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Politique et Religion - Page 64

  • Patrimoine • Soirée exceptionnelle : La Nuit aux Invalides pour les chrétiens d’Orient, 23 juin 2016

     

    Une soirée placée sous le haut patronage du primat de l’Église syriaque catholique Mgr Ignace Joseph III Younan, et de Jean d’Ormesson, de l’Académie française.

    Soirée exceptionnelle

    L’AED (Aide à l’Eglise en Détresse) et SOS Chrétiens d’Orient organisent, le 23 juin 2016, une soirée unique au profit des chrétiens d’Orient, autour du nouveau spectacle historique « La Nuit aux Invalides ». Parrainée par Michael Lonsdale entre autres, cette soirée accueillera aussi quinze grands auteurs qui viendront dédicacer leurs ouvrages (Jean-Christian Petitfils, Jean Sévillia, Philippe de Villiers, Véronique Lévy, Charles Beigbeder…). Une exposition de photos de Katharine Cooper, lauréate du Grand Prix de photographie de l’Institut de France, sera également présentée au public.

    Un projet commun : la reconstruction de l’école syriaque catholique de Bagdad

    Tous les bénéfices serviront à la reconstruction de l’école syriaque catholique de Bagdad, projet commun aux deux associations. Cette école se trouve à quelques mètres de la cathédrale où des dizaines de chrétiens furent massacrés par des terroristes islamistes, en 2010. Elle permettra à 700 enfants, aujourd’hui privés d’éducation, de retourner à l’école.

    « Depuis saint Louis, la France est la protectrice des chrétiens d’Orient et il est plus que jamais nécessaire de poursuivre cette mission. Par cette soirée commune et ce projet porté ensemble, nous voulons illustrer la complémentarité de nos associations au profit de cette cause », explique Marc Fromager, directeur de l’AED.

    Pour Charles de Meyer, président de SOS Chrétiens d’Orient, « cette nouvelle école est vitale pour la communauté locale chrétienne qui souhaite éduquer ses enfants. Nous devons le faire en mémoire des 53 chrétiens massacrés à cet endroit même en 2010 et pour tous les enfants de Bagdad que nous souhaitons aider à grandir sur leur propre terre ». 

    Programme

    De 20h30 à 22h : dédicaces, expositions
    22h15 : interventions de Marc Fromager et Charles de Meyer
    22h30 : Show monumental La Nuit aux Invalides
    Informations et réservations sur

    www.lanuitauxinvalidespourleschretiensdorient.fr

  • A propos des critiques de certains milieux catholiques envers Maurras et l'Action française

    Juin 2002 - Les Baux de Provence - Le prince Jean avec les jeunes du service d'accueil

     

    Trente-trois rassemblements royalistes se sont tenus en Provence, à partir de 1969, chaque mois de juin, en l'absence d'un quelconque contact  - du moins, public - avec le Chef de la Maison de France d'alors, feu Monseigneur le comte de Paris. A deux ou trois exceptions près toutefois, dont nous aurons sans-doute l'occasion de reparler.

    La venue au rassemblement royaliste des Baux de Provence de 2002, du prince Jean de France accompagné de son frère, le prince Eudes,  lui-même venu avec son épouse, la princesse Marie-Liesse et leur toute jeune petite fille, la princesse Thérèse, constituait donc un événement. Perçu de tous comme tel. Événement dans la suite des rassemblements de Montmajour et des Baux de Provence, mais surtout dans l'histoire du royalisme français. Joie, émotion, espérance et projets ... Ce fut le lot de cette journée autour des Princes accueillis par Marcel Jullian, Jean-Marc Varaut, Gérard Leclerc et  Jean Sévillia. Grand repas à l'ombre des pins, discours, intervention du prince Jean, remerciements et conclusion du prince Eudes,  Coupo Santo : ce fut en bref le déroulement de cette journée.

    Elle s'est terminée par une rencontre-dialogue entre le prince Jean et les jeunes du service d'accueil, une canette de bière à la main, ce que nous avons évoqué, dans Lafautearousseau dimanche dernier [05.06]. A propos, modestement, des tee-shirts que tous portaient, ce jour-là.

    Tout ceci pour introduire le commentaire émouvant et significatif que nous avons reçu à la suite de cette publication - commentaire dont nous croyons utile que nos lecteurs aient connaissance. Le voici :

    « Valentin Dulac

    Chers amis de La faute à Rousseau,

    Pour la petite histoire, parmi les jeunes du service d'accueil présents a l'occasion de la venue du Prince Jean aux Baux cela intéressera peut être vos lecteurs de savoir que trois d'entre eux (dont l'un est d'ailleurs présent sur la photo), sont désormais jeunes prêtres dans le Diocèse de Nice, un autre est Diacre en vue du sacerdoce pour le Diocèse de Bordeaux et qu'une d'entre eux est religieuse chez les Soeurs de la Consolation à Draguignan.

    Tous étaient à l'époque membres actifs du Cercle royaliste du Comté de Nice. Et tous sont restés des fidèles du Prince.

    Dieu et le Roi !...

    PS : ce petit commentaire contredit d'ailleurs les propos incroyablement violents et injustes de Denis Tillinac tenus dans un numéro de Famille Chrétienne mi mai contre Maurras (entre autre attaque, « le maurrassisme est la pire des insultes à l'encontre de l'Eglise catholique » ...) On peut en l'occurrence se demander pourquoi ces jeunes tous formés pendant des années à l'école de l'AF ne se sont pas détournés de la foi et de l'Eglise ? !....»

    Commentaire qui a été suivi de deux autres que voici encore :

    « LUC

    Magnifique commentaire qui, en effet, réduit à néant les critiques de certains milieux catholiques envers Maurras et l'Action française.

    Rien à voir, bien-sûr avec « la petite histoire ». C'est au contraire une grande et belle histoire qui devrait être portée à la connaissance du Prince, s’il l’ignore.

    Décidément, Tillinac est bien léger en regard d’un tel récit.

    MERCI ! »

    « François Davin

    Avec ce genre de propos, Tillinac, à qui il arrive souvent de dire de belles et bonnes choses, s'est très largement discrédité. Il parle manifestement d'un sujet qu'il ne connaît pas, et sur un ton qui ne convient pas. C'est triste, pour lui...»

    Faut-il commenter davantage ? Lafautearousseau  •

    Lire aussi ...

    Symboles & Traditions • Les tee-shirt du service d'accueil des rassemblements royalistes en Provence

  • Le Dalaï Lama serait-il mieux inspiré que le pape de Rome ?

    Le Dalaï Lama à Aldershot au Royaume-Uni le 29 juin 2015 afp.com/BEN STANSALL

     

    Frankfurter-Allgemeine-Zeitung.jpgBerlin - Le Dalaï Lama a estimé qu'il y avait à présent trop de réfugiés en Europe après la vague d'arrivées l'an dernier et que ces migrants cherchant protection ne devaient rester que provisoirement sur place, dans une interview publiée mardi en Allemagne.

    « Quand nous regardons le visage de chaque réfugié, surtout ceux des enfants et des femmes, nous ressentons leur souffrance et un être humain qui a de meilleures conditions de vie a la responsabilité de les aider. Mais d'un autre côté, il y en a trop à présent » en Europe, a déclaré le chef spirituel des Tibétains au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung

    « L'Europe, l'Allemagne en particulier, ne peut devenir un pays arabe, l'Allemagne est l'Allemagne », a-t-il ajouté, en référence au fait qu'une majorité des migrants vient de pays arabes comme la Syrie ou l'Irak.  

    « Il y en a tant que cela devient difficile sur le plan pratique. Et sur le plan moral, je trouve aussi que ces réfugiés ne devraient être accueillis que provisoirement. L'objectif devrait être qu'ils retournent (dans leur pays) et aident à reconstruire leur pays », a estimé le Dalaï Lama, qui vit lui-même en exil en Inde depuis plus de 50 ans.  

    Il a à ce sujet de nouveau exprimé l'espoir de revenir de son vivant au Tibet, en Chine, « peut-être dans quelques années »

    « Si les conditions de mon retour sont réunies, ou à tout le moins d'une courte visite, cela serait pour moi une joie », a-t-il dit. 

     

  • Livres & Actualité • Éric Zemmour: Les droits de l'homme ou la vie

     

    Comment notre religion des droits de l'homme favorise la conquête silencieuse de l'islam. Démonstration implacable d'un grand juriste. Et une remarquable recension d'Eric Zemmour [Le Figaro - 18.05]. Est-il vraiment utile de souligner sa proximité avec ce que l'école d'Action française a professé de tous temps, comme, d'ailleurs, les divers penseurs de la contre-révolution ?   LFAR

     

    XVMad37cc34-1d0b-11e6-a407-30bb1f38b0e0.jpgC'est le débat politique qui vient. Débat philosophique, idéologique, juridique. Débat existentiel. Débat qui revient. Dès 1980, Marcel Gauchet avait, le premier, annoncé que la conversion des démocraties occidentales à la politique des droits de l'homme les « conduirait à l'impuissance politique ». En 1989, Régis Debray avait brocardé « la doctrine des droits de l'homme, la dernière de nos religions civiles ». Mais la question a pris une tout autre ampleur. Il ne s'agit plus seulement de disserter doctement sur les limites désormais reconnues par tous d'une politique étrangère qui ne se soumettrait plus aux canons de la realpolitik. Il ne s'agit même plus de pointer les risques de désagrégation d'une citoyenneté républicaine minée par un individualisme démocratique revendicatif.

