérêt, alors que la monnaie, l’investissement et la vie économique ne peuvent reposer que sur la confiance dans la monnaie, la non-banqueroute à venir d’un État. Une variante de cette « TMM » est la plaisanterie de l’hélicoptère monétaire, l’« assouplissement quantitatif pour le peuple »», qui consisterait, pour une banque centrale, à créer de la monnaie et de la distribuer aux citoyens sans avoir aucun actif en contrepartie. En fait de miracle économique, ce serait le début de la faillite et de l’hyperinflation. Le président actuel de la BCE, l’acrobate italien Mario Draghi, plutôt que de la rejeter purement et simplement, a pu dire que cette éventualité serait examinée. Le nouveau miracle du XXIe siècle avant la catastrophe, ce ne serait plus Jésus multipliant les pains mais la BCE qui verserait 150 euros par mois à tout le monde !

    David Andolfatto et Jane Ihrig, deux économistes américains de la Fed de Saint Louis, ont imaginé, de leur côté, une nouvelle opération de « standing repo facility » (un « repo » consiste en une mise en pension de titres contre du numéraire avec un rachat à terme) qui permettrait aux banques d’échanger à la Fed leurs bons du Trésor contre des réserves liquides, ce qui équivaudrait à augmenter automatiquement, selon le seul bon vouloir des banques, la création monétaire par la Fed. Ce serait donc un nouveau type de « QE », un rafistolage financier qui diminuerait, en apparence seulement, le bilan de la Fed, car les banques diminueraient leurs réserves à la Fed, moins bien rémunérées (0,04 %) que les bons du Trésor.

    Mais la triste réalité, c’est qu’un État qui crée des dettes et imprime de la monnaie sans valeur ment à son peuple et le conduit vers le précipice. De 1970 à 2008, il fallait, aux États-Unis, 0,77 dollar de dette publique pour produire 1 dollar de PIB. De 2008 à 2019, il a fallu 4 dollars de dette pour produire 1 dollar de PIB. Selon l’économiste Patrick Artus, « une remontée des taux provoquerait une crise de grande ampleur ». La faiblesse de l’inflation sur les biens et les services, pas sur les actions et l’immobilier (bulles), justifie en apparence les taux bas de la Fed et de la BCE, mais quid si l’inflation repart ou si la récession arrive ? L’État japonais, les États européens, les États-Unis et les agents économiques dans le monde seront incapables de résister à une remontée des taux ou à une récession.

    L’autre triste réalité, c’est que les banques centrales continuent à acheter de l’or et à dédollariser leurs réserves. Depuis 1971, les banques centrales n’obligent plus les exportateurs à leur céder leurs dollars. 3.603 milliards de dollars sont donc détenus par des entreprises ou des particuliers sous forme de dollars électroniques dans le système bancaire américain (euro-dollars). La Chine, elle, échange ses dollars contre des actifs tangibles dans le monde. Au premier trimestre 2019, la demande d’or des banques centrales (Inde, Russie, Chine, Kazakhstan, Iran, Turquie) a progressé de 68 % par rapport à 2018, pour atteindre 145,5 tonnes. La Bundesbank et les Pays-Bas continuent à rapatrier leurs lingots des États-Unis, tandis que la Turquie a terminé l’évacuation de son or en avril 2018. L’or représente, à ce jour, 70 % des réserves monétaires de l’Allemagne et des États-Unis. Ce n’est donc pas une relique barbare alors que le dollar, malgré les manipulations du cours de l’or par les États-Unis, perd progressivement son statut de monnaie de réserve. L’or, qui valait 35 dollars l’once en 1971, vaut aujourd’hui 1.300 dollars l’once et pourrait connaître un nouveau cycle haussier de longue période.  ■  

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    Économiste
    Ancien haut dirigeant d'entreprise
  • Autour du Prince Jean ! Pourquoi Chantilly ?...(1/3)

    TimbrebisRVB.jpg            Parce que Chantilly est au coeur de l'histoire de France, avec la famille des Condé.

                Et parce que Chantilly tient une place de tout premier plan dans la Famille de France : n'est-ce pas elle qui - à travers la générosité du duc d'Aumale - a offert à l'Institut, donc à la France, ce joyau du patrimoine mondial que le monde entier nous envie ?

                Chantilly est comme une accumulation irréelle et véritablement stupéfiante de beautés : un château (plusieurs, en fait...); une forêt; un champ de course et, plus généralement, l'univers et la passion du cheval; des collections artistiques dont il est superfétatoire de dire qu'elles comptent parmi les plus belles du monde; et pour finir cinq cents ans de gloire puis de tragédie, s'achevant dans un mécénat et une générosité non moins éblouissantes.

                Nous n'aurons pas trop de trois haltes dans notre balade pour avoir un faible aperçu de cette merveille inestimable que possède la France avec Chantilly.

                Aujourd'hui, la gloire des Condé, puis leur fin tragique, avant que le duc d'Aumale n'offre ce joyau à sa patrie.

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                Après avoir été possédé par les familles d'Orgemont puis de Montmorency, c'est avec la famille des Condé, alliée aux rois de France, que Chantilly connut son plus grand essor. 

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                Neuf princes de cette famille se succédèrent sur le domaine pendant trois cents ans, de 1546 à 1830.  Cette année-là mourut celui qui restait le dernier des Condé, Louis VI Henri de Bourbon Condé, père du duc d'Enghien, enlevé en territoire étranger et fusillé sur ordre de Napoléon le 21 mars 1804 dans les fossés de Vincennes. 

                Pendant ce laps de temps, l'histoire d'une famille se confond avec l'Histoire de France, dont elle écrit quelques une des plus belles pages, avant que les tragédies les plus affreuses ne viennent l'abattre.

                Le plus célèbre, et le plus fastueux, fut sans conteste Louis II de Bourbon-Condé (1621–1686), 4e prince de la Maison, dit le Grand Condé. 

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                En 1643 c'est lui qui remporta la victoire éclatante de Rocroy, où la redoutable infanterie espagnole fut décimée. Lui encore qui remporta, en 1647, l'éclatante victoire de Lens sur les Impériaux, unis aux Espagnols. On sait l'action de Richelieu, achevée par Mazarin, qui permit ces Traités de Westphalie, signés en 1648, qui devaient assurer pour plus d'un siècle la prépondérance de la France en Europe. Mais c'est par ses jeunes généraux, dont Condé fut sans conteste le plus grand avec Turenne, que cette politique a été rendue possible.

                A Chantilly, le Grand Condé, fastueux dans la paix comme dans la guerre, demande à Le Nôtre de créer le Parc, qu'il agrémentera de jets d'eaux dont la plus grande partie existe encore aujourd'hui.

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                A cette famille, tout semble sourire. Sa vitalité est extrême. Elle va être broyée par la Révolution. En 1769, lorsque Louis-Joseph (le huitième prince de la Maison) fait construire le magnifique château d'Enghien pour son petit-fils, il a -lui, Louis-Joseph- 36 ans. Son fils -qui sera le dernier des Condé- a 16 ans, et vient donc d'être père du duc d'Enghien

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                 Ce petit-fils, c'est celui que Napoléon va faire assassiner dans 35 ans. Les Condé n'ont plus que vingt ans de bonheur à vivre, avant que la grande tourmente ne vienne les abattre. Cette tragédie a été l'occasion pour Chateaubriand de clamer son indignation -dans Le Mercure- et d'écrire ce qui reste l'une des grandes pages de notre littérature: 

                "Lorsque, dans le silence de l'abjection, l'on n'entend plus retentir que la chaîne de l'esclave et la voix du délateur; lorsque tout tremble devant le tyran, et qu'il est aussi dangereux d'encourir sa faveur que de mériter sa disgrâce, l'historien paraît, chargé de le vengeance des peuples. C'est en vain que Néron prospère, Tacite est déjà né dans l'Empire; il croît inconnu auprès des cendres de Germanicus, et déjà l'intègre Providence a livré à un enfant obscur la gloire du maître du monde. Si le rôle de l'historien est beau, il est souvent dangereux; mais il est des autels comme celui de l'honneur qui, bien qu'abandonnés, réclament encore des sacrifices; le Dieu n'est point anéanti parce que le temple est désert. Partout où il reste une chance à la fortune, il n'y a point d'héroïsme à la tenter; les actions magnanimes sont celles dont le résultat prévu est le malheur ou la mort. Après tout, qu'importent les revers, si notre nom, prononcé dans la postérité, va faire battre un coeur généreux deux mille ans après notre vie?....." 

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                 Déjà brisé par la mort de son petit-fils, qui signifiait l'extinction de sa famille, Louis-Joseph revient à Chantilly avec son fils après la révolution. Il a 78 ans, et c'est le coeur serré qu'il contemple le désastre : le Grand Château a été rasé, le parc a été détruit, le domaine mutilé et morcelé.

                  Si le Petit Château, le Château d'Enghien et les Grandes Écuries n'ont pas été démolies, c'est parce que ces monuments ont été réquisitionnés; ils sont donc sauvés, mais dans un état pitoyable. Louis-Joseph et son fils rachètent peu à peu les différentes parties de leur ancien domaine dépecé, et replantent le parc.

                  Louis-Joseph meurt en 1818. Son fils en 1830. La Maison de Condé, glorieuse s'il en fut, n'existe plus. Le dernier prince de Condé est le parrain du duc d'Aumale, l'un des cinq fils de Louis-Philippe. Il institue le duc, son filleul, légataire universel et lui lègue tous ses biens.

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                 C'est le duc d'Aumale qui fera reconstruire le Grand Château, dans le goût Renaissance. Et qui va réunir dans ce domaine de Chantilly une collection inestimable.

                 Ayant perdu ses deux enfants, il fera don de l'ensemble de Chantilly à l'Institut, « corps illustre qui échappe à l'esprit de faction comme aux secousses trop brusques, conservant son indépendance au milieu des fluctuations politiques ».

                 Cette générosité et cette magnanimité ne sont-elles pas la plus belle et la plus noble façon de dépasser par le haut, si l'on peut dire, et de clôturer noblement une histoire grandiose mais aussi tragique ?

                Grandiose, dans la paix, et grandiose aussi jusque dans le tragique, pour s'achever, toujours grandiose, dans l'exaltation par l'Art et la Beauté de la permanence de ce qui ne meurt pas, et qui a nom Civilisation ?

  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (12)

    lfar bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFARNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

     

    2235704335.jpg2ème partie : Une révolution copernicienne 

    L'ÂGE DU CHARBON ET DE L'ACIER

    La seconde révolution industrielle ne démarrera qu'à la fin du XVIle siècle. Elle se produira en Grande-Bretagne, pays qui possédait déjà, au Moyen-Age, une certaine avance technologique. Trois facteurs favorables se conjuguèrent : une révolution agricole, l'expansion coloniale, l'existence d'une main-d’œuvre abondante et peu qualifiée.

    a) Toute révolution industrielle, nous l'avons constaté au Moyen-Age, suppose au préalable une révolution agricole. Celle-ci se heurtait à la résistance des communautés villageoises qui ne fut brisée, en France, qu'en 1789. Elle l'avait été un siècle plus tôt en Angleterre. Les grands propriétaires, maîtres du Parlement, s'étaient emparés, grâce au système des enclosures, des biens communaux, condamnant à la mendicité les paysans pauvres qui furent parqués dans des workhouses, réserves de main-d’œuvre quasi gratuite. Afin de mettre leurs terres en valeur les grands propriétaires ont besoin d'outils en fer (charrues, herses, matériel de drainage, etc.…) ce qui stimule la métallurgie.

    b) Les Anglais arrachent aux Hollandais le marché chinois, l'indien aux Français. Ce qui procure des débouchés considérables aux cotonnades de mauvaise qualité. Paradoxalement, la misère des paysans anglais dépossédés, que l'on ne peut tout de même pas laisser nus, ouvre un autre marché. Il faut beaucoup de malheureux pour développer une production de masse. La France n'en a pas assez. La relative aisance de sa paysannerie, qui frappe les voyageurs anglais, retarde l'essor d'une grande industrie textile.

    c) Autre paradoxe : la France possède une classe ouvrière extrêmement qualifiée, qui profite du rayonnement culturel de la nation, puisque l'artisanat d'art travaille pour l'exportation. Par contre la Grande-Bretagne peut puiser dans les workhouses la main-d’œuvre médiocre mais bon marché, dont a besoin son industrie textile. En 1789, les deux pays sont également riches, mais la puissance économique de la France tient à la qualité de ses produits, celle de la Grande-Bretagne à la quantité des siens, vendus à faible prix. Notre pays n'en a pas moins amorcé sa révolution industrielle, surtout grâce à de grands seigneurs qui mettent en valeur leurs forêts en construisant des usines métallurgiques. La France manque de charbon. Par contre, elle dispose de beaucoup de bois. La Révolution française puis les guerres de l'Empire, se révèleront désastreuses, au plan économique, frappant le pays au moment où il commençait à combler son retard, grâce au débauchage de techniciens anglais. La ruine de notre artisanat d'art, la mort, sur les champs de bataille de l'Europe de notre jeunesse allaient ruiner la prépondérance de la France pour le seul profit de la Grande-Bretagne.

