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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1225

  • Signaux de krach financier en provenance de Davos, des États-Unis et d’Europe

     

    Par Marc Rousset 

     

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    L’euphorie règne en apparence sur les marchés, mais certains responsables ne sont pas victimes de l’exubérance irrationnelle. À Davos, des financiers et des économistes réunis par Bloomberg se sont demandé si la « complaisance » ne régnait pas sur les marchés. Certains s’inquiètent de la folie du « bitcoin ».

    Jes Staley, le président de Barclays, a pu dire : « La situation actuelle me rappelle le forum de 2006, quand tout le monde pensait qu’on pouvait surfer sur les crises financières. » Un an plus tard éclatait la crise des « subprimes » outre-Atlantique puis, en 2008, la faillite de Lehman Brothers.

    David Rubenstein, le fondateur du groupe Carlyle, lui aussi présent dans la station suisse, s’interroge sur le très haut niveau des dettes publiques : « C’est lorsque tout le monde s’estime heureux et satisfait que quelque chose survient. »

    Quant à Kenneth Rogoff, professeur à Harvard, il souligne le cocktail explosif que constituent les niveaux stratosphériques de la Bourse et les très bas taux d’intérêt. Dans son ouvrage à succès Cette fois, c’est différent. Huit siècles de folie financière, il a stigmatisé l’optimisme béat, naïf et congénital des marchés financiers qui ont toujours de bonnes raisons pour justifier les bulles boursières. 

    En Europe, la BCE continue sa course folle en actionnant la planche à billets au rythme diminué de trente milliards d’euros par mois, alors que la Fed a stabilisé la sienne. C’est ainsi que, selon Holger Zschäpitz, du journal Die Welt, le bilan de la BCE atteint désormais 41,45 % du PIB de la zone euro, contre 22,78 % seulement pour la Fed dans le PIB américain, soit pratiquement le double ! Tout se passe comme si la BCE était un gigantesque « trou noir » dans la galaxie financière qui absorbe sans cesse des quantités astronomiques d’obligations européennes avec, en contrepartie, des émissions de monnaie en euros. 

    Les liquidités créées par la BCE ont pour effet d’aplatir la courbe des taux, de ne plus rémunérer l’épargne, de permettre à des sociétés parasites, inutiles et non compétitives de perdurer en empruntant à des taux proches de zéro. On estime le montant pourri des créances bancaires douteuses dans la zone euro à plus de 1.000 milliards d’euros, dont 350 milliards pour la seule Italie.

    Comme déjà mentionné sur Boulevard Voltaire, les bilans totaux des quatre grandes banques américaines représentent 44,5 % du PIB des États-Unis et les totaux des bilans des quatre grandes banques françaises représentent 3 fois le PIB de la France. Quant à l’effet de levier moyen de ces banques qui caractérise le niveau et, donc, le risque d’endettement par rapport aux capitaux propres, il est de 25,53 en France et de seulement 11,63 aux États-Unis.

    Aux États-Unis, c’est surtout le niveau d’endettement global démentiel du pays qui continue de s’élever avec Trump et la bulle boursière qui sont préoccupants. Quant aux produits dérivés des banques, ils sont aussi démentiels aux États-Unis qu’en Europe.

    Tout se passe, en fait, comme si, partout dans le monde, de l’Europe aux États-Unis en passant par la Chine, le Japon et les pays émergents, nonobstant les risques géopolitiques, des cygnes noirs étaient partout blottis, cachés sous les roseaux. La mare aux canards est tranquille et sans rides ; en apparence, rien ne se passe, mais gare au premier cygne noir qui sortira de sa tanière aquatique, incitant et obligeant ses congénères à faire de même. Le premier cygne noir, malgré l’optimisme injustifié du banquier Macron à Davos prenant ses désirs pour des réalités, pourrait bien faire son apparition dans la zone euro, tout autant qu’à Wall Street !  • 

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    Économiste

    Ancien haut dirigeant d'entreprise

  • Allemagne : Atlantico pose de nouveau de bonnes questions ...

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    Lundi 05 Février 2018
     
    Lire aussi dans Lafautearousseau ...
  • Café Actualité d'Aix-en-Provence, prochaine réunion ce mardi 6 février. A ne pas manquer !

     

    Que faut-il en penser ? Régression sociale ou libéralisation du travail favorable à l'économie.?

    Venez débattre de ces questions essentielles qui feront l'objet d'un colloque en préparation.  

    18 h 45 : accueil. Entrée libre.

    19 h : conférence et débat animé par Antoine de Crémiers

    20 h 30 : fin de la réunion.

    Participation sous forme de consommation.

    Consommations à commander et régler au bar en arrivant. Merci !

    La soirée s'achèvera par un dîner réunissant les participants qui le souhaitent. 

    Inscriptions et renseignements: 06 16 69 74 85

  • Serpent de mer ?

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    103879671.jpgAlgérie, Maroc et Tunisie n’ont cessé depuis leurs indépendances de constituer un des grands sujets d’intérêt, voire de préoccupation ou d’inquiétude, de notre politique étrangère. D’ailleurs, à la suite de M. Giscard d’Estaing, pas un seul des présidents successifs n’a manqué de se rendre au Maghreb, dans tel ou tel des trois pays, parfois les trois, toujours pour des annonces de lendemains communs qui chantent. Une sorte de serpent de mer. Ce qui est nouveau avec M. Macron, si l’on en croit la tonalité de ses deux discours de Tunis (l’un aux députés tunisiens, l’autre aux Français de Tunis), c’est que le conditionnel serait plus satisfaisant : les lendemains pourraient chanter… 

    Si ses prédécesseurs ont tous souligné le côté souhaitable et même nécessaire de la coopération entre les rives nord et sud de la Méditerranée, M. Macron a le mérite d’avoir compris que, sauf à se contenter de mots,  cette coopération doit être structurée. Il a même envisagé la possibilité, dès cette année, d’une réunion euro-maghrébine à Paris, pour avancer dans ce sens. Mais il ressort aussi de ses propos, plus ou moins mais suffisamment pour se révéler dommageable, qu’il associe toujours l’Europe, sous sa forme bruxelloise, à la France et qu’il donne, même en y mettant les formes, des leçons aux uns et aux autres. 

