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  • Catalogne ou quand le pire n’est jamais sûr

     

    Par Louis-Joseph Delanglade

     Publié le 27 novembre 2012 - Actualisé le 20 octobre 2017 

    Il y a deux semaines paraissait dans ce blog l’excellent article de Pascual Albert intitulé « L’Espagne à la croisée des chemins. Espagne, où vas-tu ? »*. Reflétant un point de vue espagnol, cet article met aussi l’accent sur le problème que poserait à la France une éventuelle indépendance de la Catalogne, c’est-à-dire la revendication territoriale de la « Catalogne nord » (en gros notre bon vieux département des Pyrénées–Orientales). Ajoutons que, dans la perspective de la seule Europe crédible, celle des Etats et des vieilles nations, l’intégrité de l’Espagne est, à nos yeux, essentielle. 

    Dimanche, les électeurs se sont prononcés en Catalogne. Une première analyse des résultats permet de faire trois constats d’ordre purement arithmétique :

    sans-titre.png premièrement, M. Artur Mas a perdu son pari puisque son parti « Convergencia i Unio » (CiU, nationalistes de centre droit) non seulement n’a pas obtenu la majorité absolue qu’il espérait (soit 68 des 135 sièges) mais, pis (pour lui), a régressé de 62 à 50 ;

     deuxièmement, ce recul est presque exactement compensé, côté indépendantiste, par la progression des deux partis de gauche - ERC (Esquerra Republicana de Catalunya, +10),  et CUP (gauche radicale +3) ;

     troisièmement, le rapport des forces entre « souverainistes » (incluant tous ceux qui sont prêts à aller jusqu’à une forme plus ou moins achevée d’indépendance - auxquels viendraient se joindre pour le référendum les écolo-communistes d’’ICV-EUiA) et « hispano-catalans» (ceux pour qui la Catalogne est et doit rester – malgré les ambiguïtés des socialistes du PSC - une des composantes de l’Espagne « plurielle ») n’a pas vraiment changé. On comptait 86 partisans d’un référendum d’autodétermination dans l’Assemblée sortante, 87 dans la nouvelle, soit un peu plus des trois cinquièmes.  

    4248316669 (1).jpgLe vrai changement réside dans le nouvel équilibre à l’intérieur de la mouvance « souverainiste », nouvel équilibre dans lequel M. Artur Mas apparaît politiquement affaibli et donc davantage susceptible de céder aux surenchères des « enragés » de l’indépendance (ERC et CUP). Ainsi, dès dimanche, le directeur de campagne de CiU, M. Lluis María Corominas. a assuré que «le bloc des partis souverainistes est majoritaire, [et qu’] une consultation sera donc organisée». C’est-à-dire que M. Artur Mas et CiU poursuivent leur fuite en avant et, après le bras de fer sur le « pacte fiscal » perdu contre Madrid, agitent désormais le chiffon rouge d’un référendum sur l’indépendance.

    L’Espagne est-elle donc menacée à moyen terme ? Certes, le risque d’une radicalisation de la Generalitat et d’une crispation identitaire est plus que jamais d’actualité. Cependant, on peut aussi interpréter les résultats de dimanche soir comme un coup d’arrêt à un mouvement qui aurait atteint son point culminant : pas de réelle progression sur le plan électoral (pas plus d’ailleurs que dans les sondages où l’aspiration à l’indépendance reste encore minoritaire) ; d’ailleurs, le taux très élevé de la participation montre aussi qu’existe un nombre grandissant de gens qui se veulent catalans et espagnols De plus, la cohabitation entre CiU et la gauche indépendantiste radicale, si elle devait se confirmer, pourrait bien se révéler embarrassante pour M. Artur Mas dans son combat contre Madrid et faire office de repoussoir pour une grande partie de la population catalane toujours très attachée à ses traditions, même religieuses.

    De façon plus générale, le pays dispose encore de quelques atouts, notamment une très vivace tradition des libertés locales et régionales (les « fueros ») et un Etat monarchique (avec à sa tête le roi Don Juan Carlos) – atouts dont Pascual Albert a bien expliqué comment la conjonction des deux peut être salvatrice.  

    « L’Espagne à la croisée des chemins. Espagne, où vas-tu ? ».

  • Catalogne : Points d'Histoire et réalités d'aujourd'hui

    Carles Puigdemont hier soir devant le Parlement catalan 

     

    Publié le 11 octobre 2012 - Actualisé le 20 octobre 2017

    En deux mots.jpgS'il faut rechercher les sources et les responsabilités les plus déterminantes dans les graves événements d'Espagne, il serait léger de ne voir que les apparences. Peut-être un peu de recul n'est-t-il pas de trop et permettrait de les mieux comprendre.

    Ce qui se produit en Catalogne est grave parce qu'une Espagne en ébullition, en convulsion, rejouant les scénarios des années 30 mais dans le contexte postmoderne, n'empoisonnerait pas que sa propre existence. De sérieuses conséquences en résulteraient en France et en Europe. De nombreux et d'importants équilibres nationaux et transnationaux s'en trouveraient rompus. On ne sait jamais jusqu'où, ni jusqu'à quelles situations, sans-doute troublées pour la longtemps.

