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  • Régis Debray, le réel et son trouble Le philosophe publie ”D’un siècle l’autre” (Gallimard, 2020), par Bérénice Levet.

    Régis Debray © Photos: Hannah Assouline

    Sans nostalgie ni regrets, quoique avec une pointe de mélancolie, Régis Debray pose un regard indulgent sur son passé et le nôtre. L’ancien révolutionnaire qui voulait changer le monde avec des idées sait désormais que les peuples ne vivent pas d’abstractions. Observant la fin de la civilisation de l’écrit, il dissèque avec lucidité et gourmandise cette époque qui n’est pas tout à fait la sienne.

    Au risque de fâcher notre philosophe, je me demande si la lecture de l’œuvre de Régis Debray n’est pas l’une des plus exaltantes écoles de conservatisme politique qui soient – pas de retour en arrière, mais de politique soucieuse de préserver ce qui mérite de l’être. Régis Debray parle si bien du monde d’hier, des possibilités humaines qui s’y jouaient, des aspirations fondamentales qui s’y exprimaient et auxquelles, bon an mal, les temps savaient répondre, il éclaire si vivement le monde dans lequel nous vivons et la nouvelle figure d’humanité qui s’y dessine, aplanie sur le présent, rétrécie aux dimensions de son moi, pauvre en imaginaire, que l’on referme tous ses livres avec le désir véhément de sauver ce qui peut encore l’être afin que le monde de demain soit encore un peu le monde d’hier.

    Que l’on ne se méprenne pas. Nulle inclination à la désolation ou à l’indignation chez Debray. Non plus à la nostalgie. Pas davantage d’ailleurs, à l’euphorie. Debray se tient à égale distance, pour prendre les deux pointes extrêmes d’un même compas, de Michel Serres et d’Alain Finkielkraut. Du premier, il partage les curiosités et les intérêts, le goût de la technique et des nouvelles technologies ; du second, les fidélités et les tendresses (Israël excepté), l’attachement aux Humanités, à la langue, aux institutions. Il n’a toutefois pas les béatitudes du premier ni les inquiétudes et les colères du second. Enfin, là où l’un voit exclusivement des gains et l’autre d’abord des pertes, Régis Debray, lui, s’efforce de ne pas penser en ces termes, moralement connotés.

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    Le monde de Debray n’est pas pour autant un monde sans perte, sans larmes, sans deuil. Homme venu d’une autre rive temporelle, formé selon les modalités de vie et de pensée du vieux monde qu’il aime, Debray ne connaît pas la hantise du progressiste de paraître en retard sur son temps et singulièrement sur la jeunesse. Il est également épargné par cette autre maladie congénitale de la gauche, diagnostiquée par Jean-Claude Michéa, le complexe d’Orphée : il ne craint pas de regarder en arrière, au contraire, pour lui le flambeau du passé peut encore nous éclairer et nous guider, et il recommande vivement aux jeunes gens qui veulent entrer dans la carrière un détour par Thucydide, le cardinal de Retz ou Rousseau. « Un homme a des vues sur le futur dans la mesure où il en a sur le passé. »

    Si Debray a fait vœu de suspension du jugement, ce n’est pas dérobade de sa part, mais conviction qu’il sera plus utile à ses semblables en s’enquérant de la nouveauté du temps présent qu’en soupirant après le monde d’hier ou en célébrant celui qui vient. Un monde se termine ; un autre advient, qu’il nous faut habiter et aménager, aussi mieux vaut apprendre à le connaître dans ses possibilités propres. « Le vent se lève !… il faut tenter de vivre », disait Paul Valéry. Ce vers, qui scandait la belle série estivale que Debray consacra au poète et penseur en 2018, pourrait servir d’épigraphe à l’ensemble de son œuvre.

    Il n’en a pas toujours été ainsi. Longtemps, il l’avoue, il a caressé le rêve de contribuer à « changer le monde » – c’est encore ce qui l’entraîne aux côtés de François Mitterrand en 1981. Mais la vie, ses tribulations en Amérique latine, ses engagements en France, plus encore peut-être sa fréquentation du pouvoir, l’ont instruit. Il a décidé de remiser au placard les atours de l’intellectuel. Vanité de l’homme de lettres, comprend-il, que de prétendre exercer quelque influence sur les esprits et le cours des choses. Non que les idées soient fatalement impuissantes, mais encore leur faut-il rencontrer la courroie de transmission qui les fera descendre dans la caverne des hommes et les rendra agissantes. Or, à chaque époque, son médium. Et c’en est fini de l’écrit, révolu l’âge des Voltaire et des Zola. La graphosphère a fait son temps, voici venu celui de la vidéosphère : seules pourront désormais ambitionner quelque efficacité les idées qui emprunteront le canal de l’image, de l’audiovisuel et à présent des réseaux sociaux. Et c’est là tout l’objet de la médiologie, cette discipline que Debray fonde à la fin des année 

    1980 et qu’il dote d’un bouillonnant laboratoire d’investigation, Les Cahiers de médiologie, superbe publication réunissant des chercheurs de tous horizons.

    Car c’est cela Debray, un esprit toujours inventif, toujours aux aguets. La passion de comprendre chevillée au corps, de harponner le nouveau, l’inédit. Rien n’est plus étranger à notre philosophe, et rien sans doute ne l’ennuierait davantage, que ce défaut, ce vice même du penseur professionnel, que la reconduction de l’inconnu au connu. Une écriture douée d’une énergie époustouflante, servie par un génie des télescopages, des « courts-circuits », des étincelles fulgurantes. Une pensée incarnée, ce qui est l’une de ses grandes saveurs. L’humaine nature ? « Le pot de confiture et le martyr » ; les jeunes filles de Proust défilant sur la digue de Balbec ? À peine les a-t-il aperçues qu’il peut tirer un trait « de la bicyclette au MLF ». Parole de médiologue : pas de libération de la femme sans l’avènement d’un nouvel outillage. Debray est un de nos derniers esprits encyclopédiques. Rien de ce qui est réel ne le laisse indifférent. Sa curiosité ne connaît pas de limite, pas de frontière. Il crochète et furète partout, « le bon médiologue est un chien, se flatte-t-il, il met son orgueil à regarder par terre, à renifler dans les coins ». En tout lieu, il se risque. Jusqu’à Dieu. On se souvient du coup d’éclat que fut en 2001 la publication de Dieu, un itinéraire : un homme de gauche qui prenait au sérieux la religion, qui ne la renvoyait pas dans les ténèbres de l’obscurantisme. Au contraire, il lui rendait sa légitimité en faisant apparaître ses fondements anthropologiques.

    Enfin, en bon philosophe, Debray sait l’art d’enrichir le vocabulaire de notre intelligence et de notre perception de catégories nouvelles, d’élaborer des distinctions qui sont autant de navettes pour démêler les fils enchevêtrés de la réalité. Mentionnons la si féconde polarité République/démocratie, où l’altière République vient redresser l’horizontale et égalitaire démocratie ou encore le couple transmettre/communiquer. Profondeur, épaisseur des temps, maturation et continuité des peuples et des civilisations versus surface et superficie du seul présent et du seul moi.

    Si Debray n’est pas, ou plus, un penseur engagé, il reste un penseur éminemment embarqué. Ce monde ne le laisse pas en repos. Doublement. Ce qui l’intéresse d’abord, ce sont les tremblements du temps, les transformations, les mutations qui affectent les sociétés et les hommes. D’un siècle l’autre (Gallimard), tel est le titre de l’ouvrage qu’il fait paraître aujourd’hui. Au prisme de sa propre traversée du temps, du xxe au xxie siècle, Debray offre une synthèse de ses expériences et de ses conquêtes. Debray parle en première personne, mais ce livre n’est pas une autobiographie – celle-ci existe déjà, magnifique trilogie composée de MasquesPar amour de l’art et Loués soient nos seigneurs : son objet c’est nous, hommes du xxie siècle, et singulièrement nous, Français. Parlant de moi, je parle de vous« nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui soit à lui […], la destinée est une », dit-il en substance à la suite de Victor Hugo.

    Mais si, chez le Janus qu’est le penseur Debray, l’une des faces regarde vers les transformations, l’autre est tournée, l’œil non moins aigu, du côté des retours et des invariants, des constantes de la nature humaine. Retour de la religion, retour de la nation et des frontières, retour du lieu, du terroir, bref de la géographie. Or, et c’est là l’immense apport de Debray à la réflexion contemporaine, il ne se contente pas d’identifier ces revivals, il leur donne leur fondement anthropologique. Là où certains ne perçoivent, dans ces retours, que régression, et au mieux crispation et frilosité, Debray, lui, au contraire, entend résonner comme un rappel des aspirations humaines fondamentales, rappel d’autant plus ardent que les avancées techniques les nient.

    Trois « mystères », ainsi qu’il les appelle, charpentent son ouvrage, aussi solidement qu’ils constituent nos épreuves et nos défis. Mystère du politique : comment faire du commun avec de la diversité. Réponse de Debray : on ne cimente pas un peuple et on ne le mobilise pas avec des abstractions, avec les valeurs de la République ou la laïcité, mais avec des réalités concrètes, charnelles, et Debray rend salutairement toute sa légitimité à la « fonction fabulatrice », aux récits et même, hardiment, aux légendes qui, établit-il, ne sont pas sans vertu politique. « Pour quitter mitaines et charentaises, il faut se raconter des histoires. » Que de temps eussions-nous gagné, il est encore temps, si nos politiques avaient daigné tendre l’oreille à ce qu’il martèle depuis des années ! Mystère des civilisations et de leur continuité. Réponse de Debray : la transmission, fil qui relie les vivants aux morts et à ceux qui naîtront après eux et assure un avenir au passé. Mystère, enfin, de la religion et du besoin fondamental des hommes de prendre part à des réalités plus vastes qu’eux-mêmes. L’homme de Debray est cette créature qui se tient debout précisément parce qu’elle est comme aimantée par quelque chose qui la dépasse : Dieu ou la patrie, jusqu’à présent. La nature remplira-t-elle cet office ? Telle est de nous aujourd’hui la question. Debray se montre fort réservé sur la « puissance de convocation » de la déesse Gaïa.

    De ma première rencontre avec Régis Debray, il me reste une image, celle de l’amateur d’art. Il venait d’acquérir une toile du peintre Leonardo Cremonini, et il avait l’enthousiasme de l’admiration. Si j’évoque ce souvenir, c’est que ses écrits sur l’art me semblent la part la plus méconnue de son œuvre. Et pourtant, c’est loin d’être la moins roborative. Il faut lire par exemple sa « Lettre à Claude Simon sur le roman moderne », une réplique parfaite et pour ainsi dire définitive au formalisme littéraire, un hymne à la littérature comme instrument de perception, « viatique et guide pour ne pas se perdre en forêt » ; ses écrits sur la photographie, ce ne sont parfois que quelques lignes, ainsi sur Cartier-Bresson, le texte qu’il consacre au Tintoret, génie de l’image en mouvement, précurseur du cinéma. « Promis, on fera mieux la prochaine fois », c’est sur ces mots, empreints d’une pudeur mélancolique et qu’on ne lit pas sans un serrement de cœur, que Régis Debray referme D’un siècle l’autre. La barre est placée haut !

    Régis Debray, D’un siècle l’autre, Gallimard, 2020.

    Bérénice Levet

    * Bérénice Levet est docteur en philosophie et professeur de philosophie. Elle a fait paraître Libérons-nous du féminisme ! aux éditions de l’Observatoire, 2018. Elle avait publié précédemment « Le Crépuscule des idoles progressistes » (Stock, 2017) et « La Théorie du genre ou Le Monde rêvé des anges », préfacé par Michel Onfray (Livre de poche, 2016). 

    Source : https://www.causeur.fr/

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  • JOSEPH RATZINGER DANS LA TOURMENTE DE VATICAN II, par Blandine Delplanque.

    Alors même que progressistes et conservateurs se déchirent et sont aussi insatisfaits les uns que les autres, le futur Benoît XVI commence à affirmer que l’Église ne doit pas s’adapter au monde mais le transformer, comme les chrétiens des origines.

    Le 20 novembre 1962 marque un tournant pour le concile Vatican II qui s’est ouvert à l’appel du pape Jean XXIII le 11 octobre précédent. Au centre des discussions des 2450 pères assemblés lors de la première session, le texte de la Curie sur la doctrine de la Révélation.

    C’est un thème de prédilection du principal conseiller du cardinal de Cologne, Joseph Ratzinger, dont Peter Seewald brosse la vie dans une importante biographie [1]. Le projet des évêques allemands et de leurs alliés rénove de fond en comble l’approche théologique du texte de la Curie romaine. Mais leur désir de réformer l’Église de l’intérieur va aussi créer un précédent et se conjuguer avec une influence grandissante des médias qui ne tarderont pas à mettre en cause l’autorité de l’institution.

    Une première session décisive

    En toile de fond se dessine l’opposition des cardinaux allemands et de leurs alliés, évêques de langue allemande mais aussi évêques de France et de plusieurs autres pays, face à un Saint Office tenu par leurs collègues italiens. Le débat porté par le vieux cardinal Frings, qui passait pour un conservateur aux yeux des médias allemands, s’appuie sur le nouveau texte de Joseph Ratzinger. Il va créer un précédent historique : c’est la première fois qu’un texte émanant de la Curie est soumis au vote puis retiré.

    Ce jour-là, pour contrer le projet de réforme des Allemands, le Secrétaire général Pericle Felici appelle les pères à voter non sur le texte lui-même mais sur la poursuite ou non de sa discussion. Une manipulation de la question à fronts renversés qui fonctionne : avec 68 % de placet, la Curie emporte la majorité des deux tiers requise et retire son texte, renvoyant sa discussion à une commission interne.

    La minorité réformatrice se sent pousser des ailes : « La roue avait tourné, commentera Joseph Ratzinger, au lieu d’une position négative et anti(-changement), une possibilité nouvelle et positive émergeait, permettant de sortir de la défensive pour adopter une attitude chrétienne positive et offensive ».

    En novembre 1962, Joseph Ratzinger devient officiellement peritus, c’est-à-dire expert en théologie pour le Concile. Joseph Ratzinger jouera un rôle primordial tout au long du concile tout en restant en retrait, et ce rôle restera volontairement minimisé par lui jusqu’à ce que des recherches historiques récentes le mettent en lumière.

    Non loin de lui siège un certain Karol Wojtyla qui, contrairement à ce jeune théologien de 7 ans son cadet, ne se réjouit pas du tout : ces victoires contre le camp de la Curie lui font penser aux attaques perpétrées en Pologne par l’administration communiste contre l’Église, la principale force d’opposition. L’évêque polonais souhaiterait plutôt voir le Concile aborder les questions du célibat, de la réforme de la liturgie et du bréviaire, du dialogue œcuménique et… des besoins pastoraux dans les domaines du sport et du théâtre.

    Le cardinal Ottaviani, prenant acte du retrait de son texte, s’incline avec dignité ; les critiques fusent, notamment de la part des traditionnalistes français, à l’encontre de Joseph Ratzinger et de son ami le théologien Karl Rahner. Tous deux seront même accusés d’être francs-maçons. Le 8 décembre 1962, les portes de la première session du Concile se referment.

    De Bonn à Münster, un public acquis

    Joseph Ratzinger revient à Bonn. À l’instar du Spiegel, les médias allemands s’emparent de ce qui s’est passé à Rome et soulignent le rôle prépondérant de son principal conseiller dans la nouvelle attitude du cardinal de Cologne. La prestigieuse université de Münster, la plus grande faculté catholique d’Europe, propose un poste au jeune théologien, mais il hésite. Il étouffe à Bonn où il sent en permanence le poids du pouvoir auquel il doit sans cesse se plier. C’est un esprit libre, non conventionnel, et il sent intuitivement qu’il doit partir pour respirer, et quitter la théologie pour le champ d’études plus vaste que lui offre la dogmatique. Il se décide à accepter la seconde offre de l’université de Münster en février 1963.

    Titulaire de la chaire depuis le 1er avril, il commence à enseigner la dogmatique et l’histoire des dogmes le 28 juin 1963 devant un amphithéâtre bondé, des haut-parleurs relayant son discours dans les salles adjacentes pour d’autres étudiants et des gens de la ville. Son discours porte sur la Révélation et la Tradition. Lorsqu’il a fini de parler, il est applaudi à tout rompre. Maintenant Joseph Ratzinger sait qu’il est arrivé à un point où il n’a plus à craindre les réactions hostiles.

    Tous les matins, à 6 heures et demie, il célèbre la messe dans la chapelle de la maternité voisine. Quand il corrige les copies de ses élèves, il pratique le dialogue avec eux et les laisse faire les corrections eux-mêmes. À midi, il retourne dans la maison qu’il partage avec sa sœur Maria et des étudiants qui sous-louent les chambres restantes. Comme sa mise, son attitude très simple est bien éloignée des professeurs de son rang. Il parle volontiers avec ses étudiants dont il est très aimé parce qu’il arrive à parler de théologie d’une façon très concrète. Il rit de bon cœur.

    Il connaît son niveau intellectuel mais se fait petit à dessein. Sa voix est fluette, mais il émane une force de sa personne et, lors des confrontations, il n’y a pas de place pour le compromis. Ses conférences de l’Avent à la cathédrale Saint-Paul de Münster sont extrêmement courues : il y a là 1500 personnes, essentiellement des jeunes gens, qui viennent écouter ses méditations sur les Saintes Écritures. Ses cours magistraux sont suivis par 600 élèves pour 350 inscrits et ses assistants ont dû mettre en place une petite imprimerie dans les sous-sols de l’université pour répondre à la demande de polycopiés. Sa façon très personnelle d’enseigner, sans jamais se mettre en avant tout en insistant sur l’âme et la relation personnelle à Dieu plutôt que sur une approche strictement intellectuelle et théorique, n’est pas le moindre de ses paradoxes et entraîne une adhésion constante de son auditoire.

    La grande désillusion

    Le 3 juin 1963, la mort de Jean XXIII est un choc pour Joseph Ratzinger. À l’annonce de la nouvelle, il interrompt son cours à l’université de Münster et lui rend hommage. Le cardinal qui va lui succéder sous le nom de Paul VI, l’Italien Giovanni Battista Montini, a été le proche collaborateur de Pie XII de 1937 à 1954. Au sein de la Curie, il est proche du courant réformateur. Il décide la reprise du Concile dont la deuxième session s’ouvre le 29 septembre 1963, et met l’accent sur la rénovation mais aussi sur la tradition de l’Église.

    Joseph Ratzinger écrit à propos du texte De Ecclesia sa satisfaction de voir « 90 % du texte qui dataient des 19e et 20e siècles réécrits pour laisser place dans des proportions équilibrées aux trois époques patristique, médiévale et contemporaine ».

    Les tensions se poursuivent entre les cardinaux conservateurs et réformateurs et il en sera ainsi tout au long des 3e et 4e sessions qui se succèdent jusqu’à la clôture du Concile le 8 décembre 1965. Paul VI marque plusieurs fois son autorité : il publie le décret Lumen gentium qui marque une fois pour toutes que le pape est seul successeur de Saint-Pierre lorsque les progressistes tentent d’imposer l’idée d’une conduite collégiale des évêques avec le pape et l’Église ; il passe outre la pétition d’évêques américains qui lui demandaient une déclaration sur la liberté de religion ; et au grand dam des évêques allemands, il marque par le titre de Mater Ecclesiae une reconnaissance du rôle de Marie en tant que protectrice de l’institution qu’est l’Église catholique, fermant la porte à un rapprochement avec les protestants.

    Le premier commentaire écrit de Joseph Ratzinger fait état d’« une grande désillusion » : est-ce à dire qu’il souhaitait ardemment à l’époque une réunion avec ses frères évangéliques ? Ce qui est certain, c’est qu’il avait déjà commencé à prendre ses distances avec les progressistes vers la fin de 1964 ou le début de 1965. Ainsi, le 18 juin 1965, il fait une conférence sur le thème de « la fausse et la vraie rénovation dans l’Église ». Il se demande devant ses étudiants de Münster « si les choses sous le régime de ceux qu’on nomme conservateurs, n’allaient pas mieux que sous l’empire du progressisme ». Il appelle à une nouvelle simplicité et considère que le contraire du conservatisme selon le Concile n’est pas le progressisme mais l’esprit missionnaire, et que c’est là le vrai sens de l’ouverture au monde. Une ouverture qui ne signifie pas pour les chrétiens un conformisme mondial sur fond d’une culture de masse à la mode, mais qui au contraire exige d’eux un non-conformisme dans l’esprit de la Bible. « Ne vous appropriez pas la manière du monde [2] », devait-il écrire plus tard.

    Il commence dès ces années-là à lutter contre la déformation opérée par les médias qui s’appuient sur des théologiens en quête de renommée, à l’instar du théologien suisse Hans Küng qui se prête à leur jeu, se pavanant au volant d’une Alfa Romeo, et avec lequel il prend ses distances tout en poursuivant paradoxalement le dialogue : « Derrière cette tendance au règne des spécialistes se profilait l’idée d’une souveraineté du peuple de l’Église, idée selon laquelle c’est le peuple qui décide ce que l’Église doit comprendre ». En 1966, nouvelles critiques dans ses cours magistraux : « l’Église a certes ouvert ses portes au monde, mais le monde n’a pas afflué dans cette maison grande ouverte, il la harcèle encore davantage ». « Bien sûr j’étais pour un progrès », confie t-il à Peter Seewald, mais « à l’époque cela ne signifiait pas faire exploser la foi de l’Église, cela visait à mieux faire comprendre et vivre la foi des origines ». 

    Illustration : Professeur de dogmatique et de théologie fondamentale à Freising en 1959, © KNA/SIPA.

    [1] . « Bendikt XVI. Ein Leben », Peter Seewald, Eds Droemer, mars 2020.

