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  • Histoire : Mai 68 • Les meneurs de la « Commune étudiante » : un paradoxe français [1]

    Quelque chose de contradictoire animait les passions politiques des leaders de Mai, couramment désignés par l’expression de « révolutionnaires professionnels »[1]. Cette contradiction résidait dans l’opposition entre leurs origines et leurs orientations en matière géostratégique, ces dernières étant fondées, guerre du Vietnam oblige, sur un anti-impérialisme américain radical. Ce qui explique ce paradoxe est justement le caractère mondial de leur combat : comme le souligna le président de Gaulle lors du Conseil des ministres du 5 juillet 1967 : « La jeunesse devient internationale »[2]

    Une patrie : la terre 

    Ces jeunes meneurs de Mai 68 se dépouillaient de la culture qu’ils héritaient de leur milieu familial pour se consacrer entièrement à la lutte de libération internationale. « En tant que ʽʽcitoyens du mondeʼʼ, universalistes et cosmopolites, ils étaient en quête d’une ʽʽpatrieʼʼ, des ʽʽracinesʼʼ en des lieux différents, physiquement, idéologiquement et intellectuellement éloignés : en Chine, en Amérique latine, au Vietnam ou en Algérie. »[3]

    Le groupuscule maoïste dont faisait partie Alain Geismar, l’une des figures majeures de la révolte étudiante, « était violemment antisioniste. Ses deux chefs pourtant, l’officiel comme l’occulte, Geismar et Victor (Benny Lévy), étaient juifs. Mais, à l’époque, il n’y avait rien là de paradoxal. On était ʽʽinternationalisteʼʼ. »[4]

    Relativement à cette question, Maurice Szafran relate le fait suivant : « Dès 1967, au lendemain de la guerre des Six-Jours, Tony Lévy, le frère de Benny, avait fondé à la Cité universitaire un comité des étudiants juifs antisionistes. Le terreau idéologique était on ne peut plus simple. Il tournait autour d’une de ces ʽʽévidencesʼʼ qui fondent le gauchisme : Israël n’est qu’un instrument de l’impérialisme américain. […] Les frères Lévy comptent parmi les premiers responsables gauchistes à comprendre que la cause palestinienne peut leur être utile. Et sur deux plans : faire apparaître de nouveaux héros au firmament de la révolution, s’adresser, par ce biais, aux ouvriers immigrés d’origine arabe. Au fellagah du FLN et au vietcong du FNL doit succéder le fedayin du Fath. »[5] Méprisés par les ouvriers français, les militants de lʼUJC(ml) étaient contraints de se tourner vers les travailleurs immigrés, essentiellement d’origine maghrébine, afin de pouvoir espérer recruter de nouvelles ouailles. 

    Ce groupuscule prochinois fut dissous avec d’autres après les élections législatives de juin 1968 : il fut rebaptisé Gauche prolétarienne. Cette organisation s’attelait notamment à diriger son action militante autour du thème de la défense de la cause palestinienne. Par exemple avec la tenue d’un meeting en 1970 : « Hautparleurs, musique orientale, grands discours en arabe, en français. Drapeaux palestiniens déployés, vert, blanc avec croissant rouge. Portraits de Yasser Arafat. Banderoles... On distribue des tracts du Comité Palestine : En Palestine tout le monde se bat pour la liberté. Pas seulement les feddayin mais aussi les femmes et les enfants. Ils se battent pour reprendre la terre que l’occupant sioniste leur a volée. »[6]

    La même année la GP organisait une manifestation en faveur de la cause arabe en rendant hommage à son avocat le plus célèbre. « Le 28 septembre 1970 Nasser meurt. Ses funérailles auront lieu le 1er octobre. Les maos flairent là ʽʽun bon coupʼʼ. La mort du président égyptien, le Raïs, a déclenché en effet une émotion immense dans le monde arabe, et bien entendu chez les immigrés... Porte Zola, dès avant six heures du matin, on installe des panneaux : portraits du Raïs, d’Arafat, photos de feddayin, kalachnikov au poing. En célébrant Nasser, les chefs maos mettent de l’eau dans leur vin. Ils le méprisent en fait. C’est un larbin de Brejnev, se disent-ils en aparté. Il bouffe à la fois au râtelier du KGB et de la CIA ! Il trahit les Palestiniens... L’Egypte est soutenue par l’URSS. Et la Chine joue contre l’URSS au Moyen-Orient. Mais avec les immigrés arabes, qu’on veut séduire, on n’entre pas dans ces considérations...

    – Pour les funérailles de Nasser, on n’a été que deux cents, au départ, à débrayer dans lʼîle Seguin, raconte un mao maghrébin, surtout des Arabes. […] Régulièrement des camarades prenaient la parole. Et puis on est allé déjeuner à la cantine. Pendant le repas et après, on n’a pas arrêté de discuter. Porte Zola, à la sortie de l’usine, les discussions se poursuivent. […] On argumente, on sʼengueule :

    - Un État palestinien ? On n’en veut pas. Qu’est-ce que ça serait ? Un grand camp de réfugiés surveillé par des flics sionistes ! Non... Il faut poursuivre la révolution, renverser les sionistes et tous les États arabes réactionnaires !

    - On libérera aussi les Juifs de Palestine de la dictature sioniste !

    - Pour les immigrés, ici, en France, il est clair que la seule solution ce sont les armes !

    - Les Français ont trop tendance à vouloir régler les choses pacifiquement. Nous, les maoïstes arabes, quand nous luttons ici contre les patrons, nous luttons en même temps contre les réactionnaires arabes. Notre combat est mondial !...

    Un Maghrébin, portant un paquet de journaux, se glisse dans le groupe, criant :

    - Lisez Fedaï, journal antisémite.

    Un lieutenant de Victor le rabroue. Le vendeur corrige alors le tir :

    - Lisez Fedaï, journal antisioniste ! »[7] 

     

    Cette anecdote illustre bien les ambiguïtés auxquelles étaient confrontés les gauchistes, dont les maoïstes en particulier, dans leur combat antisioniste.  (Dossier à suivre)     

    [1]  Hervé Hamon, Patrick Rotman, Génération. Les années de rêve, Paris, Seuil, 1987, p. 313.

    [2]  Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, III, Paris, Fayard, 2000, p. 250.

