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Macron a accompli le rêve de Giscard et de Sarkozy. Pas étonnant que ce dernier se retrouve en lui. Quel rêve ? Réaliser l'union des deux bourgeoisies libérales mondialisées, de droite et de gauche. Éric Zemmour l'explique ici. À sa manière, intelligente et érudite.(Figaro Magazine du 5.04). LFAR
« «Entre Macron et Sarkozy, une couche de baume Tocqueville »
Dans ses souvenirs, Alexis de Tocqueville raconte avec goguenardise que, devenu ministre des Affaires étrangères de la IIè République, il s’empressa de consulter ses prédécesseurs à ce poste.
Ceux-ci, ravis et flattés du geste, leur amour-propre satisfait, louèrent fort son action alors même que Tocqueville n’avait suivi aucun de leurs conseils.
Tout se passe comme si Emmanuel Macron avait lu les souvenirs de Tocqueville. En tout cas avec Nicolas Sarkozy. L’ancien président est consulté, invité, écouté. On le voit aux côtés de son successeur, communiant dans l’évocation émue de la résistance du plateau des Glières pendant la Seconde Guerre mondiale, dont il avait fait un lieu de mémoire durant son quinquennat. Sur les photos, Sarkozy est aux anges. Le baume Tocqueville est efficace. Bien sûr, Macron y voit un intérêt politique indéniable. Avec Sarkozy à ses côtés, il envoie une carte postale à l’électorat de droite, une de ces fameuses cartes postales dont son prédécesseur était si friand.
Mais pas n’importe quel électorat de droite: la bourgeoisie libérale, européiste, qui avait déjà fait mouvement lors de l’élection de 2017. Une bourgeoisie juppéiste, raffarinienne, et désormais sarkozyste, qui a aimé les réformes libérales du nouveau président (refonte du code du travail et du statut de la SNCF) et qui, à l’occasion des violences autour des « gilets jaunes », a rejoint le peloton serré d’un parti de l’ordre éternel.
Sarkozy aime compter, être sollicité, écouté. Plus qu’un homme d’idées ou de convictions, il est un tempérament, une force vitale. On l’a vu la semaine dernière lorsque, invité à Budapest à un colloque sur les migrations, il a délivré un discours dont les médias n’ont retenu que la phrase sur « Orbán, mon ami ». C’était l’objectif. Montrer que Sarkozy existe encore, en tant que faiseur de paix au sein du PPE.
Les médias et la gauche vont en déduire que Macron fait un nouveau virage à droite. Ils ont tort. Sarkozy, privé de sa quille conservatrice incarnée par Patrick Buisson, n’est pas de droite. Il est un libéral. Comme Juppé ou Raffarin, il incarne cette partie de la droite française qui, privée de son adversaire communiste, retrouve tout naturellement son pendant de gauche, la bourgeoisie progressiste, libérale aussi, anciennement rocardienne.
C’était déjà le vieux rêve de Giscard que de s’allier avec le courant rocardien du PS et d’unir les bourgeoisies des deux rives autour d’un projet européen. Sarkozy s’y était lui aussi essayé, avec la fameuse « ouverture » : après avoir promis le « karcher » aux électeurs populaires du FN, qu’il avait détachés d’un Jean-Marie Le Pen vieillissant, il avait mis Kouchner dans son gouvernement ! Alors que le candidat Sarkozy de 2007 ferraillait en campagne contre « l’esprit 68 », Cohn-Bendit avait dit de lui qu’il était « le plus soixante-huitard de tous ». Dany le Rouge avait frappé juste.
Macron a accompli le rêve de Giscard et de Sarkozy. Pas étonnant que ce dernier se retrouve en lui. Il l’a d’ailleurs affirmé lui-même : « Macron, c’est moi en mieux ! » ■
Publié le 20 mars 2017 - Actualisé le 12 avril 2018
« Je pense que l’espèce d’oppression, dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l’a précédée dans le monde. [...] Je cherche en vain moi-même une expression qui reproduise exactement l’idée que je m’en forme et la renferme ; les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point. La chose est nouvelle, il faut donc tâcher de la définir, puisque je ne peux la nommer.
Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie.
Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages, que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ?
C’est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre ; qu’il renferme l’action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu à chaque citoyen jusqu’à l’usage de lui-même. L’égalité a préparé les hommes à toutes ces choses : elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait. ■
Alexis de Tocqueville
Le Despotisme démocratique - Carnets de l'Herne - 2009
« ...On touche ici les limites de la révolte populaire.»
Cofondateur de la Nouvelle Librairie et rédacteur en chef d’Éléments, François Bousquet est auteur, polémiste et analyste pointu de la droite française.
Le mouvement des Gilets jaunes qui dure depuis plusieurs mois se révélait dans ses débuts être le mouvement de cette France périphérique si bien décrite par Christophe Guilluy. Que pensez-vous du vocabulaire de diabolisation utilisé à son encontre par le gouvernement ? Et son traitement médiatique ?
Il y aurait des volumes à écrire sur le lexique invariablement dépréciatif auquel le parti de l’Ordre, de Thiers à Macron, de Guizot à Griveaux, recourt pour qualifier le peuple, ou plutôt le disqualifier. Car ici qualifier, c’est disqualifier. Je ne voudrais pas verser dans la facilité de succomber à l’argument raciste, mais pour le coup le mépris des classes dominantes ressemble à s’y méprendre au racisme tel qu’il s’est constitué en idéologie au XIXe siècle. Soyons marxiste sur ce point. Il fallait alors créer une catégorie de sous-homme – l’Untermensch – pour fournir une main-d’œuvre taillable et corvéable à l’industrie, soit en la prolétarisant, soit en l’esclavagisant.
Chaque civilisation ayant son animal de trait (le cheval, le bœuf, le lama, le chameau…), l’âge de la vapeur venait d’inventer le sien : l’ouvrier, animal laborans, à charge pour le racisme, sorti de la matrice darwinienne, d’en fournir l’alibi scientifique, ou pseudo-scientifique. De ce point de vue, ce ne fut rien d’autre que l’instrument de légitimation des nouveaux rapports de production. La nouveauté aujourd’hui, c’est que le système techno-marchand n’a plus besoin de ce réservoir d’emplois non qualifiés, sauf dans l’industrie des services. Dès lors, l’Untermensch, c’est l’homme en trop, un motif sur lequel la littérature soviétique et pré-soviétique (Gogol, Dostoïevski, Olécha, Léonov) a surabondamment écrit, dans un monde en quête d’homme nouveau.
Patrice Jean lui a récemment consacré un magnifique roman, L’Homme surnuméraire. C’est le rêve d’une société sans travail, vieille utopie icarienne. La vérité, c’est que nous cols blancs, nous citadins connectés, n’avons jamais autant travaillé. La fin du travail, c’est en réalité et seulement la fin du travailleur, du moins en Occident. Mais que faire de ces hommes en trop, soumis au même principe d’obsolescence programmée, forme cool du darwinisme social ? Les mettre au rebut comme des objets encombrants ? Les confiner dans la périphérie, dans des sortes de réserves peuplées de bonnets rouges, de gilets jaunes et, pour faire bonne mesure, de cas soc’, moyennant une allocation universelle – le pain – et des jeux ineptes, en faisant le pari qu’ils rejoindront le cimetière des espèces disparues sans protester ? Pari perdu. Il en va de même d’une autre forme d’infériorisation : l’éternel procès en moisissure du Français moyen (de Dupont Lajoie aux Bidochon, des Deschiens à la Présipauté de Groland). Or, le Français moyen a subi lui aussi un glissement sémantique. Il faut dire qu’entre-temps, victime du grand plan social des trente dernières années, il a plus ou moins disparu. De moyen, il est devenu petit. Mieux : il a été déchu de sa nationalité au profit de sa détermination ethnique : c’est le fameux petit Blanc, fascinante expression qui résume à elle seule l’inconscient raciste des élites. Elle est entrée dans le langage courant tant et si bien que les premiers concernés – les petits Blancs donc – l’ont eux-mêmes adoptée dans un classique mécanisme d’identification négative. « Petit » Blanc (avec ou sans guillemets), c’est l’homme inférieur, à tout le moins infériorisé. Aux promesses de l’homme augmenté, il renvoie, lui, l’image de l’homme diminué. C’est la France des « gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel ». Et « ça n’est pas la France du XXIe siècle que nous voulons », comme l’a dit le porte-parole d’un gouvernement qui s’imaginait pouvoir être le liquidateur judiciaire et politique de cette France périphérique avant qu’elle ne se soulève.
Vous êtes directeur de la Nouvelle Librairie. L’attaque de cette dernière par des militants d’extrême-gauche ne montre-t-il pas que le mouvement a été confisqué par nos ennemis ?
C’est le paradoxe des derniers actes des Gilets jaunes. L’extrême gauche – étrangère au mouvement et foncièrement hostile à ses revendications – s’est invitée au cœur des défilés. Les rangs sont clairsemés, mais on n’y manque ni de professionnalisme ni de spécialistes de close combat. Elle s’infiltre dans les cortèges, en détourne les slogans et y impose sa stratégie d’intimidation physique, laquelle est tolérée par les pouvoirs publics et secrètement approuvée par les médias centraux. Mais personne n’est dupe. Gageons que les Gilets jaunes ne se laisseront pas déposséder de leur légitime colère.
Si des initiatives métapolitiques à l’instar de la Nouvelle Librairie ou la révolte des Gilets jaunes prouvent que le peuple français n’est pas mort, il n’en demeure pas moins que sur le plan de la politique partisane, nous ne transformons pas l’essai. À l’approche des élections européennes, le mouvement des Gilets jaunes ne semble pas pouvoir se muer en une force d’opposition construite au pouvoir en place. Qu’en pensez-vous ?
