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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1267

  • Caroline Galactéros : « Pourquoi la France ne (devait) pas s'associer aux frappes en Syrie »

    Croit-on le peuple syrien dans son ensemble à l'unisson des opinions occidentales ? 

     

    Une analyse de Caroline Galactéros

    Alors que la France vient de frapper la Syrie, en représailles aux attaques chimiques supposées, Caroline Galactéros plaide pour un sursaut d'indépendance nationale. Selon elle, la France ne doit pas s'aventurer dans une nouvelle coalition. Cette tribune brillante écrite avant que les frappes aient eu lieu [Figarovox, 11.04] apporte un éclairage dont le champ est vaste, très complet, comme toujours réaliste et solidement documenté. Le tout conduit avec un remarquable courage intellectuel. Sur un sujet où les intérêts de la France et de la paix sont évidemment engagés.  LFAR  

     

    2286962327.jpgLa messe semble dite et une atmosphère de veillée d'armes plane sur Paris, tandis que le jeune prince d'Arabie Saoudite quitte la capitale et que notre président est en étroit dialogue avec son homologue américain. La France pourrait, en coordination avec Washington, frapper de manière imminente les forces du régime syrien en représailles d'une nouvelle attaque chimique imputée de manière «très probable» mais en amont de toute enquête, aux forces de l'abominable tyran Assad soutenu par les non moins affreux régimes russe et iranien.

    Il faudrait agir vite, se montrer ferme, intraitable, juste ! Il s'agirait là d'un « devoir moral » ! On a bien entendu et lu. Le discours moralisateur sur la sauvegarde des civils innocents, pourtant inaudible après sept ans de guerre et de déstabilisation de la Syrie, est toujours le même. C'est là le comble du cynisme en relations internationales, que nous pratiquons pourtant sans états d'âme depuis des décennies. Pendant ce temps, la guerre silencieuse du Yémen continue. Ces civils-là n'existent pas, ne comptent pas.

    Mais certaines images de guerre et de civils otages d'une sauvagerie généralisée irritent plus que d'autres nos consciences lasses d'Européens déshabitués de la violence et gonflés d'une prétention à connaître, dire et faire le Bien. Soit.

    Mais agir contre qui ? Qui faut-il punir ? Le régime de « l'animal Assad », comme l'a appelé Trump ? L'Iran ? La Russie ? Vraiment ? Et si ce trio noir que l'on désigne exclusivement depuis des mois à la vindicte populaire internationale n'était qu'un leurre, proposé à notre indignation sélective pour ne pas réfléchir à nos propres incohérences ?

    Personne ne se demande pourquoi cette nouvelle attaque chimique arrive maintenant, au moment même où la Ghouta orientale repasse sous contrôle gouvernemental syrien et parachève sa reconquête territoriale, face à des groupuscules rebelles rivaux globalement en déroute et plus que jamais prêts à se vendre au plus offrant pour survivre et espérer compter ? Personne ne s'autorise à douter un instant, quand le ministre russe des affaires étrangères rapporte que les observateurs du Croissant rouge syrien envoyés sur place n'ont rien vu ressemblant à une attaque ? Serguei Lavrov ment-il carrément au Conseil de Sécurité des Nations unies ou bien faut-il penser que Moscou ne contrôle pas tout ce qui se fait au plan militaire sur le théâtre ? Ou que des éléments de l'armée syrienne elle-même agiraient en électrons libres ou auraient été « retournés » ? À qui profite le crime ? C'est cette vieille question, mais toujours pertinente, qui paraît désormais indécente.

    Quel serait pourtant l'intérêt de la Russie de laisser perpétrer une telle attaque, alors que, ne nous en déplaise, bien davantage que notre « Coalition internationale », elle cherche la paix, l'organise pragmatiquement, et est la seule depuis sept ans à engranger quelques résultats qui évidemment contreviennent à nos intérêts et à ceux de nos alliés régionaux ?

    On semble aussi avoir totalement oublié une donnée fondamentale du conflit : les malheureux civils de la Ghouta, comme ceux des ultimes portions du territoire syrien encore aux mains des « rebelles » djihadistes ou de Daech, sont des boucliers humains, peut-être même, en l'espèce, sacrifiés par ces mêmes apprentis démocrates suppôts d'al-Qaïda et consorts pour entraîner l'Occident dans une guerre ouverte avec Moscou et Téhéran.  

    Car si l'on quitte le microscope pour la longue-vue, il est permis de décrire à partir de cette dernière séquence syrienne un contexte stratégique global infiniment préoccupant pour l'Europe, et singulièrement pour la France, qui risque de prendre les avant-postes d'une guerre qui n'est pas la sienne, dont elle fera les frais et qui neutralisera durablement l'ambition présidentielle affirmée de prendre le leadership politique et moral de l'Union européenne. Nos amis allemands ou italiens sont d'ailleurs moins cynico-idéalistes, mais plus prosaïques que nous. Ils avancent prudemment, vont et viennent entre Beyrouth et Damas pour pousser leurs pions en cette phase douloureuse et recueilleront les fruits de notre marginalisation radicale quand la reconstruction syrienne arrivera.

    La ficelle est si grosse et la pelote si bien déroulée depuis des mois qu'on ne la voit plus en effet. On punit la Russie. On la punit d'être la Russie, déjà, et d'avoir réussi son retour sur la scène mondiale. On la punit de vouloir la paix en Syrie et de chercher à la mettre en musique politiquement à Astana ou à Sotchi. On la punit d'avoir sauvé Damas et son régime diabolisé du dépècement qu'on leur promettait et qui s'est fracassé sur la résilience populaire et gouvernementale syrienne et a déjoué partiellement au moins la confessionnalisation des affrontements politiques et sociaux que l'Occident encourage, sans en comprendre le danger insigne pour ses propres sociétés, et notamment en Europe.

    La guerre en Syrie a été gagnée militairement par l'armée gouvernementale. Militairement, mais pas politiquement. Cette victoire sur le terrain au prix d'une guerre brutale (comme toutes les guerres, même celles menées depuis les airs et qui n'ont de chirurgicales que le nom), nous est proprement insupportable car cela nous force à faire la paix, ce que nul ne veut mis à part… Moscou. Ah, Moscou ! L'impudent Vladimir Poutine trop bien réélu qui nous nargue avec sa coupe du monde, où des millions de gens vont découvrir un visage de la Russie qui ne les terrifiera pas.

    Et puis derrière Moscou, on vise évidemment Téhéran, dont Israël, en pleine idylle officielle avec le centre mondial du salafisme - l'Arabie saoudite - qui a toutefois opportunément décidé de faire peau neuve, ne peut tolérer l'émergence régionale, tant le niveau sociétal, culturel, technologique et commercial de ce pays lui fait de l'ombre bien au-delà de la seule crainte d'un (dés)équilibre stratégique modifié par sa nucléarisation ultime.

    Bref, nous sommes en train de tomber dans un vaste piège qui se joue sur plusieurs fronts, et de nous ruer, en croyant ainsi exister, sur le premier os qu'on nous jette. De ce point de vue, l'affaire Skripal pourrait bien n'avoir été que le hors-d'œuvre de la séquence actuelle. Elle a posé le premier étage d'une repolarisation politique et sécuritaire de l'Europe autour de Londres, et surtout sous la bannière de l'OTAN. Car c'est là l'ultime manœuvre : remettre au garde-à-vous les Européens qui, depuis l'arrivée de Donald Trump et le Brexit, s'étaient pris à rêver d'une autonomie européenne en matière de politique et de défense… Péril suprême pour le leadership américain sur le Vieux Continent, heureusement contrebalancé par les rodomontades de quelques nouveaux Européens qui refusent leur arasement identitaire et mettent à mal tout projet d'affranchissement sécuritaire collectif. Le Secrétaire américain à la défense, le général Mattis, a d'ailleurs été très clair : les Européens doivent en effet consacrer 2 % de leur PIB à la défense, mais pour acheter des armes américaines et demeurer dans l'orbite otanienne évidemment, l'Alliance constituant le cadre naturel et nécessaire de la défense de l'Europe. Fermez le ban !