    Quoi qu'il en soit, la révolution industrielle ne devra rien, du moins dans sa période de démarrage, au capitalisme financier. Elle sera l'œuvre d'artisans qui tentent de satisfaire la demande d'outils en fer et de textiles de basse qualité. Il leur suffit de faibles capitaux, du moins au départ. Les premières entreprises de construction de machines rassemblent au plus une douzaine d'ouvriers. Un artisan a besoin pour s'installer d'un investissement de trente livres par travailleur dans la métallurgie, vingt-cinq seulement pour une filature. Un ménage réunit assez facilement trois cents livres en faisant appel à sa parentèle. Cependant la compétition est vive. Si les profits sont considérables, du moins dans les commencements, il faut pour développer l'entreprise acquérir un outillage de plus en plus coûteux. Seuls survivront les patrons impitoyables pour eux-mêmes comme pour leur personnel. Une gestion ascétique, au bout d'un certain temps, ne suffira plus. Il faudra emprunter. Le capitalisme financier pourra mettre la main sur les entreprises qui marchent, au besoin en les acculant à la faillite afin de racheter, à petit prix, les actifs.

    D'ailleurs le capitalisme financier ne s'intéresse guère à l'industrie. Il est remarquable qu'en 1872, quand un commis du « Crédit Lyonnais », Quisart, enquête à Grenoble pour monter une agence, il rencontre tous les notables à l'exception des industriels. En effet, l'industrie suppose des immobilisations de capitaux, et la banque exige qu'ils circulent rapidement pour augmenter ses profits. Le capitalisme financier draine l'argent des épargnants au profit d'emprunts d'Etat (les emprunts russes et ottomans furent les plus rentables pour les banquiers, les plus funestes pour les épargnants).

    Il ne s'engage qu'avec répugnance dans de grandes entreprises, comme la construction des chemins de fer et parfois — ce fut le cas pour les Rothschild — après avoir longtemps tergiversé. Il ne le fait qu'après s'être assuré que l'Etat prendrait les risques à sa charge et lui laisserait les profits.

    A la fin du XIXe siècle, la seconde révolution industrielle est à bout de souffle. Une crise très longue et dure commence en 1873, l'économie souffre d'une maladie de langueur, venue des Etats-Unis. Ainsi que l'écrit un observateur lucide, P. Leroy-Beaulieu dans « La Revue des deux mondes » du 15 mars 1879, les pays industrialisés sont entrés dans « une période plus difficile de richesse à peu près stationnaire, dans laquelle le mouvement progressif de la période précédente se ralentit au point de paraître complètement arrêté ». A un siècle de distance, que ce langage paraît actuel ! Un énorme krach bancaire, celui de la banque catholique et royaliste, « l'Union Générale » se produit en janvier 1882, ruinant la France traditionnelle — événement oublié mais finalement aussi grave que l'affaire Dreyfus, provoqué par certaines imprudences qu'exploitèrent les banques protestantes et juives. Le krach privera la droite des moyens financiers d'un combat politique efficace. En fait tout l'appareil bancaire est menacé par la banqueroute ottomane de 1875 et seules survivent les banques qui restreignent impitoyablement le crédit.

    L'essor industriel paraît bloqué. L'esprit « fin de siècle », marqué par le pessimisme des « décadents », exprime un sentiment général de désarroi. Cependant deux inventions, le « système Taylor », qui permet, grâce à une division du travail plus poussée d'accroître la productivité et surtout le moteur à explosion, qui valorise une forme d'énergie connue depuis longtemps, le pétrole. Au départ, les fabricants d'automobiles ou d'avions restent des artisans. Pas davantage que leurs prédécesseurs du XVIIIe siècle, ils n'ont besoin de concours bancaires. Les ressources financières d'une famille aisée, les Renault, ou d'une vieille entreprise familiale qui trouve l'occasion de diversifier sa production, Peugeot, suffisent. Les qualités de gestionnaire et la capacité d'innovation font le reste. Citroën, qui s'était placé sous la dépendance des banques, sera éliminé de son entreprise, Louis Renault, par contre conservera la quasi-totalité du capital entre ses mains. Il est vrai qu'on lui fera payer très cher, en 1944, son esprit d'indépendance. Quelques réussites ne sauraient faire oublier les échecs. Dans l'aviation comme dans l'automobile le nombre de faillites sera considérable.

    De nos jours, l'aventure de l'informatique renouvelle le processus. Quelques jeunes gens doués se lancent dans la création d'une entreprise. Les bénéfices, dans un premier temps, sont considérables mais la nécessité de trouver des capitaux, toujours plus importants, pour développer l'affaire, conduit soit à l'absorption par un concurrent plus puissant soit à la disparition pure et simple, au premier faux pas. Néanmoins les frais de recherche tendent à devenir si lourds qu'en dehors de quelques multinationales seuls les Etats ont les moyens de les consentir et encore, d'ordinaire, en fonction d'objectifs militaires plutôt qu'économiques. Sans la bombe atomique il n'y aurait jamais eu de nucléaire civil. Les Etats Unis, ce modèle du libéralisme, n'ont pu se lancer à la conquête de l'espace qu'en créant un organisme fédéral, la NASA.

    Les chocs pétroliers, qui auraient dû nous alerter, sur la nécessité de pousser les feux, afin de moderniser nos équipements furent l'occasion pour le capitalisme financier de « recycler » les pétrodollars. La suppression, à partir d'août 1981, des taux de changes fixes, lorsque Nixon eut mis fin à la convertibilité des dollars en or ainsi que la progression des taux d'intérêts fournissaient de trop belles occasions de profit. Des banques se mirent à prêter à tout va, surtout à partir de 1978. Des pays comme le Brésil, le Mexique, la Pologne s'endettèrent pour s'équiper à crédit. Politique suicidaire, encouragée par certains gouvernements et d'abord le nôtre. Il ne se passait pas de mois sans que M. Giscard d'Estaing ne se félicite des « abuleux contrats » que la France venait de signer. Bientôt le système bancaire sera conduit à prêter de l'argent aux Etats pour qu'ils remboursent non le capital mais les intérêts.

    Les divers pays, industrialisés ou en voie de développement, sont frappés du même mal. Tous vivent au-dessus de leurs moyens. Le manque de capitaux a été masqué, de 1969 à 1980, par la création, ex-nihilo, de signes monétaires. Les réserves monétaires mondiales furent multipliées par douze, plus en onze ans qu'elles ne le furent depuis Adam et Eve. D'où une inflation galopante, qui avait le mérite d'annuler les dettes des débiteurs. On ne pouvait en sortir que par la récession, avec les risques qu'elle comporte, montée rapide du chômage, baisse du niveau de vie, ralentissement de la croissance et, dans les pays en voie de développement, augmentation du prix des denrées de première nécessité, ce qui entraîne des révoltes populaires.

    Pour la première fois depuis 1914, les Etats-Unis se trouvent débiteurs. Les pays de l'O.P.E.P. voient fondre leurs pétrodollars, et déjà le Nigeria est en état de faillite. On doit se demander, d'ailleurs, quand on considère le cas du Mexique si la découverte de gisements de pétrole ne constitue pas, pour un pays, une malédiction. On a frôlé en 1982 la catastrophe. Le Fonds Monétaire International, la banque mondiale, les autorités monétaires américaines ont uni leurs efforts pour éviter des faillites cumulatives qui auraient cassé le système. N'empêche que le Brésil, qui, au prix d'une politique d'austérité devenue insupportable, parvint à rétablir l'équilibre de sa balance commerciale et même à dégager un excédent n'assure toujours pas le service d'une dette fabuleuse de 90 milliards de dollars. Evitera-t-on le krach comme le croit M. Barre ? Les raisons qu'il donne, pour justifier son optimisme, font froid dans le dos. Selon lui, nous vivrions dans « un monde keynésien » où les débiteurs exercent sur les prêteurs un chantage efficace. « La déflation n'est plus possible, les gens ne la supporteraient pas... On s'arrangera pour qu'il n'y ait pas de drame, quitte à faire plus d’inflation ». Autrement dit, pour M. Barre, les faux monnayeurs nous sauveront du krach. Et si le dollar s'effondrait brutalement ? Nous sommes à la merci d'un accident banal. Les boursiers jouent avec le feu, surtout ceux de Wall Street, où l'on spécule non sur des valeurs mais sur l'option que l'on prend sur elles en vue d'une O.P.A. L'on achète et l'on vend du vent.

    Les Japonais ont témoigné d'une louable prudence en maintenant le yen de façon artificielle au-dessous de son cours normal. Eux ne se laissent pas prendre au mythe de la monnaie forte alors que notre ministre des Finances se réjouit que le franc soit surévalué d'au moins 6 à 7 % par rapport au mark. Mais surtout le système bancaire japonais dépend des grands groupes industriels. Ils le contrôlent, avec l'aide discrète de l'Etat, afin que les investissements se dirigent, en priorité, vers les secteurs les plus favorables à la croissance économique. Au Japon, il est vrai les salaires restent faibles, même s'il arrive que les primes versées en fonction des résultats de l'entreprise, le doublent les bonnes années, l'on prend peu de vacances, les aides sociales sont distribuées avec parcimonie.   

     A suivre  (A venir : La machine contre l'homme - machine).

     

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    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray     

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  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (12)

    lfar bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFARNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

     

    2235704335.jpg2ème partie : Une révolution copernicienne 

    L'ÂGE DU CHARBON ET DE L'ACIER

    La seconde révolution industrielle ne démarrera qu'à la fin du XVIle siècle. Elle se produira en Grande-Bretagne, pays qui possédait déjà, au Moyen-Age, une certaine avance technologique. Trois facteurs favorables se conjuguèrent : une révolution agricole, l'expansion coloniale, l'existence d'une main-d’œuvre abondante et peu qualifiée.

    a) Toute révolution industrielle, nous l'avons constaté au Moyen-Age, suppose au préalable une révolution agricole. Celle-ci se heurtait à la résistance des communautés villageoises qui ne fut brisée, en France, qu'en 1789. Elle l'avait été un siècle plus tôt en Angleterre. Les grands propriétaires, maîtres du Parlement, s'étaient emparés, grâce au système des enclosures, des biens communaux, condamnant à la mendicité les paysans pauvres qui furent parqués dans des workhouses, réserves de main-d’œuvre quasi gratuite. Afin de mettre leurs terres en valeur les grands propriétaires ont besoin d'outils en fer (charrues, herses, matériel de drainage, etc.…) ce qui stimule la métallurgie.

    b) Les Anglais arrachent aux Hollandais le marché chinois, l'indien aux Français. Ce qui procure des débouchés considérables aux cotonnades de mauvaise qualité. Paradoxalement, la misère des paysans anglais dépossédés, que l'on ne peut tout de même pas laisser nus, ouvre un autre marché. Il faut beaucoup de malheureux pour développer une production de masse. La France n'en a pas assez. La relative aisance de sa paysannerie, qui frappe les voyageurs anglais, retarde l'essor d'une grande industrie textile.

    c) Autre paradoxe : la France possède une classe ouvrière extrêmement qualifiée, qui profite du rayonnement culturel de la nation, puisque l'artisanat d'art travaille pour l'exportation. Par contre la Grande-Bretagne peut puiser dans les workhouses la main-d’œuvre médiocre mais bon marché, dont a besoin son industrie textile. En 1789, les deux pays sont également riches, mais la puissance économique de la France tient à la qualité de ses produits, celle de la Grande-Bretagne à la quantité des siens, vendus à faible prix. Notre pays n'en a pas moins amorcé sa révolution industrielle, surtout grâce à de grands seigneurs qui mettent en valeur leurs forêts en construisant des usines métallurgiques. La France manque de charbon. Par contre, elle dispose de beaucoup de bois. La Révolution française puis les guerres de l'Empire, se révèleront désastreuses, au plan économique, frappant le pays au moment où il commençait à combler son retard, grâce au débauchage de techniciens anglais. La ruine de notre artisanat d'art, la mort, sur les champs de bataille de l'Europe de notre jeunesse allaient ruiner la prépondérance de la France pour le seul profit de la Grande-Bretagne.