    L'unité de l'Espagne, on le sait, ne date pas d'hier. Elle est constante au fil des cinq derniers siècles, à compter du mariage d'isabelle la Catholique, reine de Castille, et de Ferdinand d'Aragon, les rois sous le règne desquels l'Espagne acheva de se libérer de l'occupation arabe en prenant Grenade, dernier royaume maure de la Péninsule [1492| ; et où Colomb, cherchant à atteindre les Indes par l'Ouest, découvrit l'Amérique. S'ouvrait ainsi, après le règne de Jeanne la folle, unique et malheureuse héritière des Rois Catholiques mariée à un prince flamand, le règne de Charles Quint, lui-même prince Habsbourg de naissance flamande, sur les terres duquel, après la découverte de Colomb, le soleil ne se couchait pas. Le règne suivant, celui de Philippe II, marque l'apogée de la puissance de l'Espagne et de la dynastie Habsbourg qui y règnera jusqu'au tout début du XVIIIe siècle. Ces règnes couvrent deux premiers siècles d'unité espagnole, et, malgré de multiples conflits et convulsions, deux brèves républiques, dont la seconde sera sanglante et conduira à la Guerre Civile puis au long épisode franquiste, l'unité de l'Espagne, sous le règne rarement glorieux des Bourbons, ne fut jamais vraiment brisée les trois siècles suivants, jusqu'à l'actuel roi Philippe VI.

    Mais si elle fut sans conteste toujours maintenue au cours de cette longue période de cinq ou six siècles, l'unité de l'Espagne, surtout pour un regard français, ne fut non plus jamais tout à fait acquise, tout à fait accomplie. Et si la monarchie a toujours incarné l'unité, la république, effective ou fantasmée, a toujours signifié la division de l'Espagne. Ainsi aussitôt qu'en avril 1931, la seconde république fut instaurée à Madrid, l'Espagne, de fait, en connut deux, l'une à Madrid et l'autre à Barcelone. Ce que vit l'Espagne d'aujourd'hui, l'Espagne d'hier l'a déjà connu.

    L'Histoire - le passé - mais aussi la géographie, liées l'une à l'autre, y ont conservé un poids, une présence, inconnus chez nous. L'Espagne n'a pas vraiment vécu d'épisode jacobin ...

    Bainville a raison, hier comme aujourd’hui, lorsqu’il observe que la péninsule ibérique se divise d'Est en Ouest en trois bandes verticales, définissant trois « nationalités » qui sont aussi zones linguistiques : la catalane, la castillane et la portugaise. Curieusement, le Portugal accroché au flanc Ouest de l'Espagne n'a jamais pu lui être durablement rattaché. Partout ailleurs, les particularismes sont restés vivants, jusqu'à, parfois, l'agressivité et la haine, comme on l'a vu au Pays Basque et comme on le voit encore en Catalogne. 

    De ces particularismes, la langue est le premier ciment ; Dans l’enclave basque, en Catalogne, et, même, dans la lointaine Galice, où l'on parle le galicien en qui se reconnaît l'influence du portugais. Ces langues ne sont pas de culture, ne ressortent pas d'un folklore déclinant à peu près partout, comme chez nous. Elles sont d'usage quotidien et universel, dans les conversations entre soi, au travail comme à l'école, à l'université, dans les actes officiels, la presse, les radios et télévisions, etc. Comme Mistral l'avait vu, ces langues fondent des libertés. Le basque et le catalan sont, mais au sens mistralien, des langues « nationales ». Le catalan, toutefois, est aussi langue des Baléares et, à quelques variantes près, de la région valencienne, jusqu'à Alicante ... 

    A cette liberté linguistique se combine un fort sentiment d'appartenance à des communautés vivantes, vécues comme historiques et populaires, chargées de sens, de mœurs et de traditions particulières très ancrées, parfaitement légitimes et toujours maintenues.

    C'est donc non sans motifs que la monarchie post franquiste institua en Espagne 17 « communautés autonomes » ou « autonomies » qui vertèbrent le pays. On célébra partout ces libertés reconnues, transcription contemporaine des antiques « fueros » concept à peu près intraduisible en français, qui signifie à la fois des libertés et des droits reconnus, que les rois de jadis juraient de respecter, sous peine d'illégitimité.

    Le mouvement donné instituait un équilibre, fragile comme tous les équilibres, et qu'il eût fallu - avec autorité et vigilance - faire scrupuleusement respecter.

    C'est bien ce que Madrid n'a pas fait lorsque les équilibres commencèrent à être rompus en Catalogne. A y regarder de près, le système des partis, des alliances électorales et de gouvernement, n'a fait ici comme ailleurs que susciter et attiser les divisions latentes, tandis qu'à Madrid ce même système jouait en faveur du laisser-faire, autrement dit de l'inaction.