On touche ici les limites de la révolte populaire. À étudier le phénomène sur la longue durée, soit en France à partir du XIVe siècle et de l’essor de l’État, on voit combien la révolte a échoué quasi systématiquement à se transformer en révolution. Parcourir les éphémérides de ces émotions (terme en vigueur sous l’Ancien Régime), et il y en a eu des milliers, c’est reprendre la chronique aussi troublée qu’oubliée de l’histoire de France. Mille pages ne suffiraient pas à en accueillir la longue et vaine plainte. Émeutes, insurrections, jacqueries, troubles, rébellions, l’histoire en est saturée. Le populisme n’en est jamais que la continuité à l’âge démocratique. Pour autant, tous ces soulèvements populaires n’ont jamais débouché sur une politique. La raison à cela ? On connaît la réponse du Duc de Liancourt à Louis XVI après la prise de la Bastille : « C’est une révolte ? – Non Sire, c’est une révolution ! » Eh bien, pour comprendre l’essence du populisme, il faut renverser la formule. « C’est une révolution ? – Non Sire, c’est une révolte ! » Qu’est-ce qui distingue une révolte d’une révolution ? La révolution veut contrôler le cours de l’histoire ; la révolte, s’en affranchir. Le dégagisme contemporain nous le rappelle suffisamment. Pour s’en tenir aux Gilets jaunes, ils ne remplissent qu’un des deux prérequis du populisme (je veux parler d’un populisme conséquent qui ne se condamnerait pas à l’impuissance politique) : la protestation horizontale. Lui fait défaut la réponse verticale, autrement dit son incarnation politique, le leader populiste, aujourd’hui singulièrement absent. Pour le dire avec les mots d’Alain de Benoist, les Gilets jaunes n’ont à cette heure fait jouer que leur pouvoir destituant, pas constituant. Mais le même de Benoist dit qu’il nous faut envisager ce phénomène comme la répétition générale d’une crise de plus grande ampleur.
Marine Le Pen, qui n’a pas d’alliés, simplement des ralliés. Dupont-Aignan qui cède à la pression médiatique en écartant Emmanuelle Gave de sa liste. Bellamy qui malgré ses opinions personnelles relativement conservatrices se trouve à la remorque de Macron... Pensez-vous que la droite pourra tout de même faire quelque chose des prochaines élections ? Ne va- t-elle pas dans le mur ?
C’est tout le génie de Macron, bien aidé par la médiocrité de ses adversaires. Il a mis sur pied une Große Koalition, une grande coalition à l’allemande. Comme s’il n’avait blessé à mort le PS et diminué les LR que pour pouvoir les réinventer et les fusionner en un parti central unique. Désormais, l’UMPS n’est plus une figure de style, c’est une réalité politique : le macronisme. Cela faisait longtemps que les convergences idéologiques poussaient le PS dans les bras des LR, et réciproquement. Mais il n’y avait pas de passage à l’acte, principalement pour des raisons de clientélisme électoral, dont justement Macron n’avait que faire, n’ayant aucune clientèle électorale sur laquelle capitaliser. Lui, devait bâtir une force nouvelle répondant à la demande des élites économiques et à la sociologie des grandes métropoles, qui ont tourné le dos à la France déclassée et majoritaire pour épouser la cause des minorités, ethniques, sexuelles, religieuses, au nom d’un internationalisme qui doit beaucoup plus au pop art qu’à la quatrième Internationale.■
Un excellent article lu dans Boulevard Voltaire du 9 avril. Des échos tout récents qui nous parviennent directement d'Espagne nous portent à croire que ce dernier pays est désormais en chemin pour rejoindre ses voisins impatients de construire une nouvelle Europe sur ses bases historiques et populaires. LFAR
« Sale temps pour Jean Monnet ... »
Lundi 8 avril 2019, sale temps pour Jean Monnet, certes l’un des pères fondateurs de l’Europe, mais agissant plus pour les intérêts américains que ceux des Européens. Marie-France Garaud l’affirmait il y a longtemps, Philippe de Villiers le confirme aujourd’hui. Ce lundi, qui pourrait demeurer fameux, a donc vu la rencontre au sommet de quatre leaders populistes – Olli Kotro (Les Vrais Finlandais), Jörg Meuthen (porte-parole de l’AfD allemande), Anders Primdahl Vistisen (Parti populaire danois) – sous la houlette du ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini.
En ligne de mire de cette famille enfin recomposée ? Le couple franco-allemand, pas vraiment en forme, sachant qu’Angela Merkel et Emmanuel Macron ne sont pas tout à fait dans des situations de politique intérieure leur permettant de tutoyer les anges. À propos de couple, celui que forme Matteo Salvini et Marine Le Pen était fortuitement amputé de moitié, la présidente du Rassemblement national étant retenue en France – impératifs de campagne électorale obligent.
Assez logiquement, Le Figaro s’interroge : « Le Pen et Salvini sont en rivalité pour le leadership des partis populistes en Europe. » Tout cela n’est pas neuf. En 1972, c’est grâce au MSI italien que le FN français prend son envol, tandis que le rapport de force évoluera ensuite dans le sens contraire. Aujourd’hui, si l’antériorité campe de ce côté des Alpes, la dynamique engendrée par un début de prise de pouvoir se situerait désormais plutôt de l’autre. On a connu pire en matière de querelles de préséance ; tant ces deux-là ont de commun.
Il y a l’âge, bien sûr, les ayant tous deux conduits à bousculer leurs formations politiques respectives. Au risque de tuer le père – pour elle, ce n’est pas totalement une clause de style –, Marine Le Pen a rénové le Front national de fond en comble. Tandis que Matteo Salvini faisait de même de la Ligue du Nord, faisant passer ce mouvement d’une sorte de séparatisme empreint de mépris vis-vis du Sud à un parti devenu italo-italien, plus nationaliste que régionaliste.
Sur la question de l’euro, ils ont également dû modifier leur ligne, principe de réalité aidant. D’abord alerter les peuples sur les dangers de cette monnaie unique, avant d’en revenir à des positions moins tranchées ; menacer de quitter l’Union européenne pour ensuite proposer de la subvertir de l’intérieur : la politique demeure toujours l’art du possible. Mieux, Matteo Salvini et Marine Le Pen paraissent avoir aussi intégré ce fait majeur : le populisme est avant tout un style plus qu’un programme ; un contenant plus qu’un contenu politique. Lequel « style » consiste, principalement, en ceci, tel qu’assez justement défini par le politologue Ilvo Diamanti, cité par Libération de ce 7 février : « Matteo Salvini est l’interprète des humeurs du pays. Il s’adresse à ceux qui expriment rage, ressentiment et rancœur contre tout et tous ; comme le Mouvement cinq étoiles, il joue sur le climat antipolitique de la société italienne. »
« Tout et tous », ce sont évidemment les élites, qu’elles soient politiques ou médiatiques. Lesquelles devraient, d’ailleurs, s’interroger sur ce désamour de plus en plus flagrant. Le peuple est peut-être injuste mais, en démocratie, il est tout de même censé avoir le dernier mot ; surtout lorsqu’il se rend compte que, non content de gouverner « sans » lui, le Système gouverne « contre » lui. Ainsi, et toujours à propos de l’alliance conclue avec le M5S, Salvini ne fait que reproduire – succès à la clef – ce que Le Pen a tenté d’initier lors de l’entre-deux tours de la dernière élection présidentielle. Si ce « Système », concept à base de « bonne gouvernance » et de « cercle de la raison », tel que circonscrit par Alain Minc, tend à réunir, en France comme en Italie, les vainqueurs de la mondialisation, majoritairement issus des bourgeoisies de droite et de gauche, il est tout aussi logique que les populistes tentent, eux aussi, d’unir les peuples de gauche et de droite. Plus qu’une réflexion programmatique, un simple réflexe de survie.
Les populismes européens à la croisée des chemins ? Nous n’en sommes pas loin. Et le « Système » dans l’impasse ? Nous n’en avons jamais été aussi près.■
Les élections municipales qui viennent de se dérouler en Turquie marquent un tournant.
Plusieurs grandes villes ont en effet été perdues par l’AKP, le parti d’Erdogan, à commencer par Ankara et Istanbul. Certes les écarts sont très faibles, notamment à Istanbul, et les recours introduits donneront peut-être lieu à des annulations, surtout dans un pays où de nombreuses institutions sont à la botte du pouvoir. Mais tout de même, c’est un camouflet pour le néo-sultan.
Erdogan s’était pourtant beaucoup investi dans ces élections qu’il savait difficiles : il a ainsi tenu plus de cent meetings en 50 jours. De plus, comme à chaque élection, les medias aux ordres (c'est-à-dire la quasi-totalité), se sont livrés à une propagande effrénée, n’hésitant pas à qualifier les candidats de l’opposition de complices des terroristes (on ne sait pas bien lesquels d’ailleurs). La télévision est allée encore plus loin et le nouveau maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, a été plusieurs fois coupé en direct, parfois au beau milieu d’une phrase…
Mais rien n’y a fait. La Turquie traverse une grave crise économique et les Turcs en ont assez. Erdogan se fait construire des palais à la mesure de sa mégalomanie mais n’est plus capable d’assurer le ravitaillement de la population. Avec l’effondrement de la devise turque, l’inflation s’est envolée (près de 20% en rythme annuel) et les produits alimentaires de base sont devenus inaccessibles. Les ménagères doivent faire des queues interminables pour faire leurs achats, dans un pays qui n’était guère habitué à cela. Le chômage n’est pas en reste avec 13%.
Les belles années de croissance sont loin derrière et les grands travaux pourtant prioritaires comme l’agrandissement de l’aéroport international d’Istanbul peinent à être achevés.
Même la démagogie islamiste, arme habituelle d’Erdogan n’a pas fonctionné : ainsi son annonce de transformer la merveilleuse basilique Sainte Sophie en mosquée (elle est actuellement un musée) n’a rencontré aucun écho. Le candidat de l’opposition à Istanbul avait brocardé cette proposition estimant qu’elle devait rester un musée et, surtout, qu’il fallait d’abord répondre aux besoins de la population.