    [3]  Yaël Auron, Les juifs d’extrême gauche en mai 68, Paris, Albin Michel, 1998, p. 278.

    [4]  Morgan Sportès, Ils ont tué Pierre Overney, Paris, Grasset, 2008, p. 121.

    [5]  Maurice Szafran, Les juifs dans la politique française de 1945 à nos jours, Paris, Flammarion, 1990, p. 188.

    [6]  Morgan Sportès, op. cit., p. 121.

    [7]  Ibid., p. 141-142.

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    Dossier spécial Mai 68

  • Paris ces samedi 12 & dimanche 13 mai • Colloque Mai 68 & le Bien Commun, banquet, Cortège de Jeanne d'Arc

     

    Samedi 12 mai, Forum des Halles, 5 rue de la Croix Nivert, 75015 PARIS, de 14 h à 18 h

    Mai 68 et le Bien Commun : utopies, échecs et perspectives 

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    Mai 68, c'est la volonté utopique de tout recommencer à zéro, avec comme conséquences ironiques l'enterrement du marxisme et l'exaltation du consumérisme. L'utopie a accouché de Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron, et la gueule de bois dure depuis 50 ans. Les révolutionnaires travaillent le dimanche dans les supermarchés tout en rêvant de GPA.

    Mais Mai 68, c'est aussi l'idée d'un bien commun à tous, d'une société à refonder totalement. L'intuition était juste, les chemins désastreux : n'est-il pas temps de retrouver l'intuition et de sortir le politique de l'ornière de l'économique, de faire en sorte que la société ne soit plus une machine à jouir et donc à asservir ? 

    Programme

    I. Redéfinir le Bien Commun : 50 ans à revisiter

    II. Internationalismes, nations et populismes

    III. Mai 2018 : 6 chantiers, 6 [contre] révolutions

    IV. Réinventer demain 

    Librairie de Flore

    Le stand de la Librairie de Flore vous proposera une réduction de 10% pour tout achat, sur présentation de votre carte d'adhérent 2018. 

    Tarifs

    Pour assister au colloque : 10 euros
    Pour assister au colloque et au banquet qui suivra : 25 euros
    Pour vous associer au développement de l'Action française, vous pouvez choisir le tarif « soutien » : il vous donne la possibilité de choisir le montant de votre participation !

    Inscriptions ICI

    Le dimanche 13 mai à 10 h, 100e cortège de Jeanne d'Arc 

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  • Culture • Loisirs • Traditions

  • Mémoire & Actualité • Mai 68 : 50 ans plus tard

     

    Par  Mathieu Bock-Côté 

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans  cette chronique du Journal de Montréal [8.05] Mathieu Bock-Côté dit en seulement quelques mots, quelques lignes, ce qu'est le véritable héritage de Mai 68. Au moment où les médias - dont nous-mêmes - sont emplis de l'évocation de cet épisode d'exaltation que Malraux qualifia jadis de psychodrame et qui le fut, sans-doute vraiment pour ceux qui l'ont vécu, il est salutaire de dire, à contre-courant, ce qu'il en est fondamentalement ressorti : « depuis une cinquantaine d’années, nous avons appris à nous détester comme civilisation ». Détestation radicalement mortifère, pathologie dont on ne sort comme le professait Pierre Boutang que par une métanoia, un retour sur nous-mêmes, nos racines, nos origines, nos enfances, au double sens historique et anthropologique.   LFAR

      

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    Ces jours-ci, en France, on cherche à commémorer les 50 ans de Mai 68.

    On se souvient évidemment des émeutes, des conflits avec la police et des slogans révolutionnaires dont les étudiants tapissèrent alors les rues de Paris.

    Individualisme

    Mais l’essentiel, à l’époque, se trouvait ailleurs que dans ce carnaval révolutionnaire que cherchent à répéter sur une base régulière les nouvelles générations militantes. 

    Mai 68, en France comme ailleurs en Occident, marque plutôt un changement de civilisation et le passage d’un monde à un autre. Notre civilisation bascule.

    Mai 68 annonce l’avènement d’une société où triomphera un individualisme de plus en plus absolu. Certains s’en réjouissent en applaudissant la liberté nouvelle de ceux qui ne se retrouvent pas dans les valeurs dominantes. On peut comprendre. 

    Dans les faits, on doit surtout constater que cet individu ne connaissant plus que ses droits et ne voulant plus entendre parler de ses devoirs a quelque chose de troublant. L’héritage de Mai 68, c’est celui d’une société qui sacralise les désirs de chacun comme s’ils étaient des commandements divins. L’enfant-roi en est le symbole indiscutable.

    Surtout, Mai 68, à la grandeur du monde occidental, ouvre une époque vouée à la déconstruction de toutes les grandes institutions, notamment l’école. On voudra faire disparaître la relation d’autorité entre le maître et l’élève. On renoncera aussi à transmettre à ce dernier un vrai savoir, de peur de brimer son développement personnel.

    Occident

    Mais ce refus de transmettre l’héritage culturel ne s’explique pas seulement par de nouvelles techniques pédagogiques débiles.

    Fondamentalement, depuis une cinquantaine d’années, nous avons appris à nous détester comme civilisation. Nous nous accusons de racisme, de sexisme, d’homophobie, d’islamophobie, et ainsi de suite. Pourquoi poursuivre une civilisation si détestable ?

    Et nous diabolisons systématiquement ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’accusation.

    Tel est le véritable héritage de Mai 68.     

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Mai 68 : La contre-culture : ses origines, sa fonction [3]

    Généalogie d’une récupération 

    Dans l’histoire de la « génération 68 », « on peut distinguer trois phases. La première est gauchiste. La seconde est contre-culturelle, mais elle n’oppose pas une génération aînée ʽʽdʼhumeur révolutionnaireʼʼ à une génération cadette dʼʽʽhumeur contre-culturelleʼʼ […] : la "génération de mai 68ʼʼ s’est convertie à la contre-culture qu’elle à la fois importée (des États-Unis) et inventée et qu’elle inculque à de nouvelles générations […]. La troisième phase n’oppose pas une nouvelle génération néo-libérale à des générations aînées contre-culturelles : de même qu’elle s’était convertie du gauchisme à la contre-culture, la génération de mai 68, fidèle à sa vocation prophétique, s’est encore convertie de la contre-culture au néolibéralisme. »[1]

    Gérard Mauger avance que le style gauchiste, qui est une vulgate marxiste réduisant la complexité des rapports sociaux à un affrontement entre une « bourgeoisie » et un « prolétariat », « peut être décrit comme un métissage de populisme et d’ascétisme, de dogmatisme et d’anti-intellectualisme, de spontanéisme et de dogmatisme, d’ouvriérisme et d’élitisme, de marxisme-léninisme et d’anticommunisme »[2]. Il est d’essence petite-bourgeoise voire bourgeoise, néanmoins sa vision du monde social est telle qu’il a pour groupe de référence le peuple, qui n’est en réalité pour lui qu’un concept abstrait. Autrement dit il idéalise un peuple qu’il se représente de façon romanesque et théorique. Et ce dans la continuité du marxisme qui assigne un rôle messianique aux masses populaires. 

