L’Action Francaise est-elle encore utile ? Interview de Francis Venciton, par Marie Liesse Chevalier.
Francis Venciton est le secrétaire général adjoint de l’Action française (AF) . A 29 ans , ce philosophe et journaliste aide à la vie du mouvement royaliste en soutenant les sections locales et en organisant le camp d’été qui a lieu à Roanne du 22 au 29 août. Il est militant depuis 6 ans .
L’EL : Qu’est ce que l’Action française et pourquoi t’es tu engagé dans ce mouvement précisément ?
L’Action Française est le plus vieux courant royaliste, mais c’est aussi une école de formation et un laboratoire des idées maurrassiennes . Trois grandes figures de pensée guident cette école : Maurras , Bainville et Daudet . Ils sont surnommés la trinité d’AF. Cependant, le royalisme d’Af, quelquefois qualifié de néo-royalisme, s’appuie sur une conception spécifique de la monarchie qui doit répondre au quadrilatère maurrassien.
Quatre principes nous tiennent à cœur pour définir la monarchie que nous souhaitons: l’hérédité, la tradition , la décentralisation et l’antiparlementarisme .
L’hérédité car elle permet d’éviter les guerres en permettant une continuité du pouvoir politique et donc une certaine stabilité. La tradition répond à ce même enjeux à condition de bien comprendre que toute tradition est critique. Un roi traditionnel est un roi qui s’appuie sur ce qu’il sait fonctionner, il est expérimentateur et non pas un roi incapable de changer la moindre chose. La décentralisation et l’antiparlementarisme correspondent à la remise en place de l’ordre politique, car nous désirons que les gens se sentent concernés et soient écoutés sur des sujets politiques légitimes. C’est d’ailleurs l’un des reproches que nous faisons à la république qui , sous couvert d’égalité , appelle le peuple à voter aux élections mais ne va pas leur demander leur avis pour construire un rond-point inutile qui va coûter 1 million d’euros aux contribuables locaux. C’est d’ailleurs une vraie question que d’essayer de comprendre l’obsession des élus français pour la construction des ronds-points ? Est-ce par habitude de nous faire tourner en rond ou une prescience géniale des Gilets Jaunes ? Allez savoir…
Quant à mon engagement au sein de l’AF ,ça a commencé un peu par hasard. J’ai commencé en politique en étant élu au conseil étudiant de la vie universitaire (CEVU) à Paris IV Sorbonne au sein du syndicat étudiant AGEPS qui était pudiquement de centre gauche… J’étais déjà royaliste avec, à l’époque, une certaine fougue anarchiste qui pourrait paraître coupable à certains Un de mes amis a été nommé chef de section à l’AF et m’a invité à venir découvrir l’Af que je ne connaissais que dans les livres. Une fois arrivé au mythique 10 Rue Croix des Petits Champs (NDLR : l’adresse du siège d’Af), il m’a immédiatement nommé son adjoint. J’étais surpris mais la camaraderie avant tout, ! Six ans après , j’avoue que je ne regrette toujours pas !
L’EL : La camaraderie semble donc être également un principe moteur de votre mouvement. L’Action française n’est-elle pas en simplement un regroupement de jeunes en quête de mythe et de camaraderie ?
L’Action Française compte 3000 adhérents avec une majorité de jeunes certes, mais avec une part substantielle d’anciens et de grands anciens. Je ne suis plus moi-même vraiment un jeune. Il y a une grande diversité dans chacun de ces profils , contrairement aux idées reçues. L’image que l’on se fait de l’Action française, soit un catholique nostalgique embourgeoisé cherchant un frisson militant, n’apparaît que dans des tribunes écrites par un chouineur qui prend Internet bien trop au sérieux.
Cependant, il est vrai que pour beaucoup de militants, le passage à l’AF constitue quelques années de jeunesse. Mais elles ne sont pas à négliger, car elles permettent tout de même d’acquérir une solide structure intellectuelle .
En fait à l’Af , le principe c’est un peu celui du Mcdo “ Venez comme vous êtes » . Je préfère que nous soyons ouverts à tous et donc que nous essayions de faire grandir chaque jeune, quel que soit son passé et son histoire que de sélectionner drastiquement des profils précis pour intégrer notre mouvement. Nous défendons le pays réel, pas une coterie de privilégiés qui se donnent des claques sur l’épaule en buvant des bières. Nous acceptons les français dans leurs diversités. Ma plus grande fierté c’est quand je vois des types un peu paumés qui arrivent en sapin de Noël avec des rangers et un bombers et qui , grâce à notre formation, sortent de la marginalité, développent des compétences et lisent des livres.
“La jeunesse actuelle est désespérée nous dit-on dans les médias, et alors ? Je pense que leur proposer un idéal ne peut que les aider, même si l’idéal d’un roi semble un peu lointain .”
L’important c’est que nous fassions du bien aux gens, que nous servions le bien commun (qui est d’ailleurs le nom du magazine d’AF).C’est un objectif qui peut paraître modeste pour une structure politique : nous ne promettons pas la fin du mâle blanc hétéro cisgenre ou la fin du mal, mais le bien commun est au cœur de notre action. Si nous ne servons pas les français, autant disparaître.