    Les Cassandre ont eu raison. Au-delà même de leurs craintes. Les droits de l'homme sont bien devenus notre seule religion civile, la seule identité à laquelle nos élites nous autorisent d'identifier la Nation. La religion des droits de l'homme est allée au bout de sa logique nihiliste. Mais l'enjeu est désormais encore plus vital. Dans ses décombres, et sous sa protection, on assiste impuissant à l'émergence, sur des parcelles de plus en plus nombreuses du territoire français, d'un nouvel ordre politico-juridique et d'un nouveau peuple dans le peuple, façonnés et unifiés par l'islam. Cette rencontre des droits de l'homme et de l'islam évoque celle du nitrate et de la glycérine. Elle est en train de faire exploser notre pays. Il fallait pour décrire cette collusion tragique à la fois un juriste et un théologien. Jean-Louis Harouel est notre homme. Agrégé de droit, professeur à Assas, et spécialiste de l'histoire des religions en général et du christianisme en particulier. Derrière un style parfois pesant d'universitaire, son scalpel est acéré. D'un côté, il nous démontre, après bien d'autres, que « c'est une erreur de considérer l'islam seulement comme une religion », car « l'islam est à la fois religion et régime politique ». L'islam est une loi implacable qui ne tolère aucune contestation : « La déclaration sur les droits de l'homme en Islam adoptée au Caire en 1990 interdit d'exprimer toute opinion en contradiction avec les principes de la charia ». De l'autre côté, il nous retrace la généalogie religieuse, idéologique et juridique de notre folle conversion aux droits de l'homme : « Les droits de l'homme sont la religion séculière qui a pris le relais de la religion séculière communiste… la promesse de perfection sociale ne réclame plus la suppression de toute propriété mais la négation de toute différence entre les humains. » Harouel est particulièrement passionnant lorsqu'il nous conte les origines chrétiennes de ces droits de l'homme. Reprenant la célèbre formule de l'écrivain anglais Chesterton, sur les « idées chrétiennes devenues folles », il la nuance et la corrige, en y voyant plutôt l'influence d'hérésies du christianisme, la gnose et le millénarisme : « le gnostique est un homme-Dieu au-dessus des lois et de la morale ordinaire du Décalogue… Le millénarisme annonce la promesse terrestre du royaume de Dieu alors que Jésus l'avait déplacé vers les cieux… La gnose et le millénarisme ont en commun le refus de considérer que le mal peut résider en l'homme. »

    On remarquera avec notre auteur que la gnose et le millénarisme étaient déjà aux sources du communisme et de ses pratiques totalitaires ; et que les militants de gauche, guéris du communisme, sont devenus les militants les plus fanatisés des droits de l'homme. Pendant un siècle et demi, les droits de l'homme n'étaient pas du droit, mais un ensemble de principes guidant l'action politique. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale, et le traumatisme nazi, que la Convention européenne des droits de l'homme en 1950 instaura le « culte des droits de l'homme » et transforma les grands principes en droit positif et les juges en une « nouvelle prêtrise judiciaire ». Le professeur de droit Georges Lavau dira, sévère, que « les hauts magistrats se sont arrogé, en créant des règles nouvelles au nom des principes généraux du droit, une fonction de type prophétique ». Les droits de l'homme n'étaient plus les droits de l'homme : ils passaient de la défense des libertés pour protéger les individus d'un État trop puissant au principe de « non-discrimination » qui empêche l'État de protéger et défendre son peuple menacé d'éviction et de destruction sur son propre territoire.

    La boucle était bouclée. Celle qui tourne des droits de l'homme à l'islam. D'une religion à l'autre. D'un ordre totalitaire qui empiète sur la sphère privée (le principe de non-discrimination) à un ordre totalitaire qui nie la distinction entre sphère privée et sphère publique (l'islam). Les peuples européens sont coincés entre le marteau et l'enclume, menacés de mort: « Le millénarisme immigrationniste est de nature totalitaire… Il a remplacé le combat communiste pour la destruction des bourgeoisies par le combat pour la destruction des nations européennes. » L'analyse est implacable, le constat accablant, l'impasse totale. L'issue radicale. « Il est indispensable de discriminer… Soumettre l'islam à un statut dérogatoire pour le contraindre à se limiter à la sphère privée… S'inspirer du modèle discriminatoire suisse… La France ne peut espérer survivre qu'en rompant avec son culte de la non-discrimination. »

    Les droits de l'homme ou la vie. On connaît d'avance la réponse de nos élites politiques, intellectuelles, médiatiques, culturelles, artistiques, économiques : les droits de l'homme. Au nom des grands principes et des grands sentiments. Et aussi des petits calculs et petits intérêts. D'un amour de l'Autre jusqu'au mépris et la haine de soi. C'est la reprise de la célèbre formule de Robespierre: « que l'Empire périsse pourvu que les principes demeurent ». Sauf que l'Empire, c'est la France et les Français. Les deux camps vont dans l'avenir se conforter, s'insulter, s'affronter. Les droits-de-l'hommistes contre les populistes. Chacun flirtant avec sa propre caricature et ses certitudes. Chacun prétendra agir pour éviter « la guerre civile » qui vient. En vain. 

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    Les droits de l'homme contre le peuple. Jean-Louis Harouel, Desclee de Brouwer, 140 p., 14 €

  • Racines chrétiennes de l'Europe : réponse à Pierre Moscovici

     

    Pierre Moscovici, commissaire européen en charge de l'économie, a déclaré le 8 mai qu'il ne « croyait pas aux origines chrétiennes de l'Europe ». Maxime Tandonnet montre ici à fort juste titre [Figarovox - 11.05] comment la négation de l'histoire, de la connaissance des faits et du passé est devenue l'un des piliers de l'Europe moderne. Naturellement, à son pur détriment.  LFAR

     

    Tandonnet.jpgPierre Moscovici, commissaire européen en charge de l'économie, a déclaré le 8 mai qu'il ne «croyait pas aux origines chrétiennes de l'Europe». Le débat n'est pas nouveau. Il avait dominé les travaux de rédaction de la «Constitution européenne» en 2005. A l'époque, la France et le président Jacques Chirac étaient en pointe du refus d'inscription de cette notion dans le texte, s'opposant à la Pologne, l'Italie, l'Allemagne. Finalement, l'idée d'inscrire les racines chrétiennes dans la Constitution européenne avait été écartée. Puis, cette dernière avait été rejetée par les référendums français de mai et hollandais de juin 2005.

    D'un point de vue historique, la négation des racines chrétiennes de l'Europe est une contre-vérité. L'Europe est née sur les ruines de l'Empire romain dont le christianisme était devenu la religion officielle à la suite de la conversion de Constantin en 312. Elle est issue d'une longue épreuve d'affrontement entre des peuples germains convertis au christianisme pour la domination politique sur le continent. Le baptême de Clovis en 498, puis l'alliance des Carolingiens avec le pape ont constitué des étapes décisives de l'apparition de l'Europe. L'Empire de Charlemagne, proclamé en 800, qui couvre grosso modo un territoire correspondant à l'Europe occidentale, se confond avec la chrétienté. Il en est le protecteur et le bras armé. Il se donne pour objectif la conversion des peuples voisins (saxons, Frisons, Avars) et le début de la reconquista de l'Espagne musulmane.

    Jusqu'au XVIIIe siècle, pendant au moins treize siècles, le christianisme est, de fait, le ciment des sociétés européennes. Dans les périodes obscures du Moyen-âge, de chaos, d'invasions, de destructions, le savoir est préservés dans les monastères et les abbayes. Les croisades pour la reconquête des «lieux saints» obsèdent les esprits pendant deux siècles. La légitimité du monarque est «de droit divin». La féodalité est soudée par des liens de vassalité, d'essence religieuse. Le christianisme et ses rituels imprègnent profondément la vie quotidienne. Le clergé dispense l'enseignement, soigne les malades, assiste les pauvres, encadre l'existence quotidienne. L'intervention divine est l'explication de tout événement: épidémie, guérison, bonne ou mauvaise récolte, défaite ou victoire militaire... D'ailleurs, s'il est une caractéristique commune au patrimoine architectural de l'Europe, c'est bien la présence partout des églises.

    Quand M. Moscovici affirme «ne pas croire aux racines chrétiennes de l'Europe», il se situe sur un terrain inapproprié. Le sujet ne relève pas de la croyance mais du savoir. De fait, il prononce des paroles de nature idéologique. Il porte un jugement personnel sur une question qui est de l'ordre factuel. Dans son esprit, la négation des racines chrétiennes de l'Europe vaut reconnaissance du caractère multiculturel de l'Europe et de sa vocation à intégrer la Turquie. Il opère une confusion, classique, entre histoire et idéologie. Or les deux ne sont pas forcément liées. Rien ne l'empêcherait d'admettre la vérité historique - l'Europe a des racines chrétiennes - et d'ajouter que de son point de vue, l'Europe doit changer, poursuivre sa déchristianisation et sa marche vers une société multiculturelle.

    De fait, la négation de l'histoire, au sens de la connaissance des faits, du passé, des racines, est devenue l'un des piliers de l'Europe moderne. Il n'est pas innocent que l'histoire chronologique ait été largement bannie de l'enseignement et des manuels scolaires. La droite au pouvoir n'est pas exempte de tout reproche. N'a-t-elle pas supprimé en 2010 l'enseignement de l'histoire en terminale scientifique au prétexte d'un rééquilibrage entre les filières? Aujourd'hui, le latin et le grec disparaissent du programme des collèges. La «mémoire» n'existe que pour aviver la mauvaise conscience. La connaissance de l'histoire, voire la simple curiosité historique, factuelle, bien au contraire, paraissent vouées à s'effacer. La logique dominante est celle de la table rase, héritée des idéologies totalitaires du XXe siècle. L'entreprise de déculturation bat son plein: l'histoire politique et littéraire, les langues anciennes, l'orthographe. L'idéal, conscient ou inconscient, est d'engendrer peu à peu un homme neuf, un Européen parfait, apuré de son patrimoine culturel, religieux, intellectuel. C'est-à-dire un homme réduit à sa fonction de consommateur et d'agent économique, privé des outils de l'esprit critique et qui se prêtera plus facilement à toutes les manipulations idéologiques y compris extrémistes, de droite comme de gauche. 