    Nous sommes donc en train d'être clairement repris en main par l'OTAN, mais on ne s'en rend pas compte car on nous vend la nécessité d'une solidarité sans failles, donc manichéenne, face à une « offensive russe » pour diviser l'Europe (comme si nous n'étions pas assez grands pour nous diviser nous-mêmes) et dominer le Levant. C'était probablement l'objet de l'affaire Skripal comme de la présente montée au front sur la Syrie. La volte-face aujourd'hui même d'Angela Merkel sur le projet Northstream-2 ne fait qu'amplifier cette polarisation. Moscou est poussé à se crisper donc à s'isoler par tous les moyens. Par les sanctions, par les vrais faux empoisonnements d'espions en plein Londres et jusqu'à cette décision allemande qui ne peut que durcir la position russe en Syrie et assurer la montée des tensions, le Kremlin n'ayant plus d'autre alternative que de jouer le tracé Qatari qui passe par la Syrie… Redoutable manœuvre anglo-américaine donc, à laquelle Paris et Berlin semblent ne voir que du feu.

    Il faut donc s'y résoudre : l'Amérique d'Obama a vécu. Celle de Trump et de ceux - néoconservateurs de toutes obédiences - qui l'environnent très fermement désormais, a radicalement changé de posture. Certes le président américain annonce son souhait de quitter la Syrie, mais il avoue pouvoir changer d'avis si l'Arabie saoudite payait le coût de cette présence ! On ne peut être plus clair et c'était aussi tout le sens de son premier voyage à Riyad au printemps dernier: réassurer l'allié du Quincy (dont le Pacte éponyme était rendu caduc par la nouvelle indépendance énergétique américaine) contre 400 milliards de dollars de contrats pour l'économie américaine. Et puis, tandis qu'il déclare au grand dam de ses généraux et pour tromper son monde qu'il veut partir, il se consolide une vaste zone d'influence américaine à l'est de l'Euphrate avec les FDS arabo-kurdes.

    Washington, dans le vaste mouvement de repolarisation du monde, entend en tout état de cause demeurer le môle principal d'arrimage d'un Occident qui doute face à une Chine qui structure à son rythme et via un affrontement de basse intensité mais tous azimuts, un véritable « contre-monde ». L'Amérique, fébrile, joue son va-tout pour renverser la vapeur d'un ordre international qu'elle ne contrôle plus mais qu'elle veut encore dominer coûte que coûte. Elle veut l'affrontement pour réinstaller sa préséance face à Moscou, Téhéran et Pékin, cible ultime de l'intimidation. C'est là pourtant un combat profondément à contresens de l'évolution du monde. Affligés du syndrome postmoderne de la vue basse et celui de l'hybris technologique, nous oublions que la vie est longue.

    Au-delà, cette affaire, comme d'innombrables autres, met en évidence une évolution dangereuse : la substitution à la réalité non d'une image déformée, mais carrément d'une autre réalité et le retour de la tentation de la guerre préventive préemptive, qui évite d'enquêter. La question est vraiment très grave pour l'essence même de la politique internationale. Préfère-t-on l'image au réel, les fake news à l'analyse, le sensationnalisme à la rigueur ?

    Alors que voulons-nous ? Ce sera bientôt clair : si nous voulons sauver la Syrie, il nous faut surtout ne pas nous joindre à une coalition qui agira hors de tout mandat de l'ONU et qui portera le poids d'une guerre dont le peuple syrien est la dernière roue du carrosse et sera la victime immédiate. La grande question est donc : mais que vient faire Paris dans cette galère ? On se trompe comme souvent d'ennemi, d'allié, de posture, de tout en somme. Et si l'on essayait l'audace, le courage et la singularité ? Notre siège au Conseil de Sécurité, que guigne l'Allemagne de plus en plus ouvertement, en serait relégitimé. Nous posons-nous seulement la question de notre intérêt national (qui ne se réduit pas à des contrats d'armement) et des raisons pour lesquelles on nous sert ainsi l'injonction d'un alignement sur le thème du Bien contre le Mal et de la guerre préventive ?

    La France est désormais, en Syrie comme ailleurs, au pied du mur. Elle a l'occasion inespérée de faire valoir une approche prudente et rigoureuse, une voix pour la paix, une singularité. Nous avons déjà une influence au plus bas dans la région. Si nous voulons compter de nouveau, nous devons regarder la réalité dans les yeux et admettre que « nous avons eu tout faux » depuis 2011. Il n'est jamais trop tard et notre président peut encore choisir de compter véritablement au regard de l'Histoire et dans le cœur des peuples

    Une guerre contre l'Iran et la Russie n'est pas la nôtre. Elle ne correspond nullement aux intérêts stratégiques français, ni à ceux de l'Europe. Nous avons déjà si naïvement collé aux Britanniques qui veulent quitter l'Union, sans preuve et par principe, dans l'affaire Skripal. Pourquoi cette fuite en avant ?

    Dans ce nouveau grand jeu, la France a encore l'opportunité inespérée de compter plus que son poids démographique ou même économique ne le lui permet, en affirmant une singularité et une cohérence. Plus que jamais le réalisme, aux antipodes du cynisme, doit être le bouclier et la lance de notre nouvelle posture internationale. Il nous rapproche non d'une justice abstraite mais de l'équité et de la clairvoyance. La France n'a pas le droit et aucun intérêt à être malhonnête dans son interprétation des faits. Elle a tout à gagner à la lucidité et elle doit d'urgence montrer au monde comme aux peuples et pouvoirs du Moyen-Orient qu'on ne l'égare ni ne la soumet si facilement.  

    Docteur en science politique et colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées, Caroline Galactéros est présidente du think tank Geopragma. Auteur du blog Bouger Les Lignes, elle a notamment publié Guerre, Technologie et société (éd. Nuvis, 2014).

  • « Regards sur Maurras », un ouvrage à lire qui vient de paraître

     

    lettre communication Maurras.jpgLe 20 avril prochain, des hommages seront rendus un peu partout en France à Charles Maurras à l’occasion du 150e anniversaire de sa naissance. Pour cette occasion, les Editions Apopsix se sont attelées à la rédaction d’un ouvrage collectif rendant à sa manière, l’hommage qui est dû au grand Français que fut Maurras.

    Ce livre réunit autour d’un même sujet des contributions rédigées par des auteurs de renom :

    Anne Brassié « Cassandre avait raison »

     Axel Tisserand « Maurras et la Famille de France : une fidélité intégrale et critique »

      Jean-­‐Bernard Cahours d’Aspry « Charles Maurras et le Félibrige »

     Michel Fromentoux « Charles Maurras, grand français, grand provençal »

     Christian Vanneste « De Gaulle et Maurras ou le rendez-­‐vous manqué » 

     Hilaire de Crémiers « Maurras toujours vivant »

     Maxence Hecquard « La cécité de l’aigle »

     Philippe Prévost « La condamnation de l’Action française »

     Philippe Champion « Du Félibrige au nationalisme intégral »

      Paul-­‐Marie Couteaux « Les deux Charles »

     Frère Thierry « Maurras, un beau défenseur de la foi »  

     

    lettre communication Maurras.jpgRegards sur Maurras300 pages, 18 illustrations dont certaines inédites Prix : 20 €
    Date de sortie nationale : le 16 avril 2018
    Maison d’édition : Editions Apopsix, Editeur : Marc-­‐Laurent Turpin, Directeur général : Denys Pluvinage, Directeur de collection : Frère Thierry

  • Frappes en Syrie ... Et après ?

     

    2293089609.14.jpgNous avons dit le plus clairement possible pourquoi, selon nous, la France devait se tenir scrupuleusement à l'écart de l'interventionnisme conduit par les Etats-Unis en Syrie.