    Les choses, contrairement au Pays Basque longtemps ravagé par le terrorisme, se sont passées en Catalogne sans violence mais, on le voit bien aujourd'hui, avec efficacité. Après un temps de renaissance catalane, libre, heureuse de vivre ou revivre, et satisfaite des nouvelles institutions, est venue l'heure des surenchères, de la conquête progressive des pouvoirs de fait par les catalanistes les plus sectaires. Un exemple suffit pour en juger et c'est, depuis bien longtemps déjà, l'interdiction de fait, quasi absolue, de l'espagnol à l'école et à l'université de Catalogne, privant d’ailleurs la jeunesse catalane du privilège du bilinguisme qui était jadis le sien dès la petite enfance. Madrid a laissé faire et plusieurs générations, toute une jeunesse, élèves et professeurs, ont été formées dans la haine de l'Espagne. Il eût certainement fallu interdire cette interdiction, rétablir partout l'espagnol dans ses droits de langue nationale ; c'est tout spécialement par la culture : école, université, médias, univers intellectuel, qu'un petit clan d’indépendantistes s'est progressivement emparé de quasiment tous les pouvoirs en Catalogne. Les anti-indépendantistes qualifient à juste titre leurs menées de coup d'Etat. Mais, ce coup ne s'est pas déroulé en un jour, il s'étale sur plusieurs décennies.

    En somme, au long des dites dernières décennies, minée par le jeu délétère des partis, paralysée par sa faiblesse, Madrid a tout laissé faire, tout laissé passer, y compris l'inacceptable, y compris l’installation progressive d’une hostilité envers l’Espagne, qui a gagné une petite moitié des Catalans et coupé la société en deux parties adverses. Du beau travail ! Jusqu'à ce qu'à l'heure des échéances, ne reste plus à Madrid comme solution que l'usage de la force et de la violence. La responsabilité du gouvernement espagnol, ses atermoiements, nous semblent indéniables.

    Du côté catalan, les partis révolutionnaires, d’implantation ancienne en Catalogne, ont fait leur travail habituel ; il n’est guère utile de s’en scandaliser. Mais sans-doute est-ce l'engagement indépendantiste des partis de centre-droit qui a rendu possible tout ce à quoi nous sommes en train d'assister.

    Si les choses devaient tourner mal Outre-Pyrénées, et cela est bien possible, il ne faudrait pas oublier que - par-delà le légitime traditionalisme catalan - les présidents de centre-droit qui ont longtemps dirigé et président encore la région - Messieurs Jordi Pujol, Artur Mas et Carles Puigdemont, leurs partis et leurs soutiens - y auront une large part de responsabilité. Au détriment de la Catalogne et de l’Espagne, mais aussi de la France et de l’Europe.  

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Espagne - Catalogne ... Lafautearousseau a publié récemment ...

    4oftqdou.jpgRappel des principaux articles sur ce sujet, publiés récemment dans Lafautearousseau  ...

    (Cliquez sur les liens) 

     

     

    Discours de roi et paroles de président ...

    Catalogne : Points d'Histoire et réalités d'aujourd'hui

    Toujours la Catalogne

    Au bord du précipice

    L'armée espagnole fait mouvement vers la Catalogne

    Catalogne : Mariano Rajoy deviendra-t-il Mariano Kerenski ?

    Macron dit à Rajoy son « attachement à l'unité constitutionnelle de l'Espagne ». Il a bien fait !

    Référendum catalan : « L'indépendance n'est qu'un slogan »

    Le paradoxe de la Catalogne, identitaire et ... remplaciste

    Barcelone : « No tinc por »

    Terrorisme & Société • Barcelone : que les coupables (les vrais) soient enfin dévoilés   

  • Famille de France • Le duc de Vendôme au Liban

    Beyrouth

       

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpg« L’histoire des relations entre la France et le Liban »

    Je reviens du Liban où j’ai passé quelques jours à Beyrouth.

    C’est mon sixième voyage au pays du Cèdre que j’ai découvert en 2002. J’y suis retourné pour des visites d’agrément en 2004 et 2006 puis en 2010 avec Philomena et Gaston, et enfin l’année dernière pour mon déplacement en Syrie.

    Cette fois-ci j’étais invité par le Service de cardiologie de l’Hôtel Dieu de France et son responsable le Professeur Rabih R. Azar pour évoquer auprès de ses collaborateurs l’histoire des relations entre la France et le Liban. Une première partie plus théorique sur le rôle protecteur de la France et une partie plus personnelle évoquant les impressions de plusieurs membres de la famille d’Orléans ayant visité le pays du Cèdre, notamment le prince de Joinville en 1836 et le comte de Paris en 1860. S’en est suivi une séance de questions, avec notamment un vif échange sur la situation difficile des chrétiens d’Orient à partir d’un récent éditorial du Point de Franz-Olivier Giesbert. Le verre qui a suivi m’a permis de rencontrer les équipes du Professeur Rabih R. Azar et de continuer ces échanges de façon plus informelle.

     

    Autour de cette conférence plusieurs temps forts m’ont permis de découvrir le monde médical de Beyrouth et de revoir quelques bons amis.

    Ayant connu le Liban dans des périodes de grandes tensions, j’ai été heureux de voir un pays apaisé, sachant qu’au pays du Cèdre rien n’est jamais définitivement réglé. En tout cas les libanais gardent leurs yeux tournés vers notre pays pour lequel ils ont toujours une fidèle affection.  