    Quoi qu'il en soit, la révolution industrielle ne devra rien, du moins dans sa période de démarrage, au capitalisme financier. Elle sera l'œuvre d'artisans qui tentent de satisfaire la demande d'outils en fer et de textiles de basse qualité. Il leur suffit de faibles capitaux, du moins au départ. Les premières entreprises de construction de machines rassemblent au plus une douzaine d'ouvriers. Un artisan a besoin pour s'installer d'un investissement de trente livres par travailleur dans la métallurgie, vingt-cinq seulement pour une filature. Un ménage réunit assez facilement trois cents livres en faisant appel à sa parentèle. Cependant la compétition est vive. Si les profits sont considérables, du moins dans les commencements, il faut pour développer l'entreprise acquérir un outillage de plus en plus coûteux. Seuls survivront les patrons impitoyables pour eux-mêmes comme pour leur personnel. Une gestion ascétique, au bout d'un certain temps, ne suffira plus. Il faudra emprunter. Le capitalisme financier pourra mettre la main sur les entreprises qui marchent, au besoin en les acculant à la faillite afin de racheter, à petit prix, les actifs.

    D'ailleurs le capitalisme financier ne s'intéresse guère à l'industrie. Il est remarquable qu'en 1872, quand un commis du « Crédit Lyonnais », Quisart, enquête à Grenoble pour monter une agence, il rencontre tous les notables à l'exception des industriels. En effet, l'industrie suppose des immobilisations de capitaux, et la banque exige qu'ils circulent rapidement pour augmenter ses profits. Le capitalisme financier draine l'argent des épargnants au profit d'emprunts d'Etat (les emprunts russes et ottomans furent les plus rentables pour les banquiers, les plus funestes pour les épargnants).

    Il ne s'engage qu'avec répugnance dans de grandes entreprises, comme la construction des chemins de fer et parfois — ce fut le cas pour les Rothschild — après avoir longtemps tergiversé. Il ne le fait qu'après s'être assuré que l'Etat prendrait les risques à sa charge et lui laisserait les profits.

    A la fin du XIXe siècle, la seconde révolution industrielle est à bout de souffle. Une crise très longue et dure commence en 1873, l'économie souffre d'une maladie de langueur, venue des Etats-Unis. Ainsi que l'écrit un observateur lucide, P. Leroy-Beaulieu dans « La Revue des deux mondes » du 15 mars 1879, les pays industrialisés sont entrés dans « une période plus difficile de richesse à peu près stationnaire, dans laquelle le mouvement progressif de la période précédente se ralentit au point de paraître complètement arrêté ». A un siècle de distance, que ce langage paraît actuel ! Un énorme krach bancaire, celui de la banque catholique et royaliste, « l'Union Générale » se produit en janvier 1882, ruinant la France traditionnelle — événement oublié mais finalement aussi grave que l'affaire Dreyfus, provoqué par certaines imprudences qu'exploitèrent les banques protestantes et juives. Le krach privera la droite des moyens financiers d'un combat politique efficace. En fait tout l'appareil bancaire est menacé par la banqueroute ottomane de 1875 et seules survivent les banques qui restreignent impitoyablement le crédit.

    L'essor industriel paraît bloqué. L'esprit « fin de siècle », marqué par le pessimisme des « décadents », exprime un sentiment général de désarroi. Cependant deux inventions, le « système Taylor », qui permet, grâce à une division du travail plus poussée d'accroître la productivité et surtout le moteur à explosion, qui valorise une forme d'énergie connue depuis longtemps, le pétrole. Au départ, les fabricants d'automobiles ou d'avions restent des artisans. Pas davantage que leurs prédécesseurs du XVIIIe siècle, ils n'ont besoin de concours bancaires. Les ressources financières d'une famille aisée, les Renault, ou d'une vieille entreprise familiale qui trouve l'occasion de diversifier sa production, Peugeot, suffisent. Les qualités de gestionnaire et la capacité d'innovation font le reste. Citroën, qui s'était placé sous la dépendance des banques, sera éliminé de son entreprise, Louis Renault, par contre conservera la quasi-totalité du capital entre ses mains. Il est vrai qu'on lui fera payer très cher, en 1944, son esprit d'indépendance. Quelques réussites ne sauraient faire oublier les échecs. Dans l'aviation comme dans l'automobile le nombre de faillites sera considérable.

    De nos jours, l'aventure de l'informatique renouvelle le processus. Quelques jeunes gens doués se lancent dans la création d'une entreprise. Les bénéfices, dans un premier temps, sont considérables mais la nécessité de trouver des capitaux, toujours plus importants, pour développer l'affaire, conduit soit à l'absorption par un concurrent plus puissant soit à la disparition pure et simple, au premier faux pas. Néanmoins les frais de recherche tendent à devenir si lourds qu'en dehors de quelques multinationales seuls les Etats ont les moyens de les consentir et encore, d'ordinaire, en fonction d'objectifs militaires plutôt qu'économiques. Sans la bombe atomique il n'y aurait jamais eu de nucléaire civil. Les Etats Unis, ce modèle du libéralisme, n'ont pu se lancer à la conquête de l'espace qu'en créant un organisme fédéral, la NASA.

    Les chocs pétroliers, qui auraient dû nous alerter, sur la nécessité de pousser les feux, afin de moderniser nos équipements furent l'occasion pour le capitalisme financier de « recycler » les pétrodollars. La suppression, à partir d'août 1981, des taux de changes fixes, lorsque Nixon eut mis fin à la convertibilité des dollars en or ainsi que la progression des taux d'intérêts fournissaient de trop belles occasions de profit. Des banques se mirent à prêter à tout va, surtout à partir de 1978. Des pays comme le Brésil, le Mexique, la Pologne s'endettèrent pour s'équiper à crédit. Politique suicidaire, encouragée par certains gouvernements et d'abord le nôtre. Il ne se passait pas de mois sans que M. Giscard d'Estaing ne se félicite des « abuleux contrats » que la France venait de signer. Bientôt le système bancaire sera conduit à prêter de l'argent aux Etats pour qu'ils remboursent non le capital mais les intérêts.

    Les divers pays, industrialisés ou en voie de développement, sont frappés du même mal. Tous vivent au-dessus de leurs moyens. Le manque de capitaux a été masqué, de 1969 à 1980, par la création, ex-nihilo, de signes monétaires. Les réserves monétaires mondiales furent multipliées par douze, plus en onze ans qu'elles ne le furent depuis Adam et Eve. D'où une inflation galopante, qui avait le mérite d'annuler les dettes des débiteurs. On ne pouvait en sortir que par la récession, avec les risques qu'elle comporte, montée rapide du chômage, baisse du niveau de vie, ralentissement de la croissance et, dans les pays en voie de développement, augmentation du prix des denrées de première nécessité, ce qui entraîne des révoltes populaires.

    Pour la première fois depuis 1914, les Etats-Unis se trouvent débiteurs. Les pays de l'O.P.E.P. voient fondre leurs pétrodollars, et déjà le Nigeria est en état de faillite. On doit se demander, d'ailleurs, quand on considère le cas du Mexique si la découverte de gisements de pétrole ne constitue pas, pour un pays, une malédiction. On a frôlé en 1982 la catastrophe. Le Fonds Monétaire International, la banque mondiale, les autorités monétaires américaines ont uni leurs efforts pour éviter des faillites cumulatives qui auraient cassé le système. N'empêche que le Brésil, qui, au prix d'une politique d'austérité devenue insupportable, parvint à rétablir l'équilibre de sa balance commerciale et même à dégager un excédent n'assure toujours pas le service d'une dette fabuleuse de 90 milliards de dollars. Evitera-t-on le krach comme le croit M. Barre ? Les raisons qu'il donne, pour justifier son optimisme, font froid dans le dos. Selon lui, nous vivrions dans « un monde keynésien » où les débiteurs exercent sur les prêteurs un chantage efficace. « La déflation n'est plus possible, les gens ne la supporteraient pas... On s'arrangera pour qu'il n'y ait pas de drame, quitte à faire plus d’inflation ». Autrement dit, pour M. Barre, les faux monnayeurs nous sauveront du krach. Et si le dollar s'effondrait brutalement ? Nous sommes à la merci d'un accident banal. Les boursiers jouent avec le feu, surtout ceux de Wall Street, où l'on spécule non sur des valeurs mais sur l'option que l'on prend sur elles en vue d'une O.P.A. L'on achète et l'on vend du vent.

    Les Japonais ont témoigné d'une louable prudence en maintenant le yen de façon artificielle au-dessous de son cours normal. Eux ne se laissent pas prendre au mythe de la monnaie forte alors que notre ministre des Finances se réjouit que le franc soit surévalué d'au moins 6 à 7 % par rapport au mark. Mais surtout le système bancaire japonais dépend des grands groupes industriels. Ils le contrôlent, avec l'aide discrète de l'Etat, afin que les investissements se dirigent, en priorité, vers les secteurs les plus favorables à la croissance économique. Au Japon, il est vrai les salaires restent faibles, même s'il arrive que les primes versées en fonction des résultats de l'entreprise, le doublent les bonnes années, l'on prend peu de vacances, les aides sociales sont distribuées avec parcimonie.   

     A suivre  (A venir : La machine contre l'homme - machine).

     

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    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray     

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    lafautearousseau

  • L’islam français, otage des Frères musulmans et d’Erdogan, par Abdelrahim Ali.

    Abdelrahim Ali, islamologue et PDG du groupe de presse "Al Bawaba" au Caire.© D.R

    Une tribune libre d’Abdelrahim Ali, islamologue et PDG du groupe de presse “Al Bawaba” au Caire.

    Pendant les vingt dernières années, la France a vu de nombreuses initiatives visant à organiser l’islam sur son sol.

    Cela a commencé en 1999 par la création de la fédération représentant les musulmans de France suite à une suggestion qui n’a pas vu le jour du ministre français de l’Intérieur de l’époque Jean-Pierre Chevènement. C’est sous le mandat de Nicolas Sarkozy que ce projet a pris corps en 2003 par la création du Conseil français du culte musulman, pour finir avec le dernier discours du président Emmanuel Macron dans lequel il a déclaré que l’islam traversait une crise mondiale. Pour empêcher ce qu’il a appelé le séparatisme, le président a appelé à redéfinir le lien entre l’État et cette religion. Cette initiative a provoqué la colère de nombre de chefs et penseurs du monde musulman ainsi que des musulmans de France.

    Outre l’action politique, diverses écoles d’analyse sociologique, islamologique, et géopolitique dominèrent les médias ces dernières années. Ainsi, on a vu des dizaines de tentatives de présenter des solutions possibles selon l’orientation idéologique de l’analyste. Mais malheureusement, tous ces projets ont été voués à l’échec, parce qu’ils n’ont pas abordé le fond du problème. En réalité, l’islam et les musulmans en France sont « littéralement » les otages de l’organisation internationale des Frères musulmans. Ces derniers ont remis récemment les rênes de leur mouvement au service des ambitions de l’actuel président turc. Un bref retour en arrière est nécessaire pour comprendre l’ampleur de la crise actuelle.

    L’arrivée de la troisième génération des Frères en Europe

    Le vrai drame de l’Europe avec l’islamisme a commencé avec l’arrivée de la troisième génération des Frères sur le continent européen dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix du siècle dernier. Jusqu’à ce moment-là, l’islam ou les musulmans ne représentaient pas un fardeau ni un problème dans la société française. Les musulmans ordinaires se sont succédé en Europe depuis plus d’un siècle: commerçants, savants ou étudiants échangeant leurs compétences en les transmettant à leur pays ou s’intégrant dans ces nouvelles sociétés. Les problèmes ne vont pas tarder à apparaître avec l’arrivée d’un groupe politique islamique croyant que le musulman doit tenter de créer l’État de l’islam partout où il vit sur Terre. Un groupe qui considérait que les pays européens étaient un butin dont il fallait convertir progressivement les habitants et en devenir, in fine, les maîtres.

    La réalisation de ce plan est conçu en six étapes théorisées par le fondateur de la confrérie Hassan al-Banna et que chaque membre des Frères musulmans a le devoir de réaliser dans le pays où il se trouve. Le plan comporte ces six étapes : L’homme musulman > La famille musulmane > La société musulmane > Le gouvernement islamique > Le gouvernement du monde. La dernière étape exprime l’ambition du fondateur d’instaurer un régime de califat mondial, autrement dit de dominer le monde. Des programmes éducatifs intensifs sont imposés aux membres actifs, aux cadres mais aussi aux sympathisants du groupe. Cette doctrine est considérée par eux comme un « Coran Frériste » à la place du Coran de Dieu auquel croient les musulmans ordinaires.

    Les Frères ont appris dans leurs écoles de pensée que ces six étapes s’obtiennent de plusieurs façons, en commençant par la prédication et l’enrôlement pour former le système des familles fréristes, proches du modèle d’une cellule d’organisation idéologique ou de l’unité partisane dans les partis politiques. Puis vient la réorganisation de la société en faisant tomber ses piliers civils ou laïcs, qu’il s’agisse d’associations, de syndicats, de fédérations professionnelles ou estudiantines, pour s’inspirer des principes de l’État religieux qui adopte des apparences religieuses dans toutes ses formations, et qui adopte aussi la fraternité issue de la seule appartenance à l’islam en lieu et place de la fraternité citoyenne de la nation. À cela se rajoute la préférence de la pensée du Guide par rapport aux autres obédiences au sein de l’islam. Vient enfin l’utilisation de la démocratie comme moyen, et non pas comme une fin et un choix fondé sur des valeurs fondamentales telles les libertés d’opinion, d’expression et de croyance. La démocratie devient ainsi un outil pour la conquête du pouvoir, un pont qui ne permet qu’une seule traversée vers l’autre rive sans pouvoir revenir.