    [2] . « Das neue Volk Gottes », Joseph Ratzinger, Düsseldorf, 1969.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • El-Azhar, ”phare de l’islam sunnite”, par Annie Laurent

    Annie_Laurent.jpgLe vendredi 14 mai dernier Annie Laurent a cherché à nous expliquer la conception de l’islam sunnite en matière d’autorité religieuse, en particulier à travers l’institution du califat. Une telle approche était nécessaire en préalable à une présentation d’El-Azhar, cette très ancienne institution située au Caire qui est parvenue à s’imposer dans l’opinion générale comme l’organe représentatif des musulmans du monde entier, au point qu’on l’assimile parfois au Vatican des catholiques.

    Il s’agit maintenant de découvrir ce qu’est précisément El-Azhar, ce que fait Annie Laurent ici (texte paru dans La Petite Feuille Verte, n° 80). Elle y rappelle les éléments essentiels qui ont façonné son identité, son statut et sa fonction, et ce jusqu’à l’époque contemporaine. Les PFV suivantes traiteront des positions d’El-Azhar concernant l’approche de l’islam, notamment les tentatives de réforme du début du XXème siècle, ainsi que l’islamisme.

    Une autre sera consacrée aux relations d’El-Azhar avec les chrétiens et le Vatican.

    El-Azhar, Vatican de l’islam ?, par Annie Laurent

     

    Depuis sa fondation au Xème siècle, El-Azhar n’a jamais été dotée d’un statut universel et d’une fonction magistérielle comparables à ceux de la papauté. Cette dernière, représentée par le Vatican à Rome, fonde sa légitimité et son autorité doctrinale sur son origine divine (cf. PFV n° 79 – El-Azhar, Vatican de l’islam ?), mais aussi sur l’indépendance que lui assure le Saint-Siège, entité juridique reconnue comme un État souverain.

    Pour sa part, El-Azhar, malgré sa prétention récente à représenter l’islam sunnite et la réputation qui lui en est souvent consentie au sein d’un catholicisme soucieux d’avoir un interlocuteur officiel et crédible du côté musulman, n’a jamais connu une stabilité définitive quant à son identité et son rôle, aussi bien en Égypte que dans l’ensemble de l’Oumma (la Communauté mondiale des musulmans). En fait, son statut, sa fonction et ses orientations ont toujours été tributaires des rapports de forces politico-religieux, aussi bien internes qu’externes au pays qui l’abrite. C’est pourquoi l’attribut « phare de l’islam sunnite » que certains accolent à El-Azhar mérite une clarification.

    EL-AZHAR AU FIL DE L’HISTOIRE

    Pour comprendre l’importance que l’Égypte et une partie du monde musulman accordent aujourd’hui à El-Azhar, quelques repères historiques sont nécessaires.

    Du Xème au XIXème siècle

    Au Xème siècle, la dynastie chiite des Fatimides, alors titulaire d’un des califats, fonda la ville du Caire en Égypte (cf. PFV n° 79). Tout près du palais califal, une grande mosquée fut édifiée en 972 ; elle reçut le nom d’El-Azhar (« La brillante »), qui semble avoir été choisi en hommage à Fatima el-Zahra, fille de Mahomet et épouse d’Ali, cousin germain du « prophète de l’islam » et quatrième calife (il gouverna l’Oumma de 656 à 661) dont les chiites affirment être les héritiers. Le sermon du vendredi y était lu au nom du calife régnant.

    Un collège, spécialisé dans l’étude de la doctrine religieuse chiite, lui fut rapidement accolé. En 1171, le sunnite Saladin, vainqueur des Croisés et conquérant de l’Égypte, ferma la mosquée et fit incendier sa bibliothèque. El-Azhar fut rouverte et embellie sous la dynastie des Mamelouks, eux aussi sunnites (1250-1382). Des cheikhs (notables religieux), nommés par le pouvoir, furent chargés d’y enseigner la doctrine sunnite. « Le règne des Mamelouks constitue une période faste pour la culture égyptienne et El-Azhar se trouvait au cœur de cette dynamique » (Oriane Huchon, Les clés du MoyenOrient, 21 avril 2017).

    La prise de pouvoir par les Ottomans, à partir du XVIème siècle, permit à El-Azhar d’accroître son rayonnement. « A cette époque, El-Azhar était considérée comme le plus important centre d’enseignement religieux du monde arabe. Ses champs disciplinaires se concentraient sur la grammaire, la rhétorique, l’éloquence, la littérature et les affaires juridiques ». Son recteur était aussi consulté par le régime turc pour les affaires politiques concernant les provinces arabes de l’Empire (O. Huchon, id.).

    Lors de la campagne d’Égypte (1798-1801), Napoléon Bonaparte, découvrant l’influence des cheikhs d’El-Azhar, y institua un Conseil (Diwan) composé de sept membres choisis parmi eux. Le séjour de l’armée et de savants français au pays du Nil inspira à Méhémet-Ali, sujet ottoman natif de Macédoine, vice-roi d’Egypte de 1805 à 1849, une politique d’ouverture d’où surgira la Nahda (Renaissance culturelle arabe) dont profitèrent des étudiants d’El-Azhar envoyés poursuivre leurs recherches en Europe.

    Jean-Léon Gérôme, Bonaparte au Caire, 1886, Hearst Castle, San Simeon (Californie), représenté devant la mosquée d’El-Azhar

    A partir du XXème siècle

    L’accession de l’Égypte à l’indépendance et la levée du protectorat britannique (1922) ont constitué un tournant dans l’histoire d’El-Azhar.

    Sous le règne du roi Farouk (1937-1952) et le régime républicain de Gamal Abdel Nasser (1952-1970), l’institution a connu un développement important grâce à l’introduction d’enseignements profanes (médecine, agronomie, mathématiques, sciences naturelles, ingénierie, langues étrangères, etc.) et même d’une école de droit chiite. Elle ne conserva cependant pas le monopole de l’enseignement supérieur en Égypte puisque d’autres établissements publics, sans identité confessionnelle, furent créés à cette époque.

    L’œuvre de Mustafâ El-Marâghi (1881-1945)

    Deux fois recteur d’El-Azhar (1928-1929 et 1935-1945), Marâghi conçut un projet visant à son internationalisation. Il organisa pour cela l’envoi d’enseignants hors d’Égypte et l’octroi de bourses d’études à des étrangers accueillis au Caire.

    Ce plan et la série d’actions dans lesquelles s’engagea ce dignitaire avaient surtout pour but de conférer à l’Égypte la prééminence au sein de l’Oumma (cf. à ce sujet Francine Costet-Tardieu, Un réformiste à l’université El-Azhar, éd. Karthala, 2005).

    En accord avec Farouk dont il était proche (il avait été son précepteur), Marâghi militait pour la restauration du Califat (abrogé en 1924 par Atatürk, cf. PFV n° 79) au profit de la monarchie égyptienne. « L’Égypte deviendrait ainsi le phare et le guide des nations musulmanes, rôle éminent qu’El-Marâghi rêvera toujours de lui voir jouer » (op. cit., p. 121). Il convenait aussi de renforcer l’emprise de l’islam partout où cela était possible. « Le Coran répond à tous les besoins de l’individu et de la société. Il a tout prévu et je me fais fort de le démontrer », assurait-il (p. 134).

    Finalement, tenant compte du nouveau contexte international, notamment l’émergence des Etats-nations, Marâghi semble avoir pris acte de l’utopie que présentait un retour à l’institution califale et renonça à agir dans ce sens (p. 144). Nasser entreprit alors de doter El-Azhar d’un statut juridique spécifique, sans pour autant lui consentir une indépendance totale par rapport à l’État.

    Mustafa El-Marâghi à son bureau

    EL-AZHAR AU XXIème SIÈCLE

    Une loi votée le 5 juillet 1961 a octroyé à El-Azhar le statut officiel d’Université tout en la plaçant sous la tutelle directe du pouvoir politique. Cette loi réservait au chef de l’État la prérogative concernant la nomination du recteur. Une réforme adoptée en 2013 a apporté une modification importante à cette règle (cf. infra).

    Une organisation structurée

    Sous son titre de « grand imam », le recteur détient l’autorité de ce qui est devenu un complexe dépassant le strict cadre universitaire puisqu’y sont incorporées la mosquée et des institutions propres :

    Un Conseil suprême responsable de la planification et de l’élaboration des politiques publiques et éducatives.

    Un Comité supérieur pour la prédication islamique, qui organise les missions de sensibilisation religieuse.

    Une Académie de la recherche islamique, habilitée à produire des fatwas et des avis, sollicités ou non par le gouvernement. Elle peut recommander la censure de toute œuvre concernant l’islam (livres, films, œuvres d’art).

    Un Rectorat, chargé de la gestion de 7 500 instituts d’enseignement religieux primaire et secondaire suivi par des garçons et des filles dans des écoles séparées ; également responsable de la nomination d’oulémas destinés à enseigner la religion à l’étranger. (Cf. El-Ahram hebdo, 17-23 avril 2013).

    L’Université

    L’ensemble universitaire comporte aujourd’hui 16 000 enseignants pour 70 facultés (43 masculines, 26 féminines). Réparties sur l’ensemble du territoire égyptien, elles accueillent 500 000 étudiants dont beaucoup d’étrangers, venus de 106 pays (Cf. La Croix, 28-29 avril 2012).

    Compte tenu de la nature de l’Université, tous les étudiants doivent y recevoir un enseignement religieux islamique en plus de leurs qualifications professionnelles et académiques. C’est la raison pour laquelle, même si aucune prescription juridique ne s’y oppose, il est de facto impossible à des chrétiens de s’inscrire dans les facultés azhariennes et d’y obtenir des diplômes, y compris pour des matières profanes. En mars 2017, l’annonce par le député Mohammed Abou Hamed de son intention de présenter une proposition de loi autorisant les chrétiens à fréquenter l’Université a suscité un débat au sein des instances dirigeantes de l’institution. Les responsables en ont conclu que les études et les cours dans cette Université « ne sont pas adaptés aux chrétiens parce qu’ils présupposent comme condition d’admission une connaissance approfondie ainsi qu’une mémorisation d’amples sections du Coran » (Agence Fides, 10 mars 2017).

    Le grand imam

    En 2010, le président Hosni Moubarak a désigné comme 44ème grand imam un francophone, titulaire d’un doctorat en philosophie islamique obtenu à la Sorbonne, Ahmed El-Tayyeb, né en 1946. C’est avec lui que le pape François a signé à Abou Dhabi la Déclaration sur la fraternité humaine (février 2019), document sur lequel nous reviendrons dans une prochaine PFV qui sera consacrée aux relations entre le Saint-Siège et El-Azhar.

    Dans la mouvance des « printemps arabes », démarrés en Tunisie en décembre 2010, et auxquels l’Égypte s’est jointe rapidement dès la fin du mois de janvier 2011, une importante réforme a été adoptée à la demande d’El-Azhar : elle prévoit l’élection du recteur par le Conseil des grands oulémas, organisme qui est rétabli après avoir été supprimé par la loi de 1961. Le grand imam est désormais inamovible et son poste ne peut être considéré comme vacant qu’à la suite de sa démission volontaire ou de son décès. Ce mode de désignation s’appliquera donc au successeur d’Ahmed El-Tayyeb.

    Ahmed El-Tayyeb, « imam al-akbar » de l’Azhar (photo : azhar.eg)

    Les deux prochaines PFV traiteront des implications politiques et idéologiques qui ont toujours accompagné l’histoire d’El-Azhar, ce qui permettra de saisir ses orientations relatives à l’islam, dans ses dimensions religieuses et temporelles. Nous nous attarderons notamment sur les promesses de réformes du début du XXème siècle puis sur l’attitude d’El-Azhar durant la révolution de 2011, en particulier face à l’islamisme, et enfin sur l’impact suscité par l’arrivée au pouvoir du maréchal Abdelfattah El-Sissi en 2013.

    Annie LAURENT
    Déléguée générale de CLARIFIER

  • Retour de bâton Afghanistan : cet accord « secret » avec les Talibans que les Occidentaux risquent de payer très très ch

    Les talibans ont promis d’être plus tolérants qu’avant, en particulier envers les femmes et leurs opposants, de ne pas servir de refuge aux djihadistes, de préférer la coopération à la subversion. Des promesses qui dureront le temps de leurs intérêts.

    5.jpgAtlantico :  Professeur Yves Roucaute, vous avez été le seul intellectuel au monde invité pour fêter la victoire contre les talibans, à Kaboul, en novembre 2001, et vous aviez noué des relations d’amitié avec Ahmed Chah Massoud dans les combats en Afghanistan, quel regard portez-vous, en philosophe et en spécialiste des questions internationales, sur la situation actuelle ? 

    Yves Roucaute : 20 ans après avoir célébré la victoire contre les talibans, je ne sais si j’aurais un jour l’occasion de retourner de mon vivant à Saricha pour me recueillir et prier sur la tombe de celui qui reste vivant dans mon cœur, le commandant Massoud. En raison de l’accord passé, et en partie secret, entre les équipes de Joe Biden et les talibans, je crains hélas ! que le pire ne soit devant nous. Le pire non seulement pour les Afghans mais aussi pour ceux qui ont cru pouvoir sceller la paix au prix d’un sacrifice de cette partie de la population qui croit aux droits individuels et au pluralisme démocratique et qui va subir les foudres d’un État totalitaire.Ces Daladier et Chamberlain qui pullulent dans les démocraties, et qui se félicitent de pouvoir sauver la paix, comme hier à Munich, sont la honte des démocraties ! 

    Avant d’en venir aux conséquences pour les Afghans et pour nous de cette défaite, j’entends bien certains tenter de justifier leur poltronnerie en évoquant la corruption des gouvernements successif, leur incapacité, leurs divisions, leurs double-jeux, leurs complicités avec les talibans … Cela est vrai. Mais que penser de la façon dont les gouvernements occidentaux ont largement contribué à tout cela, ignorant même la base : la particularité de la vie afghane, ces maillages locaux, ces groupes de solidarité (« qawm ») locaux et régionaux propres aux tribus, clans, réseaux de villes des vallées, groupes religieux... Une ignorance des nécessités d’analyse concrète dans laquelle les États-Unis excellent ici, comme en Irak ou au Liban. Allant jusqu’à légitimer les talibans, jusqu’à négocier avec eux, comme s’ils étaient une composante de la société afghane semblable à toute autre, brisant le ciment idéologique fragile qui tenait les composantes anti-talibanes, poussant aux pactisations et préparant les défections.  

    Les Américains ignoraient même le nationalisme pachtoune parce qu’ils en ignoraient l’histoire pachtoune, la principe ethnie afghane. Ainsi, qu’est-ce que l’empire Durrani des Pachtounes pour les « experts » américains ? Rien. Alors qu’il fut le plus grand empire musulman durant le XVIIIème siècle, allant du Cachemire au nord-est de l’Iran, dominant le Pakistan et une grande partie des pays du Caucase. Alors qu’il est l’une des clefs du nationalisme sur lequel s’appuie les totalitaires talibans, alors qu’il est l’une des clefs des solidarités nouées avec eux par les trois États du Pakistan qui bordent l’Afghanistan et qui élisent, oui élisent, des talibans. Ils ignoraient même l’histoire plus proche, qui est faite d’instabilités dues aux difficultés de trouver de subtils équilibres entre les groupes de solidarité, tribaux, claniques, religieux, locaux… sinon entre la moralité, la démocratie et la culture du pavot…

    Ils ignoraient aussi les différences entre talibans, notamment la puissance des courants les plus extrémistes, qui ont même, pour certains, refusé les accords acceptés par les talibans « modérés ». Ainsi, ont été présents aux médias, les talibans les plus présentables qui ne sont pas nécessairement les plus influents, pour vendre la résignation à l’opinion.

    Quelles sont les conséquences pour les Afghans ? 

    Il n’est pas un seul moment et acte de la vie sur lesquels les talibans n’aient, prétendument au nom du Coran, un avis, avec interdits et obligations. Et je ne vois aucune raison pour qu’ils abandonnent leur vision totalitaire du monde même s’ils ont abandonné la perception djihadiste du mollah Mohammad Omar qui avait accepté Al-Qaida. 

    Ils ont promis qu’il n’y aurait pas d’exactions. Il y en a moins, c’est vrai, que lors de leur précédente prise de pouvoir, mais qui a la naïveté de les croire ? Je me souviens qu’arrivé à Kaboul 26 novembre 2001, je vis les immenses poternes dressées où les talibans pendaient sans discontinuer les infidèles et les opposants, catégories indifférenciées… j’ai survolé les puits empoisonnés par les Talibans pour tuer les habitants du Panchir, les toits des maisons soufflés, les charniers, les survivants des tortures et des viols… 

    Demain, ils iront massacrer ceux qui leur résistent, jusque dans le Pandshir, avec des armes autrement plus redoutables que celles qu’ils possédaient en 2001. Déjà, tous ceux qui ont eu des relations avec la coalition sont aujourd’hui répertoriés. Enfants inclus. Doit-on supposer que c’est pour une distribution de jouets ? Dans les zones occupées, ils présentent deux visages. D’une part, comme dans l’Ouest, un visage modéré, laissant partir certains hauts fonctionnaires. D’autre part, dans les régions du Sud-Ouest et de l’Est, où ils sont traditionnellement plus influents, coups de fouets mutilants, membres coupés, pendaisons, lapidations sont de retour. 

    Chacun songe à la situation des femmes dont quelques-unes ont, avec un courage inouï, manifesté ce 16 août à Kaboul pour réclamer leur droit d’étudier, de travailler, de voter, d’être élues. Lors des conférences de Moscou (mars 2021) et de Doha de juillet, selon le porte-parole des talibans, Suhail Shareen, les femmes auraient « seulement » l’obligation de porter un hijab (voile) pour couvrir, corps, tête et épaules « impudiques ». Obligation, sous peine de flagellation publique et de mise sous tutelle. Faut-il le croire ? Oui, le hijab est obligatoire mais déjà la burqa est « conseillée » dans toutes les régions occupées par les talibans et elle est évidemment portée, les sanctions tombent ne sont pas loin. Le même porte-parole a indiqué que les talibans n’interdiraient plus aux jeunes filles d’aller à l’école. Faut-il le croire ? Je me souviens lors de la libération de Kaboul de cette école de jeunes filles, par ailleurs financée par la France, puante et remplie de produits chimiques, transformée en dortoir pour talibans. Aujourd’hui, déjà, il est conseillé aux femmes de rester chez elles, de sortir avec l’agrément d’un parrain (mahram) et de préparer leurs filles à une vie de future mère, soumise à son mari. Ce qui sera enseigné dans les écoles autorisées à ouvrir à celles qui seront autorisées à y aller ? Ce que les talibans décideront. Pour faire risette aux Tartuffe d’Occident, une filière universitaire en éducation morale sera-t-elle créée ?

     

    Que sait-on de l’accord entre talibans et occidentaux ? Dans quelle mesure a-t-il eu un impact décisif sur la prise de Kaboul et le départ des occidentaux via l’aéroport de la ville ?

    Pour aller vite, disons que d’un côté, les talibans ont promis d’être plus tolérants qu’avant, en particulier envers les femmes et leurs opposants, de ne pas servir de refuge aux djihadistes, de préférer la coopération à la subversion et de laisser partir les ressortissants étrangers et ceux qui travaillaient pour eux. En contrepartie, ils exigent coopération économique, reconnaissance internationale et armements.

    Les armements sont la clef. Ils sont aussi la marque du cynisme répugnant accepté par l’administration de Joe Biden. Ce qui fut au centre des accords cachés, c’est en particulier la fourniture des avions sophistiqués donnés au gouvernement précédent par les Américains.  

    Car l’administration Biden sait que ces avions vont permettre d’exterminer l’opposition militaire, en particulier celle des Hazara et des Tadjiks restés fidèles à l’esprit de Massoud et conduits notamment par son fils, le courageux Ahmad Massoud. 

    Comment résister à une telle puissance de traque et de feu ? Ahmed Massoud, son père, n’avait en face de lui que des armements archaïques qui n’avaient rien à voir avec ceux-ci. Son fils appelle à l’aide. Il la faut. Mais le défi est phénoménal. Et il le sait. 

    On a vendu nos amis pour un plat de lentilles car avec une présence militaire plus intense, qui peut sérieusement penser que l’on ne serait pas venu à bout de 60 000 talibans ? Ou, si l’on voulait seulement fuir, que l’on n’aurait pu organiser cette fuite avec une intervention militaire tranchante comme la liberté ? 

    Paradoxalement, je sais qu’il a actuellement mauvaise presse, mais la vérité consiste aussi à dire que la France fut, de toutes les démocraties, celle qui a le moins à se reprocher.  Ce qui ne signifie pas qu’elle soit au-dessus de tout reproche. Emmanuel Macron a eu le courage d’envoyer deux avions militaires pour sauver, dans cette débâcle, non seulement des Français mais aussi ces fidèles Afghans qui ont si bien servi la France. Oui, la France fut le seul pays démocratique à le faire avec les États-Unis. Il a évité la honte de la guerre d’Algérie, où furent livrés à la haine et à la mort les harkis, à l’exception de 45 000 d’entre eux. 

    Qu’en Europe, nul autre ne l’ait suivi, est symptomatique de la débandade idéologique de l’occident. Le pompon revenant au Canada, donneur de leçons toutes catégories, qui n’a pas même envoyé un seul avion mais, qui a généreusement proposé un millier de visas aux Afghans, sous condition : qu’ils soient d’abord réservés au LGBT, en insistant sur les transgenres. On imagine le tollé si un gouvernement avait exigé la priorité pour les hétérosexuels ! Je me suis toujours battu pour le droit des homosexuels mais au nom d’un droit égal pour tous, de la non-discrimination, de l’universalisme des valeurs, de tout ce qui faisait la puissance de séduction des démocraties et qui est jeté à l’eau. 