     

     

    Jean de France, duc de Vendôme
    Domaine Royal de Dreux le 10 octobre 2017

    Le site officiel du Prince Jean de France

  • Macron, le président des nomades

    Le discours d'Emmanuel Macron à la Sorbonne

     

    Par François Marcilhac

     

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    La vie politique de chaque pays est naturellement rythmée par la discussion et l’adoption par le Parlement du budget de la nation puisque c’est lui qui décide des grands engagements annuels et pluriannuels de l’État. Ou, devrions-nous dire plutôt, «  était naturellement rythmée  », puisque, depuis l’adoption sous Sarkozy, en 2011, du traité budgétaire européen, ce n’est plus ni le Gouvernement français qui présente, ni le Parlement français qui discute librement, avant de l’adopter, le budget de la France, mais Bruxelles (et donc Berlin) qui l’avalise avant même sa présentation devant le Parlement français, Bercy l’ayant concocté sous le regard inquisiteur de la Commission européenne. Aussi Jean-Claude Juncker, son président, peut-il donner un satisfecit enthousiaste au projet présenté cette semaine à l’Assemblée par le Gouvernement comme un maître d’école donne un bon point à un bon élève. Le plus grave est que nos gouvernants, Macron en tête, loin de ressentir une telle approbation comme une humiliation pour notre pays, l’ont servilement recherchée. Avec Macron, cette servilité est même frénétique : son aliénation mentale européiste, qui le fait militer – seul en Europe  ! – pour le remplacement de la souveraineté nationale par une hypothétique souveraineté européenne, lui fait voir en effet «  dans le dépassement de la nation un devoir d’époque et une mission presque sacrée  » (Mathieu Bock-Côté, Figaro Vox, 12 octobre). Telle est bien la vérité de son progressisme qu’il assimile à un sens de l’histoire.

    L’Europe comme terre promise

    L’opinion publique n’en avait pas moins besoin d’être rassurée. Car on a beau se proclamer le prophète, ou plutôt, le «  pionnier  » – l’imaginaire de Macron est américain – de l’Europe comme nouvelle terre promise, ces grands enfants que sont les peuples ont besoin de «  pédagogie  », laquelle ajoute, au mensonge de la démagogie, l’infantilisation des citoyens. C’est pourquoi celui qui refuse une «  présidence bavarde  » et veut préserver une «  parole présidentielle [qui] garde de la solennité  », s’étant aperçu qu’il perdait en popularité, a pensé qu’il était temps de descendre de son Olympe et de passer, comme un vulgaire président normal, au JT de 20 heures sur TF1, le dimanche 15 octobre, pour expliquer, dans la mesure du possible, tant aux «  illettrés  » qu’à «  ceux qui ne sont rien  » et qui, de ce fait, «  foutent le bordel  », le sens de la solennité de sa parole comme celui de sa politique.

    Les Français n’auront toutefois rien appris, sinon qu’il est «  un enfant de la province  », qu’il fait ce qu’il dit, qu’il pense à «  la France qui souffre  », qu’il veut «  en même temps qu’on libère et qu’on protège  » – mais pas qu’on insère  ? – et, qu’enfin, il «  ne croi[t] pas au ruissellement mais à la cordée  » (sic), ce qui est peut-être préférable, en effet, au moment où l’on dévisse (dans les sondages). N’avait-il pas déclaré dans un entretien à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, publié deux jours auparavant, qu’ «  en forçant le trait, on pourrait dire que la France est un pays de monarchistes régicides, ou encore que les Français élisent un roi mais qu’ils veulent à tout moment pouvoir le renverser  »  ? L’arrogance macronienne dissimule une fêlure intime, comme une sourde angoisse, car ce n’est pas la première fois qu’il aborde le sujet. Serait-ce celle de voir sa tête finir au bout d’une pique  ?

    La patrie du portefeuille

    On aurait tort en tout cas de voir en Macron le «  président des riches  ». Laissons cela à une gauche sans imagination ou qui, plutôt, ne sait comment critiquer autrement une politique (impopulaire) qu’elle est heureuse de le voir pratiquer à sa place, puisqu’elle repose sur la même conception d’une société liquide, ennemie de la notion d’enracinement, diabolisé comme identitaire, raciste, nationaliste, etc. Le mensonge présidentiel sur la réforme de l’ISF en est un signe patent. Désormais, seule la propriété immobilière, en sus de quelques gadgets, entrera dans son calcul. Nous ne nous prononcerons pas ici sur l’efficacité, controversée, de cet impôt. Ce qui est significatif, c’est le choix effectué par Macron  : exonérer le capital financier, c’est-à-dire le liquide, aux dépens de l’immobilier, réputé improductif, car enraciné. Et comme s’il s’était aperçu du caractère scandaleux d’un tel choix, il a assorti la mesure d’un mensonge effronté  : «  si les gens ne réinvestissent pas, ils seront taxés  », ce qui est faux. À l’heure où nous écrivons, aucune mesure allant dans le sens d’un quelconque patriotisme économique n’est prévue dans le projet de budget. De plus, le serait-elle, que l’Europe nous interdirait de la destiner aux seuls investissements français. Macron n’est pas le président des riches, il est le président des nomades. Ce qui n’est pas la même chose. Il est le président de ceux pour qui le portefeuille tient lieu de patrie et qui habitent non pas une province, une nation – on peut être «  riche  » et patriote –, mais les résidences standardisées du village mondial – ou des paradis fiscaux. Mais comment la gauche, même insoumise, pourrait-elle le tacler sur ce point, alors que, tout aussi mondialiste, elle partage les présupposés, notamment immigrationnistes ou sociétaux, de son progressisme déraciné  ? Car la volonté de Macron, réaffirmée sur TF1, de légaliser la PMA «  pour toutes  » va dans le même sens d’une société ennemie de tous les enracinements et donc de toutes les identités. Aussi ne doit-on pas s’étonner de cet autre mensonge présidentiel  : «  Toutes celles et ceux qui, étrangers et en situation irrégulière, commettent des actes délictueux quels qu’ils soient, seront expulsés.  » Là encore, l’Europe, cette fois la Cour européenne des droits de l’homme, interdirait une telle systématicité, qui suppose, de plus, l’accord des pays d’origine. Or Macron n’a pas non plus évoqué un durcissement de notre politique étrangère en ce sens, lequel supposerait que nous nous réaffirmions sur le plan international autrement qu’en faisant élire une Française à la tête de l’Unesco au moment où les États-Unis quittent l’organisation, ou, surtout, qu’en recevant à Paris les JO de 2024… après le désistement de toutes les autres villes candidates.