    Les recours à la violence

    Viennent enfin les concepts de recours à la violence, en fonction de ce que permettent les rapports de force dans le pays concerné, ou la diffusion du chaos ou, le cas échéant, la formation d’alliances de circonstance, même avec le diable. Cette stratégie en toile d’araignée a pris en otage l’islam en France. Elle profite de toutes les initiatives des autorités visant à la reconnaître, ainsi que ses dirigeants et représentants, de façon officielle. C’est ainsi que cela s’est passé avec le projet de Sarkozy en 2003 qui a octroyé aux représentants du groupe le droit de représenter des musulmans de France auprès des autorités françaises, par le biais du libre choix à travers les mosquées et fédérations. C’est ainsi qu’ils ont réalisé des transactions avec des pays étrangers pour financer la construction de grandes mosquées en tant que voie d’accès à la direction et la représentation des musulmans de France, de même qu’ils ont formé des associations leur permettant à travers leurs représentants le contrôle total sur l’organisation nouvelle, qui est devenue le seul organe légitime représentant les musulmans de France. L’ancien président Nicolas Sarkozy a ainsi donné à l’organisation des Frères l’outil légal pour prendre en otage l’islam et les musulmans de France, et reformer leurs cadres organisationnels, pour devenir ainsi un Etat dans l’État. C’est là que commença le séparatisme.

    La preuve en est que lorsque l’organisation internationale des Frères a remis les rênes de sa direction à Erdogan après la chute de leur régime en Égypte et leur échec dans nombre de pays arabes, ils ont choisi un Turc, Ahmet Ogras pour la présidence du Conseil français du culte musulman, en 2017, malgré le faible nombre de Turcs et la domination des Marocains et Algériens sur le Conseil depuis sa création en 2003. C’est pourquoi toute solution à la crise de ce qu’on appelle l’islam français doit commencer par combattre cette organisation frériste et sa branche en France, à savoir l’Union des musulmans de France. Cela doit commencer également par le démantèlement de sa structure, l’assèchement de ses sources de financement, et l’interdiction de ses associations, sinon cela reviendra à tourner en rond, pour revenir à la case départ à chaque fois. C’est ce qui s’est passé avec les expériences que j’ai mentionnées plus haut, et peut-être aussi avec celle qui n’a pas encore commencé.

    Réfuter la matrice idéologique des Fréristes

    Le démantèlement de cette organisation qui prend en otage, on l’a dit, l’islam et les musulmans de France ne se fera pas seulement en interdisant ses structures et ses associations ou en asséchant ses sources de financement. Il faut aussi réfuter les idées utilisées pour recruter ses membres, en révélant au grand jour les manœuvres utilisées par ses dirigeants dans des débats sérieux, tournant autour des bases idéologiques auxquelles ils croient et qui conduisent finalement au concept de séparatisme.

    Pour réussir cette stratégie, le décideur doit respecter trois principes fondamentaux, le premier: ne pas confondre l’islam comme religion avec l’organisation en question. Il faut également traiter la crise par le prisme de l’influence étrangère et non pas comme un problème intrinsèque à la religion musulmane elle-même. Un tel traitement éviterait le discours victimaire de la persécution et de l’islamophobie auquel recourront aussitôt les cadres et ténors de l’organisation des Frères dans les médias du monde entier. Le second: que cette nouvelle politique se fasse sur le terrain du consensus national. Car le problème touche d’abord la sécurité nationale notamment par le problème du terrorisme. Enfin, il faut cesser de traiter le problème de la construction de l’islam en France comme on a traité avec le modèle de l’émancipation des juifs sous Napoléon Ier. Ce sont deux modèles différents. Nous y reviendrons ultérieurement.

     

    Islamologue et PDG du groupe de presse "Al Bawaba" au Caire.
     
  • Éphéméride du 16 juin

    1978 : Première Cinéscenie au Puy du Fou
     

     

     

    1817 : Épilogue d'une affaire remontant à sept siècles : les restes d'Héloïse et d'Abélard sont réunis au Père Lachaise 

     

    Après un long temps de pérégrinations diverses, les restes des deux époux sont finalement réunis par la Mairie de Paris dans la Division 7 du Cimetière du Père Lachaise, où leur monument - conçu par Alexandre Lenoir, au XIXème siècle dans le style néogothique - se visite. 

    16 juin,pétain,leon blum,de gaulle,paul reynaud,front populaire,iiième république,seconde guerre mondiale,communistes,socialistes,radicaux,michel mourre,marc bloch

    http://www.pierre-abelard.com/sepultures.htm

    Rapide résumé de cette triste et - pour l'époque - scandaleuse "affaire", évoquée par François Villon dans sa Ballade des Dames du Temps jadis...

     

    Pierre Abélard, né en 1079 dans une famille noble de Bretagne, était destiné au métier des armes mais, intellectuel brillant et même surdoué, avide de savoir, il se tourna vite vers l’Enseignement et l'Éducation. Il se rendit à Paris, où il enseigna la philosophie, se 16 juin,pétain,leon blum,de gaulle,paul reynaud,front populaire,iiième république,seconde guerre mondiale,communistes,socialistes,radicaux,michel mourre,marc blochmontrant un dialecticien redoutable : à 36 ans à peine, il était maître en théologie à la Cathédrale de Notre-Dame de Paris. Le Chanoine Fulbert lui confia l’éducation de sa nièce, Héloïse, âgée de 17 ans : Abélard tomba immédiatement sous le double charme de son intelligence et de sa beauté...

    Héloïse, elle, née vingt ans après Abélard, en 1100, avait été élevée et instruite d'abord à l’abbaye d’Argenteuil (monastère réservé aux femmes), puis à la cathédrale Notre-Dame de Paris (où son oncle, donc, était chanoine); elle fut elle aussi, dès qu'elle le rencontra, troublée par cet homme mûr et séduisant qu'était Abélard...

    Leur passion ne resta pas longtemps platonique, et maître et élève vont s’aimer, envers et contre tous. Héloïse tomba rapidement enceinte. Abélard l’enleva et se réfugia avec elle chez lui, en Bretagne, où elle donna naissance à leur fils Astralabe. Le Chanoine Fulbert, furieux, dénonça leur amour et leur mariage secret, et décida de se venger lui-même, en envoyant deux hommes de main - deux sbires... - pour punir Abélard : il sera, tout simplement - si l'on peut dire... - émasculé !

    Héloïse prit le voile à l’abbaye d’Argenteuil, dont elle devint abbesse; Abélard devint moine à Saint-Denis : aucun des deux ne renonça pourtant à sa passion dévorante pour l'autre, mais celle-ci ne s'exprima plus, désormais, que dans des Lettres... en latin.

    Abélard mourut en 1142, Héloïse en 1164 : il leur faudra - on l'a vu... - attendre près de sept siècles, après l'énorme scandale que constitua cet amour impossible, pour que leur dépouilles soient enfin réunies...

    Régine Pernoud, médiéviste renommée (voir l'Éphéméride du 17 juin), s'est intéressée à cette "affaire" :

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    Page quatre de couverture :

    Les amours d'Abélard et d'Héloïse, amours "passion" entre un brillant professeur de 37 ans et sa jeune étudiante sont, à n'en pas douter, l'épisode de leurs vies qui les a fait passer à la postérité. La jalousie criminelle de l'oncle Fulbert les a poursuivis et la tragédie de la castration les a séparés peu de temps après leur mariage. Elle a rendu encore plus insolite et plus célèbre leur aventure amoureuse. Pourtant leurs deux personnalités hors du commun ne se laissent pas enfermer dans ces événements aussi importants soient-ils.

    Abélard
    Ce provincial du Pallet - qui est en Bretagne - a conquis Paris, capitale du royaume de France. Le philosophe Abélard, intellectuel surdoué, dialecticien redoutable pour ses adversaires est un maître admiré de ses élèves. Il va marquer son siècle dans le domaine de la logique et de l'analyse du langage. Comme théologien et croyant il osera aborder la science sacrée, mais avec la méthode et la rigueur du philosophe pour confronter, à ses risques et périls, foi et raison. Ensuite on le verra moine à l'abbaye royale de Saint-Denis puis ermite au Paraclet en Champagne enfin abbé réformateur à Saint-Gildas de Rhuys en Bretagne, avant de revenir enseigner à Paris.

    Héloïse
    L'étudiante instruite et intelligente peut avoir un peu plus de 20 ans au moment de sa rencontre avec Abélard. Elle rentrera, sur son ordre et par amour, au monastère bénédictin d'Argenteuil, là même où elle a passé son adolescence. Bien que moniale sans vocation, elle deviendra prieure de ce monastère. Suger qui en convoite les revenus expulsera, sous un mauvais prétexte, Héloïse et ses compagnes. Elles trouveront refuge au Paraclet. Épouse fidèle, Héloïse n'aura jamais cessé d'aimer Abélard comme leur correspondance le montre. Bientôt abbesse d'un couvent qu'elle a su rendre prospère, elle l'administrera jusqu'à sa mort en véritable fondatrice d'ordre.

     

     

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    1906 : Van Cleef et Arpels, un des premiers joailliers à s'installer Place Vendôme  

     

    À la fin du 19ème siècle, une jeune femme, Estelle Arpels, fille d’un négociant en pierres précieuses, rencontre un jeune homme Alfred Van Cleef, fils d’un diamantaire... 

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    www.vancleefarpels.com/eu/fr/la-maison/icons/legends-of-van-cleef---Arpels/22-place-vendome.html

     

     

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    1940 : Démission de Paul Reynaud 

     

    En septembre 1939, il avait déclaré :

    "Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts".

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    Philippe Pétain est alors nommé président du Conseil :       

     

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    Comment en est-on arrivé là ?

    Petit retour en arrière, et très bref historique de la dernière Chambre de la IIIème République...

    Le 3 mai 1936, le Front Populaire remporte les élections avec 378 sièges contre 220. (Radicaux : 106, Communistes : 72, Socialistes : 149). Léon Blum (ci dessous), chef du Parti socialiste, le plus puissant, forme un gouvernement composé de socialistes et de radicaux. Le 4 juin, les Communistes adoptent une attitude de soutien sans participation.

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    Michel Mourre écrit que "le Front Populaire n'allait pas se montrer, au pouvoir, à la hauteur des grands espoirs qu'il avait éveillés".

    Alors que, manifestement, la guerre arrivait, il est frappant de voir comment, par pacifisme - donc par idéologie.. - et/ou par incompréhension des problèmes, manque de courage, d'intelligence ou tout simplement de lucidité, la Chambre du Front Populaire n'a pas utilisé les trois années dont elle disposait pour armer la France et la préparer à la guerre.

    Il faut dire que le "pacifisme" porteur de guerre était très en vogue, dans d'importantes fractions de gauche et d'extrême-gauche, depuis des années. Ainsi Léon Blum déclarait-il, en 1933 : "Du moment qu'on démolit l'armée (française, ndlr), j'en suis...", et, le 19 Décembre de la même année 1933 il prononça ces mots à la Chambre : "Nous serons toujours contre la prolongation du Service militaire… C’est une erreur de placer la sécurité d’une nation dans sa force militaire" (Cité par Léon Daudet dans l’Action Française n° 353 du 19 Décembre 1933, "Daladier à la botte de Léon Blum").

    Blum (socialiste) faisait ainsi écho à Maurice Thorez (communiste), qui déclarait pour sa part à l'Assemblée nationale : "Nous ne croyons pas un seul instant à la Défense nationale... Les prolétaires n'ont pas de patrie". 

    Le même aveuglement qu'un Jaurès avant 14...

    Dans notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet voir la photo "Comme avant 14 : pacifistes ou pacifiques"

    De Gaulle a raconté comment il était, un jour, sorti furieux d'un entretien avec Léon Blum : à lui, De Gaulle, qui le pressait de prendre des mesures afin de renforcer les capacités militaires du pays, Blum venait de répondre en substance qu'il ne pouvait pas, lui le pacifiste de toujours, voter des crédits militaires...

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    On connaît la suite...

    Ce fut la même Chambre du Front Populaire, et la même majorité de gauche, qui devait s'enfuir en toute hâte, dans la plus grande panique et toute honte bue, le 10 juillet 1940, non sans avoir au préalable voté les pleins pouvoirs... au Maréchal Pétain !

                 Dans notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet voir la photo "L'aveuglement de Jaurès"

     

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  • Election américaine : en réponse à plusieurs lecteurs...

