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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Le couple franco-allemand s'éloigne ... Et l'Europe avec lui ...

     

     

    En deux mots.jpgCertes l'effondrement de l'URSS il y aura bientôt 30 ans a bouleversé sinon l'ordre, du moins les équilibres du monde. Mais de ce bouleversement est née aussi une nouvelle Allemagne - sous des jours nouveaux l'Allemagne d'avant-guerre - et cela nous semble un second fait majeur.

    Il n'est pas inutile de s'y attarder, si l'on veut tenter de comprendre quelle est aujourd’hui la nature, non pas officielle, non pas rêvée, mais réelle, des rapports franco-allemands. Vieille question au fil des siècles, pour la France. Et de nos jours pour l’Europe elle-même.

    La jeune génération peine aujourd'hui, et c'est normal, à imaginer ce que fut la guerre froide, la menace d'invasion soviétique sous laquelle vécut alors l'Europe de l’Ouest, le périlleux équilibre de la terreur nucléaire, et la subversion qui émanait continûment de l'Union Soviétique et s’infiltrait dans les démocraties occidentales. Accessoirement aussi de la Chine de Mao.  

    A la menace soviétique, c'est l'Allemagne qui était la plus exposée, elle qui en eut le plus conscience et le plus à craindre. Même s'il n'eût fallu que quelques heures aux chars russes pour traverser son territoire, passer le Rhin et entrer dans Strasbourg...

    Mais ce détestable système avait fini par installer une sorte d'ordre mondial. Son écroulement aux alentours de 1990, devait être un événement considérable et l'on en eut assez vite, l'on en a encore, pleine conscience. Les conséquences n'en furent pas toutes positives : les Américains se crurent pour longtemps - ou même pour toujours - les maîtres du monde. 

    On a moins commenté, moins évalué, moins accordé d'importance à cet autre événement aux conséquences considérables, au moins à l'échelle européenne, que fut la réunification de l'Allemagne en 1989. Nous nous sommes habitués à sa forme actuelle, qui nous semble naturelle, sans nous rappeler que l’Allemagne a vécu divisée, brisée par le rideau de fer qui la coupait en deux, en deux Etats, pendant quasiment toute la seconde moitié du XXe siècle, l'après deuxième guerre mondiale. L'Allemagne à laquelle nous sommes maintenant confrontés n'est plus la même et nous n'avons pas encore vraiment pris la mesure de ce changement.

    Bundesarchiv_B_145_Bild-F015892-0010,_Bonn,_Konrad_Adenauer_und_Charles_de_Gaulle.jpgDe Gaulle disait volontiers de l'Allemagne de son temps qu'elle avait "les reins cassés". Elle était amputée des cinq länder de l'Est, de 110 000 km2, près du tiers de son étroit territoire actuel (à peine 357 000 km2), et de 17 millions d'Allemands. L'Allemagne de l'Ouest, sans la Saxe, la Thuringe, le Brandebourg, était rhénane, sa capitale était à Bonn, au bord du Rhin, et Konrad Adenauer, son vieux chancelier, avait été, avant-guerre, maire de Cologne, capitale rhénane s'il en est. Avec cette Allemagne-là, vaincue mais déjà renaissante, prospère et bourgeoise, avec Adenauer, De Gaulle n'eut pas de peine, autour de 1960, â sceller la réconciliation franco-allemande qui s'imposait après un siècle de guerre. Les deux vieillards en inventèrent les symboles et le traité de l'Elysée la formalisa. Bien qu'il ne fût pas sans ambigüités et qu'il y eût déjà de notables disparités entre l'Allemagne et la France, sur le plan de leur population comme de leur économie - l'industrie et l'agriculture françaises étaient alors florissantes - le couple franco-allemand était équilibré. 

    Cet équilibre a été rompu par la réunification. De Gaulle savait qu'elle ne manquerait pas de se faire. Vingt ans devaient passer après sa mort : les cinq ans de la présidence interrompue de Georges Pompidou, le septennat de Valéry Giscard d'Estaing et le premier mandat de François Mitterrand. C'est au début du second que l'on vit assez soudainement tomber le mur de Berlin et s'effondrer la RDA, sans que Moscou ne bouge. L'Action française avait toujours dit que Moscou détenait les clés de la réunification allemande. Et Moscou la laissa se faire, livrant sans sourciller ses amis, les dirigeants du régime communiste de Pankoff, à leur triste sort. Les poubelles de l'Histoire, l’oubli. François Mitterrand s'émut, s'effraya même, dit-on, de cette réunification en train de s'opérer, dont il voyait bien qu'elle affaiblirait la position de la France en Europe. Il tenta de s'y opposer, de concert avec Margaret Thatcher. Il était dans la nature des choses, sans-doute, que ce fût peine perdue. Faute de n'y rien pouvoir, l'on s'y résigna à Londres comme à Paris. Restait à l'Allemagne à digérer l'Est, exsangue, ruiné, avec une économie, des infrastructures, hors le temps et hors d'usage. Helmut Kohl fut l'homme de la réunification, de la reconstruction et de la remise à niveau de l'Allemagne de l'Est, effort gigantesque, de pure volonté politique, revanche sur la défaite et sur l'Histoire, clair effet du sentiment national allemand. L’Europe n'eut rien à y faire, rien à y voir. Les sacrifices que les Allemands de l'Ouest durent consentir pour réhabiliter les länder de l'Est, en langage simple se serrer la ceinture, ne furent pas, ici ou là, sans quelques grincements de dents et récriminations, mais, quels qu'ils fussent, le sentiment national allemand, en définitive, joua à fond. La solidarité interallemande ne fit pas de question, quand la solidarité de l'Allemagne fut refusée, plus tard, à la Grèce, ou quand elle l'est aux pays du Sud, dits du Club Med, par les épargnants et les retraités d'Outre-Rhin. L'intégration et la reconstruction de l'Allemagne de l'Est fut menée à l'allemande, rondement, massivement, relativement vite, s'agissant d'une entreprise considérable et sans-doute, après presque trente ans, peut-on considérer sa mise à niveau comme achevée, encore qu’à maints égards, l'ex Allemagne de l'Est reste différente, et se souvient, parfois avec certains regrets - maints observateurs en sont surpris - du temps où elle était communiste. 

    Pourquoi nous remémorer ainsi ces faits d'Histoire récents ? 'Bien-sûr pour nous éclairer sur ce qui a forgé l'Allemagne d'aujourd'hui, ce qui la structure socialement et politiquement.

    Réunifiée et reconstruite, nous avons affaire à une Allemagne qui n'est plus celle d'Adenauer, Ludwig Erhardt ou Helmut Schmidt.  Sa capitale n'est plus à Bonn mais à Berlin ; son centre de gravité s'est déplacé vers l'Est et vers de vastes territoires centraux, eux aussi sortis - mais pauvres - du communisme, réservoirs de main d'œuvre à bon marché et d'unités de production utilisables ; la population de l'Allemagne n'est plus, comme hier, grosso modo celle de la France, qu'elle dépasse aujourd'hui de 15 millions (81 contre 66) ; quant â son économie, qui fut, il n'y a pas si longtemps, elle aussi défaillante - avant les réformes Schroeder -  elle a désormais sur l'économie française, une criante supériorité. L'on connaît bien les quelques paramètres qui permettent d'en prendre la mesure : Le taux de chômage allemand autour de 5%, le nôtre au double ; son budget excédentaire (24 milliards en 2016) quand celui de la France reste en déficit de 3% ; mais plus encore,  le commerce extérieur français qui se solde par un déficit de 50 milliards, tandis que celui de l'Allemagne dégage un excédent de 250 milliards  (2016) soit un différentiel de 300 milliards (3 400 milliards cumulés pour les dix dernières années !). Encore faut-il prendre en compte le nombre d'entreprises de taille intermédiaire (TPI) qui est en Allemagne le triple du nôtre, formant un puissant tissu industriel qui fait de l'Allemagne le premier exportateur mondial, devant l'énorme Chine ! 

    Avec de tels écarts, le couple franco-allemand n'en est plus un. Il s'est mué en simples rapports de vassalité, où les conflits d'intérêt réels remplacent peu à peu les apparences d'une relation de couple. De sorte que, comme la pérennité de ce dernier est en effet indispensable à la poursuite du projet européen, jamais l'Europe rêvée naguère n'a été aussi éloignée du champ des possibles. En position dominante, l'Allemagne n'a nulle intention de renoncer à une once de sa souveraineté.

    Faut-il lui reprocher son insolente réussite ou plutôt à la France d'avoir décroché, d'avoir sacrifié son industrie au mondialisme, de l'avoir délocalisée à tour de bras, d'avoir détruit son agriculture qui pourtant a tout pour être la première en Europe ? Au reste, l'Allemagne a ses propres problèmes, ses propres faiblesses, qui ne sont pas minces du tout. Si son industrie triomphe, sa démographie s'écroule ; de ce point de vue, l'Allemagne s'effondre sur elle-même et cela augure mal de son avenir ; avec 25% de retraités, elle n'est plus un peuple jeune.  Il n'est de richesses que d'hommes : on ne les remplace pas par des excédents monétaires ni, durablement, par des flux massifs de migrants. A bien des égards, après avoir sacrifié beaucoup à la compétitivité de ses entreprises - avec quel succès ! - l'Allemagne vieillit même dans ses infrastructures et cela se voit, s'éprouve, on ne pourra pas les laisser vieillir indéfiniment ... Il faudra bien investir, lancer de grands travaux. Les sacrifices salariaux ne seront peut-être pas, non plus, acceptés éternellement, même si l'appel aux migrants fait, ici comme ailleurs, pression à la baisse sur les salaires. Il n'est pas sûr, surtout à l'Est, que les équilibres sociaux soient indéfiniment maintenus en Allemagne. Une certaine renaissance du sentiment national allemand face à la politique européenne et migratoire d'Angela Merkel - pas seulement du fait de l'AfD mais surtout de sa nécessaire alliance avec les Libéraux eurosceptiques - peut très bien se conjuguer à une résurgence de la revendication sociale. 

    Ainsi, sans rupture ni inimitié, le couple franco-allemand comme moteur de l'Europe s'éloigne par la force des choses. Après le départ britannique, l'Allemagne est bordée aujourd'hui d'Etats résolus à défendre leur souveraineté et leur identité, face à Bruxelles, Berlin ou même Paris. Et l'Autriche vient de les rejoindre. Quant à la France, plutôt que de se divertir dans des rêveries procédurales de refondation de l'Europe, dont elle n'a pas à elle seule le moindre moyen, le plus sérieux, sinon le plus facile ni le plus immédiat, serait de travailler à reconstruire sa souveraineté, c'est à dire sa puissance. Economique, morale et politique. Cela pourrait lui prendre dix ou vingt ans. Ce serait le meilleur service qu'elle pourrait rendre à l'Europe.  

    P.S. On voudra bien nous excuser d’avoir outrepassé les intentions de brièveté de cette chronique. Nous voulions traiter de ce sujet avec quelque détail.

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • GRANDS TEXTES (22) : ”Oh Jehanne, sans sépulcre et sans portrait...” par André Malraux.

    Rouen, Fêtes Jeanne d'Arc

    Discours d'André Malraux
    31 mai 1964

    ( Pour écouter l'intégralité de l'enregistrement de Malraux :

     http://www.rouen-histoire.com/Malraux/index.htm ).

    MALRAUX ROUEN JEANNE D'ARC 1964.JPG

    Vous avez bien voulu, Monsieur le Maire, me demander d'assurer ce que le plus grand poète de cette ville, qui fut aussi l'un des plus grands poètes du monde, appelait un triste et fier honneur, celui de reprendre ce que j'ai dit, il y a quelques années, à Orléans, de Jeanne d'Arc victorieuse et de rendre hommage en ce lieu, illustre par le malheur, à Jeanne d'Arc vaincue, à la seule figure de notre histoire sur laquelle se soit faite l'unanimité du respect.

    La résurrection de sa légende est antérieure à celle de sa personne, mais, aventure unique ! la tardive découverte de sa personne n’affaiblit pas sa légende, elle lui donne son suprême éclat. Pour la France et pour le monde, la petite sœur de saint Georges devint Jeanne vivante par les textes du procès de condamnation et du procès de réhabilitation : par les réponses qu’elle fit ici, par le rougeoiement sanglant du bûcher.

    Nous savons aujourd’hui qu’à Chinon, à Orléans, à Reims, à la guerre et même ici, sauf peut-être pendant une seule et atroce journée, elle est une âme invulnérable. Ce qui vient d’abord de ce qu’elle ne se tient que pour la mandataire de ses voix :« Sans la grâce de Dieu je ne saurai que faire. » On connaît la sublime cantilène de ses témoignages de Rouen : « La première fois, j’eus grand-peur. La voix vint à midi ; c’était l’été, au fond du jardin de mon père… Après l’avoir entendue trois fois, je compris que c’était la voix d’un ange... Elle était belle, douce et humble ; et elle me racontait la grande pitié qui était au royaume de France… Je dis que j’étais une pauvre fille qui ne savait ni aller à cheval ni faire la guerre… Mais la voix disait : « Va, fille de Dieu… »

     

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    Vision de Jeanne, par E. Thirion

     

     

    Certes Jeanne est fémininement humaine. Elle n’en montre pas moins, quand il le faut, une incomparable autorité. Les capitaines sont exaspérés par cette « péronnelle qui veut leur enseigner la guerre ». (La guerre ? les batailles qu’ils perdaient, et qu’elle gagne...) Qu’ils l’aiment, qu’ils la haïssent, ils retrouvent dans son langage le « Dieu le veut » des Croisades. Cette fille de dix-sept ans, comment la comprendrions-nous si nous n’entendions pas, sous sa merveilleuse simplicité, l’accent incorruptible avec lequel les prophètes tendaient vers les rois d’Orient leurs mains menaçantes, et leurs mains consolantes vers la grande pitié du royaume d’Israël. 

    Avant le temps des combats, on lui demande « Si Dieu veut le départ des Anglais, qu’a-t-il besoin de vos soldats ? » _ Les gens de guerre combattront, et Dieu donnera la victoire. » Ni saint Bernard ni saint Louis n’eussent mieux répondu.

    Mais ils portaient en eux la chrétienté, non la France.

    Et à quelques pas d’ici, seule devant les deux questions meurtrières : « Jeanne êtes-vous en état de grâce ? » _Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre ; si j’y suis, Dieu veuille m’y tenir ! » ; et surtout la réponse illustre : « Jeanne, lorsque saint Michel vous apparut, était-il nu ? » _Croyez-vous Dieu si pauvre, qu’il ne puisse vêtir ses anges ? »

    Lorsqu’on l’interroge sur sa soumission à l’Eglise militante, elle répond, troublée mais non hésitante : « Oui, mais Dieu premier servi !». Nulle phrase ne la peint davantage. En face du dauphin, des prélats ou des hommes d’armes, elle combat pour l’essentiel : depuis que le monde est monde, tel est le génie de l’action. Et sans doute lui doit-elle ses succès militaires. Dunois dit qu’elle disposait à merveille les troupes et surtout l’artillerie, ce qui semble surprenant. Mais les Anglais devaient moins leurs victoires à leur tactique qu’à l’absence de toute tactique française, à la seule comédie héritée de Crécy à laquelle Jeanne mit fin. Les batailles de ce temps étaient très lourdes pour les vaincus ; nous oublions trop que l’écrasement de l’armée anglaise à Patay fut de la même nature que celui de l’armée française à Azincourt. Et le témoignage du duc d’Alençon interdit que l’on retire à Jeanne d’Arc la victoire de Patay puisque, sans elle, l’armée française se fût divisée avant le combat, et puisqu’elle seule la rassembla...