    L’exemple de l’Autriche

    Ce même dimanche où Jupiter s’exprimait sur TF1, la victoire du Parti populaire autrichien (ÖVP) aux législatives, mené par Sebastian Kurz, lui a donné un sacré coup de vieux  ! Voilà que la jeunesse est du côté des conservateurs – à trente et un ans, Kurz sera le plus jeune dirigeant européen – et non du côté des nomades, dont le président se trouve quelque peu ringardisé. Car Kurz a gagné grâce à une campagne menée très à droite, anti-migrants, sans toutefois laminer les populistes du FPÖ, qui ont obtenu plus de 26  %, et avec lesquels il pourrait gouverner, sans que, cette fois, le Big Brother bruxellois s’en mêle comme en 2000. Comme quoi, les conservateurs autrichiens n’ont pas les pudeurs de jeune fille des Républicains français. De plus, le projet de Macron visant à refonder l’Europe a été totalement ignoré de la campagne électorale autrichienne  : il est en effet «  assez logique qu’au cours d’une campagne électorale nationale, aucun parti ne [veuille] discuter de la réduction des compétences nationales pour les passer à l’Union européenne  » (Peter Filzmaier, politologue, Le Monde, 15 octobre). Non que les conservateurs autrichiens soient eurosceptiques ou s’apprêtent sous peu à rejoindre le groupe de Visegrad. Mais, forts d’une vraie identité, ils placent l’Europe à sa juste place. Qui n’est pas la première. Les Autrichiens n’auront pas la chance, c’est vrai, d’avoir un «  pionnier  » à la «  pensée complexe  » pour chancelier. Ils auront juste un patriote.  

     

  • Jean-Michel Blanquer : L'écriture inclusive «  une façon d'abîmer notre langue » 

      

    Jean-Michel Blanquer, invité de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV et RMC, s'est montré opposé à l'écriture inclusive. [Lundi 16 octobre].

    Il considère que cette façon d'écrire « ajoute une complexité qui n'est pas nécessaire » à la langue française.

    « Je ne pense pas que ce soit le juste combat (du féminisme) de mettre ça sur une façon d'abîmer notre langue », a lancé le ministre de l'Education nationale. •

     

     

     A lire sur ce même sujet dans Lafautearousseau ... 

    Quand une secte veut régenter la langue

  • Les Russes décapitent al-Nosra en Syrie

    Al-Nostra

    Par Antoine de Lacoste

     

    1456949215.pngLe Front al-Nosra a longtemps été le fer de lance de la mouvance islamiste en Syrie. A la pointe des combats dès 2012, il s'est imposé comme le plus puissant (et le plus cruel) des nombreux groupes de combattants islamistes qui se faisaient une concurrence féroce. Son affiliation à Al-Quaïda (la nébuleuse créée par Ben Laden) contribuait beaucoup à son prestige dans les milieux sunnites radicaux.

    L'émergence de Daesh en 2013, et les succès initiaux de celui-ci, allait l'affaiblir durablement. Plusieurs milliers d'hommes l'ont alors abandonné au profit de l'Etat islamique, attirés par la création du califat et...par une solde bien supérieure. Les méthodes de terreur et de barbarie différaient peu.

    Son point d'ancrage territorial dans la Province d'Idleb (au nord-ouest de la Syrie) va lui permettre de passer ce cap difficile.

    Il va d'abord se lancer dans une vaste opération de communication que les medias occidentaux relaieront complaisamment : il change de nom et devient Fatah al-Cham (Cham étant un nom antique désignant la Grande Syrie, englobant donc le Liban, la Palestine et la Jordanie). Parallèlement, il rompt avec Al-Quaïda et s'allie avec d'autres groupes islamistes. Il contribue enfin au recrutement des fameux Casques blancs, ces secouristes soi-disant neutres que l'Occident honorera avec une naïveté confondante.

    Aujourd'hui, sous le nom de Tahrir el-Cham, c'est bien Al-Nosra qui règne sur la Province d'Idleb.

    Hormis quelques bombardements syriens et quelques frappes ciblées des Américains ou des Russes, la région était relativement épargnée par les combats. L'armée syrienne et ses alliés chiites avaient certes d'autres priorités (Alep et maintenant Deir ez-Zor) mais surtout, les Russes en avaient fait le réceptacle des combattants islamistes de toutes tendances qui avaient accepté de se rendre.