    En outre pour Mauger le « style ʽʽcontre-culturelʼʼ, dont la notion de ʽʽmarginalitéʼʼ est le concept-clé », résulte de la « désillusion gauchiste » et correspond à l’ « adaptation de la contre-culture américaine » ainsi qu’à la « vulgarisation de la ʽʽphilosophie du désirʼʼ, dernier cri de l’avant-garde philosophique d’alors. Dans une critique de l’Ant-Œdipe publiée dans Libération en 1972, Robert Linhart écrit : ʽʽces gauchistes vieillissants […] cherchent, en vagues successives, une voie pour s’intégrer dans la société sans paraître, à leurs propres yeux, se renier. Encore contestataires dans la forme, ayant fait leur reddition en leur for intérieur, ils sont pour des maîtres à penser la ʽʽdéculpabilisationʼʼ, la reconnaissance du désir, la ʽʽdéterritorialisationʼʼ, une base sociale et un public tout trouvéʼʼ. »[3]

    Mauger précise que la marginalité signifie « aussi bien la sécession, la retraite, le repli, l’isolement, l’autarcie que la contestation, la dissidence, la rébellion, la révolte. La notion est aussi connotée spatialement, temporellement et socialement. Elle s’applique à des pratiques et des dispositions aussi hétéroclites en apparence que la vie communautaire, la consommation de drogues, la route, le mysticisme, la libération sexuelle, le goût du ʽʽnaturelʼʼ et des ʽʽproduits naturelsʼʼ, le zen et le yoga, etc., à des populations aussi diverses que les femmes, les jeunes, les minorités sexuelles, religieuses, ethniques, etc. »[4]. En exaltant la singularité, l’individualité (la fameux « droit à la différence »), la contre-culture se fait le chantre de l’individualisme, et donc d’un libéralisme nouveau. Comme l’ont notamment signalé Luc Ferry et Gilles Lipovetsky, Mai 68, était, dès l’origine, fondamentalement individualiste.      

    L’hédonisme au service du marché 

    Ce néo-individualisme issu de la contre-culture des sixties est fondé sur l’hédonisme. Le sociologue Henri Mendras écrivit : « Parmi les thèmes soixante-huitards, ʽʽtout, et tout de suiteʼʼ ne faisait qu’exprimer de façon extrême une progression lente et continue de l’hédonisme. Le fait que plaisir et jouissance, naguère considérés comme mauvais et dangereux, soient aujourd’hui reconnus comme licites et ouvertement désirables, est aussi un changement dans les normes morales plus que dans les comportements. »[5] L’universitaire aurait pu mentionner un autre slogan emblématique de ce tournant hédoniste, le célèbre « jouir sans entraves ». Un an plus tard Serge Gainsbourg qualifie l’année 1969 d’année érotique : la luxure est érigée en vertu cardinale. Au même moment on constate « l’apparition du nu au cinéma, dans les magazines, sur les affiches et enfin sur les plages. »[6] Le chanteur originaire d’Europe de l’Est et issu d’une famille juive chante aussi Sea, sex and sun...

    Le sexe sort de la sphère intime, gagne la sphère publique : une révolution s’opère. À partir des sixties, « dans les magazines féminins, le sexe est sans doute le thème le plus abondamment traité »[7].         

    L’exaltation du désir individuel casse les vieux tabous, ces vieux tabous qui freinent l’extension de la logique marchande à ce qui reste encore du mode de vie traditionnel. La contre-culture est ainsi le moyen par lequel le capitalisme a intégré son antithèse, le gauchisme. Lénine inventa ce terme de « gauchisme » qu’il qualifia de maladie juvénile du communisme n’en n’aurait certainement pas cru ses yeux en s’apercevant qu’il serait devenu plus tard un remède du sénile capitalisme, au moment de son énième entrée en état de crise. À partir de 1965, indique Mendras, « la productivité du capital fixe, en croissance depuis 1946, commence à baisser. »[8] Le sénile capitalisme, par l’intermédiaire du triptyque gauchisme-contre-culture-néolibéralisme, a pu prendre un coup de jeune salvateur.  (Dossier à suivre)    

    [1]  Gérard Mauger, « Gauchisme, contre-culture et néo-libéralisme : pour une histoire de la génération de Mai 68ʼʼ, dans Jacques Chevallier (dir.), Lʼidentité politique, Paris, PUF, 1994, p. 216-217.

    [2]  Ibid., p. 218-219.

    [3]  Ibid., p. 222-223.

    [4]  Ibid., p. 225.

    [5]  Henri Mendras, La Seconde Révolution française (1965-1984), Paris, Gallimard, 1994, p. 402.

    [6]  Ibid., p. 410.

    [7]  Ibid., p. 411.

    [8]  Ibid., p. 16.  

     

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    Dossier spécial Mai 68

  • Cinéma • La Promesse

     

    Par Guilhem de Tarlé

    La Promesse, un film hispano-américain de Terry George, avec Oscar Isaac (Michael, étudiant arménien), Christian Bale (journaliste américain), Charlotte Le Bon (Ana, la compagne du journaliste), Angela Sarafyan (la femme de Michael) et Jean Reno (l’Amiral Fournet – alias le vice-amiral Louis Dartige du Fournet, commandant la 3ème escadre de Méditerranée sur la Jeanne d’Arc)

     

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    Je vous promets un bon film, et surtout un grand film sur une page d'histoire qu'on ne peut même pas oublier puisqu'on ne nous en a jamais parlé.

