Denis Tillinac parle de la crise. La vraie...
Le titre de l'article est poétique : Du côté des étoiles. On se rend vite compte, en lisant ce Libre propos (1), qu'il est surtout profond, qu'il va loin, et qu'il est -tout simplement- très beau.
C'est la raison pour laquelle nous avons jugé utile de le mettre à la disposition de celles et ceux qui ne l'auraient pas lu.....
Du côté des étoiles.
Le débat enclanché par cette crise financière se polarise sur la vitupération du 'libéralisme" et l'exaltation d'un Etat présumé seul capable d'arraisonner les traders, raiders et autres adeptes de la folie spéculatrice.
Certes, il faut un Etat fort pour protéger les faibles. Il faut en outre que les gouvernants des pays majeurs se concertent afin d'imposer au système financier les régulations nécéssaires.
Mais, au-delà de ces évidences, le mal qui ronge l'Occident, décervelle les "juniors", déboussole les "seniors" et nous démoralise tous peu ou prou, ne se résume pas à, une carence du pouvoir étatique. Le mal, c'est ce culte de l'argent, cette apologie de la réussite matérielle qui étalent leur vulgarité à tous les étals, dans tous les kiosques, derrière tous les écrans. Le mal, c'est la dictature sournoise d'un modèle unique inoculé dans les subconscients de la jeunesse par des "élites" amorale set cyniques : en gros, la vie n'est qu'un casino, tâchez de faire du fric, le reste ne compte pas.
Les Grecs et les Romains proposaient deux modèles : le Héros et le Sage. Le Moyen-Age chrétien inscrivait dans les imaginaires la figure du saint et celle du preux. L'âge classique prônait l'idéal de l' "honnête homme". Le romantisme insufflait aux coeurs vaillants les vertus d'une insoumission, sans doute équivoque, mais noble dans son essence.
Rien de tel dans notre société, aucun autre message que l'incitation à "prendre son pieds", y compris au détriment de son prochain. Au fond, ces spéculateurs, dont on vitupère la fringale de profit à court terme, poussent dans ces retranchements la logique implicite d'un système qui stimule les pulsions prédatrices et tient les âmes pour non avenues. Regardez la pub, écoutez ces "people" qui tapissent les couvertures et défilent à la télé : ils puent le fric facile, le sexe facile; ils illustrent le slogan débile de Mai 68 "Jouir sans entraves".
Aucune société ne peut tenir la route si la vénalité -universelle- n'est équilibrée par une exigence qui oriente les regards du côté des étoiles. Aucune ne peut se dispenser de placer la barre morale plus haut que le nombril, ou la ceinture. Aucune ne peut instaurer un minimum de "bien commun" si le discours ambiant le réduit aux acquêts d'une addition de désirs quantifiables.
Bref, le débat entre "libéraux" et "dirigistes" n'a aucun intérêt. Le mal n'est pas, en soi, le capitalisme, toujours amendable. Ni la défection de l'Etat, toujours à même de se ressaisir. Le mal n'est même pas la spéculation, pratique ordinaire depuis la nuit des temps. Le mal occidental, c'est une focalisation sur l'économie qui laisse entendre à un ado paumé que la vie d'un mortel consiste à produire et à consommer, point final. A trouver le job le plus rémunérateur possible et à se ficher du reste. A tourner dans la bulle de son égo comme la guêpe dans un bocal. Avec un tel viatique, on comprend que le moindre soubresaut de l'économie puisse tourner à la panique.
Le mal, ce n'est pas l'argent, mais son absurde survalorisation, faute de mieux. Faute d'un idéal qui, spontanément, le remettrait à sa place, la dernière dans la hiérarchie des valeurs d'un homme de bon aloi.
(1) : paru dans Famille Chrétienne du 1° novembre, numéro 1607. Famille Chrétienne fêtera ses trente ans le dimanche 7 décembre : nous en reparlerons.....