    Pour réussir, une telle ambition politique doit d’abord être circonscrite. Sans remonter très loin dans le passé, il semblait en 2008, à en croire le très optimiste M. Sarkozy, que son Union pour la Méditerranée, forte de ses quarante-trois membres (vingt-huit Etats de l’U.E. et quinze d’Afrique du Nord, du Proche-Orient et d’Europe du Sud-Est) allait être le remède à tous les maux de la région. Dix ans après, c’est au mieux une usine à gaz. Projet trop ambitieux sans doute et surtout sans bases solides. En revanche, les données conjuguées de l’Histoire et de la géographie physique et humaine (ce dernier point est capital) incitent à envisager, avec les trois pays sus-cités, une forme d’union de la Méditerranée occidentale, à laquelle pourraient, devraient même, être conviés nos voisins européens d’Italie et d’Espagne. Diluer un tel projet en y associant d’autres pays d’Afrique ou d’Europe le viderait de son sens. 

    Pour réussir, il conviendrait aussi de se garder de tout néo-colonialisme idéologique. Or les discours tunisiens de M. Macron font la part trop belle à l’étalon de la bonne conduite démocratique. Sans doute peut-il paraître habile, à Tunis, de flatter le seul pays arabe qui ressemble un peu aux démocraties européennes. En revanche, la monarchie alaouite n’a aucune leçon à recevoir de M. Macron, pas plus d’ailleurs que le pouvoir algérien. Distribuer (ou pas) des bons points démocratiques à d’éventuels partenaires serait ridicule et contre-productif : comment ne pas comprendre en effet qu’au vu de la montée du salafisme toute logique démocratique et droit-de-lhommiste est dangereuse et, de toute façon, vouée à l’échec ? C’est, au contraire, en privilégiant relations et accords entre les Etats qu’on luttera efficacement contre l’islamisme, contre l’immigration sauvage et pour un développement harmonieux et apaisé de la zone. 

    Un peu plus de réalisme et de pragmatisme, un peu moins d’européisme et de démocratisme : cette condition nécessaire, mais pas forcément suffisante, s’impose à l’ambition méditerranéenne de M. Macron.  

  • Grenoble : ce lundi 5 février, conférence d'Antoine de Crémiers au Centre Lesdiguières. A ne pas rater

     

    L'effacement du bien commun signe la mort du politique, puis celle de la société.

    Cette disparition n'est-elle pas la cause essentielle de notre impuissance ? Peut-on espérer restaurer le politique comme souci du bien commun ?

    Ce bien commun est celui qui prend en compte la nécessité de transmettre un patrimoine collectif qui est la colonne vertébrale de la nation.

    Par un étrange retournement, l'idée d'un bien commun est aujourd'hui combattue comme source de violence... Parlons en ..  

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    centreslesdiguieres@laposte.net

  • Culture • Loisirs • Traditions

  • Famille de France • Témoignage : La princesse Philomena, Dauphine de France et la vie quotidienne

     

    Lundi 08 janvier 2018

    « Ce soir, j’ai fait ce que j’adore, j’ai poussé mon chariot de courses au supermarché. Au détour d’un rayon, j’ai vu Son Altesse Royale, la princesse Philomena, duchesse de Vendôme, qui faisait les siennes. Son regard n’ayant pas rencontré le mien, je ne me suis pas permis de l’importuner pour la saluer. Mais n’est-ce pas rassurant et encourageant de voir la Dauphine de France faire ses courses ? En tant que Drouais, j’ai l’immense privilège de la voir assez souvent. Mais instantanément j’ai pensé qu’il ne devait pas y avoir beaucoup de nos gouvernants qui connaissent le peuple, s’y mêle dans le plus grand anonymat, et connaissent le prix des produits de la vie quotidienne.

    Si un jour cette princesse était assise sur le trône français, quel avantage pour nous : elle connait le peuple, le fréquente, et en subit les mêmes contraintes. Elle fait la queue à la caisse « comme tout le monde »… Cela pourrait même paraître excessivement simple, et très éloigné de la dignité royale. Mais il suffit de voir la princesse, sa classe et sa dignité naturelles, pour comprendre que les personnes royales ne sont décidément pas « comme tout le monde ». C’est peut-être aussi simple que cela la supériorité monarchique. Pour que vive la France, Vive le Roi. »  

     

    Patrick Baudin-Valdovinos

    Source La Couronne

  • Société • L’affaire Nutella

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans cette tribune du Journal de Montréal [27.01] Mathieu Bock-Côté pointe non seulement la pauvreté qui s'accroît dans nos sociétés riches, et le mépris que, souvent, elle rencontre; mais aussi le processus de décivilisation qui emporte nos sociétés vers l'ensauvagement et la violence. Maurras appelait cela l'âge de fer et Jean-François Mattéi la barbarie intérieure ... ou collective.   LFAR  

     

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    La scène se passe en France, dans plusieurs épiceries.