    Maxime Tandonnet           

    Maxime Tandonnet décrypte chaque semaine l'exercice de l'État pour FigaroVox. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Histoire des présidents de la République, Perrin, 2013. Son dernier livre Au coeur du Volcan, carnet de l'Élysée est paru en août 2014. Découvrez également ses chroniques sur son blog.

  • D'ACCORD AVEC GUILLAUME ROQUETTE : LA VOCATION DU PAPE N'EST PAS DE SE SUBSTITUER AUX CHEFS D'ÉTAT

     Rome, le 16 avril. Le Pape François souhaite la bienvenue au groupe de réfugiés qui sont repartis avec lui de l'île grecque de Lesbos. AFP/FILIPPO MONTEFORTE/Pool

     

    LA PARABOLE DES 12 MIGRANTS

    C'est sous ce titre empruntant à la terminologie des Ecritures que Guillaume Roquette a traité, dans la dernière livraison du Figaro magazine*, de la délicate question de la politique vaticane dans l'affaire des migrants. Il l'a fait avec finesse et avec tact. Mais aussi avec une justesse de ton et d'analyse que l'on apprécie et que l'on approuve spontanément. Les prises de position du Pape en matière migratoire, les gestes publics qu'il accomplit et sont repris par tous les médias pour être exploités dans le sens qu'on devine, n'engagent pas la politique de la France. Du moins celle qu'elle devrait avoir. Et que, malheureusement, elle n'a pas. LFAR

     

    guillaume_roquette-edito__00000002__d_147_221.jpgEn ramenant avec lui de Grèce douze migrants syriens, le pape François est-il sorti de son rôle ? Difficile de ne pas voir dans son coup d'éclat un acte politique, et c'est d'ailleurs comme tel qu'il a été exploité par les dirigeants européens de tous bords, applaudissant ou critiquant - c'est selon - l'engagement pontifical en faveur d'un accueil plus généreux des réfugiés. En France, on a même vu Jean-Luc Mélenchon crier « Vive le pape ! » (l'Esprit souffle décidément où il veut).

    Au risque de passer pour un jésuite, on voudrait risquer l'hypothèse que le souverain pontife a pu se permettre un geste politique samedi dernier dans la mesure où la politique n'est pas son métier. Quand il embarque des migrants dans son avion, François met strictement en pratique l'amour du prochain auquel est appelé tout catholique, amour d'autant plus gratuit qu'il s'applique en l'occurrence à des musulmans (il paraît que des chrétiens devaient être aussi du voyage, mais qu'ils n'ont pas eu leurs papiers à temps. Si cela est vrai, on imagine que le pape annoncera bientôt leur arrivée au Vatican).

    François s'est donc conduit en autorité spirituelle, traduisant par des actes l'idéal de sa foi. Mais, malgré tout son ascendant moral, il n'a pas vocation à servir de modèle aux gouvernants européens. Le christianisme n'est pas l'islam : la distinction entre le politique et le religieux, entre Dieu et César, est un principe constant en Occident. Et c'est tant mieux. Quand les Etats se mettent à conduire leur politique étrangère en privilégiant les grands principes sur leurs intérêts vitaux, le résultat est généralement désastreux : la diplomatie des droits de l'homme menée par la France en Libye ou en Syrie n'est pas pour rien dans le chaos que connaissent ces pays, et la suppression irréfléchie des frontières dans l'espace Schengen met aujourd'hui en danger l'existence même de l'Union.

    Nous n'avons pas à avoir honte de notre politique vis-à-vis des migrants. L'Europe en a déjà accueilli un million l'année dernière, quand la plupart des pays musulmans, parfois richissimes, leur fermaient obstinément leurs portes. Nous ne pouvons pas, au risque de déstabiliser durablement nos sociétés, accueillir tous les réfugiés - de culture et de religion différentes des nôtres - qui rêvent encore d'entrer en Europe. Avec la fermeture de la route des Balkans, des centaines de milliers de nouveaux migrants vont tenter d'arriver par la Libye. Et cinquante mille attendent encore de quitter la Grèce. Malgré toute sa générosité, le pape n'a pu en emmener que douze.   

    CROOUETTE@LEFICARO.FR
    22 AVRIL 2016 - LE FIGARO MAGAZINE

  • Religion & Société • L'islam, principale ligne de fracture entre les intellectuels

     

    par Vincent Trémolet de Villers

    Une remarquable réflexion pour Le Figaro [22./04] sur un sujet maintes fois évoqué dans Lafautearousseau mais qui est ici approfondi et actualisé.

     

    ob_b41265_vincent-temolet-de-villers.jpgAlain Finkielkraut, Michel Houellebecq, Michel Onfray ou Eric Zemmour ont longtemps été les seuls à dire sans tricher ce qu'ils voyaient. Mais, depuis les attentats islamistes de Paris et de Bruxelles, la prise en compte du réel est en train de modifier profondément le monde de la pensée.

    On peut avoir le visage découvert, les cheveux aux vents et se voiler volontairement l'esprit. Ce port du voile-là n'a jamais été obligatoire mais celui qui, en France, se risquait à le retirer pour voir les conséquences d'une immigration inconséquente, celui qui osait exprimer sa crainte de voir fleurir les barbes et pousser les minarets a longtemps subi le supplice réservé aux apostats. Les gardiens du dogme le jetaient dans les ténèbres, les comités de surveillance le faisaient poursuivre par les juges, les relais d'opinion accolaient à son nom tous les péchés du monde.

    S'il lui prenait la fantaisie de ne plus chercher les convulsions antisémites dans les salons de la vieille France ou les sacristies des églises mais dans les territoires délaissés par l'école, la police, la justice, on criait au racisme. Il valait mieux raser les murs et rester bien au chaud derrière la bonne grille de pensée. Le nouveau clergé disait le bien et le mal, le salut et l'enfer. Nul n'y croyait guère mais, l'histoire le prouve, on peut aussi pratiquer une religion sans y croire.

    Accepter de voir

    Et puis, un à un, malgré tout, essayistes, philosophes, écrivains ont arraché le voile. Ils ont accepté de voir. Ils ont même accepté de dire. Les gardiens de la révolution ont bien tenté de les poursuivre, de les faire renvoyer de leurs journaux, de leurs télévisions, de leurs radios, de les mener de force devant les juges: rien n'y fit, leur succès était trop grand et la population les portait aux nues.

    Ils pouvaient être journalistes comme Eric Zemmour, philosophes comme Alain Finkielkraut et Michel Onfray, romanciers comme Michel Houellebecq, essayistes comme Pascal Bruckner et Elisabeth Lévy. Par paresse (ou par malveillance), ils furent assimilés les uns aux autres, sous le vocable de néoréactionnaires. Pourtant, en l'espèce, il était hasardeux de faire des amalgames. Leur seul point commun était d'avoir retiré le voile, d'avoir appelé un chat un chat et un attentat islamiste, un attentat islamiste.

    En dix ans, ce surgissement du réel a bouleversé toutes les lignes de la vie des idées. L'antiracisme a perdu la tête et la main jaune est devenue folle. Les potes d'hier se sont déchirés et la génération SOS a essaimé au Parti socialiste, certes, mais aussi chez Dieudonné. Bernard-Henri Lévy s'est élevé contre le drapeau noir du califat tandis qu'Edwy Plenel a fait du musulman le prolétaire, la victime, le juif du XXIe siècle.

    La gauche morale à l'heure de l'examen de conscience

    « Le catholique zombie », voilà l'ennemi, proclamait Emmanuel Todd quelques mois après que les fous d'Allah eurent tué de sang-froid journalistes, policiers et juifs de l'Hyper Cacher, tandis que des bouffeurs de curés prenaient la défense des chrétiens d'Orient. Il a fallu un deuxième carnage, le 13 novembre, pour que d'autres, à leur tour, viennent dire ce que chacun voyait à l'œil nu. La gauche morale, enfin, faisait son examen de conscience. Celle qui ne combattait que des ennemis déjà vaincus - le fameux homme-blanc-de-plus-de-50-ans - a découvert dans la nuit de Cologne que « la victime » pouvait être « un bourreau ». Elisabeth Badinter qui, elle, n'a jamais été dupe, a souligné la hiérarchie morale du parti de l'Autre : « Ce que cette affaire de Cologne a démontré c'est que, quand ce sont des étrangers qui sont en cause, alors les priorités changent. »

    La gauche, qui ricanait devant Le Petit Journal sur tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de la transcendance, s'est souvenue que l'homme était un animal religieux. Jean Birnbaum (Un silence religieux, Seuil) s'est fait l'écho de Saint- Exupéry qui, au milieu de la guerre, écrivait au général X : « Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles, faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien […] Rien qu'à entendre un chant villageois du XVe siècle, on mesure la pente descendue. » Cette lettre, celle d'un homme plongé dans la nuit du monde entre la croix gammée et le drapeau rouge, résonne curieusement aujourd'hui. L'auteur de Citadelle, en effet, connaissait l'ennemi, mais se demandait si cette connaissance suffisait au sursaut d'un pays et d'une civilisation.

    L'État islamique et ses épigones ne nous disent pas autre chose. L'islamisme conquérant, celui des bombes mais aussi celui du voile intégral et des prières de rue, nous pose la même question: « Qui êtes- vous ? ». Nous, nous savons qui nous sommes, nous disent les djihadistes, mais vous qui êtes-vous ?

    À cette question, les réponses sont multiples : « Je suis Charlie », « je suis terrasse », « je suis Bruxelles ». « Qui est Charlie ? » se demande-t-on, tout de même. Certes, la terrasse du Petit Carillon à la nuit tombée illustre un peu de notre art de vivre, mais peut-on répondre au cri d'« Allah est grand » par un verre de mojito ? Et Bruxelles est-elle la « ville-monde » que le maire vante comme un modèle pour tout l'Occident ou « la capitale de l'Europe des soumis, d'une infinie laideur » dont parle l'écrivain Jean Clair ?