     

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    C’était en 1429 -le 18 juin.

    Dans ce monde où Isabeau de Bavière avait signé à Troyes la mort de la France en notant seulement sur son journal l’achat d’une nouvelle volière, dans ce monde où le dauphin doutait d’être dauphin, la France d’être la France, l’armée d’être une armée, elle refit l’armée, le roi, la France.

    Il y avait plus rien : soudain il y eut l’espoir –et par elle, les premières victoires qui rétablirent l’armée.

    Puis -par elle contre presque tous les chefs militaires-, le sacre qui rétablit le roi. Parce que le sacre était pour elle la résurrection de la France, et qu’elle portait la France en elle de la même façon qu’elle portait sa foi.

     

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    Jeanne au Sacre de Charles VII, par Jean-Dominique Ingres.
    La grande idée de Jeanne, c'est le sacre de Reims:
    "Du point de vue le plus terrestre, du point de vue politique, ce qu'il y a d'incomparable chez Jeanne d'Arc, c'est la justesse du coup d'œil, le bon sens, la rectitude du jugement. Pour sauver la France créée par ses rois, confondue avec eux, il fallait relever la royauté. Pour relever la royauté, il fallait rendre confiance et prestige à l'héritier qui finissait par perdre espoir, et peut-être doutait de sa naissance même. C'est pourquoi la première rencontre de Jeanne et de Charles VII est si émouvante. Le geste de Jeanne, reconnaissant le dauphin qui la met à l'épreuve, et tombant à ses genoux, est décisif. Le principe sauveur, la monarchie, est désigné. À l'homme, au roi légitime, la confiance en lui-même est rendue..." (Jacques Bainville)

          

     

    Après le sacre, elle est écartée, et commande la série des vains combats qui la mèneraient à Compiègne pour rien, si ce n’était pour devenir la première martyre de la France.

     

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    La chevauchée héroïque

          

     

    Nous connaissons tous son supplice. Mais les mêmes textes qui peu à peu dégagent de la légende son image véritable, son rêve, ses pleurs, l’efficace et affectueuse autorité qu’elle partage avec les fondatrices d’ordres religieux, ces mêmes textes dégagent aussi, de son supplice, deux des moments les plus pathétiques de l’histoire universelle de la douleur.

     Le premier est la signature de l’acte d’abjuration -qui reste d’ailleurs mystérieux. La comparaison du court texte français avec le très long texte latin qu’on lui faisait signer proclamait l’imposture. Elle signe d’une sorte de rond, bien qu’elle ait appris à signer Jeanne. « Signez d’une croix ! » lui ordonne-t-on. Or, il avait naguère été convenu entre elle et les capitaines du Dauphin, que tous les textes de mensonge, tous les textes imposés, auxquels leurs destinataires ne devaient pas ajouter foi, seraient marqués d’une croix. Alors, devant cet ordre qui semblait dicté par Dieu pour sauver sa mémoire, elle traça la croix de jadis, en éclatant d’un rire insensé...

     

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    Jeanne conduite devant ses juges (Vigiles de Charles VII)

          

     

    Le second moment est sans doute celui de sa plus affreuse épreuve. Si, tout au long du procès, elle s’en remit à Dieu, elle semble avoir eu, à maintes reprises, la certitude qu’elle serait délivrée. Et peut-être, à la dernière minute, quand sonnaient des cloches comme celles qui sonnent maintenant, espéra-t-elle qu’elle le serait sur le bûcher. Car la victoire du feu pouvait être la preuve que ses voix l’avaient trompée. Elle attendait, un crucifix fait de deux bouts de bois par un soldat anglais posé sur sa poitrine, le crucifix de l’église voisine élevé en face de son visage au-dessus des premières fumées. (Car nul n’avait osé refuser la croix à cette hérétique et à cette relapse...) Et la première flamme vint, et avec elle le cri atroce qui allait faire écho, dans tous les peuples chrétiens, au cri de la Vierge lorsqu’elle vit monter la croix du Christ sur le ciel livide.

    Alors, depuis ce qui avait été la forêt de Brocéliande jusqu’au cimetière de Terre sainte, la vieille chevalerie morte se leva dans ses tombes. Dans le silence de la nuit funèbre, écartant les mains jointes de leurs gisants de pierre, les preux de la Table Ronde et les compagnons de Saint Louis, les premiers combattants tombés à la prise de Jérusalem et les derniers fidèles du petit roi lépreux, toute l’assemblée des rêves de la chrétienté regardait, de ses yeux d’ombre, monter les flammes qui allaient traverser les siècles, vers cette forme enfin immobile, qui devenait le corps brûlé de la chevalerie.

     

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    Jeanne au bûcher, enluminure du XVème

         

     

    Il était plus facile de la brûler que de l’arracher de l’âme de la France. Au temps où le roi l’abandonnait, les villes qu’elle avait délivrées faisaient des processions pour sa délivrance. Puis le royaume, peu à peu, se rétablit. Rouen fut enfin reprise. Et Charles VII, qui ne se souciait pas d’avoir été sacré grâce à une sorcière, ordonna le procès de réhabilitation.

    A Notre-Dame de Paris, la mère de Jeanne, petite forme de deuil terrifiée dans l’immense nef, vient présenter le rescrit par lequel le pape autorise la révision. Autour d’elle, ceux de Domrémy qui ont pu venir, et ceux de Vaucouleurs, de Chinon, d’Orléans, de Reims, de Compiègne… Tout le passé revient avec cette voix que le chroniqueur appelle une lugubre plainte : « Bien que ma fille n’ait pensé, ni ourdi, ni rien fait qui ne fût selon la foi, des gens qui lui voulaient du mal lui imputèrent mensongèrement nombre de crimes. Ils la condamnèrent iniquement et… » La voix désespérée se brise. Alors Paris qui ne se souvient plus d’avoir jamais été bourguignonne, Paris, redevenue soudain la ville de Saint Louis, pleure avec ceux de Domrémy et de Vaucouleurs, et le rappel du bûcher se perd dans l’immense rumeur de sanglots qui monte au-dessus de la pauvre forme noire.

     L’enquête commence.

     

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    Folio 98 du Procès de réhabilitation (déclaration de la mère de Jeanne)

         

     

    Oublions, ah, oublions ! le passage sinistre de ces juges comblés d’honneur, et qui ne se souviennent de rien. D’autres se souviennent. Long cortège, qui sort de la vieillesse comme on sort de la nuit. Un quart de siècle a passé. Les pages de Jeanne sont des hommes mûrs ; ses compagnons de guerre, son confesseur ont les cheveux blancs. Ici débute la mystérieuse justice que l’humanité porte au plus secret de son cœur.

    Cette fille, tous l’avaient connue, ou rencontrée, pendant un an. Et ils ont eux aussi oublié beaucoup de choses, mais non la trace qu’elle a laissée en eux. Le duc d’Alençon l’a vue une nuit s’habiller quand, avec beaucoup d’autres, ils couchaient sur la paille : elle était belle, dit-il, mais nul n’eût osé la désirer. Devant le scribe attentif et respectueux, le chef de guerre tristement vainqueur se souvient de cette minute, il y a vingt-sept ans, dans la lumière lunaire... Il se souvient aussi de la première blessure de Jeanne. Elle avait dit : « Demain mon sang coulera, au-dessus du sein. » Il revoit la flèche transperçant l’épaule, sortant du dos, Jeanne continuant le combat jusqu’au soir, emportant enfin la bastille des Tourelles. Revoit-il le sacre ? Avait-elle cru faire sacrer Saint Louis ? Hélas ! Mais, pour tous les témoins, elle est la patronne du temps où les hommes ont vécu selon leurs rêves et selon leur cœur, et depuis le duc jusqu’au confesseur et à l’écuyer, tous parlent d’elle comme les rois mages, rentrés dans leurs royaumes, avaient parlé d’une étoile disparu

  • Éric Zemmour: «Ce que la Corse dit de la France».

    Éric Zemmour. Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro

    Paul-François Paoli nous offre une analyse fine et courageuse du malaise identitaire français dans le miroir que lui tend une Corse de plus en plus rétive et distante.

    «Elle te plaît, ma sœur? Comment, elle ne te plaît pas ma sœur?»

    Tous les lecteurs d’Astérix en Corse connaissent cette réplique culte et bien d’autres hilarantes. À cette époque bénie, les querelles identitaires se noyaient dans un bain de rigolade. On les réglait à coups de bons mots et non à coups de machette ou de couteau. L’identité française ne se discutait pas, et se déployait en mille nuances locales, à la fois chéries et brocardées. «Le pays des deux cent cinquante-huit sortes de fromages» cher au général de Gaulle ne craignait pourtant aucun séparatisme ; «la République une et indivisible» était partout chez elle, aimée et respectée. Ce temps béni nous paraît si lointain qu’on a oublié que c’était l’enfance de beaucoup d’entre nous. Paul-François Paoli, lui, ne l’a pas oublié: «J’ai longtemps cru que j’étais français. Je sais maintenant que je suis corse», ouvre son ouvrage. Le texte est bref, mais l’ambition est vaste: que nous est-il arrivé? s’interroge notre ami que les lecteurs du Figaro littéraire connaissent et apprécient pour ses chroniques historiques.

    «Jamais avant les années 1970 Je n’ai entendu un Corse me dire qu’il n’était pas français. Cette négation est devenue banale dans l’île et ne se limite pas aux indépendantistes», continue-t-il, dans son effort d’introspection. Ce n’est pas le premier livre que Paoli écrit aux sources du malaise identitaire français. Mais c’est le plus personnel, puisqu’il part de son exemple, son histoire, sa spécificité de Corse.

    Paoli n’est pas un indépendantiste corse ; il en montre au contraire les contradictions, voire les ridicules, même s’il leur sait gré d’avoir empêché «la baléarisation» de l’île de Beauté. Il reprend la vieille distinction faite par la philosophie allemande entre Civilisation et Culture, pour différencier la civilisation française (et italienne) et la culture corse. Mais il n’est pas non plus le jacobin – qu’il fut naguère, nous dit-il – qui veut araser toutes les différences. Paoli nous décrit un système de vases communicants: il est de plus en plus corse au fur et à mesure qu’il est de moins en moins français.

    Ce n’est pas lui qui est en cause, mais la France, et le discours dominant de nos élites qui réduisent l’identité française à une République universelle reposant sur des valeurs. Cette abstraction de l’identité française tue l’identité française. Un être humain a besoin de chair autant que d’esprit. La France, c’est une terre et un peuple, des mœurs et une langue, le fameux «peuple de race blanche, de culture gréco-romaine et de religion chrétienne», cher au général de Gaulle. Si la France – en tout cas ses élites autoproclamées – ne veulent plus l’être, les «petites patries» combleront ce manque symbolique. Cela vaut pour la Corse, mais aussi pour la Bretagne, et d’autres régions qui refusent d’être embarquées dans le maelstrom mondialiste et multiculturaliste.

    Contrairement à beaucoup d’analystes pusillanimes, Paoli ne refuse pas de voir l’éléphant dans la pièce: l’islam. C’est évidemment l’islamisation – par les mœurs, les vêtements, les prénoms, les boutiques, le halal, les mosquées, les comportements mêmes, la violence aussi d’une partie de sa jeunesse – de l’espace public français qui est la cause première – et principale – du malaise identitaire français. C’est particulièrement vrai en Corse, où l’histoire millénaire de l’île se polarise autour de sa romanisation et de sa christianisation, et de son conflit séculaire avec le monde arabo-islamique, toujours trop proche, toujours trop menaçant. Paoli, avec un beau courage et une réelle finesse d’analyse, ose des distinguos qui n’ont plus cours: on peut être xénophobe mais pas raciste, les deux concepts n’ont rien à voir ; c’est la « réputation de xénophobie des Corses (qui) les protège de la submersion migratoire ».

    Paoli passe en revue l’histoire d’une francisation des Corses, et non une colonisation de la Corse, comme le prétendent les indépendantistes, qui atteint son acmé avec les deux Napoléon, leurs Empires successifs, et la place dominante que les Corses vont y prendre. Les Corses sont avant tout des Romains ; ils sont français quand la France est grande et sûre d’elle-même ; ils redeviennent corses, quand la France s’abandonne à une faiblesse coupable. En fait, Paoli et les Corses posent à la France la question existentielle: « Êtes-vous encore une nation ? Ou un agglomérat de peuples disparates ? Être corse c’est être français tout en l’étant autrement que ceux qui, en France, ont renoncé à toute forme d’enracinement.» Et de nous prévenir loyalement: « Des régions françaises prendront leur indépendance si la France ne parvient pas à juguler le séparatisme islamiste. »

    Longtemps, les Corses se sont inspirés de la France: ses mœurs, sa culture, sa langue, sa modernité, ses Lumières, son universalisme, son impérialisme émancipateur. Aujourd’hui, nous devons, nous, Français, nous inspirer des Corses: leur fierté d’eux-mêmes, leur solidarité clanique, leur enracinement, leur amour de leur terre et de leurs paysages et de leur histoire, leur susceptibilité, leur défense farouche de leurs traditions, leur hantise de petit peuple menacé par la submersion migratoire, et je dirais même leur xénophobie, car comme nous l’a expliqué le grand Lévi-Strauss, apôtre de l’antiracisme, un peu de xénophobie permet de sauvegarder sa culture, qui est une richesse pour l’univers tout entier. Si les Corses se sont longtemps inspirés du modernisme français, les Français doivent désormais s’inspirer de l’archaïsme corse. Paoli nous rappelle très pertinemment que «la dignité humaine, selon Hannah Arendt, a à voir avec une certaine inadéquation de l’homme à l’histoire. L’homme ne peut s’adapter à tout. La liberté n’est pas la flexibilité, elle est même tout l’inverse.» Alors, cessons de nous adapter, ne soyons plus flexibles. Chérissons notre part enfouie d’archaïsme et de rigidité.

    Redevenons tous des Corses français !

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • Périco Légasse : « Notre pays importe les cordes avec lesquelles nos agriculteurs se pendent »

     

    En pleine crise agricole et à moins d'une semaine du Salon de l'Agriculture, Périco Légasse revient sur les dégâts causés par la Commission européenne, la FNSEA et la spéculation boursière à une filière jadis reine en France.  [Entretien dans Figarovox du 19.02]. Pour lui, cette crise est le résultat d'une dérive productiviste qui met en danger notre identité nationale. Ainsi, on commence à se rendre compte que le problème agricole français n'est pas seulement économique ou financier et ne se réduit pas à une affaire de management. Il est avant tout identitaire et civilisationnel. Périco Légasse apporte au moins ici sa pierre à un débat de fond qui concerne au sens plein notre nation. Sauvegarder l'identité française, ce n'est pas seulement la préserver, par exemple, des migrants, mais aussi des maladies de la postmodernité.  LFAR

     

    La crise agricole est en train de prendre une tournure inquiétante. Est-on arrivé à ce fameux point de rupture dont certains experts pensent qu'il pourrait générer des chaos encore plus tragiques ?