    L'une des motivations des Américains dans cette affaire est évidemment leur rivalité avec les Russes qui ont joué en Syrie le rôle essentiel que l'on sait, tant dans la lutte contre Daech, que pour conforter, faute d'un autre, l'Etat syrien en place. Une autre motivation américaine est sans-doute le soutien d'Israël face à la menace réelle ou fantasmée de l'Iran. Ni l'une ni l'autre de ces deux causes ne mettent en jeu les intérêts de la France. Les motivations humanitaires ne nous paraissent pas davantage recevables tant il y aurait de régions du monde qui justifieraient notre intervention, en admettant que nous ayons la vocation, le droit et les moyens de telles missions. Enfin, le suivisme français de toutes les formes d'injonctions et de pressions américaines nous apparaît comme une inadmissible abdication de notre indépendance, ce qui est d'ailleurs devenu, depuis longtemps, une habitude, presque, comme on le sait bien, une seconde nature.   

    Nonobstant ces diverses considérations de bon sens relevant du seul point de vue de l'intérêt français, la France est donc intervenue en Syrie comme il était probable qu'elle le ferait ; elle a participé, fût-ce modestement, aux frappes voulues et orchestrées par les états-majors américains ; elle a ainsi pris sa part à l'actuelle aggravation de la tension internationale et cela aussi nous paraît grave. Cela nous paraît conforter les perspectives d'un avenir mondial lourd de menaces, dont il conviendrait de garder la France plutôt que de l'y plonger.

    Nous avons pris le parti, après son élection, de juger Emmanuel Macron sur ses actes plutôt que sur son discours.  En l'occurrence, aucun doute selon nous : il y a faute.

    L'article qui suit d'Antoine de Lacoste - dont les chroniques syriennes nous permettent de suivre régulièrement, et surtout de comprendre, l'évolution de la situation proche-orientale - a été écrit avant les frappes occidentales de la nuit de vendredi à samedi. Il en décrit savamment le contexte et risque cette prévision : « 48 Tomawaks lancés un peu nulle part ne suffiront pas à calmer les ardeurs guerrières des faucons de Washington, Londres et Paris ». 

    Lafautearousseau publiera demain deux autres articles consacrés au dossier syrien. La gravité des événements en cours n'est pas à souligner.  

  • Attaque chimique en Syrie : la grande manipulation

    Les casques blancs, des militants islamistes

     

    Par Antoine de Lacoste

     

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    Cette fois ça y est : Bachar a franchi la ligne rouge ! Il a bien choisi son moment : l’armée syrienne a repris 95% de la Ghouta, le dernier carré islamiste contrôle 1,5 km2 et l’assaut final commençait sur Douma. L’issue était certaine, surtout avec l’appui de l’aviation russe.

    Et c’est maintenant qu’il déclenche son attaque chimique…Drôle d’idée !

    Revenons aux faits : les lanceurs d’alerte sont les casques blancs. Qui sont-ils ? Des islamistes, combattants ou non selon les cas, qui jouent le rôle d’une sorte de défense civile. Ce sont des militants soigneusement sélectionnés : ne devient pas casque blanc qui veut en zone djihadiste.

    Les services sanitaires prennent le relais et confirment sur internet l’attaque chimique. Qui sont-ils ? De vrais médecins certes, mais islamistes également. Ils ont choisi le camp djihadiste depuis le début de la guerre, dans cette Ghouta sunnite largement acquise aux milices combattantes.

    Puis ce sont les photos et les vidéos : impossible de savoir d’où elles viennent. Le Figaro, en pointe sur le sujet, nous montre une photo d’une fillette qui pleure et d’un petit garçon affublé d’un masque à oxygène. Voilà une preuve ! Et l’ineffable Isabelle Lasserre (la même qui soutenait les islamistes Tchétchènes contre les Russes), écrit : « Selon les organisations humanitaires, le nouveau massacre de la Douma, le dernier bastion rebelle dans la Ghouta orientale aurait fait 48 morts. Sur les réseaux sociaux, les photos des enfants en train de suffoquer sont insoutenables. »

    La messe est dite et l’on appréciera au passage le style de cette journaliste militante : « les organisations humanitaires » (nullement islamistes bien sûr), « le bastion rebelle » (rebelle est plus chic qu’islamiste), « les réseaux sociaux », le conditionnel. Le Figaro, Le Monde et Libé devraient faire page commune sur la Syrie.

    Immédiatement, les occidentaux voient rouges. Rien n’est sûr pourtant ? Mais si : c’est forcément Bachar, cet « animal » comme dit Trump qui n’en rate pas une.

    Les occidentaux sont de toute façon prisonniers de leur rhétorique manichéenne depuis 7 ans. A force de répéter que Bachar est un monstre « qui massacre son propre peuple », aucun recul, aucune analyse un tant soit peu objective, ne sont maintenant possibles.

    Alors que vont-ils faire ? Maintenant qu’ils ont désigné le coupable sans aucune preuve, il faut agir, sinon que diront les médias et la police de la pensée ? Edwy Plenel et BHL vont s’indigner !

    Et puis cette fois 48 Tomawaks lancés un peu nulle part ne suffiront pas à calmer les ardeurs guerrières des faucons de Washington, Londres et Paris.

    Heureusement qu’il y a des Russes sur place, sinon Damas pourrait finir comme Bagdad. 

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde.

  • Maurras en son mystère

     

    Par Hilaire de Crémiers

    2293089609.14.jpgCet article comme les précédents en lien ci-dessous sont préparatoires à notre colloque Charles Maurras, l'homme de la politique, qui se tiendra à Marseille samedi 21 avril [voir plus loin].   LFAR

     

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    Serait-il possible un jour de comprendre Maurras à sa vraie lumière ? Cette lumière dont il a dit, dès 1894, qu’il lui avait confié ses mystères, à vrai dire, son mystère. 

    Comment le comprendre ? S’intéresser à l’homme et à son œuvre seulement en passant ne suffit pas. Aujourd’hui, d’ailleurs, il en est fort peu qui peuvent prétendre en avoir une connaissance certaine. Qui, en vérité ?

    Une démonstration claire

    Et pourtant, l’œuvre est là, considérable, de même que parle, au-delà de la mort, la vie de l’homme, d’une intégrité exemplaire, totalement donnée et « sans retour », comme il le dira lui-même, au combat d’intelligence politique qu’il a mené plus de cinquante ans durant pour son pays, pour la seule France.

    Que voulait-il ? Persuader les Français du caractère néfaste des institutions dont ils étaient censés s’être dotés en libres citoyens pour, paraît-il, l’édification des peuples et l’admiration éternelle des siècles, à la suite d’une mirifique révolution qui aurait changé tous les paradigmes politiques. Voilà ce qu’il a contesté de manière continue et invariable. Il a poursuivi sans se lasser sa démonstration qu’il réitérait chaque jour dans une actualité aussi rigoureuse que parfaitement didactique et qui venait renforcer son appareil de preuves par autant d’évènements nouveaux. Son argumentaire était simple, direct, quoiqu’abondamment fourni de vues tant philosophiques et littéraires que politiques, historiques et sociales.

