D'accord avec... Denis Tillinac : Vive Don Quichotte !
(Dans Valeurs actuelles du 24 janvier)
Le succès de la manif pour tous prouve qu’il faut agir hors système, hors circuits balisés par la bigoterie branchée.
Une femme seule ou presque vient d’administrer une leçon d’audace, d’opiniâtreté et de savoir-faire à la classe politique : Frigide Barjot. Ce n’est pas son vrai nom, elle s’appelle Virginie Merle comme tout le monde mais à l’école de son mari, l’inénarrable Basile de Koch, elle a appris le maniement du paradoxe et le bon usage de la dérision. En rameutant à la diable quelques énergies éparses, cette papiste faussement déjantée et plus futée que dix énarques a conçu et mis en oeuvre la “manif pour tous” contre le mariage homo. Succès d’autant plus éclatant que la mesure incriminée ne vise pas les tirelires et ne contraint personne. En outre le froid qui sévissait a pu décourager des frileux, et le matraquage quasiment stalinien de la “bonne” presse a dû influencer quelques cervelles molles.
Aucun slogan partisan, confessionnel ou idéologique. Aucune acrimonie : des gens de tous les jours exprimaient par leur présence leur refus spontané du monde orwellien ou kafkaïen que préfigure la négation de l’altérité des genres. Honneur à Frigide Barjot et à sa bande ! Imaginons que l’UMP, par exemple, ait eu le courage d’organiser cette manif avec l’artillerie lourde dont disposent les grands partis. La mobilisation eût été dérisoire et les slogans eussent trahi des racolages politicards. Moralité : il faut soustraire la politique, au sens noble du terme, aux professionnels qui l’enlisent dans la gestion au ras des pâquerettes avec le concours de communicants cyniques, et pas malins de surcroît. Il faut agir hors système, hors partis, hors barnums électoraux, hors circuits balisés par les fondés de pouvoir de la bigoterie “branchée”.
Le lendemain de la manif, je devisais avec Philippe de Villiers. Au départ, un énarque impétueux et empanaché se taille un fief en Vendée, devient député, patron de son département, un peu ministre. Il fonde un parti à son enseigne… et se plante dans les grandes largeurs en se caricaturant. Le voilà réduit politiquement et médiatiquement aux acquêts d’une droite catho, chouanne et ronchonneuse, genre Barbey ou La Varende. Ce n’est pas la plus antipathique, loin de là, mais son quichottisme a ses limites. Échec inévitable : le villiérisme n’était pas jouable sur le terrain miné des politiciens. L’intéressé en a pris acte. Cependant le même Villiers a créé le Puy du Fou, et c’est un énorme succès. Or rien de plus politique que cette apologie imagée de l’âme de la France à tous ses âges, les glorieux, les fastueux, les tragiques, les burlesques. L’activisme de Villiers, mutatis mutandis, mérite la comparaison avec celui des “hussards noirs” de Ferry. Comme Frigide Barjot, il a oeuvré en marge des autoroutes partisanes, qui ne mènent nulle part et où l’on risque pire que l’ennui : le dégoût. D’autres peuvent les imiter, chacun à sa guise et selon son style, en adaptant la forme de l’action à l’objectif envisagé.
Une sensibilité alternative au nihilisme gaucho-bobo existe en France, qui ne se résume pas à la récusation au demeurant légitime de la surabondance de fonctionnaires et des abus de l’assistanat. Elle se laisse percevoir dans cette fraction de la jeunesse sensible aux anathèmes de feu Philippe Muray. Elle se cherche dans tels cénacles bernanosiens et autres où bouillonnent des dissidences prometteuses. Elle approuve le projet de loi relatif au génocide vendéen, biais pertinent pour imposer un vrai débat sur les lois “mémorielles”.
Mais justement, le débat n’aura lieu que s’il s’évade de l’Assemblée, où prévaudront toujours les convenances et les tabous de la doxa avec ses mots tricheurs, la “citoyenneté”, l’“humanisme”, les “valeurs républicaines”, et cetera. Avis à la jeune garde : faites de la politique, mais comme on fait l’amour, avec ferveur et dans l’intimité ! Faites de la vraie politique en zébrant d’éclairs le ciel des idées, présentement d’un gris de cendre froide ! Surtout, faites-la sans les politiques, ils ont ce vice de moucher les épées et de doucher les enthousiasmes !
Commentaires
BRAVO, tout est dit, d'ailleurs près des 3/4 des Français rejettent les partis politiques. Ceux qui ont voté HOLLANDE, ont eux aussi du mal à comprendre, ce qui est pourtant simple. C'est le pays réel et non le légal qui doit diriger, avec au sommet, le ROI.