    Il y avait, il y a quelques jours, un gros rabais annoncé sur le Nutella. La nouvelle s’est vite répandue. Au matin, à l’ouverture des portes, il y avait une file de consommateurs prêts à se ruer sur le produit. Une fois les portes ouvertes, ils se sont jetés dans les commerces. À ce qu’on peut lire, il y a eu des scènes pouvant faire penser au Black Friday à l’américaine. Les témoignages sont affligeants. Pour sauver quelques euros, on se pilera dessus, et on se permettra même d’en venir aux coups. La police a dû intervenir. Je rappelle qu’on parle de pots de Nutella soldés.

    Il y a bien des manières de voir ça.

    La première, la plus simple, c’est de constater que nous sommes toujours au seuil de la sauvagerie, même dans une société civilisée. Et c’est vrai. La civilisation est une mince pellicule posée sur notre nature, comme le disait le philosophe. Il suffit de peu de chose pour qu’elle se déchire. L’homme n’étouffe jamais complètement la bête humaine. Et cette dernière est la même dans toutes les classes sociales. Riches et pauvres confondus sont capables de se montrer mesquins en plus de piétiner sans mauvaise conscience le voisin.

    Je note que certains se croiront alors justifiés de rire des pauvres qui se donneraient ainsi en spectacle. Ils oublient qu’on peut aussi se déchirer brutalement au sommet de la société, même si cela peut se faire sous des allures plus « sophistiquées ». Ils animalisent les gens de peu et les présentent comme des bêtes dont on doit s’inquiéter. Dans leur esprit, il faut moins soutenir les catégories populaires que s’en protéger, comme si nous nous trouvions toujours devant des classes dangereuses, une vision de la société qui est dominante lorsque vient le temps d’analyser leurs comportements politiques.

    Mais on peut y voir aussi, ce qui n’est pas contradictoire avec les précédentes observations, un révélateur de la misère sociale et psychologique de grands pans de la population qui sont aujourd’hui prêts à se déchirer à la moindre occasion, tellement le lien social est relâché et la tentation de la guerre de tous contre tous remonte à la surface. Si les hommes sont aujourd’hui prêts à se tabasser ou presque pour un pot de Nutella à rabais, imaginons ce qu’ils feront dans un contexte de vraie pénurie ou de tensions civiles réelles quand chacun aurait l’impression de devoir se battre pour sa survie. 

    Nous croyons depuis quelques décennies que la paix civile va de soi. La violence est toujours pensée comme extérieure à la société, comme si elle représentait un stade dépassé dans l’histoire de notre évolution : elle vient d’éléments agressifs qui perturbent consciemment ou inconsciemment la stabilité sociale. On oublie qu’elle peut surgir du fond de la société, à la manière d’une poussée de fièvre collective ou comme la conséquence d’un processus de décivilisation qu’on a longtemps refusé de prendre au sérieux mais qui aujourd’hui révèle ses effets ravageurs.

    Chose certaine, des faits divers comme ceux-là ne sont pas que des faits divers : ce sont des révélateurs sociaux, qui annoncent la société qui vient, qui montrent aussi que la possibilité de la violence a remonté à la surface du social et qu’elle pourrait bien demain prendre la forme d’une violence anarchique, nihiliste, où le désespoir et l’avidité se conjugueraient pour créer une société dangereuse et déshumanisée.    

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Culture • Loisirs • Traditions

  • Cinéma • Patients

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    Patients, un drame réalisé par Grand Corps Malade et Mehdi Idir, avec Pablo Pauly, Soufiane Guerrab, Moussa Mansaly et Nailia Harzoune ; adapté du roman autobiographique éponyme de Grand Corps Malade.

    Vis-je ou vivés-je (comment dit-on ?) sur une autre planète ?  Je n'avais jamais entendu parler de Grand Corps Malade, alias Fabien Marsaud, avant cette séance de cinéma.

    Comme dans Le Grand Jeu, c'est l'histoire d'un sportif qui aurait pu être de haut niveau, dont le tracé professionnel est arrêté brutalement - c'est le terme - par un accident très grave.

    Un bon film, plein d'humour, mais un documentaire épouvantable sur le handicap lourd (paralysie, tétraplégie, etc.)  dans un centre de rééducation.

    On y voit la gentillesse du personnel soignant mais aussi l’infantilisme de certains -  « comment il va, Ben, aujourd’hui ? » ; on ressent surtout l'humiliation de la dépendance pour tous les besoins et les gestes de la vie courante. On s'interroge enfin sur la responsabilité des médecins qui doivent mettre leurs patients en face de leurs réalités, et sur la difficulté que peut avoir le handicapé à accepter, et « adapter  ses espoirs » à sa situation.

    Est-ce un relent de lutte des classes lorsque l’un des protagonistes n’aperçoit, autour de lui, aucun Pierre-Antoine, habitant le XVIe arrondissement ?

    C’est sans doute pour cela, en tout cas, que la langue, en VO, est celle des banlieues et non pas celle des bobos qui cul-de-poulent sur les « personnes en situation de handicap ».

    Oui vraiment , cette fois-ci, j’approuve Télérama d’avoir sélectionné Patients parmi les 16 meilleurs long-métrages 2017.  