Bien sûr, il ne faut pas s’attendre dans l’immédiat à des bouleversements. Erdogan tient encore solidement le pouvoir et les milliers d’opposants emprisonnés sont là pour démontrer qu’il ne reculera devant rien pour le conserver. De plus, l’armée et la police ont été sévèrement épurées à la suite du coup d’Etat manqué de juillet 2016 et sont devenues des fidèles d’Erdogan. La présence de nombreux engins blindés aux endroits stratégiques d’Istanbul depuis les élections atteste qu’une vague de répression peut être déclenchée à tout moment.
Mais dans l’immédiat le dictateur islamiste a reçu un rude coup et c’est peut-être le début du déclin.
Par ailleurs, ce qui fut le phare de la chrétienté pendant des siècles, la basilique Sainte-Sophie, va peut-être éviter de redevenir une mosquée et c’est un soulagement.■
Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste parmi les articles de dans notre catégorieActualité Monde.
« Les Bourses grimpent suite à l’afflux laxiste de liquidités et aux bas taux d’intérêt, mais les productions réelles ne suivent pas. »
Le CAC 40 a continué sa belle remontée à 5.476,20, ce vendredi 5 avril, tandis que Wall Street, suite à un rapport sur l’emploi, de bonnes nouvelles sur le dossier commercial sino-américain ainsi que sur le Brexit, terminait au plus haut de l’année.
Face au ralentissement de l’activité mondiale et aux risques systémiques, les marchés regardent le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.
La dette française frôlera les 100 % du PIB en 2022 et non pas 90 %, comme dans de précédentes estimations. En cas de crise similaire à celle de 2008, elle devrait même dépasser les 120 %. En matière d’effort structurel sur les dépenses publiques, l’exécutif répète inlassablement : « Vous allez voir ce que vous allez voir, mais dans deux ans seulement. » La triste réalité Macron, c’est que le taux de croissance sera au maximum de 1,4 % jusqu’à la fin de son mandat, que seuls 1.500 postes ont été supprimés dans la sphère de l’État en 2018, que seulement 4.500 devraient l’être en 2019, tandis que la ruineuse et suicidaire immigration, de l’ordre de 450.000 personnes par an, continue…
L’indice PMI IHS Markit manufacturier français du mois de mars est ressorti assez déprimé, à 49,7. La France paie les erreurs laxistes, depuis quarante ans, d’une politique de désindustrialisation et de demande keynésienne avec des déficits publics, au lieu d’avoir pratiqué, comme l’Allemagne, une politique de l’offre compétitive des entreprises, la seule politique possible pour créer et sauver des emplois industriels.
En zone euro, l’indice PMI IHS Markit manufacturier se replie de 49,3 à 47,5 en mars, affichant son plus bas niveau depuis avril 2013. L’indice allemand, lui, a plongé à 44, en mars, contre 47,6, en février. L’Europe pourrait bien être le point de départ de la prochaine crise car la France et l’industrie allemande, et non plus seulement l’Europe du Sud, sont en cause.
Le bilan de la BCE représente 41 % du PIB, contre 22 % pour les États-Unis et 101 % pour le Japon – le pire exemple.
Il n’est plus possible, en zone euro, d’augmenter les taux d’intérêt car ils seraient supérieurs aux faibles taux de croissance des pays européens, augmentant mécaniquement le poids de la dette dans les PIB. Il y a là un grave problème car les taux d’intérêt doivent être normalement relevés par les banques centrales en période normale afin de pouvoir être abaissés lorsque la récession apparaît. En fait, la zone euro n’a plus le choix qu’entre les taux bas ou la faillite immédiate des États et les krachs bancaires, obligataires, boursiers et immobiliers. Tout explosera lorsque la récession finira, malgré tout, par arriver !
En Italie, une contraction du PIB de -0,2 % est prévue pour 2019, avec un taux de croissance de 0,4 % en 2020. Le gouvernement populiste, conscient des effets négatifs du revenu citoyen et de l’avancée suicidaire de l’âge de la retraite, a pris pour la première fois, suite aux pressions du patronat et de Bruxelles, de bonnes mesures : suramortissement des investissements, simplification de l’impôt sur les bénéfices, soutien à l’innovation. Mais cela ressemble à de la poudre de perlimpinpin trop tardive dans un pays à l’arrêt depuis vingt ans.
Les impôts, en Italie, devraient être augmentés de 32 milliards d’euros pour éviter une augmentation du déficit budgétaire à 3,5 %.
Aux États-Unis, Trump souhaite une baisse immédiate des taux d’intérêt à 0,5 % et le retour au « QE » laxiste de la création monétaire. Les taux courts sont à 2,5 %, au même niveau que les taux à dix ans. Or, il faut habituellement, en cas de récession, une baisse de 3 à 5 % du taux directeur pour relancer l’économie. Les taux américains pourraient basculer un jour, comme en Europe et au Japon, en territoire négatif. Mais un autre signe noir pourrait apparaître : celui de la dédollarisation et de la chute du dollar. Les banques centrales de nombreux pays achètent de plus en plus d’or et, cerise sur le gâteau, l’Arabie saoudite a fait des déclarations fracassantes, ce vendredi 5 avril, en affirmant réfléchir à une alternative au dollar dans le cadre des transactions pétrolières qui fut à l’origine même du règne du dollar.
Les Bourses grimpent suite à l’afflux laxiste de liquidités et aux bas taux d’intérêt, mais les productions réelles ne suivent pas. Les dangers de krach dans le monde sont multiples et multi-pays interconnectés. ■
Complément à notre publication hier mardi de l'entretien accordé par le cardinal Sarah à Jean-Sébastien Ferjou, pour le site Atlandico [Lien ci-dessous]
À l’occasion de la sortie de son dernier livre, Le soir approche et déjà le jour baisse, S.E. le cardinal Robert Sarah a bien voulu accorder un entretien à Gabrielle Cluzel, rédactrice en chef de Boulevard Voltaire. Sans langue de buis, le prélat aborde les questions des racines chrétiennes de l’Occident, des migrations, du dialogue interreligieux, notamment avec l’islam, de la mondialisation…
Vous venez de publier un nouveau livre, entretien avec Nicolas Diat, intitulé Le soir approche et déjà le jour baisse, aux Éditions Fayard. Le moins que l’on puisse dire c’est que vous n’y maniez pas la langue de buis. Si vous prenez à nouveau la parole, écrivez-vous, c’est que vous ne pouvez plus vous taire, « les chrétiens étant désorientés », ce sont vos mots. Faites-vous là allusion au récent scandale qui a touché l’Église ?
Je ne fais pas uniquement référence à ce scandale. Nous vivons une grande crise depuis plusieurs années. Je me rappelle qu’en 2016, juste avant son élection au siège Saint-Pierre, Benoit XVI disait que l’occident traversait une crise qui ne s’est jamais vérifiée dans l’Histoire du monde. Voyez-vous comment la famille est détruite ? Comment le mariage est conçu d’une manière différente de ce que nous avons toujours connu ? Comment l’anthropologie est en grande crise ?
Il y a bien sûr la crise économique, la crise politique et la crise des responsables, mais, on constate au niveau de l’Église une baisse énorme de la pratique religieuse. Les églises sont vides. L’enseignement de l’Église semble également très flou et confus. Beaucoup de gens sont désorientés et ne savent plus où aller. C’est cette réalité que j’ai décrite. Je n’invente rien. Je fais un constat le plus précis et le plus près possible de la vérité.
Nous voyons bien que ce que je décris existe. Il y a une grande confusion et une grande incertitude. Les gens veulent surtout qu’on leur indique la route et qu’on leur enseigne la foi que nous avons toujours vécue. La foi et la parole de Dieu ne changent pas. Dieu est le même.
Ce que dit ce livre est vraiment la réalité. Il s’agit de donner l’espérance, malgré cette crise, pour retrouver vie et confiance. Sur le plan humain, quelqu’un peut avoir une maladie grave, se soigner et retrouver la santé. Une autre personne peut aussi traverser une difficulté passagère, mais après des efforts et l’aide qu’elle reçoit, elle retrouve une certaine assurance. Il y a des périodes de désemparement, mais on peut quand même trouver une espérance. C’est ce que j’essaie de dire dans ce livre.
Vos propos semblent viser à réveiller un occident en perdition. Il est à rebours du discours habituel sur le sujet. Dans votre livre Dieu ou rien, vous rendez hommage, je cite « aux beaux fruits de la colonisation occidentale, aux missionnaires de France qui vous apportent le vrai Dieu ». Aujourd’hui, en somme, le missionnaire c’est vous et la terre de mission, c’est la France. Diriez-vous que l’occident a oublié ses racines et a dilapidé son héritage ?
Je crois que nous devons être vrais. J’ai tout reçu de l’occident. J’ai reçu ma formation et ma foi. On a l’impression aujourd’hui que l’occident renie ses origines, son histoire et ses racines. Il me semble que nous vivons comme si nous n’avions rien à voir avec le christianisme. Ce n’est pas vrai. Lorsqu’on ouvre les yeux, on voit bien l’architecture, la musique, la littérature et que tout est chrétien. Je ne vois pas pourquoi on peut nier ce qui est. Nier ce qui est, c’est se mentir à soi-même.
Je pense que l’occident est en péril s’il renie ses racines chrétiennes. C’est comme un grand fleuve, il a beau être immense et majestueux, s’il perd sa source, il n’est plus alimenté et se dessèche au bout d’un certain temps. C’est comme un arbre qui n’a plus de racines, il meurt. Un occident sans racines chrétiennes est un occident menacé de mort et de disparition. Il s’est fait envahir par d’autres cultures qui, elles, ne renoncent pas à leur histoire et combattent pour montrer qu’elles ont une culture à proposer. D’autres cultures envahissent l’Europe, comme les cultures musulmane et bouddhiste.
