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La dhimmitude au quotidien [2]

Publié en 1983, Le Radeau de Mahomet annonçait dans une large mesure les problèmes à venir. Un ouvrage mal accueilli par la caste journalistique, largement acquise à une islamomanie acritique.

PAR PÉRONCEL-HUGOZ

Œuvrant en terre d'Islam depuis 1965 (administrateur civil, correspondant ou envoyé spécial du Monde, directeur de collection éditoriale et, à présent, chroniqueur au 360, un des principaux quotidiens marocains en ligne), Péroncel-Hugoz n'est sans doute pas le plus mal placé pour décrire le sort des chrétiens vivant sous autorité musulmane.

 

IMG - JPEG - Copie.jpg« J'ai pu toucher du doigt la condition de demi-citoyens des coptes et autres chrétiens, les discriminations quotidiennes dans la rue, à l'école, dans l'administration... » 

Je n'avais pas non plus encore examiné in vivo la dhimmitude au quotidien. En Égypte, je fus peu aidé en cela par le mutisme des coptes, sans doute par honte vis-à-vis d'un chrétien « libre », et par crainte de représailles de la part de musul­mans glosant haut et fort, eux, devant les Occidentaux, sur la « tolérance » de leur reli­gion, alors que nous, nous avions eu les Croi­sades, l'Inquisition, le Colonialisme, le Nazisme et tout le saint-frusquin... Aidés par une puissante cohorte d'intellos marxistes, huguenots, juifs, cathos de gauche, etc., ceux des mahométans son­geant déjà à une Reconquista à l'envers de l'Europe latine, avaient vite compris qu'en culpabilisant leurs adversaires potentiels, ils les affaibliraient d'autant. La « cohorte », elle, comptait secrètement sur le pouvoir électoral des « masses musulmanes » - et ça continue sous nos yeux en France, Espagne, Belgique, etc. - pour installer durablement au gouvernement la gauche socialiste... 

ANAOUATI ET 8OUIROS-GHALI 

Cc furent, au Caire, au milieu de la décen­nie 1970, le père Georges Anaouati, fameux érudit dominicain égypto-levantin, conseiller culturel de Jean-Paul II, et un autre érudit oriental, Mirrit Boutros-Ghali, fondateur de la Société d'archéologie copte, qui m'ouvrirent définitivement les yeux sur la terrible réalité de la dhimmitude. Désor­mais, en Orient, je passai une partie de mon temps à parcourir quartiers et villages mixtes où je touchai mille fois du doigt la condition de demi-citoyens des coptes et autres chrétiens, les discriminations quoti­diennes dans la rue, aux champs, à l'école, dans l'administration, etc. C'est en outre parmi les coptes que je trouvai les pauvres des pauvres, même si la misère frappait aussi de nombreux musulmans. Comme je rapportais mes tristes constats à Anaouati, il me donna une sorte d'ordre : « Écrivez tout ça ! ». Et ce fut, en 1983, Le Radeau de Mahomet, où je développais ce que j'avais déjà esquissé dans Le Monde sur la situation de la Chrétienté orientale. Si j'eus le soutien de mes supérieurs hiérarchiques, type André Fontaine ou Michel Tatu, nombre de mes confrères, au Monde et ailleurs, au nom d'un « Islamo-progressisme » imaginaire, nièrent les faits que je rapportais... 

DE MORSI A SISSI 

En Égypte, bien sûr, mais là où me conduisaient aussi d'autres reportages : Libye, Soudan. Yémen Pakistan, Brunei, et même dans les soi-disant États « laïques » de Syrie, Irak ou Turquie, je découvrais, peu à peu, la condition dihimmie : pas de mariage ni même de flirt avec une « vraie croyante » alors que tout mâle musulman a le droit d'épouser juives ou chrétiennes dont les enfants seront obligatoirement islamisés ; pour celles de ces épouses ayant conservé leur foi native, en cas de veuvage, aucun héritage ni aucune garde des enfants; impossibilité pour les dhimmis d'accéder à certaines professions « délicates », comme la gynécologie ou bien à des postes poli­tiques réellement importants : le célèbre Boutros Boutros-Ghali, au rôle diploma­tique mondial, ne dépassa jamais chez lui le rang de « ministre d'État » qui, au Caire, équivaut à « secrétaire d'État ».

Le « laïc » Nasser aggrava encore la dhimmitude en interdisant aux chrétiens d'enseigner l'arabe, « langue du Coran » ; en contrepartie, si on peut dire, il interdisit à ses coreligionnaires les manifestations festives trop bruyantes lors des conversions de coptes à l'Islam. Subsistèrent les mille mesquineries paperassières, légales ou non, imposées aux constructeurs de la moindre chapelle tandis que le gouver­nement continuait à encourager l'édification de nouvelles mosquées.

Sous Sadate les attentats antichrétiens se multiplièrent tandis que le pape copte qui avait eu le toupet de se plaindre était assigné à résidence...

Lors du renversement du président islamiste élu, Morsi, en 2013, par le maréchal Sissi, des musulmans passèrent leurs nerfs en détrui­sant en deux jours plus de cent édifices chrétiens dans la vallée du Nil, soit plus que durant toute la conquête arabe de cette région en 639... J'avais un jour demandé à un jeune prêtre cairote comment tant de ses coreligionnaires avaient pu résister depuis plus de 1000 ans à l'islamisation, laquelle, d'un coup, simplifie la vie. Il me répondit sans hésiter : « Nous prions ! ».

(A suivre)

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Repris de La Nouvelle Revue d'Histoire avec l'aimable autorisation de l'auteur

LA NOUVELLE REVUE D'HISTOIRE • 43 Hors-série n° 12 • Printemps 2016

 

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