    PS : En guise d’étrennes 2018, je vous propose mon blog  Je ciné mate avec déjà une quarantaine de films. Vous pouvez vous y abonner (en bas à droite) pour recevoir automatiquement les mises à jour et surtout y retrouver d’anciennes notices grâce au bouton Recherche (je continuerai de le compléter progressivement, à votre demande, de mes « critiques » 2016 et 2017)Merci, outre vos commentaires éventuels, de m’indiquer les difficultés que vous rencontrez, les corrections nécessaires ou les améliorations à apporter à ce blog.   https://jecinemat.wordpress.com

  • Société [Economie & Politique ...] • Si Versailles m’était compté

     

    Par Françis Bacque

    L’opération séduction d’Emmanuel Macron auprès des grands patrons étrangers, à grand renfort de symbolisme monarchique, mais aussi d’argent public, a-t-elle été une réussite  ?

    macron_versailles.jpgVersailles, 22 janvier. Au lendemain d’une date si importante pour ce lieu, Emmanuel Macron recevait les grands patrons étrangers en chemin vers le forum de Davos. Que le lecteur se rassure, nous ne crierons pas au blasphème  : ce n’est pas notre genre – et puis, tout ce qui est national est nôtre, y compris en économie. C’est donc au cours d’un dîner de prestige que notre président a vanté les mérites d’une France «  de retour  », pendant trois heures, et intégralement en anglais – si blasphème il devait y avoir, ce serait bien plutôt ici.

    Téléthon économique

    L’objectif était de convaincre cette centaine de grands patrons d’investir en France et de contribuer ainsi à la création d’emplois. Objectif atteint si l’on en croit le Gouvernement et la majorité des médias. Mais cette opération séduction visait aussi – surtout  ? – à séduire les Français. Le dîner de Versailles restera-t-il comme une belle opération d’affaires (pardon, de business) ou comme un coup de com’ savamment orchestré  ? Évidemment, un peu des deux. Côté économie, on recense un montant global d’investissements de 3,5 milliards d’euros sur cinq ans promis par des multinationales telles que SAP, Novartis, Facebook, Google ou Toyota, avec près de deux mille cinq cents emplois à la clé. De quoi réjouir les marcheurs, rassurer les sceptiques et clouer le bec aux réacs. Certains se sont malgré tout émus que le président dépense 600 000 euros de deniers publics pour des «  ultrariches  ». Notons que si deux mille emplois sont réellement créés, cela revient à 300 euros par poste  : c’est tout de même largement moins qu’un contrat aidé. Pourtant, à y bien regarder, l’opération n’est pas si mirobolante  : 3,5 milliards rapportés à deux mille cinq cents emplois sur cinq ans, cela fait aussi plus de 20 000 euros par emploi et par mois. D’une part le chiffre de deux mille cinq cents apparaît vite ridicule lorsque l’on s’y attarde un peu, et que l’on se rappelle que le même jour, Carrefour annonçait la suppression de deux mille quatre cents postes… D’autre part, une partie de ces investissements et emplois avaient déjà été annoncés et ne doivent donc rien à la beauté de Versailles ni au talent de Macron. Bilan assez mitigé donc pour l’aspect économique de l’opération, mais beaucoup plus intéressant vis-à-vis de l’opinion. Le discours, construit sur la base du «  choose France  » (choisissez la France), visait en effet aussi à justifier les récentes (et futures) réformes portant sur la flexibilité du travail et l’attractivité de notre pays. D’ailleurs, Bruno Le Maire et Muriel Pénicaud étaient intervenus l’après-midi même pour expliquer les réformes économiques et sociales, histoire de bien faire comprendre aux Français le lien de cause à effet entre lesdites réformes et le succès de l’opération. Et puis, Emmanuel Macron s’est bien empressé d’ajouter qu’il avait été élu pour cela  : «  J’ai reçu un mandat très clair des Français avec tous les moyens de procéder à des réformes qui ne seront pas remises en cause.  » Puisqu’on vous le dit  !

    La promesse du retour

    L’épisode nous laisse même un goût amer tant il donne l’impression que les entreprises françaises licencient et délocalisent pendant que l’on fait venir les investisseurs étrangers en France. Un drame que corrobore hélas le rapport des emplois créés aux montants investis. Même Christophe Barbier se montre lucide, craignant que le président «  réussisse à redresser l’économie du pays sans régler le problème du chômage  ». Quant à l’attractivité, elle ne se situe pas totalement dans la réforme du Code du travail ou dans les politiques de rémunération. La France, avec son haut niveau de dépense publique, est un marché peu risqué pour les entreprises et les capitaux étrangers. En période de croissance, elles peuvent compter sur un potentiel de consommation important  : niveau de vie, salaire moyen et population en croissance donnent des perspectives solides à moyen terme. En période délicate, l’effet crise est amorti par la dépense publique, ce qui est un élément d’attractivité sans doute plus intéressant que la rupture conventionnelle collective ou le référendum d’entreprise. Toyota sait qu’en 2009 l’État est venu au secours des constructeurs automobiles qui affichent aujourd’hui une forme insolente, et Novartis peut compter sur le système de la Sécurité sociale pour assurer à ses médicaments une commercialisation massive et continue.

    La France de retour  ?

    Loin de nous toutefois l’idée de hurler avec les loups pour se satisfaire d’une critique systématique. Nous ne nous plaindrons jamais que le régime fasse son travail quand il le fait bien, ou à peu près  ; en revanche, nous continuerons inlassablement à en dénoncer l’hypocrisie et les méthodes mercatiques. «  La France est de retour  », a clamé notre président à cette occasion  ; gageons que nous pourrons rapidement en dire autant à notre sujet. Et venant de nous, ce n’est pas une promesse en l’air.  

    L'Action Française 2000 du 1er février 2018

  • Hommage opportun de Jacques Bainville à Charles Maurras

     

    XVM6ccf6ac0-0414-11e8-b81b-18ee966ba3e1.jpgTimon de Phlionte disait de son maître Pyrrhon : « Je l'ai vu simple et sans morgue, affranchi de ces inquiétudes avouées ou secrètes dont la multitude des hommes se laisse accabler en tout lieu par l'opinion et par les lois instituées au hasard.»