Il est important qu’il reprenne conscience que ses valeurs, belles, majestueuses et nobles se perdent.
Je ne prétends pas être le missionnaire. Nous sommes tous, par le baptême, envoyés pour que faire connaître le Christ et l’évangile, et la réalité nouvelle qu’il nous propose. Aujourd’hui, les écritures nous disent encore « je fais un monde nouveau ». Ce monde nouveau est créé par le Christ lui-même.
Je souhaite que ce livre puisse réveiller la conscience occidentale. Je crois que l’occident a une mission spéciale. Ce n’est pas pour rien que Dieu nous a communiqué la foi par l’occident. Ce que Dieu donne est permanent, c’est pour toujours et non pour un instant.
L’occident a une mission universelle, à cause de sa culture, de sa foi, de ses racines et son lien personnel avec Dieu.
Si l’occident perdait ses racines, il y aurait un bouleversement énorme et terrible dans le monde.
J’espère que la lecture du livre Le soir approche et déjà le jour baisse sera un moyen pour réveiller la conscience occidentale, mais aussi notre conscience de chrétien.
Vous vous inquiétez de la migration et de ses conséquences. Vous écrivez que le déracinement culturel et religieux des Africains projetés dans des pays occidentaux qui traversent eux-mêmes une crise sans précédent est un terreau mortifère. Quel est selon vous le regard chrétien à porter sur la migration ?
Je crois que lorsqu’ils arrivent en occident, ils se rendent tout de suite compte que c’est un occident qui a perdu Dieu, qui est plongé dans le matérialisme, dans la négation de Dieu et qui ne voit que la technique et le bien être. Cela les désempare.
Je connais l’Afrique et l’Asie. Ce sont des continents profondément attachés à Dieu et au transcendant. Arrivés ici, ils trouvent uniquement le matériel. Cela peut être une désorientation pour eux. Or, je pense que si vous les accueillez, ce n’est pas seulement pour leur donner du travail, un logis et de quoi vivre. Proposez-leur aussi ce qui fait votre richesse, sans forcer personne. La foi est un acte d’amour. On ne force pas quelqu’un à aimer. Proposez-leur votre richesse, votre foi chrétienne en laissant chacun sa liberté d’accepter ou de refuser.
Je pense que là aussi, l’occident a une mission. Quand vous recevez quelqu’un, vous lui donnez le meilleur de vous-même. Le meilleur de vous-même est votre coeur. Si quelqu’un arrive dans votre maison, vous lui donnez une chambre et de la nourriture. Si cette personne voit que vous n’êtes pas content, triste ou pas heureux de le recevoir, alors, il ne va pas manger ce que vous lui donnez. Le meilleur de nous-même n’est pas ce que nous donnons matériellement, mais c’est notre cœur.
Il faut que l’occident donne son cœur. Or, ce cœur, c’est votre foi, votre lien à Dieu, votre richesse ancestrale qui vous a fait naître et qui vous a façonnés. C’est le christianisme qui vous a façonnés. Donnez aux étrangers qui arrivent, c’est vraiment cela qui fait votre richesse.
Vous venez dénoncer une vision irénique des autres religions, y compris de la part des catholiques. « Qui se lèvera pour annoncer la vraie foi aux musulmans ? » écrivez-vous. Faut-il y voir une mauvaise interprétation du dialogue inter-religieux ?
Quand deux personnes se parlent, chacun s’affirme dans ce qu’il est profondément. Il n’y a pas de dialogue si moi je m’efface. Le vrai dialogue est lorsque chacun dit ce qu’il est, ce qui fait sa vie profonde et ce qui fait sa foi. Dialoguer n’est pas offusquer ou de ne pas froisser l’autre de cacher sa foi. Un dialogue, c’est véritablement aller vers la vérité ensemble. Si nous sommes vraiment sincères, nous allons aboutir à une vérité. Le dialogue est pour moi très important, parce que c’est une recherche de vérité. Nous cheminons ensemble pour voir la lumière. Une fois que nous avons vu la lumière, soit il faut fermer les yeux pour ne pas suivre la lumière, soit on dit ‘’ c’est ça la lumière’’. Si réellement, Jésus est vraiment la lumière, nous ne pouvons pas ne pas l’accepter ensemble. Si vraiment Jésus est le chemin, nous ne pouvons pas ne pas l’accepter. Si vraiment, il est la vie, nous ne pouvons pas ne pas l’accepter.
Le dialogue, c’est marcher ensemble dans la direction de la vérité, la trouver et l’accepter.
Vous portez un jugement très sévère sur la mondialisation. Vous dites qu’elle est contraire au projet divin. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Vous et moi sommes différents. Cette différence est une grande richesse. C’est comme dans un jardin, vous voyez des fleurs jaunes et vertes. Cet ensemble fait une beauté extraordinaire. La globalisation voudrait supprimer toutes les différences linguistiques, raciales et frontalières. Je ne sais pas où nous allons aboutir.
Je pense que s’il n’y a pas de discernement et de sagesse, la globalisation constitue un grand danger pour la valorisation de chaque culture et de chaque peuple. Chacun de nous a une histoire, une culture et une richesse qu’il apporte aux autres. Alors, niveler toutes les cultures et tous les peuples pour n’en faire qu’un est pour moi, un appauvrissement.
La mondialisation va contre le désir de Dieu qui a voulu nous créer différents pour nous enrichir mutuellement. Aujourd’hui, on a presque l’impression qu’il y a une américanisation, une européisation. Tout le monde doit être européen. La vision du monde, de l’économie et de l’homme doit être européenne. C’est un appauvrissement. Les Asiatiques ont une vision belle et approfondie.
Je ne suis pas contre la mondialisation. Plus on est ensemble, plus on est puissant, plus on peut faire de belles choses, sans pour autant supprimer les personnalités et les spécificités de chaque peuple. C’est cela que je dénonce. Que les Français soient français, que les Polonais soient polonais et que les Allemands soient allemands, quitte à coopérer ensemble.
Parmi les maux qui touchent les catholiques, vous évoquez le relativisme ambiant, la défaillance de la catéchèse et l’absence de prière… est-ce aux clercs que vous vous adressez ?
J’attribue la responsabilité de la baisse de la foi et de la pratique, et d’un certain manque de connaissance de la religion et de la doctrine aux prêtres. C’est leur métier. Ils sont envoyés pour enseigner. Le Christ a dit « allez enseigner toutes les nations ».
Si nous n’enseignons plus la doctrine, nous appauvrissons les chrétiens qui ne savent plus lire. Si le prêtre est tout le temps en train de s’agiter, il n’a pas le temps de prier. On va imiter sa façon de faire. Notre responsabilité est énorme. Nous devons être les modèles du troupeau, des modèles de prière et de vie morale. Je ne dis pas que tout vient du clergé, mais vous voyez quand même qu’il y a aujourd’hui des accusations horribles sur le clergé, contre les cardinaux et les évêques. Tout n’est peut-être pas vrai, mais même si c’était un seul prêtre qui faisait des choses comme celles-là, il pourrait décourager beaucoup de laïcs.
Beaucoup diront que la prière n’est peut-être pas essentielle. C’est pourtant l’activité essentielle. C’est ce qu’on voit qui est essentiel.
J’ai tendance à parler longuement, mais si vous prêchez 5 ou 10 min une fois par semaine, vous affamez les gens. Chacun de nous mange régulièrement pour maintenir sa santé. Si on donne une homélie de 10 min chaque dimanche, il n’y a aucune nourriture dedans. Il y a donc une responsabilité que j’attribue aux prêtres. Ils doivent prendre au sérieux cette mission d’enseigner, de sanctifier le peuple de Dieu et de le gouverner. Gouverner ne veut pas dire d’imposer des choses, mais plutôt d’orienter et de faire avancer vers Dieu pour une meilleure connaissance de lui.
J’attribue aussi cette responsabilité aux familles. Les familles ne connaissent pas Dieu, elles ne prient pas souvent et n’amènent pas les enfants à l’église. Ils ne savent pas quoi croire, ils ne savent pas ce qu’est la foi.
Nous avons tous une responsabilité dans ce que nous vivons aujourd’hui, soit au niveau de la baisse et de la pratique de la foi, soit de l’engagement missionnaire. Nous sommes tous appelés à enseigner, à sanctifier et à orienter les personnes vers Dieu.
Vous parlez de décadence et évoquez la chute de l’Empire romain dans ce livre, comme s’il y avait une analogie. Votre titre laisse supposer qu’il est presque trop tard. Que diriez-vous à ceux qui pourraient désespérer ?
Le titre du livre est un passage de l’évangile de Saint-Luc. La situation que nous vivons est celle que les premiers chrétiens et les premiers disciples de Jésus ont vécu. Jésus est mort et enterré et ils sont tous découragés.
Chacun rentrait chez soi et voilà que Jésus les rejoint en leur demandant pourquoi ils sont tristes. Ils lui répondent « vous ne savez pas ce qu’il s’est passé à Jérusalem ?. Ils ont tué Jésus qui était un grand prophète, nous espérions que c’était le Messie, voilà trois jours qu’il est mort et maintenant nous rentrons chez nous ».
Pendant longtemps, il expliquera que c’est comme cela que le Christ devait finir pour le salut du monde. Puis ils entrent dans une auberge, il prend le pain, il fait la bénédiction, il rompt le pain, il leur donne à manger et ils reconnaissent que Jésus est là et vivant.
Nous pouvons nous aussi avoir cette impression que tout est perdu. Mais si nous reconnaissons Jésus à travers sa parole et à travers l’Eucharistie, il n’y a pas à désespérer. Il nous a dit « je serai avec vous jusqu’à la fin du monde ».