    « Nul n’éleva la voix dans un monde euphorique
    Tandis que croupissait un peuple dans son sang ».

    Hormis, évidemment, l’arménien Charles Aznavour, quel autre Jean Ferrat nous a « twisté les mots » dans une complainte de la shoah arménienne « pour qu'un jour les enfants sachent  qui (ils) étaient » ?

    Cette Promesse est apparemment le dixième film sur le génocide arménien . Mon épouse se souvient de La Blessure, mais personnellement je n'ai jamais eu l'occasion d'en voir... même à la télévision.

    Sans doute sommes-nous, là, confrontés effectivement à un « détail » de la guerre de quatorze : près de 2 millions d'Arméniens disparus, selon Mourre qui n'y consacre même pas un article!

    Sur fond de romance, ce long-métrage, violent, nous montre la déportation, les camps de travail, les exécutions sommaires, jusqu’au sauvetage par la Marine nationale française de 4.000 arméniens sur la plage de Ras el Mina, qui a fait précisément l’objet du film 40 days of Musa Dagh.

    Nous n'avons eu droit pourtant qu'à une seule projection au cinéma Art et Essai de Châteauroux.

    Il faut dire que l’extermination d’une ethnie chrétienne n’intéresse personne, alors que les Turcs sont nos alliés dans L'OTAN, et qu'on ne leur a toujours pas fermé définitivement la porte de l'Union européenne.

    « Ils sont tombés pour entrer dans la nuit
    Éternelle des temps au bout de leur courage
    La mort les a frappés sans demander leur âge
    Puisqu’ils étaient fautifs d’être enfants d’Arménie ».

                                                  Charles Aznavour)   

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • Mai 68, la bacchanale des dupes

     

    Par Christian Tarente

     

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    Politiquement, ce fut un vrai jeu de massacre : tout au long des « événements » de Mai 1968, les gagnants ont tous fini dans les cordes.

    Lancé par des groupuscules d’étudiants trotskystes, doctrinaires austères durement embrigadés, le mouvement s’amplifia à la faveur d’une vague anarcho-libertaire qu’ils vouaient aux gémonies. Et lorsque les vieilles organisations syndicales, obsolètes et minoritaires, tentèrent de reprendre la main, elles se virent doublées par la « base » qui, portée par ses rêves de bien-être, les entraîna au blocage total du pays. La gauche socialiste, enfin – avec Mitterrand et Mendès –, persuadée de pouvoir « surfer » sur la vague avant de ramasser la mise, dut assister, impuissante, au triomphe électoral du parti gaulliste. Triomphe lui-même éphémère : il préludait à la chute brutale, un an après, du général de Gaulle.

    En 1974, après la parenthèse pompidolienne, cette bacchanale des dupes allait connaître son ultime prolongement : l’élection de Giscard d’Estaing consacrera l’aboutissement des valeurs intimes de Mai 68. Son programme « décomplexé » – primauté de l’économique et libération des mœurs – célébrait les noces du libéralisme et de l’idéal libertaire. Sous le signe d’un libre-échangisme généralisé, l’extrémisme libéral embrassait l’illimitation du désir. Giscard, jeune surdoué convaincu d’avoir découvert la pierre philosophale de la politique, le nombre d’or de la « société libérale avancée », entendait mettre la France sur la voie du Progrès, identifiée à sa dissolution dans le conglomérat européen. Il lui a offert un veau d’or : la déesse Consommation devenait reine de France, vouée à l’adulation des foules.

    2166583028.jpgEt les choses se déroulèrent ainsi afin que s’accomplît la parole des prophètes : Maurras dans L’Avenir de l’Intelligence (1905) – « le règne de l’or, maître du fer, devenu l’arbitre de toute pensée séculière » – et Péguy dans L’Argent (1913) – « cet automatisme économique du monde moderne où nous nous sentons toujours plus étranglés par le même carcan de fer…»

    Aujourd’hui, le veau d’or est vainqueur, mais où est sa victoire ? Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve : au milieu des décombres de Mai 68, ne l’oublions pas, a aussi germé une profonde insurrection de l’esprit. 

    Christian Tarente

  • L'émir Moulay Hassan du Maroc a 15 ans ... ou comment on prépare un prince à régner dans une monarchie « tradi »

     

    2293089609.14.jpgTexte paru le 6 mai dans le quotidien francophone casablancais en ligne le360 : au Maroc comme en France les princes peuvent régner dès 14 ans.

    Les deux monarchies sont dissemblables par bien des aspects, l'une née dans le monde chrétien européen, l'autre dans l'ère musulmane. Deux civilisations distinctes, souvent opposées. Les deux monarchies ont en commun de reposer sur le principe dynastique. Il en résulte aussi de fortes ressemblances. Sans compter l'empreinte de l'Histoire qui a longtemps lié nos deux pays et ne s'est pas démentie. Comment on prépare un prince à régner dans une monarchie « tradi », comment se tisse le lien entre un peuple et une famille royale, c'est entre autres ce que ce texte nous apprend ou nous rappelle.  LFAR  

     

    Logo_le360.jpgLa famille royale et le peuple marocain célèbrent, mardi 8 mai, le 15e anniversaire du prince héritier Moulay El Hassan, un événement fêté dans la joie et le bonheur qui témoigne de l'attachement des Marocains au glorieux Trône alaouite.

    Les Marocains se remémorent, à cette occasion, la grande joie qui s’est emparée de tous les Marocains avec l’annonce, un jeudi 8 mai 2003 par le ministère de la Maison royale, du protocole et de la chancellerie, de la naissance bénie au Palais royal à Rabat d’un garçon que le roi Mohammed VI a bien voulu baptiser du prénom de Moulay El Hassan, en hommage à la mémoire de son auguste grand-père, feu Hassan II, que Dieu ait son âme en sa sainte miséricorde. 

    La naissance de Moulay El Hassan a été saluée par une salve de 101 coups de canon, au moment où des milliers de citoyens affluaient vers l’esplanade de la place du Méchouar pour partager avec la famille royale ce grand bonheur. 

    Et comme le veut la tradition, le baptême princier, au terme de la première semaine après la naissance, a été célébré avec la grandiose cérémonie de Laâkika, le 15 mai 2003, marquée entre autres par la procession de délégations représentants les différentes régions du Royaume, venues présenter leurs vœux et leurs félicitations à la famille royale et partager avec le souverain ces moments de grande réjouissance. 

