Nietzsche par temps bleu [2]
Par Rémi Hugues
À l'occasion de la publication du dernier ouvrage du docteur ès Lettres et agrégé de philosophie Philippe Granarolo, intitulé En chemin avec Nietzsche, Rémi Hugues nous propose une suite de huit articles « Nietzsche par temps bleu ». Il s'agit de tenter de nous faire découvrir ou redécouvrir l'essence de la pensée de l'auteur de Naissance de la tragédie. Nous suivrons ce chemin au fil des prochains jours. Bonne lecture ! LFAR
Ce n'est pas un philosophe mais un scientifique qui a le plus profondément marqué Nietzsche
Un autre grand mérite de Granarolo, qui, en plus dʼêtre un élu municipal, anime un café philosophique dans le Var, est dʼindiquer quels sont les auteurs qui ont le plus influencé Nietzsche. Et il ressort que ce nʼest pas un philosophe (comme par exemple Schopenhauer, comme on lʼentend souvent) mais un scientifique qui a profondément marqué sa pensée : cet homme cʼest Charles Darwin.
Lʼinfluence du darwinisme
Page 92 Granarolo écrit que la « science du XIXème siècle, et le darwinisme en particulier » libèrent la philosophie. Il reprend ainsi à son compte la « préhistoriographie » actuelle fondée sur la théorie de lʼévolution qui veut que des « milliards dʼannées ont pu conduire de lʼêtre monocellulaire originaire à lʼanimal humain »[1].
La théorie de lʼévolution est le principe – au sens à la fois de point de départ et de pierre angulaire – du nietzschéisme. Notre auteur nous apprend que le « premier texte philosophique écrit par Nietzsche alors quʼil avait à peine dix-sept ans (Fatum et histoire) inscrit ses première intuitions dans le cadre de ce quʼil convient de qualifier dʼévolutionnisme » (p. 104) Selon cette vision des choses la détermination de la nature des êtres vivants est « livrée au jeu du hasard » (p. 104), et non plus à lʼUn omnipotent, omniscient et omniprésent, Dieu.
Plus loin, lʼauteur relève ce fragment posthume, que Nietzsche a écrit en 1881 : « Lʼépoque des expérimentations ! Les affirmations de Darwin sont à vérifier – par des expérimentations ! De même la naissance dʼorganismes supérieurs à partir des plus bas. Il faut inaugurer des expérimentation pour plusieurs millénaires ! Éduquer des singes pour en faire des hommes ! » (cité p. 106).
Lʼimportance dans le darwinisme du principe de struggle for life (« lutte pour la vie ») plaît à Nietzsche : « Une formidable cruauté a existé depuis le début de la vie organique, éliminant tout ce qui ʽʽressentaitʼʼ autrement – La science nʼest peut-être quʼun prolongement de ce processus éliminatoire, elle est totalement inconcevable, si elle ne reconnaît pas lʼʽʽhomme normalʼʼ en tant que la ʽʽmesureʼʼ suprême, à maintenir par tous les moyens » (cité p. 109), écrit-il durant cette même année 1881.
Nietzsche, en sʼécartant du fixisme de lʼanthropologie classique (ou adamisme) – Granarolo précise quʼil craignait une « immobilisation de lʼhumanité » (p. 112) –, a participé à la négation de la nature divine de lʼhomme, à sa désacralisation, et donc à la sécularisation des esprits. « Rien dʼimmuable, et pas la moindre origine transcendante, dans lʼhumain » (p. 112), pour citer lʼécrivain varois.
Fruit de nombreuses mutations, nous, êtres humains, ne serions ainsi quʼun « terme provisoire » (p. 114) – dans le sens de « nouveau-né dans une chaîne biologique de plusieurs milliards dʼannées » (p. 210) – que « lʼhominsation (nous) a séparés des singes. » (p. 130)
Et Nietzsche dʼaller jusquʼà dire que le singe est non seulement notre ancêtre, mais aussi notre descendant ! Dans Humain, trop humain on peut effectivement lire que « lʼhomme sorti du singe redeviendra singe, sans que personne ne prenne le moindre intérêt à ce bizarre dénouement de la comédie. » (cité p. 151)
De surcroît, dans un fragment posthume rédigé vers 1888-1889 il montre quʼil ne fait pas sienne la thèse du progrès inéluctable de la condition humaine : « Quel type prendra un jour la relève de lʼhumanité ? Mais ce nʼest là quʼidéologie de darwiniste. Comme si une espèce avait jamais été remplacée ! Ce qui mʼintéresse, cʼest le problème de la hiérarchie au sein de lʼespèce humaine, au progrès de laquelle, dʼune manière générale, je ne crois pas, le problème de la hiérarchie entre types humains qui ont toujours existé et qui existeront toujours. » (cité pp. 151-2)
Granarolo admet volontiers lʼinfluence quʼa exercée Darwin dans la pensée de Nietzsche, quand page 210 il évoque les « découvertes biologiques et la théorie évolutionniste : « Darwin a, nul ne lʼignore, profondément marqué la pensée nietzschéenne » (p. 210). Il dit même quʼà certains égards Nietzsche était « profondément darwinien » (p. 114).
Nietzsche, un darwinien critique
Cependant il faut nuancer cette assertion car ce dernier reprochait à Darwin de présenter la sélection naturelle comme un processus aboutissant à la pérennité du plus fort, ayant pour effet lʼamélioration nécessaire des espèces. Dans Crépuscule des idoles, Nietzsche note que la vie naturelle régie par lʼimpitoyable loi de la jungle « se termine au détriment des forts, des privilégiés, des heureuses exceptions ! Ce nʼest pas en perfection que croissent les espèces. Les faibles lʼemportent de plus en plus sur les forts. » (cité p. 114)
En considérant que le darwinisme était avant tout un « avatar de lʼhégélianisme » (p. 114), Nietzsche ne négligeait-il pas les origines essentiellement hobbesiennes de la Weltanshauung (ou « conception du monde ») de lʼauteur des Origines des espèces ? Il avait fait état à son élève bâlois Baumgartner de la grande admiration quʼil éprouvait pour Thomas Hobbes, nous indique notre auteur page 64.
Or le darwinisme se situe dans le droit fil de pensée de lʼauteur du Léviathan. Karl Marx avait relevé ce lien, lorsquʼil écrivait à son ami Friedrich Engels que la théorie de Darwin nʼétait rien d’autre que la « transposition pure et simple du domaine social dans la nature vivante, de la doctrine de Hobbes (Photo) : bellum omnium contra omnes, et de la thèse de la concurrence chère aux économistes bourgeois, associée à la théorie malthusienne de la population. »[2]
Si Nietzsche se détache du darwinisme stricto sensu, il conserve son évolutionnisme qui se rapporte à toutes les espèces dont lʼhomme, ainsi quʼun déterminisme qui sʼaffranchit du providentialisme pour ériger le « hasard heureux »[3] en cause première et décisive.
Et ce darwinisme partiel représente la condition de possibilité de ce concept qui est sans doute le plus célèbre de Nietzsche, celui de Surhomme. Granarolo avance à ce sujet que « lʼévolutionnisme biologique et culturel […] éclaire sa venue. » (p. 67) (À suivre) ■