    L’établissement d’une République au nom de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité, d’ailleurs toujours à reconstruire dans son idéal supposé parce que constamment déconstruite en raison de son inadaptation aux faits et aux nécessités du moment, relève, selon sa claire logique, d’un marché de dupes. Le pouvoir suprême, autrefois réservé et garanti par une institution permanente, historique, nationale et naturelle – ce qui n’empêchait pas les faiblesses et les désordres, mais ne les rendait pas inéluctables – est devenu, depuis, un lieu de conflits perpétuels aussi bien d’ambitions que d’idéologies dont les méfaits se répercutent à tous les autres niveaux de pouvoir et polluent la représentation du corps social. Il ne s’agit plus, partout, et à tous les degrés, que d’un pouvoir à prendre, à garder et, enfin pour tout dire, constamment à conquérir et reconquérir. Ce qui était et est encore présenté aujourd’hui comme une œuvre de libération n’a jamais été concrètement, au-delà des recompositions imaginatives en récits lyriques, qu’une lutte malsaine et souvent sordide pour le pouvoir. Toujours au détriment du peuple, malgré le discours officiel. Depuis la Constituante, les Français sont entrés dans cette lutte continuelle et institutionnalisée des partis dont ils n’échappent que par le césarisme ou par ce qui en tient lieu, la constitution d’un amas d’institutions bureaucratiques qui encadrent le citoyen de sa naissance à sa mort. Les libertés réelles, naturelles, familiales, régionales, professionnelles, éducatives, sociales ont toutes été confisquées au profit d’un État ou d’un para-État omnipotent et, en vérité, impotent. Cependant que ce même État qui s’occupe de former et de façonner l’électeur, remplit mal les hautes fonctions dont il devrait avoir en priorité la charge : la justice, l’ordre intérieur et la sécurité, la défense, la diplomatie.

    Plus qu’une raison, une sagesse

    Voilà ce que Maurras montre et démontre depuis son Enquête sur la monarchie en 1900, à l’orée du XXe siècle, jusqu’aux années 1950. Qui pourrait nier que cette dialectique reste vraie et plus que jamais d’une puissante actualité ? Le problème politique français est posé dans ses justes termes. Il convient de noter que Maurras se bat, d’abord, pour la liberté ; il préférait dire les libertés, lui le martégal, le provençal qui aurait tant voulu donner tout son essor au mouvement mistralien. L’autorité dans son esprit est la garantie effective des libertés ; elle n’a de sens que par rapport au bien commun ; l’État est le premier serviteur de la société. Bref, c’est exactement le contraire du mauvais portrait que ses adversaires – de toutes catégories – ont dressé de lui. Son nationalisme qui lui est tant reproché, ne se justifie que par le défaut de l’État qui ne remplit plus son devoir national.

    Avant guerre, il annonce la guerre qui vient, et dénonce l’impéritie d’un État républicain sans constance, livré à la démagogie, qui ne prépare pas la France à l’épreuve du feu. Après guerre, il dénonce le mauvais traité et voit se profiler une nouvelle guerre plus catastrophique encore… Des articles par milliers, des livres par centaines qui souvent reprennent les articles, le tout d’une pertinence toujours exacte et précise au point qu’elle exaspérait ses adversaires ; et dans le même temps, un combat intellectuel d’une étonnante vivacité contre les idées fausses qui détournent les esprits de l’appréhension des simples vérités politiques dont la France a un criant besoin ; car tel est son but, libérer les intelligences du carcan des idées toutes faites qui servent d’armature au régime. De L’Avenir de l’Intelligence au Dilemme de Marc Sangnier, du Voyage d’Athènes aux Amants de Venise, jusqu’aux mémoriaux de l’entre-deux guerres et de l’après-guerre, Au signe de Flore, Pour un jeune Français, c’est toujours dans ce même registre d’une limpide clarté et d’une haute tenue qu’il tente d’établir une sorte de doctrine de salut, face au triomphe « du Pire et des pires ».

    Plus qu’une sagesse, un mystère

    Parcourir cette œuvre en vérité, en comprendre le sens et la portée ne peut que susciter une profonde admiration. Et le mystère, dira-t-on ? Il réside dans le secret de cet homme qui est venu comme pour remplir une mission dans laquelle il s’est volontairement limité et comme enfermé, et qui laisse naturellement et surnaturellement un sentiment d’incomplétude et d’espérance déçue. De telle sorte que beaucoup l’en ont critiqué et certains se sont évertués à y ajouter leur synthèse ou leur correction. Ne fallait-il pas sortir de l’échec répété ? Puisque malgré le prestige de l’homme et le rayonnement de l’œuvre, une sorte de fatalité les a condamnés à ne pas réussir. À jamais ? C’est une grave question à laquelle l’homme a répondu, mais à sa manière. Étonnante, mystérieuse !

    fouque005.jpgC’est qu’un autre Maurras – autre et pourtant le même – apparaît et apparaîtra de plus en plus au fur et à mesure qu’il sera étudié et compris. En effet, à côté de son registre clair, Maurras a tenu, par ailleurs et simultanément, en registre caché, à proprement parler crypté, une « fabuleuse » partition – car il s’agit de fables – où le mystère de sa vie et de son œuvre se trouve recelé. Le commencement en fut écrit dès 1892 ; il dira dès 1889 – pour le centenaire de la révolution française – ; alors, il s’ingénie à écrire et publier des contes allégoriques, rassemblés en un premier livre Le Chemin de Paradis, dont la forme symbolique d’allure païenne répondait au christianisme dévoyé au nom duquel une certaine cléricature et tout un courant pseudo-spirituel prétendaient, à l’époque, animer la démocratie en invoquant l’esprit des évangiles, à la suite de ce qu’on appelle le ralliement à la République, ordonné par Léon XIII ; et dans ces contes dits païens, ces mythes, ces fabliaux, Maurras révéla en quelque sorte à l’avance le sort d’une telle politique et les conséquences désastreuses qu’elle entraînera pour la France et pour l’Église. Mais qui pouvait comprendre ? Il s’arrangeait même pour qu’on ne le comprît pas. Il y mit tout son art.

    Cependant, c’était bien la France catholique qu’il voulait convaincre ; c’est elle, la belle Dame de ses contes et de ses poèmes, celle qui a tout pour comprendre et qui ne comprend pas, à cause de ses mauvais conseillers qui prennent des allures doucereuses pour la leurrer et aussi parce qu’elle est mal mariée par l’État et par l’Église à un goujat qui la pille et qui la trompe, comme il est écrit dans Le Mont de Saturne.

    Alors quoi ? Il ne serait donc plus possible d’aller à Reims « en nom Dieu », au motif que ce serait interdit ? Eh bien, dira Maurras, qu’on y aille en nom « nature » et en nom « histoire » ! Autrement dit, s’il est interdit de faire le Roi en invoquant le Sacré-Cœur, faisons-le en invoquant Comte, Renan, Taine… Pourquoi pas ? Tel est le sens de ce petit conte de La Bonne Mort, publié en 1893 et republié, comme par hasard, en 1926…

    Les poèmes de Maurras, cryptés de la même façon, expriment, eux aussi, ce lancinant débat qu’il est obligé de mener avec la France bien-aimée, ses morts et ses vivants, cette France qui est faite pour réaliser le mystère de « l’intellection dans l’amour » et qui, à cause des sophismes funestes et fumeux que des perfides ont jeté sur sa vision du monde et d’elle-même, se refuse à la lumière qui lui ouvrirait le salut, le vrai Chemin de Paradis.

    « Je crois à la bonté des ombres éternelles.

    Là, les silencieux persuadent un jour

    Et, cendres du flambeau de tant d’heures fidèles,

    Dans le lit du regret font couronner l’amour. »

    Trop tard ?    

    Hilaire de Crémiers

     

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  • Histoire • En marge de l'affaire Maurras : Où Georges Pompidou voulait en finir avec le temps où les Français ne s'aimaient pas

     

    2293089609.14.jpgAu spectacle des manifestations de sectarisme paroxystique et de faiblesse de l'Etat qui ont abouti à l'exclusion de Charles Maurras des commémorations nationales 2018 - cent-cinquantième anniversaire de sa naissance - il nous était revenu à la mémoire les propos nobles, profonds et d'une particulière conviction, du président Pompidou, exprimant avec force sa volonté que l'on en finisse - après trente ans d'épreuves et de divisions -  avec le temps où les Français ne s'aimaient pas. On sait qu'utilisant cette expression, Georges Pompidou reprenait simplement le titre d'un ouvrage célèbre de Charles Maurras...   

    Mais le ton du président de la République d'alors, solennel et ferme, d'où se dégagent une réelle hauteur de vue et, en la circonstance, un patriotisme évident, s'apprécie d'autant plus qu'on l'écoute et qu'on le voit. Raison pour laquelle nous invitons nos lecteurs à regarder la vidéo qui suit. 