    En célébrant le 15e anniversaire du prince héritier Moulay El Hassan, le peuple marocain tout entier renouvelle son attachement au glorieux Trône alaouite à travers le serment d’allégeance l’unissant au souverain, Amir Al Mouminine, défenseur de la foi et garant des intérêts suprêmes de la Nation et des citoyens. 

    Cet événement joyeux est aussi l’occasion de revenir sur les principales activités du prince héritier Moulay El Hassan, qui a notamment présidé, le 24 avril à Sahrij Souani à Meknès, l’ouverture de la 13e édition du Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM 2018), organisée sous le haut patronage de SM le roi, autour du thème "La logistique et les marchés agricoles". 

    Au début de la cérémonie d’ouverture, le prince héritier Moulay El Hassan a procédé à la remise des signes distinctifs d’origine et de qualité à neuf agriculteurs producteurs. 

    Le 20 mars, Son Altesse Royale a présidé à Rabat, un dîner offert par le roi en l'honneur de l'ancien président français, François Hollande, alors que le 8 février, le prince héritier Moulay El Hassan a présidé à la Foire internationale de Casablanca, l’ouverture de la 24e édition du Salon international de l’édition et du livre (SIEL). 

    prince.jpgQuatre jours auparavant, Son Altesse Royale présidait au complexe sportif Mohammed V de Casablanca, la finale du 5e Championnat d'Afrique des nations des joueurs locaux (CHAN 2018), remporté par l'équipe nationale marocaine qui a battu son homologue nigériane par 4 buts à 0. 

    Le 13 janvier Son Altesse Royale préside au complexe sportif Mohammed V de Casablanca, la cérémonie d’ouverture de la cinquième édition du CHAN 2018, et assiste au match d’ouverture de cette manifestation sportive qui oppose l’équipe nationale marocaine à celle de la Mauritanie. 

    Le 12 décembre 2017, le prince héritier Moulay El Hassan accompagne le roi Mohammed VI qui a pris part, à Paris, aux travaux du Sommet international sur le climat ''One Planet Summit". Son Altesse Royale accompagne aussi le même jour le souverain qui a pris part au déjeuner offert par le président français, Emmanuel Macron en l’honneur des chefs d’Etat et de délégation qui participent au Sommet mondial sur le climat. 

    Le 24 novembre 2017, et sur ordre du roi Mohammed VI, Amir Al-Mouminine, des prières rogatoires (Salat Al Istisqae) sont accomplies à la mosquée Hassan à Rabat, en présence du prince héritier Moulay El Hassan, et le 22 du même mois, Son Altesse Royale assiste aux funérailles, à Rabat, du général de corps d’armée Abdelhak El Kadiri. 

    Le 22 octobre 2017, le prince héritier préside, au Parc des expositions Mohammed VI d’El Jadida, la cérémonie de remise du Grand Prix le roi Mohammed VI de saut d’obstacles, comptant pour la 3e et dernière étape du 8e Morocco Royal Tour. 

    Le 16 octobre 2017 SAR le prince héritier Moulay El Hassan, préside la cérémonie d’ouverture de la dixième édition du Salon du cheval d’El Jadida, organisée sous le thème «Le Salon du cheval, 10 ans de fierté et de passion». 

    Le 7 septembre 2017, Son Altesse Royale donne, à l’école Abdelmoumen à l’arrondissement Hassan à Rabat, le coup d’envoi officiel de la rentrée scolaire, universitaire et de la formation professionnelle 2017-2018, et lance l’initiative royale «Un million de cartables». 

    La portée et la signification de ce glorieux anniversaire de l’héritier du glorieux Trône alaouite revêtent une grande symbolique renvoyant au ressourcement de la monarchie dans les fondements spirituels de la Oumma inspirés des traditions du Prophète et des Califes bien guidés, qui, dans leurs comportements quotidiens, ont toujours veillé à être magnanimes et à étendre leur mansuétude aux nécessiteux et aux plus faibles.  •

    Le360

  • Mai 68 : La contre-culture : ses origines, sa fonction [2]

    Les sources véritables de la contre-culture 

    Comme parrains de la contre-culture des sixties, également appelée world pop culture, on retrouve Israël Regardie et surtout son maître Aleister Crowley, qui étaient des adeptes de l’occultisme et de la magie sexuelle. Ils ont fasciné les stars de la musique anglo-saxonne de cette époque. La pop music, qui connut rapidement un succès planétaire, était en réalité d’inspiration gnostique et kabbaliste ; elle véhiculait les principes idéologiques de la société secrète de Crowley, lʼOrdo Templi Orientis, synthétisés dans la formule alors très en vogue « sexe, drogue et rockʼn roll ». Pour les rock-stars comme John Lennon, Crowley était une idole, une icône. Sur la pochette de l’album des Beatles Sergent Pepperʼs lovely hearts club band figure une photo de Crowley, l’homme qui aimait se faire appeler « La Bête 666 ». D’autres chanteurs célèbres lui vouent un véritable culte : Jimmy Page, Jimmy Hendrix, Led Zeppelin, Ozzy Osbourne et Marylin Manson. Outre l’apologie de la pratique d’une sexualité libre et sans entraves ni tabous (inceste, pédophilie, zoophilie), lʼO.T.O. militait pour la massification de la consommation des drogues. Timothy Leary, le successeur de Crowley à la tête de l’institution ésotérique, affectionnait tout particulièrement le L.S.D. ; il vantait la prise de cette substance psychédélique qui venait d’être découverte par Hoffmann. Le festival de Woodstock, qui eut lieu un an après Mai 68, pendant l’été 1969, fut dans un sens, pourrait-on dire, la grande festivité suscitée par lʼO.T.O., dont le succès planétaire fut si retentissant qu’il marqua une génération entière, qui, répartie aux quatre coins du monde, se réappropria la maxime hippie « peace and love » et l’esprit du flower power. Et les entreprises qui s’étaient spécialisées dans le confection de pantalons « patte dʼélph » virent leurs bénéfices s’envoler spectaculairement à la suite du concert géant de Woodstock, qui inaugure l’ère de lʼhomo festivus.