    Tout porte à le croire, car les mesures décidées par le gouvernement et présentées par le Premier ministre devant l'Assemblée nationale prouvent qu'il y a, cette fois-ci, une grande inquiétude au sommet de l'Etat. Et s'il s'est décidé à passer à l'acte aussi rapidement, c'est qu'il y a urgence. Que faut-il, après les incidents de ces derniers mois, pour qu'enfin l'on comprenne à Paris comme à Bruxelles que cette crise-là n'est pas comme les précédentes ? Elle est celle de ceux qui n'ont plus rien à perdre. On sait depuis trop longtemps que certains secteurs au bord du désespoir vont basculer dans l'irréparable. Violences, suicides, affrontements.

    N'empêche, des situations aussi extrêmes auraient pu être évitées bien plus tôt puisque nos dirigeants trouvent soudain les moyens de prendre la crise par les cornes. N'empêche, la méthode reste la même : on continue, à coups de millions d'euros, trouvés dieu sait où, finalement payés par le contribuable, à colmater les brèches, à panser les plaies, à mettre des rustines sur les fuites, pour repousser le problème au prochain déluge. Cette stratégie est irresponsable car elle ne résout rien sur le fond. Elle est surtout l'aveu que le gouvernement français ne dispose plus des leviers nécessaires à une réforme structurelle du mode de fonctionnement de notre agriculture. Ces leviers, c'est la Commission européenne qui les détient et nous savons de quelle agriculture rêve la Commission. Son modèle ? Les usines à cochon allemandes, avec main d'œuvre bulgare payée à la roumaine, dont la viande de porc agglomérée a donné le coup de grâce aux éleveurs intensifs bretons auxquels on avait assuré que leurs tarifs étaient imbattables. C'est ça l'Europe libérale libre et non faussée ?

    Personne n'a donc vu venir le danger ? C'est étonnant...

    Nous avons accepté d'être dépossédés de prérogatives souveraines qui font défaut aujourd'hui à la République française pour sauver sa paysannerie. J'espère qu'il y aura un jour un tribunal de l'histoire pour juger les coupables qui ont accepté ces reniements successifs. L'éleveur laitier au bord du gouffre, qui voit son voisin revenir du super marché avec dix packs de lait UHT importés de Pologne, et auquel on demande son trentième certificat vétérinaire, a peut être des raisons de désespérer de cette Europe portée aux nues par son maire, son député, son sénateur, son président de chambre d'agriculture, son gouvernement, son chef d'Etat, souvent son journal, sa télé ou sa radio.

    La pression exercée par les services de l'Etat, la banque, l'Europe et les aléas du marché sur nos agriculteurs atteint-elle ses limites ?

    De normes sanitaires en règles communautaires, de contraintes financières en directives administratives, d'emprunts asphyxiants auxquels on les a poussés en leur tenant le stylo, aux pratiques commerciales imposées par le lobby agro industriel et par la grande distribution, les agriculteurs de France sont à bout. Pas les gros céréaliers nantis, liés à certaines coopératives et gavés de subsides européens, mais ceux qui nourrissent directement la population. Promenés et balancés de promesses électorales en programmes gouvernementaux jamais tenus, sous prétexte que nous sommes 12, puis 15, puis 18, puis 28 Etats à décider ensemble, ils ont contenu leur colère durant des décennies. « Mais rassurez vous, nous défendons bec et ongles vos intérêts à Bruxelles. Faites nous confiance, nous vous soutenons » … comme la corde soutient le pendu. Les chambres d'agriculture ont poussé les exploitants à devenir exploités, les incitant à s'agrandir en surface, à concentrer la ressource, à augmenter les rendements, à acheter des machines chaque fois plus grosses et coûteuses pour s'installer dans un productivisme global et compétitif. Ces paysans sont aujourd'hui floués, ruinés, abandonnés. On ne peut pas demander à un homme qui est à terre d'obtempérer sous peine de sanction, ni à un homme pris à la gorge, et qui ne sait plus comment nourrir sa famille, de s'acquitter des ses échéances bancaires ou sociales. Alors, épouvantable réalité, ceux qui sont acculés, à bouts de nerfs, sans lendemain, basculent parfois dans l'irréparable. La colère des agriculteurs est à l'image des désordres qui menacent la planète.

    L'importance du mouvement, la pugnacité des agriculteurs révoltés et l'extension du phénomène à toute la France révèlent-elles une souffrance plus profonde que ce que l'on peut imaginer ?

    Nous sommes au delà de la tragédie humaine. Le désespoir agricole nous conduit à une tragédie nationale de grande ampleur. Et les effets aggravants vont exacerber les exaspérations déjà explosives. Car ce ne sont plus seulement les éleveurs bovins et les producteurs laitiers qui durcissent leurs actions. A l'Assemblée Nationale, ce jeudi 17 février, Manuel Valls déclarait que le gouvernement et l'Europe ont pris leurs responsabilités (baisse de 7 points pour les cotisations sociales des agriculteurs en difficulté et année blanche fiscale pour ceux à faibles revenus), et qu'il a appartient désormais aux agriculteurs de prendre les leurs. C'est le comble.

    Qui a conduit l'agriculture française dans cette impasse, toutes majorités confondues, depuis trente ans, en partenariat politique étroit avec le syndicat majoritaire? Qui, jusqu'au vote de la loi d'avenir, et de son programme d'agro-écologie porté par Stéphane Le Foll, en septembre 2014, par le parlement, a validé toutes les dispositions inféodant davantage l'agriculture française aux desiderata des lobbies bruxellois ? Qui a validé la dérégulation du marché et la suppression des quotas laitiers sans contreparties ? Qui refuse d'imposer la traçabilité des viandes entrant dans la composition des produits transformés ? Qui laisse pénétrer chaque année sur notre territoire des millions de tonnes de tourteau de soja destinées à gaver nos élevages intensifs ? Qui favorise l'importation déloyale et faussée de millions de litres de lait en provenance d'autres continents pour satisfaire aux oukases tarifaires de la grande distribution ? Les cours mondiaux! Toujours les cours, mais alors qu'on le dise clairement, la France est soumise aux aléas d'une corbeille boursière qui décide de la survie ou non de nos exploitations agricoles. Quelle nation souveraine digne de ce nom peut accepter de sacrifier une partie de son peuple aux ambitions de patrons de casinos où le blé, la viande et le lait sont des jetons sur un tapis vert ? La seule vraie question qui vaille est: ça nous rapporte quoi? La mort de nos campagnes, de ceux qui les entretiennent et une dépendance accrue aux systèmes agro industriels qui abîment la Terre, l'homme et l'animal.

    Alors qu'on recense environ un suicide d'agriculteur tous les trois jours, les pouvoirs publics prennent-ils la mesure du drame ?

    Les agriculteurs étranglés, aux abois, meurtris, voient leur pays importer les cordes auxquelles ils se pendent. Un paysan qui se suicide n'est finalement que le dégât collatéral de la modernisation de l'agriculture et de l'adaptation au marché globalisé. Le bœuf que l'on jette aux piranhas pour que le reste du troupeau puisse passer. Le seul problème est que, finalement, tout le troupeau y passe. Qui sont ces agriculteurs qui se suicident ? Précisément ceux qui appliquent à la lettre depuis 10 ans, 20 ans, 30 ans pour certains, les instructions et les recommandations du syndicat majoritaire, cette FNSEA qui a beau jeu aujourd'hui de barrer les routes et de bloquer les villes après avoir encouragé et accompagné toutes les politiques ayant conduit à ce massacre. Précisément ceux qui ont cru, en toute bonne foi (on leur avait si bien expliqué qu'il n'y a pas d'autres solutions possibles) que les programmes officiels, de gestion des cultures et des élevages pour se conformer aux lois du marché, les conduiraient à la richesse. Ceux-là sont ceux qui se pendent les premiers sous le regard compassé de ceux qui ont tressé la corde fatidique. Certes, il y a bien eu la PAC, avec des centaines de milliards reversés aux agriculteurs les plus riches qui s'alignaient doctement sur les critères du productivisme alors que les autres étaient obligés de tendre la main à Bruxelles pour obtenir une obole. Comment une puissance au patrimoine agricole si glorieux et si performant a-t-elle pu laisser ce trésor se détériorer aussi vite et aussi tragiquement. Quelqu'un a forcément menti à un moment donné de l'histoire.

    Le Salon de l'Agriculture s'ouvre dans dix jours. Que faut-il en attendre ?

    On l'appelait autrefois la Foire agricole. C'était une fête. La vitrine des fiertés paysannes de la France. L'engagement fervent de ceux qui montaient à la capitale pour témoigner qu'une majeure partie du pays continuait à travailler la terre pour nourrir la nation. L'édition 2016 sera marquée par les drames et les détresses ayant marqué les douze derniers mois. Mais rien n'y fera. La Foire restera celle des grandes enseignes industrielles et commerciales dont les bénéfices se sont faits sur l'éradication d'une société qu'ils ont contribué à ruiner. Qu'un vainqueur vienne planter ses aigles sur le territoire du vaincu est une chose, mais qu'un marchand de produits toxiques vienne édifier un mausolée au milieu du cimetière de ses victimes en arborant un grand panneau sur lequel on peut lire « Voici mon œuvre » est pour le moins original. Car les grandes enseignes mercantiles qui fleurissent le long des allées du salon, entre les vaches et les cochons, les sacs de grain et les bidons de lait, les vergers reconstitués et les prairies artificielles, pour faire croire qu'elles sont les bienfaitrices de ce qui n'est plus qu'un musée de la honte agricole, n'auront pas le courage de financer un grand mur sur lequel on pourrait afficher les trois mille photos des paysans qui se sont suicidés depuis 2007. Et si l'on demandait aux grandes marques dont les panneaux colorent à perte de vue les halls de la porte de Versailles d'indiquer combien de tonnes de lait en poudre néo-zélandais, de fruits et légumes saturés de pesticides, de viandes infâmes, de produits cuisinés nocifs, etc, etc, elles ont importés, puis déversés, à prix écrasés, sur les rayons des grandes surfaces, tout en creusant la tombe des agriculteurs français n'ayant pu s'aligner sur les tarifs de cette merde… Que faut-il en attendre? Plus de larmes et plus de sang pour les agriculteurs pris au piège et plus de profits et de bonne conscience pour ceux qui les exploitent.

    Existe-t-il une perspective pour sortir de cette impasse ?

    Oui, et même plusieurs: un gouvernement de combat et non un casting pour meeting électoral du PS avec supplétifs d'occasion. Exemple, dans la configuration politique actuelle, c'est Stéphane Le Foll qu'il aurait fallu nommer Premier ministre, afin de faire du programme d'agro-écologie, tout juste initié mais bientôt amplifié, une priorité nationale qui soit l'objectif premier du gouvernement de la République. Face à la détresse agricole, ce grand projet couvre toutes les problématiques et ouvre des perspectives au-delà même des enjeux agricoles. Il s'agit d'une redéfinition des logiques ayant prévalu jusqu'à aujourd'hui afin que l'agriculteur ne soit plus tributaire des spéculations et des OPA que la finance internationale lance sur les ressources alimentaires. Une seule réalité s'impose à toutes les autres: l'agriculture n'est pas faite pour produire, elle est faite pour nourrir. Nous avons la formule, nous avons le processus, nous avons des expériences. Un tel défi ne peut que susciter un vaste consensus populaire. De toutes les façons, seule une baisse générale de la production compensée par une redistribution qualitative de notre agriculture vers des formes de cultures et d'élevages répondant à la fois aux besoins et aux attentes de la population et aux impératifs d'un monde durable permettront de sortir de cette impasse. L'exacte contraire de ce que prône la FNSEA, toujours persuadée que le salut ne peut venir que d'une augmentation ultra modernisée de la taille des exploitations et des volumes, c'est-à-dire l'aggravation de tout ce qui a conduit l'agriculture française dans le mur. Cette redéfinition est une question de survie. Et plus l'on attendra avant de la décider, moins nous aurons de chance de voir nos agriculteurs redevenir des paysans. La clé du problème est là: rendez nous nos paysans!

    Et en projetant un peu plus loin ?

    De même, il est fondamental de mettre en place un programme scolaire d'éducation citoyenne du consommateur concerté avec le ministère de l'Agriculture. Les bases existent sous le projet « classes du goût », créées par Jacques Puisais en 1975 puis expérimentées un temps dans certains collèges. Le client de demain doit apprendre à consommer pour se faire du bien, pour soutenir une agriculture qui le nourrisse sainement tout en préservant l'environnement, pour soutenir une industrie agroalimentaire créatrice de richesse et d'emploi dans le respect d'une agriculture porteuse d'avenir, pour soutenir un artisanat employeur garantissant la pérennité de savoirs faire et d'activités. Consommer moins mais mieux. Chaque année, chaque Français jette 7 kilos d'aliments frais emballés. Des millions de tonnes de nourriture à bas prix que l'on pourrait reconvertir en profit pour les agriculteurs qui produiraient donc un peu moins mais mieux payés. Sur le terrain de la compétitivité internationale, nous serons toujours battus par des systèmes qui peuvent produire encore plus infâme et moins cher. Cela passe par une émancipation des diktats bruxellois et le retour à la subsidiarité française en matière de normes agricoles. Enfin, repeupler nos campagnes et remettre en culture des terres abandonnées ou abîmées tout en créant une activité agricole conformes aux enjeux contemporains, non dans la surproduction surconsommée, mais dans une juste productivité qui permette de satisfaire 99% de la demande intérieure et d'en exporter l'excellence vers des marchés demandeurs. La France a besoin de ses paysans pour vivre, pour être, pour durer.  

    Périco Légasse est rédacteur en chef de la rubrique vin et gastronomie à l'hebdomadaire Marianne.

    picture-2540921-61yhv5dr.jpgEntretien par

    Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Twitter : @AlexDevecchio

  • Question financière, question politique, par Hilaire de Crémiers

    (Voici l'analyse politique d'Hilaire de Crémiers parue dans le Politique magazine de septembre, n° 99)

    Malgré les propos d'Alain Minc et de Valéry Giscard d'Estaing, il n'y a plus aucune assurance à avoir dans le système financier et monétaire européen.

          Quelques chiffes : dans l’année qui vient, environ mille milliards d’euros de dettes – vraisemblablement plus –, inscrits dans le système bancaire européen, vont arriver, comme disent les financiers, à maturité. Dans les deux ans qui viennent, selon le dernier rapport du FMI, le besoin de refinancement des banques dans le monde s’élèvera à 3 600 milliards de dollars, sans doute bien davantage, car tout le monde ment ou dissimule. 

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    Les ministres des Finances signent le Pacte de stabilité européen....

            Les  banques européennes sont exposées non seulement à la dette souveraine grecque, pour laquelle elles ont déjà en partie provisionné, mais à toutes les dettes souveraines, toutes, et pour lesquelles elles n’ont pas encore provisionné et pour lesquelles il leur sera tout simplement impossible de provisionner. L’Europe ne pourra y pourvoir ; les États surendettés non plus. La Grèce, l’Irlande, le Portugal ont déjà entraîné le déblocage, tous comptes faits, de près de 350milliards d’euros, soit déjà versés, soit encore prévus. Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), doté de 440 milliards, est dès maintenant au trois quarts entamé. Les mises du Fonds monétaire international (FMI) de 250 milliards, assurées ou seulement garanties, ne pourront jamais former qu’un complément. Quant aux fonds d’urgence de la Commission européenne, ils sont limités nécessairement à 60 milliards d’euros.

             Ces chiffres déjà énormes sont cependant dérisoires par rapport à ceux qui se profilent. Avec ce qui vient les ordres de grandeur changent.  Les chiffres se multiplient par dix, voire par cent. 