    Récemment encore, plusieurs centaines de combattants islamistes ont quitté sous bonne escorte des enclaves qu'ils contrôlaient le long de la frontière libanaise pour rejoindre Idleb, avec familles et armes légères. Le régime syrien n'a jamais vu d'un très bon œil ces transactions, mais les Russes considèrent que c'est la façon la plus économique de nettoyer définitivement des poches islamistes, toujours difficiles à éradiquer maison par maison.

    Dans les zones de « désescalades » (une sorte de cessez-le-feu) mises au point par les Russes, Idleb figure en quatrième position (les autres sont la Goutha, près de Damas, la frontière jordanienne et la région de Homs).

    Bien sûr, les terroristes d'al-Nosra sont exclus de ces accords de désescalades qui ne concernent donc que les autres groupes, notamment ceux qui sont soutenus par les Turcs. L'idée des Russes est bien évidemment de créer des tensions entre islamistes et de sécuriser d'abord les villes stratégiques du pays.

    Pour surveiller l'application de l'accord concernant Idleb, Turcs et Russes se sont mis d'accord lors de la conférence d'Astana il ya quelques mois : les groupes soutenus par Ankara surveillent le nord et une police militaire russe le sud.

    Mais récemment, al-Nosra a tenté de percer les lignes russes et syriennes au sud, a repris quelques villages à l'armée syrienne et a menacé la ville d'Hama. Idleb ressemble de plus en plus à une nasse, et al-Nosra l'a bien compris.

    L'aviation russe a mis bon ordre à cela mais une quarantaine de policiers russes se sont retrouvés encerclés et ont dû se défendre avec acharnement pendant plusieurs heures avant d'être dégagés par des hélicoptères.

    Pour l'armée russe, même si elle ne déplore que des blessés dans ses rangs, l'affront devait être lavé.

    Une réunion au sommet entre les principaux chefs du groupe terroriste s'est tenue quelques jours plus tard. Les Russes l'ont su et al-Nosra l'a payé cher : douze dirigeants tués par un bombardement parfaitement dirigé. Le sort du numéro un, Abou Mohamed al-Joulani, reste incertain mais il serait soit mort, soit grièvement blessé (un bras ou une main en moins selon les sources).

    Cette opération, qui décapite provisoirement al-Nosra, en dit long sur le niveau d'infiltration des mouvements islamistes par les Russes...

    Concluons sur cette dernière information intéressante : la majorité des policiers russes attaqués étaient musulmans, issus des républiques caucasiennes du sud, dont nombre de Tchétchènes fidèles à Moscou...  

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde

  • Le drapeau de la discorde

     

    Un éditorial de Henri Vernet

    Qui est paru dans Le Parisien le 11 octobre et que nous aurions pu signer. Le voici, pour les lecteurs de Lafautearousseau, suivi d'une chronique de Gérard Leclerc qui dit des choses essentielles sur le même sujet. Les deux réflexions se complètent utilement.  LFAR  

     

    le parisien.pngQuel est le dossier le plus urgent à régler aujourd’hui en Europe ?

    Le cactus de l’indépendance de la Catalogne, comment faire baisser la température entre les adversaires Madrid et Barcelone ? Donner suite aux propositions françaises sur une réforme de la Zone euro pour la rendre plus transparente et, surtout, plus efficace contre le chômage ? Coordonner une bonne fois pour tous les efforts des polices et services de renseignement des Etats membres dans la lutte antiterrorisme ? Voilà des sujets d’importance pour nos concitoyens.

    Mais ce sur quoi s’empaillent nos responsables politiques est d’un tout autre ordre, purement symbolique. Le drapeau européen doit-il oui ou non flotter à l’Assemblée nationale ? Jean-Luc Mélenchon et ses Insoumis veulent le faire valser de l’hémicycle, y voyant une atteinte à la souveraineté nationale et, pis, un signe intolérable de bondieuserie (au motif que son créateur avait un peu bêtement expliqué s’être inspiré des représentations de la vierge Marie pour le fond bleu étoilé...).

    Du coup, Emmanuel Macron, pour couper court, vient d’annoncer que la France adoptera officiellement le drapeau européen lors du prochain sommet de Bruxelles.

    Mais voilà que les souverainistes et l’extrême-droite font front avec Mélenchon, de Marine Le Pen à Nicolas Dupont-Aignan, qui ne réclament rien de moins qu’un référendum pour trancher ce drame existentiel. Pour les vrais problèmes des Français, on n’aura qu’à attendre...  

    Le Parisien

  • Un étendard marial ?

     

    par Gérard Leclerc

     

    2435494823.jpgLa guérilla qui oppose Emmanuel Macron à Jean-Luc Mélenchon sur le drapeau européen a pris une tournure où le symbolique s’associe étroitement au politique. Car il y a deux dimension dans cette querelle, d’abord une dimension proprement politique à propos de la construction européenne. Depuis le rejet de la constitution imaginée par Giscard d’Estaing lors du référendum de 2004, on peut estimer que l’Europe n’est pas vraiment définie en tant que concept institutionnel. On peut certes se raccrocher à la formule de Jacques Delors : fédération d’États nations, même si elle constitue à certains égards un oxymore. Un moment, le président François Mitterrand, avait, me semble-t-il, privilégié le terme de confédération, qui prêtait moins à discussion, même s’il ne résolvait pas entièrement la question de la souveraineté. Une souveraineté qui par ailleurs ne se sépare pas de la question d’un peuple européen. Existe-t-il un peuple européen ? Si oui, il peut revendiquer son drapeau, son hymne, sa devise. Sinon, c’est beaucoup plus problématique.