    Ce que je trouve d’ailleurs insensé, c’est le refus de la proposition russe d’envoyer des dizaines d’avions, de construire un pont aérien pour sauver ceux qui veulent fuir ce totalitarisme. Et cela alors que les talibans, peut-être intéressé au départ de leurs opposants, étaient d’accord ! Pour ma part, que m’importe la couleur du chat pourvu qu’il sauve des vies et préserve la liberté contre les rats. 


    L’alliance entre Joe Biden et Kamala Harris, sa vice-présidente, peut-il permettre d’expliquer en partie la position tenue par le président des Etats-Unis ?

    Oui, bien entendu, c’est la clef de la politique internationale américaine. Kamala Harris, comme nos écologistes et l’extrême-gauche est l’héritière du courant wilsonien pacifiste. Elle se dit féministe et parle des minorités opprimées, idées qu’elle a trouvé au supermarché de la démagogie américaine, mais elle préfère voir les femmes dans les fers, les minorités tadjik, ouzbeks, harrara…exterminées et plutôt que de soutenir une intervention militaire pour les protéger. C’est une moraliste en peau de lapin (rire). Joe Biden, en hériter du courant hamiltonien, en homme typique du Delaware, ne voit pas plus loin que le business américain et la balance commerciale. L’Afghanistan coûte plus qu’il ne rapporte, et son alliance avec Harris risquerait d’avoir du plomb dans l’aile, donc sacrifice humain. 

    Qu’il n’ait pas même eu un regret, un mot pour dire la souffrance de ceux qui croient aux valeurs universelles de liberté en Afghanistan en dit long sur sa moralité.

     

    A long terme, cet accord trouvé entre les talibans et les Occidentaux risque-t-il de se retourner contre ces derniers ? 

    Oui, où se torve la bulle promise ? J’aime beaucoup les Tartuffe qui essayent de se persuader du contraire.

    La victoire des talibans est un formidable soutien et un accélérateur de recrutement pour les groupes djihadistes dans le monde qui commençaient à péricliter après la défaite de l’État islamique, les divisons internes, les coups des démocraties. 

    Ensuite c’est un appui à la déstabilisation des États de la région. Trop loin de Washington peut-être et des campus occidentaux ? Certes, al Qaida et les talibans sont fâchés, mais le Pakistan, première puissance de la région, 210 millions d’habitants, déjà largement gangréné par l’islamisme radical, est fragilisé. A présent, le gouvernement d’Islamabad est menacé sur son propre territoire à partir de ses propres provinces de l’Est qui fêtent la victoire. Et le gouvernement indien a peur évidemment de ce que signifie cette déstabilisation rampante à ses portes.

    Le Tadjikistan qui sait que les Tadjiks d’Afghanistan vont être attaqués, s’arme pour protéger ses frontières. L’Ouzbékistan a peur lui aussi, comme ces 200 000 habitants de Termez qui vivent à la frontière, et il s’arme. En vérité, tout le Caucase est en effervescence. La lucidité.

    La Chine croit avoir un accord de non-agression ? Certes, elle l’a. Il durera le temps des intérêts talibans. Qui peut croire que l’Afghanistan refusera d’être un asile pour certains groupes djihadistes chinois alors qu’ils ont des connexions avec eux ? Les investissements chinois suffiront-ils ? Pas certain. Il en va de même pour la Russie qui paraît néanmoins ne croire qu’à demi aux promesses talibanes. 

    Quant aux démocraties occidentales, il n’existe pas de bulle protectrice dans un tel environnement. 

    Source : https://atlantico.fr/

  • Le séducteur : Retour sur le discours d'Emmanuel Macron aux évêques

     

    Par François Reloujac

    Religion et politique. « Standing ovation » aux Bernardins pour le président de la République et beaucoup d’éloges dans la presse, avec ce qu’il faut de fureur mélanchonienne pour leur donner davantage de relief ! 

    Le 9 avril dernier, les évêques de France recevaient le président de la République au Collège des Bernardins. Le discours présidentiel se proposait de chercher à « réparer » le « lien abîmé » entre la République et l’Église… Sous des propos apaisants et amicaux qui donnaient à croire à une « ouverture », Macron le subtil incitait, en fait, l’Église à œuvrer avec lui  voire exigeait d’elle qu’elle se rallie à son action. Éternel recommencement. Discours qualifié d’intelligent par la plupart des observateurs mais qui pourrait aussi bien être considéré comme rusé, tant il semble en appeler à la cléricature pour mieux la détacher des dogmes et de la morale de la religion révélée.

    Reconnaître à l’Église un droit de « questionnement »

    Le président a commencé par afficher la volonté de « réparer le lien abîmé » entre l’État et l’Église catholique, ce que tout Français conscient ne peut que déplorer, mais sans dire jamais en quoi et pour quoi et par qui ce lien est ou fut abîmé, ce qui évite d’avoir à traiter les problèmes de fond. Que ce lien soit en particulier abîmé par les lois contre nature que la République s’ingénie à imposer, comme le meurtre des enfants dans le sein de leur mère, la dénaturation de ce que signifie l’institution millénaire du mariage, la « chosification » des enfants dont le droit à l’enfant est le prétexte et, pire la « chosification » des femmes dont la location d’utérus est le dernier avatar, ou, bientôt, la condamnation à mort des personnes qui souffrent ou qui sont âgées. Rien de ces sujets capitaux et qui engagent l’avenir d’une civilisation, n’est abordé sous son jour de vérité naturelle et surnaturelle. Le président se dit prêt à écouter « le questionnement » de l’Église. Pourvu qu’elle admette de rester « un questionnement ». S’il est des normes au-delà, il n’appartient pas au président de la République de le savoir. Le lien est donc rétabli à la condition que l’Église ne cherche pas à promouvoir la vérité qu’elle détient mais qu’elle en reste au simple « questionnement » qui permet à chacun d’apporter sa propre réponse. Autant dire aux catholiques qu’ils sont libres d’exprimer ce qu’ils veulent à condition qu’ils ne prétendent pas transmettre une Vérité qui ne vient pas d’eux mais qui a été révélée ; il en résultera que ce qu’ils diront ne sera plus qu’une opinion parmi d’autres et comme ils ne sont plus majoritaires, ils n’auront pas à se plaindre s’ils ne sont pas suivis puisqu’ils n’auront, en bons démocrates, qu’à se rallier à la loi de la majorité. Et chacun doit bien savoir qu’au-dessus de tout, incréée, éternelle autant qu’évolutive, s’impose comme unique absolu la loi de la République. C’est à cette République que les chrétiens se doivent d’apporter « leur énergie » et « leur questionnement ». Avec leurs bâtonnets d’encens !

    Citer des chrétiens pour se dispenser de suivre leurs exemples

    Pour mieux séduire ceux à qui ils demandent de renier ce qu’ils ont de plus précieux, il cite, dans une liste à la Prévert, quelques auteurs chrétiens choisis pour représenter toutes les tendances et dont on se demande si, comme tout bon élève d’aujourd’hui, il ne l’a pas constituée en consultant Wikipédia. Il nous dit cependant qu’il ne tient pas à remonter trop haut, ni aux cathédrales, ni à Jeanne d’Arc dont il oublie de dire que l’Église l’honore de la gloire des saints. Il ne s’agit plus que de travailler aujourd’hui à l’œuvre commune en y mettant ce zèle que les catholiques de France – comme ils l’ont montré – sont capables de mettre en œuvre pour faire vivre la société avec cet art admirable de ne jamais rien revendiquer pour eux ! Ce serait une erreur de la République de ne pas savoir se servir d’un tel supplément d’âme. Le Président reconnaît ainsi le rôle irremplaçable de l’Église de France.

    Le ralliement « au monde »

    Cette Église est tellement utile quand elle « met les mains dans la glaise du réel », là où l’État ne le peut plus – ou, en fait, ne le veut plus – pour aboutir à « un moindre mal toujours précaire » ! Pour arriver à obtenir de l’Église ce qu’il en attend, dans cette politique des « petits pas », il n’épargne aucune couche de jolie pommade. Il se fait une « haute opinion des catholiques » avec qui il veut dialoguer et dont il attend la coopération totale ainsi qu’une contribution de poids « à la compréhension de notre temps et à l’action dont nous avons besoin pour faire que les choses évoluent dans le bon sens ». Quel bon sens ? Et quelle évolution ? Et de quelles choses ? En un mot, il attend que les fils de Dieu se mettent purement et simplement au service « de ce monde ». Il ne faut pas que les chrétiens se sentent « aux marches de la République ». On croirait qu’il se souvient de l’encyclique du pape Léon XIII Au milieu des sollicitudes de la fin du XIXe siècle. Cependant il occulte ou il oublie qu’en écrivant cette encyclique, le pape souhaitait, en fait, que les catholiques de France « se rallient » à la République, dans l’espoir qu’ils pourraient alors influencer les institutions au point de les rendre respectueuses des droits de Dieu, comme les martyrs avaient réussi à « christianiser » l’empire romain. Il pensait que si les catholiques de France, alors persécutés, « investissaient » la République, ils pourraient la transformer de l’intérieur, empêcher de voter des lois antireligieuses et la rendre finalement fidèle à l’enseignement de l’Église. Force est de reconnaître que cette encyclique a totalement raté son objectif ! Cependant la même politique se continue aujourd’hui comme depuis plus d’un siècle avec le succès que l’on connaît. Notre président appelle donc directement l’Église de France à persévérer dans la même voie. Venez, prenez votre place, acceptez nos lois, donnez-nous votre dévouement et nous écouterons « votre questionnement » !

    Nature des trois dons exigés

    Dans cet état d’esprit il appelle l’Église à ce qu’elle fasse trois dons à la République : don de sa sagesse, don de son engagement, don de sa liberté. Nous sommes là bien loin, malgré les apparences, du don de la Sagesse demandé à Dieu par Salomon ! Salomon demandait à Dieu d’être habité par sa Sagesse et donc de la rayonner autour de lui et dans toutes ses œuvres. Le président de la République, en jouant avec les mots et inversant le sens de la demande, propose à l’Église de se dépouiller de ces trois attributs, donc de les sacrifier à son profit pour qu’il puisse s’en servir selon son bon plaisir, en fonction de sa volonté propre. Qu’elle les mette à son service !

    Car qu’est-ce que la sagesse de l’Église pour le président de la République, si ce n’est son « questionnement propre » qu’elle « creuse »… « dans un dialogue avec les autres religions » ? Elle est aussi cette « prudence » qui caractérise d’ailleurs « le cap de cet humanisme réaliste » qu’il a choisi comme norme. Il insiste sur ce point : là où il a besoin de la sagesse de l’Église, « c’est pour partout tenir ce discours d’humanisme réaliste » ; comprenons bien : non pas pour faire entendre la parole de Dieu.

    Face au « relativisme », au « nihilisme » à « l’à-quoi bon » contre les causes desquels il n’envisage pas de combattre, il requiert de l’Église le don de son engagement. Elle n’a pas à lutter contre les causes, non, mais son aide sera bienvenue en revanche pour atténuer les effets, autrement dit pour faire passer la pilule et endormir les consciences. Au même titre que « tous les engagés des autres religions » et ceux des « Restos du cœur », les fidèles de l’Église sont ainsi appelés à consacrer leur énergie « à cet engagement associatif » puisque cette énergie a été « largement soustraite à l’engagement politique ».

    Quant au don de sa liberté que l’Église est invitée à faire, elle qui n’a jamais été « tout à fait de son temps », – « mais il faut accepter ce contretemps » –, c’est de se montrer « intempestive ». Plus elle sera ainsi choquante, en particulier sur les migrants, plus elle aura l’impression d’être libre, mais moins elle sera suivie par la majorité de l’opinion. Plus elle sera inopportune, moins donc elle sera dangereuse. « Et c’est ce déséquilibre constant qui nous fera ensemble cheminer ». Ce don de sa liberté suppose que l’Église offre aussi sa liberté de parole, … cette liberté de parole qui inclut « la volonté de l’Église d’initier, d’entretenir et de renforcer le libre dialogue avec l’islam dont le monde a tant besoin ». Besoin de quoi ? Du dialogue ou de l’islam ? Le président est trop instruit pour ne pas savoir qu’il ne peut y avoir de dialogue qu’entre égaux, ce qui signifie qu’il met sur le même plan l’Église catholique et l’islam. 

    Intelligent ou malin ?

    La position du président conduit à fonder le dialogue entre la République et l’Église « non sur la solidité de certaines certitudes, mais sur la fragilité de ce qui nous interroge ». L’Église n’a donc pas à enseigner les dogmes, ses dogmes, c’est-à-dire sa foi. Sa foi en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Il n’est pas question d’indiquer un chemin de vérité. Elle peut simplement partager avec les politiques les inquiétudes et incertitudes des hommes, et de préférence des hommes mal ou non croyants. « C’est là que la nation s’est le plus souvent grandie de la sagesse de l’Église, car voilà des siècles et des millénaires que l’Église tente ses paris, et ose son risque ». Quelle manière de résumer l’histoire ! Que reste-t-il alors de l’Église ? Peut-on vraiment réduire l’Église à « cette source d’incertitude qui parcourt toute vie, et qui fait du dialogue, de la question, de la quête, le cœur même du sens, même parmi ceux qui ne croient pas » ?

    Sûr de l’empathie qu’il réussit à manifester et à entretenir, il ajoute avec un certain cynisme :

    « C’est une Église dont je n’attends pas de leçons, mais plutôt cette sagesse d’humilité face en particulier à ces deux sujets que vous avez souhaité évoquer. »

    Il s’agit de la PMA – GPA et des migrants ! Vraiment du grand art pour rouler ses auditeurs dans la farine.

    Quant au mot de la fin, il rappelle la séduction du serpent qui entraîne à la transgression :

    « Certes, les institutions politiques n’ont pas les promesses de l’éternité ; mais l’Église elle-même ne peut risquer avant le temps de faucher à la fois le bon grain et l’ivraie ». Il eût été plus franc de dire : « Laissez les politiques ramper dans la fange sans les condamner, vous risqueriez de faire fuir les dernières ouailles qui vous restent. Mettez-les au service du monde que nous construisons. ! »

    Alors, intelligent, le discours du président ou simplement malin ?   

     

    Le Dr. Jean-François Delfraissy, qui préside les Etats généraux de la Bioéthique, ne tient évidemment aucun compte des objections des catholiques. Politique magazine

    Le Dr. Jean-François Delfraissy, qui préside les Etats généraux de la Bioéthique, ne tient évidemment aucun compte des objections des catholiques.  

    François Reloujac
     
  • Fausse querelle : Wauquiez / Calmels

     

    Par Yves Morel 

    Les partis ne sont que des instruments de pouvoir, de conquête ou de conservation. Macron a dû constituer le sien, fait de bric et de broc… La gauche n’arrive pas à se reconstituer. Les Républicains peuvent-ils y arriver avant les prochaines échéances ? Mais que veulent-ils ? Du rififi, pourquoi ? 

    Actu-3.jpgTempête à la tête de Les Républicains. Laurent Wauquiez, le président, vient de destituer la vice-présidente, Virginie Calmels, qui contestait sa ligne. Ce genre de prise de bec ne doit pas surprendre en un parti dépourvu d’unité et tiré à hue et à dia par ses ténors du moment.

    [Photo : Virginie Calmels, une vice-présidente qui se voyait en présidente]

    Sarko-fillonistes et juppéistes

    Les Républicains n’ont toujours pas comblé le fossé qui sépare, chez eux, les juppéistes et centristes de l’amalgame des sarkozystes et autres fillonistes. Les dévots de l’ancien président de la République et ceux du candidat torpillé de la présidentielle de 2017 se sont unis pour imposer Laurent Wauquiez, le quadra qui les représente. Mais les autres n’ont pas désarmé.

    En vérité, cette querelle au sein du parti n’est pas nouvelle. Dès juin 2017, trois jours seulement après le second tour des dernières législatives, douze députés LR, conduits par Thierry Solère et Frank Riester, constituaient, avec leurs seize collègues de l’UDI, le groupe des Républicains constructifs, devenu ensuite le groupe UDI Agir et Indépendants, actuellement présidé par Jean-Christophe Lagarde (UDI) et Frank Riester (passé des LR à Agir), et qui envisage de se constituer en parti politique à part entière. Et Valérie Pécresse, la présidente de la plus importante région de France, l’Île-de-France, mène une opposition acerbe contre l’actuel président des Républicains, en fondant son propre mouvement « Libres ! ».

    La prétendue droite dure de Laurent Wauquiez

    Quelle est la raison de cette querelle ? Ce serait, de prime abord, l’opposition entre une droite dite « dure » ou authentique, incarnée par Laurent Wauquiez, Éric Ciotti et autres, et une droite dite « modérée », selon ceux qui se veulent sages, « molle » suivant le point de vue de ceux qui comprennent que le fond de l’électorat de droite est exaspéré.

    Les commentateurs de la vie politique s’accordent à penser que Laurent Wauquiez a opéré le choix d’une droite dite « décomplexée », selon un qualificatif à la mode, et intransigeante. Il entendrait ressourcer la droite à ses valeurs fondatrices. Il se présente comme socialement et moralement conservateur et plutôt traditionnaliste. Il se veut patriote, « national ». Il réclame un État fort dans le cadre démocratique, naturellement, capable d’assurer l’ordre et de sauvegarder la sécurité et la tranquillité de nos compatriotes. En économie, il est libéral et conservateur. Depuis le début du quinquennat de Macron, il a critiqué la politique économique et sociale du gouvernement, qu’il estime ne pas être assez drastique. Il s’est prononcé en faveur du plafonnement de l’ensemble des minima sociaux à hauteur de 75% du SMIC, pour l’instauration d’un jour de carence dans les congés maladie et l’obligation, pour les allocataires du RSA, d’effectuer cinq heures hebdomadaires de travail.

    Européen, il voit dans l’euro la condition de la stabilité économique de la Communauté, mais reproche tout de même aux politiques monétaires rigoureuses de Bruxelles de compromettre gravement les possibilités d’investissement des entreprises. Enfin, il se prononce en faveur d’une politique migratoire autoritaire, et des mesures exceptionnelles pour lutter contre le terrorisme.

    Le libéralisme européen de Virginie Calmels

    La faction opposée – au sein même de LR –, représentée naguère par Juppé, Copé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Xavier Bertrand et consorts, aujourd’hui par Virginie Calmels, campe sur une tout autre ligne : libéralisme économique soutenu étrangement par le jacobinisme administratif d’État, européisme délibéré misant tout sur la construction européenne,

    Actu-4.jpgÉtat minimal sur les prérogatives régaliennes, renoncement de fait aux fondements théoriques et aux « valeurs » morales de la droite, recherche effrénée d’un consensus éthique et politique entre droite modérée, centristes et ce qui reste de la gauche sociale-libérale ou sociale-démocrate, souplesse dans la limitation de l’immigration et la lutte contre le terrorisme. Elle pourrait reprendre à son compte le propos du non-regretté Michel Guy en son temps, lequel se disait « de droite pour l’économie, de gauche pour tout le reste ».

    [Photo : La France prisonnière des institutions européennes dans lesquelles elle s’est fourvoyée.]

    Une stratégie purement politicienne

    Les divers camps ainsi présentés, il est certain que les intérêts français sembleraient mieux représentés et mieux défendus par Laurent Wauquiez président de LR et président de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

    Sauf que les choses ne sont pas si simples, et qu’il convient d’y regarder à deux fois, voire plus. En réalité, les gesticulations, les propos véhéments, les déclarations provocantes – et même dites en catimini ou prétendument – et les professions de foi solennelles de Laurent Wauquiez ne sont que les éléments d’une stratégie politicienne visant à reconstituer autour de sa propre personne –pour laquelle il rêve d’un destin élyséen – un grand parti tory à la française capable de faire rentrer dans le rang les libéraux purs et les centristes, de mobiliser l’électorat autour d’un programme audacieux – du moins en apparence – et du sentiment d’attachement – apparent lui aussi – « aux valeurs » patriotiques, nationales et morales fondatrices de la droite, afin de reconquérir le terrain perdu au profit de Macron et de LREM lors des élections présidentielle et législatives de 2017, et de remporter celles de 2022, en récupérant une partie de l’électorat FN, maintenant RN.

    Il faut bien comprendre une spécificité française à quoi se réduit de plus en plus la Ve République : tout n’est plus que stratégie électorale autour de l’élection majeure qu’est la présidentielle. Il ne s’agit que de se constituer une base électorale en additionnant les divers courants, ce qu’a fait Macron… et ce que les futurs candidats veulent tous faire. D’où les effritements rapides et les déceptions !

    Dans notre république, plus que dans toutes les autres démocraties libérales, il en va de plus en plus ainsi : les idées ne sont que des slogans, des cris ou des formules de ralliement, des mots d’ordre, des arguments publicitaires, des éléments de propagande, au service de la conquête du pouvoir. Une fois cette conquête réalisée, elles perdent toute importance. Pire : naguère utiles, elles deviennent encombrantes et nocives à l’action et à la liberté de mouvement du ou des nouveaux maîtres du pouvoir. C’est ce qui s’est vu avec les exemples de Chirac, puis de Sarkozy et, sur le versant gauche, avec celui de Hollande.

    Wauquiez n’est que candidat

    En octobre dernier, Wauquiez a reproché à Macron de n’avoir pas « d’amour charnel pour la France ». Mais lui-même s’en montrera-t-il vraiment pourvu quand il sera le maître, s’il le devient ? Il a également reproché aux divers traités et textes européens d’ignorer délibérément « les racines judéo-chrétiennes de l’Europe » et même aux billets de banque de ne pas comporter d’effigies de quelques Européens illustres, de peur d’éveiller les sentiments patriotiques des peuples fédérés par la Communauté. Et même, une fois en fonction, pourrait-il quoi que ce soit, prisonnier qu’il serait, comme tous les autres, d’institutions dans lesquelles la France s’est fourvoyée. Au fond, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie sont plus libres que la France et ne parlons pas de Donald Trump ! Et de Poutine ! Et de la Chine !