Cependant, eu égard à « la violation des principes de démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme », en accord avec d’autres pays européens et avec la bénédiction de l’U.E., la France de M. Macron a cru intelligent de se prévaloir d’un prétendu droit d’ingérence qualifié d’« humanitaire » et de « démocratique » pour lancer un ultimatum à M. Maduro. Ultimatum dont le rejet prévisible a souligné l’incohérence de la démarche. En effet, il faut se rappeler que les Européens, dont la France, à qui personne ne demandait rien, avaient d’abord posé aux médiateurs entre MM. Guaido et Maduro en créant un « groupe de contact » (huit pays européens et cinq latino-américains) afin d’aider à l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle. Groupe dont la réunion de jeudi dernier à Montévidéo a accouché des habituels voeux pieux de circonstance. Or, en prenant de front M. Maduro, les Européens, dont la France, se sont de fait ralliés à M. Guaido.
La politique américaine dans la région a, elle, le mérite de la constance : fondée sur une interprétation impériale de la doctrine de Monroe (1823), elle fait de la mer des Caraïbes une chasse gardée en raison de son importance stratégique. Avoir secondé l’hégémonisme américain, quel beau succès en perspective pour la diplomatie française ! Mais ce n’est pas tout et il y a pis encore. Le simple bon sens montre en effet que le précédent vénézuélien pourra servir à toute remise en cause de tout régime, partout dans le monde, donc là où nous avons encore quelque influence et beaucoup d’intérêts (politiques, économiques, militaires et culturels). Ce serait par exemple le cas pour le Congo ex-Léopoldville où la récente élection présidentielle a sans doute manqué de transparence. En attendant le reste, ou presque, de l’Afrique.