    Cette contre-culture des sixties, essentiellement musicale et festive, se propagea en France, on l’a dit, via Daniel Filipacchi, l’astucieux inventeur de l’émission radiophonique et du magazine Salut Les Copains, qui imprégna l’esprit des baby-boomers qui à leur tour aspirèrent à la libération sexuelle chère à Aleister Crowley, qui signifiait la désinhibition de tous leurs désirs, de toutes ces pulsions qu’ils n’avaient désormais plus à refouler mais à vivre pleinement. 

    La contre-culture représente le chaînon manquant entre deux idéologies diamétralement opposées, le gauchisme, d’inspiration marxiste-léniniste, et le néolibéralisme, idéologie de légitimation du système capitaliste. Elle est l’étape de transition entre une critique radicale du système et une dialectique, un discours, d’accompagnement du système. Étape nécessaire au ralliement des gauchistes : sans elle ils n’auraient pu concevoir cette rupture dans leur engagement politique que comme une trahison ; or ils n’ont pas eu conscience de cela. Passant, via la contre-culture, du gauchisme au néolibéralisme, ils continuaient à se considérer comme des rebelles, des ennemis du système.  (Dossier à suivre)   

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    Dossier spécial Mai 68

  • Hubert Védrine et la crise iranienne : « c'est gravissime pour nous les autres cosignataires »

     

    2293089609.14.jpgL'ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine était l'invité de France Inter hier matin à 8 h 20 à propos de la crise iranienne.

    Son analyse, énoncée d'un ton grave, nous semble marquée de réalisme et de lucidité, en même temps que d'une légitime inquiétude. On pourra écouter l'enregistrement audio de son entretien avec Marc Fauvelle [Ci-dessous].

    Dans l'ensemble, sur cette très grave situation de crise, Hubert Védrine nous semble avoir - à chaud - discerné et dit l'essentiel.  

    Notre propre analyse suivra rapidement. LFAR

     

     

    Bref résumé et quelques extraits du propos d"Hubert Védrine donnés par France Inter.

    Les ministres français, allemand et britannique des Affaires étrangères rencontreront lundi des représentants iraniens. Emmanuel Macron s'est entretenu par téléphone avec le président iranien Rohani.   

    Pour Hubert Védrine, Trump nous montre qu'il répond d'un côté aux néo-conservateurs américains et au Likhoud israélien. 

    C’est la politique du pire

    Selon lui Macron n’a pas eu tort d’essayer de jouer la carte de l'amitié avec Trump pour éviter les tensions. Maintenant il faut que les signataires de l'accord s'organisent pour sortir de la « prise d'otage » qu'imposent les Etats-Unis en ayant institué le paiement en dollars de toutes les relations économiques dans le cadre de l'accord. 

    Les Etats-Unis prennent en otage le reste du monde. 

    La question qui se pose désormais c'est comment faire vivre l’accord sans les Etats-Unis ? 

    « Il faut espérer que les autres signataires s’organisent y compris financièrement ». 

    Les Etats-Unis, l'Arabie saoudite et Israël ne souhaitent pas que l'Iran revienne dans le jeu international. 

    Ils veulent que l’Iran tombe. 

    Hubert Védrine : « Entre les Pasdarans, l'Arabie saoudite, et les Trumpistes, il y a une alliance sur la politique du pire. »

    La France a annoncé qu'elle va œuvrer collectivement à un cadre plus large. 

    Hubert Védrine : « C'est quand même effrayant, c'est gravissime pour nous les autres cosignataires. »

    « Il faudrait un accord avec les Chinois, mais là on entrerait dans un autre chapitre, un tournant aussi important que la fin de l’URSS », explique Hubert Védrine. Ça voudrait dire qu’on est capable de défier les américains.  

    Hubert Védrine publie « Compte à rebours », aux éditions Fayard.

  • Mai 68 : La contre-culture : ses origines, sa fonction [1]

    Sylvie Vartan 

     

    Dans la conscience collective, la France des Trente glorieuses est aujourd’hui devenue un âge d’or.

    Époque de prospérité, de forte croissance économique, de plein-emploi, conditions vues de nos jours comme nécessaires au bonheur. Cet âge d’or a ses symboles : la casquette du Général, les gitanes de Pompidou, la gouaille des leaders communistes... Et le cul de Bardot. Filmé par Jean-Luc Godard, le chef de file avec François Truffaut de la Nouvelle Vague. Les belles « autos », aussi, font bander les mâles. Ère de prospérité, ère de liberté : routes de la liberté, merci au moteur à explosion. Les voitures se sont démocratisées. Liberté sexuelle également. Le moteur du désir, débridé, ne craint pas la panne. Ni la surchauffe. Il y a une assurance : pour ceux qui redoutent d’avoir à assumer des années durant les conséquences de leurs actes. La pilule se généralise. Elle est en vente libre. 

    La « libération sexuelle » 

    Les vœux d’Antoine, qui en 1966 chantait dans Les Élucubrations son souhait que la pilule fût mise « en vente libre dans les Monoprix », avaient été exaucés avec la loi Neuwirth. Si de Gaulle avait accepté la légalisation de la pilule contraceptive, c’était d’abord pour des raisons bassement politiciennes. À l’occasion du Conseil des ministres du 24 mai 1967, il déclare : « Lors des élections législatives, comme déjà pendant l’élection présidentielle, la ʽʽpiluleʼʼ a été l’un des sujets favoris de la gauche. La pression politique est forte et chacun comprend qu’il faut ʽʽvider la questionʼʼ.[1] […] Sur la proposition Neuwirth, la position que le gouvernement prendra doit être positive, mais entourée de grandes précautions. En tout état de cause, une loi implique une action nataliste plus accentuée, pour un ensemble de raisons nationales et internationales.[2] […] Les mœurs se modifient ; cette évolution est en cours depuis longtemps ; nous n’y pouvons à peu près rien. […] Quant à l’aspect religieux, croyez bien que j’y suis sensible. J’ai posé la question au Pape, et il m’a répondu qu’il se ferait entendre bientôt sur ce sujet qui est complexe et difficile. […] Il ne faut pas faire payer les pilules par la Sécurité sociale. Ce ne sont pas des remèdes ! Les Français veulent une plus grande liberté de mœurs. Nous n’allons quand même pas leur rembourser la bagatelle ! Pourquoi pas leur rembourser aussi les autos ? »[3] 