    Plusieurs messages reçus sur facebook, nous demandant qui nous souhaitions voir élu dans quelques jours...

    Nous rappellerons simplement à nos amis/lecteurs ce que nous écrivions ici-même, le 26 juin 2018

     

    Le vent a tourné. Il souffle dans la direction des peuples qui ne veulent pas mourir

     

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  • Les Jeux de Sotchi. Et après ? par Yves Marie Laulan*

    Ces Jeux à objectif de prestige ont pour objet, on le sait, d’affirmer aux yeux de tous, le retour spectaculaire de la Russie dans le concert des grandes nations. Wladimir Poutine a voulu démontrer aux yeux du monde que le traumatisme de l’effondrement de l’Empire  soviétique était bel et bien effacé. La Grande Russie était de retour. Car elle avait désormais remis ses affaires en ordre et réglé ses problèmes internes. Elle  devait désormais être prise au sérieux après les difficultés de la période Eltsine. Ce pari audacieux sera-t-il gagné ?  

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    L'intention - et le message - étaient clairs, et la réussite parfaite des Jeux devait les manifester au monde entier : la Russie est de retour...

    Certes, l’économie russe reste relativement fragile et sujette aux à-coups de la conjoncture. La croissance de la Russie s’est un peu ralentie ces dernières années après une décennie remarquablement faste autour de 5 % l’an.

    Bien sûr, des  obstacles  se dressent encore sur le chemin d’une croissance stable et  durable. Mais on ne peut douter qu’ils seront surmontés grâce à l’action d’un homme hors du commun, Wladimir Poutine, dont on ne peut que  saluer les efforts.

    Car les remarquables atouts de la Russie sont bien connus, depuis toujours : un immense territoire, qui en fait la plus grande nation au monde; des ressources minérales apparemment inépuisables, notamment en hydrocarbures, gaz et pétrole, qui alimentent la moitié du budget de la Fédération et gonflent les exportations; une croissance économique fort convenable dopée par la bonne tenue de prix du pétrole au cours de la dernière décennie, une inflation contenue à 6,6 % ; une dette publique quasiment insignifiante; des forces armées en pleine reconstruction, avec un armement nucléaire surabondant qui surclasse en volume celui des Etats-Unis.

    Mais la démographie russe risque peut-être d’être le point faible d’une Russie en plein renouvellement. On ne reconstruit pas en un clin d’œil une structure démographique désarticulée comme cela a été le cas au cours de ces années terribles où le taux de fécondité est tombé à 1,72 enfant par femme. Wladimir Poutine a néanmoins réussi à relever sensiblement la croissance démographique grâce à un certain nombre de mesures d’urgence judicieuses qui commencent déjà à porter leurs fruits.

    En outre, parmi les bons points de la Russie d’aujourd’hui, il faut souligner la restauration de l’agriculture russe, largement négligée sous le régime soviétique, à telle enseigne que la Russie commence à pointer son nez sur les marchés internationaux.

    Sur le plan militaire, la reconstruction lancée par Poutine après l’effondrement des forces armées  dans les années 90 se poursuit activement. Les ressources sont encore rares et l’armée n’est plus une priorité absolue comme au temps de l’Empire soviétique. Mais la remise à niveau est déjà en route.

    Sur le plan manufacturier, le défaut majeur de l’industrie russe, traditionnellement robuste sur le plan de l’industrie lourde, n’a pas encore complètement effectué sa mutation vers une industrie capable de produire des biens intermédiaires. Mais la diversification est en route et l’industrie automobile russe est la deuxième en Europe. Autre problème, le caractère relativement autoritaire du régime qui n’a que peu de considération pour les jeux de la démocratie parlementaire. Mais comment faire autrement en période de reconstruction nationale ? Par ailleurs, le caractère libéral du régime n’a cessé de progresser au cours des dernières années, avec le retour à une situation politique stabilisée.

    Les fastes hors du commun des Jeux de Sotchi, 50 milliards de dollars, les plus couteux de l’histoire des Jeux, ont certes représenté un prélèvement sensible sur les ressources de la Russie. Mais cela n’en valait-il pas la peine s’il a été possible à ce prix de restaurer la fierté des Russes dans leur pays et leur espoir dans un avenir riche de promesses ?

    Car il ne fait guère de doute que  Russie vient de franchir une étape décisive vers la modernité. Cela lui donne la chance de redevenir la grande puissance mondiale, celle qu’elle a toujours été avant l’éclipse des années 90.

    YVES MARIE LAULAN.jpg* Yves-Marie Laulan, économiste et démographe, a été successivement au cabinet de Michel Debré, aux Finances puis aux Affaires étrangères, membre de la Commission des Comptes et des Budgets économiques de la Nation, président du Comité économique de l’OTAN, président du Club  international des Economistes de banques, chroniqueur à Newsweek mag, conférencier à l’Ecole supérieure de Guerre et professeur à Sc. Po, à l’ENA et à Paris II. Il a publié une quinzaine d’ouvrages sur l’économie et la  démographie, dont certains publiés à l’étranger, ainsi que de nombreux articles sur ces mêmes sujets. Il préside l’Institut de Géopolitique des Populations.

  • Le nucléaire et les énergies renouvables, notre humanisme, par Frederic Poretti-Winkler.

    « Faisons remarquer, en passant, que ce n'est pas être belliciste, que d'être partisan de la défense armée de la vie, pas plus que ce n'est pas être fasciste que d'être sincèrement DEMOPHILE, sous l'égide d'une direction sociale unique, continue et traditionnelle et non pas démocrate, dans le désordre permanent des multiplicités de directions incompétentes... » (Docteur P. CARTON). Nos études sur le sujet remontent aux années 80 où sous ce titre, une chronique était publiée dans « Le Paysan Biologiste » et dans « France Paysanne et Rurale ».

    frédéric winkler.jpgDans la « Rubrique Ecologique » du journal : « Le Paysan Biologiste » (num. 55, 1er trimestre 1988), j'écrivais à propos du nucléaire : Cette forme d'énergie représente aux yeux de certains (EDF, gouvernement) une solution « propre ». On ne remplace pas le pétrole et le charbon par une source énergétique dont on ne maîtrise ni les conséquences (en général catastrophiques) en cas d'accident, ni le stockage illimité des rebus de sa production... Les cités et lieux de travail pourraient parfaitement jouir pour le chauffage et l'éclairage d'un mélange de gaz, de géothermie, de solaire, etc. Les solutions existent encore faut-il ne pas les nier. La radioactivité est une menace qui peut durer et se chiffrer en milliers d'années. Le péril chimique est plus contrôlable mais n'en demeure pas moins un grave danger. Le développement économique ne doit pas s'exercer, comme ce fut le cas pendant le XIXe siècle, sur la misère populaire. Cette fois-ci le martyre, serait dans une dégradation inévitable de la santé due aux retombées chimiques néfastes, mal contrôlées, d'une production industrielle ubuesque. Après Tchernobyl, de sinistre mémoire, ce fut une désinformation totale de la part de la république antisociale, qui nous a expliqués sans ciller que le nuage radioactif venu d'Ukraine s'était arrêté aux frontières de la France. La catastrophe Japonaise de Fukushima nous fut livrée, par les mass-médias, aux ordre de l’Etat, comme sans conséquence (sic) pour notre santé. Il est vrai que la situation avec le nucléaire vendu comme indispensable, à force d'arguments économiques et scientifiques, nous fait penser à une politique de « gribouille », d'apprentis sorciers des premiers âges de notre civilisation… A la moindre alerte catastrophique, cette énergie non maîtrisée entraîne de graves conséquences, souvent irréductibles. Il ne reste alors que les incantations, triste situation au XXIe siècle, de la part d'une société matérialiste redécouvrant l'humilité, en étant acculée à la prière dans un ultime appel à Dieu, bref pourquoi pas… On nous dit qu'il y avait plus de morts avec le charbon, mais doit-on pour cela faire de telles comparaisons et cela voudrait-il dire que nous regrettons le charbon ?
    Nous refusons par l'intérêt que nous portons à l'humanité et par démophilie, toute politique énergétique risquant de condamner l'avenir de nos enfants… Louis XIV aurait pu, au sommet de sa gloire et pour écraser ses ennemis, utiliser la savante trouvaille d'un alchimiste découvrant les bombes empoisonnées, ancêtres des bombes chimiques. La conception chrétienne de la vie et du respect des hommes du grand Roi, beaucoup plus étendue que la coquille vide idéologique des droits de l'homme actuels, fit pensionner ce brave savant jusqu'à sa mort : « il lui versa une pension à condition que cette invention demeurât secrète à jamais » (P.Erlanger). On nous dit : « Il y a plus de mort avec le Tsunami ! ». Certes en comptabilité macabre instantanée mais : combien aurons-nous de morts, directement et indirectement, sur plusieurs années, centaines d'années, milliers d'années, sur plusieurs générations d'êtres humains, d'animaux et de végétaux, par les effets pervers d'une pollution incolore et inodore comme le nucléaire ?
    Combien de cancers et de malformations dans les naissances faudra-t-il accepter pour le plus grand profit de lobbys financiers ?
    Comment peut-on prétendre garder une énergie qui condamne des générations futures ?
    Comment peut-on exploiter une énergie lorsque l'on n'en maîtrise pas les effets, ni les déchets ?
    Qu'en est-il de l'utilisation de munitions à l'atome appauvri, hautement cancérigène, durant les derniers conflits ?
    Qu'en est-il de la protection civile en France aujourd’hui ?
    A-t-on eu une communication du ministre de la santé sur le nuage radioactif ?
    Il est vrai que nous avons des stocks de masques inutiles achetés depuis la terrible pandémie de grippe aviaire où tout honnête citoyen devait courir se faire vacciner, comme mouton de panurge aux ordres du lobby pharmaceutique d'un gouvernement de fantoches…
    As-t-on eu une communication de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé ), afin de rassurer les citoyens ? Que nenni ! Mais à quoi servent tous ces gens qui vivent sur notre dos, il est temps que le citoyen se pose les vrais questions. Non seulement ils en veulent à notre argent mais à notre santé en demandant notre assouvissement au Nouvel Ordre Mondial, celui qui parle de gouvernance pour contourner les Etats...
    René Barjavel dans sa : « Lettre ouverte aux vivants qui veulent le rester » dénonçait le mensonge des politiciens cachant les réalités du danger nucléaire civil… Écoutons-le : « Un accident qui laisserait s'échapper le contenu d'une seule centrale à Plutonium répandrait dans la nature de quoi tuer l'humanité tout entière. Et le plutonium répandu, que rien ne pourrait détruire, continuerait d'être mortel pendant plus de mille siècles ». Pour nous faire une idée de cette durée, rendons-nous compte que l'ère chrétienne ne dure que depuis vingt et un siècles... Que tout ce que nous connaissons de l'histoire des hommes tient en moins de cent siècles... Et que, dans ce laps de temps, des civilisations sont nées, se sont succédé, ont disparu en poussière... Voilà l'horrible danger de la politique nucléaire. Pour le bonheur des hommes et de tous les êtres vivants, le plutonium n'existait pas dans la nature. Il a fallu que nous nous mettions à en fabriquer : « Ce qui veut dire que cet accident relativement limité rendrait nécessaire l'évacuation de deux cent mille à deux millions de personnes vivant à cinquante kilomètres sous le vent ; l'interdiction, pour des siècles, de la région contaminée ; et qu'il s'ensuivrait néanmoins entre onze cents et trente cinq mille morts par cancer et leucémie » (Michel Bosquet, Le Nouvel Observateur, N° 663). Le plutonium ne sera pas toujours confiné, enfermé, blindé, gardé à vue dans les surrégénérateurs : des quintaux de cette friandise, plus ou moins mélangée à d'autres douceurs du même genre, seront sans cesse en voyage sur les routes de France, des centrales vers les usines de retraitement et des usines vers les surrégénérateurs, à la merci (cf. page 59) d'un coup de volant maladroit, d'un conducteur ivre arrivant en face, d'une plaque de verglas, d'un accident mécanique, voire d'une action terroriste... Un accident nucléaire a ceci de particulier qu'il ne se termine jamais. Mille ou cent mille morts dans les vingt-quatre heures ou les vingt quatre semaines, ce n'est peut-être que le commencement... Si le plutonium s'évade d'une centrale, rien ne pourra arrêter sa dissémination par le vent, par la pluie, le temps. Rien ne peut plus le détruire quand il est en liberté. Il continuera de s'étendre et de tuer. Et s'il n'y a jamais d'accident ? Jamais ? Vous y croyez ? Vous croyez que, tout à fait au fond d'eux-mêmes, ils y croient ? Et bien faisons comme eux : croyons-y, ou faisons semblant. Il n'y a pas d'accident. Mais il y a les déchets... (cité par le Docteur Yves Couzigou, le Paysan Biologiste num 57, rubrique scientifique)
    F. PORETTI - Winkler (Projet de Société, à suivre)

  • Mai 68 : La contre-culture : ses origines, sa fonction [1]

    Sylvie Vartan 

     

    Dans la conscience collective, la France des Trente glorieuses est aujourd’hui devenue un âge d’or.