Même la question des enfants, aussi déchirante soit-elle, ne se laisse pas traiter en des termes simplement humanitaires, comme l'a finement posé Sonia Mabrouk dans son roman Dans leur cœur sommeille la vengeance, consacré aux lionceaux de Daech. Mais ce qui frappe, surtout, au-delà des questions prosaïques posées par le retour des djihadistes, c'est la confusion intellectuelle qui l'entoure. Comment les considérer du point de vue de la communauté nationale ? C'est là que surgit un terme que la philosophie politique contemporaine semble proscrire : la trahison. Nous avons une étrange difficulté à dire : ce sont des traîtres. Comme si ce terme heurtait la conscience contemporaine, qu'il était trop dur. Raymond Aron était le premier à convenir du flou qui entoure la notion de trahison, mais il ne la congédiait pas pour autant. Une philosophie politique incapable de la prendre au sérieux est une philosophie politique de temps de paix.
On est en droit de se demander si les djihadistes n'étaient pas que des Français entre guillemets, jouissant de droits qu'ils n'ont jamais équilibrés avec quelques devoirs, qu'ils n'ont jamais aimés non plus. Leur cas n'est-il pas symptomatique d'une décomposition identitaire grave ? Ces hommes auraient-ils senti monter en eux la vocation au djihad s'ils avaient vécu dans un environnement culturel cultivant une représentation du monde qui lui est favorable ?
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur
Le premier mérite du dernier opus du docteur ès Lettres et agrégé de philosophie Philippe Granarolo, intitulé En chemin avec Nietzsche et que la maison dʼédition LʼHarmattan vient de publier, est de nous plonger dʼemblée dans ce qui fonde la puissance de la pensée de Nietzsche, à savoir, pour employer un vocable à la mode, son côté disruptif. La méthode de ce dernier est restée au fil de ses œuvres la même : chercher à nier lʼévidence, à tordre la doxa, à remettre en question les postulats qui semblent indiscutables.
Les mots Apollon et apparence commencent tout deux par le préfixe « ap- » : veille et rêve participent du même ordre. Ils forment un tout, un réel perceptible par le truchement de notre raison, qui coordonne lʼactivité sensorielle. Il nʼy a ainsi selon Nietzsche non point une différence de nature mais seulement de degré entre ces deux états de lʼapparence ; le rêve étant ainsi lʼapparence de lʼapparence. Or lʼusage raisonné de nos sens peut déraisonner, être affecté par des passions, telles la force, lʼinstinct ou la nature.
Quand, à ce sujet, Emmanuel Lévinas (Photo) écrit les lignes qui suivent – « « lʼhomme serait le lieu où passe la transcendance […]. Peut-être tout le statut de la subjectivité ou de la raison doit-il être révisé à partir de cette situation »

Votre livre examine un document intitulé « Stratégie de l’action culturelle islamique à l’extérieur du monde islamique », qui a été élaboré par l’ISESCO, département culturel de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), regroupant 57 Etats musulmans. Dans quelles circonstances avez-vous découvert ce texte dont personne ne parle et pour quels motifs avez-vous décidé d’en faire connaître le contenu au plus grand nombre ?
Le document de l’ISESCO montre que l’islamisation de la France relève d’une volonté stratégique portée par des Etats, agissant sur le champ culturel, et soutenue par des moyens financiers importants. Par conséquent, si la France veut y répondre, elle doit le faire sur ces trois plans. 
Les applaudissements ont été immédiats.

Mais aujourd'hui personne ne paraît avoir en tête l'état épouvantable où se trouvait Cuba avant la chute de Batista (Photo), le 1er janvier 1959, ce statut, à la fois presque officiel et totalement hypocrite de bordel des États-Unis, où l'omniprésence du jeu, de la prostitution et de la drogue permettait à de vertueux baptistes ou presbytériens de s'envoyer en l'air sans courir le moindre risque. Personne ne paraît avoir en tête, non plus, que malgré son isolement mondial, malgré l'évidence que, dès que les Castro auront disparu, l'île reviendra à son statut de capharnaüm exotique et qu'elle a descendu, déjà, une bonne partie de la pente, personne, donc, ne rappelle que son système éducatif demeure extrêmement performant et que sa première ressource, avec le tourisme, est l'exportation de médecins compétents vers des pays riches en pétrole (Venezuela) qui lui assurent ainsi son approvisionnement.
Ce long commentaire dévidé, venons au film magnifique de Mikhail Kalatozov qui est, assez certainement, une commande passée par l'Union soviétique pour l'édification des masses cubaines (et sans doute au delà, pour celle du Tiers-Monde), une œuvre de propagande délicieusement manichéenne, caricaturale et naïve. C'est là tout le charme de ces pamphlets filmés et je renvoie ceux qui ne la connaissent pas à la rigolote et sympathique Vie est à nous, confectionnée par Jean Renoir pour le compte du Parti Communiste.
La caméra survole, ondoie, navigue avec une aisance magistrale et, grâce à une photographie magique qui fait par exemple apparaître blanches les feuilles des palmiers sans qu'il y ait pour autant surexposition de la pellicule. On peut quelquefois estimer que Kalatozov abuse un peu des images décentrées, des prises de vue obliques, des angles volontairement excessifs. Mais c'est si beau, si bien filmé, si intelligent dans la mise en œuvre qu'on en est sidéré.

Néanmoins, il nous faut continuer à subir dans les médias, les vaines incantations de nos politiciens locaux ou nationaux sur I' « égalité des territoires » etc, etc. Des mots, des mots vides pendant que, pour taxes et impôts, là nous sommes bien à « égalité des territoires »...
Édouard Chanot est journaliste
Alors que la nouvelle droite a
En fait, trop de contre-vérités,
Il me semble aussi que la droite,
Indéniablement, un basculement s’est opéré dans les années 80 au sein de la mouvance, entre le racialisme (porté vers la hiérarchisation) et l'ethno-différentialisme, conséquence d’une lecture de Claude Levi-Strauss (Photo). Il n’y a donc rien de caché, et Jean-Yves Camus l’explique très bien dans le reportage [références ci-dessous ndlr], je vous laisserai donc l’écouter !