    Dans Situation de la France, Pierre Manent en appelle à la « marque chrétienne » de notre pays. Mais quelle est cette marque ? Celle d'Alain Juppé et du pape François qui la revendiquent pour justifier l'accueil sans mesure des réfugiés, ou celle de Philippe de Villiers qui s'incline devant l'anneau de celle « qui voulait bouter les Anglais hors de France » ?

    En créant le Printemps républicain, Laurent Bouvet a déclaré vouloir retrouver les fondements de la laïcité à la française. Mais est-ce celle de Viviani, qui voulait éteindre une à une les étoiles du ciel ? Celle de Ferdinand Buisson, qui rêvait d'instituer une religion républicaine ? Celle de Christiane Taubira, qui invoque la laïcité pour justifier le développement infini des droits individuels ? Celle de Jean-Louis Bianco ou celle de Manuel Valls ? Celle de Joseph Pagnol, le maître d'école universel, ou celle des transhumanistes ?

    « Que faut-il dire aux hommes ? », s'interrogeait Antoine de Saint-Exupéry à la fin de sa lettre. L'islamisme conquérant nous impose, à son tour, cette question.

    Dans un dialogue inoubliable publié cet été par Le Figaro Magazine, Alain Finkielkraut et Michel Houellebecq tentaient d'y répondre. « Dieu est parti, disait l'auteur de L'Identité malheureuse, et il ne dépend pas de nous de le faire revenir. Je crois que ce qui est mort pour de bon en France comme dans le reste du monde occidental, c'est la croyance en la vie éternelle.» Il poursuivait : « On ne peut pas décider de croire à nouveau dans la vie éternelle - et c'est le destin de l'Occident. » … « Alain, je suis en net désaccord là-dessus, répondait Michel Houellebecq.Ce sont ceux qui croient à la vie éternelle qui survivent. La religion gagne toujours à la fin. » Plutôt que de s'écharper sur les menus à la cantine et les coiffes des hôtesses de l'air, on rêve d'un débat qui soit à cette altitude. C'est peut-être illusoire, mais il n'est pas interdit d'essayer. 

    Vincent Tremolet de Villers

  • Syrie : une lettre-témoignage du prince Jean de France

    Messe d'accueil au patriarcat grec-melkite catholique de Damas

     

    Le Prince Jean fait part dans la lettre ci-après de son récent voyage en Syrie où il vient de passer la semaine de Pâques. Le Duc de Vendôme, déjà engagé pour les chrétiens d’Orient, a accepté l’invitation de Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, initiateur de ce voyage.

     

    david-niviere5.jpgLe chemin de Damas


    « Aidez nous à rester chez nous ». C'est par ces mots que les chrétiens de Syrie accueillent la délégation d'une quarantaine de personnes menée par monseigneur Rey en Syrie et dont je fais partie. Cinq jours de rencontres qui resteront profondément gravés dans mon âme.

    Cette semaine pascale nous mène de Damas à Homs en passant par un certain nombre de villages chrétiens le long de la frontière libanaise. C'est une zone stratégique plutôt stable que l'armée et ses affiliés, dont le Hezbollah, ont reprise au printemps 2014, après trois ans de combats qui ont laissé des traces, même si ici ou là subsistent quelques poches islamistes.

    Commencer par Damas où Saint Paul a été baptisé n'est pas anodin, la Syrie est le berceau des communautés chrétiennes. C'est le patriarche grec-melkite catholique Grégoire III Laham, un homme de 84 ans, mais portant la joie et la determination sur son visage, dans ses gestes et ses paroles, que nous rencontrons le premier jour. Tous les évêques et les prètres avec lesquels nous parlons ensuite sont taillés dans le même roc joyeux, pasteurs de leurs brebis dans les difficultés et les moments d'espérance.

    Yabrud, Qusayr, Rableh, Maaloula, Sednaya, des villages chrétiens - araméens, grecs, arméniens, syriaques, ... - catholiques ou orthodoxes, tous détruits, où les familles ont onnu le martyre. C'est le cas d'Antoine, à Maaloula, exécuté pour sa foi sur le perron de sa maison, devant sa femme Antoinette. Je lui ai promis que notre petite Antoinette prierait pour elle et sa famille. Elle a commencé hier.

    « Aidez nous à rester chez nous, pour repartir à nouveau, reconstruire nos lieux de vie. dans un pays stabilisé ». Après trois ans de guerre, depuis le printemps 2014, les familles se réinstallent. C'est d'abord le prêtre ou l'évêque qui revient et ensuite autour de lui les familles chrétiennes et les quelques familles musulmanes qui ont vécu en paix avec les chrétiens. Les églises sont reconstruites, les maisons et les écoles aussi. Que des beaux visages joyeux, pleins de vie et d'espérance, celle du Christ ressuscité.

    Si je peux terminer ainsi ce court témoignage, je souhaite remercier monseigneur Rey pour son invitation, SOS Chrétiens d'Orient pour l'organisation de ces rencontres et les personnes de la délégation pour les échanges que nous avons eus, en particulier toute cette jeunesse engagée, qui m'ont permis de vivre intensément cette semaine pascale auprès de nos frères syriens. 

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    Domaine Royal de Dreux, le 4 avril 2016

     

    Photos reprises du site Prince Jean de France

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    Le patriarche Grégoire III Laham et Monseigneur Rey

     

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    Village détruit de Qusayr

     

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    Maaloula, village où Antoine est mort pour sa foi chrétienne

     

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    Chantier de reconstruction de la cathédrale Notre Dame de la Paix à Homs

     

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    Une famille chrétienne qui s'est réinstallée à Qusayr

     

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    Le Duc de Vendôme dans une rue désertée de Homs

     

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    Vue de la Vallée des Chrétiens au pieds du Krak des Chevaliers

     

    PRINCE JEAN DE FRANCE

  • Syrie : Un voyage spirituel hautement symbolique conduit par Mgr Rey ... Le prince Jean dans les pas de Saint-Louis

    « Divine liturgie » à Damas © Charlotte d'Ornellas

    par Annie Laurent  

    Pour Lafautearousseau, Annie Laurent a bien voulu rédiger ses impressions de voyage. Un voyage, on va le voir, « en tous points exceptionnel », selon l'expression de notre confrère Péroncel-Hugoz. Et d'une indéniable portée symbolique s'agissant de l'amitié franco-syrienne, soulignée par la participation du prince Jean de France. Un grand merci à Annie Laurent !  LFAR 

     

    2444184188.jpgLe 28 mars dernier, lundi de Pâques, le prince Jean s’est envolé pour la Syrie en compagnie d’un groupe conduit par Mgr Dominique Rey, l’évêque de Fréjus-Toulon, qui avait d’ailleurs célébré son mariage en 2009. Ce court voyage, auquel Jean-Baptiste d’Albaret, rédacteur en chef de Politique Magazine, a également participé, et que j’ai eu le privilège d’accompagner, s’est achevé dans la nuit du 2 au 3 avril. L’organisation logistique avait été confiée à la jeune association SOS Chrétiens d’Orient, fondée en 2013 et très active sur le terrain. Grâce à elle, nous avons obtenu des autorités toutes les facilités pour circuler sans problèmes, étant entendu que nous sommes restés dans des régions dont l’armée a repris le contrôle, ce qui n’est pas le cas, par exemple, de certaines banlieues de Damas.

    Ce voyage avait un but précis : il s’inscrivait dans le cadre du jumelage conclu entre le diocèse varois et l’éparchie grecque-catholique de Homs, dont le titulaire est Mgr Abdo Arbach. Il s’agissait donc d’un pèlerinage et c’est pourquoi il ne comportait aucune rencontre avec des dirigeants politiques syriens. Notre groupe, composé de 45 personnes, parmi lesquelles un bon nombre de jeunes professionnels et étudiants, s’est rendu sur les pas de saint Paul à Damas ainsi qu’en divers sanctuaires de Homs et de sa région. Le séjour fut aussi, bien entendu, ponctué de rencontres avec plusieurs ecclésiastiques et des fidèles chrétiens appartenant à diverses Eglises orientales mais également à l’Eglise latine.

    A Damas, après une visite très recueillie à la maison d’Ananie, l’évêque qui eut l’honneur de baptiser Saul, le futur « apôtre des nations », la délégation a été accueillie par Sa Béatitude Grégoire III Laham, patriarche d’Antioche et de tout l’Orient des grecs-melkites-catholiques, de Jérusalem et d’Alexandrie, dont le siège se trouve dans la capitale syrienne. Invité à s’exprimer, le prince Jean s’est présenté en évoquant son lointain ancêtre Saint Louis ainsi que l’attention particulière que ce dernier portait aux chrétiens d’Orient et en se situant lui-même dans cette noble tradition de protection dont la France actuelle se doit d’être la digne héritière. Dans la soirée, après une messe célébrée en rite byzantin dans l’église patriarcale, Grégoire III a invité toute la délégation à un dîner officiel auquel il avait aussi convié le nonce apostolique en Syrie, Mgr Mario Zenari, et des évêques de divers rites, tous déjà présents lors de la « divine liturgie ». L’ambiance, très festive, ponctuée de chants français entonnés joyeusement par les prélats, suffisait à montrer la reconnaissance de nos hôtes syriens, touchés par notre visite alors que Paris a rompu toutes relations avec ce malheureux pays. Durant tout notre séjour, nous n’avons d’ailleurs croisé aucun autre Français.

    Dans la capitale toujours, sous la conduite de l’archevêque maronite, Mgr Samir Nassar, qui nous a fait visiter sa modeste cathédrale, nous avons aussi pu prier devant la tombe des trois bienheureux frères Massabki, martyrisés avec un groupe de franciscains lors des massacres de masse commis en 1860 contre les chrétiens du Mont-Liban et de Damas, ce qui avait préludé à l’expédition de troupes françaises à l’initiative de l’empereur Napoléon III.