Comme je vous le disais tout à l’heure, quelqu’un peut être gravement malade et retrouver la santé. Nous pouvons retrouver notre santé si nous allons à l’essentiel.
Qui est l’essentiel ? C’est Dieu.
Qui est l’essentiel ? C’est Jésus Christ.
Qui est l’essentiel ? Ce sont les valeurs humaines.
Il y a de quoi espérer. Il ne faut pas se décourager et se désespérer. Nous vivons un moment difficile, mais ce moment va passer. L’aurore arrive. Nous pouvons avoir confiance que la lumière arrive. Cette lumière c’est Jésus. Lui, nous redonnera la joie de vivre, la joie de nous aimer et d’être ensemble comme des frères. ■
« Le monde actuel : le face à face des puissances. L'Europe ne peut se construire que sur les peuples, les nations, les États »
Il fallait entendre,jeudi soir (4 avril), autour de minuit, lorsque son tour fut venu,Nathalie Loiseau prononcer sa conclusion à la fin du grand débat de lancement de la campagne des européennes, sur France 2. Organisé, soit dit en passant, dans les formes terriblement contestables qu'on connait.
Nathalie Loiseau parle ... La succession des phrases apprises par cœur a comme toujours en pareil cas un air de récitation inconvenante. Cette parole artificieuse égrène la mécanique des arguments de telle sorte qu'ils ne peuvent guère convaincre, fussent-ils justes ... Ils ont été trop rabâchés et cette intellectuelle hors normes n'en a pas trouvé de nouveaux. L'écoute en devient ennuyeuse. dérangeante. Sans compter le phrasé monocorde. Y-t-il au moins un fond ? Ne sont-ce que des mots creux ?
Nathalie Loiseau porte la parole majoritaire au parlement. Minoritaire dans le pays. Si c'est un honneur, c'est un honneur redoutable. Elle exprime surtout la pensée présidentielle. Celle des oligarques hors sol et des élites mondialisées.
Justement, mondialisation, globalisation : où en est-on ? Nathalie Loiseau se rend-elle compte de ce qu'elle va dire ? Les arguments s’enchaînent, dont la mécanique l'entraîne. Mais aussi celle des mots. Pourquoi l' Europe est-elle si indispensable ? Pourquoi les États-nations n'ont-ils plus la taille pertinente ? Pourquoi vouloir une « Europe-puissance » ? Qu'importe qu'elle ne puisse l'être que par la taille, la masse inerte, et non par la cohésion, la volonté, la dynamique d’un patriotisme ! L'Europe, il la faut à tout prix. Parce qu’elle doit faire front. Front commun. Contre qui ? Et là les « face à » se succèdent. « Face à la Chine ». « Face aux Etats-Unis ». « Face à la Russie ». « Face aux GAFA ». Quoi encore ? Elle pourrait ajouter quelques autres vraies puissances, c'est à dire nationales. Pourquoi pas « Face à l'Inde » ? « Face au Japon » ? Cela fait beaucoup de face à face. Et beaucoup de monde. Le monde ... Tel qu’il est.
Nathalie Loiseau ne mesure pas qu'elle sonne ainsi le glas des idéologies, des artefacts institutionnels ou autres, des illusions, sur lesquels le monde a été sommé de vivre depuis 1945 et bien davantage encore depuis l'effondrement du bloc communiste autour de 1990. De quoi sonne-t-elle le glas ? La mondialisation ou globalisation, le multilatéralisme, l'embryon de gouvernance mondiale - façon Attali - que l'on croyait constituer et que l'on ne tarderait pas à « finaliser » ... En bref, la fin de l'Histoire que l'on avait actée. L’avènement du Grand Marché globalisé. Et tout cela se conclut par de classiques « face à face ».C'est le constat de Nathalie Loiseau. Le monde n'est plus constitué de sages « partenaires » parfaitement humanistes, œuvrant au Bien Commun Universel, se réunissant pour cela, mais bel et bien par des « concurrents ». Cela change les choses. Cela sonne aussi le glas de tout futur G20 qui maintiendrait ses prétentions universalistes passées. Si elle poussait un peu plus avant sa théorie des face à face, Nathalie Loiseau s'apercevrait que le champ intra européen en est tout aussi empli.
Par exemple lorsque l'Italie au bord du krach financier négocie en solitaire avec la Chine l'ouverture de ses ports - à commencer par Trieste sur l'Adriatique - à cette route de la soie en construction par laquelle l'Empire du Milieu compte accéder en force aux marchés européens. Les exemples de telles entreprises en solitaire ne manquent pas en Europe et des plus importantes. Nathalie Loiseau devrait savoir que tel est précisément le cas de la Grande-Bretagne qui s’en va mais tout autant de l'Allemagne qui reste. Pour l’instant. Son nationalisme réel et très profitable est démo-compatible…
En somme, volens nolens, Nathalie Loiseau a utilisé les mots qui confirment que nous sortonsd'une ère. ou, si l'on veut, d'un cycle, pour un autre. Ce que dit François Lenglet dans un ouvrage* qui vient de paraître dont il développe la thèse sur toutes les antennes. Et ce que Pierre Renucci a montré pareillement dans une remarquable tribune ** sur lafautearousseau.
Nathalie Loiseau trahie, la pauvre, par les mots ? Eh bien ! peut-être l'ignore-t-on à l'ENA, il faut donner un sens plus pur aux mots de la tribu. C’est-à-dire veiller, c'est la moindre des choses, à ce qu'ils correspondent autant que faire se peut à la simple réalité du monde actuel. Tel qu'en lui- même ....■ lafautearousseau
* François Lenglet, Tout va basculer ! – Albin Michel, 2019, 16€90
Tout le monde n'a pas lu ou ne lira pas cet entretien donné par le cardinal Sarah à Atlantico, hier 8 avril. Pourtant, il doit être lu - raison pour laquelle nous avons décidé de le reprendre ici - tant les déclarations de ce haut prélat de l'Église catholique nous paraissent importantes pour la France et pour l'Occident. Tant ses analyses tranchent avec le discours le plus courant de l'Église d'aujourd'hui, hélas délétère, y compris celui du pape François. « Laissons François » répond le cardinal Sarah - et on le comprend ! - à une question de Jean-Sébastien Ferjou. À propos de ce dernier, disons qu'il nous paraît être l'un des journalistes les plus brillants de sa génération et l'un des débatteurs les plus lucides des plateaux de télévision. Ici, avec le cardinal Sarah, il se trouve à une autre altitude. lafautearousseau
GRAND ENTRETIEN - A l'occasion de la parution de l'ouvrage « Le soir approche et déjà le jour baisse » publié aux éditions Fayard, le cardinal Robert Sarah se livre à Atlantico. Première partie d'un entretien en deux volets.
Jean-Sébastien Ferjou : Eminence, vous parlez de la crise de l'Eglise, vous en analysez les différents symptômes, puis vous parlez de la crise de l'Occident. Vous utilisez deux images, celle de l'homme riche qui suit Jésus jusqu'au moment où Jésus lui demande de renoncer à sa fortune, ce que cet homme refuse parce qu'il a trop de biens. Et une autre : « Le monde moderne a renié Dieu car il ne voulait pas voir son image reflétée dans les yeux de Jésus. Mais s'il refuse de se laisser regarder, il finira comme Jésus dans le désespoir. Tel est le signe de la crise contemporaine de la foi » . L'Occident n'a plus voulu de ces renoncements au confort matériel ou moral et n’a plus accepté de se laisser regarder dans cette posture. Diriez-vous que l'Eglise est en crise parce qu'elle est trop occidentale ? Ou que l’occident est en crise car le christianisme l’est aussi ?
Cardinal Robert Sarah :Je peux me tromper, mais moi je ne distingue pas l'Occident de l'Eglise. L'Occident est chrétien, a été façonné par le christianisme. Sa culture, son art, sa vision de l'homme sont chrétiens. La crise de l'Eglise est en même temps la crise de l'Occident. La crise de l'Occident est en même temps celle de l'Eglise. Nous ne pouvons pas logiquement séparer les deux. Pour moi, comme Africain, l'Occident a été créé par le christianisme, même si on refuse les racines chrétiennes de l'Occident aujourd'hui. Mais on ne peut pas nier cette culture, ce que vous êtes. Votre art, votre musique, tout est chrétien. Les deux s'influencent. L'Occident n'est pas quelque chose en l'air.
Beaucoup de prêtres ne sont plus occidentaux aujourd'hui…
Bien sûr. Mais l'Occident c'est le christianisme, qu'il soit protestant ou catholique. La culture, l'art, la pensée sont chrétiens. Les deux crises sont contemporaines et corrélées. Car l'Eglise, c'est vous, les prêtres comme les laïcs.
Il y a aussi de nombreux croyants chinois, sud-américains ou africains…
Oui, mais si nous sommes chrétiens ailleurs dans le monde qu’en Europe, c'est parce que l'Occident nous a apporté le christianisme. La mission de l'Occident n'est pas pour moi le fruit du hasard. Dieu l'a voulue ainsi. C'est vous qui avez envoyé des missionnaires partout. On ne peut donc pas vous séparer de l'Eglise. La crise de l'Occident est donc contemporaine de la crise de l'Eglise. C'est parce que l'Eglise s'est affaissée que l'Occident s'est affaissé. Et réciproquement. Qui témoigne de l'Evangile dans la politique ? Ce n'est pas le prêtre mais les laïcs. Qui témoigne de l'Evangile dans l'économie ? Ce n'est pas le prêtre mais aussi les laïcs.
Justement, trouvez-vous que les catholiques français - peut-être par une mauvaise compréhension de la laïcité - ont renoncé à la part de témoignage dont ils devraient être porteurs en masquant leur identité catholique pour ne pas heurter les autres ?