    Nous y ajoutons, au-dessous, ce que nous en avons dit.    

     

     

    « Le président Pompidou fit une sage et bonne action lorsque, répondant aux critiques de ceux qui lui reprochaient la grâce qu'il avait accordée à l'ex-milicien Paul Touvier, il déclara ceci qui devrait servir de charte aux Français d’aujourd’hui : « Notre pays depuis un peu plus de 30 ans a été de drame national en drame national. Ce fut la guerre, la défaite et ses humiliations, l'Occupation et ses horreurs, la Libération, par contre-coup l'épuration, et ses excès, reconnaissons-le. Et puis la guerre d'Indochine. Et puis l'affreux conflit d'Algérie et ses horreurs, des deux côtés, et l'exode de millions de Français chassés de leurs foyers, et du coup l'OAS, et ses attentats et ses violences et par contre-coup la répression …  Alors je me sens en droit de dire : allons-nous éternellement maintenir saignantes les plaies de nos désaccords nationaux ? Le moment n'est-t-il pas venu de jeter le voile, d'oublier ces temps où les Français ne s’aimaient pas, s'entre-déchiraient et même s'entre-tuaient ? » 

    Conférence de presse du 21 septembre 1972.

     

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Nouvelle « affaire Maurras » : Pour en finir avec le temps où les Français ne s'aimaient pas ...

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  • Histoire & Actualité • Le mensonge est présent à chaque étape de l'histoire des Etats-Unis d'Amérique

    6 mars 1836 : l'invention de l'agression mexicaine contre David Crockett à Fort Alamo

     

    1417414836 - Copie.jpgL'article de notre rubrique en deux mots publié hier : « Frappes en Syrie ? Il est urgent que la France se tienne scrupuleusement à l'écart de ces manœuvres oiseuses » a suscité différents rappels historiques d'Antiquus dont, dans un autre commentaire, Richard a trouvé comme nous qu'ils étaient faits « bien à propos ». On les lira avec intérêt.  LFAR 

     

    Le commentaire d'Antiquus 

    Les Etats Unis d'Amérique ont un besoin permanent de mensonge. Le « story telling » leur est indispensable, tout simplement parce qu'ils ne peuvent pas se mobiliser sans avoir conditionné leur opinion publique. Et cette nécessité de forgerie est présente à chaque étape de leur histoire.

    Ainsi l'invention de l'agression mexicaine contre David Crockett à Fort Alamo, l'invention de la canonnade du « Maine » par les Espagnols, ou encore la sinistre manipulation avec le torpillage du Lusitania, qui transportait au moment de l'attaque 5 248 caisses d'obus, 4 927 boîtes de 1 000 cartouches chacune et 2 000 caisses de munitions. Dans cette affaire, la Royal Navy était complice, puisqu'elle ordonna au destroyer chargé d'escorter le navire de revenir au port. Le but étant de soulever l'opinion américaine car la grande majorité des passagers était américaine.

    De même l'attaque contre l'Irak avec les armes de destruction massive et les faux bébés massacrés par Saddam. Toute l'Histoire des USA n'est que mensonge... et oubli car le peuple américain n'a pas de mémoire.

    Cela dit, rappelons que, parmi les chefs d'Etats réunis dans le cadre de l'OTAN, Mitterrand fut le seul à pointer du doigt les contre-vérités préparées par les services américains, avec une apostrophe ironique, du style « vous n'avez pas besoin de nous conditionner par des salades invraisemblables pour que nous acceptions votre politique ». Il semble que M. Macron n'ait pas cette lucidité gouailleuse. Tant pis. 

    Frappes en Syrie ? Il est urgent que la France se tienne scrupuleusement à l'écart de ces manœuvres oiseuses

  • Livres • « L’Essence de la modernité »

    Allégorie de la Révolution Française avec la déclaration des droits de l'homme de 1789

     

    Présentation de L’Essence de la modernité de Rémi Hugues

    9782414171002.jpgEn affirmant qu’ « un agnosticisme rigoureux à l’égard de l’idée de modernité est peut-être impraticable », Paul Ricœur, devenu quelques années après sa mort une figure intellectuelle éminente de la République macronienne, admet dans son essai La Mémoire, l’histoire, l’oubli que l’âge moderne ne correspond pas à un déclin du religieux proprement dit, mais plutôt à la transformation radicale de la manière d’appréhender la religion.

    Ne serait-il pas plus juste de considérer que la modernité a inauguré une époque nouvelle de flottement religieux et d’espérance en un âge d’or terrestre ? La modernité serait à cet égard une phase transitoire conduisant vers un futur que l’homme nouveau issu de la révolution de 1789 juge fort désirable. Cet ouvrage dévoile les coulisses de cet âge où l’humanité s’est mise à croire en une utopie qui avait fait peau neuve.

    Recension 

    par Claude Timmerman 

    3fb12cc68337ec07513eb72b52d5c471.jpgVoilà un essai dérangeant pour la « rien-pensance » qui régit aujourd’hui tant le « politiquement correct » que le « médiatiquement formaté », les deux piliers du nouveau façonnage sociétal qui incarnent précisément, dans ce qu’elle a de visible, « la modernité ».

    Pour l’auteur, « restreindre la définition de la modernité à une attitude donnée, indépendante de toute temporalité, est un écueil à éviter lorsque l’on poursuit cette quête consistant à l’identification de son essence au sens socratique… »

    « La modernité n’est pas seulement un état d’esprit plus favorable au futur qu’au passé. Elle s’inscrit dans le temps, et secondairement dans l’espace. Ce volume a pour objet de préciser cet espace-temps, il ambitionne, on l’a dit, d’extraire l’essence de ce mot tant usité par nos contemporains. »

    Être « moderne » – le maître mot de Lionel Jospin, qui le mettait médiatiquement à toutes les sauces pour justifier ses décisions – n’est pas en fait une attitude nouvelle, spontanée, générée par un certain enthousiasme générationnel, c’est paradoxalement adhérer à un mode de pensée et d’action qui résulte d’un cheminement intellectuel précis débouchant sur un nouveau schéma sociétal où l’immédiateté reste, par nature, gage d’obsolescence.

    C’est précisément à l’analyse de ce cheminement, à la découverte de ses origines, à l’exposé de ses racines historiques, ethniques et religieuses et à l’élaboration de ses synthèses idéologiques, que nous convie l’auteur.

    Une analyse qui invite le lecteur à reconsidérer – à la lumière d’éléments judicieusement choisis et intentionnellement mis en regard – une image convenue et banalisée de la modernité où se conjuguent amélioration du confort, libertés individuelles exaltées jusqu’à la permissivité, mondialisme et démocratie…

    Un voyage dans le monde des idées qui nous transporte à travers tout le monde occidental depuis ses racines bibliques d’un judaïsme mythifié, débouchant sur le christianisme ciment de la royauté, jusqu’aux constructions messianiques du sabbataïsme et du frankisme qui influèrent directement sur les théoriciens révolutionnaires, maçons, républicains, puis marxistes ; ceux qui présideront à l’instauration de la laïcité devenue une dogmatique omniprésente dans notre idéologie politique moderne, gage de « rationalité ».

    Et Paul Ricœur s’interroge : « un agnosticisme rigoureux à l’égard de l’idée de modernité est peut-être impraticable. »

    L’auteur appuie sa démonstration sur une riche illustration bibliographique, qui s’avèrera d’autant plus dérangeante pour la bien-pensance normative actuelle qu’elle en appelle bien souvent à des « monstres sacrés » consacrés au XXe siècle comme Freud ou Marx, voire Levinas pour ne signaler que ceux-là…

    Une analyse sans concessions qui n’hésite pas à s’attaquer courageusement aux mythes fondateurs de notre épopée civilisationnelle (tel le refus de l’existence de Moïse en tant que personne physique) pour relier à nos racines religieuses les plus anciennes les excès actuels d’un fondamentalisme régénéré en réaction au nom de la mystique, politique, de la modernité.