    Wauquiez a commis un tract, jugé « inutilement anxiogène » par les centristes LR et UDI, intitulé « Pour que la France reste la France », qui se présente comme un manifeste de défense de l’identité française contre une Europe phagocyteuse et face à une dérive socio-culturelle liée à la prévalence des idées subversives, d’une part, et à la pression d’une immigration sans contrôle, d’autre part. Eh bien, ses adversaires peuvent se rassurer : devenu Président de la République, Wauquiez a toute chance de guérir bien vite de son prurit identitaire ! Et il s’accordera sur « l’essentiel » avec la classe dirigeante française qui sera bientôt la seule en Europe à maintenir cette ligne européiste. Du reste, et honnêtement, peut-on être à la fois un Européen partisan convaincu de l’euro et un patriote soucieux du développement des entreprises françaises ? Non, le temps ne montre que trop que cette gageure relève de la quadrature du cercle.

    Ces remarques valent pour les autres notables des Républicains. Ainsi, Valérie Pécresse, catholique et pratiquante, naguère très engagée dans la défense des Chrétiens d’Orient et la lutte contre le prosélytisme islamique en France, soutien de Sarkozy, dont elle fut un ministre important, s’est ralliée en 2016 à Alain Juppé au moment des primaires de la droite. Du reste, elle appartient, depuis seize ans – un bail ! – à la très libérale French-American Foundation, organisation constituée pour renforcer les liens entre la France et les États-Unis. Vigoureusement opposée, en 2013, à la loi Taubira instituant le mariage pour tous, allant jusqu’à proposer non seulement d’abroger cette mesure mais de dissoudre les mariages homosexuels conclus durant sa période d’application, elle a changé d’avis, et s’est ralliée à cette innovation qu’elle contestait ouvertement, « tout simplement parce que j’ai réfléchi » – à son plan de carrière sans doute –, affirme-t-elle à qui veut l’entendre, et parce qu’elle estime un retour en arrière, en la matière, « impensable humainement » ! Laurent Wauquiez lui-même, affiche sa bonne entente avec Sens commun, mouvement hostile au mariage homosexuel et proche des Républicains. Arrivé au pouvoir, il pourra le renvoyer à la niche.

    Ne nous laissons donc pas abuser par les rodomontades et les surenchères démagogiques des uns comme des autres ; elles relèvent de la stratégie électorale, voire de la simple tactique. L’alternance au pouvoir dans le cadre des institutions actuelles, en France plus particulièrement, n’amène que des personnes qui, malgré leurs dires, ne peuvent avoir aucune conviction forte, aucun principe intangible, aucune idée précise, aucun programme défini. Un Patrick Buisson, un Philippe de Villiers, un Éric Zemmour, une Marion Maréchal l’ont parfaitement montré. Tous ces gens, mutuellement opposés à certains moments, se réconcilient ensuite sans peine, car, précisément, rien de sérieux ne les sépare et ils ont trop besoin les uns des autres, ne serait-ce que pour faire semblant de s’opposer.   

     

    Valérie Pécresse, girouette assumée, « parce qu’elle a réfléchi ». 

     Yves Morel

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle 
  • L’Action Francaise est-elle encore utile ? Interview de Francis Venciton, par Marie Liesse Chevalier.

    Francis Venciton est le secrétaire général adjoint de l’Action française (AF) . A 29 ans , ce philosophe et journaliste aide à la vie du mouvement royaliste en soutenant les sections locales  et en organisant le camp d’été qui a lieu à Roanne du 22 au 29 août.  Il est militant depuis 6 ans . 

    3.jpgL’EL : Qu’est ce que l’Action française et pourquoi t’es tu engagé dans ce mouvement précisément ? 

    L’Action Française est le plus vieux courant royaliste, mais c’est aussi une école de formation et un laboratoire des idées maurrassiennes . Trois grandes figures de pensée guident cette école : Maurras , Bainville et Daudet . Ils sont surnommés la trinité d’AF.  Cependant, le royalisme d’Af, quelquefois qualifié de néo-royalisme, s’appuie sur une conception spécifique de la monarchie qui doit répondre au quadrilatère maurrassien.

     

    Quatre principes nous tiennent à cœur pour définir la monarchie que nous souhaitons: l’hérédité, la tradition , la décentralisation et l’antiparlementarisme .

     

    L’hérédité car elle permet d’éviter les guerres en permettant une continuité du pouvoir politique et donc une certaine stabilité. La tradition répond à ce même enjeux à condition de bien comprendre que toute tradition est critique. Un roi traditionnel est un roi qui s’appuie sur ce qu’il sait fonctionner, il est expérimentateur et non pas un roi incapable de changer la moindre chose. La décentralisation et l’antiparlementarisme correspondent à la remise en place de l’ordre politique, car nous désirons que les gens se sentent concernés et soient écoutés sur des sujets politiques légitimes. C’est d’ailleurs l’un des reproches que nous faisons à la république qui , sous couvert d’égalité , appelle le peuple à voter aux élections mais ne va pas leur demander leur avis pour construire un rond-point inutile qui va coûter 1 million d’euros aux contribuables locaux. C’est d’ailleurs une vraie question que d’essayer de comprendre l’obsession des élus français pour la construction des ronds-points ? Est-ce par habitude de nous faire tourner en rond ou une prescience géniale des Gilets Jaunes ? Allez savoir…  

    Quant à mon engagement au sein de l’AF ,ça a commencé un peu par hasard. J’ai commencé en politique en étant  élu au conseil étudiant de la vie universitaire (CEVU) à Paris IV Sorbonne au sein du syndicat étudiant AGEPS qui était pudiquement de centre gauche… J’étais déjà royaliste avec, à l’époque, une certaine fougue anarchiste qui pourrait paraître coupable à certains Un de mes amis a été nommé chef de section à l’AF et m’a invité à venir découvrir l’Af que je ne connaissais que dans les livres. Une fois arrivé au mythique 10 Rue Croix des Petits Champs (NDLR : l’adresse du siège d’Af), il m’a immédiatement nommé son adjoint. J’étais surpris mais la camaraderie avant  tout, ! Six ans après , j’avoue que je ne regrette toujours pas !  

     

    L’EL : La camaraderie semble donc être également un principe moteur de votre mouvement. L’Action française n’est-elle pas en simplement un regroupement de jeunes en quête de mythe et de camaraderie ? 

    L’Action Française compte 3000 adhérents avec une majorité de jeunes certes, mais avec une part substantielle d’anciens et de grands anciens. Je ne suis plus moi-même vraiment un jeune.  Il y a une grande diversité dans chacun de ces profils , contrairement aux idées reçues. L’image que l’on se fait de l’Action française, soit un catholique nostalgique embourgeoisé cherchant un frisson militant, n’apparaît que dans des tribunes écrites par un chouineur qui prend Internet bien trop au sérieux. 

    Cependant, il est vrai que pour beaucoup de militants, le passage à l’AF constitue quelques années de jeunesse. Mais elles ne sont pas à négliger, car elles permettent tout de même d’acquérir une solide structure intellectuelle .

    En fait à l’Af , le principe c’est un peu celui du Mcdo “ Venez comme vous êtes » . Je préfère que nous soyons ouverts à tous et donc que nous essayions de faire grandir chaque jeune, quel que soit son passé et son histoire que de sélectionner drastiquement des profils précis pour intégrer notre mouvement. Nous défendons le pays réel, pas une coterie de privilégiés qui se donnent des claques sur l’épaule en buvant des bières. Nous acceptons les français dans leurs diversités. Ma plus grande fierté c’est quand je vois des types  un peu paumés qui arrivent en sapin de Noël avec des rangers et un bombers et qui , grâce à notre formation, sortent de la marginalité, développent des compétences et lisent des livres.

     

    “La jeunesse actuelle est désespérée nous dit-on dans les médias, et alors ? Je pense que leur proposer un idéal ne peut que les aider, même si l’idéal d’un roi semble un peu lointain .”

     

    L’important c’est que nous fassions du bien aux gens, que nous servions le bien commun (qui est d’ailleurs le nom du magazine d’AF).C’est un objectif qui peut paraître modeste pour une structure politique : nous ne promettons pas la fin du mâle blanc hétéro cisgenre ou la fin du mal, mais le bien commun est au cœur de notre action. Si nous ne servons pas les français, autant disparaître.

    Plus encore, l’intérêt de l’AF aujourd’hui c’est de perpétuer les idées royalistes en France , de proposer une solide école de formation ( même Médiapart le reconnaît !) et de mener des actions concrètes pour attirer l’attention du peuple Français sur certaines questions précises. La manière dont quelques chefs d’entreprises ont vendu Latécoère est un scandale et l’Action française a été en première ligne pour dénoncer cette honte.

     

    L’EL: Vous dites que l’idéal d’un roi semble lointain . Le retour du roi , vous y croyez?

    En URSS , le Parti Communiste était persuadé que ce régime durerait au moins un siècle . Il est tombé en 2 ans . La Chute des régimes est très rapide et l’histoire l’a prouvé de nombreuses fois, y compris lors de la Révolution française . Il n’est pas impossible que cela arrive de nouveau. L’histoire n’est pas un processus figé.

    Comment ? Où ? Quand ? On ne sait pas . Mais gardons à l’esprit que ce n’est pas inimaginable . 

     

    “Une étude récente prouve que 1⁄3 des Français sont favorables au retour d’un roi .” 

     

    Quant à savoir qui pourrait incarner ce roi , on fait une distinction entre un devoir de fidélité et notre envie personnelle . 

    Ce qui nous intéresse c’est le principe et la personne .“ Le Premier à Reims” dit un adage militant !  Tant que le projet du prétendant sert le Bien commun et donc l’intérêt du peuple , nous soutenons la personne . Le plus important c’est la réforme des institutions , même pas le retour du roi en soi Mettre un roi pour ne rien changer n’est pas une stratégie viable et ne répond pas à notre objectif de servir le bien commun. N’oublions pas que l’Action française est un mouvement Républicain à la base ! 

     

    L’EL: Justement , pouvez-vous expliquer brièvement les origines de l’Action française ? 

    En gros , tout part de la Ligue de la Patrie française qui a un succès immense et des membres prestigieux, sauf qu’ils sont incapables de proposer des mesures de réformes concrètes et se contentent de rassembler les avis mécontents . L’Action française se crée en réaction à cet échec pour proposer une amélioration des réformes en vue du bien commun . Parmi les premiers rédacteurs se trouve Maurras qui est le seul royaliste . Il va convaincre les autres que pour être des nationalistes cohérents, il se doivent d’être royalistes . Nait ainsi ce qu’on appelle le “ nationalisme intégral”. Ce dernier terme est d’ailleurs à comprendre dans le sens de complet. Si on a résolu de défendre le cercle de la nation comme le cercle politique le plus important,  . Il est synonyme d’amour et de défense de la nation en tant qu’entité politique et non pas d’un désir de guerre à tout crin contre tout le monde . 

    Nous avons choisi le terme de nation et non de terre des pères . Nous sommes attachés à la terre de nos ancêtres et désireux de perpétuer son héritage mais ne sommes pas fermés à ceux que de nouvelles personnes y soient accueillies si tant est qu’elles désirent servir le bien commun . 

     

    L’EL: Vous évoquez souvent cette notion du bien commun ; pouvez-vous nous la définir ?

    Le bien Commun est synonyme d’intérêt national .C’est le développement d’un engagement au service de la France . Par exemple , l’AF a fait partie de l’union sacrée sur le principe de  “la France d’abord ». Ramener le roi sur le trône c’est l’objectif ultime. Mais pour ce faire , nous ne sommes pas prêts à tous les sacrifices , c’est pourquoi on appelle nos militants à voter pour participer à la vie du pays et donc au bien commun . La défense de la monarchie n’est pas une excuse pour se désencombrer de l’engagement politique dans ce qu’il a de plus noble (et donc qui ne se limite pas aux élections).

     

    L’EL: Quel est le rapport de votre mouvement avec la religion catholique ? 

    Le royalisme en tant que tel n’est pas forcément catholique, prenons l’exemple du Laos ou du Maroc. Cependant la France à une tradition catholique indéniable , en témoignent les nombreuses églises et les noms des rues . Le roi doit donc avoir le respect de la religion catholique , ce qui est un gage de stabilité et de tradition . Qu’il soit catholique et plus encore bon catholique, c’est même mieux encore. Mais on ne doit pas oublier que beaucoup de rois ont été excommuniés et que l’Église a parfois eu des prêtres qui outrepassaient leur fonction. Nous ne voulons pas que les curés fassent de la politique . Le royalisme d’AF n’a pas pour but de remettre le catholicisme au centre de la société : que nos évêques s’en chargent, nous nous occuperons du reste. 

    Plus fondamentalement, nous avons des militants catholiques , musulmans, juifs, voire zoroastriens … Cela ne pose pas de problème. Nous sommes un mouvement aconfessionnel.

     

    L’EL: Pour conclure , quels sont vos modèles , personnellement ? 

    Tout d’abord, je citerai Jehanne d’Arc en tant que modèle et mystère. Pourquoi Dieu a-t-il envoyé une Sainte pour sauver la France ?  Voilà qui dépasse l’entendement. Plus encore, quand on lit Jehanne, l’on s’aperçoit rapidement qu’elle est le feu et la jeunesse. Elle pique et frappe.  

    Ensuite,  Rodolphe Crevelle, fondateur de l’anarcho-royalisme en France , pour son militantisme durable et ses qualités propres . J’ai accompagné cet homme qui est devenu pour moi un mentor

     Enfin je dirai Babar en tant que modèle d’un souverain modéré au service du bien commun qui assume un nationalisme de paix. Babar, sous des airs enfantins, c’est une vraie philosophie politique. 

    Source : https://letudiantlibre.fr/

  • Deux formes, Un seul Seigneur, par Manuel Cardoso-Canelas.

    Les évêques français ont rendu compte de la manière dont le motu proprio de Benoît XVI est mis en œuvre dans leur diocèse. Leur synthèse, assez hostile, ne répond à aucune des questions légitimes que la pratique fait pourtant surgir.

    Il n’est pas question ici de mettre en cause la légitimité et la validité du Novus Ordo Missae, mieux connu sous le nom de forme ordinaire du rite romain (FOR). Cette forme ordinaire est la forme commune, habituelle, normative de l’Église universelle. 

    12.jpgL’Église étant la seule maîtresse de ses rites et de leur organisation, elle exerce comme elle veut son droit de légiférer dans ce domaine. Ce point ne souffre aucune contestation.

    Cela dit, par FOR nous entendons, évidemment, la façon ad hoc de célébrer selon l’esprit de cette forme liturgique et selon sa lettre, avec l’intention de faire ce que l’Église veut faire lorsqu’elle célèbre. C’est, en conséquence, dire que les innovations, les improvisations, les libertés prises avec le rite ne sont ni une expression légitime de la FOR, ni une émanation de celle-ci. Enfin, signalons comme n’étant pas essentielles à la FOR ni la langue liturgique – qui n’est pas forcément la langue vernaculaire –, ni l’orientation du célébrant – qui peut ne pas être tourné vers les fidèles. Ces remarques dites, venons-en à l’objet de ces lignes.

    Le 7 mars 2020, le cardinal préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi adressait à toutes les conférences épiscopales une lettre accompagnée d’une enquête sur la messe dite “extraordinaire”. Treize ans après la publication du motu proprio Summorum Pontificum par Benoît XVI, le pape François, selon le cardinal, « souhaitait être informé de l’application actuelle » du motu proprio. En janvier 2021, la Conférence épiscopale française rendait publique – ce n’était pas exigé – une synthèse de 24 pages, exposant les résultats de la consultation. Le texte, rédigé dans un français parfois approximatif, est donc censé donner un aperçu de la façon dont se vit en France la forme extraordinaire du rite romain (FER).

    Sur 92 diocèses, seuls 87 ont répondu à l’enquête sans que l’on sache pourquoi les cinq absents ne l’ont pas fait. On apprend, d’abord, qu’il n’y a pas de célébration dans la FER dans les diocèses de Cambrai, Amiens, Châlons et Viviers ; que les diocèses de Blois, Laval, Strasbourg et Versailles ont constitué des paroisses personnelles pour cette forme du rite (il est révélé que le diocèse de Nîmes subit des « pressions », auquel il résiste, pour la création d’une telle paroisse) ; qu’enfin dans les autres diocèses la chose est anodine, presque inexistante (« un ou deux lieux sont dédiés au moins en partie à la célébration »), et qu’elle ne rassemble qu’une faible population en moyenne (« moins de cent personnes ») ! Ceux qui fréquentent ces crypto-lieux de culte, si l’on en croit le texte, savent que, bien souvent, l’assistance dépasse la centaine de personnes. Du reste, quelle est, dans certaines paroisses, la moyenne de la participation dominicale aux messes célébrées dans la FOR ?

    Un besoin pastoral contesté

    Selon le document, la célébration des messes selon le missel de 1962 est souvent le fait de communautés religieuses ayant choisi cette forme de célébration de façon ordinaire (la forme extraordinaire est la forme ordinaire de ces communautés !) La synthèse semble le regretter et voudrait « associer les prêtres diocésains à la célébration en forme extraordinaire » mais cela semble difficile en raison du manque de prêtres… Alors un chanoine à la retraite, un vieil official en soutane usée fera l’affaire, de toute façon nous sommes dans les vieilleries poussiéreuses ! Et considérez que les fidèles attachés à la forme ancienne ne sont pas méchants, car « malgré quelques crispations la situation est largement apaisée » (merci Benoît XVI !).

    Pour deux tiers des diocèses, ces célébrations en FER répondent à un vrai besoin pastoral (mais qu’est-ce qu’un besoin pastoral ?), cependant, note le document, « une expression revient souvent [dans les réponses] : la forme extraordinaire répond à une attente de quelques-uns plus qu’à un vrai besoin pastoral. » Mieux, pour certains, la proposition de la FER, « ne fait qu’entretenir les fidèles dans une conception ecclésiale singulière » caractérisée par un rejet du concile (lequel ?), la critique du pape François, l’hostilité à une Église trop ouverte… Plus encore, ces messes sont rarement promues par les prêtres mais « plus souvent par de jeunes familles nombreuses » (là, les bras nous en tombent !) Voyons : on nous dit que les messes FER sont le fait de communautés, le plus souvent, et que peu de prêtres diocésains sont engagés dans ce mouvement, qu’on le voudrait bien mais qu’on ne peut pas ; que ce sont de jeunes familles nombreuses qui manigancent – mais auprès de qui ? – et qui obtiennent finalement la célébration de ces messe. On ne voit pas ce que les communautés célébrant dans ce rite viennent faire dans ce complot de familles nombreuses. Il manque d’ailleurs ici une ou deux précisions qui viendront plus tard : de droite et royaliste ! Oui ! de jeunes familles nombreuses de droite et royalistes ! Et ces familles exigent des besoins pastoraux ! Parce que, voyez-vous, en plus d’être nombreuses, elles se paient le luxe d’avoir une âme ! Il faut savoir que le motu proprio de Benoît XVI précisait expressément que les demandes viennent des fidèles et qu’un prêtre ne pouvait pas imposer la célébration dans la FER. Alors qui, finalement, va contre l’esprit du Concile ? Les fidèles qui demandent la célébration selon une forme légitime, pour des raisons qu’ils n’ont pas à justifier, ou le document de la CEF qui regrette que ce ne soit pas les prêtres qui soient à l’origine de cette proposition ?

    La concélébration, festivisme clérical

    Certains évêques estiment que la FER peut conduire, de plus, à un « formalisme rituel » et « figer une réflexion de foi », enfermant les personnes dans un individualisme et un esprit de chapelle. À ce titre, la formation théologique des prêtres de la Fraternité Saint-Pierre et de l’ICRSP est expressément remise en cause. Ne connaissant pas la formation dispensée par ces instituts, limitons-nous à dire qu’elle n’est sans doute pas de la même nature, plutôt médiocre, que celle des séminaires diocésains qui subsistent.

    Arrivé à ce stade, le document fait l’inventaire des point positifs (12) et négatifs (29) de la pratique que le motu proprio a permise. Il faudrait commenter chacun des points mais ce n’est pas possible ici. Signalons donc la disparité des appréciations, nettement plus négatives que positives, comme on pouvait le subodorer depuis le début de la synthèse. Parmi les points positifs, outre le fait que la FER puisse être un « beaume » (sic), la CEF voit dans la célébration ad orientem « un antidote au risque de cléricalisme » ! Cela confirme que les communautés, composées de familles nombreuses et jeunes, célébrant selon cette forme pourraient être moins cléricales que celles, vieilles et clairsemées, composées bien souvent de laïcs engagés, même si la célébration tournée vers les fidèles est censée manifester le « faire Église ensemble ».

     

    La synthèse de la CEF montre que les blessures post-conciliaires sont encore très présentes.

     

    Entre autres points négatifs, la CEF signale le refus de la concélébration par certains prêtres de la forme traditionnelle. Disons d’abord que la concélébration n’est jamais, officiellement, une obligation, même si aujourd’hui il existe une pression pour la rendre quasi automatique (voir les récentes dispositions pour les célébrations privées à Saint-Pierre-de-Rome). Ceci étant, les prêtres qui refusent la concélébration sont parfaitement en droit de le faire. Si ce refus peut, de fait, interpeller, on voit très bien, dans la logique des points négatifs cités, que le reproche fait est de ne pas vouloir prendre part à la fête commune. Ce “quant-à-soi” est fortement critiqué et le refus de la concélébration en est le symptôme, clérical, majeur.

    Plus loin dans le rapport, on se pose la question de savoir si la FOR a adopté des éléments de la FER. Bien que la réponse soit, logiquement, négative, on note tout de même que quelques éléments se sont infiltrés, la plupart jamais expressément révoqués : l’usage plus grand du latin, le voilement des statues pendant le carême, l’usage de la couleur noire, les clochettes et le plateau de communion, etc. Ces éléments signalant la FER ne sont pas, comme tels, étrangers à la FOR. On note, cependant, à plusieurs reprises, plus de sérieux dans la célébration selon la FER et d’un intérêt plus grand de la part des séminaristes et des jeunes prêtres pour le rite ancien et ce malgré la vigilance des évêques.