    Le désaccord entre Macron et Mélenchon est incontestablement lié à cette incertitude, mais il a pris une dimension symbolique, lorsque Mélenchon a mis en cause le drapeau aux douze étoiles sur fond bleu : « Franchement, on est obligé de supporter ça ? C’est la République française, pas la Vierge Marie. » Il est incontestable que le créateur de ce drapeau était chrétien et qu’il était inspiré par la symbolique mariale. On saisit la référence à l’apocalypse : « Une femme revêtue du soleil, la lune sous les pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles. » Mais l’inspiration initiale ne s’est pas forcément transmise aux héritiers. Il a fallu Jean-Luc Mélenchon pour qu’ils soient mis au courant. Mais, même alors, cette symbolique est-elle rédhibitoire pour la laïcité ? On peut en discuter, mais on peut aussi s’étonner de l’intolérance qui jette l’interdit sur une part essentielle du patrimoine européen. Sans référence à ce patrimoine, avec ses dimensions d’ailleurs diverses, notre Europe devient un concept singulièrement rabougri.  

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 16 octobre 2017.

  • Discours de roi et paroles de président ...

     

    En deux mots.jpgL'interview d'Emmanuel Macron a fait couler beaucoup d'encre, beaucoup de salive et de longues heures d'antenne sur toutes les chaînes, les jours d'avant, d'après, et le dimanche soir fatidique où elle fut donnée, quoique, de l'aveu général, Macron n'y ait pas dit grand-chose, en tout cas rien de substantiel, et que cette interview n'ait été rien d'autre qu'un « exercice de style ».

    C'est ce que Roger Karoutchi en a dit et qui semble assez juste. Macron s'est défendu d'avoir seulement cherché à rattraper un peu de sa popularité perdue. C'est pourtant bien, nous semble-t-il, à une heure quinze de pédagogie sans substance sur l'essentiel, à quoi nous avons été conviés dimanche soir. Une heure de reprise en mains du peuple français, en mode purement gestionnaire du quotidien. Et l'on a commenté cette insignifiance à perte de vue dans les médias, essentiellement, d'ailleurs, pour savoir si le Chef de l'Etat avait ou non réussi sa « prestation ». Car la parole présidentielle est devenue une « prestation » aux yeux médiatiques et les Français ne la jugent pas autrement. Nous vivons en régime d’opinion et ce sont là ses médiocres vertus. Il est en charge de l'accessoire, non plus de l'essentiel. Grandeur et décadence de la Vème république ...

    Quoique démocratique, l'Espagne nous a donné il y a à peine quelques jours un exemple inverse, au cœur d'une crise qui menaçait de la briser et l'en menace encore. En quelques cinq minutes d'un discours d'une grande fermeté, le roi, qui s'exprime peu, ne s'occupe, à l'inverse du président de la République française, ni des APL, ni des modalités de licenciement, ni de la durée d'indemnisation du chômage, souverain d'une monarchie qui a peu à voir avec ce que fut la monarchie française, ce roi est soudain sorti de son silence, de sa réserve, avec une autorité et une force tranquille qui ont surpris, pour se prononcer sur l'essentiel, sur l'unité, la cohésion entre Espagnols, l'intégrité, la pérennité de son pays. Et pour condamner avec la dernière sévérité, presque avec violence, les indépendantistes catalans. Ces cinq minutes d'un discours royal ont suffi à donner un coup d'arrêt au processus de désintégration de l'Espagne entamé à Barcelone. Et l'on nous dit d'Outre-Pyrénées qu'il s'en est suivi, dans toute l'Espagne, y compris en Catalogne, un formidable sursaut du sentiment national qui s'exprime par des manifestations españolistas quotidiennes dans tout le pays. C'est qu'il y a en Espagne un pouvoir qui, malgré sa faiblesse apparente, est soustrait au régime d'opinion, soustrait à l'élection, un pouvoir en charge du pérenne et de l'essentiel. Et ce pouvoir est le sommet de l'Etat.

    Même faible, même imparfait, on ne dira jamais assez le bienfait du système dynastique.   

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

    A lire dans Lafautearousseau ...

    Catalogne : Points d'Histoire et réalités d'aujourd'hui

    Au bord du précipice

    L'armée espagnole fait mouvement vers la Catalogne

    Espagne : Le roi Felipe VI s'est exprimé dans un discours d'une fermeté sans précédent

    Barcelone : « No tinc por »

  • Alain de Benoist : « Hier on avait un métier, aujourd’hui on cherche un emploi »

     

    Par Alain de Benoist et Jean-Paul Brighelli

     

    Dans ce remarquable entretien, la distinction qu'opère Alain de Benoist entre métier et emploi nous paraît essentielle. Métier est de l'ordre du qualitatif. C'était ce que possédaient en propre ceux qui n'avaient rien, les prolétaires de jadis. Emploi est indéterminé, sans substance, sans qualité. C'est tout le reflet du monde moderne ou postmoderne. Cette opposition constitue la trame de la réflexion d'Alain de Benoist, y compris dans les passages où elle peut surprendre. Il faut savoir gré à Jean-Paul Brighelli d'avoir réalisé et publié [Bonnet d'âne & Causeur les 9 & 13.10] ce long et riche entretien qui est aussi un débat, l'amorce d'un débat.  Lafautearousseau   

     

    alain-de-benoist-elements-324x235.jpgJean-Paul Brighelli. Voilà que vous détournez le « grand remplacement » ethnique cher à Renaud Camus par un « grand remplacement » économique : l’ubérisation de l’ensemble des sociétés libérales — française, entre autres. Pouvez-vous expliquer en quoi consiste cette mutation ?