    L’Espagne où déjà les premières demandes de recapitalisation des banques s’élèvent à 75 milliards, l’Italie où, pour simple exemple, les banques françaises se trouvent engagées pour plusieurs centaines de milliards d’euros, vraisemblablement 400, en dépit de leur plan d’austérité, de l’inscription de la prétendue règle d’or dans leurs textes constitutionnels, seront évidemment dans l’œil du cyclone qui se prépare. Or les dettes cumulées espagnole et italienne que l’Europe devrait donc soutenir au cas où…, s’élèvent à 2 300 milliards. Qui peut, qui pourra, qui pourrait ?

     

    L’impossible dette française

            Et la France ? Car l’Etat français place sa dette et, même si elle est détenue, en raison de son apparente sécurité et de son rapport, pour une part importante par l’étranger, elle constitue aussi un placement obligé et obligatoire des fonds à la disposition des organismes financiers et bancaires français. Certes, il n’est pas question pour le moment de crier « au feu ». Les intérêts de la dette, déjà colossaux, et qui représentent la part la plus importante du budget annuel de la France, plus de 50 milliards d’euros, sont encore honorés. Mais les montants sont tels,–  plus de 1500 milliards d’euros qui s’accroissent et s’accroîtront nécessairement tous les ans, même en cas de réduction des déficits, sans compter les autres dettes cumulées de tous les organismes publics, parapublics, de toutes les collectivités et de toutes les grandes entreprises nationales –, qu’il n’est pas douteux qu’au moindre ébranlement la panique sera généralisée. 

            Ce qui est arrivé à la Grèce est peu de chose par rapport à ce qui risque de survenir. Et soudainement !

            Le Premier ministre, il y a quatre ans, avec sa fiche de comptes sous les yeux, avait déjà déclaré qu’il était à la tête d’un gouvernement d’un État en faillite. Bien sûr, virtuellement en faillite. Mais le passage du virtuel au réel en ce domaine financier se fait à des vitesses que personne ne peut contrôler. Le savent bien les chefs d’entreprise, les vrais banquiers, les financiers sérieux. Dire qu’un État ne peut pas faire faillite relève de l’utopie économiste. Ce n’est d’ailleurs pas pour ça qu’il doit nécessairement en mourir. La faillite peut être pour lui un assainissement. Cruel, terriblement cruel, en particulier pour les petits… Mais qui peut permettre de se relever… Comme en ont témoigné assez récemment quelques États d’Amérique du Sud.

     

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    Christine Lagarde et François Baroin : passage de témoins ?

     

     

    Vers le krach obligataire

            Le krach boursier de cet été n’est en fait qu’un prélude. Il était d’ordre essentiellement psychologique comme souvent les krachs boursiers qui atteignent des valeurs qui n’ont en elles- mêmes aucune raison d’éprouver de telles pertes. Tout se ramenait à des doutes, mais à des doutes fondamentaux dans une ambiance générale de récession économique et de déclin d’activité. Sauf que les entreprises du CAC 40 continuent à faire des bénéfices mais qui ne reflètent plus l’activité nationale.

            Mais que sera-ce quand frappera le krach obligataire ? Dans ces colonnes cette question est déjà posée depuis deux ans. Les États- Unis sans doute s’en sortiront parce qu’ils sont maîtres de leur dollar qu’ils imposent au monde. La dégradation de leur note n’a pas changé leur taux ni leur capacité de refinancement. Mais l’Europe ? Elle explosera. La BCE se voit contrainte de faire ce qu’elle s’était interdit de faire, injecter des liquidités dans le système bancaire européen pour sauver les banques et les États surendettés, autrement dit faire comme la FED aux États-Unis, racheter massivement des obligations d’Etat, mais qui valent quoi ? 

            La voilà bourrée d’actifs sans valeur qui seront appelés demain toxiques. Rien ne représente l’Europe dans ces papiers qui ne sont que des lignes électroniques, une Europe mythique d’ailleurs ! La prétendue garantie n’est donnée que par des Etats virtuellement en faillite et la caution de la BCE n’y ajoute rien. Le système bancaire européen ne peut que se gripper ; les  stress tests  de juin n’auront servi à rien.

            Christine Lagarde a pris la succession de Strauss-Kahn à la direction du FMI. Malgré les apparences, lui est très heureux d’en être libéré comme d’être libéré d’une présidence possible de la République française, car voilà quelque temps qu’il se doute de ce qui risque d’arriver. C’est à Christine Lagarde qu’il revient maintenant d’avertir. Elle sent la crise venir dans laquelle le FMI est lui aussi engagé. Elle exige, elle supplie que les banques européennes se recapitalisent… car elle sait trop bien qu’une partie de leurs actifs ne représente rien. A la grande fureur et indignation des banquiers français ! Et à l’encontre de tout ce qu’elle affirmait péremptoirement elle-même, il y a peu, quand elle était encore ministre de l’Économie et des Finances en France. Mais où se refinancer ? Comment se recapitaliser ?

     

    L’axe Paris-Berlin ?

            Nicolas Sarkozy aurait voulu que le deuxième plan de renflouement de la Grèce concocté en juillet soit rapidement mis en œuvre. Il le fait vite voter en France par le Parlement. Il s’imagine toujours que « le volontarisme » suffit à relancer la machine. Grave erreur de jugement. Il faut en politique comme en finance l’intelligence du long terme. En 2008, oui, il est intervenu et d’une certaine manière il a sauvé la situation, mais, sans s’en rendre compte, par le fait même, il préparait et aggravait la crise suivante qui faillit tout emporter en 2010 ; car cette fois-là c’était les Etats qui étaient engagés ! Et voici que cette action contribue à accentuer aujourd’hui la crise obligataire qu’il rend du coup inéluctable. Il y a là quelque chose de dramatique et qui devrait inciter à réfléchir pour l’avenir.

            La vérité est que tout le monde la pressent. Les Finlandais réclament à la Grèce la contrepartie d’une garantie réelle, autant dire qu’ils remettent en cause le principe même du plan. Les États européens renâclent ; le ministre néerlandais des Finances, Jan Kees de Jager a fait savoir qu’il s’inquiétait « des conséquences sur la solvabilité des États membres qui se portent garants ». De la Slovaquie à la Pologne, nombreux sont ceux qui refusent ce qui s’apparente à une « Union européenne de la dette ». Les plus violemment hostiles sont naturellement les Allemands, tous partis confondus. Angela Merkel a dorénavant à faire face à une très forte opposition, y compris dans son propre parti où il est jugé qu’elle a fait trop de concessions aux stratégies de Nicolas Sarkozy. Elle-même a été obligée de déclarer que passe peut-être pour la Grèce dont le plan de soutien doit être voté prochainement au Bundestag, mais que l’Allemagne se refuse à augmenter le Fonds européen de stabilité pour subvenir aux cas de l’Espagne et de l’Italie. En attendant, d’ailleurs, la décision de la Cour suprême de Karlsruhe sur le principe même de ces plans.

            Autant dire que la confiance n’y est plus. Et sans confiance, plus d’économie, plus de finance. Non, le volontarisme de Sarkozy ne rassurera plus les marchés. Quand, interrompant ses vacances  en plein mois d’août en raison de la  précipitation de la crise financière, François Baroin, nouveau ministre de l’Économie et des Finances jette comme formule d’apaisement à l’opinion française et mondiale que cette crise ne peut déboucher sur une catastrophe puisque l’Europe, l’euro, la zone euro tiennent grâce à l’axe Paris-Berlin, il ressemble, sans qu’il s’en doute vraisemblablement, aux politiciens de la IIIe République qui se figuraient toujours que les choses finiraient par se plier à leurs vœux… D’où des phrases ronflantes à la Briand, à la Blum, à la Daladier, à la Reynaud… et la catastrophe est venue !

            « Il n’est pire dérèglement de l’esprit, disait fort bien Bossuet, que d’imaginer les choses telles qu’on voudrait qu’elles soient et non de les voir telles qu’elles sont en effet ». Il n’y a pas d’axe Paris-Berlin. Il y a, c’est certain, un axe Berlin-Berlin, peut-être un axe Berlin-Moscou. Paris en sera, une fois de plus dans l’histoire, pour ses frais. L’intégration européenne, telle que la France la souhaite et où elle met tout son espoir actuel pour se sauver elle-même de ses propres erreurs, n’aboutira concrètement qu’à un chaos et se traduira demain par un carcan budgétaire supplémentaire. Dans peu de temps, fort peu de temps, tout lui fera défaut.

            À l’heure où son activité économique ralentit, où son déficit commercial se creuse de manière dramatique, où le chômage ne cesse d’augmenter, où le nombre de créations d’entreprises baisse, où les Français en situation de pauvreté se comptent par millions, la France ferait mieux de songer à elle-même et de compter sur elle- même.

            Certes, François Fillon a proposé un plan de rigueur que Sarkozy a repris sans employer le mot et qui a du moins l’avantage de mettre les Français et les hommes politiques devant une dure réalité. 

            Quelques milliards à gagner encore cette année, dix milliards en 2012, en rabotant, annulant les niches fiscales, en taxant produits et transactions, en augmentant certains impôts et en imposant davantage les plus riches. Soit, ce n’est pas encore voté. Mais le système est si compliqué que, même en croyant bien faire, il peut s’ensuivre des conséquences négatives, à réformer indéfiniment de perpétuelles réformes. De toute façon, il faut se rendre compte que ces chiffres d’économies, sans doute nécessaires, restent dérisoires devant les chiffres évoqués dans cette crise. Réduire nos déficits, c’est bien. Mais est-ce suffisant ?

            La crise qui vient est telle qu’il faudra bien envisager de revoir le système en lui-même. Le déroulement des élections présidentielles dans ce climat délétère ne rendra que plus sensible la vraie question politique : rétablir une légitimité naturelle de l’État qui rétablisse le lien social français que le fonctionnement du système actuel est en train de dissoudre. Alors il sera possible de rétablir des finances saines. Le reste n’est qu’illusion. ■

  • Le Pape François et El-Azhar, par Annie Laurent

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    Voici la Petite Feuille Verte n°87. Après l’examen des relations entre le Saint-Siège et l’Université-Mosquée d’El-Azhar sous les pontificats de Paul VI à Benoît XVI (PFV n° 86), celle-ci présente les changements intervenus dans ces rapports depuis l’élection du pape François en 2013. Il y est notamment question de la Déclaration intitulée "La Fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune", que les deux responsables religieux ont signée conjointement à Abou Dhabi le 4 février 2019.

    Outre les circonstances de l’événement, Annie Laurent analyse le contenu du texte et ce qu’il faut en attendre dans le domaine du dialogue islamo-chrétien...

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    Rompu à l’initiative d’El-Azhar en janvier 2011 (cf. PFV n° 86), le dialogue entre le Saint-Siège et l’institution sunnite a repris sous le pontificat de François (élu en 2013).

    Après en avoir rappelé les étapes marquantes, nous en tirerons quelques conclusions.

     

     

    LE GRAND IMAM À ROME

     

    La Basilique Saint-Pierre, Vatican, Rome

    Le 23 mai 2016, le cheikh Ahmed El-Tayyeb, grand imam d’El-Azhar, s’est rendu à Rome pour sa première rencontre avec le pape François. Au programme de leur échange figuraient « l’engagement commun des autorités et des fidèles des grandes religions pour la paix dans le monde, le refus de la violence et du terrorisme, la situation des chrétiens dans le contexte des conflits et des tensions au Moyen-Orient, ainsi que leur protection » (L’Osservatore Romano, 23 mai 2016).

    A l’issue de l’entretien, El-Tayyeb a déclaré à la presse : « Aujourd’hui, nous effectuons cette visite pour poursuivre notre mission sacrée qui est la mission des religions : rendre l’être humain heureux où qu’il soit […]. Je crois que le moment est venu pour les représentants des religions monothéistes de participer de manière forte et concrète à donner à l’humanité une nouvelle orientation vers la miséricorde et la paix, afin d’éviter la grande crise dont nous souffrons à présent » (Proche-Orient chrétien, n° 66-2016, p. 388-389). Le Souverain Pontife semble avoir été impressionné par son visiteur. Quelques jours après, il confiait à un jésuite oriental au cours d’un entretien privé : « J’ai longuement discuté avec El-Tayyeb. Les musulmans veulent la paix ».

    Cette rencontre avait été longuement préparée par le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux (CPDI), alors dirigé par le cardinal Jean-Louis Tauran (+ 2018) dont la position peut se résumer ainsi : « Toutes les religions ne se valent pas, mais tous les chercheurs de Dieu ont la même dignité » (cité par Jean-Baptiste Noé, François le diplomate, Salvator, 2019, p. 99).

     

    LE PAPE EN ÉGYPTE

    Les 28 et 29 avril 2017, François a effectué un voyage officiel au Caire. Sa visite s’est déroulée dans un contexte tendu en raison de la multiplication d’attentats contre les coptes et de l’influence croissante des idéologies islamistes dans la société. Il a prononcé un discours à El-Azhar où se tenaitune Conférence internationale pour la paix organisée par cette institution, avec la participation de dignitaires musulmans et chrétiens. Les mots islam, islamisme et djihadisme ne figuraient pas dans son texte dont l’essentiel portait sur le rappel du passé biblique du pays du Nil et sur l’éducation des jeunes générations (J.-B. Noé, op. cit., p. 118-123). Le pape a aussi déclaré : « Nous sommes tenus de dénoncer les violations de la dignité humaine et des droits humains, de porter à la lumière les tentatives de justifier toute forme de haine au nom de la religion, et de les condamner comme falsification idolâtre de Dieu : son nom est Saint, il est Dieu de paix, Dieu salam » (Proche-Orient chrétien, n° 67-2017, p. 359-401).

    Le Pape et El Tayyeb

    Dans une tribune publiée quelques jours avant, Mgr Michel Chafik, recteur de la Mission copte catholique de Paris, avait présenté l’enjeu de cette visite pontificale. Évoquant la position « ambiguë » d’El-Tayyeb, il y écrivait : « S’il témoigne, dans ses propos, d’un islam éclairé, ses décisions contredisent trop souvent ses prises de position. Il parle de paix et de liberté religieuse mais sanctionne durement l’apostasie et diffère toujours la réforme religieuse en faveur de laquelle il s’est pourtant engagé. L’ambivalence de son discours explique qu’il soit contesté, tant à l’intérieur par les islamistes radicaux qu’à l’extérieur par les tenants d’un islam modéré » (Le Figaro, 24 avril 2017).

     

    L’ÉVÉNEMENT D’ABOU-DHABI

    Le voyage que le pape François a effectué à Abou-Dhabi, capitale des Émirats Arabes Unis (EAU), du 3 au 5 février 2019, restera comme un événement marquant de son pontificat. La Constitution de cette fédération concède aux nombreux émigrés non-musulmans la liberté de culte (les chrétiens y disposent d’une quarantaine d’églises) en leur imposant cependant une totale discrétion. Les EAU sont aussi engagés activement contre l’islamisme. Abou-Dhabi abrite en outre le siège du Conseil des Sages musulmans, un cénacle de religieux et d’experts fondé en mars 2014 et présidé par Ahmed El-Tayyeb.

    Le Souverain Pontife y était invité par ce dernier dans le cadre d’une Conférence mondiale sur la fraternité humaine. Quelque 600 personnalités religieuses de différentes confessions, venues de divers horizons, y étaient également présentes.