    1459494701-887ba8a80b67b1aaeefec541655445ad.jpgLa deuxième partie du séjour s’est déroulée à Homs, ville terriblement sinistrée, où nous avons pu déambuler à pieds sur plusieurs centaines de mètres, sous la protection bienveillante des soldats syriens, très souriants comme tous ceux que nous rencontrions. Les deux cathédrales que nous avons visitées, la grecque-catholique et la syriaque-catholique, sont dans un état pitoyable : coupoles et toitures perforés par les obus, iconostase et autels brûlés, icônes aux yeux perforés par les balles des djihadistes. SOS Chrétiens d’Orient participe à la reconstruction de la première. Partout alentour, ce n’est qu’amoncellement d’immeubles détruits. Nous avons aussi prié sur la tombe du Père Frans van der Lugt, jésuite hollandais, qui avait tenu à demeurer sur place malgré les dangers, pour secourir les chrétiens qui n’avaient pas pu quitter la ville. Assassiné le 7 avril 2014, il est enterré dans le jardin de son couvent. Comme Homs, les deux autres villes de la région que nous avons visitées, Qussaïr et Yabroud, ont été pendant des mois le théâtre d’affrontements entre les djihadistes de diverses obédiences, y compris Daech, et l’armée nationale qui a finalement pu reprendre possession des lieux (en mai 2014 pour Homs), avec parfois l’appui du Hezbollah libanais. De notre autocar, nous pouvions alors contempler les sommets enneigés du pays du Cèdre.

    Les dernières étapes nous ont conduits dans la « Vallée des chrétiens », également très proche du Liban, avec notamment une visite captivante du célèbre Krak des Chevaliers édifié au XIIIème siècle sur un sommet stratégique. Une brigade de Daech a aussi séjourné dans ses murs avant d’en être délogée. Les dégâts ne sont heureusement pas irrémédiables et la restauration de l’imposant édifice est sur le point de commencer. Puis, nous sommes allés à Maaloula, l’un des trois villages syriens où les habitants parlent l’araméen, la langue du Christ. Cet endroit a beaucoup souffert. En 2013, lors de l’attaque des djihadistes, trois jeunes gens ont été abattus devant chez eux après avoir refusé de se faire musulmans et six autres ont été enlevés. On est sans nouvelles d’eux. La localité compte deux monastères, l’un dédié à sainte Thècle, cette disciple de saint Paul, venue d’Asie mineure, qui échoua ici sous une protection divine qui la fit échapper à la persécution. Les moniales qui y vivaient et qui ont pu quitter les lieux ne peuvent pour l’heure envisager d’y revenir car le bâtiment a été entièrement détruit par les rebelles. L’autre monastère, dédié aux saints Serge et Bacchus, est quant à lui beaucoup moins endommagé, mais il est encore vide de toute présence de religieux. Depuis la libération de Maaloula, la sécurité est en partie assurée par une brigade locale, affiliée à une « garde nationale » qui reçoit ses armes et ses munitions du gouvernement, ses membres conjuguant la surveillance avec leurs activités professionnelles.

    Enfin, nous sommes allés au sanctuaire grec-orthodoxe de Sednaya, situé à une heure de route au nord de Damas. 36 moniales résident en ce lieu qui abrite une célèbre icône représentant la Vierge Marie, dont la réalisation est attribuée à saint Luc. L’icône ne sort jamais de sa niche toujours fermée où elle est soigneusement gardée. Lors de notre passage, il y avait une foule de pèlerins, l’église était pleine de fidèles en prière.

    Partout, nos interlocuteurs ont montré une force d’âme, un courage et une vitalité vraiment étonnants et sans doute inattendus pour beaucoup d’entre nous. Comment oublier, par exemple, cette classe de l’école patriarcale grecque-catholique de Damas où les jeunes élèves, tous en uniforme, ont interprété pour nous des chants en français ayant pour thème le désir de paix ? Après ce voyage, on se dit que la France a vraiment trahi son histoire et ses responsabilités et que l’un des moyens de racheter cette faute majeure est de se rendre dans ce beau pays de Syrie, berceau du christianisme comme ont tenu à nous le rappeler tous nos interlocuteurs. 

     

  • David Cameron : « Nous sommes un pays chrétien et fier de l’être ! »

    Par cette phrase, c’est tout un pays qui relève la tête, assumant tranquillement son identité

     

    par Gabrielle Cluzel

    Une excellente chronique qu'on ne peut qu'approuver, parue dans Boulevard Voltaire du 30.03 

     

    6a5f58eaa6107945b448b426f88749e4.jpeg.jpgOn ricane. On se paie leur tête. On se moque de leur mâchoire chevaline, de leur cuisine improbable, de leurs ressortissantes mal sapées. On dit d’eux qu’ils sont l’ennemi héréditaire. Er merde pour le roi d’Angleterre ! On jure qu’on ne leur pardonnera jamais Mers el-Kébir, ni Waterloo, ni Trafalgar, ni Azincourt, ni surtout la petite Jeanne, dont on vient d’ailleurs de leur piquer l’anneau, parce que c’est nous les plus beaux. Ils veulent le récupérer, ils peuvent aller se brosser.

    Mais parfois, on les jalouse. On les envie. En plus de l’anneau, ils ont dû garder par-devers eux un autre trésor caché que nous autres avons bazardé : un restant d’âme.

    « Oui, nous sommes un pays chrétien et fier de l’être », a dit le Premier ministre David Cameron le jour de Pâques. « Au cœur de toutes les actions de gentillesse et de courage, il y a les valeurs et les croyances qui ont fait de notre pays ce qu’il est. Des valeurs de responsabilité, de travail, de charité, de compassion, la fierté de travailler pour le bien commun et d’honorer les obligations sociales que nous avons les uns pour les autres, pour nos familles, pour nos communautés. Nous chérissons ces valeurs. Ce sont des valeurs chrétiennes. »

    On ne mesure pas la force symbolique de cette déclaration, qu’il serait faux d’interpréter comme des vœux obligés à destination d’une communauté.

    Par cette phrase, c’est tout un pays qui relève la tête, assumant tranquillement son identité.

    Par cet hommage rendu à la religion qui a imprégné son humus et fait fleurir ses valeurs, c’est tout un pays qui se réarme culturellement – pour ne pas dire spirituellement -, préambule indispensable, dans le combat contre les islamistes, au réarmement militaire : le premier champ de bataille, celui sur lequel l’Occident, impuissant, désorienté, tombe comme à Gravelotte, est ce terrain impalpable.

    Par cette reconnaissance, c’est tout un pays qui est concerné, et pas seulement la partie croyante ou pratiquante de celui-ci, car il en est de la culture religieuse comme de la culture générale : c’est ce qui reste quand on a tout oublié. Un missionnaire se plaisait à raconter que si l’on n’aimait rien tant, en Afrique, que confier la gérance des entreprises à des Occidentaux, c’était parce qu’on les savait pétris de ces valeurs bénédictines que sont la ponctualité, la rigueur, l’amour du travail bien fait, quand bien même les gaillards en question ne croyaient ni à Dieu ni à diable.

    « Quand nous voyons, en 2016, des chrétiens être persécutés pour leur foi en d’autres parties du monde, nous devons nous affirmer aux côtés de ceux qui pratiquent leur foi avec courage », a encore rajouté Cameron, en ce week-end de Pâques au cours duquel, à Lahore, des dizaines de chrétiens pakistanais ont été assassinés.

    Et cette identification, cette mise en avant de leur passion comme aiguillon pour nous affirmer enfin, vaut mille marques de compassion. Compassion dont n’a pas été seulement capable de faire montre notre gouvernement qui, évoquant les attentats pakistanais, a soigneusement évité le mot « chrétien »

    Nous ne leur rendrons pas l’anneau. Mais on peut leur filer en échange tout un lot de veaux, de sots, de zozos, de manchots. Inutile, ceux-là, de les mettre aux enchères : ils ne valent pas cher. 

    Gabrielle Cluzel

    Ecrivain, journaliste

    Son blog

  • Ténébreuse affaire Barbarin

     

    par Pierre Chalvidan

     

    Pierre CHALVIDAN.jpgQuelle époque opaque ! Précédant – ou suivant… – un sondage affirmant que 63% des Français y sont favorables, la secrétaire d’État à l’Aide aux Victimes exige la démission du Cardinal Barbarin ! Déjà l’intitulé de son « ministère » et l’idéologie victimaire qui le sous-tend mériterait beaucoup, ne serait-ce que pour faire valoir combien, en réalité, elle fonctionne à contre-emploi. L’enfer est pavé…

    Mais là n’est pas dans l’immédiat l’important. L’important, c’est qu’au-delà de la tragique complexité des faits, ce qui est dramatique dans cette affaire (outre l’incapacité contemporaine à assumer cette complexité) c’est qu’elle révèle combien est perdu de vue l’essentiel du message anthropologique chrétien : la distinction de la personne et de ses actes et la foi en la toujours possible rédemption de l’homme.

    C’est là-dessus que l’Église est nécessairement en porte-à-faux face à des adversaires qui se battent, eux aussi, à contre-emploi : ils prétendent défendre la dignité de l’homme mais ils le font sur un registre argumentaire qui ignore à la fois la charité et la justice parce qu’il repose sur une régression anthropologique aussi pernicieuse que celle des pédophiles.

    Sans oublier, bien sûr, l’habituelle exploitation médiatique. Ce n’est plus « du pain et des jeux » mais : faute de pain, des jeux. Mais des jeux dangereux et malsains. On a appris, en incidente, de la bouche même de la ministre de l’Éducation Nationale qu’au cours de l’année dernière – on dit bien : sur une année… – une trentaine de radiations d’enseignants pour pédophilie était intervenue. Quel écho médiatique ?