    La « révolution rockʼn roll » 

    En fond sonore, outre Antoine, Sylvie Vartan ou Johnny Halliday. Ces chanteurs phares de Salut les copains devenus idoles des jeunes sous l’égide de Daniel Filipacchi. Ce dernier organisa le grand événement fondateur de la « génération 68 », où elle prit conscience de son poids démographique, et donc de sa force politique potentielle. Ce moment fondateur, sorte de fête de la musique avant l’heure, a lieu place de la Nation, le 22 juin 1963. Il est bien décrit pas Hervé Hamon et Patrick Rotman : « La nuit s’annonce douce ; pour entamer l’été, la météo semble aussi de la fête. Europe n° 1 convie ses auditeurs à un grand concert gratuit et en plein air, avant le départ du Tour de France prévu pour le lendemain. Dès vingt et une heures, ils sont plus de cent mille, filles et garçons, qui piétinent, pressés les uns contre les autres. […] Alentour, l’affluence ne cesse de croître, les bouches de métro vomissent un flot ininterrompu. Le cours de Vincennes est entièrement bloqué. La marée, comme une lave, gagne inexorablement, grimpe sur tout ce qui permet de prendre de la hauteur. Des arrivants, par paquets de vingt ou trente, se sont juchés sur les branches des arbres qui menacent de casser. Quelques audacieux ont escaladé les trois camions aux couleurs d’Europe n°1. D’autres, plus inconscients, sont allongés sur les auvents des cafés, qui frôlent la déchirure. […] Même sur le poteau du feu rouge, juste en contrebas, ils sont une demi-douzaine, accrochés comme des singes à un cocotier, par un bras, une jambe, une main. Tous les réverbères, tous les panneaux de signalisation ont subi le même sort. Les toits des maisons avoisinantes sont à leur tour conquis. Les responsables du service d’ordre s’affolent. Deux mille agents sont dépêchés en renfort pour tenter de contenir la foule. […] Daniel Filipacchi, lui-même, est surpris. Ils escomptaient vingt à trente mille personnes : elles sont cinq fois plus nombreuses. »[4] 

    Jean-François Sirinelli souligne à cet égard que « le grand concert organisé par Europe n°1 pour fêter le premier mensuel Salut les copains passa, jusqu’à mai 1968, pour l’événement à la fois fondateur et identitaire de la classe d’âge montante. »[5]

    Le yé-yé, expression née sous la plume du philosophe Edgar Morin, est une imitation, un produit importé. C’est la transposition française du rockʼn roll, d’origine anglo-saxonne. C’est ce style musical qui faisait danser et s’évader la jeunesse des années 1960, les baby-boomers.

    L’historien Sirinelli insiste sur ce point : le monde anglo-saxon diffuse une culture nouvelle destinée spécifiquement à la jeunesse. Il montre en effet que « la culture de masse juvénile, d’abord politiquement paisible durant le premier versant des années 1960, se teinte de contestation multiforme, davantage inspirée au demeurant par l’effervescence culturelle de la Grande-Bretagne du milieu de la décennie puis par le mouvement de sécession socioculturelle, bientôt largement médiatisé et baptisé du terme générique de hippie, touchant de jeunes Américains de la côte ouest des États-Unis. »[6] 

    Le rockʼn roll est le pendant frivole et distrayant de l’occupation de la France par des militaires américains. L’un est la conséquence de l’autre. Au tournant des années 1960, fait observer Kristin Ross, une « mutation […] instaura en France une culture de masse à l’américaine »[7]. Celle-ci forme, en quelque sorte, un culte de l’abondance et du progrès : « Immédiatement après la guerre, les États-Unis exportèrent vers une Europe dévastée […] les gadgets, les techniques et les experts du capitalisme américain, mais aussi et surtout un fantasme spécifique : celui d’une croissance équitable, illimitée et régulière. »[8]

    Or ce que Kristin Ross omet de dire alors que c’est un élément crucial, elle fait également l’éloge de la transgression. Cette culture de masse des sixties est contestataire. En un mot c’est une « contre-culture ». (Dossier à suivre)  

    [1]  Alain Peyrefitte, Cʼétait de Gaulle, III, Paris, Fayard, 2000, p. 234.

    [2]  Ibid., p. 244.

    [3]  Ibid., p. 247.

    [4]  Hervé Hamon, Patrick Rotman, Génération. Les années de rêve, Paris, Seuil, 1987, p. 121-122.

    [5]  Jean-François Sirinelli, Mai 68. L'événement Janus, Paris, Fayard, 2008, p. 80.

    [6]  Ibid., p. 136.

    [7]  Kristin Ross, Rouler plus vite. Laver plus blanc. Modernisation de la France et décolonisation au tournant des années 1960, Paris, Flammarion, 2006, p. 22.

    [8]  Ibid., p. 21. 

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    Dossier spécial Mai 68

  • Situation aggravée au Proche-Orient : Les pressions d'Israël pour que Trump dénonce l’accord nucléaire avec l’Iran

    Benjamin Netanyahu et Donald Trump

      

    Par Antoine de Lacoste

    Cette chronique a été rédigée avant que Trump ait fait connaître sa décision. On sait qu'en l'espèce la raison ne l'a pas emporté. L'analyse d'Antoine de Lacoste n'en est pas moins pertinente sur le fond et parfaitement éclairante.  LFAR

     

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    C’est le grand feuilleton que Donald Trump savoure depuis longtemps.

    Déjà, pendant sa campagne électorale, le futur Président n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer cet accord, « le pire » que l’Amérique ait signé. Il est vrai qu’avec lui, le pire est souvent atteint.

    Depuis son élection, le discours a certes connu des variations, mais la tendance générale est à la dénonciation et donc au retrait américain de ce traité qui fut signé par les cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU, plus l’Allemagne et l’Iran.

    Appelé JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action) il avait été très complexe à mettre en œuvre. La France y était opposée malgré les pressions des milieux d’affaires qui rêvaient de s’implanter en Iran. Laurent Fabius, fit tout pour faire capoter les négociations. Israël également. Mais l’habileté de Lavrov, la détermination d’Obama et les concessions iraniennes aboutirent à une signature en juillet 2015.