    L’objectif principal de ce déplacement était la signature conjointe par le pape et le grand imam d’une déclaration intitulée La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence communeD’après les confidences de François aux journalistes, sa rédaction aurait été finalisée lors d’un entretien privé avec El-Tayyeb au Vatican le 16 octobre 2018. Le Père Yoannis Lahzi Gaïd, prêtre copte-catholique et secrétaire du pape (cf. PFV n° 86), associé à ce travail, avait alors assuré qu’il existe « une amitié profonde » entre les deux hommes (Agence I.Media, 16 octobre 2018).

    Présenté comme une étape majeure sur la voie de l’entente entre chrétiens et musulmans, ce texte soulève plusieurs remarques, à commencer par la forme. El-Azhar et l’Église catholique s’y présentent comme engageant respectivement « les musulmans d’Orient et d’Occident » et « les catholiques d’Orient et d’Occident ». Or, si le successeur de Pierre dispose de l’autorité et de la légitimité nécessaires pour parler au nom de toute l’Église, ce n’est pas le cas du grand imam d’El-Azhar, car l’islam sunnite ne confère à personne une telle prérogative magistérielle (cf. PFV n° 80). L’influence de cette institution au-delà des frontières de l’Égypte n’y change rien, même si à Abou-Dhabi le cérémonial autour de la rencontre avec le pape voulait promouvoir El-Tayyeb comme « le » représentant de l’islam. Cette limite a été soulignée par le Père Jean Druel, directeur de l’Institut dominicain d’études orientales, situé au Caire. « Cette déclaration commune ne manifeste donc que les opinions d’Ahmed El-Tayyeb. […] Si demain son successeur a un avis différent, il n’est pas tenu de reprendre à son compte les déclarations de ses prédécesseurs. Et à l’extérieur, les fidèles musulmans ne sont évidemment pas soumis à son autorité » (La Croix, 6 février 2019).

    Sur le fond, les deux cosignataires énumèrent les nombreux maux dont souffre l’humanité actuelle, en particulier la « conscience humaine anesthésiée et l’éloignement des valeurs religieuses, ainsi que la prépondérance de l’individualisme et des philosophies matérialistes qui divinisent l’homme et mettent les valeurs mondaines et matérielles à la place des principes suprêmes transcendants ». Pour y remédier, ils préconisent d’importantes dispositions, telles que la promotion de la pleine citoyenneté et de la famille, la reconnaissance du droit et de la dignité des femmes, la préservation de la vie, l’éducation saine, l’adhésion aux valeurs morales ainsi que la justice pour tous, la protection des lieux de culte, et même la liberté de croyance, de pensée, d’expression et d’action (mais la liberté de conscience en est absente), etc.

    Ils condamnent aussi la justification de toutes les formes de violence au nom de Dieu. « Nous déclarons – fermement – que les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémismeni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang. Ces malheurs sont le fruit de la déviation des enseignements religieux, de l’usage politique des religions et aussi des interprétations de groupes d’hommes de religion qui ont abusé – à certaines phases de l’histoire – de l’influence du sentiment religieux sur les cœurs des hommes pour les conduire à accomplir ce qui n’a rien à voir avec la vérité de la religion ». Et ils promettent d’œuvrer en vue de « répandre la culture de la tolérance, de la coexistence et de la paix ».

    Ces paroles ne sont cependant pas dénuées d’ambiguïté. En effet, si les chrétiens et les musulmans utilisent le même vocabulaire, le contenu des mots tels que paix, justice, famille, morale, tolérance, n’est pas identique dans les deux religions. Sur tous ces aspects, on voit mal comment le fait de considérer « les religions » comme indistinctement porteuses de toutes les vertus ou comment l’attestation de « notre foi commune en Dieu »peuvent apporter de la clarté dans le dialogue (cf. A. Laurent, « François prêche la fraternité », La Nef, n° 312, mars 2019). En outre, le document comporte des engagements contraires aux exigences du Coran, ce qui peut les rendre inapplicables par de nombreux musulmans, comme l’ont fait valoir plusieurs experts catholiques (cf. Père François Jourdan, L’Église dans le monde, n° 193, avril-mai 2019, p. 8 et 9 ; Sami Aldeeb, Site Savoir ou se faire avoir, 11 février 2019).

    Parmi eux, certains ont été troublés par l’affirmation selon laquelle « le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains ». Appliqué aux religions, cela « est contraire à la foi catholique », a indiqué le Père dominicain Wojciech Giertych, théologien de la Maison pontificale, niant que le texte lui aurait été soumis pour relecture (National Catholic Register, 6 février 2019).

    Lors d’une rencontre avec François à Rome, Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana (Khazastan), l’a questionné sur ce sujet, puis il a livré l’explication du pape sur le site LifeSiteNews : « La diversité des religions est la volonté permissive de Dieu », à distinguer d’une « volonté positive » (7 mars 2019). Pendant l’audience générale du 3 avril 2019, accédant à la demande de Mgr Schneider, François a clarifié le sens de cette phrase. « Pourquoi Dieu permet-il qu’il y ait tant de religions ? Dieu a voulu permettre cela : les théologiens de la Scholastique faisaient référence à la voluntas permissiva de DieuIl a voulu permettre cette réalité : il y a beaucoup de religions ; certaines naissent de la culture, mais elles regardent toujours le ciel, elles regardent Dieu ». Par l’affirmation « certaines naissent de la culture », le pape « affirmait discrètement que la religion musulmane n’est pas une religion révélée », souligne Yves Chiron (Françoisphobie, éd. du Cerf, 2020, p. 317-318).

     

    QUEL AVENIR POUR LA DÉCLARATION D’ABOU-DHABI ?

    S’exprimant au nom de l’Église catholique et d’El-Azhar, les deux signataires de la Déclaration sur la fraternité humaine se sont engagés à promouvoir les principes énoncés « à tous les niveaux régionaux et internationaux, en préconisant de les traduire en politiques, en décisions, en textes législatifs, en programmes d’étude et matériaux de communication ». Ils ont aussi demandé que le document « devienne objet de recherche et de réflexion dans toutes les écoles, les universités et les instituts de formation ». C’est dans ce but qu’en septembre 2019 a été créé un Haut Comité, co-présidé par le cardinal Miguel Ayuso Guixot, successeur du cardinal Tauran à la tête du CPDI, et par Mohamed Mahmoud Abdel Salam, juge du Conseil d’État égyptien et conseiller d’El-Tayyeb.

    Deux mois après, le grand imam s’est rendu au Vatican pour présenter au Souverain Pontife le projet d’un gigantesque complexe interreligieux. Construit sur l’île de Saadiyat, à Abou Dhabi, ce complexe, unique dans la péninsule Arabique, baptisé « Maison de la Famille d’Abraham », réunira une église, une mosquée et une synagogue. Il devrait être inauguré en 2022 et sera géré par un conseil permanent « de la fraternité humaine » (Aleteia, 16 novembre 2019 ; La Croix, 4 février 2021). Pour commémorer l’événement d’Abou Dhabi, le 4 février de chaque année, le pape et le grand imam échangent leurs vœux par vidéo ou téléphone. Par ailleurs, dans son encyclique Fratelli tutti (3 octobre 2020), François fait plusieurs fois mention de son entente avec El-Tayyeb.

    La déclaration D’Abou-Dhabi

    Les chrétiens d’Orient ont en général approuvé la Déclaration. Les évêques grecs-catholiques, réunis en assemblée synodale sous la présidence de leur patriarche, Youssef Absi, ont annoncé que le document « deviendra objet d’étude dans les écoles et les instituts théologiques du Patriarcat » et sera diffusé dans les paroisses. Au Liban, le patriarche de l’Église maronite, le cardinal Béchara Boutros Raï, a considéré qu’elle doit devenir une « 

  • Éphéméride du 17 janvier

    La montagne Sainte-Victoire 

     

     

     

     

    Célébration de Saint Antoine, Patron de la Légion...

    https://www.legion-etrangere.com/mdl/page.php?id=758&titre=Saint-Antoine-Saint-Patron-de-la-Legion-etrangere

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    86 Avant Jésus-Christ : Mort du Consul Caius Marius  

     

    En 102 Avant Jésus-Christ, en Provence, il avait écrasé les Cimbres et les Teutons, sauvant Rome et la Civilisation. 

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    Caius Marius, consul  
     

    Faisons mémoire de ce grandiose événement : on verra qu'il renferme bien des leçons pour le temps présent, et que dans nos angoisses d'aujourd'hui concernant la survie et la continuation de notre Civilisation, de notre Culture, de notre Être profond, nous pourrons trouver une splendide leçon de courage et d'espérance chez ce grand et noble romain qui, avec ses légions, est venu dans le pays qui est aujourd'hui "chez nous" pro salute, non pro gloria, certari (combattre non pour la gloire mais pour sa propre survie, nous dit Salluste) écrivant ainsi l'une des pages les plus extraordinaires non seulement de notre propre histoire mais de toute l'Histoire universelle.  

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    (Vous trouverez en fin deux notes deux vidéos reprenant l'évènement, par François Davin :
    • une évocation courte, d'un peu plus de douze minutes, au Rassemblement des Baux, en 1995;
    • et une évocation plus longue, donc avec plus d'informations, détails et précisions, lors de la réunion de rentrée de l'Union Royaliste Provençale, en septembre 2010 (26'26")
     
     
    En 113 avant Jésus-Christ, des catastrophes naturelles s'abattent sur une vaste région de l'Europe du nord : Jutland, Danemark d'aujourd'hui, Baltique sont frappées par des raz de marée et des inondations, qui rendent insupportable la vie dans ces contrée, où elle est déjà très difficile en temps ordinaire.
    Des peuples entiers quittent sans espoir de retour ces zones inhospitalières : les Cimbres, les Teutons, les Ambrons, les Thuringiens...
    Les historiens de l'Antiquité avancent des chiffres terrifiants pour l'époque : 1.200.000 personnes, dont 360.000 combattants se ruent vers le sud, en quête de cieux plus cléments, et de villes à piller...

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    Rien ne résiste devant leur poussée : ils détruisent 4 armées romaines (la dernière, le 6 octobre 105, à Orange : voir l'Éphéméride du 6 octobre), ravagent tout sur leur passage, ne laissant que ruines et désolation après eux. Leur prochain objectif c'est la riche Massalia, puis Rome...

    Avant même que de naître vraiment, la puissance et la grandeur romaine vont-elles être étouffées dans l'oeuf, et tout ce qu'elles portent en elles comme promesse de civilisation ?...

    Rien ni personne ne semble plus devoir arrêter le déferlement destructeur. Seul reste un général d'envergure, mais il est retenu en Afrique, occupé à combattrre contre Jugurtha : c'est Caius Marius, oncle par alliance du futur Jules César, dont il a épousé la tante, Julie... Marius saisit l'occasion et ne veut pas laisser passer sa chance. Il réformera à ce point l'armée romaine, à cette occasion, qu'il n'est pas exagéré de voir en lui le véritable créateur des Légions romaines, du moins telles que nous les connaissons...

    Il faut dire que, si Marius croit à ce point en sa chance, pour accepter une tâche que tous s'accordent à juger impossible, c'est parce qu'il ne fait rien sans consulter les oracles. Or, la prophétesse Marthe, une Syrienne, lui a prédit la victoire, et qu'il réussirait là où tous avaient échoués avant lui : qu'il écraserait les Cimbres et les Teutons, et qu'il sauverait Rome... 

    Nous sommes maintenant en 105 avant Jésus-Christ. La migration des barbares vers le sud, et les désolations qui l'accompagnent, durent depuis huit ans. Mais Marius, finalement vainqueur de Jugurtha et maître des Légions romaines qu'il vient d'organiser, est enfin libre de se dresser face à eux. Il va imaginer un plan redoutable, qu'il appliquera avec constance et méthode pendant trois ans, et qui lui assurera une victoire totale et un triomphe à la hauteur des peurs et de la démoralisation de l'opinion.

    Exactement comme le lui avait prédit et promis la prophétesse Marthe, en qui il avait placé toute sa confiance...

    Il lui faut juste du temps, pour que ses réformes militaires portent leur fruit, et pour tendre aux barbares le piège diabolique dans lequel ils tomberont. C'est pourquoi ses espions - déguisés en marchands... - iront conseiller aux barbares de partir piller l'Espagne où ils trouveront, leur assurent-ils, d'énormes quantités de richesses de toutes sortes. Les barbares tombent dans le piège, et vont perdre de longs et précieux mois en Espagne, où ils ne trouveront rien d'autre qu'une résistance acharnée des Celtibères, qui finiront par les expulser.

    Furieux de s'être ainsi laissés berner, ils reprennent la route de Rome et reviennent vers la Provence et Massalia, bien décidés à se venger.

    Mais Marius a mis à profit tout ce temps pour préparer son dispositif et tendre son piège...     

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    Nous sommes maintenant en 102, les barbares sont de nouveau là, et cette fois ils ne partiront plus. Le choc décisif est maintenant inéluctable et imminent. À partir de là, mais ils ne le savent pas, tout est joué d'avance; les barbares sont perdus et la victoire de Marius est certaine. Encore faut-il la concrétiser, car dans les esprits le défaitisme fait des ravages; et si Marius et Marthe ne doutent pas une seconde du succès final, ils sont bien les seuls. Depuis onze ans les populations du sud de l'Europe vivent dans l'angoisse et la terreur; dans la certitude que tout est perdu et que les barbares vont ravager les dernières terres qu'ils n'ont pas encore réduites en cendres. C'est avec cette armée démoralisée que Marius (et Marthe...) vont remporter la bataille décisive, et ce faisant sauver Rome, et la Civilisation.
           
    Le combat aura lieu en Provence, dans cette Provincia avant-poste de Rome, où fleurissait alors la Massalie. Les Grecs étaient depuis toujours alliés aux Romains, et encore plus face aux Cimbres et aux Teutons. Sauver Rome c'était sauver Marseille et son empire, et réciproquement. C'est la raison pour laquelle toute la population, grecs et romains confondus, seconda le Consul Caïus Marius; et c'est dans ce soutien unanime qu'il faut voir - aussi - l'une des clés de sa réussite.
     
    Suivons maintenant, sur le terrain, le plan de Marius et le piège dans lequel il a attiré les barbares. Et nous verrons comment la toponymie des lieux a bien gardé, deux mille ans après, le souvenir de ce gigantesque affrontement qui a eu lieu "chez nous"... 
     
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     Aux Baux-de-Provence - "camp ultime" de Marius - sculptés dans le roc, les Tremaïe dominent une minuscule chapelle : ce sont les "tres marii imagenes", "les trois images de Marius", Marthe la prophétesse et Julie, son épouse (tante de Jules César) 
     
     
     
    Pendant leur présence en Espagne, Marius a minutieusement repéré le terrain, et choisi l'endroit où il veut leur livrer bataille : ce sera près d'Aix, car Marius, s'il croit en la prophétie, sait bien malgré tout qu'il n'a qu'une poignée d'hommes en face de la marée humaine des barbares, et qu'il lui faudra donc agir par surprise, et très rapidement, sans quoi il est perdu : or, près d'Aix, il y a un petit bois, où il pourra cacher ses 3.000 cavaliers, "armée" dérisoire mais qui doit par surprise asséner le coup qui démoralisera l'adversaire...
    Encore faut-il empêcher les barbares de suivre la littoral, qui est le chemin le plus court. Marius va donc les forcer à remonter le long du Rhône. À hauteur de Fos, dans cette zone marécageuse facilement franchissable où divaguait le fleuve, il crée un canal pour "amener le Rhône jusqu'à la mer", comme le dit Plutarque : ce seront les Fosses Mariennes (Fossae Marianae), dont le nom de Fos est directement issu. Tout comme, juste à côté, l'étang de Berre est le Marthicum, l'étang de Marthe, donnant son nom à Martigues.
     