La laïcité à la française est une parfaite contradiction : vous êtes essentiellement façonnés par l'Eglise. Vous ne pouvez pas dire je suis laïc dans la société et je suis chrétien à l'Eglise, c'est ridicule. Un homme ne peut pas être divisé : il est Un à tout point de vue, en toutes circonstances. Un Français à l'Eglise est aussi un Français en politique. C'est une incohérence que d’imaginer l’inverse. La foi est une réalité intime mais elle doit aussi être vécue en famille et dans la société au sens large.
Pensez-vous que les évêques français se sont trop retirés du débat public ?
Ils n'ont pas à participer à la politique en tant que telle. Mais ils doivent défendre les valeurs chrétiennes, les valeurs de la vie, les valeurs de la morale, c'est leur devoir. Ils doivent défendre ce que Dieu leur dit de défendre. Ils doivent dire ce que Dieu demande de nous. Tout ce qui est dans les commandements – tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne commettras pas d'adultère – ils doivent le répéter aux gens. Ils doivent dire que le mariage est un mariage entre un homme et une femme. Ils doivent dire qu'il ne doit pas y avoir de divorce car personne ne peut se marier pour casser sa famille. Ceci est valable pour les chrétiens mais aussi pour toute la société.
Vous évoquiez ce qu'on appelle en France le « Mariage pour tous » ou les problématiques de filiation qui en découlent - PMA, GPA. L'Eglise s’est-elle montrée suffisamment aimante envers les personnes différentes ? L'Eglise n'a-t-elle pas aussi sa part de responsabilité dans la montée des revendications sociétales faute d’avoir su écouter et accueillir des chrétiens ou des non-chrétiens aux trajectoires de vie moins évidentes ? Sans céder sur ses enseignements bien sûr mais en ne se montrant pas excluante.
Je pense qu'il faut faire une distinction entre l’Eglise et ceux qui l’incarnent. Moi je peux être un mauvais prêtre. Mais regardez qui m'a donné mon sacerdoce : c'est Jésus. Lui demande la même chose à tous de la même manière. Même s'il y a une défaillance au niveau des prêtres ou des évêques, le message de fond, lui, ne change pas. Et c'est ce que je dis aux gens : si moi je suis défaillant, portez votre regard sur le Christ.
Mais sur le Mariage pour tous, je demeure persuadé qu’il était essentiel pour l’Eglise de défendre l’ordre naturel des choses. Car c’est celui voulu par Dieu.
Vous expliquez que les Occidentaux opposent leur liberté à cet ordre naturel dont vous venez de parler, qu'ils font entrer la liberté en concurrence avec la loi naturelle, ce qui est finalement ne pas comprendre la nature réelle de la liberté…
On a perdu le sens de la liberté. La liberté, ce n'est pas suivre ses tendances, ses instincts sans recul. La liberté, c'est chercher la vérité, c'est chercher le bien-être, pas seulement personnel mais de tous. La liberté ne revient pas à casser celle de l'autre. Au contraire, ma liberté me contraint à nouer des relations dans lesquelles je respecte l'autre. Quand vous conduisez dans la rue, votre liberté est freinée par le feu rouge. Si vous continuer à aller tout droit, vous écrasez des gens. Aucune liberté n'est totale. Toute liberté est freinée. Et de ce point de vue, la loi naturelle n’est pas une entrave : c’est la grammaire de notre nature.
L'œcuménisme, le dialogue interreligieux sont des valeurs très occidentales. Vous dites qu'on les a beaucoup transformées en irénisme, en une sorte de niaiserie. Avez-vous été frappé par la déclaration du pape François qui a lancé un appel avec le roi du Maroc à la liberté de culte à Jérusalem, en oubliant peut-être de préciser qu'il faudrait aussi que la liberté de culte soit respectée dans les pays arabes – particulièrement dans le Golfe ? Le pape accepte que les chrétiens ne fassent pas de prosélytisme pour donner des gages de sa volonté pacifique mais ne réclame pas la pareille aux musulmans avec lesquels il s’entretient.
Laissons de côté François. L'œcuménisme, qu'est-ce que c'est ? Le Christ a voulu que nous soyons un. Cela ne signifie pas que pour dialoguer avec mon vis-à-vis, je dois renoncer à ce que je suis. La liberté, ce n'est pas cacher ma foi catholique, mes doctrines à moi, celles que j'ai reçues depuis mon baptême, tout ça pour m'accorder avec des anglicans, des protestants. Ce n'est pas ça. L’œcuménisme, c'est de réfléchir ensemble à la question : qu'est-ce que Dieu demande à nous autres croyants ?
Le dialogue interreligieux est autre chose, il signifie de trouver des terrains d'entente pour ne pas se disputer, pour que chacun respecte la foi de l'autre. Mais si je crois que ma foi est meilleure, pourquoi ne pas la proposer à celui qui a une autre foi que moi ? Je ne lui impose rien, je lui expose juste ce que me dit ma foi, qui est Jésus pour moi. Mais si je cache mon identité et ma foi, ce n'est plus un dialogue et on se trompe alors l'un l'autre.
Vous dites d'ailleurs qu'il faut proposer aux migrants notre foi chrétienne, pas l'imposer, la charité doit être gratuite, mais qu'il faut proposer notre identité…
Si je reçois quelqu'un, je lui donne le meilleur de moi-même, ce que j'ai de plus beau. Or, si je donne aux migrants uniquement un toit, du travail, des médicaments… et que je lui cache ce qui fait vraiment un homme, son ouverture au transcendant, je le prive. Pourquoi ne pas proposer au migrant ma foi chrétienne ? Je ne lui impose absolument pas, je lui dis seulement : c'est une très bonne possibilité pour ton salut.
Au-delà de ce que nous proposons aux migrants, je suis troublé par ce renoncement de l’Occident à sa propre identité. Non seulement, nous ne savons plus expliquer aux autres qui nous sommes mais nous ne le savons souvent plus nous-mêmes.
Je crois que l'Occident pourra disparaitre s'il oublie ses racines chrétiennes. Les barbares sont déjà là, en son sein. Et ils lui imposeront leur culture, ils lui imposeront leur religion, leur vision de l'homme, leur vision morale si l’Occident n’a plus qu’un ventre mou et fuyant à leur opposer.
Est-ce qu'une telle mort de l'Occident signifierait une mort de l'Eglise ?
Cette mort de l'Occident pourrait entrainer la mort de l'humanité. L'Occident a eu la révélation divine par les apôtres, Pierre, Paul. Ils ont changé l'humanité et l'homme. Ici à Rome, dans l’Antiquité, les gens s'entretuaient et envoyaient des hommes se faire dévorer par les lions. Il n'y avait aucun sens de l'homme. L'Eglise a inculqué ce sens de l'homme aux Romains. Et l'Occident a changé. Il y avait l'esclavage. Beaucoup d'hommes religieux ont dit : ce n'est pas juste et l’Occident a été le premier dans le monde à y renoncer. Si l'Occident disparaissait parce que disparaissent ses racines, le monde changerait terriblement.
Vous écrivez que le Seigneur est sans miséricorde envers les tièdes, vous revenez plusieurs fois sur cette idée et on sent que c'est quelque chose qui vous est cher. Vous citez d’ailleurs Charles Péguy : « Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée, c'est d'avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une âme perverse, c'est d'avoir une âme habituée » . Pensez-vous que ceux qui se définissent comme progressistes, comme défenseurs de la démocratie et du Bien, que ce soit Emmanuel Macron en France ou ceux qui s'opposent aux populistes en Italie - sont dans une pensée courageuse ou dans une forme de pensée tiède, de pensée habituée ?
Je crois que si ceux qui dirigent l'Occident, ceux qui veulent le conduire, le font sans –voire contre - le christianisme alors ils deviennent tièdes et conduisent l'Occident à sa perte. Sans cette radicalité évangélique qui change le cœur de l'homme et donc la politique, l'économie, l'anthropologie, ils œuvrent à sa disparition même si ça n’est pas leur intention.
Regardez aujourd'hui ce qui se passe : il y avait six entités fondatrices à la création de l'Union européenne. Dans ces six, il y en a au moins cinq où les dirigeants ne savent pas ce qu'est une famille ou ce qu'est un enfant. Avant le gouvernement actuel en Italie, l'ancien Président du Conseil Paolo Gentiloni n'avait pas d'enfant. Macron, Merkel, n'ont pas d'enfants. Theresa May n'a pas d'enfants. Au Luxembourg, le premier ministre partage sa vie avec un homme. Quelles que soient leurs intentions, ces gens-là mènent l'Occident vers l’abîme. Ils ne savent pas ce qu'est une vie humaine, un enfant qu'on chérit parce qu'il est la vie.
Ils pourraient vous répondre que les hommes d'Eglise non plus n'ont pas de famille…
Ce n'est pas la même chose. Nous sommes sans famille parce que c'est un choix religieux. Eux sont mariés, en couple. Il ne faut pas mélanger les choses. J'ai fait un choix afin d'imiter quelqu'un qui m'a appelé et qui n'a pas fondé de famille. Mais Jésus me donne en retour le centuple : tous les hommes sont mes parents, mes frères, mes sœurs. En renonçant à une épouse, le prêtre reçoit le centuple.
Entre les convictions modérées, tièdes pour reprendre votre expression, d'Emmanuel Macron ou des opposants au gouvernement actuel en Italie, et des personnalités pas du tout tièdes comme Matteo Salvini, Donald Trump ou Viktor Orban qui parfois assument une identité chrétienne, voire catholique, même si le pape avait considéré que Donald Trump n'était pas chrétien, qu'est-ce que vous préférez ?
Dans la révélation, Dieu déteste les tièdes. Dans le chapitre 3 de l'Apocalypse, il dit : puisque tu n'es ni chaud ni froid, je te vomis. Dieu déteste la tiédeur.
L’Occident, c’est le christianisme mais c’est aussi la science, la technologie, la Silicon Valley et ses recherches sur le transhumanisme ou l’immortalité.