    Deux aspects d’un seul mystère eucharistique

    À ce qui vient d’être dit, on voit que l’ensemble du rapport est une charge à peine voilée contre la pratique actuelle d’une part, et contre la FER, d’autre part. Évidemment, la nature même de cette synthèse ne permet pas de se poser des questions théologiques d’une façon plus appronfondie ; cependant, le ton adopté donne à entendre que l’on ne désire pas même aborder ces questions-là.

    Et si la synthèse pointe une mauvaise volonté de la part des tenants de la FER, il faut avoir l’honnêteté de dire que ce n’est pas le cas de tous. Certes, on trouve par ici l’esprit de chapelle, une certaine forme de complaisance liturgique, le culte de l’ancien pour l’ancien, l’amour immodéré des dentelles et des damas, un style de prédication daté, dans le fond et dans la forme, un formalisme esthétique et hélas aussi psychologique mais on n’est pas mieux loti avec les tenants de la FOR. On y trouve, en effet, un mépris pour le passé, une naïveté progressiste, un relativisme doctrinal, un spiritualisme désincarné, une course à la nouveauté pour la nouveauté, une aigreur ronchonne partagée par les clercs et le laïcat.

    Certes les difficultés existent et sont de plusieurs ordres : liturgique, théologique et historique. L’attachement au Vetus Ordo Missæ a, avec le temps, mis l’Église latine dans une situation de quasi bi-ritualisme, comme le signale la synthèse. Le pape Benoît XVI a mis en usage les notions de formes du seul rite romain pour manifester son unicité et son unité. Force est de constater que, dans la pratique, compte tenu de la différence du lectionnaire, du temporal et du sanctoral, sans parler des usages, qu’il s’agit d’un peu plus qu’une différence de forme. La question à se poser est de savoir si cet état des choses liturgiques, légitimé par Benoît XVI, peut perdurer ainsi ? Si l’on répond négativement à la question, comment gère-t-on les communautés célébrant dans la FER ? Par une nouvelle guerre liturgique ou en s’en moquant totalement, comme le font certains évêques ? Si on y répond positivement, comme manifeste-t-on l’unité de l’Église qui n’est d’ailleurs pas incompatible avec une disparité des rites même si cela répugne à l’Église latine qui, depuis le concile de Trente, a unifié ses célébrations ?

    Quel avenir au bi-formalisme ?

    Pour ce qui est des difficultés théologiques, il faut bien comprendre qu’avec les deux formes, nous sommes en présence de deux aspects dynamiques du seul et unique mystère eucharistique. Restant sauve la doctrine catholique sur la messe, valable pour toutes les célébrations quel qu’en soit le rite, les deux formes donnent à voir et à entendre des mystagogies eucharistiques complémentaires. Dès lors, chacune a ses richesses et ses limites, chacune offre des insistances ou des risques théologiques différents, et il est aberrant de vouloir les opposer idéologiquement. Pour tout dire, le rit et ses formes sont des dispositifs relatifs qui communiquent sacramentellement, réellement et efficacement une réalité absolue de l’ordre de la grâce.

    Enfin du point de vue historique, la synthèse de la CEF montre encore que les blessures liées aux questions liturgiques du passé postconciliaire sont encore très présentes. Une certaine pratique liturgique actuelle liée à la FOR n’arrange rien à la situation et indique que ce genre de problèmes n’est pas derrière nous.

    Que deviendra ce bi-formalisme, peu équilibré, dans l’avenir ? Comment peut-on envisager, pour le clergé des instituts concernés, une ouverture à la forme nouvelle, qui irait jusqu’à la concélébration dans certaines occasions ? Comment peut-on envisager la vitalité du rite ancien chez les nouvelles générations de prêtres et de fidèles, et dans quel but ? Pourrait-on penser, sur la base de la pratique actuelle, une réforme de la réforme liturgique, que le cardinal Sarah semblait désirer et qu’une nouvelle traduction du missel paraît ne pas contredire ? Mais pour aboutir à quoi ? À une suppression formelle et arbitraire du Vetus Ordo Missæ au profit de ce Novus Ordo réformé ou au bi-ritualisme assumé dans des cadres canoniques qui restent à préciser ? La pratique actuelle est complexe et suscite des questions légitimes mais, en dernière analyse, il faut se réjouir que le trésor multiséculaire lié au rite ancien soit parvenu jusqu’à nous presque intact, que la mystique liturgique catholique soit encore vivante et puisse irriguer le corps desséché de certaines paroisses “ordinaires”.

    Illustration : Avec la FOR, on peut tranquillement goûter aux charmes des assistances clairsemées, sans ces jeunes familles nombreuses aux cris agaçants et aux dévotions ostentatoires. Pour les vieux fidèles, cette ambiance de temple répond à un vrai besoin pastoral : l’entre-soi.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Comte, Maurras, Houellebecq : trois agnostiques catholiques, par Stéphane Blanchonnet

    Comte, Maurras, Houellebecq : trois agnostiques catholiques

    Ce n’est un mystère pour personne, Michel Houellebecq est un admirateur d’Auguste Comte, qu’il convoque sans surprise dans son entretien avec Michel Onfray. Mais récemment, c’est à Charles Maurras, disciple du fondateur du positivisme qu’il s’est intéressé, en allant à la rencontre des royalistes de l’Action française, le 1er juillet dernier à Paris. Comte, Maurras, Houellebecq : y a-t-il une filiation possible ? Nous avons demandé à un spécialiste de la pensée de Charles Maurras, Stéphane Blanchonnet, agrégé de lettres modernes et auteur en 2017 du Petit Dictionnaire maurrassien (éd. Nouvelle Marge), de se pencher sur cette question.

    Un récent ouvrage de critique littéraire, d’ailleurs assez intéressant, Le Style réactionnaire de Vincent Berthelier (éd. Amsterdam, 2022), a pour sous-titre « De Maurras à Houellebecq ». Cette réunion des noms de Maurras et de Houellebecq peut surprendre et d’ailleurs, elle n’est pas très logique dans ce livre. En effet, l’auteur, qui veut parler spécifiquement du style des écrivains réactionnaires, finit pourtant par classer Houellebecq dans cette catégorie en raison… de ses opinions et des thèmes qu’il aborde ! Sur le plan du style, il est en effet assez difficile de rapprocher le poète néoclassique, que Berthelier qualifie un peu hâtivement de « puriste », et le romancier de la post-modernité, encore que ce soit sans doute possible, mais ce serait la matière d’un tout autre article ! Il y a en revanche un rapprochement net et évident à faire entre Maurras et Houellebecq : leur qualité de disciples d’Auguste Comte, notamment en ce qui concerne le rapport au catholicisme. C’est ce rapprochement que nous nous proposons d’aborder ici, et nous l’élargirons à une comparaison entre les trois écrivains, les deux disciples et leur maître, Auguste Comte. 

    Comte, Maurras et Houellebecq ont d’abord en commun de voir le jour à des époques de grande césure dans l’histoire de France. On n’exagère pas en disant que chacun d’eux naît presque providentiellement au moment où le pays est plongé dans l’une des trois étapes fondamentales de son déclin, qu’ils se donneront justement pour mission de décrire et, dans des mesures assez différentes, de critiquer, dans leurs œuvres.

    1868, une France déjà affaiblie

    Comte naît en 1798, au moment où la France est au sommet de la puissance et du prestige qu’elle a acquis depuis Richelieu, puis Louis XIV, à tous les niveaux : démographique, politique, militaire, linguistique, littéraire, artistique, scientifique. Littéralement, elle règne sur le monde, pour paraphraser Joachim du Bellay, par sa langue, ses arts, ses armes et ses lois. La Révolution et l’Empire vont consommer en un ultime déchaînement d’énergie et de gloire tout ce capital accumulé depuis des siècles par la royauté capétienne, l’Église et le génie du peuple français – le premier peuple moderne à avoir eu la claire conscience, sans doute depuis la fin du Moyen Âge, de former une nation.

    Maurras, lui, naît en 1868, deux ans avant la guerre franco-prussienne de 1870, qui verra une France, déjà considérablement affaiblie depuis 1815, se faire battre par une Allemagne qui lui ravira sa suprématie continentale, comme l´Angleterre lui avait déjà ravi la maîtrise des mers. Elle sera en outre amputée de ses provinces de l’Est, que l’Ancien Régime avait si durement arrachées au monde germanique. Enfin, elle connaîtra la guerre civile avec l’épisode de la Commune et un début de crise démographique qui conduira à une première forme de recours à l’immigration.

    1956, l’année du désenchantement

    Michel Houellebecq, enfin, naît en 1956, en pleine décolonisation, processus entraînant la disparition de ce motif de fierté que pouvaient représenter, à tort ou à raison, pour les Français ces immenses taches roses sur les atlas géographiques figurant leur immense empire ultramarin (même s’il était composé en grande partie des sables du Sahara, à la différence du très rentable Empire britannique), mais aussi aux prémices des quatre phénomènes qui allaient entraîner la rupture peut-être la plus profonde dans l’être français puisqu’il ne s’agissait plus seulement de déclin de sa puissance, mais de transformation de sa substance elle-même : la fin des terroirs (et donc de l’enracinement régional), la disparition presque totale de la pratique religieuse catholique (encore majoritaire au début du XXe siècle et qui donnait au pays son armature morale), l’américanisation (ou la mondialisation désormais) des mœurs, de la culture et de l’imaginaire, l’immigration de masse, enfin, et le morcellement qui en résulte – la culture française devenant elle-même un « îlot » parmi d’autres, et de moins en moins majoritaire, dans « l’archipel » hexagonal. C’est dans cette France amenuisée, désenchantée et dévitalisée qu’évoluent les personnages de Houellebecq.

    Autre point commun important chez nos auteurs : tous ont perdu la foi chrétienne mais sont restés attachés à certains aspects du catholicisme. Comte affirme dans son testament : « Je me suis toujours félicité d’être né dans le catholicisme, hors duquel ma mission aurait difficilement surgi […] Mais, depuis l’âge de 13 ans, je suis spontanément dégagé de toutes les croyances surnaturelles, sans excepter les plus fondamentales et les plus universelles, d’où les Occidentaux tirèrent tous les dogmes catholiques1. » C’est presque au même âge (à 14 ans) que Maurras, en révolte contre la surdité qui vient de le frapper, mais aussi contre la lecture de Pascal, perd lui aussi la foi. Il est intéressant de noter ce qu’il en dit, bien des décennies plus tard, dans une lettre : « J’étais infirme, soit ! Mais cette vie, je l’aimais, j’aimais la santé et la force. Surdité à part, ma résistance physique, sous des aspects assez modestes et même médiocres, est au-dessus de la moyenne, qu’il s’agisse de marcher, de nager, de veiller dans mon bon temps. […] Pascal est le spectre de la maladie. Cette incompatibilité personnelle ne prouve certes rien contre son magnifique génie. Cela peut expliquer qu’il ne m’ait pas été bienfaisant, quelque admiration que m’ait toujours inspirée sa langue, sa poésie, et, de-ci de-là, sa logique2. » On le comprend, Maurras butte contre le dolorisme chrétien qui enseigne d’accepter les « croix », les épreuves, qui jalonnent nos existences pour mieux s’unir aux souffrances du Rédempteur sur sa propre Croix, dolorisme qui lui paraît en contradiction avec le catholicisme traditionnel, communautaire, joyeux, solaire (d’aucuns diraient « païen ») de son enfance provençale. Houellebecq enfin, dans un livre d’entretien avec Bernard-Henri Lévy, confie avoir fréquenté l’Église dans ses années de lycéen et d’étudiant, au point d’avoir suivi, avant de l’abandonner, une préparation au baptême pour adulte. Il en tire cette conclusion : « Un monde sans Dieu, sans spiritualité, sans rien, a de quoi faire terriblement flipper. Parce que croire en Dieu, tout bonnement, comme le faisaient nos ancêtres, rentrer dans le sein de la religion maternelle présente des avantages, et ne présente même que des avantages. […] Seulement voilà, le problème c’est que Dieu, je n’y crois toujours pas3. »

    Des bases profanes

    Dernier point commun : pour des raisons différentes, nos trois auteurs vont sentir la nécessité de retisser un lien avec la religion catholique, mais sur des bases profanes. Pour Comte, il s’agit du cœur de sa philosophie. Il constate que l’âge métaphysique (la modernité) a mis fin à un âge théologique, qui reposait certes sur des croyances à ses yeux irrationnelles, mais qui possédait une cohérence, une dimension organique, hiérarchique, propre à animer (au sens étymologique de « donner une âme »), à faire vivre, une civilisation. La modernité – la Révolution française en particulier – lui apparaît donc comme un moment exclusivement critique, négatif, dissolvant, dont il se donnera pour mission d’arrêter le cours anarchique pour bâtir un nouvel âge organique permettant de concilier Ordre et Progrès : l’âge positif. Et Comte s’inspirera très explicitement du catholicisme pour créer sa nouvelle religion positive, destinée au salut, par la science, de l’humanité tout entière.

    Maurras, qui n’a cessé de se proclamer le disciple de Comte, propose sa propre synthèse, apparemment plus modeste. Il ne s’agit plus de sauver l’humanité entière, mais la France (et à travers elle, la civilisation gréco-latine) en s’appuyant sur le catholicisme comme « Temple des définitions du devoir » et comme tradition vivante. À ses yeux d’agnostique, comme à ceux de son maître Auguste Comte, la vérité du dogme chrétien n’est plus intelligible, mais il considère que par sa force, encore immense dans la France de la Belle Époque – la France à laquelle il s’adresse– l’Église doit être défendue comme un élément incontournable de l’identité nationale et le canal à travers lequel nous accédons à la culture antique. Dans un texte fondamental qu’il a consacré à Comte, Maurras tient d’ailleurs à préciser que sa réduction du « Grand-Être » (l’humanité) à la civilisation gréco-latine (qui est, à ses yeux, LA civilisation), n’est pas hérétique d’un point de vue positiviste : « Comme le fait très justement remarquer l’un des meilleurs disciples de Comte, M. Antoine Baumann, humanité ne veut aucunement dire ici l’ensemble des hommes répandus de notre vivant sur cette planète, ni le simple total des vivants et des morts. C’est seulement l’ensemble des hommes qui ont coopéré au grand ouvrage humain, ceux qui se prolongent en nous, que nous continuons, ceux dont nous sommes les débiteurs véritables4. »

    Michel Houellebecq, lui aussi disciple revendiqué de Comte, parle, nous l’avons vu plus haut, de la foi de « nos ancêtres » avec une évidente nostalgie. Toutefois, contrairement à Maurras, qui s’adressait aux Français de 1900, il fait le constat que cette nostalgie n’est plus partagée un siècle plus tard que par une petite minorité, même s’il a exprimé sa sympathie pour cette minorité en affirmant avoir été impressionné par l’engagement de la jeunesse catholique lors des manifestations contre la loi Taubira en 20135. L’une des expressions les plus belles et les plus caractéristiques du regard porté par le romancier sur l’ancienne France se trouve dans ce passage d’Extension du domaine de la lutte consacré à la Vendée : « À l’extrémité de la plage des Sables-d’Olonne, dans le prolongement de la jetée qui ferme le port, il y a quelques vieilles maisons et une église romane. Rien de bien spectaculaire : ce sont des constructions en pierres robustes, grossières, faites pour résister aux tempêtes, et qui résistent aux tempêtes, depuis des centaines d’années. On imagine très bien l’ancienne vie des pêcheurs sablais, avec les messes du dimanche dans la petite église, la communion des fidèles, quand le vent souffle au-dehors et que l’océan s’écrase contre les rochers de la côte. C’était une vie sans distractions et sans histoires, dominée par un labeur difficile et dangereux. Une vie simple et rustique, avec beaucoup de noblesse. Une vie assez stupide, également. Je me suis ensuite dirigé vers une résidence plus récente et plus luxueuse, située cette fois tout près de la mer, vraiment à quelques mètres. […] Un sentiment déplaisant a cette fois commencé de m’envahir. Imaginer une famille de vacanciers rentrant dans leur Résidence des Boucaniers avant d’aller bouffer leur escalope sauce pirate et que leur plus jeune fille aille se faire sauter dans une boîte du style “Au vieux cap-hornier”, ça devenait un peu agaçant ; mais je n’y pouvais rien6. » Là où Comte prétendait réorganiser une religion pour l’humanité sur le modèle catholique, mais dont les dogmes seraient désormais scientifiques, là où Maurras voulait s’appuyer sur un catholicisme encore vigoureux, en tant que force sociale, pour enrayer le déclin de la civilisation, Houellebecq ne peut que constater le caractère inéluctable de ce déclin et le regretter, tout en marquant par l’adjectif « stupide », aux connotations péjoratives évidentes, mais qui signifie étymologiquement « immobile », ce qui le sépare de cette époque pour lui définitivement révolue.

    Pour conclure cette rapide comparaison de nos trois auteurs, nous pouvons essayer de nous résumer en les associant par paires. Incontestablement, Maurras et Houellebecq se ressemblent et se distinguent de Comte en tant qu’ils sont les disciples et lui le maître, l’inspirateur. Mais Comte et Houellebecq se ressemblent et se distinguent de Maurras, par un intérêt plus marqué pour la science – le thème du clonage et du transhumain hante le disciple d’Aldous Huxley qu’est aussi Houellebecq. Enfin, Comte et Maurras se ressemblent et se distinguent de Houellebecq par un plus grand optimisme : ils prétendent relever le défi de la modernité et instaurer (pour Comte) ou restaurer (pour Maurras) un ordre viable là où Houellebecq paraît plutôt faire le constat froid et clinique d’un nihilisme triomphant et hélas inéluctable – « mais je n’y pouvais rien ».  

    Notes

    1 Testament d’Auguste Comte, 1884, p. 9, disponible sur le site Gallica de la BNF.

    2 Lettre de Maurras à Leon S. Roudiez, citée par Stéphane Giocanti dans Maurras, le chaos et l’ordre, éd. Flammarion, 2006.

    3 Houellebecq Michel & Lévy Bernard-Henri, Ennemis publics, coéd. Flammarion-Grasset, 2008.

    4 Maurras Charles, Auguste Comte, 1903, disponible sur www.maurras.net.

    5 Entretien avec Marin de Viry et Valérie Toronian, repris dans Interventions, éd. Flammarion, 2020.

  • La condamnation de l’Action française par le Vatican : mesure nécessaire ou erreur grossière ?

    Source : https://letudiantlibre.fr/

    Le 29 décembre 1926 marque la condamnation (1) par le Pape Pie XI du mouvement politique l’Action française, dirigé par Charles Maurras, et sujette encore de nos jours à une interminable controverse : cette sanction était-elle justifiée ?

    D’une part, nombre d’historiens s’inscrivent dans la lignée de Philippe Prévost, lequel, dans sa Condamnation de l’Action française, considère que cette sanction répond à des mobiles purement politiques. D’autre part, Jacques Prévotat, dans une thèse parue en 2001 (2), défend une position radicalement opposée : la mise à l’Index de l’Action française ne se justifierait que par des considérations religieuses.

    Il faut également mentionner le travail réalisé par Emile Poulat par le biais d’un article paru dans la Revue française d’histoire des Idées politiques (3) et qui adopte une position modérée, cette crise ne serait qu’un « mélange instable d’un faux débat sur l’orthodoxie doctrinale de ses adhérents catholiques et d’un débat avorté sur l’autonomie du politique devant l’intégralité de la religion ». (4)

    Avant de se pencher sur la pertinence d’une telle condamnation, il faut exposer brièvement les positions défendues par le Vatican et l’Action française.

    D’une part, les positions de l’Eglise romaine sont relativement complexes en raison de la « crise moderniste » qui la traversa à cette époque. Quoi qu’il en soit, le pape et une grande partie du clergé romain ont reproché à l’Action française ses attaches non-confessionnelles incarnées par son fondateur : Charles Maurras. Elle reproche aux catholiques de l’Action française de s’écarter de la foi catholique en mettant de côté l’aspect religieux pour ne s’attacher qu’à un positivisme politique basé sur la Raison dans le but de rétablir un régime monarchique.

    D’autre part, l’Action française se défend de ces accusations en affirmant qu’elle n’a toujours été qu’un mouvement politique et non un organisme de formation religieuse, la condamnation revêt donc pour elle une justification essentiellement politique.

    Mais qu’est-ce qui justifiait au fond, que les catholiques qui persistèrent à lire le quotidien de l’Action française fussent considérés comme des pécheurs publics, privés de sacrements et de funérailles religieuses (5) ? Quel est le véritable mobile qui se cache derrière cette condamnation ?

    Afin d’y répondre, il est essentiel de s’attarder sur la justification religieuse qui a été mise en avant par le Vatican. Ce-dernier militait de plus en plus pour la mise en place d’un « catholicisme intégral » qui ne pouvait souffrir que des fidèles puissent adhérer à un mouvement politique dirigé par un agnostique. Ce qui peut apparaître comme une incohérence ne l’est pas en réalité pour la simple et bonne raison que l’Action française n’a jamais rejetée le dogme de l’Eglise catholique contrairement à ce qu’affirmait le cardinal Andrieu, archevêque de Bordeaux et fer de lance de la lutte anti-maurassienne, dans un article mensonger publié le 25 août 1926 à la demande de Pie XI. Dans ce texte, il affirmait ceci en évoquant les membres de l’Action française : « Ils repoussent tous les dogmes que l’Église enseigne. Elle enseigne l’existence de Dieu, et ils la nient ». Maurras n’a jamais rejeté et nié la foi catholique dans l’élaboration de sa doctrine politique qui devait se couronner par une restauration d’un monarque catholique, en témoigne notamment les liens étroits qu’il entretenait avec le prince Philippe d’Orléans. Ces liens se concrétisent par les nombreuses lettres que le leader de l’Action française a échangé avec le Prince mais aussi par de nombreux articles où il a pu notamment exprimer toute l’admiration qu’il lui portait : « J’avais adhéré à la monarchie, mais j’étais aujourd’hui conquis par la personne du prince. » (6) . Maurras s’est donc évertué à préparer le terrain d’une restauration monarchique catholique et se voit sanctionner par une condamnation papale.