    Les barbares, ne se doutant de rien, remontent donc cet obstacle liquide : barbares à gauche du Rhône - en "remontant"... - Romains à droite; les adversaires s'observent, s'épient. À hauteur d'Ernaginum (près de Saint Rémy), le général fait attaquer une petite partie de l'arrière garde barbare, qui s'était égarée; ses soldats, pour la première fois depuis des années, mettent en pièce des barbares : résultat dérisoire d'un strict point de vue militaire, mais incalculable pour le moral : les légionnaires viennent d'apprendre que les barbares ne sont pas invincibles, qu'on peut les dominer, les tuer, et que leur général peut les mener à la victoire ! Ils rentrent dans leur campement en hurlant Morti sunt ! Morti sunt ! en parlant des barbares qu'ils ont tués : c'est l'origine du nom de l'actuel quartier des Mortissons, à Saint Rémy. 
     
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     Les Tremaïe (détail) : Marthe, la prophétesse, est au centre car, d'une certaine façon, elle est le personnage principal de cette Geste...
     
               
    Non loin de là, la petite ville de Maillane renferme également la racine Marius, mais sous sa désinence grecque Caïe Maïe (car on est dans la Massalie, grecque), et l'on appelle toujours aujourd'hui Caïou ces chemins ouverts par le consul pour l'acheminement des vivres et des munitions (ci dessous).
     
    Et sur les rochers des Baux de Provence se dressait le camps ultime du consul, l'endroit où - en cas de défaite - il se serait retiré avec les débris de son armée vaincue : on appelle toujours aujourd'hui Costa Pera cette Costa per alta, ce haut plateau qui fait face au rocher du village et du château des Baux.
     
    Et l'on voir toujours, taillés dans le roc, les Tremaïe (ci dessus) et les Gaïe :
     
  • Société • La cause des arbres : les arbres, nos alliés contre le réchauffement climatique. [2]

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

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    La société industrielle et de consommation est une société de fortes pollutions, que celles-ci soient atmosphériques, terrestres ou marines.

    Les villes, littorales ou continentales, sont de véritables concentrations polluantes, pollueuses et polluées, et la santé des hommes comme celles de leurs compagnons animaux s'en trouve parfois fortement compromise, quand ce n'est pas l'espérance de vie même des citadins qui se réduit ou, du moins, celle sans incapacité majeure : asthme, cancer, etc. trouvent un terrain favorable dans des ensembles urbains saturés de fumées, poussières de particules, ou autres gaz pas forcément hilarants... 

    Malgré les progrès techniques qui peuvent limiter les pollutions automobiles et les textes réglementaires qui ont éloigné les usines et leurs rejets de gaz à effet de serre des centres-villes, la qualité de l'air reste problématique dans nombre de cités françaises, et les différentes « alertes pollutions » de l'été 2018 qui émaillent le calendrier estival urbain, de Paris ou d'ailleurs, nous le rappellent à l'envi. 

    7573875_d7abef6c-17e2-11e8-b749-bdc5f46415da-1_1000x625.jpgOr, face à la pollution et à ses différentes formes urbaines, les arbres sont des alliés précieux, et les municipalités auraient bien tort de les bouder ou de les négliger : comme le souligne en quelques pages éclairantes le hors-série Sciences de La Vie de juin 2018 consacré aux arbres et à leurs secrets, les arbres sont « nos alliés » contre le carbone, les métaux lourds, les polluants de la terre et des nappes phréatiques comme les engrais chimiques ou les nitrates... 

    « Pour grandir, rappelons que les arbres ont besoin du dioxyde de carbone, qu'ils absorbent par leurs feuilles. (…) L'arbre contient et retient, tout au long de sa vie, une quantité croissante de carbone. Le phénomène est vital : la photosynthèse participe à la diminution du CO2 dans l'atmosphère, ce gaz à effet de serre en partie responsable du réchauffement climatique. » Ainsi, l'utilité des arbres est ici avérée pour limiter les effets d'une activité industrielle qui, depuis le XIXe siècle, ne cesse de se déployer sur l'ensemble de la planète, aujourd'hui sous le terme de « développement », ou celui, plus explicite encore, d'« intégration à la mondialisation » pour des pays en cours rapide de technicisation globale. Or, les arbres, qui sont plus utiles encore en phase de croissance des productions et donc des pollutions, ne serait-ce que pour « absorber » une partie de ces dernières, sont les victimes, parfois premières, de ce développement machiniste et urbanistique qui prend aussi la forme parfois terrifiante du productivisme agricole : chaque année, environ 13 millions d'hectares de forêts sont rasés pour faire place à des champs de maïs ou de soja, souvent OGM, ou à des monocultures de palmier à huile ou d'eucalyptus, que l'on retrouve respectivement dans le circuit agroalimentaire et papetier. Le même phénomène d'éradication des arbres est à l’œuvre dans les villes et sur leurs pourtours, au nom de la densification humaine et urbaine qui doit permettre une plus grande concentration des bras nécessaires aux activités industrielles ou tertiaires. Partout depuis les débuts de la grande vague d'industrialisation et d'extension de la société de consommation, le même processus s'est fait jour et se reproduit, avec des variantes, parfois des résistances ou des aménagements. 

    Dans les villes françaises, les arbres sont toujours là, mais certaines municipalités, pour des raisons plus économiques et commerciales qu'autre chose, ont tendance à réduire leur présence ou à les « enfermer » dans des grands pots, sans enracinement possible dans la terre, comme on le voit trop souvent à Rennes sur les différentes places importantes de la cité. Or, au regard des bénéfices écologiques procurés par les arbres, c'est une politique de plantation et d'entretien qu'il faudrait mettre en place et en usage. Comme le souligne Jordan Pouille, dans l'article cité plus haut, « freiner le réchauffement climatique ne passe pas exclusivement par les forêts tropicales. Un terrain urbanisé moyen peut aussi être pris en compte parmi les différents réservoirs à carbone. En étudiant tous les espaces verts de Leicester, charmante ville de 73 km2 et 300000 âmes du Royaume-Uni, des chercheurs de l'université de Kent ont compris que, malgré la multitude des gazons privés, ce sont bien les arbres qui retenaient 97 % de la quantité totale de carbone stockée dans la végétation urbaine. Et qu'augmenter de 10 % le nombre d'arbres, pour égayer, par exemple, les austères pelouses publiques, ferait grimper la capacité de stockage de carbone de Leicester de 12 %. « Mais il faut planter de nouveaux arbres pour assurer la pérennité du réservoir de carbone et sélectionner les bonnes essences », a rappelé le chercheur Zoe Davis. » 

    1929471531.jpgAinsi, à Rennes comme ailleurs, c'est une véritable stratégie arboricole urbaine qu'il faut penser et pratiquer, au-delà même des simples mandatures municipales : réduire les pollutions automobiles, et en atténuer les effets, c'est possible sans forcément toujours contraindre financièrement les automobilistes locaux. Préserver et entretenir, par un élagage raisonné et par des soins appropriés, les arbres citadins ; en planter de nouveaux pour assurer le renouvellement régulier du parc arboricole ; concevoir les rues piétonnes ou les aménager par une politique intelligente de gestion et d'implantation des arbres ; voilà qui doit permettre une réduction des pollutions atmosphériques et la limitation des nuisances des gaz à effet de serre. Les arbres, nos alliés !    

     

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

    Lire la première partie de cet article ... 

    Société • La cause des arbres : les arbres, climatiseurs des villes [1]

  • La Semaine de MAGISTRO, une tribune d'information civique et politique

    La Semaine de MAGISTRO Adossée à des fondamentaux politiques avérés, Magistro, une tribune critique de bon sens, raisonnée et libre, d'information civique et politique. 

    A tout un chacun

    Rémi BRAGUE  Membre de l'Institut  Les religions et la violence : ne pas renvoyer dos à dos islam et christianisme

    Aude MIRKOVIC  Maître de conférences en droit privé et porte-parole de l'association Juristes pour l'enfance  Proposition pour un partenariat de vie commune

    Du côté des élites  

    Maxime TANDONNET  Haut fonctionnaire, ancien conseiller pour les affaires intérieures et l’immigration au cabinet du Président de la République    Le mur du çon   

    Gérard FREMIOT  Docteur en Sciences Politiques  La (‘’vraie’’) Droite face au piège ‘’libéral-conservateur’’

    En France

    Ivan RIOUFOL  Journaliste, écrivain  La CGT radicalisée, danger pour la démocratie

    Etienne de MONTETY    Journaliste, écrivain    Le sacrifice et les égoïsmes  (Verdun)

    Devant l'histoire

    Jean SALVAN  Officier, général de corps d'armée    Les accords Sykes et Picot, un coupable idéal ? 

    Faites suivre à vos amis, dans votre famille et partagez ... MAGISTRO vous invite aussi à vous rendre sur son site et y (re)lire tous les écrits depuis son origine (2008). MERCI.                                                              

  • « Les principes libéraux sont en train de voler en éclats » [2]

    Par David Cayla

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgCet article (Figarovox, 31.12) est long, raison pour laquelle nous l'avons publié en deux parties, hier et aujourd'hui. Mais il est capital, surtout dans ses conclusions qui démontrent le grand retour du politique, sa reprise en mains de l'économique, la fin prévisible du néolibéralisme et du multilatéralisme mondialistes. A lire dans sa totalité.  LFAR     

    La mort du multilatéralisme 

    800-000-employes-federaux-affectes-shutdown-moitie-obligee-travaillerdes-services-juges-essentiels-etrelinstant-payee-tandis-lautre-chomage-force_0_729_486.jpgTensions commerciales, fin du cycle de croissance américain, contexte international déprimé, division au sein de l'administration américaine sur les politiques budgétaires et monétaires… On le voit, cette fin d'année 2018 n'incite guère à l'optimisme pour 2019. Aussi, la question que se posent aujourd'hui la plupart des économistes n'est pas de savoir s'il y aura ou non une récession l'année prochaine (celle-ci semble acquise) mais si cette récession était à l’image de 2001, de courte durée, ou si elle s’accompagnerait d'un effondrement plus brutal comme ce fut le cas en 2008. 

    En réalité, ce ne sera certainement ni 2001, ni 2008. Ce qui se passe aux États-Unis et plus largement dans le monde relève d'une logique nouvelle et d'un profond tournant dans la gouvernance économique. 

    ffa3a45921911b083eaa9d1690fc0ee9-guerre-commerciale-la-chine-accuse-les-etats-unis-de-vouloir-saborder-l-omc.jpgPremier bouleversement : la politique de Trump acte la mort du multilatéralisme. Cette fin touche de nombreuses organisations internationales, en premier lieu l'ONU et ses agences, dont l'Organisation internationale du travail (OIT) qui n'est plus depuis longtemps un lieu de de développement du droit social. Mais c'est surtout l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui connait la crise existentielle la plus grave. Depuis l'échec du cycle de Doha, acté en 2006, les accords commerciaux se négocient et se signent de manière bilatérale, sans l'aval de l'OMC, à l'initiative des pays riches. Des accords qui excluent presque systématiquement les pays les moins avancés. Plus grave, l'Organe de règlement des différends (ORD), chargé de résoudre les contentieux commerciaux entre pays ne fonctionne plus qu'au ralenti et pourrait définitivement cesser toute activité en décembre 2019. En effet, les États-Unis bloquent le renouvellement des juges. Alors qu'ils devraient être sept pour un fonctionnement optimal, il n'en reste plus que trois, dont deux titulaires d'un mandat qui s'achève fin 2019. 

    L'ORD apparaît surtout totalement dépassé par les conflits commerciaux qui ne cessent de se développer. La gestion unilatérale du commerce international par l'administration Trump crée en retour des représailles tout aussi unilatérales de la part de ses partenaires commerciaux. Impossible d'instruire judiciairement ces conflits alors qu'ils ne cessent de se multiplier. À force, les nouvelles relations commerciales à la sauce Trump menacent de rendre caduc tous les traités commerciaux multilatéraux négociés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

    Donald Trump n'est pourtant pas le seul responsable de l'affaiblissement du multilatéralisme économique. De fait, la manière dont les États-Unis tentent de s'accorder de nouveaux privilèges commerciaux n'est pas sans rappeler la manière dont l'administration Obama a fait plier le secret bancaire suisse en imposant aux banques du monde entier l'extraterritorialité de son droit national… ou, pour remonter plus loin encore, la manière dont Nixon mit subitement fin au système monétaire de Bretton Woods en renonçant (de manière là aussi unilatérale) à assurer la convertibilité en or du dollar. 

    Une reprise en main du politique sur l'économie 

    Le mythe d'une économie mondiale qui serait organisée autour de règles décidées en commun a vécu. La gestion contemporaine de l'économie en revient à un ordre mondial originel, bien éloigné de celui anticipé par George Bush senior en 1990. Ainsi, le nouvel ordre mondial qui émerge n'est pas celui de la règle mais celui d'un ordre fondé sur la logique des rapports de force, qui pousse chaque pays à mettre ses armes économiques au service de ses seuls intérêts. Ce passage d'une gestion par la règle à une gestion par la force suppose le retour du pouvoir politique et de sa capacité à agir de manière discrétionnaire. 

    image.jpgVoilà qui permet de mieux comprendre les tensions actuelles entre Donal Trump et la Fed. En effet, derrière le conflit relatif au niveau des taux d'intérêt se trouve une question bien plus fondamentale : une banque centrale doit-elle être indépendante du pouvoir politique ? Lorsque vendredi 21 décembre, Bloomberg annonce que le président américain a demandé à ses conseillers s'il était possible de démettre Powell (photo) de ses fonctions, la presse américaine et la plupart des économistes ont crié à l'hérésie. Interrogé par le Washington Post, le Sénateur démocrate Mark Warner, membre de la Commission bancaire sénatoriale, a parfaitement résumé le sentiment général : « Ce que le Président ne comprend pas, c'est que la politique monétaire doit être séparée de la politique. Toute mesure prise pour démanteler l'indépendance de la Fed serait non seulement inappropriée, mais menacerait les institutions qui protègent notre État de droit.» 

    Mais dans un monde où les règles s'affaiblissent et où les rapports de force deviennent prédominants, ne serait-ce pas Trump qui aurait raison ? La doctrine selon laquelle la banque centrale doit être strictement indépendante du pouvoir politique repose sur l'idée qu'il faut à tout prix éviter l'interférence du politique sur l'économie. C'est une doctrine d'obédience libérale qui consiste à mettre la politique monétaire sur une sorte de pilotage automatique confié à un comité d'experts chargés de créer un cadre favorable à l'épanouissement des marchés. 

    Mais dans un monde où l'incertitude domine et où la gestion économique est un important levier d'action, on ne peut plus gérer la politique monétaire en s'extrayant de toute considération politique. Prenons la crise des pays émergents. Le principal problème de pays tels que l'Argentine ou la Turquie c'est que leurs entreprises ont profité des taux faibles pour emprunter en devises étrangères, notamment en dollars. La hausse des taux américains met ces entreprises en difficulté et l'effondrement de leurs monnaies les rend insolvables. Ces pays auraient donc besoin d'un dollar plus faible et d'une politique monétaire qui ne restreigne pas trop vite l'accès à la liquidité. Or, une gestion purement administrative de la politique monétaire américaine par la Fed est incapable de prendre ces questions en considération. 