    Certains lecteurs, peu avertis de ces questions ou déjà trop sûrs des vertus dites démocratiques, seront sceptiques à l’idée de supposer que le terrorisme islamique soit finalement favorisé par l’Atlantisme et s’avère objectivement le meilleur auxiliaire d’Israël, comme d’autres hésiteront à admettre que la révolution ukrainienne ait pu être financée par des intérêts sionistes, notamment par Soros instigateur par ailleurs de la création des femen…

    Un exemple parmi d’autres pour nous faire interroger sur les origines du féminisme, l’un des derniers avatars sociétaux de la modernité…

    Nous ne suivrons pas forcément l’auteur dans l’idée que les pyramides d’Egypte aient « survécu au déluge », ni dans l’hypothèse que le gauchisme islamique est une création iranienne émergeant sur la scène politique à travers la personnalité de l’ayatollah Khomeiny, mais force est de constater que les idéologies violentes - qui s’épanouissent aujourd’hui dans l’islam salafo-wahhabite récemment rejeté par le sunnisme - trouvent leur origine dans les groupes extrémistes juifs tels les Sicaires, comme l’enseigne très justement le professeur de criminologie Bauer, maçon, ancien Grand Maître du Grand Orient…

    (L’islam iranien est chiite et n’obéit pas à cette philosophie…)

    Sur le plan économique cette modernité s’est traduite par l’émergence du capitalisme, comme elle s’est identifiée à la démocratie sur le plan sociétal.

    Une démocratie dont on sait aujourd’hui comment elle a été détournée par le marxisme triomphant et instrumentalisée par des appareils politiques dans les « républiques libérales » où elle sert toujours aujourd’hui de caution à leur légitimité.

    Cet essai est donc une réflexion utile pour tous ceux qui voient encore, dans cette modernité qui s’avère désormais agonisante, l’espérance d’un futur qui serait plutôt… un naufrage !   

    L'Essence de la modernité, de Rémi HUGUES, Edilivre, 2018, 292 pages, 20,50 €

     
    Claude Timmerman

    Biologiste et environnementaliste, éditorialiste et conférencier
  • Cinéma • La Prière

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    La Prière, un drame de Cédric Kahn, avec Anthony Bajon (Thomas), Louise Grinberg (Sybille), Hanna Schygulla (Sœur Myriam). 

    Sans doute La Scène incongrue de Thomas et Sybille était-elle le prix à payer pour la distribution de ce film, sans laquelle on pourrait dire de cet opus qu' il est tout simplement, intrinsèquement, prière.

    Durant 1h50 les spectateurs communient dans une action  de grâce, un Deo gratias, pour ces communautés - et il en est une semblable ici en Berry  - qui accueillent et qui soignent par la prière et par le Travail (ora et labora selon la règle Bénédictine) ces garçons et ces filles que la drogue voulait détruire.

    Un véritable documentaire, dont la réalisation a pourtant été dénoncée (si la note que j'ai sous les yeux n'est pas une fake news) par la communauté du Cenacolo selon laquelle « l'intuition du film (aurait) germé dans le cœur du réalisateur lors d’une visite de (leur) maison de Lourdes ».

    Alors pourquoi un tel reniement ? Peut-être à cause des gifles de Sœur Myriam... Plus sérieusement sans doute parce que cette fiction dévoile la fragilité de ces résurrections : est-on bien sûr que Thomas ne retombera pas ?

    Malgré le Chant de l'Espérance

    Il me dit « reprends courage,
    L'espérance est un trésor,
    Même le plus noir nuage
    A toujours sa frange d'or ».

    Malgré la prière, ce film n'est-il pas profondément pessimiste ?

    Les garçons et les filles qui racontent leurs histoires restent enfermés dans la communauté. Ceux qui ont cru pouvoir en sortir  y sont retournés  bien vite, y retrouver sa protection.

    Le film pèche par l'absence de preuves de succès, d'hommes et de femmes qui reviendraient plusieurs années après, témoigner de ce qu'ils sont devenus, comment ils ont réussi leur vie.

    Finalement est-ce la prière qui sauve ou la vie en communauté ? 

    Je te demande pardon, Seigneur, pour mon manque de foi.  

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • Frappes en Syrie ? Il est urgent que la France se tienne scrupuleusement à l'écart de ces manœuvres oiseuses

    Syrie, un jardin sur l'Oronte

     

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    Ce sont des événements graves qui se déroulent en ce moment d'un bout à l'autre du monde, notablement en Syrie. Et qui alimentent comme s'il en était besoin, ce climat de lourde tension internationale qui se développe dangereusement en diverses régions du globe. Et qui, même si l'on trouvera que nous employons de grands mots, évoquent comme une avant-guerre.

    Les présidents Trump et Macron se téléphonent beaucoup ces jours.ci à ce que l'on dit, et nous craignons fort que ce ne soit pas pour de sages décisions. L'envoi de missiles sur la Syrie pour détruire de supposés stocks d'armes chimiques nous paraît être une sottise de plus venant de pays - dont malheureusement le nôtre - qui en ont déjà accumulé un certain nombre et des plus graves. Par exemple en Irak et en Libye. Nous avons eu les conséquences du chaos qui s'y est établi consécutivement aux interventions dites occidentales et sans-doute les aurons-nous encore pour longtemps. 

    On se souvient que pour intervenir en Irak les Américains avaient répandu sans vergogne de très gros mensonges. Les « armes de destruction massive » que Saddam Hussein était censé détenir et qu'il n'avait pas se sont transmuées en « stocks d'armes chimiques » syriennes dont on n'a pas de preuves formelles mais seulement de « fortes présomptions » que le régime de Damas les aurait vraiment lui-même utilisées il y a deux semaines.

    Trump, Macron et sans-doute Theresa May, sans besoin d'aucun mandat dit international, sans-doute impossible à mettre en place, envisagent donc de faire justice, de frapper la Syrie de Bachar el Assad, à titre punitif, et pour lui marquer les limites que les puissances en question lui interdiraient de franchir : la fameuse « ligne rouge » qu'elles ont elles-mêmes fixée. On ignorera longtemps à quel titre. 

    Des paroles martiales viennent d'être proférées et des menaces guerrières échangées. La tweet-diplomatie, dont Trump s'est fait le dérisoire spécialiste, s'est surpassée. Trump a annoncé des tirs de missiles sur la Syrie ; Moscou a répliqué qu'il les intercepterait, affirmant avoir les moyens de les détruire en vol. Trump a surenchéri, claironnant que ses missiles sont « intelligents ». Mais on sait qu’il faudrait en tirer beaucoup pour que quelques-uns peut-être atteignent leur cible... Paris n'est pas en reste sur ces rodomontades. Quoique plus discrètement, Londres est de la partie. A quoi conduit-elle ? Tout bonnement à un risque de confrontation directe avec la Russie ... Nous n'avons rien à y gagner, beaucoup à y perdre. La France n'a pas de conflit d'intérêts avec la Russie. Et aurait au contraire bien des avantages à s’en rapprocher.

    A ce stade, il est probable que ces épisodes ne sont rien d'autre que des gesticulations. Des coups de com' selon la délicate expression en usage dans nos régimes d'opinion. Et il n'est pas tout à fait impossible que les tirs annoncés soient renvoyés aux calendes grecques, d'un moratoire l'autre, ou qu'on finisse par leur substituer à titre compensatoire quelque autre mesure ou sanction moins risquées ...

    Mais c'est une erreur de croire que la gesticulation est signe d'exclusion du conflit ; que les armes n'auront pas à parler ; que la folie de la guerre n'est plus à l'ordre du jour.  L'Histoire montre que les gesticulations semblables à celles dont nous avons en ce moment le spectacle, en sont parfois les prodromes. Vient un moment où un geste de trop finit par déclencher l'engrenage fatal qui conduit au conflit, à la catastrophe, à la guerre, dont peut-être personne n'avait vraiment voulu.