    De plus, même s’il est certain que Maurras a été influencé dans sa jeunesse par des auteurs païens et se déclarait agnostique, les catholiques de l’Action française n’étaient-il pas capable de faire la part des choses ? N’étaient-ils pas en mesure de distinguer le rationalisme maurassien de la doctrine catholique ?  Le rationnel du spirituel ? Bien sûr que oui ! Les arguments rationnels portés par l’Action française n’empêchaient pas la conservation d’un attachement profond au dogme catholique. L’Action française opérait parfaitement cette distinction lorsqu’elle affirmait dans son Non possumus (7) : « L’Action française n’a rien et n’entend rien avoir d’une autorité religieuse : ce n’est donc pas auprès de l’Action française que les consciences catholiques ont à s’informer de leurs devoirs religieux ».

    Que dire de l’attitude qu’avait eut le pape Pie X en 1913 à l’égard de Maurras lorsqu’il le qualifiait de « beau défenseur de la foi ». La pensée maurassienne étant déjà formée à cette époque là, on peut se demander si elle posait un véritable problème doctrinal. Si l’Action française était en opposition de principe avec le dogme catholique, pourquoi ce compliment de Pie X près de dix ans plus tôt ? S’agissait-t-il d’un calcul politique de Pie X voulant se servir de Maurras pour lutter contre l’anticléricalisme républicain au détriment du dogme catholique ou existait-il une absence de contradiction religieuse sérieuse ? La deuxième hypothèse semble la plus probable d’autant plus que la condamnation avait déjà été rédigée à propos de certains ouvrages de Maurras mais n’avait pas été prononcée, le pape distinguant les œuvres de jeunesse de Maurras et la doctrine de L’Action française. L’argument religieux apparaît donc comme très faible. La véritable justification est plutôt à rechercher dans le domaine politique.

    En effet, cette condamnation apparaît comme un moyen de favoriser le ralliement des catholiques à la République. En effet, la politique du Vatican, basée sous Pie X sur une résistance face à l’anticléricalisme républicain, ce qu’Emile Poulat appelait la « défense religieuse », a changé de priorité sous Pie XI et s’est traduite par une « conquête religieuse ». Cette-dernière passait par une soumission au régime républicain afin de mieux reconquérir les Français, comme si le régime républicain était indissociable de la doctrine libérale et anticléricale qui en est à l’origine. Il est intéressant de constater de ce fait une incohérence flagrante dans le raisonnement de cette politique de « conquête religieuse » consistant dans le fait de considérer que le régime républicain n’était qu’une forme de gouvernement et d’appliquer un raisonnement opposé pour la monarchie qui ne saurait être distinguée de la foi catholique.

    Maurras et son Action française apparaissait ainsi aux yeux du pape comme un obstacle empêchant le Ralliement des catholiques au régime républicain par son opposition virulente à la IIIe République et à sa promotion d’un régime monarchique ne constituant plus la priorité du Pontife.

    Enfin, il est nécessaire de replacer cette condamnation dans le contexte politique des années 1920 en rappelant le poids du mouvement maurassien. L’Action française constituait une véritable force politique avec une influence certes limitée mais disposant d’un potentiel important. Son rôle était non-négligeable notamment concernant la politique étrangère de la France durant cette période, incarnée par Briand et se traduisant par une tolérance marquée à l’égard de l’Allemagne. L’Action française fut une des seules forces politiques a dénoncer cette complaisance, rappelant à juste titre, spécialement par l’entremise de Jacques Bainville (8), le risque d’une revanche allemande et la nécessité de la contenir à tout prix. L’avenir leur donnera raison…

    Ce mouvement royaliste constituait donc une importante force d’opposition au sein du régime républicain.

    Les conséquences de cette condamnation ont été désastreuses tant pour l’Action française que pour la cause catholique. En effet, elle a plombé considérablement le mouvement en entraînant une baisse des ventes du quotidien (9) et un recul important de son implantation dans les milieux catholiques. Parallèlement, elle a offert une voie royale au mouvement nationaliste athée des Jeunesse patriotes qui va alors supplanter l’Action française dans le combat nationaliste.

    La condamnation portée à l’Action française revêt donc un caractère essentiellement politique et constitue une grossière erreur si l’on croit en la naïveté du pape et de son entourage ou une faute délibérée si l’on considère que le Pontife était parfaitement en mesure d’évaluer la portée de cet acte.

    Le 10 juillet 1939, la mise à l’Index de l’Action française va être levée par Pie XII, le mal était fait…

    Feygodor.

    (1) La condamnation porte sur une partie des œuvres de Maurras et sur le quotidien l’Action française

    (2) Catholiques français et Action française : étude des deux condamnations romaines, thèse soutenue en 1994 par Jacques Prévotat sous la direction de René Rémond.

    (3) Le Saint-Siège et l’action française, retour sur une condamnation, la Revue française d’histoire des Idées politiques, n°31, pages 141 à 159.

    (4) Ibid.

    (5) Les sacrements de la pénitence de l’extrême onction étaient toutefois tolérés.

    (6) Le tombeau du Prince, 1927, recueil d’articles publiés par Maurras suite à la mort de Philippe d’Orléans le 28 mars 1926.

    (7) Article de l’Action française qui refuse la demande du pape de disperser les catholiques qui en faisaient partie, 22 décembre 1926

    (8) Chargé de la politique étrangère à l’institut d’Action française.

    (9) La vente en kiosque du quotidien est passée de 60 000 en décembre 1925 à 40 000 un an plus tard, en décembre 1926. Elles se stabiliseront autour de 31 000-33 000 au cours des années suivantes. Source : Charles Maurras, le nationalisme intégral, Olivier Dard, 2013

  • GRANDS TEXTES (11) : Royauté et incarnation, par Vladimir Volkoff.

    Voici l'intégralité du discours prononcé par Vladimir Volkoff au Rassemblement Royaliste des Baux-de-Provence de 1984 (ci dessous).

    Il est intitulé "Royauté et Incarnation".

    Vladimir Volkoff y développe, entre autres, l'idée d'Ernst Kantorowicz, dans son Essai sur Le double corps du roi, qui nous guidera - pour son illustration - tout au long de cette réflexion si belle et si profonde...

     

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    Eric Muraise dit dans "Le Grand Monarque", que la France possède encore quelques monarchistes mais des royalistes, non. Différence : les monarchistes préfèrent un régime; les royalistes aiment un homme.

    La monarchie est à la royauté ce que le déisme, avec son horlogerie, est à l'Église avec ses chapiteaux et ses encensoirs. Eric Muraise peut avoir raison. Nous en connaissons tous de ces monarchistes grincheux qui n'ont qu'un sujet de conversation : dénigrer le Prince. Ils ont le choix, pourtant, surtout à notre époque où il y a de moins en moins de trônes et de plus en plus de prétendants. Mais non : le Prince, qu'ils se reconnaissent est toujours celui qui leur plaît le moins. Ils s'arrangent pour regretter l'aïeul, préférer l'oncle, attendre le petit-fils. Dans l'histoire, même, aucun Louis, aucun Henri ne les satisfait. Au mieux, ils vénèrent un Childebrand quelconque, dont personne n'a jamais entendu parler. Ces monarchistes Jean-­qui-grogne ne sont pas des royalistes ; car la monarchie ne sera jamais qu'une idée, tandis que la Royauté est une incarnation.

    Entre tous les régimes politiques, c'est l'homme qui fait l'originalité de la Royauté. Curieusement, les régimes dits "humanistes" sont les plus déshumanisés : justice immanente ! La grande machine électorale qui repose sur le principe abstrait : 1 = 1, qui rend ses oracles sous forme de statistiques, qui aplatit les visages en bulletins de vote, ne s'adresse, dans les meilleurs des cas, qu'à une fonction de l'homme : l'intelligence. Élire bien, c'est élire intelligemment. Élire le meilleur, c'est élire le plus intelligent. Le suffrage universel pourrait être avantageusement remplacé par un ordinateur bien programmé. Paradoxe : ce qu'il y a encore d'humain dans la procédure élective - les pots-de-vin, les poignées de main, les caméras, les accordéons - c'est tout cela qu'il faudrait éliminer pour que la république fonctionnât rationnellement.

     

     

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     Ernst Kantorowicz (Poznan, 1895 - Princeton, 1963), historien allemand d'origine juive, naturalisé américain, s'est spécialisé dans l'étude des idées politiques médiévales et de la sacralisation du pouvoir royal. Son ouvrage majeur, Les deux corps du roi -  Une étude de la théologie politique médiévale (qu'il écrivit à Princeton, en 1957), est un classique de l'histoire de l'État.
     
     
     
     
     

    La Royauté est autre. Pourquoi ? Parce que, révérence parlée, elle commence là où commence l'homme : dans les reins d'un monsieur et dans le ventre d'une dame. La Royauté passe par la naissance et elle passe par la mort. Un roi immortel serait un dieu, ou un automate, pas un roi. Il y a eu des périodes - on voit cela dans Richard II - où le prestige des rois était tel que l'on doutait qu'ils eussent des fonctions naturelles, comme les autres hommes. Ils en ont ! Il n'y a pas plus de royauté désincarnée qu'il n'y a d'amour platonique. Le corps importe peu en république. Le corps de tel président -je ne veux pas citer de nom le corps de tel président quelles qu'aient été les qualités de l'homme, il y a eu des présidents de la république qui étaient de fort honnêtes hommes - n'est très exactement rien : tout juste bon à mettre au Panthéon ! Il est grotesque de supposer qu'on puisse avoir de la piété pour le corps d'un élu. Les royalistes, eux, savaient ce qu'ils faisaient quand ils trempaient leurs mouchoirs dans le sang de Louis XVI. La royauté n'a de sens que si le corps du Roi est reçu comme sacré.

     

     

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    "Peu importe que Louis XVI soit guillotiné. Couper le corps en deux ne sert à rien..."

     

     

     

    C'est le corps du Roi qui est royal. Peu importe que Charles VI soit fou, c'est un fou royal, parce que son corps est royal. Peu importe que Louis XVI soit guillotiné. Couper le corps en deux ne sert à rien : les deux moitiés restent des morceaux de Roi. Malgré que nous en ayons nous sommes tous devenus si matérialistes, que paradoxalement nous avons perdu le sens du corps.

    Le corps nous apparaît comme un outil, comme un grattoir pour nous chatouiller l'âme. En réalité, le corps est un gage. Les martyrs donnaient leur corps en gage de leur foi. La main qui signe, la main qui étreint donne des gages. Les genoux qu'on fléchit donnent un gage. Qu'est-ce que s'engager, sinon engager son corps ? Un prince d'une nationalité qui épouse une princesse d'une autre nationalité, ce sont les deux puissances qui échangent des gages. "J'en mettrais ma main au feu", 'J'en mettrais ma tête à couper" : ne sont-ce pas là des gages que l'on risque ? Notre corps n'est peut-être pas ce que nous avons de plus précieux, mais il est ce que nous avons de plus vulnérable. C'est sa noblesse. C'est pourquoi il est notre gage. Et avant tout notre gage d'identité. "J'aime Béatrice" pouvait dire Dante. J'aime Béatrice peut signifier j'aime Béatrice telle que Dieu la reçoit dans son Paradis mais comment faire pour reconnaître une Béatrice sans visage ? Je vais à sa rencontre, je la regarde, je l'écoute, je reçois des lettres écrites de sa main : Le corps de Béatrice est le gage de Béatrice.

    J'ai remarqué tout à l'heure que le Roi était celui qui attirait l'amour. Aimer le Roi : sans cela il n'y a pas de Royauté. Il faut l'aimer de trois manières : d'abord parce qu'il est le Roi et qu'on ne le connaît pas, comme les fiancés du temps jadis qui n'avaient jamais rencontré leur promis et qui l'aimaient déjà d'avance, de confiance. L'aimer ensuite, quelques fois, bien qu'on le connaisse.

     

     

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    Ernst Kantorowicz montre comment les historiens, théologiens et canonistes du Moyen Âge concevaient et construisaient la personne et la charge royales : le roi possède un corps terrestre et mortel, tout en incarnant le corps politique et immortel, la communauté constituée par le royaume.
    Cette double nature, humaine et souveraine du « corps du roi », explique l'adage «Le Roi est mort, Vive le Roi !"», apparu - tardivement - lors de l'enterrement de Louis XII en 1515, le corps du souverain ne pouvant mourir.

     Une paysanne normande, parlant de son mari, ivrogne, violent, disait à ma mère "paraît qu'y a des femmes qu'aiment point leur homme. Mais comment qu'elles font puisque c'est leur homme ?". Et un proverbe russe dit : "A force de souffrir, on finit par aimer". C'est comme cela qu'il faut aimer le Roi, aussi. Il faut l'aimer, enfin, ou du moins essayer, parce qu'on le trouve aimable, se battre un peu les flancs, si besoin est, l'aimer avec ses faiblesses en mettant les choses au pis, avec ses vices, ses médiocrités, ses couardises, l'aimer tendrement, presque charnellement, comme Monluc aima Henri II, comme Sully aima Henri IV. Ne pas oublier que les règnes des reines - je pense à Élisabeth d'Angleterre, Catherine de Russie, Marie ­Thérèse d'Autriche - ont été particulièrement réussis parce que ces reines étaient des rois et que pour un homme il est plus facile d'aimer son roi lorsque c'est une reine.

    Le corps du roi est le gage de la royauté. Les bâtardises et les usurpations mises à part, le gage royal est le corps du roi, tel qu'il est hasardé dans les combats, tel qu'il est martyrisé par les régicides, tel qu'il engendre le roi qui lui succédera, tel qu'il apparaît physiquement désigné lorsque son crâne reçoit la couronne, que sa poitrine, ses pieds, ses mains, ses paupières, ses narines reçoivent le Saint Chrême.

    Tous les peuples ont eu des monarques, mais lorsque nous disons Roi, nous pensons surtout à un roi chrétien parce que l'incarnation est l'axe de la foi chrétienne. Pour être chrétien, il faut croire que le Verbe se fit chair, et cela suffit. Le gage de l'amour du Père, c'est le Fils et plus précisément, c'est le corps du Fils, dans lequel nous nous empressons d'enfoncer des clous ; pas n'importe quel corps, mais un certain corps, apparu en Palestine huit siècles après la fondation de Rome. Il n'importe pas que nous soyons contents ou non de ce que le corps du Fils soit celui de ce charpentier rabbin. Certains auraient préféré qu'il fût Grec, ou Viking , ou Africain. Nous n'y pouvons rien. Le gage a été donné.

     

     

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    " Le roi est mort, vive le roi ! ", proclamait-on à la mort du souverain pour exprimer la continuité du pouvoir monarchique. Sous-titré Essai sur la théologie politique au Moyen Age, l'ouvrage de l'historien allemand E. Kantorowicz analyse la teneur de cette continuité, dans les monarchies occidentales. Le pouvoir s'inscrit alors dans une sorte de théologie politique, dans laquelle le roi, au-delà de la personne charnelle, incarne le divin auprès de ses sujets sans toutefois prétendre à une transcendance qui l'autoriserait à outrepasser son simple rôle de représentant de Dieu sur Terre.
    Illustration : gisant de Charles Martel, BasilIque royale de Saint Denis.

    Il est là. Les théologiens pensent que le Fils a trois fonctions : il est prophète, grand-prêtre, Roi. Le psalmiste dit : Le cœur du Roi est dans la main de Dieu... Le premier prodrome du Christ est Melchisédech, roi de Chalem, la future Jérusalem. Jésus est un prince de la maison de David. C'est en tant que Roi qu'il fait son entrée à Jérusalem. Le beau nom de Roi figure sur l'inscription placée en haut de la croix. Lorsqu'il parle du monde d'où il vient, il l'appelle Le Royaume et chaque fois que nous répétons le Notre Père, nous demandons un règne, pas une république.

    Dans la mesure où le Christ est Roi, tout roi participe du Christ. Oui, même le Louis XV du Parc aux Cerfs, même le Charles IX de la Saint-Barthélemy. La personnalité du Roi peut être en contradiction avec la vérité incarnée en lui, la vérité demeure. On serait loin de compte si on voyait le Roi comme une personne dans laquelle se serait logé un principe, comme un Bernard-l’ermite dans sa coquille. Il n'y a pas de principe royal. La république a des principes, la Royauté a des princes. Il y a simplement une vérité royale. Et la vérité est que cet homme que je vois devant moi est Le Roi. Le Roi est l'époux de la Patrie comme le Christ est l'époux de l'Église. Il en est quelquefois le sacrifié expiatoire comme le Christ l'est de l'humanité. La Royauté est sur terre, l'objet privilégié des vertus théologales car notre amour s'oriente vers le Roi, icône du Père, notre espérance vers le Prince, icône du Fils, et notre foi en la Royauté elle-même, qui est Esprit. L'Ancien et le Nouveau Testament utilisent une expression essentielle et singulière : ils parlent du Dieu vivant. Cette qualité, la vie, est l'attribut le plus glorieusement divin de la Royauté.

    Au XVIIIème siècle, le voyageur anglais, Young, remarquait : "Un Français aime son Roi comme sa maîtresse, à la folie". Sage folie ! Un autre Anglais, contemporain celui-là, Lawrence Durrel écrit que les structures royales reproduisent l'architecture même de la personne humaine, structure organique. Rien dans tout cela qui sente l'abstrait, le construit, le prémédité. Dans la Royauté, il y a le grain qui meurt et qui ressuscite, il y a les fils qui s'engrainent sur les pères, il y a l'homme tel qu'il a été créé à l'image de Dieu, il y a... il y a la vie.

    Ce n'est pas un hasard si, en Royauté, la même formule a pu servir à la fois de prière, de cri de joie, de cri de guerre, de simple interjection. Ce n'est pas un hasard si, lorsqu'on pense au Roi on exprime pour lui le vœu le plus charnel et le plus religieux : QU'IL VIVE !

     

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    "Parce qu'il est naturellement un homme mortel, le roi souffre, doute, se trompe parfois : il n'est ni infaillible, ni intouchable, et en aucune manière l'ombre de Dieu sur Terre comme le souverain peut l'être en régime théocratique. Mais dans ce corps mortel du roi vient se loger le corps immortel du royaume que le roi transmet à son successeur" (Patrick Boucheron).
     
    Illustration : le sacre de Philippe III.

     

     

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    Retrouvez l'intégralité des textes constituant cette collection dans notre Catégorie

    "GRANDS TEXTES"...

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  • Éphéméride du 5 juillet

    1830 : prise d'Alger (Théodore Gudin : les hauteurs d’Alger, avec à l’arrière, en contrebas, la rade depuis laquelle la flotte française bombarde la ville 

     

     

     

     

    1709 : Naissance d'Étienne de Silhouette 

     

    Tout le monde sait ce qu'est une silhouette. Beaucoup moins savent d'où vient ce mot, exemple parfait d'antonomase.

    Étienne de Silhouette, Commissaire pour la fixation des limites en Acadie, puis Commissaire du roi auprès de la Compagnie des Indes, réussit à devenir Contrôleur général des finances, le 4 mars 1759.

    Commençant bien, il finit mal, et, surtout, très vite. Il réussit, dans un premier temps, à faire rentrer 72 millions de livres dans le Trésor, ce qui lui valut une popularité réelle; mais, poursuivies, ses réformes auraient heurté les privilégiés, possédants et rentiers, qui se liguèrent contre lui, et le firent tomber, au bout d'à peine huit mois.

    La guerre entre le désir de réformes du pouvoir royal et les privilégiés - qui allait si mal se terminer pour la Royauté, et pour la France... - était bel et bien commencée. Et, malgré ses réels talents, le pauvre Silhouette en fut l'une des victimes :

     "...Après sa chute, on s'acharna à le ridiculiser - dit Michel Mourre - et le nom de Silhouette resta à une manière de faire les portraits de profil en suivant l'ombre projetée par la figure...".

    Silhouette est donc, en un certain sens, une illustration plaisante des blocages de la situation en France, à son époque, du fait de la résistance acharnée des privilégiés égoïstes à toute tentative de réforme; et, donc, des événements tragiques qui allaient se dérouler dans le royaume, alors, le plus heureux et le plus insouciant de la terre.

    Comme l'écrit Jean Sévillia : "...Poussé par sa foi chrétienne et encouragé par le Roi, Silhouette entreprendra de taxer les riches pour aider les indigents, politique qui suscitera contre lui une levée de boucliers de la part des privilégiés, le forçant à la démission. C'est l'autre face d'avant la Révolution, celle dont la réussite aurait changé le cours de l'Histoire." 

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    Étienne de Silhouette fut le propriétaire le plus célèbre du château de Chevilly, près d'Orléans 

     

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    1830 : Prise d'Alger         

              

    Trois semaines après le débarquement des troupes françaises à Sidi Ferruch (voir l'Éphéméride du 14 juin), le Dey Hussein abdique, avec la garantie de conserver sa liberté et ses richesses personnelles.

    Le Général Louis-Auguste de Bourmont - le renardin, selon son surnom chouan - est à la tête d'une expédition de 37.000 hommes.

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    L'occupation "restreinte" se limite d'abord à la zone littorale. Un "gouvernement général" des possessions françaises dans le nord de l'Afrique est créé en 1834, mais la progression française se heurte au vigoureux État islamique créé par l'émir Abd el Kader.
    La conquête proprement dite sera l'œuvre de Bugeaud, Gouverneur général en 1843.
    L'un des évènements majeurs - du moins dans le domaine du symbolique - en sera, en 1843, la prise de la Smala d'Abd el Kader par le Duc d'Aumale - l'un des cinq fils de Louis-Philippe - et la reddition d'Abd el Kader, quatre ans plus tard, en 1847. 