    L'ère de la gouvernance économique illibérale

    Du point de vue de Trump au contraire, les négociations commerciales difficiles dans lesquels il est plongé impliqueraient des alliés et donc une capacité à utiliser la politique monétaire comme une arme de négociation vis-à-vis de pays tiers. Hérésie économique ? Ce qui est sûr c'est que l'affaiblissement des règles et le retour de la souveraineté politique sur les marchés impliquent de reconsidérer l'ensemble des vérités établies auxquelles nous nous sommes habitués. Car c'est une véritable gouvernance économique illibérale qui est en train d'émerger aux États-Unis, mais également en Chine et en Russie. 

    1671-dossier-prevoyance-assurance-vie.jpgC'est la raison pour laquelle le prochain retournement économique n'aura rien à voir avec ceux de 2001 et de 2008. Les principes libéraux qui ont tracé les grandes lignes de l'économie mondiale au cours des dernières décennies sont en train de voler en éclat. La politique qui avait été mise à distance de la sphère économique et des marchés au nom d'une gouvernance d'experts d'inspiration libérale est en train de faire son grand retour. Aussi, si une crise économique apparaît aux États-Unis en 2019 elle ne manquera pas d'ouvrir une nouvelle ère dont la gestion marquera le grand retour des politiques économiques souveraines. C'est une ère à laquelle l'Union européenne, avec son système institutionnel extrêmement rigide, figé dans l'idéologie des années 80 et 90, n'est absolument pas préparée. (FIN)    

    David Cayla est économiste, maître de conférences à l'université d'Angers. Il a notamment publié L'Économie du réel (De Boeck Supérieur, 2018) et a contribué à l'ouvrage collectif, coordonné par Henri Sterdyniak, Macron, un mauvais tournant (Les liens qui libèrent, 2018).
    David Cayla
  • C'est aussi tout cela (tous ceux-là...) ”la France” : Dans les Ephémérides, cette semaine....

    Pourquoi des Ephémérides.pdf

    Table des Matières premier semestre.pdf

     Table des Matières second semestre.pdf   

       Musique dans les Ephémérides.pdf    

     

            Voici ce que vous trouverez cette semaine dans les Ephémérides :       

    LOGO 9 LFAR copie.jpg

    · Dimanche :  1295 : Auld Alliance (traité d'alliance défensive entre la France et l'Ecosse). 1698 : Naissance d'Ange-Jacques Gabriel. 1749 : Naissance de Nicolas Appert. 1793 : Décret de la Convention ordonnant la destruction des statues de la galerie des rois de Notre-Dame de Paris. 1812 : Coup d'Etat manqué du Général Mallet. 1844 : Naissance d'Edouard Branly. 1852 : Naissance de Louis Forain.

    · Lundi : 996 : Mort de Hugues Capet. 1260 : Clôture de la semaine de festivités organisées pour la consécration de la cathédrale Notre-Dame de Chartres. 1599 : Henri IV répudie la reine Margot. 1648 : Signature des Traités de Westphalie. 1868 : Naissance d'Alexandra David-Neel. 1944 : Mort de Louis Renault.

    · Mardi : 732 : Charles Martel arrête les maures à Poitiers. 1415 : Désastre d'Azincourt. 1653 : Mort de Théophraste Renaudot. 1685 : Début de la construction du Pont Royal. 1722 : Sacre de Louis XV. 1791 : Dernière Messe à Cluny. 1824 : Ouverture du premier Grand magasin. 1826 : Mort de Philippe Pinel, fondateur de la psychiatrie moderne. 1836 : Erection de l'Obelisque de Louxor, Place de la Concorde. 1838 : Naissance de Georges Bizet. 1977 : Création du Parc naturel régional des Volcans d'Auvergne. 2007 : Premier vol commercial pour l'Airbus A380.

    · Mercredi : Évocation : Quand la Terreur s'est abattue sur Notre-Dame.... ou : l'incroyable histoire des statues des rois de Judas.....

    · Jeudi : Évocation : Quand Léonard de Vinci s'est installé au Clos Lucé... 

    · Vendredi : 1362 : L'abbé de Saint Victor de Marseille devient pape, sous le nom d'Urbain V. 1533 : Le pape marie le futur Henri II à Marseille. 1628 : Fin du siège de La Rochelle. 1696 : Naissance du Maréchal de Saxe. 1714 : Arrivée de l'ambassade de Perse à Marseille. 1924 : Début de la Croisière noire. 1952 : Le Mystère II, premier avion français à franchir le mur du son.

    · Samedi : 1882 : Naissance de Jean Giraudoux. 1932 : Lancement du Normandie. 1959 : Première parution des Aventures d'Astérix le Gaulois.

     

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  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (17)

    lfar bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFARNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

     

    2235704335.jpg2ème partie : Une révolution copernicienne 

    LE RÈGNE DE LA QUANTITÉ S'ACHÈVE

    En réalité, ce qui importe c'est l'évolution structurelle de la consommation des ménages en fonction de celle des revenus. Tout le monde reconnaît que la part des dépenses alimentaires n'a cessé de diminuer tandis qu'augmentait la productivité de l'agriculture. D'où l'idée, universellement admise, que le nombre des paysans doit continuer de décroître. Ce qui est vrai en valeur relative l'est-il nécessairement en valeur absolue ? Il existe une demande de produits de qualité. Les Français boivent de moins en moins de vin et de plus en plus de bon vin. Deux mouvements contradictoires poussent dans ce sens. Le souci d'entretenir leur corps pousse nos contemporains à rechercher des aliments sains. La campagne contre le veau aux hormones a prouvé qu'ils consentiraient à payer plus cher une viande dont ils seraient assurés que ce serait celle d'un veau sous la mère. En même temps, le succès des guides gastronomiques témoigne d'un souci de bonne chère. Un marchand de livres par correspondance vient d'ajouter à son commerce celui des vins.

    L'avenir appartient à l'agriculture biologique, moins soucieuse de rendement que d'amélioration de la qualité des produits. Le nombre des paysans devrait donc à tout le moins se stabiliser et même augmenter dans la mesure où se multiplieraient les petites exploitations, vendant directement ou par l'intermédiaire de commerçants faisant connaître l'origine des produits. On visite bien les caves. Pourquoi pas l'étable où sont élevées les bêtes que l'on mange ? Le lien entre le producteur, le commerçant et le consommateur tend à se renouer. L'Etat devrait, par le biais de la fiscalité encourager une évolution, que contrarie le système européen des quotas quantitatifs, en favorisant les catégories de la population les plus évoluées culturellement. L'ingénieur ou le professeur s'intéressent davantage à la qualité de ce qu'ils mangent et boivent que le manœuvre. Le choix de la nourriture reste inégalitaire. Même si cela contrarie la justice sociale, il faut en jouer, si l'on veut éviter la désertification des campagnes. Maintenir le paysan à la terre, en lui donnant les moyens d'en vivre et lui rendant le plaisir d'en tirer le meilleur parti n'est-ce pas supprimer des chômeurs potentiels et empêcher le retour de la friche ? Alors qu'il y a une décennie ou deux, les sociologues prédisaient la disparition de la paysannerie remplacée par une agriculture industrialisée, exploitant intensivement des champs qui ne représenteraient plus qu'un outil de travail, l'évolution se renverse.

    De même, au contraire de ce que l'on affirme trop souvent, à l'étourdi, les chances de l'industrie de pointe sont liées à une répartition plus inégalitaire des revenus. Plus ceux-ci augmentent, plus le choix tend à se porter sur les modèles haut de gamme, la voiture de sport ou la chaîne hi-fi, ceux qui continueront d'incorporer le plus de travail. Il en va de même pour le prêt-à-porter. Désormais l'informatique permet de fabriquer de petites séries, dont chaque élément peut être adapté au goût du client, totalement personnalisé. Il y a plus. Une industrie de pointe ne se développe que si elle est capable d'imaginer de nouveaux produits. Nous avons vu apparaître au cours des dernières années le magnétoscope, l'ordinateur domestique ou le disque numérique. Tout nouveau produit coûte cher. Les prix ne baissent que progressivement à mesure qu'il se répand. Il convient d'amortir les coûts, toujours élevés, de la conception avant de songer aux investissements à long terme que nécessite la production de masse. Ce qui suppose l'existence d'un marché potentiel assez large qui dispose de moyens financiers suffisants pour satisfaire son goût de l'innovation. C'est le cas au Japon, et aux Etats-Unis. Cela ne l'est pas en France et plus généralement en Europe. Japonais et Américains ne lancent un nouveau produit sur le marché européen qu'après qu'ils soient en mesure, ayant amorti les coûts de conception, de se lancer dans la fabrication en grandes quantités. Nos industriels ne se trouvent en mesure de défendre leur part de marché que s'ils sont solidement implantés aux Etats-Unis, comme le hollandais Philips. Le français Thomson doit se contenter de vendre sous sa marque des appareils japonais. Il ne fabrique que les étiquettes.

    Il suffit de considérer le mouvement général de l'innovation. Avant 1914, donc avant l'introduction de l'impôt sur le revenu, la France dominait les deux industries de pointe de l'époque, l'automobile et l'aviation. Dans l'automo­bile, sa situation n'a cessé de se dégrader. Il en allait de même dans l'aviation jusqu'à ce que Pompidou lance le programme « Concorde ». L'échec, tout conjoncturel, ne fut qu'apparent. Nous avons pu maîtriser les techniques qui provoqueront le succès de l'Airbus. Il a fallu, ce qui est grave, l'intervention directe de l'Etat. L'on m'objectera qu'au Japon et aux Etats-Unis l'impôt sur le revenu existe aussi. Sans doute mais la progressivité seule importe. Chez nous, elle est beaucoup plus rapide. D'ailleurs qu'a fait Reagan, sitôt élu, en 1980 ? Il a réduit ce funeste impôt.    

    A suivre  (A venir : Le règne de la quantité s'achève 2).

     

    Lire les articles précédents ...

    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray     

    (1)     (2)     (3)     (4)     (5)     (6)     (7)     (8)    (9)     (10)    (11)     (12)     (13)     (14)     

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  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (17)

    lfar rectangle bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFARNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

     

    2235704335.jpg2ème partie : Une révolution copernicienne 

    LE RÈGNE DE LA QUANTITÉ S'ACHÈVE

    En réalité, ce qui importe c'est l'évolution structurelle de la consommation des ménages en fonction de celle des revenus. Tout le monde reconnaît que la part des dépenses alimentaires n'a cessé de diminuer tandis qu'augmentait la productivité de l'agriculture. D'où l'idée, universellement admise, que le nombre des paysans doit continuer de décroître. Ce qui est vrai en valeur relative l'est-il nécessairement en valeur absolue ? Il existe une demande de produits de qualité. Les Français boivent de moins en moins de vin et de plus en plus de bon vin. Deux mouvements contradictoires poussent dans ce sens. Le souci d'entretenir leur corps pousse nos contemporains à rechercher des aliments sains. La campagne contre le veau aux hormones a prouvé qu'ils consentiraient à payer plus cher une viande dont ils seraient assurés que ce serait celle d'un veau sous la mère. En même temps, le succès des guides gastronomiques témoigne d'un souci de bonne chère. Un marchand de livres par correspondance vient d'ajouter à son commerce celui des vins.

    L'avenir appartient à l'agriculture biologique, moins soucieuse de rendement que d'amélioration de la qualité des produits. Le nombre des paysans devrait donc à tout le moins se stabiliser et même augmenter dans la mesure où se multiplieraient les petites exploitations, vendant directement ou par l'intermédiaire de commerçants faisant connaître l'origine des produits. On visite bien les caves. Pourquoi pas l'étable où sont élevées les bêtes que l'on mange ? Le lien entre le producteur, le commerçant et le consommateur tend à se renouer. L'Etat devrait, par le biais de la fiscalité encourager une évolution, que contrarie le système européen des quotas quantitatifs, en favorisant les catégories de la population les plus évoluées culturellement. L'ingénieur ou le professeur s'intéressent davantage à la qualité de ce qu'ils mangent et boivent que le manœuvre. Le choix de la nourriture reste inégalitaire. Même si cela contrarie la justice sociale, il faut en jouer, si l'on veut éviter la désertification des campagnes. Maintenir le paysan à la terre, en lui donnant les moyens d'en vivre et lui rendant le plaisir d'en tirer le meilleur parti n'est-ce pas supprimer des chômeurs potentiels et empêcher le retour de la friche ? Alors qu'il y a une décennie ou deux, les sociologues prédisaient la disparition de la paysannerie remplacée par une agriculture industrialisée, exploitant intensivement des champs qui ne représenteraient plus qu'un outil de travail, l'évolution se renverse.

    De même, au contraire de ce que l'on affirme trop souvent, à l'étourdi, les chances de l'industrie de pointe sont liées à une répartition plus inégalitaire des revenus. Plus ceux-ci augmentent, plus le choix tend à se porter sur les modèles haut de gamme, la voiture de sport ou la chaîne hi-fi, ceux qui continueront d'incorporer le plus de travail. Il en va de même pour le prêt-à-porter. Désormais l'informatique permet de fabriquer de petites séries, dont chaque élément peut être adapté au goût du client, totalement personnalisé. Il y a plus. Une industrie de pointe ne se développe que si elle est capable d'imaginer de nouveaux produits. Nous avons vu apparaître au cours des dernières années le magnétoscope, l'ordinateur domestique ou le disque numérique. Tout nouveau produit coûte cher. Les prix ne baissent que progressivement à mesure qu'il se répand. Il convient d'amortir les coûts, toujours élevés, de la conception avant de songer aux investissements à long terme que nécessite la production de masse. Ce qui suppose l'existence d'un marché potentiel assez large qui dispose de moyens financiers suffisants pour satisfaire son goût de l'innovation. C'est le cas au Japon, et aux Etats-Unis. Cela ne l'est pas en France et plus généralement en Europe. Japonais et Américains ne lancent un nouveau produit sur le marché européen qu'après qu'ils soient en mesure, ayant amorti les coûts de conception, de se lancer dans la fabrication en grandes quantités. Nos industriels ne se trouvent en mesure de défendre leur part de marché que s'ils sont solidement implantés aux Etats-Unis, comme le hollandais Philips. Le français Thomson doit se contenter de vendre sous sa marque des appareils japonais. Il ne fabrique que les étiquettes.

    Il suffit de considérer le mouvement général de l'innovation. Avant 1914, donc avant l'introduction de l'impôt sur le revenu, la France dominait les deux industries de pointe de l'époque, l'automobile et l'aviation. Dans l'automo­bile, sa situation n'a cessé de se dégrader. Il en allait de même dans l'aviation jusqu'à ce que Pompidou lance le programme « Concorde ». L'échec, tout conjoncturel, ne fut qu'apparent. Nous avons pu maîtriser les techniques qui provoqueront le succès de l'Airbus. Il a fallu, ce qui est grave, l'intervention directe de l'Etat. L'on m'objectera qu'au Japon et aux Etats-Unis l'impôt sur le revenu existe aussi. Sans doute mais la progressivité seule importe. Chez nous, elle est beaucoup plus rapide. D'ailleurs qu'a fait Reagan, sitôt élu, en 1980 ? Il a réduit ce funeste impôt.    