    Dans une homélie prononcée le 10 août 1978, quatre jours après le décès de Paul VI, le Cardinal Joseph Ratzinger disait : « Mais un pape qui aujourd’hui ne subirait pas la critique manquerait à son devoir devant l’époque. Paul VI a résisté à la télécratie et à la démoscopie (en sociologie : science dont l’objet est de sonder l’opinion), les deux pouvoirs dictatoriaux d’aujourd’hui. Il a pu le faire parce qu’il ne prenait pas comme paramètre le succès et l’approbation mais la conscience qui se mesure sur la vérité, sur la foi. »   

  • Religion & Médias • Torrent de boue contre le Primat des Gaules

     

    Par Jean-Louis Faure

    [Reçu dans les commentaires, le 18.03]

    Nous aurions tort de ne regarder le torrent de boue contre le Primat des Gaules comme uniquement une attaque anticléricale qui arriverait à un moment opportun (lequel ?). Je regarde cette ignominie comme la signature de notre société très malade, dans laquelle nous avons eu le grand tort de considérer des dérives portant atteinte à la biologie et aux lois sacrées de la Vie comme des crises d’acnés passagères. Je suis absolument convaincu que l’attaque vient des réseaux homosexuels dont on sous-estime absolument le pouvoir de nuisance et les ramifications au plus haut niveau de l’État (ou ce qu’il en reste …).

    Je reviens sur quelques exemples par ordre chronologique :

    - un certain Sarkozy fut toujours fasciné par cette communauté, au point d’en nommer à de très hauts postes de la République, tel Chef d’État Major des Armées dont tous les copains de promo à Saint Cyr n’ignoraient rien de sa tendance. Ce monsieur est aujourd’hui le Grand Chancelier de la Légion d’Honneur ! De passage à Paris, un général américain connu pour sa grande gueule (Stanley McKrystal) l’avait traité de « queer » (tarlouze) quasiment en public, provoquant gêne et hilarité.

    - l’attaque contre le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, qui eut l’impardonnable initiative de publier en octobre 2012 une dissertation de 25 pages impeccablement documentée qui fait référence (Benoit XVI la mentionna) « Mariage homosexuel, homoparentalité et adoption : ce que l’on oublie souvent de dire.». Dans les semaines qui ont suivi, les mêmes relais médiatiques qu’aujourd’hui, sortirent du chapeau une vague accusation de plagiat dans une de ses précédentes études, tintamarre suffisamment orchestré et assourdissant pour le pousser à la démission. Quel fut le rôle de sa propre communauté ?

    Notre corps social est profondément atteint comme des vers sont dans un fruit. Je suis pour cette raison violemment révolté quand j’entends dans les diners en ville, des intellos bobos qui jouent les grands tolérants devant une série d’ignominies. Quant à notre monde politique, il patauge dans la lâcheté au point de ne plus réagir sur aucune mise en cause de la dignité de l’humanité. Ne parlons pas d’être chrétien … 

  • Mgr Barbarin, cible politique

     

    Sur son blog, Ivan Rioufol* a excellemment traité de cette affaire [16 mars 2016] et en a dit, selon nous, l'essentiel : On pourra lire son billet ci-dessous. Régis de Castelnau, dans Causeur [14.03], a étudié l'affaire très en détail, avec la méthode de sa profession d'avocat**. On pourra s'y reporter utilement. Quant à nous, nous savons bien que, malgré quelques périodes d'exception, d'accalmie ou de toujours éphémère apaisement, la République française, depuis  ses origines (1792) n'a jamais vraiment cessé de combattre le catholicisme, pourtant religion - encore aujourd'hui - de la majorité des Français et largement consubstantielle de notre nation. Ce fait - c'en est un - nous paraît indéniable et pérenne, même si nous jugeons avec sévérité telles ou telles positions de l'Eglise catholique actuelle, notamment en matière d'immigration où elle joue, indéniablement, contre les intérêts vitaux de la France et, sans-doute, aussi de l'Europe. Il n'empêche que nous approuvons pleinement la réflexion d'Ivan Rioufol et, en grande part, celle de Régis de Castelnau. Ou d'autres qui se sont portés en défense du cardinal Barbarin contre la meute uniforme de ceux qui l'attaquent en ce moment, indignement, sans gloire ni nuance.  Lafautearousseau •   

     
    329582380.jpgMgr Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, paie-t-il aujourd’hui ses prises de position contre le mariage homosexuel et pour une Eglise engagée ? La question s’impose, au vu de la concentration d’attaques qui s’accumulent sur sa personne, à propos d’une affaire ancienne de pédophilie. La prise de position de Manuel Valls, mardi, invitant l’archevêque de Lyon à "prendre ses responsabilités", a politisé encore davantage l’offensive contre le primat des Gaules et l’institution catholique. Je n’entends pas ici entrer dans le détail des faits que des plaignants lui reprochent aujourd’hui d’avoir protégés par son silence ou son inaction. Ces actes sont prescrits et n’ont pas fait l’objet de plaintes à l’époque. Le dernier scandale révélé, et qui remonte à 1990, ne relève pas de la pédophilie mais d’une atteinte sexuelle d’un prêtre contre un adolescent. Elle est tout aussi impardonnable, mais il revient à la justice de trancher. Il appartient plus généralement à l’Eglise de clarifier le débat légitimement ouvert sur la nécessité pour elle d’appliquer un principe de précaution sur les sujets soupçonnables. Ce point relève probablement de la responsabilité du Vatican, mais certainement pas du premier ministre. Et laissant deviner son souhait de voir le trop conservateur Mgr Barbarin démissionner, Valls a contribué à rendre suspectes les soudaines indignations, qui promettent d’autres rebondissements parait-il. La machine à défaire les réputations est en marche. Au nom de la protection des victimes, elle ne craint pas de susciter d’autres injustices en suggérant des coupables présumés. Bref, cet emballement médiatique a des airs de règlement de compte politique. Il intervient alors que l’Eglise relève la tête et appelle les Français à retrouver leur identité, grâce à des responsables religieux de la trempe de Barbarin. L’abbé Pierre-Hervé Grosjean en est un autre. Il écrit notamment, dans son dernier livre (Catholiques, engageons-nous !, Artège) : "C’est en assumant ses racines gréco-latines et judéo-chrétiennes que la France pourra répondre au défi que lui lance l’islam radical qui ne cesse de s’étendre ici même, sur notre sol". Pour l’instant, c’est le catholicisme qui est, une fois de plus, dans le collimateur de ceux qui n’exigent de lui que des excuses permanentes.  
     
    *    Ivan Rioufol
     
  • L'Islam et la sexualité

     

    par Annie LAURENT

    Déléguée générale de CLARIFIER

     

    ob_a31a73_dsc04030.jpgDurant la nuit du 31 décembre au 1er janvier dernier, dans plusieurs villes d’Allemagne (Cologne, Hambourg, Stuttgart, Bielefeld) et dans d’autres pays d’Europe : Suisse (Zurich), Autriche, Pays-Bas, Suède et Finlande, des centaines de femmes fêtant le Nouvel An ont été victimes de violences sexuelles commises contre elles par des immigrés. Les autorités des pays concernés ont signalé que ces actes avaient été planifiés. Par ailleurs, périodiquement, les médias se font l’écho de mauvais traitements infligés aux femmes dans les sociétés musulmanes, pas seulement arabes. Les événements de la Saint-Sylvestre ont conduit l’ancienne ministre allemande de la famille, Kristina Schröder, à poser la question de savoir si « les normes de la masculinité en Islam légitiment la violence faite aux femmes ».

    Telle est l’interrogation à laquelle la présente (étude) voudrait s’efforcer de répondre. 

     LE REGARD ISLAMIQUE SUR LA FEMME : INFERIORITE ET MEFIANCE

    1. Supériorité de l'homme

    « La prééminence masculine est fondamentale en Islam », explique le spécialiste tunisien Abdelwahab Bouhdiba dans l’un des livres de référence sur le sujet, La sexualité en Islam (PUF, coll. Quadrige, 1986, p. 31).

    Le récit coranique de la création affirme l’inégalité constitutive entre l’homme et la femme. « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-ci au-dessus de celles-là » (4, 34). Ce verset reflète sans doute l’héritage patriarcal des sociétés arabes mais, du point de vue islamique, cela résulte d’une volonté divine, donc immuable. Il s’agit d’un choix arbitraire de Dieu en faveur de l’homme qui instaure une différence de dignité entre l’homme et la femme et une subordination certaine de la femme à l’homme. Ce qui explique le machisme si caractéristique de l’Islam, que le poète syrien Adonis (de confession alaouite) dénonce dans un livre récent : « L’islam assujettit la femme et fixe cette servitude par le Texte ». Il en a fait « un instrument pour le désir et le plaisir de l’homme ; il a utilisé la nature pour établir et asseoir davantage sa domination » (Violence et Islam, Seuil, 2015, p. 81 et 85).

    Certes, le machisme se trouve à des degrés divers dans toutes les cultures, religieuses ou non, mais, selon la perspective biblique, il s’agit d’une conséquence du péché originel, faute qui a abîmé la création initiale et mis le désordre dans la relation entre l’homme et la femme, ce dont Dieu a pris acte en disant à Eve : « Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi » (Gn 3, 16). Or, le Coran occulte cette séquence biblique ainsi que le dessein de salut de Dieu destiné à racheter l’humanité pécheresse. En restituant à l’homme et à la femme leur commune dignité d’enfants de Dieu, le baptême corrige les effets pervers des débuts de l’histoire et donne à l’homme la grâce nécessaire pour éviter la tentation machiste ou misogyne. Saint Paul enseigne : « Que chacun aime sa femme comme soi-même, et que la femme révère son mari » (Ep 5, 33).