Mais que veulent ces gens ? Vivre jusqu’à 150 ans, 300 ans ? Que peuvent-ils bien en attendre ? Humainement, qu'est-ce qu'un homme fait à cet âge- là ? Pire, pourquoi vouloir vivre aussi longtemps si c’est pour se contenter de jouir de possessions matérielles ?
Sans aller jusqu'à ce fantasme d'immortalité, le fait que sur une même planète des gens puissent vivre de manière très différente, des pauvres sans accès à la médecine et d'autres avec des organes réparés, une meilleure vue… pourrait créer deux humanités. Redoutez-vous les découvertes scientifiques de ce 21ème siècle ?
Je pense qu'avoir deux types d'hommes sur cette Terre est irréalisable. Et même si c'était fait, je ne vois pas quelle joie il y aurait pour un homme « invincible » à voir d'autres hommes mourir lentement à côté de lui. Dieu ne nous a pas créés immortels, sauf dans notre âme. Physiquement, tout ce qui est créé est fini. Tout cela, c'est vouloir être comme Dieu. Et c'est une illusion. Et même si on réussissait à faire de tels hommes – invincibles, immortels – sur cette Terre, que feraient-ils de cette immortalité ? Notre bonheur, c'est Dieu, pas l’imitation de Dieu.
Vous parlez de cette Terre. Avec les inquiétudes sur l’environnement et le climat, « sauver la Planète » est devenu un slogan politique majeur. Mais peu de gens parlent de sauver l'homme et l'humanité…
Sauver la planète alors qu’on continue à tuer des enfants ou qu’on tue les vieillards quand leur faiblesse déplaît aux regards ? Mais que sauve-t-on alors ? Quand on perd Dieu, on perd l'homme. Dieu n'existant plus, on sauve la nature. Mais qu'est-ce que la nature sans homme ?
J'ai vu un évêque du Congo lors du dernier synode qui disait : dans notre région, on était heureux, il y avait des fleuves, des arbres… et ils sont venus chercher je ne sais quel minerai et ont creusé, puis ont pollué toutes les rivières. Pour boire de l'eau dans son diocèse, ils doivent désormais l'importer. Les gens n'ont plus d'eau potable. Il faut sauver les fleuves bien sûr. Mais pas indépendamment des gens qui boivent dedans.
Est-ce à dire que certains écologistes ont une théologie négative, ou que la planète est devenue leur Dieu ?
On a effectivement fait de la planète un Dieu, mais c'est une idolâtrie. Mais c'est un Dieu qu'on ne respecte même pas, parce qu'on la pollue, on l'exploite de manière désordonnée, au détriment des habitants. Il suffit de regarder ce qui se passe en Amérique Latine ou en Afrique. Les hommes ne comptent plus. Ce qui compte c'est le gain. Et ce sous le prétexte qu'on veut sauver la nature.
C'est de la comédie. Tant que l'homme ne connait pas ses limites, qu’il ne reconnait pas qu'il n'est pas Dieu, qu'il a été créé par quelqu'un, qu'il vit dans une nature si bien organisée, nous ne sauverons ni les hommes ni la nature. Pourquoi l'homme ne veut-il pas reconnaitre qu'il a été créé, qu'il a des limites ? Quand on regarde la profondeur de l’univers, le mouvement des étoiles, on voit pourtant bien que ce n'est pas le fruit de l'intelligence humaine. Et que ce n'est pas un hasard non plus.
Vous le dites dans le livre : les gens préfèrent ne pas recevoir un héritage parce qu'ils ne veulent rien devoir à personne…
Exactement. Ils veulent tout ce qu'ils ont eux-mêmes créé. Il n’y a plus que cela qui compte. Pourquoi le monde moderne veut-il à ce point sauver la nature mais pas celle de l’homme ? La dignité de l’homme consiste pourtant à être fondamentalement un débiteur et un héritier. ■
Les conjoints des chefs d'Etat au sommet de l'OTAN, le 25 mai 2017
Publié le 11 juillet 2017 - Actualisé le 9 avril 2019
Par Péroncel-Hugoz
Informé par des statisticiens chrétiens des Etats-Unis, notre chroniqueur s’est penché sur le phénomène de « dénatalité » constaté récemment parmi le haut personnel politique en Europe occidentale.
L’élection cette année à la présidence française d’Emmanuel Macron (39 ans, né en 1977), le plus jeune chef d’Etat français depuis Napoléon Bonaparte (Premier consul à 30 ans, en 1799) a suscité l’attention de chercheurs catholiques nord-américains, dont le journaliste Phil Lawler, connus pour investiguer dans les affaires intimes de leurs contemporains. Ils en ont déduit, par exemple, que si le président Macron reste marié à son épouse actuelle, Brigitte Trogneux (née en 1953, 64 ans, mère de trois enfants par son mariage précédent avec un certain M. Auzière qu’on donne pour « financier »), il n'aura pas de postérité.
Sur cette lancée, la curiosité démographique de nos chrétiens anglo-saxons les a conduits à dresser la liste des grands dirigeants d’Europe occidentale, mariés ou « en couple » - mais sans le moindre enfant. Cette liste est longue ; en voici « les stars » : la chancelière allemande, la Première ministre britannique ainsi que les chefs de gouvernement hollandais, suédois, écossais, italien, etc. Le Grand-Duché de Luxembourg bat, si l’on ose dire, tous les records avec le tout-puissant président en exercice de la Commission européenne, marié sans postérité, et son compatriote le Premier ministre du minuscule Etat luxembourgeois, époux…d’un autre homme. Cette union officielle entre personnes de même sexe est légale depuis 2015 dans cette monarchie catholique créée en 1867 sur une base historique plus ancienne.
Lors du sommet du Pacte atlantique, ce printemps, à Bruxelles, les téléspectateurs du monde entier ont pu voir, avec stupéfaction pour pas mal d’entre eux, la photo des « premières dames » dont les époux participaient à ce sommet. A côté de la reine des Belges et de la « compagne » du Premier ministre belge, on notait la présence de Mme Trump en grand décolleté, de Mme Macron en robe courte, de Mme Erdogan, empaquetée en bleu, et enfin celle du « mari » du chef du gouvernement luxembourgeois…
Ce que ces chrétiens américains, férus de statistiques matrimoniales européennes, n’ont pas relevé, c’est le contraste abyssal entre la dénatalité en Europe occidentale, symbolisée par cette photo qu’on n’ose plus guère appeler de « famille » et le grand nombre d’enfants animant la plupart des cours européennes (Danemark, Norvège, Suède, Angleterre, Hollande, Belgique, Luxembourg, Liechtenstein, Monaco, Espagne) mais aussi la plupart des familles royales seulement prétendantes (Portugal, Italie, Grèce, Bulgarie, Allemagne, France, etc.).
Un constat s’impose : les couples politiques ne voient guère plus loin que leur propre vie ou carrière tandis que les couples princiers, ayant l’habitude héréditaire de la continuité nationale, essaient, eux, de se projeter dans l’avenir.
Rendez-vous dans 50 ou 100 ans !■
Lire : Philippe d’Edimbourg - Une vie au service de Sa Majesté, par Philippe Delorme, Tallandier, Paris, 2017. 300 p. avec cahier de 24 photos
« Pour une renaissance de la vraie Europe, celle si variée des peuples et des nations, dont les seuls représentants sont les Etats... »
L’argument prétendument dirimant des européistes est que, conçue pour assurer la paix en Europe, ce qui est devenu aujourd’hui l’Union européenne a parfaitement réussi. Argument rien de moins que fallacieux.
En effet, une Allemagne écrasée par la coalition soviéto-américaine et une France empêtrée dans ses guerres coloniales eussent été bien incapables, dans les années d’après-guerre, de se ré-affronter militairement alors même que le continent européen était tenu, voire occupé, par les deux super-puissances. C’est donc bien plutôt l’équilibre dit « de la terreur », forme moderne de la paix armée, qui a permis l’éclosion de la CECA puis du Marché commun, l’Union d’aujourd’hui n’étant en fait que le dernier avatar de cette Europe-croupion, forcément inféodée dès le début aux Etats-Unis.
Ces derniers ont tout naturellement, après leur victoire de 1945, continué d’imposer leur vision des choses au Vieux Continent, conformément à leur idéologie mise en oeuvre dès les traités de paix qui ont suivi la première guerre mondiale. Et cela s’est poursuivi même après la disparition de l’Union soviétique, ce que prouve la gestion du démembrement de la Yougoslavie. Aux diverses puissances qui composent de jure l’Union d’aujourd’hui, il convient donc d’ajouter les Etats-Unis, devenus de facto une sorte de puissance européenne grâce à leur force militaire et à leur influence culturelle. La première raison est évidente puisque l’Otan est à leurs ordres. M. Trump peut bien faire mine de bouder l’organisation, celle-ci reste un formidable moyen de pression sur les capitales concernées (confort sécuritaire oblige) mais aussi de profit (vente d’armes aux « alliés »).
La seconde raison est plus subtile qui fait des Etats-Unis une « puissance douce » du fait de l’américanisation des élites européennes : la plupart de ceux qui sont aux postes de commande ou d’influence de ce côté-ci de l’Atlantique, formés si ce n’est « formatés » dans les universités d’outre-Atlantique, manifestent même inconsciemment une complaisance évidente pour les les façons d’être, de faire et de penser américaines.
Au regard de ces enjeux, qu’il a paru décalé le débat-brouhaha concocté par France 2 (jeudi 4) ! Du fédéralisme incantatoire d’un Lagarde au Frexit assumé d’un Asselineau on a bien eu droit à tout l’éventail des propositions. Mais les opposants les plus déterminés à l’Union, ceux qui la critiquent à juste titre en tant que telle, semblent mal mesurer et les problèmes posés par une sortie plus ou moins sèche et l’illusion d’une réforme de l’intérieur via un groupe parlementaire important.