    Tel nous voyons chaque jour Charles Maurras et ceux qui auront eu le privilège d'être de ses amis auront connu son coeur intrépide.

    Ils auront connu encore la lumière de son esprit. Comme Cicéron le disait de Carnéade : « Jamais il ne soutint une thèse sans la faire triompher. Jamais il n'attaqua une doctrine sans la détruire. » Ainsi Maurras aura paru pour enseigner son siècle. Ainsi de ses flèches rapides, il aura percé les « nuées ».

    Dur aux erreurs, ce dialecticien invincible est indulgent aux hommes. A tous, son génie prête quelque chose de ses richesses. Leibniz ne méprisait presque rien. Maurras ne méprise personne. Le plus humble s'en va, comme le plus orgueilleux, pénétré de son intelligence et de sa bonté, parce qu'il sait, chez tous, faire jaillir l'étincelle divine. Et par là, il est encore un très grand poète. 

    Quand j'aurai ajouté que nul moins que lui ne tient aux honneurs et aux biens de ce monde et qu'il ne place rien au-dessus des idées, on saura que nous avons parmi nous un sage de la Grèce.  

    J'ai lu beaucoup d'études sur Maurras. Aucune ne m'a satisfait complètement. J'indiquerai seulement aux chercheurs qu'ils n'entendront sa pensée, qu'ils ne la cerneront et ne la pénétreront que s'ils remontent jusqu'à Dante.

    Je ris beaucoup quand je vois traiter Maurras comme un monsieur ordinaire... On est prié de ne pas s'adresser au concierge mais à l'altissime

    Qu'on se rappelle aussi que le désintéressement de Maurras est absolu. C'est une de ses forces. Il ne recherche pas l'argent, pas même la gloire littéraire. Il aurait pu s'assurer une existence tranquille et agréable, et il ne craint pas de s'exposer à la prison. Quand on est un gouvernement, il est incommode d'avoir un homme pareil contre soi. Maurras ne vit que pour ses idées et on n'a aucune prise sur lui; Henri Vaugeois appelait Mauras le noûs, l'esprit pur. C'est sa définition la plus vraie.  

     

    Préface de l'ouvrage collectif Charles Maurras : Études, portraits, documents, biographies. Editions de la revue Le Capitole, Paris, 1925

  • Famille de France • Les vœux du prince Jean, Dauphin de France : le choix de la civilisation plutôt que celui de la barbarie

    La famille royale de France dans les jardins du Domaine royal de Dreux  

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgTrès belle année 2018 à tous !

    Permettez moi, avec un peu de retard, de vous adresser tous mes voeux pour une bonne et heureuse Nouvelle Année, pour vous même, vos familles et vos proches.

    Que 2018 vous apporte d’abord les satisfactions personnelles auxquelles vous aspirez mais aussi dans votre travail qui reste, avec la famille, l’environnement immédiat dans lequel un être humain s’accomplit. Ensuite de façon plus large dans l’espace social où il tisse des relations plus étendues.

    Vous l’aurez compris, l’homme n’est pas un individu isolé qui ne cherche qu’à satisfaire ses désirs, fausse expression de la liberté, comme on aime à nous le faire croire aujourd’hui. La liberté c’est voir le bien, le choisir et ensuite le mettre en oeuvre. Dans la société ce bien à un nom : le bien commun. Vous savez que je suis attaché à la réflexion sur ce thème.

    Je souhaite que notre pays suive cette voie plutôt que celle du repli sur soi égoïste où chacun cherche à satisfaire ses propres lubies, où l’on ne respecte plus rien, ni les enfants, ni les anciens, ni les femmes ni les hommes, ni la nature. Je dirais avec une formule un peu choc : le choix de la civilisation plutôt que celui de la barbarie. En fait, un monde plus humain.    

     

    Jean de France, duc de Vendôme
    Domaine Royal de Dreux le 31 janvier 2018

    Le site officiel du Prince Jean de France

  • Le peuple français acceptera volontiers un Roi-conscience de la Nation ...

     

    Par Pierre Renucci 

    C'est une réflexion particulièrement intéressante - ce que pourrait être une monarchie pour la France d'aujourd'hui - que nous propose ici Pierre Renucci. Certes nous ignorons tout des circonstances dans lesquelles la nécessité de la monarchie pourrait apparaître aux Français ; nous ne savons pas à quelles nécessités, à quels besoins du moment, elle aurait à répondre, ni pour quelles urgences elle serait appelée et donc quelles formes elle pourrait prendre. Mais, fût-ce en se fondant sur les réalités d'aujourd'hui, politiques, sociales et institutionnelles, l'idée monarchique prend corps et crédibilité si l'on tente d'en définir les contours et si l'on expose quel pourrait être le fonctionnement d'une monarchie pour notre temps. C'est ce que fait ici Pierre Renucci suscitant notre réflexion et peut-être le débat. Sa conviction est que, pour peu qu'on lui en expose les réels avantages, le peuple français acceptera volontiers un roi conscience du pays.  LFAR 

     