    L'occupation "étendue" commencera vraiment à partir de ce moment-là : 100.000 colons sont déjà installés en 1847.

     

       Dans notre Album L'aventure France racontée par les cartes, voir la photo"Conquête de l'Algérie (I)" et les deux suivantes...

     

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    La prise de la Smala d'Abd el Kader, par Horace Vernet, Musée du Louvre
     
    En plus de notre Éphéméride du 14 juin, on pourra consulter également, avec profit, le commentaire envoyé à lafautearousseau par l'un de ses lecteurs...
     
     
     
     
     
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    1905 : L'Arc de Germanicus, de Saintes, classé Monument historique...

     

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    https://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Saintes/Saintes-Musee-archeologique.htm

     

    L'Arc de Germanicus fut érigé à Saintes en l'an 18 ou 19 pour l'empereur Tibère, son fils Drusus et son neveu et fils adoptif, Germanicus.

    Il ne s'agit pas d'un Arc de triomphe : le "triomphe", grandiose défilé militaire accordé à un général revenant victorieux d'une expédition, n'avait lieu qu'à Rome. Il ne s'agit pas non plus d'un arc municipal, comme à Orange. 

    Il s'agit d'un arc routier à deux baies initialement bâti à l’arrivée de la voie romaine Lyon - Saintes (Lugdunum – Mediolanum Santonum), au niveau du pont romain sur la Charente. Sa construction a été financée par un riche et illustre citoyen de Saintes, Caius Julius Rufus. Il fut restauré en 1666 puis, sur proposition de Prosper Mérimée en 1843 l'arc fut déplacé à vingt-huit mètres de son emplacement pour des travaux sur les quais de la Charente. L'arc fut restauré en 1851.

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    La dédicace sur l’attique est très abîmée pour la partie nommant l’empereur Tibère et son fils Drusus. La dédicace à son neveu et fils adoptif Germanicus, mieux conservée, permet de dater l’arc à l’année 18 ou 19 : elle a donné au monument sa dénomination usuelle.

    En latin :

    GERMANICO [caesa]R[i] TI(beri) AVG(usti) F(ilio)
    DIVI AVGVSTI NEP(oti) DIVI IVLI PRONEP(oti) AVGVRI
    FLAM(ini) AVGVST(ali) CO(n)S(uli) II IMP(eratori) II
    TI(berio) CAESAR[i divi aug(usti) f(ilio) divi iuli nep(oti) aug(usto)]
    PONTIF(ici) MAX{s}(imo) [co(n)s(uli) III] IMP(eratori) VIII [tri]B(unicia) POT(estate) [XXI]
    DR[us]O CAESARI [ti(beri) aug(usti)] F(ilio)
    [divi augusti] NEP(oti) DIVI IVLI
    [pronep(oti) co(n)s(uli)] PONTIFICI AVGVRI

    Traduction :

    "À Germanicus César, fils de Tibère Auguste, petit-fils du divin Auguste, arrière-petit-fils du divin Jules, augure, flamine augustal, consul pour la deuxième fois, salué imperator pour la deuxième fois, etc."

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    Sous la dédicace, l’inscription sur l’entablement donne le nom du donateur Caius Iulius Rufus, ainsi que son ascendance. Elle est répétée sur chaque face de l’arc.

    En latin :

    C(aius) IVLIVS C(ai) IVLI CATVANEVNI F(ilius) RVFVS [c(ai) iul(i) agedomopatis nepos epotsorovidi pronep(os) volt(inia)]
    SACERDOS ROMAE ET AVGVSTI AD ARAM [quae est ad confluentem praefectus fabrum d(e) s(ua) p(ecunia) f(ecit)]
    C(aius) IVLI[us] C(ai) IVLI C[a]TVANEVNI F(ilius) RVFVS C(ai) IVLII AGEDOMO[patis] NEPOS EPOTSOROVIDI PRON(epos) V[olt(inia)]
    [sacerdos Romae et Au]GVSTI [ad a]RAM QV[a]E EST AD CONFLVENT[em praefectus fab]RV[m] D(e) [s(ua) P(ecunia) F(ecit)]

    Traduction : 

    "Caius Julius Rufus, fils de Caius Julius Catuaneunius, petit-fils de Caius Julius Agedomopas, arrière-petit-fils d’Epotsovirid(i)us, inscrit dans la tribu Voltinia, prêtre de Rome et d’Auguste à l’autel qui se trouve au Confluent, préfet des ouvriers, a fait à ses frais (cet arc)."

     

     
     
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    1925 : Naissance de Jean Raspail
     
     
      
    Si tous ses romans son attachants, bouleversants parfois (Le jeu du Roi...), les jugements et points de vue sur l'oeuvre et le style de Raspail dépendront, forcément, de chacun de ses lecteurs.
     
    Il est un de ses romans, cependant, qui sort, en quelque sorte de la littérature, par la vision prophétique des choses qu'il proposa, et ce dès le printemps 1973 : Le Camp des Saints.

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    Quatrième de couverture (réédition de 2010) :

    Nous sommes tous les acteurs du Camp des Saints...
    Dans la nuit, sur les côtes du midi de la France, cent navires à bout de souffle se sont échoués, chargés d'un million d'immigrants. Ils sont l'avant-garde du tiers-monde qui se réfugie en Occident pour y trouver l'espérance. À tous les niveaux, conscience universelle, gouvernements, équilibre des civilisations, et surtout chacun en soi-même, on se pose la question trop tard : que faire ?
    C'est ce choc inéluctable que raconte Le Camp des Saints.
    Paru pour la première fois en 1973, Le Camp des Saints est le livre qui a fait connaître Jean Raspail au grand public. Il révélait la fascination de l'auteur pour les causes perdues et les peuples disparus, une fascination qu'on continuera d'observer à travers la suite de son oeuvre.
    "Y a-t-il un avenir pour l'Occident ?" demandait-il à l'époque. Certains ont été choqués par la façon dont la question était posée, d'autres, en France comme à l'étranger, ont parlé d'oeuvre prophétique.
    "On n'épousera ou on n'épousera pas le point de vue de Jean Raspail, pouvait-on lire sur la quatrième de couverture de la première édition. Au moins le discutera-t-on, et passionnément". En 2010, ce débat n'a rien perdu de son actualité.
     
     
    Royaliste de coeur et de  raison, il accorda, en 1978, un très intéressant entretien au mensuel Je suis Français (entretien réalisé par François Davin et Pierre Builly).
     
    Il participa également deux fois au Rassemblement royaliste des Baux de Provence, où il prononça deux discours : vous pouvez écouter l'un d'eux dans notre note du 5 février 2015.
     
    Le 17 juin 2004, Jean Raspail publia une tribune dans Le Figaro, intitulée "La patrie trahie par la République", dans laquelle il critiquait la politique d'immigration menée par la France. Il fut attaqué en justice par la LICRA pour "provocation à la haine raciale", mais fut relaxé par une décision de la 17ème chambre du tribunal de grande instance de Paris
  • Éphémérides du mois de Mars : Table des matières

    FLEURDEL VITRAIL CATH AUCH.jpg1 : 487 : Épisode du Vase de Soissons. 600 : Mort de Saint Amant de Boixe. Vers 890 : Décapitation de Saint Léon à Bayonne, et, depuis, célébration de son martyre... 1562 : Premier massacre des Guerres de religion. 1580 : Première édition des Essais de Montaigne. 1626 : Naissance de Jean-Baptiste de La Quintinie. 1768 : Édit royal prescrivant la numérotation des maisons dans chaque rue du Royaume. 1826 : Fondation de la Maison Mumm. 1974 : Le G.I.G.N. devient opérationnel.

    2 : 1564 : Commande du Phare de Cordouan. 1707 : Naissance de Louis-Michel van Loo. 1733 : Mort de Claude de Forbin. 1941 : Victoire et Serment de Koufra. 1964 : Premier Salon de l'Agriculture. 1969 : Premier vol du Concorde. 2004 : Lancement réussi pour Ariane V, qui emporte la sonde européenne Rosetta.

    : 1494 : Début de la construction du Palais de Justice de Rouen. 1749 : Naissance de Mirabeau. 1751 : Mort de Jean-Louis Orry, aux origines de la Manufacture de porcelaine de Sèvres. 1875 : Première de Carmen. 1974 : la France choisit le nucléaire.

    : 1188 : Naissance de Blanche de Castille. 1703 : Mort de Louis de Bechameil. 1805 : Mort Jean-Baptiste Greuze. 1832 : Mort de Jean-François Champollion. 1843 : Premier numéro de "L'Illustration". 1988 : Inauguration de la Grande pyramide du Louvre. 2015 : Mise au jour du Tumulus funéraire celte de Lavau.

    5 : 1453 : Naissance de Crillon, "le Brave". 1759 : Signature de l'expertise de fin des travaux du château de Merville. 1800 : Bonaparte, Premier consul, reçoit Cadoudal et une délégation royaliste aux Tuileries. 1893 : Mort d'Hyppolite Taine. 1895 : Naissance d'Albert Roche. 1953 : L'Humanité ose glorifier Staline, décédé... 2007 : Création du Parc national de la Réunion.

    : 1264 : Chute de Château-Gaillard. 1597 : Aux origines du Régiment d'Auvergne... 1597 : Création du Régiment de Bourbonnais. 1666 : Louis XIV, aux origines de l'Académie de France à Rome, la "Villa Médicis"... 1695 : Mort d'Éverard Jabach. 1824 : Élection de la Chambre retrouvée. 1980 : Marguerite Yourcenar, première femme élue à l'Académie française. 1982 : Création des "Plus beaux Villages de France"... 2008 : Parution du "Aristote au Mont Saint-Michel". 2019 : Philippe de Villiers règle leur compte à Jean Monnet et Robert Schuman...

    : 1274 : Mort de Saint Thomas d'Aquin, en route pour le Concile de Lyon. 1765 : Naissance de Nicéphore Niépce. 1788 : Naissance d'Antoine Becquerel. 1875 : Naissance de  Maurice Ravel. 1884 : Le Préfet Poubelle impose l'emploi des... poubelles. 1936 : Remilitarisation de la Rhénanie. 1938 : Naissance d'Albert Fert.

    8 : 1815 : Dans Paris royaliste, opposé au retour de Napoléon de l'île d'Elbe (I)... 1862 : Création du Musée d'Archéologie nationale de Saint Germain en Laye. 1869 : Mort d'Hector Berlioz. 1921 : Création de Premier Régiment étranger de Cavalerie, à Sousse (Tunisie). 1974 : Inauguration de l'aéroport Roissy Charles de Gaulle. 

    : 1107 : Le Pape Pascal II consacre La Charité sur Loire. 1416 : Mort de Jean de Limbourg. 1666 : Mort de Mazarin. 1720 : Dernière grande réforme de la Gendarmerie. 1831 : Création de la Légion étrangère. 1945 : Sortie du film Les enfants du paradis.

    10 : 1607 : Aux origines de la Place Dauphine... 1628 : Naissance de Girardon. 1661 : Prise du pouvoir par Louis XIV. 1764 : Premier concert de Mozart à Paris. 1793 : Révolte de Machecoul. 1793 : Création du Tribunal révolutionnaire. 1906 : Catastrophe de Courrières.

    11 : 1794 : Création de l'École polytechnique. 1811 : Naissance d'Urbain Le Verrier. 1830 : Mort de Lally Tollendal. 1882 : Renan prononce sa Conférence Qu'est-ce qu'une Nation ?...

    12 : 1502 : Mort de Francesco Laurana. 1613 : Naissance d'André Le Nôtre. 1788 : Naissance de David d'Angers. 1792 : Mort de Georges Roux de Corse. 1793 : Début du soulèvement de la Vendée. 1814 : Bordeaux proclame Louis XVIII Roi de France... 1856 : Parution des Histoires extraordinaires de Poe, traduites par Baudelaire.

    13 : ÉvocationQuand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française...

    14 : 1369 : victoire de Bertrand du Guesclin à la bataille de Montiel. 1590 : Henry IV vainqueur à Ivry. 1593 : Naissance de Georges de la Tour. 1793 : Cholet aux mains des Vendéens. 1913 : Mort d'Auguste Desgodins.

    15 : 44 Avant J.C. : Assassinat de Jules César. 1528 : François 1er fixe de nouveau à Paris le siège de la Cour.

    16 : 1244 : Bûcher de Montségur. 1578 : Henri III autorise la construction du Pont Neuf. 1634 : Naissance de Marie-Madeleine de Lafayette. 1680 : Mort de La Rochefoucauld. 1815 : Dans Paris royaliste, opposé au retour de Napoléon de l'île d'Elbe (II)... 1839 : Naissance de Sully Prudhomme. 1844 : Ouverture du Musée de Cluny. 2013 : Inauguration du Pont Chaban-Delmas, à Bordeaux.

    17 : 1267 : Mort de Pierre de Montreuil. 1526 : Captif en Espagne depuis Pavie, François Premier retrouve la liberté. 1560 : Conjuration d'Amboise. 1680 : Mort de La Rochefoucauld. 1808 : Création du Baccalauréat. 1815 : Dans Paris royaliste, opposé au retour de Napoléon de l'île d'Elbe (III)... 1840 : Naissance d'Henri Didon. 1904 : Première édition de la Foire de Paris. 1956 : Mort d'Irène Joliot-Curie.

    18 : 1314 : Jacques de Molay est brûlé vif. 1656 : Institution de la Madunaccia, fête patronale d'Ajaccio. 1662 : Premier transport en commun à Paris. 1871 : Début de la Commune de Paris.

    19 : 1315 : Louis X octroie la Charte aux Normands. 1443 : Agnès Sorel est présentée à Charles VII... 1563 : Édit d'Amboise. 1783 : Louis XVI fonde l'École des Mines. 1822 : Mort de Valentin Haüy. 1859 : Première de Faust, de Gounod. 1866 : Fondation des OAA, Orphelins Apprentis d'Auteuil. 1900 : Naissance de Frédéric Joliot-Curie. 1987 : Mort de Louis de Broglie. 2004 : Retour des moines dans l'Abbaye de Lagrasse...

    20 : 12 Avant J-C : Mort d'Agrippa... 1771 : Mort de Van Loo. 1781 : Mort de Turgot. 1881 : Naissance d'Eugène Schueller, aux origines de l'Oréal. 1929 : Mort de Ferdinand Foch. 2015 : Cérémonie d'installation de l'anneau de Jeanne d'Arc, racheté en Angleterre, au Puy du Fou.

    21 : 1098 : Fondation de l'abbaye de Cîteaux. 1358 : Le Dauphin Charles quitte Paris, aux mains de la révolution d'Étienne Marcel... 1729 : Mort de John Law de Lauriston. 1736 : Naissance de Claude-Nicolas Ledoux.  1804 : Assassinat du Duc d'Enghien. 1816 : Louis XVIII organise l'Institut. 1830 : Découverte du Trésor de Berthouville. 1908 : Premier numéro de L'Action française quotidienne. 1979 : La première carte à puce. 1999 : Mort de Jean Guitton. 2015 : Inauguration de L'Historial Jeanne d'Arc de Rouen... 2017 : Yves Meyer reçoit le Prix Abel.

    22 : 1421 : Victoire franco-écossaise de Baugé. 1532 : Achèvement du Monastère royal de Brou. 1558 : Henri II crée le Régiment de Champagne. 1594 : Entrée d'Henri IV à Paris. 1594 : "Navarre sans peur !" : le Régiment des Gardes du Roi de Navarre reçoit son nom définitif de Régiment de Navarre. 1687 : Mort de Lully. 1733 : Naissance d'Hubert Robert. 1841 : Loi Montalembert. 1895 : Présentation du premier film des frères Lumière. 1988 : Pose de la première pierre du Pont de Normandie.

    23 : 1594 : Première partie de Jeu de paume pour Henri IV, un jour après son entrée dans Paris... 1821 : Découverte de la bauxite. 1842 : Mort de Stendhal. 1918 : Le premier obus allemand tombe sur Paris. 1967 : Création du Parc naturel des Pyrénées. 1998 : Lancement du satellite SPOT 4. 2013 : À 17 heures, le nouvel ensemble campanaire de Notre-Dame de Paris - détruit sous la Révolution et reconstitué - sonne pour la première fois...

    24 : 1776 : Turgot crée la Caisse d'Escompte, ancêtre de la Banque de France. 1794 : Anacharsis Cloots est guillotiné. 1860 : Nice et la Savoie deviennent françaises. 1905 : Mort de Jules Verne. 1934 : Citroën présente la Traction avant. 2010 : L'Armagnac récupère le fac-similé du premier texte mentionnant son nom, écrit par Maître Vital Dufour en 1310 !... 2014 : Mort de Jean-François Mattéi. 2018 : Sacrifice héroïque du Lieutenant-colonel Arnaud Beltrame...

    25 : 507 : Date possible de la bataille de Vouillé... 1873 : Fondation de l'École française de Rome. 1867 : Mort de Jacques Hittorf. 1914 : Mort de Frédéric Mistral.

    26 : 1686 : Inauguration de la Place des Victoires, à Paris. 1918 : Ferdinand Foch nommé Généralissime. 1973 : Création du Parc naturel des Écrins. 1980 : Création de la Société Arianespace. 2009 : Le franco-russe Mikhaïl Leonidivich Gromov reçoit le Prix Abel. 2012 : Ouverture du Muséoparc d'Alésia.

    27 : 1660 : Louis XIV visite Orange... 1785 : Naissance du duc de Normandie, futur Louis XVII. 1793 : Proclamation des Chouans du Morbihan de La Roche Bernard. 1893 : Mort d'Alphonse Beau de Rochas. 1917 : Les Allemands dynamitent le donjon et les tours du château de Coucy... 1926 : Mort du Duc d'Orléans, celui qui aurait été Philippe VIII. 1927 : Naissance de François Furet.

    28 : 58 Avant J.C. : Les Helvètes entament leur migration vers la Gaule... 1854 : Début de la Guerre de Crimée. 1892 : Naissance de Jacques Schiffrin, aux origines de La Pléiade... 1910 : Premier vol d'un hydravion. 1935 : Jacques Bainville est élu à l'Académie française. 1994 : Mort d'Eugène Ionesco. 2009 : Parution de  "Crois ou meurs ! Histoire incorrecte de la Révolution française"

    29 : 1796 : Charette est fusillé. 1967 : Lancement du premier sous-marin nucléaire français, Le Redoutable. 1984 : Léopold Sédar Senghor, premier Africain reçu à l'Académie française. 2017 : Annonce de la découverte de deux mosaïques romaines à Uzès...

    30 : 1349 : Le Dauphiné devient français. 1660 : Louis XIV crée l'Académie Royale de Danse, aux origines directes de L'Opéra de Paris. 1707 : Mort de Vauban. 1815 : Louis XVIII arrive à Gand, capitale du Royaume de France pendant les Cent-Jours... 1842 : Mort de Madame Vigée-Lebrun. 1844 : Naissance de Verlaine. 1930 : Première élection de la Reine d'Arles.

    31 : 1282 : Massacre des Français à Palerme, lors des "Vêpres siciliennes". 1519 : Naissance du futur Henri II. 1547 : Mort de François Premier. 1640 : Création du Louis d'or. 1814 : Publication de la brochure de Chateaubriand "De Buonaparte et des Bourbons...". 1887 : Naissance de Saint John Perse. 1889 : Inauguration de la Tour Eiffel. 1905 : Guillaume II débarque à Tanger... 1910 : Du Yunnan à l'Indochine : inauguration du "Train des Français"... 2015 : Bénédiction de la première Stèle honorant les consacrés engagés morts pour la France en 14-18... 

     

    Et pour les Éphémérides des mois de Janvier et de Février :

    Éphémérides du mois de Janvier...

    Éphémérides du mois de Février...

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  • Éphéméride du 19 février

    lfar flamme.jpgIl y a treize jours, dans l’année, pendant lesquels il ne s’est pas passé grand-chose, ou bien pour lesquels les rares événements de ces journées ont été traités à une autre occasion (et plusieurs fois pour certains), à d'autres dates, sous une autre "entrée".

    Nous en profiterons donc, dans notre évocation politico/historico/culturelle de notre Histoire, de nos Racines, pour donner un tour plus civilisationnel  à notre balade dans le temps; et nous évoquerons, ces jours-là, des faits plus généraux, qui ne se sont pas produits sur un seul jour (comme une naissance ou une bataille) mais qui recouvrent une période plus longue.

    Ces jours creux seront donc prétexte à autant d'Evocations :  

    1. Essai de bilan des Capétiens, par Michel Mourre (2 février)

    • 2. Splendeur et décadence : Les diamants de la Couronne... Ou : comment la Troisième République naissante, par haine du passé national, juste après avoir fait démolir les Tuileries (1883) dispersa les Joyaux de la Couronne (1887), amputant ainsi volontairement la France de deux pans majeurs de son Histoire (12 février)

    • 3. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. I : La cathédrale de Reims et la cérémonie du sacre du roi de France (15 février)

    • 4. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale (19 février)

    • 5. Quand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française (13 mars)

    • 6. Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France (11 avril)

    • 7. Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien (28 avril)

    • 8. Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 ! (4 mai)

    • 9. Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile (28 mai)

    • 10.  Quand Chenonceau, le Château des Dames, à reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650 (26 juillet)

    •  11. Le Mont Saint Michel (11 août)

    •  12. Quand François premier a lancé le chantier de Chambord (29 septembre)

    •  13. Quand Léonard de Vinci s'est installé au Clos Lucé (27 octobre) 

     

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    Aujourd'hui : Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale.