Et ceux qui, malgré tout, maintiennent plus ou moins leur confiance à l’Union, ne veulent pas admettre que cette Europe-là est une impasse politique car, d’essence rationaliste, il lui manque l’assentiment populaire : faite par et pour des élites coupées de l’Histoire, mais aussi dépourvue d’affect et d’imaginaire, elle « ne se souvient d'aucun passé et ne définit aucun avenir », selon l’écrivain-philosophe Régis Debray (Le Figaro, 29 mars).
Pour une renaissance de la vraie Europe, celle si variée des peuples et des nations, dont les seuls représentants sont les Etats, il faudra bien, à défaut de pouvoir l’amender, se débarrasser de l’Union mais aussi recouvrer une indépendance perdue il y a un siècle au profit de l’allié américain. Alors ou en même temps on pourra envisager non une copie de l’Etat fédéral américain mais bien ce qui correspondrait davantage au génie propre de l’Europe, à savoir une confédération.■
Il y a deux mois de cela, dans l’excellent Politique Magazine, je vous entretenais de la question des délinquants étrangers qui peuplent nos prisons et dont nous ne parvenons pas à nous débarrasser, une fois leur peine effectuée.
Il se trouve que l’actualité nous offre un cas d’école, une illustration particulièrement atroce de mon propos, que je me sens tenu de partager avec vous, car il est des choses qu’il est de notre devoir de porter à la connaissance de nos compatriotes, par tous les moyens dont nous pouvons disposer, si modestes soient-ils.
La cours d’assises de Seine-Maritime juge en ce moment Jean-Claude Nsengumukiza, pour un double meurtre « accompagné ou suivi d’un viol en récidive ».
Rappelons les faits : Dans la nuit du 19 au 20 décembre 2015, Elise Fauvel, 24 ans, et Julien Tesquet, 31 ans, sortent d’une soirée entre amis au bar rouennais le XXL. Il est environ 4h du matin et la soirée a certainement été très arrosée car Julien Tesquet est ivre et titube dans rue. Voyant son état, Elise décide de le raccompagner chez lui. En chemin, les deux jeunes gens croisent la route de Jean-Claude Nsengumukiza, qui propose à Elise de l’aider. Elle accepte. La caméra d’un restaurant, situé juste à côté, les filme tous les trois rentrant dans le hall d’immeuble d’Élise Fauvel, à 4 h 21.
Le lendemain, en fin d’après-midi, les policiers, sollicités par un proche d’Élise, rentrent dans le studio de la jeune femme. Ils découvrent les cadavres d’Elise et Julien, disposées dans une sorte de mise en scène macabre : ils sont partiellement enlacés ; leurs visages sont recouverts d’une écharpe rose et leurs corps d’un drap blanc. La jeune femme est partiellement dénudée. Tous deux présentent de multiples traces de coups. L’autopsie effectuée révèle de nombreuses lésions sur le corps d’Élise Fauvel. Elle met également en évidence que les deux jeunes gens sont morts par strangulation et que la jeune femme a été violée.
Comme même son avocate le reconnait, la culpabilité de Jean-Claude Nsengumukiza ne fait aucun doute. Son ADN a été retrouvé à de multiples endroits de l’appartement d’Elise et sur le corps de cette dernière, il a été identifié sur des images de vidéo surveillance, son téléphone a « borné » tout au long du parcours des jeunes gens.
Inexpulsable avec quatorze identités différentes
Qui est cet homme ? Sa nationalité n’a pas pu être déterminée avec certitude. Il est sans doute originaire du Rwanda, ou bien d’Ouganda. Ce que l’on sait, c’est qu’il est rentré illégalement en France en 2002, et qu’il a ensuite endossé pas moins de quatorze identités différentes pour pouvoir y rester. Jean-Claude Nsengumukiza n’est pas un idiot : durant près de quinze ans il a très bien su jouer avec les règles de l’administration française en exploitant leurs failles.
Avec les règles de la justice aussi, puisqu’il a multiplié les condamnations durant son séjour en France. En 2011, il est condamné à huit ans de prison ferme pour avoir violé une femme, à Rouen. Il s’était introduit à son domicile par une fenêtre, après avoir escaladé la façade de son immeuble. En dépit de la gravité de son crime, en dépit de sa dangerosité certaine, en dépit de ses multiples condamnations passées, en dépit du fait qu’il est en situation irrégulière sur le territoire nationale, Jean-Claude Nsengumukiza bénéficie de remises de peine qui réduisent sa peine, déjà légère, à seulement six ans. En dépit du fait que la cour d’assises avait prononcé à son encontre une interdiction définitive du territoire, il est libéré en novembre 2015, sans aucune contrainte ni aucun suivi : l’incertitude sur sa nationalité empêche son expulsion.
2015. Libéré en novembre, il récidive en décembre
Le voici donc libre comme l’air. Et n’importe quelle personne ayant lu son dossier aurait dû comprendre que cela signifiait, inévitablement : libre de commettre de nouveaux méfaits. Un mois plus tard, il tuait Elise et Julien.
Je pourrais m’arrêter là, car les faits parlent d’eux-mêmes : l’atrocité du crime, son caractère plus que prévisible, l’indifférence ordinaire de l’administration, lorsque personne n’est vraiment responsable de rien, l’absurdité meurtrière de certains pans de notre législation, qui amènent non seulement à garder sur notre sol des gens comme Jean-Claude Nsengumukiza mais aussi à leur laisser suffisamment de liberté pour qu’ils puissent massacrer des innocents…
« Ne pas se laisser enrôler dans les réseaux de ceux qui veulent les opposer à d’autres jeunes qui arrivent dans leurs pays, en les présentant comme des êtres dangereux.»
Cette personne, dont la fonction éminente lui assure l’écoute, et même le respect, d’un grand nombre de gens de par le monde a ainsi montré, une nouvelle fois, son incapacité à saisir certaines réalités humaines élémentaires et fondamentales. Et aussi sa propension, qui semble malheureusement irrésistible, à tenir des propos irresponsables.
Car ce sont des opinions semblables à celles professées par cet éminent personnage qui sont à l’origine des lois, ainsi que des mœurs judiciaires et administratives, qui ont permis à Jean-Claude Nsengumukiza de massacrer deux innocents. A savoir : l’idée que les frontières et les nations sont des créations arbitraires et néfastes, qui séparent indûment l’homme de l’homme et engendrent la plupart des maux dont souffre l’humanité. L’idée que nous devrions accueillir « l’autre » sans aucune réticence, et même avec reconnaissance, précisément parce qu’il est différent de nous, tout en nous aveuglant méthodiquement quant à la portée et à la profondeur de ces différences.
En soutenant ces opinions, avec tout le poids que lui donne son magistère, cette personne les renforce, inévitablement, et tout aussi inévitablement les opinions finissent par se traduire par des actes. Et au bout de ces actes, il y a des conséquences.
Il y a actuellement plus de 15 000 détenus étrangers dans les prisons françaises, soit un peu moins d’un quart des prisonniers. Encore ces chiffres ne prennent-ils pas en compte les binationaux, et pas davantage tous ceux que l’on pourrait appeler les Français de papier, et qui sont sans aucun doute fort nombreux dans nos prisons, car les mêmes principes qui nous poussent à accueillir « l’autre » sans réserve nous poussent aussi à distribuer les cartes d’identité française comme des pochettes surprises.
Ils ne se considèrent pas comme Français
Or, comme le reconnaissait récemment un haut magistrat : « Judiciairement parlant, je dois à la vérité de vous dire que je vois passer des « Français de souche », comme on dit, qui sont de parfaites ordures, mais que j’ai principalement affaire – à requérir puisque tel est mon métier – à des étrangers ou à des Français d’origine étrangère qui sont souvent issus du bassin méditerranéen. C’est un constat. J’irais même plus loin dans la description : nous, magistrats, sommes considérablement alimentés par des gens qui enfreignent plus ou moins gravement la loi française parce que, en réalité, ils ne se considèrent pas comme Français. » (Jean-Paul Garraud, avocat général près la cour d’appel de Poitiers. – L’Incorrect n°11 juillet/août 2018)
Il est totalement inutile d’objecter que tous les étrangers et les Français de fraîche date ne sont pas des délinquants. Tout crime commis par un immigré « clandestin », comme Jean-Claude Nsengumukiza, devrait être considéré comme inacceptable, parce qu’il s’agit d’un crime « supplémentaire », qui n’aurait pas été commis si nos frontières avaient été correctement gardées et si la justice avait fait correctement son travail. Tout crime commis par un Français de papier, comme Chérif Chekatt, comme Mohammed Merah, comme les frères Kouachi, comme tant d’autres, devrait être considéré comme inacceptable, parce qu’il s’agit d’un crime qui n’aurait pas été commis si nous avions conservé une conception raisonnable de la nationalité.
Il n’est pas au pouvoir de nos gouvernements de faire disparaître la faim dans le monde, ni la guerre, ni la misère, pas plus que la maladie et la mort. Il est en revanche en leur pouvoir, et il est de leur devoir, de préserver l’intégrité du corps politique dont ils ont la charge et de garantir la sécurité des individus qui le composent.
Un homme politique anglais a prophétisé, il y a désormais longtemps déjà, que l’immigration incontrôlée ferait un jour couler « des fleuves de sang » dans son pays. Comme chacun le sait, les grandes rivières qui vont se jeter dans les fleuves sont faites de petits ruisseaux, et les petits ruisseaux eux-mêmes sont constitués de petites gouttes, de destins individuels, comme celui d’Elise et Julien. Peut-être, au moment de mourir, Elise et Julien ont-ils eu le temps de regretter que nos gouvernants ne soient pas un peu plus « xénophobes », un peu plus tournés vers le bien réel de ceux qu’ils gouvernent, et un peu moins fascinés par un mirage « humaniste » aux conséquences inhumaines.■