    IMG_20180129_195658 (002).jpgQuand, au détour d’une conversation avec une personne raisonnablement ouverte d’esprit, je m’aventure à évoquer l’hypothèse du retour du Roi, la réaction immédiate se traduit invariablement par cette question : « Le Roi ? Mais que ferait-il ? » Question qui ne révèle pas d’hostilité de principe, mais un scepticisme non dénué de bon sens. Il faut bien comprendre que le Français a deux images du Roi. L’une, contemporaine, que lui renvoient les monarchies constitutionnelles européennes. L’autre, historique, celle de nos rois absolus de droit divin. Or aucune ne lui convient vraiment. La première lui paraît sympathique, esthétique, utile comme symbole national, voire non dépourvue de quelque influence sur le pouvoir. Mais au Roi-symbole, il préfère son Président-monarque détenteur du pouvoir. La seconde, quoique toute française, ne lui paraît plus adaptée à son époque. Au Roi-monarque héréditaire, il préfère son Président-monarque élu. Bref le Français n’est pas royaliste, il est monarchiste et veut choisir son monarque. Alors, utopie que le retour de la Couronne ? Non point. Sans parler de circonstances gravissimes qui en feraient l’ultime recours, le Roi remplirait une fonction en toute période. Une fonction bien supérieure à la simple représentation symbolique de la Nation, bien supérieure aussi à celui de gouverner. Je le vois comme une conscience active, c’est-à-dire à la fois un modérateur lorsqu’il s’agit de dénoncer un danger et un incitateur lorsqu’il s’agit de provoquer un bienfait. Il serait celui qui introduirait dans la constitution la mixité qui lui manque. Mais précisément, avant de déterminer comment lui donner ce rôle de conscience, il faut expliquer ce qu’est une constitution mixte. Ce préalable est hélas indispensable puisque nos régimes occidentaux n’en connaissent plus, et que l’idée même s’est effacée de nos cerveaux.

    Le concept remonte à l’Antiquité grecque. Aristote l’utilisait déjà, par exemple pour vanter la réforme de Solon qui avait aboli à Athènes la toute-puissance oligarchique « en pratiquant un mélange [‘‘mixanta’’ en grec] constitutionnel heureux ». La mixité consistait ici en ce que l’Aréopage était oligarchique, l’élection des magistrats aristocratique et l’organisation des tribunaux démocratique. Hélas, continue Aristote, Éphialte et Périclès bouleversèrent l’équilibre, notamment en « mutilant les pouvoirs de l’Aréopage » au profit de l’assemblée populaire. Alors on passa de la « démocratie de nos pères », cette démocratie équilibrée par la mixité, à la « démocratie actuelle », celle qui « flatte le peuple comme un tyran ». Retenons donc qu’une constitution mixte mélange des éléments de nature différente afin de ne donner l’omnipotence à aucun. Bien sûr la chimie s’effectue différemment selon le lieu et l’époque, mais toujours avec un élément dominant, qui peut être monarchique, aristocratique, démocratique, oligarchique. L’essentiel est que l’élément dominant –la démocratie dans l’exemple d’Aristote- accepte le garde-fou de la mixité.

    Le plus bel exemple de constitution mixte offert par l’Antiquité reste la république romaine du III° siècle av. J.-C. L’historien grec Polybe écrira au siècle suivant que « personne […] n’aurait pu dire avec certitude si l’ensemble du régime était aristocratique, démocratique ou monarchique […] Car lorsqu’on regardait le pouvoir des consuls, le régime paraissait parfaitement monarchique ; mais d’après le pouvoir du Sénat, c’était cette fois une aristocratie ; et si maintenant on considérait le pouvoir du peuple, cela semblait nettement une démocratie ». Cette mixité permit un équilibre entre les éléments interdépendants. : impossible pour aucun de prédominer à l’excès, car sa tentative serait « contrebalancée et entravée par les autres […]. Tous restent en l’état, réfrénés dans leur élan ou craignant dès le début l’opposition du voisin ».

    Une correction à cette excellente description de Polybe : ce régime était de dominante aristocratique, ce que chacun savait avec certitude et acceptait. La devise même de la République l’atteste : Senatus Populusque Romanus (S.P.Q.R.). Le Sénat aristocratique est nommé avant le Peuple au sens institutionnel (c.-à-d. les assemblées populaires).

    Précision très importante pour ce qui va suivre. Le Sénat ne votait pas les lois, n’élisait pas non plus les magistrats. Il rendait des avis appelés senatus consulta qui ne liaient pas les assemblées populaires en droit ; toutefois leur autorité était suffisamment forte pour qu’un magistrat ne pût leur proposer une loi ou un candidat contraires au souhait des sénateurs. En langage juridique moderne on dirait que le magistrat était lié à l’avis conforme du Sénat. Retenons cela : il n’est pas nécessaire d’avoir le pouvoir pour détenir du pouvoir.

    Avec l’éphémère cité solonienne et la magnifique république romaine, la monarchie française reste le modèle le mieux accompli de la mixité constitutionnelle, celle-là même à laquelle Érasme pensait lorsqu’il écrivait dans son Institution du prince chrétien, « Le prince préfèrera que sa monarchie soit adoucie par des emprunts à l’aristocratie et à la démocratie, afin de ne pas tomber dans la tyrannie ».

    À la même époque, Claude de Seyssel, analysant le régime français dans sa Grant monarchie française discerne trois retenails (freins) à l’absolutisme royal : d’abord la religion qui, si le Roi se fait tyran, permet à « tout prélat […] et à un simple prêcheur de le reprendre et arguer publiquement et en sa barbe » ; ensuite les parlements dont il « n’est en la puissance des roys les déposer sinon par forfaicture » ; enfin la police (c.-à-d. les lois fondamentales), si solide « que les princes n’entreprennent pas d’y déroger, et quand le vouldroient faire, l’on n’obéit point à leurs commandements ». Ces lois ne sont pas seulement ce qu’on nommerait aujourd’hui constitution, elles sont aussi dans l’esprit de Seyssel, celles qui garantissent les libertés des corps intermédiaires (provinces, villes, corporations…) et des individus.