    Époque de prospérité, de forte croissance économique, de plein-emploi, conditions vues de nos jours comme nécessaires au bonheur. Cet âge d’or a ses symboles : la casquette du Général, les gitanes de Pompidou, la gouaille des leaders communistes... Et le cul de Bardot. Filmé par Jean-Luc Godard, le chef de file avec François Truffaut de la Nouvelle Vague. Les belles « autos », aussi, font bander les mâles. Ère de prospérité, ère de liberté : routes de la liberté, merci au moteur à explosion. Les voitures se sont démocratisées. Liberté sexuelle également. Le moteur du désir, débridé, ne craint pas la panne. Ni la surchauffe. Il y a une assurance : pour ceux qui redoutent d’avoir à assumer des années durant les conséquences de leurs actes. La pilule se généralise. Elle est en vente libre. 

    La « libération sexuelle » 

    Les vœux d’Antoine, qui en 1966 chantait dans Les Élucubrations son souhait que la pilule fût mise « en vente libre dans les Monoprix », avaient été exaucés avec la loi Neuwirth. Si de Gaulle avait accepté la légalisation de la pilule contraceptive, c’était d’abord pour des raisons bassement politiciennes. À l’occasion du Conseil des ministres du 24 mai 1967, il déclare : « Lors des élections législatives, comme déjà pendant l’élection présidentielle, la ʽʽpiluleʼʼ a été l’un des sujets favoris de la gauche. La pression politique est forte et chacun comprend qu’il faut ʽʽvider la questionʼʼ.[1] […] Sur la proposition Neuwirth, la position que le gouvernement prendra doit être positive, mais entourée de grandes précautions. En tout état de cause, une loi implique une action nataliste plus accentuée, pour un ensemble de raisons nationales et internationales.[2] […] Les mœurs se modifient ; cette évolution est en cours depuis longtemps ; nous n’y pouvons à peu près rien. […] Quant à l’aspect religieux, croyez bien que j’y suis sensible. J’ai posé la question au Pape, et il m’a répondu qu’il se ferait entendre bientôt sur ce sujet qui est complexe et difficile. […] Il ne faut pas faire payer les pilules par la Sécurité sociale. Ce ne sont pas des remèdes ! Les Français veulent une plus grande liberté de mœurs. Nous n’allons quand même pas leur rembourser la bagatelle ! Pourquoi pas leur rembourser aussi les autos ? »[3] 

    La « révolution rockʼn roll » 

    En fond sonore, outre Antoine, Sylvie Vartan ou Johnny Halliday. Ces chanteurs phares de Salut les copains devenus idoles des jeunes sous l’égide de Daniel Filipacchi. Ce dernier organisa le grand événement fondateur de la « génération 68 », où elle prit conscience de son poids démographique, et donc de sa force politique potentielle. Ce moment fondateur, sorte de fête de la musique avant l’heure, a lieu place de la Nation, le 22 juin 1963. Il est bien décrit pas Hervé Hamon et Patrick Rotman : « La nuit s’annonce douce ; pour entamer l’été, la météo semble aussi de la fête. Europe n° 1 convie ses auditeurs à un grand concert gratuit et en plein air, avant le départ du Tour de France prévu pour le lendemain. Dès vingt et une heures, ils sont plus de cent mille, filles et garçons, qui piétinent, pressés les uns contre les autres. […] Alentour, l’affluence ne cesse de croître, les bouches de métro vomissent un flot ininterrompu. Le cours de Vincennes est entièrement bloqué. La marée, comme une lave, gagne inexorablement, grimpe sur tout ce qui permet de prendre de la hauteur. Des arrivants, par paquets de vingt ou trente, se sont juchés sur les branches des arbres qui menacent de casser. Quelques audacieux ont escaladé les trois camions aux couleurs d’Europe n°1. D’autres, plus inconscients, sont allongés sur les auvents des cafés, qui frôlent la déchirure. […] Même sur le poteau du feu rouge, juste en contrebas, ils sont une demi-douzaine, accrochés comme des singes à un cocotier, par un bras, une jambe, une main. Tous les réverbères, tous les panneaux de signalisation ont subi le même sort. Les toits des maisons avoisinantes sont à leur tour conquis. Les responsables du service d’ordre s’affolent. Deux mille agents sont dépêchés en renfort pour tenter de contenir la foule. […] Daniel Filipacchi, lui-même, est surpris. Ils escomptaient vingt à trente mille personnes : elles sont cinq fois plus nombreuses. »[4] 

    Jean-François Sirinelli souligne à cet égard que « le grand concert organisé par Europe n°1 pour fêter le premier mensuel Salut les copains passa, jusqu’à mai 1968, pour l’événement à la fois fondateur et identitaire de la classe d’âge montante. »[5]

    Le yé-yé, expression née sous la plume du philosophe Edgar Morin, est une imitation, un produit importé. C’est la transposition française du rockʼn roll, d’origine anglo-saxonne. C’est ce style musical qui faisait danser et s’évader la jeunesse des années 1960, les baby-boomers.

    L’historien Sirinelli insiste sur ce point : le monde anglo-saxon diffuse une culture nouvelle destinée spécifiquement à la jeunesse. Il montre en effet que « la culture de masse juvénile, d’abord politiquement paisible durant le premier versant des années 1960, se teinte de contestation multiforme, davantage inspirée au demeurant par l’effervescence culturelle de la Grande-Bretagne du milieu de la décennie puis par le mouvement de sécession socioculturelle, bientôt largement médiatisé et baptisé du terme générique de hippie, touchant de jeunes Américains de la côte ouest des États-Unis. »[6] 

    Le rockʼn roll est le pendant frivole et distrayant de l’occupation de la France par des militaires américains. L’un est la conséquence de l’autre. Au tournant des années 1960, fait observer Kristin Ross, une « mutation […] instaura en France une culture de masse à l’américaine »[7]. Celle-ci forme, en quelque sorte, un culte de l’abondance et du progrès : « Immédiatement après la guerre, les États-Unis exportèrent vers une Europe dévastée […] les gadgets, les techniques et les experts du capitalisme américain, mais aussi et surtout un fantasme spécifique : celui d’une croissance équitable, illimitée et régulière. »[8]

    Or ce que Kristin Ross omet de dire alors que c’est un élément crucial, elle fait également l’éloge de la transgression. Cette culture de masse des sixties est contestataire. En un mot c’est une « contre-culture ». (Dossier à suivre)  

    [1]  Alain Peyrefitte, Cʼétait de Gaulle, III, Paris, Fayard, 2000, p. 234.

    [2]  Ibid., p. 244.

    [3]  Ibid., p. 247.

    [4]  Hervé Hamon, Patrick Rotman, Génération. Les années de rêve, Paris, Seuil, 1987, p. 121-122.

    [5]  Jean-François Sirinelli, Mai 68. L'événement Janus, Paris, Fayard, 2008, p. 80.

    [6]  Ibid., p. 136.

    [7]  Kristin Ross, Rouler plus vite. Laver plus blanc. Modernisation de la France et décolonisation au tournant des années 1960, Paris, Flammarion, 2006, p. 22.

    [8]  Ibid., p. 21. 

    Retrouvez les articles de cette série en cliquant sur le lien suivant ... 

    Dossier spécial Mai 68

  • Face à la mondialisation numérique, par Jean-Philippe Chauvin.

    L’année qui s’achève semble avoir été interminable, même si elle ne comptait que 366 jours (année bissextile oblige), et elle pourrait bien apparaître comme une « année-tournant » pour les générations prochaines.

    jean philippe chauvin.jpgLa crise sanitaire a accéléré des processus déjà engagés, autant sur le plan économique que sur le plan civique, mais évidemment aussi géopolitique, et cette crise (qu’il faudrait conjuguer au pluriel tant elle en entraîne et se combine avec d’autres) renvoie à son étymologie grecque qui peut signifier « la séparation », celle entre un « avant » et un « après ». La mondialisation a, d’une certaine manière, changé de forme sans forcément changer de nature : elle reste un mouvement de globalisation (donc d’uniformisation ?) des rapports économiques et sociaux, mais aussi des attitudes culturelles et des comportements, et il semble bien que l’individualisme de masse soit encore triomphant malgré les appels à plus de solidarité et de convivialité émanant, parfois, des États quand c’est une préoccupation constante de l’Église catholique et de la plupart des religions (ce dernier terme signifiant, en ses origines latines, « ce qui relie les hommes »). Le télétravail, l’enseignement à distance, les apéros virtuels par caméras interposées, etc., ont-ils créés plus de liens entre les êtres ou les ont-ils enfermés un peu plus dans une « solitude réelle » derrière le clavier et l’écran ? Ce qui est certain, c’est que cette année et son temps passé entre confinements et basculement dans le monde du tout-numérique ont installé ou renforcé des habitudes que les jeunes générations ont rapidement intégré et qui les placent dans une forme de technodépendance qui limite, sous les aspects de la facilité, de la rapidité, voire de l’immédiateté, les efforts nécessaires à la mémorisation et à la réflexion : en effet, pourquoi chercher, réfléchir ou fonder un raisonnement quand la machine le fait et le pense pour vous ? Or, la liberté de penser et de dire, pour être convaincante et personnelle, doit se cultiver par l’effort : elle n’est pas à la racine, elle est à la fleur, pour paraphraser Maurras. L’intelligence artificielle va-t-elle désarmer l’intelligence des êtres, désormais moins sollicitée, et réduire leur liberté intellectuelle ? C’était la grande inquiétude de Bernanos quand il dénonçait les « robots » dans ses textes des années 1940 en affirmant : « un monde gagné par la technique est un monde perdu pour la liberté »… Peut-être n’est-ce pas aussi simple mais il semble que l’intuition bernanosienne soit de moins en moins contredite par l’évolution des techniques et leur imposition par « les temps actuels » (sic !) qui apparaissent plutôt comme « un réel créé » par les grandes multinationales du numérique et les États qui ne veulent pas en perdre le contrôle alors que, en fait, c’est déjà le cas depuis un bon moment sauf, et ce n’est guère rassurant, dans la Chine communiste, plus technophile que jamais…

    La mondialisation est-elle en train de devenir une « globalisation numérique », confinements aidant ? La fin temporaire des déplacements lointains ou, du moins, leur fort ralentissement n’est pas la fin de la mondialisation (les flux n’ont jamais été aussi nombreux, mais ils sont de plus en plus immatériels) mais, au contraire et grâce au numérique, un aplatissement du monde sous la figure d’un écran qui, sous toutes ses formes et dans toutes les tailles, nous impose un « ordre nouveau » qui « balkanise » un peu plus encore nos sociétés, autorisant à la fois (et paradoxalement) tous les communautarismes (parfois ségrégatifs et séparatistes) et le triomphe absolu de « l’individu-numéro du numérique », connecté au monde entier mais déraciné de la terre et du terroir qui le portent, et donc susceptible d’être la proie de toutes les idéologies illusionnistes, politiques comme religieuses, mais aussi commerciales et transhumanistes… C’est cette « nuée d’individus » qui, en définitive, ne peut empêcher le globalitarisme contemporain (ou ses prémisses, en espérant qu’il ne soit pas trop tard pour le dénoncer et le désarmer…) de s’imposer car elle en accepte, de son plein gré le plus souvent et par facilité plus que par discernement, les règles et les codes qui, de plus en plus, répondent à des algorithmes sans légitimité… Et l’apparente anarchie de la toile, parfois joyeuse, parfois furieuse, nous fait souvent (et à tort) confondre « aspects libertaires » et libertés réelles. Les censures nombreuses de la toile, fort inégales d’ailleurs selon les thèmes abordés et les idées évoquées (le fameux « deux poids, deux mesures » qui n’est pas toujours un phantasme de Calimero), montrent, non les limites de l’anarchie numérique (qui perdure) mais celles de la liberté d’expression et de pensée qui, désormais, dépend de modérateurs ou d’algorithmes parfois sourcilleux.

    Ce tableau sombre ne reflète pourtant qu’un aspect (certes dominant, mais pas forcément unique…) de la situation présente et, n’oublions pas que, parfois, « le diable porte pierre » : sur cette même toile qui trop souvent piège, emprisonne et tétanise (la logique de la toile d’araignée, en somme), peuvent se monter des sortes de résistances, et, si l’on sait s’en servir, des sources d’informations « alternatives » au grand « désordre établi » mondial, pour paraphraser le personnaliste chrétien Emmanuel Mounier. Bien sûr, la fragilité de ces résistances, elles aussi dépendantes du bon vouloir de la technique et de ses maîtres lointains, tient au poids de plus en plus lourd du numérique-moyen devenu numérique-contrôle. Mais elles existent et peuvent être l’occasion de s’extraire, justement, de ce tout-numérique comme on peut sortir de la dépendance à l’alcool ou aux drogues. Dans cette époque de « triomphe numérique », il est bon de savoir éteindre l’écran pour prendre un bon livre ou respirer au grand air, mais aussi de prendre du temps pour méditer, réfléchir, discuter, écrire. Sylvain Tesson, en digne héritier de Jack London, peut nous servir d’exemple…

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/

  • Le Prix des Impertinents 2011 à Richard Millet...