    La préférence du Dieu de l’Islam pour les hommes se manifeste dans la plupart des prescriptions coraniques relatives à leurs rapports avec les femmes, y compris dans le cadre du mariage. Non seulement l’homme a le droit d’être polygame mais il peut répudier ses épouses selon son bon gré (sur la conception islamique du mariage, cf. PFV n° 20, mai 2014).

    Une fois mariée, la femme ne s’appartient plus. Le Coran exige qu’elle se tienne en permanence à la disposition de son mari. « Vos femmes sont pour vous un champ de labour. Allez à vos champs comme vous le voudrez » (2, 223). On trouve dans la Sunna (Tradition) ces propos (hadîths) attribués à Mahomet : « Une femme ne doit jamais se refuser à son mari, fût-ce sur le bât d’un chameau » (cité par Ghassan Ascha, Du statut inférieur de la femme en Islam, L’Harmattan, 1987, p. 37). Sinon, « elle sera maudite par les anges » (cité par Joseph Azzi, La vie privée de Mahomet, Editions de Paris, 2007, p. 47). En revanche, « toute femme qui meurt en laissant son mari satisfait d’elle ira au paradis » (cité par Mathieu Guidère, Sexe et charia, Ed. du Rocher, 2014, p. 125).

    A signaler que dans le droit occidental, le non consentement de l’épouse peut être assimilé au viol en raison de la violence qu’il implique.

    Dans l’Islam, l’homme possède aussi le droit discrétionnaire de châtier son épouse. « Admonestez celles dont vous craignez l’infidélité ; reléguez-les dans des chambres à part et frappez-les. Mais ne leur cherchez plus querelle si elles vous obéissent » (4, 34). Cf. sur ce point PFV n° 20.

    2. Méfiance envers la femme 

    Les textes sacrés de l’Islam abondent en citations péjoratives concernant les femmes.

    Coran : « O vous les croyants ! Vos épouses et vos enfants sont pour vous des ennemis. Prenez garde ! » (64, 14).

    Préceptes de Mahomet : « Celui qui touche la paume d’une femme à laquelle il n’a pas d’accès licite, on lui mettra une braise sur sa paume le jour du Jugement dernier » (G. Ascha, op. cit., p. 49). Cela explique que certains musulmans refusent de saluer les femmes en leur serrant la main. « Le diable est toujours présent lorsqu’un homme se trouve avec une femme. Il est préférable qu’un homme se frotte avec un cochon qu’avec une femme qui ne lui appartient pas » (cité par J. Azzi, op. cit., p. 45).

    Préceptes d’Ali (600-661), quatrième calife, cousin et gendre de Mahomet : « Il ne faut jamais demander un avis aux femmes, car leur avis est nul. Cache-les pour qu’elles ne puissent pas voir d’autres hommes ! Ne passe pas longtemps en leur compagnie car elles te conduiront au péril et à ta perte » ; « Hommes, n’obéissez jamais en aucune manière à vos femmes. Ne les laissez jamais aviser en aucune matière touchant même la vie quotidienne » (cités par G. Ascha, op. cit., p. 38).

    Toute mixité est donc source potentielle de péché. D’où, dans les milieux les plus scrupuleux, la ségrégation entre les sexes, imposée aux adultes en dehors du cercle familial le plus proche : voitures réservées aux femmes dans le métro (au Caire, par exemple) ; salles de cours séparées dans certaines universités (il arrive aussi que les étudiantes suivent les cours sur un écran de télévision, donc hors de la présence physique du professeur masculin) ; séparation sur les lieux de travail et de loisirs ainsi que dans les fêtes familiales comme les mariages.

    L’obligation du port du voile islamique en dehors du domicile, surtout dans sa version intégrale (niqab, burqa), signifie l’enfermement de la femme dont il faut se méfier, car elle est « le symbole du péché » (Adonis, op. cit., p. 83), étant entendu que dans cette religion le péché est conçu, non pas d’un point de vue de la morale ou de la loi naturelle mais de la charia inspirée du Coran et de la Sunna. Un acte est halal (permis) ou haram (interdit) selon la définition qu’en donne le Dieu de l’Islam ou Mahomet. L’interdiction de sortir seule (sans être accompagnée par un homme qui lui est « licite », donc membre de sa famille) répond à la même préoccupation.

    LA FEMME OBJET A LA DISPOSITION DE L'HOMME 

    1. Les musulmans et la sexualité 

    L’infériorisation des femmes en Islam et la méfiance qu’elles inspirent n’obligent pas l’homme à éviter de les fréquenter. Car, selon Ali, si « la femme tout entière est un mal », « ce qu’il y a de pire en elle, c’est qu’il s’agit d’un mal nécessaire » (cité par G. Ascha, op. cit., p. 38).

    La sexualité tient une place primordiale dans l’Islam. « La fonction sexuelle est en soi une fonction sacrée. Elle est un de ces signes auxquels se reconnaît la puissance de Dieu » (A. Bouhdiba, op. cit., p. 23).

    Le thème de la sexualité est abondamment présent dans la Sîra (biographie de Mahomet) et dans la Sunna (Tradition). Le plaisir sexuel y est magnifié, surtout au profit de l’homme, notamment dans les sociétés où l’on pratique encore l’excision. Le Coran ne la prescrit pas mais Mahomet ne l’interdit pas. Il semble même l’approuver partiellement puisque, rencontrant une exciseuse en action, il lui aurait dit : « N’opère pas radicalement, c’est préférable pour la femme ! » (cité par Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, Le radeau de Mahomet., Lieu commun, 1983, p. 178). Ce qui permet aux juristes de qualifier l’excision d’« acte recommandable mais non obligatoire ».

    Contrairement à une idée répandue mais erronée, le christianisme ne disqualifie pas la sexualité. Il y voit une réalité naturelle voulue par Dieu et destinée à concrétiser l’amour des époux dans le sacrement de mariage qui consacre l’alliance nuptiale impliquant un don mutuel et indissoluble entre eux et non la domination de l’homme sur la femme (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n° 1612-1615). Saint Jean-Paul II a d’ailleurs consacré à la « théologie du corps » un enseignement substantiel.

    En sa qualité de « beau modèle » (Coran 33, 21), le fondateur de l’Islam est digne d’imitation. Or, il recherchait lui-même la compagnie des femmes, non dans une relation parfaitement chaste comme le Christ avec les femmes de l’Evangile, mais pour assouvir ses passions. Il eut onze épouses (plusieurs d’entre elles l’ont été simultanément), dont une juive, Safia. Au sein de son harem, Aïcha était la favorite. Elle a raconté en détail les circonstances de son mariage, conclu alors qu’elle avait 6 ans et consommé lorsqu’elle eut atteint l’âge de 9 ans (cf. Leïla Mounira,Moi, Aïcha, 9 ans, épouse du Prophète, L’Age d’homme, 2002). Concernant la vie matrimoniale de Mahomet, la Sunna contient des centaines de récits attribués à Aïcha, à d’autres épouses et à des témoins directs (cf. Magali Morsy, Les femmes du Prophète, Mercure de France, 1989 ; Joseph Azzi, La vie privée de Mahomet,op. cit.).

    Mahomet eut aussi des concubines (le concubinat est admis en Islam à condition qu’il fasse l’objet d’un contrat). Parmi ces dernières figuraient une Egyptienne copte, Maria, ainsi qu’une juive, Rayhâna, veuve de l’un des juifs de la tribu des Banou Qurayza qui fut massacré à Médine, en 627, avec des centaines d’autres sous les yeux du prophète de l’islam, devenu chef temporel de la cité. Selon la coutume de l’époque en Arabie, les femmes et les enfants d’ennemis tués lors du djihad ou d’une razzia étaient réduits en esclavage et répartis entre les musulmans (Olivier Hanne, Mahomet, Belin, 2013, p. 176). C’est sur ce précédent historique que se fondent les djihadistes de l’Etat islamique (Daech) pour recourir à l’esclavage sexuel, y compris sur des fillettes, au sein des populations soumises à leur pouvoir.

    Le fondateur de l’islam a par ailleurs exalté la jouissance sexuelle. « La volupté et le désir ont la beauté des montagnes. Chaque fois que vous faites œuvre de chair, vous faites une aumône. O croyants ! Ne vous interdisez pas les plaisirs ! » (cité par J.-P. Péroncel-Hugoz, op. cit, p. 188). Il a même élevé l’acte charnel au rang de la prière et de l’aumône.  « Le nikâh (mariage dans le sens d’union sexuelle, cf. PFV n° 20), c’est le coït transcendé », écrit A. Bouhdiba (La sexualité en Islam, op. cit., p. 24).

    La chasteté est donc une attitude incomprise en Islam. Quant au célibat, Mahomet le considère contre-nature. « Ceux qui vivent en célibataires sont de la pire espèce ; ceux qui meurent en célibataires sont de la plus ignoble » (cité par A. Bouhdiba, op. cit., p. 113).

     2. Une sexualité codifiée

    « La féminité est devenue un objet du licite et de l’illicite, à savoir un objet codifié(…). Quand nous disons « la femme en islam », la pensée va automatiquement à son organe sexuel » (Adonis, op. cit., p. 84).

    L’exercice de la sexualité fait l’objet d’une monumentale codification, détaillée à l’extrême. Outre la Sunna, une multitude de fatwas (avis religieux) répondent sans cesse aux préoccupations des musulmans sur ce sujet devenu obsédant.

    Car la licéité est primordiale en ce domaine. Ainsi, le mariage islamique est conçu avant tout comme un contrat juridique, celui-ci pouvant même prendre une forme temporaire. Tel est le cas du « mariage de jouissance » (nikâh el-mutaa), qui se fonde sur un verset du Coran : « De même que vous jouissez d’elles, donnez-leur leur dot, comme une chose due. Il n’y a aucun péché contre vous à ce que vous concluiez un accord quelconque entre vous après la fixation de la dot » (4, 24). Un homme, marié ou pas, a le droit de conclure avec une femme un contrat pour la durée qui leur convient et ce contrat peut être renouvelé autant de fois que le veulent les deux partenaires. D’après la Sunna, ce type de « mariage » fut largement pratiqué par les compagnons de Mahomet. Il n’est plus aujourd’hui admis que dans l’islam chiite où on le justifie comme étant « la solution radicale du problème sexuel dont souffrent les jeunes, et qui menace l’humanité de dégradation et de décadence » (cité par J. Azzi, op. cit., p. 225).