    Laissons le juriste Charles Dumoulin résumer, à la manière d’Aristote et Polybe, la formule politique française : « Royaume de France, c’est monarchie avec un assaisonnement, composition et température d’aristocratie et démocratie des estats ». Telle était le système français bien équilibré que Bossuet rappellera avec force. Il durera jusqu’à Louis XV.

    Aucun des trois systèmes évoqués ne serait viable aujourd’hui. La démocratie solonienne, l’aristocratie républicaine romaine, la monarchie française étaient belles parce qu’en harmonie avec leurs temps. Mais leurs temps sont révolus et leur retour serait anachronique. Ainsi, ne rêvons pas au Roi-monarque : aujourd’hui le pouvoir use trop vite son détenteur pour être viager. En revanche, aurait toute sa place un Roi qui, sans détenir le pouvoir, aurait l’autorité pour le canaliser, le modérer et plus encore, l’orienter et l’inspirer. Mutatis mutandis, un Roi qui jouerait le rôle du Sénat romain…

    Nous en avons grand besoin. Sous le nom de démocratie, ce que nous connaissons aujourd’hui n’est qu’une oligarchie élective. Cette « partitocratie », assise sur une classe politico-médiatique qui se reproduit en vase clos, gouverne sans qu’aucun frein ne la retienne, même quand elle se vend à la ploutocratie mondialisée. Quant à la votation, elle s’y réduit à la légitimation rituelle de l’alternance d’équipes semblables.

    Seul un roi héréditaire, libre de sa parole et disposant d’une autorité garantie par la constitution aurait les moyens de policer cette classe dirigeante. Certes il ne gouvernerait ni ne légiférerait mais, si je puis me permettre cette image, sans avoir la main sur le timon, il aurait l’œil sur le timonier. Pas seulement pour le sermonner, mais pour le conseiller, l’inciter et lui montrer les limites à ne pas dépasser.

    Sur le plan institutionnel, l’idée est simple. La pratique constitutionnelle actuelle est celle d’un régime parlementaire dualiste c.-à-d. un parlementarisme dans lequel le Gouvernement est responsable devant la chambre basse et devant le chef de l’État. Je dis la pratique, parce que la lettre est, elle, moniste : rien en effet dans la constitution n’autorise le Président à démettre le Premier ministre et rien ne l’autorise à gouverner à sa place. Au contraire, d’une part l’art. 20 dispose que le « Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » et qu’« il est responsable devant le Parlement » ; d’autre part l’art. 21 précise que le « Premier ministre dirige l’action du Gouvernement ». Ce n’est qu’en période de cohabitation que la lettre moniste s’appliquait.

    Partant, l’avènement d’un Roi qui ne soit ni un Roi-monarque, ni un Roi-symbole, mais un Roi-conscience, nécessite qu’il s’inscrive dans un parlementarisme qui ne soit ni moniste, ni dualiste. Ni moniste, parce que ce serait en faire un Roi-symbole, ni dualiste parce que ce serait en faire un Roi-monarque. Ce nouveau parlementarisme, appelons-le parlementarisme mixte. Comme le moniste, il donnerait le pouvoir au Premier ministre, et au Parlement seul le droit d’accorder ou non la confiance au Gouvernement. Comme le dualiste, il donnerait au chef de l’État des prérogatives qui en ferait un acteur incontournable.

    Peu d’articles de la constitution de la V° République seraient à modifier pour réaliser ce bouleversement :

    - Art. 18 : L’actuel droit de message du chef de l’État au Parlement doit permettre un authentique discours du Trône annuel. Entendons une déclaration de politique générale dans laquelle le Roi exprime en toute liberté sa vision de l’état de la France et indique les réformes dont il souhaite que le Gouvernement se saisisse. Hormis le discours du Trône, le Roi pourrait adresser ponctuellement des messages sur les sujets de son choix. Bien sûr ce droit de message resterait un pouvoir propre, c.-à-d. non soumis à contreseing.

    - Art. 44 : Le droit d’amendement qui appartient aujourd’hui au Gouvernement et au Parlement sera élargi au Roi. Il pourrait ainsi intervenir dans l’élaboration de la loi en proposant des modifications aux projets ou propositions déposés.

    - Art. 10, al.2 : Ce texte autorise le Président à demander une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette sorte de véto suspensif est toutefois soumise à contreseing. Il conviendra d’en faire un pouvoir propre du Roi, lequel pourra ainsi relancer le débat sur un sujet dont il estime qu’il n’a pas été convenablement traité par le Parlement et le Gouvernement.

    - Art. 11 : Le référendum législatif est aujourd’hui proposé par le Gouvernement ou les deux assemblées au Président, lequel accepte ou refuse (laissons de côté l’initiative populaire qui ne nous intéresse pas directement ici, et reste inutilisée pour l’heure). Dans les faits, la proposition gouvernementale est purement formelle : tous les référendums furent lancés à l’initiative du Président. Afin que le Roi conserve cette liberté, l’article 11 devra mentionner expressément son droit propre d’appeler le peuple à référendum. Ainsi il pourra non seulement proposer directement au peuple une loi qu’il estime nécessaire, mais aussi lui demander de trancher sur un projet de loi, à son avis mauvais, que le Parlement s’apprête à voter.

    - Art. 9 : Le Président préside le conseil des ministres. Cela n’apparaît pas anormal puisqu’il est le véritable chef de la majorité parlementaire et donc le principal décideur politique. Ce n’est que lors des cohabitations, que sa présidence du conseil devenait nominale face au Premier ministre. Le Roi n’aura aucun besoin de cette présidence qui serait, elle, toujours nominale, puisque le nouveau chef de la majorité parlementaire et principal décideur politique sera désormais le Premier ministre. En revanche, le Roi devra assister de droit aux conseils des ministres et participer aux délibérations pour exercer son autorité modératrice et inspiratrice.