         Le Prix des Impertinents 2011 a été décerné, lundi 21 novembre, à Richard Millet pour son essai Fatigue du sens, publié aux éditions Pierre-Guillaume de Roux. 

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            Le Prix des Impertinents, remis à la brasserie Montparnasse 1900, partenaire du prix, distingue un livre s’inscrivant à contre-courant de la pensée unique.

           Le jury, présidé par Jean Sévillia, réunit Christian Authier, Jean Clair, Louis Daufresne, Chantal Delsol, Bruno de Cessole, Paul- François Paoli, Rémi Soulié, François Taillandier et Eric Zemmour. 

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     Editions Pierre-Guillaume de Roux, 153 pages, 16 euros

    Rappel : 

    * Prix des Impertinents 2010 : Michèle Tribalat, Les yeux grand fermés. L’immigration en France, Denoël.

    * Prix des Impertinents 2009 : Claire Brière- Blanchet, Voyage au bout de la Révolution, de Pékin à Sochaux, Fayard.   

    Contacts prixdesimpertinents@yahoo.fr   

    Jean Sévillia, Président du Jury

    Rémi Soulié, Secrétaire général du jury

  • Matthieu Faucher : « Le problème, c’était la Bible. À leurs yeux, la Bible ne devait pas mettre les pieds à l’école ».

    Matthieu Faucher, instituteur à Malicornay, dans l’Indre, avait été suspendu en 2017 par son directeur académique pour avoir fait étudier la Bible à ses élèves de CM1/CM2. Accusé de prosélytisme, dont il s’est toujours défendu, il mène, depuis, une bataille judiciaire contre le ministère de l’Éducation nationale.

    La cour d’appel administrative de Bordeaux vient de lui donner enfin raison, écartant tout soupçon de prosélytisme et de faute professionnelle. Il revient avec nous sur ces quatre ans de combat face à une institution défectueuse et à certains de ses éléments idéologues.

     

    Alors que la cour d’appel administrative de Bordeaux vient de vous donner raison, quatre ans après le début de ce qui deviendra « l’affaire Malicornay », comment vous sentez vous ?

    Je me sens très heureux et plein d’espoir pour la suite. Je pense que cette victoire va en amener d’autres. C’est une des rares bonnes nouvelles de cette année 2020 !

     

    Avez-vous l’impression que le combat est achevé, maintenant ? 

    Au contraire, j’ai l’impression que cela ne sera jamais terminé. Il y un avant et un après « l’affaire Malicornay ». Je ne retournerai pas à la quiétude connue autrefois, avant que la hiérarchie ne me suspende. La traversée de cette affaire m’a fait prendre conscience de beaucoup de failles dans l’Éducation nationale, qu’auparavant je ne voyais pas…

     

    Quelles failles ? 

    Je ne mets pas tous mes supérieurs hiérarchiques dans le même sac, mais certains, dans mon administration, ont fait des erreurs très graves. Et pour aggraver la situation, j’observe, dans l’Éducation nationale, une incapacité à faire marche arrière. Beaucoup de monde savait que c’était une erreur de me suspendre, pourtant, personne n’a cherché à arrêté la machine. Comment se fait-il qu’il n’y ait eu personne, aucun supérieur, pour dire que cette procédure était folle, insensée ? Ce silence est révélateur de graves dysfonctionnements.

     

    Sur la forme, vous avez observé des dysfonctionnements. Et sur le fond, quel était le combat ? Selon vous, cette victoire judiciaire est un pas vers quoi ? Vers la liberté d’expression, vers l’enseignement ? 

    En plus de la question des dysfonctionnements dont je vous ai parlé, il y avait par ailleurs la question de l’enseignement laïc du fait religieux, qui consiste, pas seulement mais en grande partie, à transmettre la culture qui accompagne la religion. On m’a reproché d’avoir fait travailler mes élèves sur des extraits de la Bible… Pourtant, c’est autant de la culture que de la religion. D’autant plus que je l’ai abordé d’un point de vue laïc, distancié, pour apporter à mes élèves une culture qu’ils n’auront sinon. C’est d’autant plus important que la déchristianisation est passée par là. En tant qu’instituteur, ce n’est pas à moi de juger si c’est une bonne chose ou pas, mais cette déchristianisation s’accompagne d’une perte énorme de culture. Les jeunes générations évoluent dans un monde dont ils ont perdu les clefs de compréhension. Ils vont se retrouver coupés de 1.500 ans de culture et civilisation qui les ont précédés. En tant qu’instituteur, cela me concerne.

     

    Dans cette affaire, vous avez reçu le soutien de Régis Debray qui, lors d’une réunion de soutien en février dernier, avait évoqué votre situation dans les termes de « répression » et « censure ». Vous suspendre pour avoir parlé de la Bible, c’était de la censure, selon vous ?

    Je ne pourrais pas parler de censure institutionnelle. En réalité, je me suis rendu compte que l’institution n’était pas monolithique. À cette réunion que vous évoquez justement, deux cadres de l’Éducation nationale se sont présentés pour me soutenir, me prouvant que je n’avais pas toute l’institution contre moi. S’il y a censure elle serait plus individuelle : l’enseignement du fait religieux faisait partie du programme. Si j’ai été suspendu et poursuivi, en réalité, c’est car certains cadres de l’Éducation nationale contestent la présence même de cet enseignement dans les programmes. Mais ils se sont cachés derrière d’autres excuses. Officiellement, j’ai été poursuivi pour des broutilles : des textes « trop longs », « inadaptés », « pas bien mis en perspective »… Rien qui ne caractérise une faute professionnelle cependant. Cela aurait été la même chose avec un texte de Nietzsche, on m’aurait dit « trop long », « inadapté », mais on ne m’aurait pas suspendu pour faute professionnelle. J’ai fait face à une incroyable hypocrisie. Les supérieurs qui m’ont attaqué n’ont jamais daigné me dire en face quel était le problème. Le problème, c’était la Bible. À leurs yeux, la Bible ne devait pas mettre les pieds à l’école.

     

    Derrière ce discours, c’est du nihilisme religieux, selon vous ?

    Oui, je pense. C’est l’idée selon laquelle la religion serait, de toute façon, néfaste pour l’homme et qu’il faudrait en faire table rase, quitte à faire table rase du bagage culturel qui va avec. Comme si cette perte de culture était un moindre mal. Je ne serais pas étonné que ce soit cette pensée de Gardes rouges qui domine certains cadres.

     

    Vous dites que ce n’est pas le cas de tout le monde. Ce n’est pas l’institution qui est en tort, alors ?

    Si j’étais tombé sur un un autre directeur académique, moins idéologue, il n’y aurait pas eu d’affaire Malicornay. Mais cela n’enlève rien au fait que cet homme a gravement fauté et que ses propres supérieurs auraient dû l’arrêter. Je pensais que Jean-Michel Blanquer finirait par freiner la machine infernale. Mais il n’y a pas eu de recadrage. Au contraire, c’est même le cabinet de Jean-Michel Blanquer qui a fait appel contre la décision du tribunal administratif de Limoges lorsque j’ai été partiellement réhabilité en juillet 2019…

     

    Matthieu Faucher

    Instituteur
     

     

    Pensez-vous que, dans les hautes sphères de l’Éducation nationale, on est porté par la même idéologie qui vous a fait suspendre ?

     Je ne peux pas prétendre interpréter les actions du ministère, mais je me retrouve dans l’analyse de Régis Debray qui parle de schizophrénie. D’un côté, Jean-Michel Blanquer, en 2018, tressait des lauriers aux enseignements du fait religieux, estimant honteux que nos enfants puissent entrer dans une cathédrale sans rien y connaître. De l’autre, il me poursuit et fait en sorte d’obtenir à tout prix ma condamnation… Je ne sais quelle raison sous-tend cet acharnement, qui tient peut-être son origine du dysfonctionnement initial : on couvre par principe, et par principe, le ministère défend ses rectorats.

     

    Comment allez-vous rebondir pour la suite ? Concrètement, aujourd’hui, vous avez perdu votre poste ? 

    Après avoir été suspendu, j’ai retrouvé un poste, mais de remplaçant, que je suis encore aujourd’hui. En septembre 2019, après la décision du tribunal administratif de Limoges de me réhabiliter, le rectorat était contraint de me réintégrer au corps professoral. Je n’ai jamais reçu mon ordre de mission. Il est possible que la décision du tribunal de Bordeaux ait plus d’impact, je l’espère !

     

    Cette expérience ne vous a t-elle pas dégoûté de l’Éducation nationale et poussé à enseigner dans des écoles libres ? 

    Non, parce que je ne suis pas dérouté de l’Éducation nationale. Je pense que certains cadres font n’importe quoi, mais je continue à croire à l’école publique.

  • Alignez-vous !, par Régis Debray.

    Source : https://www.marianne.net/

    Dans un texte fleuve d'une grande richesse, Régis Debray, auteur de "Civilisation. Comment nous sommes devenus américains", dresse le portrait de notre société qui, de l'importation des luttes antiracistes en "épidémie de mea-culpa", se métamorphose à la vitesse grand v en "régime d’américanité".

    Tournant en 1943, peu avant de mourir, ses yeux vers l’après-guerre, Simone Weil a dit sa crainte qu’une fois le danger hitlérien écarté, ne survienne « une américanisation de l’Europe qui préparerait sans doute une américanisation du globe terrestre ». Elle ajoutait que dans ce cas « l’humanité perdrait son passé ».

    2.jpgOn peut se demander si ce n’est pas la sujétion du globe à la loi du Capital, via le dollar, la world music et le Web, qui a rendu possible la mutation de l’ethos européen, mais peu importe la cause et l’effet, l’admirable Simone avait vu juste. Il n’y a plus lieu de craindre mais simplement de prendre acte que notre présent est désormais au standard, et notre passé (bien au-delà de quelques statues, mortelles comme nous tous) fort mal en point. Le processus séculaire d’absorption entamé en 1919 (avec l’arrivée à Paris du charleston et la version du Traité de Versailles en anglais exigée par le président Wilson, première entaille à la tradition séculaire du français comme langue officielle de la diplomatie) semble être parvenu non à ses fins, car n’ayant rien d’un complot, il n’en avait probablement pas, mais à sa conclusion historique.

    Marée montante

    La séquence américanisation achevée, nous sommes en mesure de jouir d’une américanité heureuse, devenue force tranquille et seconde nature. La romanisation de l’œkoumène entre le premier et le troisième siècle de notre ère – de la Tamise à l’Euphrate en passant par l’Afrique numide – n’a nullement pâti d’un Caligula ou d’un Héliogabale foldingue au Capitole. L’américanisation du monde occidental se moque d’un éphémère Père Ubu à la Maison-Blanche. L’écume politique est une chose, l’attraction de la lune et du soleil sur les us et coutumes en est une autre. Nous parlons ici non d’une loufoquerie passagère, mais des façons de vivre et de penser, de parler et de rêver, de protester et d’acquiescer. D’une marée montante et non d’une vaguelette au bassin des enfants.

    Une emprise est parachevée quand on prend l’autre pour soi et soi-même pour un autre. Quand le particulier peut se faire prendre pour un universel.

    Un phénomène d’ordre et d’envergure anthropologique n’appelle pas plus de jugement de moralité, louange ou condamnation, qu’un solstice d’été ou d’hiver. Il a suscité, dès ses prodromes, chez quelques « nez » prémonitoires, l’intérêt d’un Valéry pour la fin d’un monde en 1945, ou encore l’étonnement d’un Jean Zay (le ministre du Front populaire assassiné par la milice en 1944) débarquant du Normandie à New York en 1939 et notant dans son Journal : « quand on quittait la vieille Europe aux nerfs malades, rongée de folie fratricide, pour aborder cette Amérique éclatante de jeunesse et de puissance créatrice, toute entière tournée vers l’avenir, on comprenait que l’axe de la civilisation se déplaçait peu à peu, pour finir par passer l’Atlantique avec les prochains clippers. » La translatio imperii et studiorum est un passage obligé du devenir historique, depuis Sumer et Babylone jusqu’à l’Angleterre de la reine Victoria et les États-Unis du président Wilson, la Chine attend son tour.

    formater les autres

    Chaque époque a son caput mundi, sa culture rectrice et directrice, sa civilisation la mieux dotée en capacité d’absorption et d’émission (l’une parce que l’autre), la plus apte, de ce fait, à irradier, informer, formater les autres, soit qu’elles aient vieilli, soit qu’elles peinent à naître. Les captations d’hégémonie, y compris picturale et musicale, épousent les rapports de force monétaires et militaires. Derrière Périclès, il y a l’hoplite, derrière Virgile, le légionnaire, derrière Saint-Thomas, le Chevalier, derrière Kipling, la Royal Navy et derrière Hollywood, la Silicon Valley et Marilyn Monroe, le billet vert et dix porte-avions. Il appartient aux plus gros canons de fixer à chaque reprise le canon universel du Beau, du Vrai et du Juste. Rien de nouveau dans la ritournelle. Jérémiades inutiles. C’est la loi immémoriale du Devenir. Et nous avons assez d’orgueil, ou de pudeur, pour nous voiler la marque du remorqueur qui nous a pris dans son sillage en parlant de « mondialisation ». Dans le vague, l’honneur est sauf.