Plus encore, l’intérêt de l’AF aujourd’hui c’est de perpétuer les idées royalistes en France , de proposer une solide école de formation ( même Médiapart le reconnaît !) et de mener des actions concrètes pour attirer l’attention du peuple Français sur certaines questions précises. La manière dont quelques chefs d’entreprises ont vendu Latécoère est un scandale et l’Action française a été en première ligne pour dénoncer cette honte.
L’EL: Vous dites que l’idéal d’un roi semble lointain . Le retour du roi , vous y croyez?
En URSS , le Parti Communiste était persuadé que ce régime durerait au moins un siècle . Il est tombé en 2 ans . La Chute des régimes est très rapide et l’histoire l’a prouvé de nombreuses fois, y compris lors de la Révolution française . Il n’est pas impossible que cela arrive de nouveau. L’histoire n’est pas un processus figé.
Comment ? Où ? Quand ? On ne sait pas . Mais gardons à l’esprit que ce n’est pas inimaginable .
“Une étude récente prouve que 1⁄3 des Français sont favorables au retour d’un roi .”
Quant à savoir qui pourrait incarner ce roi , on fait une distinction entre un devoir de fidélité et notre envie personnelle .
Ce qui nous intéresse c’est le principe et la personne .“ Le Premier à Reims” dit un adage militant ! Tant que le projet du prétendant sert le Bien commun et donc l’intérêt du peuple , nous soutenons la personne . Le plus important c’est la réforme des institutions , même pas le retour du roi en soi Mettre un roi pour ne rien changer n’est pas une stratégie viable et ne répond pas à notre objectif de servir le bien commun. N’oublions pas que l’Action française est un mouvement Républicain à la base !
L’EL: Justement , pouvez-vous expliquer brièvement les origines de l’Action française ?
En gros , tout part de la Ligue de la Patrie française qui a un succès immense et des membres prestigieux, sauf qu’ils sont incapables de proposer des mesures de réformes concrètes et se contentent de rassembler les avis mécontents . L’Action française se crée en réaction à cet échec pour proposer une amélioration des réformes en vue du bien commun . Parmi les premiers rédacteurs se trouve Maurras qui est le seul royaliste . Il va convaincre les autres que pour être des nationalistes cohérents, il se doivent d’être royalistes . Nait ainsi ce qu’on appelle le “ nationalisme intégral”. Ce dernier terme est d’ailleurs à comprendre dans le sens de complet. Si on a résolu de défendre le cercle de la nation comme le cercle politique le plus important, . Il est synonyme d’amour et de défense de la nation en tant qu’entité politique et non pas d’un désir de guerre à tout crin contre tout le monde .
Nous avons choisi le terme de nation et non de terre des pères . Nous sommes attachés à la terre de nos ancêtres et désireux de perpétuer son héritage mais ne sommes pas fermés à ceux que de nouvelles personnes y soient accueillies si tant est qu’elles désirent servir le bien commun .
L’EL: Vous évoquez souvent cette notion du bien commun ; pouvez-vous nous la définir ?
Le bien Commun est synonyme d’intérêt national .C’est le développement d’un engagement au service de la France . Par exemple , l’AF a fait partie de l’union sacrée sur le principe de “la France d’abord ». Ramener le roi sur le trône c’est l’objectif ultime. Mais pour ce faire , nous ne sommes pas prêts à tous les sacrifices , c’est pourquoi on appelle nos militants à voter pour participer à la vie du pays et donc au bien commun . La défense de la monarchie n’est pas une excuse pour se désencombrer de l’engagement politique dans ce qu’il a de plus noble (et donc qui ne se limite pas aux élections).
L’EL: Quel est le rapport de votre mouvement avec la religion catholique ?
Le royalisme en tant que tel n’est pas forcément catholique, prenons l’exemple du Laos ou du Maroc. Cependant la France à une tradition catholique indéniable , en témoignent les nombreuses églises et les noms des rues . Le roi doit donc avoir le respect de la religion catholique , ce qui est un gage de stabilité et de tradition . Qu’il soit catholique et plus encore bon catholique, c’est même mieux encore. Mais on ne doit pas oublier que beaucoup de rois ont été excommuniés et que l’Église a parfois eu des prêtres qui outrepassaient leur fonction. Nous ne voulons pas que les curés fassent de la politique . Le royalisme d’AF n’a pas pour but de remettre le catholicisme au centre de la société : que nos évêques s’en chargent, nous nous occuperons du reste.
Plus fondamentalement, nous avons des militants catholiques , musulmans, juifs, voire zoroastriens … Cela ne pose pas de problème. Nous sommes un mouvement aconfessionnel.
L’EL: Pour conclure , quels sont vos modèles , personnellement ?
Tout d’abord, je citerai Jehanne d’Arc en tant que modèle et mystère. Pourquoi Dieu a-t-il envoyé une Sainte pour sauver la France ? Voilà qui dépasse l’entendement. Plus encore, quand on lit Jehanne, l’on s’aperçoit rapidement qu’elle est le feu et la jeunesse. Elle pique et frappe.
Ensuite, Rodolphe Crevelle, fondateur de l’anarcho-royalisme en France , pour son militantisme durable et ses qualités propres . J’ai accompagné cet homme qui est devenu pour moi un mentor
Enfin je dirai Babar en tant que modèle d’un souverain modéré au service du bien commun qui assume un nationalisme de paix. Babar, sous des airs enfantins, c’est une vraie philosophie politique.
Source : https://letudiantlibre.fr/