    Notre avis est que la France devrait rester scrupuleusement à l'écart de ces manœuvres oiseuses. Elle n'a ni intérêt à frapper la Syrie ni les moyens d'une guerre de principe, d'une guerre idéologique, morale ou humanitaire. Son intérêt premier est la destruction de Daech et la stabilisation de la Syrie, son retour à une situation d'ordre et de paix relative capable de contenir l'islamisme radical. Frapper Bachar el Assad concourra-t-il à l'un comme à l'autre de ces objectifs ? Nous ne le croyons pas. Au demeurant, les va-t-en-guerre anglo-saxons et français ont-ils trouvé en Syrie quelque force organisée, sérieuse, puissante, non suspecte de plus ou moins secrètes complicités islamistes, qui puisse se substituer au régime d'Assad ? On serait curieux de savoir laquelle, avec un minimum de précision et de détail. Ou bien, comme ils l'ont fait en Irak et en Syrie n'ont-ils songé à aucune perspective d'avenir autre que d'y laisser s'installer l'anarchie et le chaos ?  

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    Notre avant-guerre ? 

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Les ONG en Méditerranée : des idéologues contre leur patrie

     

    Par Marc Rousset

     

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    En date du 15 mars 2018 à 73 miles nautiques de la Libye, une bataille navale a eu lieu en Méditerranée entre l ’« Open Arms » de l’ONG catalane Proactiva et un bâtiment patrouilleur des garde-côtes libyens.

    Le code de bonne conduite imposé par l’Italie aux organisations internationales d’aide aux clandestins interdit aux ONG d’entrer en contact avec les réseaux des passeurs, ainsi qu’ils avaient pris la détestable habitude de le faire, en convenant d’un lieu de rendez-vous avant même que les clandestins ne soient officiellement naufragés. C’est ainsi que le « Luventa », navire allemand de l’ONG « Jugend Rettet » a été saisi à Lampedusa.

    Formée et équipée par l’Union européenne depuis juin 2016 dans le cadre de l’opération Sophia contre « le trafic de migrants » en Méditerranée, la marine libyenne est de plus en plus efficace. Le 15 mars, les Libyens sont informés par un centre maritime basé à Rome, de la présence d’une embarcation surchargée en difficulté à 73 miles de leurs côtes.

    Une véritable course navale s’engage alors avec le patrouilleur qui croise l ’ Open Arms beaucoup plus lent à 10 miles du lieu de naufrage. Furieux, les « humanitaires » mettent à l’eau deux puissants zodiacs qui reprennent l’avantage sur les Libyens et arrivent les premiers sur les lieux. Pendant deux heures, au beau milieu de la mer, les zodiacs humanitaires attendent l’Open Arms, empêchent les manœuvres du patrouilleur ainsi que les naufragés de monter dans le bateau libyen. Finalement le patrouilleur s’écarte et, après une escale à Malte, l’Open Arms est placé sous séquestre par la justice italienne.

    L’ONG catalane avait, en fait, lancé un concours avec les gardes – côtes libyens pour que les clandestins africains ne retournent pas en Afrique. La hantise des ONG, c’est qu’un jour les Européens découvrent les vertus de la fermeté australienne ; aujourd’hui il n’y a pas plus de victimes car aucun immigré clandestin indonésien ne tente la traversée sachant qu’il sera renvoyé dans son pays ou acheminé vers un lieu de rétention sur une île quelconque par la marine de guerre australienne.

    Selon un sondage réalisé par la Fondation Szazadveg sur l’immigration clandestine, 78% des Européens sont favorables à un contrôle plus serré des frontières externes de l’Union Européenne. Ils font confiance aux États et non pas à l’UE pour sécuriser les frontières. 68% ont une peur « forte » ou « modérée » de l’arrivée massive des migrants africains au cours de la décennie à venir. Ils y voient une augmentation à venir de la criminalité et du terrorisme.

    La majorité des sondés ne croit pas aux discours sur les besoins humanitaires des « réfugiés et autres demandeurs d’asile qui ont pour seule motivation : l’économie, les « allocations braguette » et les aides sociales. 73% pensent que l’immigration constitue une charge économique majeure. Bref, un grand malheur et non pas une chance pour l’Europe et la France !

    Quand les États européens vont-ils enfin se décider à faire respecter leurs frontières, comme le faisaient leurs pères, en envoyant leur marine de guerre pour empêcher les traversées au large des côtes grecques et turques, plutôt que de payer une rançon de 3 milliards d’euros par an au Sultan Erdogan de la Sublime Porte ?

    L’arrivée des migrants en provenance d’Afrique n’a rien d’inéluctable. Les Européens ont cette chance d’avoir une barrière naturelle méditerranéenne que n’ont pas les États-Unis avec les clandestins hispaniques.

    Les ONG en Méditerranée ne sont en fait que des idéologues droit de l’hommistes, utopiques, inconscientes, irréalistes, décadentes,  des passeurs de migrants, des ennemis de l’identité et de la civilisation européenne.  • 

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    Marc Rousset

    Économiste

    Ancien haut dirigeant d'entreprise

  • Maurras en son actualité

     

    Par Axel Tisserand
    2293089609.14.jpgCet article comme les précédents publiés hier jeudi est préparatoire à notre colloque Charles Maurras, l'homme de la politique, qui se tiendra à Marseille samedi 21 avril [voir plus loin].   LFAR

     

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    Il est toujours l’ennemi numéro 1. C’est qu’« ils » savent ou discernent fort bien qu’il est différent des autres. Qu’un Askolovitch s’en prenne à lui dans Le Nouveau Magazine littéraire avec une telle violence révèle, en fait, le refus d’affronter la force de l’intelligence. C’est une défaite de leur pensée à eux et la revanche de Maurras. Au fond, ils ne font que prouver qu’il est plus actuel que jamais. 

    Organisant en 2012 un colloque pour le soixantième anniversaire de sa mort, je soulignais : « L’aversion à l’égard de Maurras est inversement proportionnelle à son éloignement historique. Plus il devient une figure de l’histoire, plus il est honni. Nous sommes passés d’une condamnation de sa doctrine à une damnation de tout ce qu’il représente… ou plutôt de tout ce qu’on lui fait endosser, de ce à quoi on le réduit », en l’occurrence l’antisémitisme. « La pensée de Maurras exprime les ténèbres d’un temps révolu, que les Lumières ont dissipées, mais qui n’attendent qu’une occasion pour recouvrir de nouveau le monde.» (Charles Maurras, soixante ans après, sous la direction d’Axel Tisserand, Questions disputées, Pierre Téqui éditeur, 2013).

    Mais pourquoi tant de haine ?

    En 2018, la situation ne s’est pas améliorée, elle s’est même dégradée. Si le 150e anniversaire de la naissance de Maurras, né le 20 avril 1868, ne peut pas être tu, il a déjà suscité des polémiques qui ne font pas honneur à l’Intelligence française. Peut-être est-ce un des signes de la déchristianisation de nos sociétés européennes que le besoin renaissant de boucs émissaires, dont la logique, selon René Girard, avait été démystifiée par le sacrifice du Christ. Peut-être, aussi, est-ce là le sens profond, ignoré de son auteur lui-même, de cette « revanche de Dreyfus », formule par laquelle Maurras avait accueilli son verdict fin janvier 1945 devant la Cour de justice de Lyon, et qui lui fut tant reprochée… Maurras condamné comme Dreyfus ? C’est-à-dire, l’un comme l’autre nullement concerné par l’objet du procès : une trahison aussi nécessaire qu’impossible ? Mais, pour que la logique du bouc émissaire fonctionne, sa diabolisation n’est-elle pas une condition nécessaire ? Si le « mannequin » Maurras, campé en 1945 par un faussaire professionnel, Verdenal, inculpé de vols, faux et usage de faux et sorti de prison à cette fin, continue d’être aussi nécessaire, c’est parce que la figure de Maurras, institué ennemi intellectuel n° 1 de la modernité, permet de concentrer en elle tout ce que celle-ci rejette ou refuse d’assumer.