    - Art. 12 : La dissolution de l’Assemblée nationale est un pouvoir propre du Président qui l’exerce après simple consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées. Dans un régime parlementaire moniste, la dissolution de la Chambre par le Gouvernement est le pendant du renversement du Gouvernement par la Chambre. L’initiative de la dissolution revient donc normalement au Premier ministre, le prononcé de la dissolution par le chef de l’État n’étant que formel. Sous la V° République il n’y eut que cinq dissolutions, dont deux avaient simplement pour but de mettre l’Assemblée en adéquation avec le Président Mitterrand nouvellement élu (1981 & 1988). Les trois autres furent plus typiquement parlementaires et effectuées en accord avec le Premier ministre.

    Pas plus qu’il n’a le droit de renvoyer le Gouvernement, le Roi n’aurait celui de dissoudre la chambre basse. Cela relèvera du seul Premier ministre. En revanche, le Roi pourra le lui proposer officiellement, si les circonstances lui semblent exiger que le Peuple se prononce.

    - Art. 16 : En cas de péril grave, le Président peut décider d’exercer les pleins-pouvoirs, entendons la dictature au sens romain du terme. Cette possibilité doit-elle passer au Roi ? La question est délicate. Un roi-conscience qui ne gouverne pas en période normale, devrait-il gouverner en dictator en période anormale ? D’un point de vue strictement logique, non. Mais n’est-ce pas justement, parce qu’un péril grave voire mortel menace le pays, que le roi-conscience, chef d’État parfaitement libre, sera le mieux à même de le conjurer ? On a envie de répondre oui ; mais le risque serait grand pour le Roi. Le péril grave nécessite des réactions brutales voire sanglantes, qui engageraient sa responsabilité tôt ou tard. Or, le Roi étant constitutionnellement irresponsable, la crise pourrait s’achever avec sa chute.

    Mieux vaudrait alors que le Premier ministre exerce la dictature provisoire, mais avec autorisation expresse du Roi.

    La question du feu nucléaire est en partie liée à l’article 16, puisque c’est à la menace de guerre nucléaire que les constituants songeaient en l’écrivant. Certes le déclenchement nucléaire ne nécessite pas les pleins-pouvoirs. Toutefois on n’imagine mal deux attributaires différents : si le Premier ministre peut faire usage de l’article 16, il doit aussi être détenteur du feu nucléaire. Or aujourd’hui, ce n’est pas la constitution mais un décret qui confie au Président l’usage de la force nucléaire. Il conviendra donc de le modifier pour l’attribuer au Premier ministre. Est-il souhaitable de lui associer le Roi, autrement dit d’instaurer une « double clef » qui nécessiterait l’accord conjoint des deux têtes de l’Exécutif ? Ce serait peut-être la meilleure solution…

    Les autres droits du Président passeraient au Roi, notamment la nomination aux emplois supérieurs de l’État (art. 13, al.2) et la signature des décrets délibérés en conseils des ministres (13, al. 1). Ces deux attributs du chef de l’État sont soumis à contreseing, en sorte que ces nominations et décrets nécessitent l’accord du Premier ministre. Le Roi aura donc dans ces deux domaines essentiels un poids important, puisque le Gouvernement ne pourra rien décider sans lui. La sagesse commandera bien sûr de trouver de bons ajustements avec le Premier ministre qui reste le détenteur du pouvoir réglementaire de droit commun.

    « Les formules politiques, disait Maurras, ne sont pas des gaufriers, et si les lois des nations, comme celles du monde et de l’Hommes, sont immuables, il faut voir que toutes les situations de l’histoire et de la géographie sont originales. Elles ont quelque chose d’unique qui doit être traité comme tel. »

    Les Français aiment être gouvernés par un monarque élu ? Respectons ce choix. Il est une étape de leur histoire. Ce monarque peut ne plus être le Président, mais le Premier ministre d’un régime parlementaire. Le Premier anglais, le Kanzler allemand ont-ils moins de pouvoir que le Président de la V° République ? Non, ils ont comme lui le pouvoir. Cela pour la raison que le parlementarisme n’est rien d’autre que le transfert du pouvoir des mains du Roi à celles du Premier ministre. Le fait que la pratique constitutionnelle de la V° République ait permis au Président de capter ce qui appartient au Chef du Gouvernement ne change fondamentalement rien à cette vérité.

    L’essentiel est que le mode de scrutin permette de dégager une majorité indiscutable, afin qu’en votant pour un député, l’électeur choisisse par transparence le Premier ministre de son choix, autrement dit son monarque. Pourquoi même ne pas imaginer une élection au suffrage universel direct du Premier ministre comme aujourd’hui le Président, suivie d’élections législatives ? Ce serait reproduire le schéma actuel qui assure au Président une Assemblée de sa couleur. Quoi qu’il en soit, si le Peuple français conserve sa prérogative élective, il acceptera volontiers un Roi-conscience. La désaffection – sinon le dégoût - qu’il ressent pour la classe politique et pour le système en général, lui feront comprendre l’avantage de flanquer son Premier ministre-monarque d’un Roi qui ne doit rien à personne et qui n’obéit à aucun autre intérêt que celui de la Nation.

    Encore faut-il le lui expliquer. Mais cela est aussi et surtout affaire de prince…  •

    Pierre Renucci

    Historien du droit, des institutions et des faits sociaux

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