    Les fréquentes envolées de Trump sur le sujet laissaient penser que l’affaire était entendue et que le retrait américain était certain, comme pour le traité sur le climat.

    Mais la détermination européenne (on croit rêver en accolant ces mots) a fini par peser sur l’obstination de Trump. La France et l’Allemagne lui ont rappelé qu’un accord, même imparfait, était préférable à l’absence d’accord. Macron a donc proposé de le renégocier pour y inclure des discussions sur les missiles balistiques et sur la présence iranienne en Syrie.

    Les Russes ont doctement rappelé que l’accord était signé et qu’il n’y avait pas de raisons de revenir dessus. Quant aux Iraniens, furieux, ils déclarent qu’aucune nouvelle négociation n’aura lieu. Mais, en réalité, ils sont très inquiets et voient s’éloigner les levées définitives des sanctions qui empêchent le décollage économique du pays.

    Israël, est à nouveau entré en scène. Tout en rappelant, comme d’habitude, que sa sécurité était en jeu, Benjamin Netanyahu a affirmé que l’Iran violait l’accord de 2015 et qu’il avait des preuves. Mais, comme pour l’attaque chimique en Syrie, on les attend toujours. Personne ne l’a cru, et son mensonge a été finalement contre-productif.

    C’est le 12 mai que Trump annoncera sa décision. En attendant, il jubile : « Personne ne sait ce que je vais faire le 12 mai. Je pense que nous aurons une super occasion de faire un bien plus gros accord, peut-être. » Voilà qui n’est pas limpide, mais rappelons-nous que Trump a ses propres règles du jeu.

    En attendant le 12 mai, l’Iran ne se fait guère d’illusions et le Président Rohani s’est permis une sortie étonnante. A la télévision iranienne,  il a ainsi interpellé Trump: «Vous n’avez aucune expérience en matière de traités internationaux. Comment un marchand, un constructeur de tours, peut-il émettre des jugements sur les affaires internationales ? ». 

    Espérons que la raison l’emportera chez Trump et que l’on évitera le saut vers l’inconnu. 

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde.

  • Mai 68 : Gauchisme et néolibéralisme [2]

    Les gauchistes, des Rastignac honteux 

    Mai 68 propulsa la carrière de « Dany-le-rouge ». Ce fut le début de son ascension politico-médiatique, sous la protection de l’aristocratie financière mondiale, ensemble fusionnant le trust bancaire (Rothschild) et le complexe militaro-industriel (Rockefeller), et employant d’illustres hommes de main comme René Cassin et Georges Pompidou. Puissance qu’il n’est point grandiloquent de qualifier d’empire, c’est-à-dire d’entreprise agissant sur un mode réticulaire et transnational qui poursuit un objectif de domination totale, sur toutes les parties du monde et de la vie sociale, des centres aux périphéries, des plus publiques aux plus intimes, objectif commandé par une mystique de l’action fondée sur des sources à la fois gnostiques (franc-maçonnerie) et vétérotestamentaires (sionisme juif et chrétien).

    Cette élite impériale a pu s’appuyer durant la crise de mai-juin 1968 sur une clique, une bande, de professionnels de la Révolution qui fut le matériau humain disponible dont elle disposait dans le bras de fer que de Gaulle avait périlleusement engagé contre elle. Ces jeunes gauchistes furent les acteurs visibles de Mai 68, l’étincelle qui déclencha l’allumage d’un feu follet qui pendant des semaines embrasa la France gaullienne. Si leur rôle a été déterminant, il faut souligner le soutien qu’ils reçurent de la part des ploutocrates, notamment via les grands médias de masse, presse écrite et radio en tête.           

    Le mouvement de Mai a ainsi démarré sous l’impulsion d’une poignée de brillants étudiants d’extraction petite-bourgeoise grenouillant dans les cénacles d’extrême-gauche et entretenant un rapport ambigu avec Israël. À l’image de leur parrain, Jean-Paul Sartre, qui, d’après Pierre Messmer, « avait des choses à se faire pardonner. Il n’a pas pu faire jouer ses pièces, sous lʼOccupation, sans autorisation de la Kommandantur... De Gaulle a toujours refusé de le faire arrêter. »[1]

    Mais, se demande, Morgan Sportès, qui est-il réellement, ce Sartre, en Mai 68 ? « Un vieil homme malade courant après sa jeunesse, […] plongé dans le XIXe siècle, avec son étude sur Flaubert qu’il poursuit depuis des années, se bourrant d’amphétamines et autres excitants, fumant boyard sur boyard, paumé dans son imaginaire, il perçoit la politique de cette seconde moitié du XXe siècle à travers celle du siècle passé : mais ces maos qu’il fréquente, du moins les cadres supérieurs […], rejetons de la classe moyenne frustrée de ne ramasser que les miettes du festin de la société libérale, ne ressemblent-ils pas – avec ce faux dédain qu’ils affichent vis-à-vis de ce à quoi secrètement ils aspirent (l’argent, le luxe, le pouvoir, les starlettes, la célébrité) – aux héros si modernes de LʼÉducation sentimentale ? »[2]  (Dossier à suivre)  

    [1]  Cité par Morgan Sportès, Ils ont tué Pierre Overney, Paris, Grasset, 2008, p. 175.

    [2]  Ibid. p. 78-79.

     

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    Dossier spécial Mai 68

  • Un événement de librairie pour le 150e anniversaire de la naissance de Maurras. Lisez !

     

    VIENT DE PARAÎTRE
    (19 avril 2018)

    Charles MAURRAS
    L'AVENIR DE L'INTELLIGENCE
    ET AUTRES TEXTES
    Robert Laffont - Collection Bouquins

    Édition établie et présentée par Martin Motte
    Préface de jean-Christophe Buisson

    L-Avenir-de-l-intelligence-et-autres-textes.jpg

    Martin Motte est directeur d'études à l'École pratique des
    hautes études- PSL. Il a notamment codirigé avec Georges-
    Henri Soutou (de l'Institut) Entre la vieille Europe et la seule
    France : Charles Maurras, la politique extérieure et la Défense
    nationale (Economica, 2009).

    Jean-Christophe Buisson est directeur adjoint du Figaro
    Magazine et présentateur de l'émission « Historiquement
    show » sur la chaîne Histoire. Il est notamment l'auteur de
    1917, l'année qui a changé le monde (Perrin, 2016).