    Chaque époque a d’ailleurs les intellectuels qu’elle mérite. En 1952, deux jours seulement après sa mort, André Fontaine écrit dans Le Monde :

    « il y a quelque chose d’insultant pour nous dans le fait que cet homme, en qui rien n’était sordide et qui pour lui-même toute sa vie méprisa l’argent, ait passé ses dernières années enfermé au nom de la liberté. […] Devant cette tombe ouverte, devant le corps d’un homme qui, cinquante ans de sa vie, a honoré les lettres et le génie français, ne serait-il plus possible de tenter d’être juste » ?

    « Idiot complotiste », « déjà un vieux débris de son vivant » à la « pensée imbécile » et à « la langue prétentieuse », qu’on peut résumer à du « verbiage » et des « mots viciés » : oui, chaque époque a bien les intellectuels et les journalistes qu’elle mérite. Quelle chute vertigineuse, par rapport à novembre 1952, voire à mai 68, quand Le Monde publie une double page centrale pour le centième anniversaire de la naissance de Maurras ! Claude Askolovitch n’aurait pas alors osé écrire le dixième de ses éructations, peut-être déjà parce qu’il n’aurait pas osé les penser. Mais même alors, de peur de se déconsidérer définitivement auprès de ses pairs, il n’aurait pas laissé libre cours à une haine aussi vulgaire, aussi désinhibée, ni à l’encontre de Maurras, ni à l’encontre de Michel Déon, dans un magazine, de plus, à prétention intellectuelle, Le Nouveau Magazine littéraire, et récidivé, quelques jours plus tard, sur lepoint.fr. Un intellectuel, à l’époque, savait encore penser, voire s’empêcher, pour reprendre un mot cher au père d’Albert Camus. Du reste, signant sans vergogne ces propos, plus imbéciles qu’insultants, tout en osant – c’est un comble ! – dénoncer « l’injure et la haine librement répandues » comme « le reflet de ce qu’étaient Maurras et ses soudards du verbe », il avoue lui-même : « En réalité, on se fout de Maurras ! » et peut-être Jean-Christophe Buisson, qui préface chez Bouquins la réédition, prévue en avril, de textes du Martégal réunis par Martin Motte, lui a fait beaucoup d’honneur en lui répondant également sur lepoint.fr. Nous ne le ferons pas.

    Une haine révélatrice

    Pourquoi ? Parce que ce discours de haine froide revendiquée – « nous osons le haïr », écrit-il à propos de Michel Déon mort – et « librement répandu » dans la presse, en dit plus sur son auteur et tout une f(r)ange de l’intelligence salariée, et serve des tabous imposés par le discours dominant, analysée avec une prescience étonnante par le jeune Maurras de 1905 dans L’Avenir de l’intelligence, que sur Maurras lui-même, qui ne sert plus qu’à incarner, contre les faits, un fascisme qui a perdu en compréhension ce qu’il a gagné en extension, jusqu’à devenir un concept vide. Déjà le quotidien Libération avait servi début février à ses lecteurs le même cocktail de haine et d’amalgame, des universitaires n’hésitant pas à évoquer la mise à l’index républicain des écrivains d’« extrême droite », le « démon » Maurras compris, afin de protéger de leur influence nécessairement brune les intelligences nécessairement fragiles du vulgum pecus. Et avec cela, Askolovitch l’assure, « il n’y a pas d’inquisition démocratique ».

    Photo-14-386x600.jpgC’est vrai qu’Askolovitch ne demande rien de tel. C’est encore trop intellectuel. Il en reste à l’insulte, confirmant, par sa démesure – Déon aurait dû « passe[r] le reste de son âge à s’excuser, à réparer » le fait d’avoir été le secrétaire de Maurras de 1942 à 1944 à Lyon ! –, que l’hybris rend fou ceux qu’elle saisit, comme le savaient les Grecs. Car Askolovitch, comme Créon, est victime de sa propre haine, dans laquelle la raison ne peut plus avoir d’autre part que celle de tourner à vide – c’est la marque du raisonnement paranoïaque que Créon oppose à Antigone puis à son fils Hémon. Maurras, c’est le mal, Déon, secrétaire de Maurras, a été le secrétaire du Mal. Les haïr n’est pas seulement un droit, cela devient un devoir républicain, surtout pour lutter contre l’islamophobie – ne vous demandez pas ce qu’elle vient faire dans cette galère, Askolovitch l’ignore sans doute lui-même. Un regret ? « que le refus des socialistes parisiens [d’une sépulture à Déon] n’ait pas été exprimé politiquement. Il eût fallu dire qu’un fasciste ne pouvait pas reposer en paix ». Du reste, « ils n’ont aucun titre à notre monde, aucun » – la déshumanisation de l’adversaire est une conséquence de sa diabolisation. Quand on sait les mots admirables de Maurras sur Antigone, Vierge-Mère de l’Ordre, « née pour partager l’amour et non la haine », selon les mots de Sophocle, on se dit que la haine de Créon-Askolovitch et la défaite de la pensée qu’elle traduit sont la revanche de Maurras. Même si le tyran de Thèbes n’avait pas mérité un si pitoyable rejeton.

    Au-delà de « la morale », tout simplement le vrai

    Tout ancien étudiant de Boutang se rappelle que celui-ci, chaque année, trouvait l’occasion d’enseigner à ses étudiants que rien n’est plus « abject » – c’était son adjectif – que de faire honte à autrui. Avoir honte, soit, mais faire honte, ce n’est pas seulement voir la paille dans l’œil de son prochain pour mieux ignorer la poutre dans le sien : non, c’est s’instituer juge suprême des élégances morales. Notre époque, par son moralisme poisseux, a remplacé la dispute sur le Vrai et le Faux par celle sur le Bien et le Mal. De ce bushisme mental, « abject » au sens boutangien du mot, puisque la honte serait l’« apanage » des maurrassiens, Askolovitch est un vecteur assumé. On hésite dès lors à associer son nom à celui d’Alain Finkielkraut, vrai penseur, à la scrupuleuse honnêteté intellectuelle. Aussi ne le ferons-nous pas. Même si, en affirmant, dans Causeur de mars, que Maurras, « à la différence de Barrès […] est insauvable », au fond, il participe, lui aussi, à la diabolisation de Maurras, en le réduisant à son antisémitisme, c’est-à-dire à 1 % de sa pensée, ce qui évite d’avoir à lire les 99 % restants – ceux qui intéressaient Bainville, par exemple, qui ne fut jamais antisémite et déclarait tout devoir à Maurras, fors la vie, notamment son rejet radical du racisme. Maurras n’a d’ailleurs pas attendu le revirement de Barrès pour rendre hommage, en 14-18, dans les colonnes de L’Action Française aux morts juifs pour la France, comme le grand rabbin de Lyon, Abraham Bloch, tué à la bataille de la Marne, ou le ligueur d’AF Pierre David, « héros juif d’Action française » mort pour la France le 1er août 1918. Ni pour accueillir comme ligueurs des Juifs auxquels il ne demandait pas de certificat de baptême. Cela ne justifie en rien l’antisémitisme persistant de Maurras. Cela, en revanche, donne à penser qu’on ne décide pas de « sauver », ou non, un penseur au nom d’une lecture partielle, voire partiale, et d’un manichéisme réducteur.

    Maurras n’est pas « le repoussoir providentiel du progressisme mondialisé », dont Askolovitch est d’ailleurs un porte-parole, ou plutôt il ne le paraît qu’en raison de cette défaite de la pensée dont les polémiques de cet hiver sont une illustration particulièrement frappante. Les Français pourront bientôt de nouveau le lire. Et juger par eux-mêmes. Il faudra que « le camp du Bien » s’y fasse !   

    Illustration ci-dessus (dans le texte) : 1936 – Jubilé littéraire de Charles Maurras. 

    Axel Tisserand

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