    II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale (précédent : Reims, la cathédrale du Sacre,  Éphéméride du 15 février) 

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     Pour en savoir plus : 

    • notre album (49 photos) : La Basilique de Saint Denis, nécropole royale.  

    I : Des origines... au génial Suger 

    NEF.jpg 

    Comme on s'en rendra vite compte, les quatre liens suivants, traitant du même édifice, se recoupent forcément, en partie; ils ont pourtant chacun leur originalité, et chacun apporte un quelque chose que les autres n'ont pas... :   

    • http://www.tourisme93.com/basilique/abbaye-saint-denis.html 

    • http://architecture.relig.free.fr/denis.htm

    •http://www.saint-denis.culture.fr/fr/index.html 

    • http://www.tourisme93.com/document.php?pagendx=73

           

    Martyrium, Abbaye royale, Nécropole royale... : l'histoire de Saint-Denis commence vers 250, avec le martyre, précisément, de Saint Denis, l'évangélisateur et premier Évêque de Lutèce. 
    Décapité à Montmartre, il aurait pris sa tête dans ses mains et se serait rendu dans la cité romaine de Catulliacus, au nord de Lutèce, où il aurait été enterré (voir l'Éphéméride du 9 octobre). 

    Vers 475, sainte Geneviève fait édifier une première église, but d'un pèlerinage immédiatement très populaire, dont Dagobert, en 630, se fait le protecteur, transformant cette simple église en une abbaye royale, où il installe des moines bénédictins. 
    Il est le premier souverain à s'y faire enterrer. 

    Pépin le Bref s'y fait sacrer roi par le pape en 754 : il est le premier roi sacré de l'histoire de France (voir l'Éphéméride du 27 juillet) et c'est lui qui aménage, sous le choeur, le martyrium où l'on vient vénérer les reliques de saint Denis et de ses compagnons, Éleuthère et Rustique. Plusieurs Carolingiens s'y font enterrer. 

    Devenu roi, Hugues Capet, dans la volonté affichée de prendre la suite de la dynastie carolingienne, s'y fait inhumer, et l'abbaye devient ainsi officiellement la nécropole royale.

    Tous les rois de France y furent enterrés, sauf cinq :


    • Philippe 1er, inhumé en 1108 au monastère de Saint-Benoît-sur-Loire.

    • Louis VII, inhumé en 1180 à l’abbaye royale Saint-Port de Barbeau près de Fontainebleau. En 1817, Louis XVIII fit transférer ses restes à Saint-Denis.

    • Louis XI, inhumé à Notre-Dame de Cléry, près d'Orléans.

     Charles X, inhumé à Kostanjevica (Nova Gorica) en Slovénie.

    • Louis-Philippe, inhumé à Dreux.

     

    Le rayonnement, l'importance et l'influence de la l'abbaye devinrent considérables : ainsi, par exemple, elle créa en 1109 la Foire du Lendit : 1.200 loges de bois y accueillaient les marchands, venus de toute l'Europe .

    Cette foire gardera toute son importance pendant six siècles (l'Université de Paris y venait, en corps, pour y acheter du parchemin...) jusqu'à ce que la Révolution la supprimât, en 1793.

    Elle durait deux semaines (du 11 juin, jour de la Saint-Barnabé, jusqu'au 24 juin, jour de la Saint-Jean : voir l'Éphéméride du 9 juin).

     

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    II : Suger, qui a "fait" Saint Denis...   

             (Pour de plus amples informations sur Suger, voir l'Éphéméride du 13 janvier, jour de sa mort...)

     

    Cependant, l'homme qui va marquer Saint-Denis - et l'histoire de l'Art - est l'abbé Suger, moine et homme d'état, aux dons exceptionnels, dans un grand nombre de domaine. 
    Né pauvre, Suger (1081-1151) intègre l'abbaye vers les dix ans; il prend vite une grande influence sur le futur Louis VI : c’est lorsque le prince accède au trône que la carrière de Suger prend une dimension autant religieuse que politique : il devient Conseiller du roi, et, après lui, de son successeur Louis VII, dont il a préparé le mariage avec Aliénor d'Aquitaine

    C’est à lui que le roi confie la régence du royaume, lorsqu’il part en croisade en 1146 : Louis VII devait l'appeler "Père de la Patrie".....

    Devenu Ambassadeur à Rome, il est élu Abbé de Saint-Denis en 1122. À partir de 1130, il fait reconstruire la basilique et impose des verrières qui donnent aux fidèles l’image de Dieu par la présence de la lumière : mais ceci demande quelques explications...

    En réalité, Suger est l'homme qui, à Saint Denis et en construisant Saint Denis, a inventé l'Art ogival, ou Art français, dont Saint Denis est, précisément, à la fois le manifeste, le premier exemple, la première réalisation...

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    Les cathédrales qui viendront par la suite seront appelées dédaigneusement, à partir de la Renaissance, "gothiques", c'est-à-dire barbares, ce qui est surprenant de la part d'hommes aussi raffinés et cultivés que les humanistes de la Renaissance. Mais, dans leur amour bien compréhensible pour l'Antiquité, pour sa Sagesse, pour ses trésors, ils en étaient venus - d'une façon certainement un peu excessive...- à tenir pour rien l'âge intermédiaire qui s'était écoulé entre l'Empire romain et sa chute, et leur époque (en gros, 1500), à partir de laquelle on redécouvrait l'Antiquité.

    D'où le double contresens de Moyen-Âge et de gothique, pour une époque de mille ans qui fut tout sauf infertile : sa fécondité s'étendit au contraire à tous les domaines de l'Art et de la pensée, mais c'est ainsi, aujourd'hui, l'habitude est prise, et l'on parle de "Moyen-Âge" et de cathédrales "gothiques"...

    Ces précisons étant données, qu'est-elle donc, cette influence, cette action de Suger ? Et en quoi a-t-elle marquée non seulement leur époque mais aussi l'histoire de l'Art. Tout simplement, si l'on peut dire, Suger a illustré à sa façon l'image de l'oeuf de Colomb : et il l'a fait en trouvant, enfin, la façon de tirer toutes ses possibilités d'une technique de construction banale - la croisée d'ogives - que l'on connaissait depuis des siècles (les Romains la pratiquaient déjà...).

    Mais les possibilités immenses qu'offraient la croisée d'ogives étaient impossibles à exploiter vraiment tant qu'on en restait au fonctionnement par muralité ou par mur porteur
    Dans ce type de schéma, c'est le mur qui supporte la totalité du poids des parties supérieures : charpentes, toits, tours etc...: les murs doivent donc être très épais, ne pas être percés de trop larges fenêtres, et ne pas monter trop haut; d'où l'ambiance intimiste, au demeurant fort belle et fort propre à la prière, des églises romanes...

    SAINT DENIS 1.jpg

    Avec le nouveau style, et Suger, tout va changer : on va passer du mur porteur au pilier porteur, en faisant se croiser les ogives, comme depuis toujours, mais surtout et essentiellement en faisant reporter maintenant au maximum la poussée des parties supérieures sur des piliers énormes, qui vont soulager les murs.  

    Ceux-ci pourront, du coup, non seulement monter beaucoup plus haut mais, surtout, être percés de larges baies. Et la lumière pourra entrer à flot dans l'édifice, créant ainsi une ambiance radicalement différente de celle de l'Art roman : la cathédrale d'Amiens, littéralement baignée de lumière; ou bien la Sainte Chapelle, où les murs ont quasiment disparus dans la Chapelle haute le montrent assez...

    Suger pourra ainsi, à partir de la pierre, exprimer une véritable théologie de la lumière : la lumière, menant vers "la" Lumière...

    On a presque tout dit de Suger et sur Suger - en tout cas on a cerné l'essentiel de son être profond... - lorsqu'on a rappelé sa célèbre et magnifique devise De materialibus ad immaterialia...
    Toute la vie, toute l'oeuvre de Suger tient en cela en effet : amener les hommes, par des choses matérielles et sensibles, vers les choses supérieures et immatérielles.

    Le 11 Juin 1144, sera une date mémorable, et un triomphe personnel pour l'abbé Suger, qui en présence du Roi Louis VII, inaugure le nouveau chevet lumineux de l'Abbaye (voir l'Éphéméride du 11 juin).
    Mais, pour en arriver là, il a fallu "3 ans, 3 mois et 3 jours" à cet homme qui "petit de corps et de famille, poussé par sa double petitesse, refusa dans sa petitesse d'être petit" (selon son épitaphe) ! 

                       SAINT DENIS VOUTES.jpg

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  • Documents pour servir à une Histoire de l'URP (53) : Quelques informations sur Le Commandant Dromard, premier Président

    (retrouvez notre sélection de "Documents..." dans notre Catégorie "Documents pour servir à une histoire de l'URP"...)

     

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    Ci-dessus, photo du Commandant Dromard, parue dans L'Almanach d'Action française pour l'année 1928 (page 347)

     

    On n'a malheureusement pas autant d'informations qu'on le souhaiterait sur le Commandant Dromard, qui fut le premier Président de notre Union Royaliste Provençale.

    Pourtant, son nom fut écrit des dizaines de fois dans L'Action française, lors des compte-rendus des grands Rassemblements royalistes (de Barbentane, le 29 mai 1927 ou de Roquemartine, le 5 août 1934, ci-dessus) ou des autres manifestations marseillaises et provençales, comme la double inauguration de la statue de Jeanne d'Arc, en haut de La Canebière, en 1942 et 1943 (voir ici, pour 1942, et ici, pour 1943).

    J'avais demandé à Pierre Chauvet - qui lui succéda à la tête de l'URP - et à Jean Lavoëgie - qui fut Chef des Camelots dans la "Dixième zone", la nôtre... - de me parler de lui; ainsi, bien entendu, qu'à mon père, Camelot marseillais de toujours : tous les trois, avec leurs mots à eux, différents mais se rejoignant sur le fond, me firent la même réponse : Dromard fut un serviteur fidèle et zélé de notre Cause, un Président actif et infatigable, toujours assidu à sa tâche, mais sans jamais d'accroc ni de dispute ou problèmes d'aucune sorte, ni de pas de côté, ni d'action(s) ou de décision(s) controversée(s). Tout entier donné à sa Cause, il ne vivait que pour servir : les gens heureux n'ont pas d'histoire, dit le dicton...

    Finalement, n'est-ce pas le plus beau des éloges que l'on puisse faire d'un Président de Fédération ? Pendant trente ans, du lendemain de la Guerre à sa mort, le premier mai 1950, il a servi, fidèlement, infatigablement, toujours là, toujours présent et actif, et le rappeler suffit pour lui rendre hommage, même si manquent photos et documents...

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    (cliquez sur le document pour l'agrandir)

    Louis, Francois, Marie Joseph Dromard fut nommé Chevalier de la Légion d'Honneur le 2 août 1920; puis promu Officier le 30 juin 1939...

    Il mourut le premier Mai 1950, à Marseille, où il demeurait (au 64, Boulevard Rabatau)

    (comme pour notre précédente livraison, traitant de L'Ordre Provençal, nous mettons en fin de cette note deux liens intéressants, en ceci qu'ils fournissent un grand nombre de noms, dates et lieux, personnalités; le tout mêlé dans un ensemble parfois un peu long, ennuyeux, voire "poussiéreux" : le lecteur en usera comme bon lui semble; pour notre part, nous en avons extrait certains des renseignements suivants...)

    François Davin

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    Ci-dessus et ci-dessous : après le Rassemblement royaliste de Roquemartine, le 5 Août 34, raconté dans le numéro de de L'Action française du mardi 7 août 34...

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    On trouvera dans les liens en bas de page les informations suivantes :

    "...Les années 1919-1922 voient une « réaction » du mouvement sous l’impulsion de quelques hommes nouveaux. Le plus important, celui qui allait réorganiser la section marseillaise et la diriger jusqu’à sa mort en 1950, étendant son influence sur le département puis la région, dans une fidélité totale au maître de Martigues, n’était pas d’origine provençale. Organisateur sérieux et compétent, d’une grande disponibilité il avait pour nom Louis Dromard.

    Né à Besançon le 15 juin 1878, ce fils d’un monteur de boîtiers de montres, profondément catholique, avait fait ses études chez les Eudistes qui dirigeaient le collège catholique de la capitale franc-comtoise; il avait préparé ensuite Saint-Cyr où il était entré en 1898. Sorti lieutenant en 1900, il avait démissionné en 1903 pour des raisons plus personnelles que politiques.

    Il s’était vu offrir une situation de courtier en graines oléagineuses dans le grand port méditerranéen. Il « descendit » donc vers le Sud, s’y associa avec un certain Devos, s’y maria, eut sept enfants, dont deux morts jeunes, et il ne quitta plus sa nouvelle patrie.

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    (cliquez sur le document pour l'agrandir)

     

    Parti en 1914 comme capitaine d’infanterie de réserve, il était revenu de la guerre avec une blessure, la Croix de guerre et le grade de commandant qui devait la plupart du temps accompagner son nom.

    Pour le seconder, on trouve deux disciples d’Esculape : le docteur Gilles qui, né à Marseille en 1860, habitait dans la banlieue ouvrière de Saint-Henri, et le docteur Roubion qui, né en octobre 1873 à Aups dans le Var, demeurait près de la gare Saint-Charles. Le premier assumera jusqu’en 1926 le secrétariat de la section tandis que le second va prendre, à partir de l’été 1920, la direction locale de « l’union des corporations françaises » et coiffer un groupe d’« études sociales ».

    Le Commandant Dromard habitait - on l'a dit - au 64, Boulevard Rabatau, à un jet de pierre de l'actuel Stade Orange Vélodrome...

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    Sur le document ci-dessus, on voit, à gauche, la signature du Commandant Dromard, "le récipiendaire" (à droite, celle du Général Délégué; cliquez sur le document pour l'agrandir...

     

    En 1942 et 1943, on inaugura à Marseille, sur la parvis de l'église des Réformés, en haut de La Canebière, la belle statue de Jeanne d'Arc, qui s'y trouve toujours. Naturellement, en sa qualité de président du Comité Jeanne d'Arc, le Commandant Dromard - assisté du jeune Pierre Chauvet qui devait lui succéder à sa mort, huit ans plus tard - prit toute sa part, qui fut importante, dans le mouvement qui conduisit à l'installation de cette statue : dans les deux compte-rendus de L'Action française qui rapportent l'évènement, le Commandant Dromard y est appelé "Inspecteur général de L'Action française" ! Bigre ! :

    • Documents pour servir à une Histoire de l'URP (50) : Dimanche 10 Mai 1942, Marseille : première inauguration de la statue de Jeanne d'Arc aux Réformés, en haut de La Canebière...(Acte 1)

    • Documents pour servir à une Histoire de l'URP (50) : Dimanche 9 Mai 1943, Marseille : deuxième inauguration de la statue de Jeanne d'Arc aux Réformés, en haut de La Canebière...(Acte 2)

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    En septembre 1934, le Commandant Dromard fit partie des quatre cents "heureux" qui accompagnèrent le Dauphin, futur Henri VI, lors de la croisière du Campana; avec Maurras, Pujo, Calzant, Lacour, Gaudy...; puis il accompagna Maurras pour le traditionnel banquet annuel de Martigues, et la non moins traditionnelle visite de Maurras à Manosque : toutes choses dont nous parlerons très bientôt, ici-même, et qui permettent, là-aussi, de glaner de précieux renseignements sur le Commandant Dromard, car L'Action française en parla, de cette croisière du Campana, durant tout le mois de septembre, surtout sous la plume alerte de Georges Gaudy, qui rapporte un grand nombre d'anecdotes savoureuses ou émouvantes, telle celle-ci (dans l'AF du 25 septembre 34) :

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    En octobre 1907 fut créé dans la cité phocéenne un groupe d’études, bientôt transformé en section d’Action française. Son président était Paul Vernet, sous-directeur de la compagnie de navigation Cyprien Fabre. En avril 1908, Aix vit naître à son tour une section présidée par Urvoy de Closmadeuc, breton devenu méridional par son mariage avec une de Foresta; à la même époque apparut la section d’Avignon avec l’avocat Joseph Amic et le commandant Barre.

    Le 5 mars 1909, tous les militants marseillais accueillirent la marquise de Mac Mahon. Un mois auparavant, le 25 janvier 1909, les Camelots du Roi avaient "chahuté" une représentation au théâtre du Gymnase : vingt-sept d’entre eux furent interpellés, dont l’un, l'étudiant Joseph Lambert, 24 ans, sera le premier responsable des Camelots du Roi...

    L’Action française participa à l’Union sacrée, pendant toute la Guerre : les sections, souvent formées d’hommes jeunes, vont payer un lourd tribut au conflit. Dès août 1914, deux membres notoires de la section marseillaise sont tués au sein du XVème Corps d’armée : le commandant Marnas dont le fils était l’un des animateurs du groupe des lycéens et le lieutenant de chasseurs alpins Emmanuel Court de Payen descendant d’une longue lignée de "savonniers du Roi".

    Rassemblement royaliste à Barbentane, le 29 mai 1927

     

    Ils sont bientôt suivis en septembre par deux autres héritiers de vieilles familles "blanches" : Pierre Abeille et Guy de Lombardon-Montezan. Au total, rien que dans la cité phocéenne 46 ligueurs vont être tués ou blessés soit un bon tiers de la section. Aix compte neuf morts parmi lesquels Jean de Monval, fils et petit-fils de membres du comité légitimiste, Pierre Jourdan fils de notaire qui, à peine sorti du collège catholique, avait contribué au lancement en 1911 de la revue Les Quatre Dauphins, et Lionel des Rieux, quadragénaire, descendant des « seigneurs d’Orange », poète et condisciple de Maurras, que Bainville appréciait tant; Bainville qui aimait à citer l'alexandrin de Lionel des Rieux, parlant de Mistral :

    "Sous un toit de Maillane, Homère vit encore..."

    À Maillane, patrie de l’ "Homère provençal", on dénombre quatorze morts sur quarante ligueurs, à Saint-Rémy treize sur cinquante…

    C'est dans ce contexte qu'eut lieu, après la Guerre, la ré-organisation du mouvement, et qu'intervint, en Provence, le Commandant Dromard...

    En avril 1920, Marcel Viel, avocat de 36 ans, seul survivant des orateurs nîmois d’avant-guerre, s’est inscrit au barreau de Marseille et devient vice-président de la section. Au même moment un autre Gardois, Jules Servent, se voit confier la reconstitution d’un groupe de Camelots et d’une équipe de Commissaires.

    Simultanément les femmes et les filles de ligueurs retrouvent des organisations plus anciennes où, au devoir traditionnel de charité, s’ajoutent des activités plus politiques : conférences et surtout rôle non négligeable dans la collecte des souscriptions et des abonnements. Les jeunes filles se reconstituent sous l’impulsion de Marguerite de Ribbe nommée déléguée régionale en 1919... 

    De 1922 à 1926, l’Action française continue sa progression : au mois de mars 1922, Jean-Austin Brunel, issu de la petite bourgeoisie catholique de Nîmes, se voit confirmer au poste de secrétaire de la "Dixième zone" zone, qui regroupe la Provence et les départements languedociens du Gard et de l’Hérault. Au congrès national qui a lieu dans la deuxième semaine de juin 1922, il passe en revue les sections et insiste sur le réveil du Comtat venaissin : "...La section de Cavaillon, réduite à 28 membres en 1919, a retrouvé le quorum (c’est-à-dire au moins 40 membres) sous la conduite de Charles Fraisse, commandant dans la réserve et confiseur dans le civil... Avignon reste un point fort avec 75 ligueurs et un groupe actif de camelots et étudiants confié à Henri Lavalade, jeune cheminot, et Xavier Larue, journaliste. En Vendée provençale, il signale "qu’Arles se reconstruit sous l’impulsion de maître Doutreleau et que Saint-Rémy atteint 50 ligueurs sous l’autorité respectée du marquis de Lagoy". À Maillane Frédéric Mistral neveu est très actif mais il est d’abord "régionaliste"...

    Jean-Austin Brunel salue aussi l’importance prise par la section de Nice, sous la direction de Georges Sauvan, propriétaire terrien, de l’avocat Prosper Capdevielle avec l’appui du comte d’Estienne d’Orves... Dans cette « terre de mission » qu’est encore le Var, la section de Toulon va naître en janvier 1923 sous l’impulsion de personnalités venues de l’extérieur : le rentier stéphanois Antoine Richard et le capitaine de frégate en retraite Félix Ollivier, originaire de Tournay (Charente) mais marié depuis 1898 à une Toulonnaise... Simultanément quelques ligueurs se regroupent à Draguignan, Brignoles et Hyères autour de trois propriétaires terriens : le baron de Rasque de Laval, le colonel des Portes de la Fosse et le comte de David-Beauregard.

    Vers la même époque Jean de Saporta, dont la famille a de fortes attaches à Aix et à Saint-Zacharie, non loin de Roquevaire, réussit à partir du château du Rousset qu’il possède près de Gréoux-les-Bains à "implanter quelques graines dans le sol rocailleux des Basses-Alpes". Dans cette phase d’expansion, les élections de mai 1924 marquées par la victoire du Cartel des gauches, après la belle Chambre Bleu-horizon, sont plutôt un facteur favorable dans la mesure où elles ne peuvent que décevoir tous ceux qui pensaient avoir trouvé en 1919 une "bonne République conservatrice"...

    Pour mieux faire entendre la voix du "salut national", la section phocéenne décide de lancer en octobre 1924 un bulletin mensuel intitulé l’Ordre marseillais, qui deviendra très vite L'Ordre Provençal. Nous avons évoqué (trop) rapidement cela dans notre livraison précédente :

    Documents pour servir à une Histoire de l'URP (52) : Marseille, 19 Novembre 1933, Grande réunion et Grand Banquet médical autour de Maurras et Georges Claude...

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    Deux liens à consulter, si le coeur vous en dit... :

    https://books.openedition.org/septentrion/39273?lang=fr

    https://books.openedition.org/psorbonne/69669?lang=fr

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