    A suivre  (A venir : Le règne de la quantité s'achève 2).

     

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    lafautearousseau

  • Affaire Floyd-Traoré : une globalisation des combats, par Lucas Dubois Jandot.

    Une fresque à la mémoire de George Floyd, tué par un policier américain le 25 mai 2020, a été réalisée à Minneapolis aux États-Unis. ©Lorie Shaull / Flickr

    Source : https://www.billetdefrance.fr/

    Depuis le plan Marshall et l’importation de la culture étasunienne en France les esprits français se sont fondus dans une culture américanisée, à tel point que ceux-ci semblent dorénavant névrosés des tares touchant leurs frères de l’Ouest. La police française à l’instar de la police américaine serait touchée d’un racisme ordinaire dans ses procédures d’interpellation. Le peuple français, prenant exemple sur le peuple américain, semble prêt à toutes les humiliations et à toutes les bassesses pour s’excuser de crimes qui lui sont étrangers. La globalisation des esprits s’est, depuis lors, métamorphosée en globalisation des combats.

    L’essence de la globalisation des combats : la globalisation des esprits

    Depuis environ un siècle les cultures mondiales se sont appauvries au profit d’une culture globalisée à tendance américaine. Tout le monde porte des jeans, des sneakers et des tee-shirts mettant à mal les ponchos, les babouches et les coiffes bigoudènes. La tradition se perd et nous devenons tous semblables en apparence. Mais bien plus que nos apparences, nos esprits sont métamorphosés. Le monde entier s’importe dans nos quotidiens laissant au « Fabriqué en France » une place anecdotique. Le matin nous nous levons de notre lit Ikea (Suède) pour boire notre café de marque Columbia (Colombie) avant d’entrer dans notre voiture Volkswagen (Allemagne). Après avoir travaillé durant notre journée à Zara (Espagnol) nous pouvons enfin souffler un peu en allant manger au restaurant thaï du coin avant de rentrer chez nous et d’allumer la télévision pour regarder Netflix (Américain). Nos esprits sont globalisés, internationalisés et désormais c’est à nos engagements de suivre ce chemin.

    La disparition du cadre spatio-temporel, moteur de la globalisation des combats

    Mais avant de pouvoir combattre pour des causes mondialisées ou globalisées, encore faut-il détruire ce qui nous rattache à notre lieu de vie, à savoir l’espace et le temps. L’espace n’existe plus. L’espace d’une part ne doit plus exister, et comme nous avons pu le constater avec la globalisation des esprits c’est chose faite. A fortiori, l’Union Européenne possède un espace Schengen, sans frontières, ce qui nous permet à nous autres européens d’abstraire intellectuellement l’idée même de frontière. Quand vous pouvez de chez vous commander un colis depuis la Chine (Aliexpress) ou depuis les États-Unis (Amazon) et que vous pouvez communiquer avec n’importe qui dans le monde au travers de réseaux sociaux internationaux (Facebook, Twitter,…) une illusion se propage, celle de l’interconnexion quasi absolue des esprits. Ainsi les vérités régionales deviennent des vérités internationales dans un amalgame terrible. Si la police américaine est raciste, la police française ne peut que l’être. Les coupables sont nommés par des problématiques spatiales (vox populi internationale) quand les victimes sont nommées par des problématiques temporelles.

    L’Histoire n’existe plus

    L’Histoire, d’autre part, ne doit également plus exister. Dans une génération où l’Histoire est devenue une sous matière, la réflexion historique n’a plus sa place. La jeunesse et certains partisans politiques choisissent dans l’Histoire ce qu’ils souhaitent être vrai ou pensent être vrai en lui enlevant sa complexité. La contextualisation semble être devenue l’apanage d’une vie milieu conservateur dans un monde où des « historiens branchés » refondent l’Histoire au fil de leur idéologie. Paraissent ainsi des livres entiers sur l’histoire de la culture LGBT+ ou anticolonialiste dans des périodes historiques ignorant l’existence de ces concepts contemporains. Des figures historiques sont considérées comme racistes, homophobes et sexistes a posteriori quand des films tels qu’ « Autant en emporte le vent » deviennent des éléments de propagation de la haine pour certains esprits malades n’y voyant pas le reflet passé d’une époque révolue mais ayant réellement existé. Plus haut, l’État, honteux d’une Histoire qu’il ne considère plus, laisse une grande place à l’Histoire des civilisations extérieures et enlève chaque année de nos programmes historiques  de grands personnages fondateurs de la manière de penser propre à la France. Il est à rappeler que sans connaître ce qu’est et était son propre pays, nous ne pouvons apprécier ce qu’est ou fut celui des autres.

    L’avenir de la globalisation des combats : Vivre ou mourir

    Au vu des actuelles évolutions politiques tendant vers un renforcement des coalitions et des gouvernements souverainistes (États-Unis, Brésil, Chine, Hongrie, Pologne, Italie, Royaume-Uni,…), la globalisation des combats n’aura que peu à sa place dans nos sociétés actuelles et futures. Les esprits s’en retournent chez eux, la globalisation se rompt.

    Mais les combats d’aujourd’hui ne sont hélas pas encore éteints et tant que des braises fumeront, les pompiers pyromanes crieront au feu avant de créer de nouveau une étincelle. En effet, tout une partie de la classe politique française préfère tolérer des débordements illégaux et violents de peur d’être assimilés à des racistes ou par pur clientélisme. Ils laissent ainsi perdurer la haine et le ressentiment illusoire d’une partie de la population française envers l’autre (blancs contre noirs, société civile contre la police,…). Notre seule espérance en cet instant ne peut donc être que celle-ci : que les braises soient vite éteintes.

  • Éphéméride du 25 avril

    25 avril,louis ix,blanche de castille,bainville,capetiens,saint louis,philippe le bel,fleur de lys,parlement,michelet,amérique,louise labé,guillotine

    1792 : la guillotine employée pour la première fois... (illustration : Le dialogue des carmélites, d'après Georges Bernanos)

     

     

     

    1214 : Naissance du futur Louis IX (Saint Louis)         

     

    Il naît à Poissy, où il sera baptisé, et signait volontiers, pour cette raison, Louis de Poissy. 

    collegiale_poissy_16.jpg

    Les fonts baptismaux de Poissy, où fut baptisé Saint Louis 

    De Jacques Bainville (Histoire de France, chapitre V, Pendant 340 ans, l'honorable maison capétienne règne de père en fils) :

    "...En 1236, Louis IX est majeur. Il vient d'épouser Marguerite de Provence. Mariage politique qui prépare la réunion d'une autre province. Mais les époux ont d'étranges affinités. Leurs sentiments sont les mêmes. Le saint roi a près de lui une véritable sainte. Quel est ce règne étonnant qui s'ouvre ? Oh ! si le phénomène est d'une incomparable beauté, s'il est unique dans l'histoire, il n'échappe pourtant pas à une sorte de règle. Le règne de saint Louis succède à ce qu'on pourrait appeler, en forçant un peu les mots, le rationalisme du temps de Philippe Auguste. C'est une réaction. La royauté capétienne a déjà vu Robert le Pieux succéder à Hugues. Saint Louis représente un retour à l'idée du prêtre-roi. Il est en harmonie avec son temps, celui de saint Thomas d'Aquin, marqué par un renouveau de foi chrétienne. Toutes proportions gardées, c'est ainsi qu'après les encyclopédistes, le début du dix-neuvième siècle verra le Génie du christianisme et une renaissance religieuse.

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    Enluminure représentant le roi et sa mère, Blanche de Castille           

     

    Mais la monarchie a grandi, Louis IX, ce n'est plus le pieux Robert qui s'enfermait dans son oratoire. La monarchie a des devoirs, des traditions, une vitesse acquise. Saint Louis continuera ses prédécesseurs. Seulement il les continuera en développant un élément que, jusqu'à lui, la dynastie capétienne n'avait qu'à peine dégagé. Les qualités de sa race, il les poussera jusqu'à la vertu, jusqu'à la sainteté. La royauté française était un peu terre à terre. Par lui, elle prendra un caractère de grandeur spirituelle dont elle gardera toujours le reflet. On a remarqué que la plupart des autres maisons royales ou impériales d'Europe avaient pour emblèmes des aigles, des lions, des léopards, toutes sortes d'animaux carnassiers. La maison de France avait choisi trois modestes fleurs. Saint Louis a été la pureté des lis... 

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    ...À l'intérieur également le règne de saint Louis fut celui de la justice. Ce ne fut pas celui de la faiblesse : il eut la justice des justiciers et savait fort bien faire pendre, même les barons. Il y a aussi une sainteté de l'ordre et des lois. Louis IX continua l'œuvre des légistes, - il en avait pour amis, - en l'adoucissant de christianisme et d'humanité. "Bataille n'est pas voie de droit", disait-il pour refuser les "jugements de Dieu". C'est comme juge royal, sous le chêne de Vincennes, que son souvenir est resté populaire. Il ne se contentait pas de prêcher d'exemple. Il organisait les tribunaux, la procédure. Il mettait le "Parlement" au-dessus des autres juridictions. C'est sous son règne que cette cour d'appel et de justice reçoit ses attributions principales. Et le Parlement jouera un grand rôle dans notre histoire. En unifiant le droit, il unira la nation. Il renforcera l'État en éliminant peu à peu les justices féodales, jusqu'au jour où le Parlement lui-même, devenu pouvoir politique, sera un danger pour la monarchie.

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    Réformateur judiciaire, saint Louis fut aussi un réformateur de la société. Il pousse à la libération des serfs, il étend le droit de bourgeoisie. Surtout il organise les corporations. L'existence et les droits de l'ouvrier reçoivent protection dans un "ordre social chrétien", inscrit au célèbre Livre des Métiers. Si la figure de saint Louis est devenue si vite idéale, si elle est restée légendaire, ce n'est pas seulement parce que ce roi était bon, juste et charitable. C'est parce que, sous son règne, par "la bonne droiture", comme disait Joinville, la France était devenue plus prospère, la vie plus douce, plus sûre, plus humaine. Il léguera à la monarchie capétienne et à la France une renommée qui ne s'effacera plus.

    Ce pieux roi, il ne faudrait pas le prendre pour un roi clérical. Pas plus que celle de Philippe Auguste, sa monarchie n'est une théocratie. Le roi n'est pas l'esclave du clergé, dont la noblesse n'est pas davantage l'associée. C'eût été trop simple ! À chaque instant, les intérêts diffèrent, les conflits et les compétitions éclatent. La piété, la sainteté même de Louis IX le rendaient plus indépendant qu'un autre dans ses relations avec l'Église parce qu'il était insoupçonnable du point de vue de la foi. Michelet remarque avec raison que, s'il n'y avait eu saint Louis, Philippe le Bel n'eût peut-être pas osé entrer en lutte avec le pape..."

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    Voltaire - dans son Essai sur les moeurs - écrira à propos de Saint Louis :

                "Il n'est pas donné à l'homme de porter plus loin la vertu".

     

     

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    1507 : Le mot "Amérique" employé pour la première fois

              

    C'est le géographe Martin Waldseemüller qui est le premier à utiliser le nom Amérique, à Saint Dié des Vosges, dans son  "Introduction à la cosmographie...". 

    Il y écrit :

    "...Aujourd'hui ces parties de la terre (l'Europe, l'Afrique et l'Asie) ont été plus complètement explorées, et une quatrième partie a été découverte par Amerigo Vespucci, ainsi qu'on le verra plus loin. Et comme L'Europe et L'Asie ont reçu des noms de femmes, je ne vois aucune raison pour ne pas appeler cette autre partie Amerigé c'est-à-dire terre d'Amerigo, d'après l'homme sagace qui l'a découverte. On pourra se renseigner exactement sur la situation de cette terre et sur les coutumes de ses habitants par les quatre navigations d'Amerigo qui suivent".

    On lit bien le mot Americi sur le texte de gauche, à la ligne neuf :

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    1566 : Mort de Louise Labé

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    Je vis, je meurs; je me brûle et me noie :
     

    Je vis, je meurs; je me brûle et me noie;
    J'ai chaud extrême en endurant froidure :
    La vie m'est et trop molle et trop dure.
    J'ai grands ennuis entremêlés de joie.

    Tout à un coup je ris et je larmoie,
    Et en plaisir maint grief tourment j'endure;
    Mon bien s'en va, et à jamais il dure;
    Tout en un coup je sèche et je verdoie.

    Ainsi Amour inconstamment me mène;
    Et, quand je pense avoir plus de douleur,
    Sans y penser je me trouve hors de peine.

    Puis, quand je crois ma joie être certaine,
    Et être au haut de mon désiré heur,
    Il me remet en mon premier malheur.

     

    • http://coulmont.com/labe/

     

     

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    1792 : Premier emploi de la guillotine

          

    Nicolas-Jacques Pelletier, voleur de grand chemin, qui a frappé un citoyen pour lui extorquer ses assignats, est la première personne a être exécutée au moyen de la Guillotine.

    25 avril,louis ix,blanche de castille,bainville,capetiens,saint louis,philippe le bel,fleur de lys,parlement,michelet,amérique,louise labé,guillotineC'est le 10 octobre 1789 que le docteur Guillotin avait présenté son système devant l’Assemblée nationale : "Avec ma machine, je vous fais sauter la tête en un clin d’œil, et vous ne souffrez point.". Le journal polémiste royaliste, Les Actes des Apôtres, qui avait pris le parti de s'opposer à la Révolution en cultivant la moquerie et l'ironie, tourna en dérision cette nouvelle lubie de révolutionnaires, et en fit une chanson : c'est l'une des choses qui contribua le plus à attacher à cette machine le nom de Guillotin. 

    Le 20 janvier 1790, Guillotin ré-exposera les divers points concernant son projet sur l’exécution capitale et, le 3 juin 1791, le député Le Pelletier-de-Saint-Fargeau proposa d’inscrire dans le code pénal, la définition célèbre : "Tout condamné à mort aura la tête tranchée". Le 25 septembre, puis le 6 octobre 1791, les législateurs adoptèrent les articles 2 et 3 du Code pénal qui s’énoncent ainsi :

    2. La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu’il puisse jamais être exercé aucune torture envers les condamnés.

    3. Tout condamné à mort aura la tête tranchée.

    La guillotine, d’abord installée dans la Cour du Carrousel, fit sa première apparition sur la Place de la Révolution (ex Place Louis XV, aujourd'hui Place de la Concorde) en octobre et novembre 1792 pour décapiter, devant l'emplacement de leur forfait, les auteurs des vols des bijoux de la Couronne conservés au Garde-meuble (Ministère de la marine).

    Elle fit sa seconde apparition le 21 janvier 1793, pour décapiter Louis XVI.

    Du 11 mai 1793 au 9 juin 1794, soit pendant treize mois, elle fonctionna sans discontinuité, érigée entre la statue de la Liberté et le Pont-Tournant (entrée du Jardin des Tuileries). C’est là que Marie-Antoinette fut suppliciée, le 16 octobre 1793.

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    "Ci-gît toute la France", caricature royaliste sous la Terreur... 

     

    En tournée, la guillotine fut installée trois jours durant Place de la Bastille, puis Place du Trône-Renversé (anciennement Place du Trône, aujourd'hui, Place de la Nation), revint Place de la révolution pour deux jours après le 9 thermidor (27 juillet 1794) pour l'exécution des amis de Robespierre, puis une dernière fois, en mai 1795, pour celle des émeutiers du 1er prairial.