    Une telle forme de « mariage » s’apparente à l’adultère mais l’essentiel, du point de vue islamique, est qu’elle rend l’union licite, la zîna (fornication) étant sévèrement punie par la charia. Quant au viol hors mariage (normal ou temporaire), il est certes illicite, mais certains pays comme le Maroc innocentent le violeur s’il épouse sa victime.

    En tout cas, l’essentiel est de sauver les apparences. « En public, quasiment tout est illicite en matière de sexualité, mais cet interdit est source de ruses et de stratégies de contournement, car la transgression permet l’exacerbation du désir et de l’imagination » (M. Guidère, op. cit., p. 43).

    3. Punition et djihad 

    Pour les auteurs des harcèlements et viols de masse, les victimes, responsables de prévarication, méritent d’être punies. « Les événements de la Saint-Sylvestre sont survenus par la propre faute de ces femmes parce qu’elles étaient à moitié nues et qu’elles portaient du parfum. Il est peu surprenant que des hommes veuillent les attaquer. C’est comme mettre de l’huile sur le feu » ( Sami Abou-Yousouf, imam de la mosquée El-Tawid de Cologne, Réseau Voltaire, 23 janvier 2016).

    Le motif était le même en Egypte lors de la révolution (2011-2013). Le viol public de nombreuses femmes voulait signifier à ces dernières qu’elles n’avaient pas à manifester dans la rue aux côtés des hommes et à imiter ainsi les Occidentales. Ces harcèlements communs (Taharrush gamea en arabe) sont des châtiments collectifs. Ils s’apparentent au crime d’honneur. En Islam, la femme est toujours réputée coupable des violences qui lui sont infligées.

    Par ailleurs, les musulmans engagés dans le djihad contre l’Occident peuvent trouver légitime de s’en prendre aux femmes car elles constituent la partie la plus vulnérable de l’ennemi. Ils considèrent avoir une sorte de « droit de cuissage » sur les femmes de l’ennemi. Mahomet n’a-t-il pas dit : « Le bonheur de l’homme est de soulever le vêtement d’une femme de peau blanche » (cité par J. Azzi, op. cit., p. 35).

    CONCLUSION 

    Le djihad ne se limite pas aux agressions militaires et terroristes. En l’occurrence, il s’est agi de punir les Européennes non musulmanes, coupables de s’être émancipées de la domination masculine, et en même temps d’humilier les sociétés post-chrétiennes considérées comme dépravées et arrogantes. 

    Annie Laurent

    Journaliste, essayiste, conférencière, spécialiste du Proche-Orient, de l'Islam et des chrétiens d'Orient. Docteur d'Etat en sciences politiques.  A participé comme experte au Synode spécial des Evêques pour le Moyen-Orient, convoqué par Benoît XVI en 2010.
    Ouvrages
    Guerres secrètes au Liban (1987) - Vivre avec l'Islam ? - Saint-Paul (1996) - L'Europe malade de la Turquie (2005) - Les chrétiens d'Orient vont-ils disparaître ? (2005) - L'islam peut-il rendre l'homme heureux ? (2012) 

    Petite Feuille Verte - 

    alaurent@associationclarifier.fr

     

  • Qabous 1er, monarque arabo-musulman exemplaire

     

    Par Péroncel-Hugoz 

    Au lieu de son habituel « coup de dent », Péroncel-Hugoz soulève cette semaine son chapeau, en hommage au sultan d’Oman. Avec preuves à l’appui.

     

    peroncel-hugoz 2.jpgMes reportages pour « Le Monde », jadis et naguère, me permirent, entre autres, de découvrir le plus secret, le moins connu des pays arabes : le Sultanat d’Oman. La dynastie des Bou-Saïd qui y règne depuis 1793, s’entendit presque aussitôt avec les Anglais pour sauvegarder son indépendance tout en leur laissant les mains libres dans le reste du Sinus Persicus, que nous nommerons ici « Golfe arabo-persique », pour essayer de contenter tous les riverains… En 1970, l’émir Qabous, né en 1940, força son père, le sultan régnant, à abdiquer, et il eut désormais les coudées franches pour faire bénéficier ses sujets des revenus pétroliers, issus des découvertes d’hydrocarbures de 1967. 

    Lors de mes séjours en Oman, libre de circuler jusque dans les régions les plus reculées du Sultanat, notamment cette curiosité naturelle que sont les oasis de montagne, je pus constater à loisir le véritable art avec lequel Qabous 1er a modernisé son pays sans léser son âme arabo-musulmane traditionnelle. Et en revenant aux sources mêmes de l’Islam, Coran et Sunna, en donnant le plus souvent le dernier mot à l’esprit des textes plutôt qu’à leur lettre. Est-ce dû au fait que la dynastie nationale appartient à une version de l’Islam ultraminoritaire, l’ibadisme ? Ou avant tout à l’intelligence politique, à la culture universelle de Qabous ? Je pencherai plutôt pour la seconde hypothèse. Rappelons que l’ibadisme est aussi l’Islam de la Pentapole du Mzab, au Sahara algérien, de l’île tunisienne de Djerba et de l’île de Zanzibar, ancienne colonie omanaise. Si, théologiquement, les ibadites passent pour être un peu plus près du chiisme que du sunnisme, au quotidien, ils se sentent humainement plus proches des sunnites que des chiites. En tout cas, Oman est de nos jours un modèle de cohabitation interreligieuse, chrétiens et hindous compris, bien que ces derniers ne soient pas « Gens du Livre ». 

    Je ne vais pas dresser ici une liste de toutes les réalisations qaboussiennes mais, à l’heure où les nouvelles de la santé de ce monarque, longtemps soigné en Allemagne, ne sont pas fameuses, je voudrais m’attarder seulement sur un point particulier, important à mes yeux : le traitement réservé aux animaux. Un point sur lequel les musulmans ont en général, il faut bien le reconnaître, pas très bonne réputation. Qabous 1er, au lieu de nier cette réalité, a travaillé et fait travailler ses théologiens sur ce que disent de ce thème, trop négligé par les Arabes, le Coran et la Sunna. 

    Et, en se basant sur ces deux textes sacrés, sans les triturer, le sultan en a fait passer l’essentiel dans l’enseignement scolaire, tout en multipliant les hommages à la beauté animale, sans toutefois cette zoolâtrie débile constatée de nos jours en Occident, notamment en Anglo-Américanie. Ces hommages omanais se sont traduits notamment en statues de gazelles ou de chevaux, innovation absolue en terre d’Islam arabe, sauf dans le Maroc de la fin du XXe siècle où le ministre hippophile Driss Basri fit élever, en sa bonne ville de Settat, une haute colonne surmontée d’une caracolante statue équine. 

    Mais revenons à Oman et regardons les sourates ou les hadiths, relatifs aux bêtes, enseignés depuis que règne Qabous 1er, aux écoliers du Sultanat : 

    CORAN :

    « Au même titre que les anges, les animaux se prosternent devant Dieu » (S16.V51.).

    « Les bêtes forment une communauté pareille à nous, les humains » (S6.V38).

    « Toutes les créatures seront rassemblées un jour, animaux compris ».« Celui qui traite bien son cheval, sera protégé de la pauvreté ». (Cette sourate est applicable aussi aux ânes. S99.V7 et 8). 

    SUNNA :

    « Une femme ira en Enfer parce qu’elle a laissé mourir de faim une chatte » (Bokhari)

    « Ne faites pas de mal (à qui ne vous a rien fait) et ne rendez pas le mal pour le mal » (hadith n° 32, parmi les 40 sûrs d’El Nawawi et, selon l’enseignement omanais, s’appliquant aux animaux).

    « Il est défendu de frapper les bêtes au visage ».

    « Le Prophète de l’Islam essuyait avec son vêtement la face de son cheval ».

    « Il faut jeter des pierres à ceux qui chevauchent à trois une monture ».

    «  Il ne faut pas séparer une bête de ses petits ; ni mettre le feu sans raison à un nid de fourmis ».

    « Il est défendu de tuer des oiseaux sans raison, en particulier pour s’amuser ». (Sounnan d’El Nasaï, t.VII).

    « Le couteau des sacrifices d’animaux doit être bien aiguisé et cela hors de la vue de la victime ; on n’égorge pas une bête en présence d’une autre et celui qui observera cet usage sera récompensé dans l’Au-delà (Moslim ; El Nawawi).

    « Il est défendu de charger une bête au-delà de ses forces. Le calife Omar frappait lui-même les gens qui chargeaient trop les bêtes de somme ; il soignait lui-même les plaies des dromadaires blessés par le bât ».

    « Un imam décida de se consacrer à Allah seul, ayant vu un chat nourrissant un de ses congénères aveugle », etc. etc. 

    J’arrête là ces listes que certains trouveront peut-être par trop « édifiantes »… En tout cas, quiconque séjourne en Oman pourra y constater que les animaux y sont mieux traités, notamment par les jeunes gens, que dans la plupart des autres sociétés arabo-musulmanes.   

    Lire : Georges-Henri Bousquet, « Des animaux et de leur traitement selon le judaïsme, le christianisme et l’islam », « Studia Islamica », n° IX, 1958, Paris ; Ahmed-Hamoud El Maâniny, « Omani Sultans in Zanzibar (1832-1964) » (en anglais), Ed Kumar, La Nouvelle-Delhi, Inde, 1988.

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le 360 du 04.03.2016