    Il appartient aux plus gros canons de fixer à chaque reprise le canon universel du Beau, du Vrai et du Juste.

    Le succès d’une domination par le centre nerveux de la planète à tel ou tel moment se reconnaît à ceci qu’elle est intériorisée non comme une obligation mais comme une libération par les innervés et les énervés de la périphérie ; quand un nous exogène devient le on de l’indigène, sans marque de fabrique, sorti de nulle part et libre d’emploi. Quand M. Macron écoute La Marseillaise en mettant la main sur le cœur, quand M. Mélenchon met un genou à terre, quand Mme Hidalgo donne le plus bel emplacement parisien aux tulipes en bronze de Jeff Koons ou quand un dealer honore ses juges d’un « Votre honneur », ils n’ont pas tous conscience d’imiter qui que ce soit. Ils veulent être dans le ton.

    Quand le lycée Colbert de Thionville, région Grand-Est, se rebaptise, à l’initiative du président « républicain » de la région, Rosa Parks (ou tel autre, Angela Davis), c’est sans doute pour être smart, pour faire comme tout le monde mais c’est d’abord pour vivre avec son temps, parce qu’un monde est devenu le monde. Se rebaptiser, pour ce lycée, Toussaint Louverture, Pierre Vidal-Naquet (qui mériterait le Panthéon) ou bien Sonthonax, le jacobin qui fut l’initiateur de l’abolition de l’esclavage en 1793 (ou pour un autre, Che Guevara), eut été contre-nature. Une emprise est parachevée quand on prend l’autre pour soi et soi-même pour un autre. Quand le particulier peut se faire prendre pour un universel. Quand les journaux de notre start-up nation cessent de mettre en italiques running, cluster, prime time, ou mille autres scies de notre globish quotidien.

    métamorphose

    Au terme de trois siècles de romanisation, les « Barbares » ont envahi la botte italienne par amour, pour devenir enfin de vrais romains. Le souci des Pères conscrits du Mont Palatin était de freiner ce désir unanime d’assimilation, comme celui de Washington, à présent, d’empêcher les « Barbares » immigrés de devenir Américains, avec un mur au Texas et des rafles ailleurs. Ils ont peut-être tort de regarder seulement vers le Sud, en négligeant leur Occident. Après seulement cinquante ans de séries US à la télé, de Débarquement chaque soir en Normandie et de Young Leaders aux postes de commande, nos traders, nos managers, nos spin-doctors rêvent eux aussi de pouvoir s’installer à Manhattan, tout comme les membres du groupe « Sexion d’assaut » (la France est le pays où le rap, la musique la plus vendue au monde, est le plus écouté), tout comme les fans de Heavy Metal de Clisson, notre Rock City.

    Avec « l’accélération de l’histoire », les délais de la translation d’axe ont raccourci. Il a fallu quatre ou cinq siècles à la Grèce pour devenir romaine (de la mort d’Alexandre à la mort de Philpœmen, « le dernier des Grecs »). Trois siècles pour transformer la romanité en chrétienté. Un siècle à la grand-mère des arts, des armes et des lois pour assimiler les normes et réflexes de l’hyperpuissance, mais comparaison est à demi-raison. Le Grec vaincu a donné pour une très longue durée sa langue aux élites victorieuses. On ne sache pas que les Marc-Aurèle de la Maison Blanche méditent dans la langue de Molière, mais la French theory, les Foucault et Baudrillard, ont trouvé bon accueil dans les universités de pointe du XXe siècle (moyennant de sérieux contresens), tout comme la physique épicurienne et la morale stoïcienne, Zénon de Cittium et Chrysippe sous les portiques romains les plus huppés du IIIe siècle.

    classer les individus d’après leur « race » ?

    Il y a une originalité dans la présente phagocytose. On procédait jusqu’ici, dans tous les cas de figure (y compris, quoi qu’on ait dit du rôle des femmes et des esclaves dans la métamorphose du Romain en chrétien), du fort au faible, des centres vers les marges. La règle du jeu, pour nous, les contemporains, c’eut été qu’Homo œconimicus pour nous convertir à ses vues et ses valeurs, nous délègue ses meilleurs éléments, le haut du panier (disons, pardon pour le prosaïsme, ses Alain Minc, BHL ou Moscovici). Généralement, il y a de la résistance au nouveau, chez les retardataires. Ici, en France, c’est l’enthousiasme qui frappe. Homo academicus, réputé jadis anticonformiste, en rajoute dans le mimétisme avec nos gender et cultural studies, et fait de nos campus des annexes de Harvard ou Stanford.

    Mettre une femme de plus, un black ou un beur dans un conseil d’administration ne change rien à l’ordre du profit maximal.

    La protestation antisystème s’exprime, chez les plus radicaux, dans les termes du système central, où le fin du fin consiste à classer les individus d’après leur « race », leur sexe, leur handicap physique ou leur provenance, une manie jusqu’ici réservée, dans nos provinces reculées, à l’extrême-droite. Maurras a remplacé Jaurès. Montaigne avait raison : l’histoire est une branloire pérenne. Et peu importe aux esprits avancés si la « diversité » peut servir d’alibi au maintien des inégalités économiques, conformément au nouvel esprit du capitalisme. Mettre une femme de plus, un black ou un beur dans un conseil d’administration ne change rien à l’ordre du profit maximal. Et peu importe si au jeu des minorités, tournant le dos à l’idée d’une même citoyenneté pour tous, le petit Blanc majoritaire, misogyne, homophobe et raciste, ne tardera pas à se poser en minorité victimisée, et à sortir, pour nous culpabiliser, une Tea Party de sa poche.

    mise aux normes

    « L’Europe, disait Valéry dès 1930, aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine, tant sa politique s’y dirige ». Il ne pouvait prévoir que cette Commission serait en fait, cinquante ans plus tard, installée à Bruxelles, siège du quartier général de l’Otan, pour faire respecter les règles de la concurrence libre et non faussée entre les pays et les individus aussi, les desiderata des lobbies et la privatisation des services publics. Ce que nous, nous n’avions pas prévu, c’est que la mise aux normes s’avère aussi irrésistible dans les marges et chez les opprimés que dans le centre-ville et chez les grands patrons. Que la langue du maître – Black lives matter – devienne, sans traduction, celle de l’esclave, et son drapeau aussi. Aux États-Unis, beaucoup de manifestants, Noirs et Blancs réunis, brandissent le drapeau étoilé parce qu’ils sont fiers de leur pays auquel ils demandent d’être fidèle à ses valeurs proclamées. Ils ont encore en tête et dans leur cœur l’Amérique de Roosevelt, si chère à mon ami Stéphane Hessel auquel elle donnait toujours espoir, mais qui m’eût sans doute fait remarquer, s’il était vivant, qu’au moment où George Floyd était ignoblement asphyxié, un handicapé palestinien sur sa chaise roulante seul dans une rue de Jérusalem, était tué par balle, ce qui n’a ému personne en France. Il s’en serait, lui, ému mais sans illusion, car il est dans l’ordre des choses que ce qui se passe à New York fasse un gros titre à Paris, mais que ce qui se passe à Paris, à peine un entrefilet à New York.

    On ne voit pas les émeutiers du Deep South brandir le drapeau tricolore, mais c’est le Star and Stripes qu’on voit brandir à domicile.

    Il y a une géopolitique à la verticale des événements, des mots et des images ; le haut déverse les siens vers le bas, ceux des contrebas ne remontent pas. On ne voit pas les émeutiers du Deep South brandir le drapeau tricolore, mais c’est le Star and Stripes qu’on voit brandir à domicile. Martin Luther King a mené son combat en tant que Noir et en tant que patriote, indissolublement. Là est la différence entre un centre qui aspire et des pourtours qui s’inspirent. C’est comme si, chez nous, Spartacus se dressait contre son ennemi Cassius, le consul romain, avec les codes, les images et les enseignes de Cassius (qui fera crucifier 6000 révoltés le long de la route). Les voies de la suprématie – en l’occurrence de la Manifest Destiny – sont décidément impénétrables, encore que l’Ambassade US à Paris sait donner des coups de pouce à la divine Providence en allant recruter dans les banlieues, pour des camps d’été décoloniaux et des séminaires de formation à l’antiracisme en métropole, tous frais payés. Le Nord ne perd pas le nord. Il veille à son image et à l’avenir en draguant côté Sud. Le contrôle préventif des éléments possiblement contestataires témoigne d’un remarquable sens stratégique.

    Rencontrant la fibre communautaire, la fibre optique libère une charge émotionnelle, un choc catalyseur que n’auront jamais un imprimé ou un discours savant avec notes en bas de page.

    Le mode de domination du XXIe siècle n’est plus militaire (sauf en cas d’urgence, au Moyen-Orient ou en Amérique latine), mais culturel. Préventif et non répressif. Surveillance en amont des communications et formatage des mentalités (les GAFA). L’imprégnation visuelle, en vidéosphère, est décisive. Aucun médiologue ne peut s’étonner de voir Minneapolis à Paris, et le Bronx dans le quartier des Grésilles, à Dijon. L’Est européen fut jadis kidnappé par l’Empire des Soviets ; l’Ouest européen est médusé par l’empire des images. Rencontrant la fibre communautaire, la fibre optique libère une charge émotionnelle, un choc catalyseur que n’auront jamais un imprimé ou un discours savant avec notes en bas de page. Elle le fait sur l’instant, en live, ce qui est irrésistible, et réduit encore plus les frais de transport et de traduction. Là où il a fallu trois décennies pour importer le identity politics (expression forgée en 1977 par des Afro-Américains), encore une dizaine d’années pour déployer à Paris la Gay Pride (inaugurée à New York en 1979), mais seulement un mois pour traduire le #metoo en #balancetonporc, c’est à présent en 24 heures que nous sont fournis le slogan et le geste qui s’imposent. Nos maîtres et magistères locaux sont ainsi pris à revers par les outils de leur maîtrise, le clip, le spot, les flashes et les news en direct. Inversion du jour et de la nuit.

    Les people confisquaient la visibilité sociale à leur profit – à eux le buzz et les caméras –, et voilà que les paumés jusqu’ici invisibles, ont trouvé, en surdoués du visuel, les moyens de la voyance, et l’art de passer au journal de 20 h, avec le show-biz en garant. Les gilets jaunes et les peaux noires, les femmes à la maison et les aides-soignants, les livreurs de pizza et les derniers de cordée, les réfugiés et les sans-papiers avec leur smartphone en poche, retournent l’impolitesse aux premiers de cordée. Vous gouvernez en mode image ? Nous nous soulevons en mode image. Un prêté pour un rendu. Chapeau.

    Épidémie de mea-culpa

    C’est l’intelligence des exclus. Quand une nation a été construite par un État et que l’État démissionne, la nation se disloque. Plus de peuple mais des populations, c’est-à-dire des communautés, c’est-à-dire des clientèles. Les ex-colonisés, victimes de violences policières, sont alors fondés à se mettre sur les rangs, et à réclamer le respect dû autant à leurs épreuves actuelles qu’aux souffrances ancestrales, blessures inscrites au fond de l’âme des descendants d’esclaves. L’Élysée et Matignon vont avoir un agenda chargé, ironiserait un chroniqueur un peu cynique. Déjà requis par le CRIF pour s’asseoir sur la sellette et rendre des comptes aux représentants officiels de la communauté, nos gouvernants doivent désormais prévoir, outre l’assistance déjà obligatoire au Nouvel an chinois et à la rupture du jeûne, le dîner du CRAN (conseil représentatif des associations noires), celui du CFCM (conseil français du culte musulman), celui du CCOAF (conseil de coordination des organisations arméniennes de France), celui du CNEF (conseil national des évangéliques de France), en attendant les Manouches et les Tchétchènes en voie d’organisation. Épidémie de mea-culpa. Les communautés vont-elles faire la chaîne ? Du online shaming en perspective (en patois, du pain sur la planche).

    C’est le