    Alain de Benoist. Le « grand remplacement économique », ce n’est pas tant l’ubérisation que le remplacement de l’homme par la machine, voire par l’intelligence artificielle, à laquelle conduit l’évolution même du travail, évolution dont l’ubérisation ne représente qu’un aspect.

    « On l’oublie trop souvent : le capitalisme, ce n’est pas seulement le capital, c’est également le salariat. C’est aussi le système qui repose sur la force de travail, base de la valorisation du capital, et la transformation du travail concret en travail abstrait, concomitante de la transformation de la valeur d’usage en valeur d’échange. La transsubstantiation du travail en argent, puis de l’argent en capital, produit l’autovalorisation de la valeur. Le travail au sens moderne est une catégorie capitaliste. La généralisation du salariat fut une révolution silencieuse, mais une mutation énorme. Hier on avait un métier, aujourd’hui on cherche un emploi. Le métier et l’emploi, ce n’est pas la même chose. L’avènement du marché où l’on peut vendre et acheter contre salaire de la force de travail implique à la fois la destruction des anciennes formes sociales et la séparation du travailleur d’avec les moyens de production.

    « La contradiction principale à laquelle se heurte aujourd’hui le capitalisme est directement liée à l’évolution de la productivité. Cette contradiction est la suivante. D’un côté, le capital recherche en permanence des gains de productivité lui permettant de faire face à la concurrence, ce qui entraîne des suppressions d’emploi et une diminution du temps de travail global (on produit de plus en plus de choses avec de moins en moins d’hommes). De l’autre, il pose le temps de travail comme seule source et seule mesure de la valeur. La contradiction tient au fait que les gains de productivité aboutissent à supprimer des emplois, alors que c’est justement la forme « emploi » qui a permis au travail d’être le moteur de l’expansion du capital. La contradiction entre le marché actuel du travail et la production réelle de survaleur fait que le système capitaliste est aujourd’hui menacé, non pas seulement d’une baisse tendancielle du taux de profit, mais d’une dévalorisation généralisée de la valeur. 

    « Avec la révolution informatique et le développement de la robotique, la production de richesses se découple par ailleurs toujours davantage de la force de travail humaine, et pour la première fois on supprime davantage de travail qu’on ne peut en réabsorber par l’extension des marchés.

    « L’argument libéral classique est de dire que tout cela n’a rien de nouveau, que le progrès technique a toujours détruit des emplois, mais qu’il en a créé d’autres. On cite l’exemple de la révolte des canuts lyonnais contre les métiers à tisser, celui des luddites anglais ou celui des tisserands silésiens de 1844. On rappelle aussi la façon dont les emplois du secteur tertiaire ont remplacé ceux des secteurs primaire et secondaire. C’est oublier qu’aujourd’hui tous les emplois ne sont pas substituables, et qu’ils le sont même de moins en moins compte tenu de l’importance prise par les connaissances et de l’inégale distribution des capacités cognitives. Si dans le passé un paysan a pu se reconvertir en ouvrier sans grand problème, un ouvrier du bâtiment aura beaucoup plus de mal à se reconvertir en programmateur informatique. C’est pourquoi la robotique détruit aujourd’hui plus d’emplois qu’elle n’en crée.

    « Mais c’est oublier surtout que nous sommes en train de sortir de l’époque où les machines faisaient les choses aussi bien que l’homme pour entrer dans celle où les machines font beaucoup mieux. Cela change tout, car cela signifie que les machines peuvent désormais entrer en compétition avec des fonctions qui ne sont plus seulement manuelles ou répétitives, ce qui pose le problème de la décision : la machine est mieux placée pour décider puisqu’elle peut traiter mieux qu’un humain les informations dont elle dispose. C’est ce qu’avaient déjà biens vu Hannah Arendt et Günther Anders. Voilà pour le « grand remplacement » !

    Vous reprenez le terme de « précariat », introduit en économie alternative par des alter-mondialistes et des anarchistes (italiens à l’origine) à la fin des années 1970 — quelques années à peine après le départ de la crise structurelle dont se nourrit depuis cette époque le libéralisme. En quoi consiste-t-il ?

    La précarité, aujourd’hui, tout le monde la constate autour de soi. Face à la montée d’un chômage devenu structurel (et non plus seulement conjoncturel), la tendance actuelle, parallèlement au remplacement des activités productives par des emplois inutiles, qui sont en dernière analyse des emplois de contrôle, destinés à désamorcer les velléités de révolte sociale, est de chercher à diminuer le chômage en augmentant la précarité. C’est la mise en application du principe libéral : « Mieux vaut un mauvais travail que pas de travail du tout ». D’où l’idée de « flexi-sécurité », qu’il faut comprendre ainsi : la flexibilité c’est pour tout de suite, pour la sécurité on verra plus tard. Le refrain mille fois répété par le Medef est bien connu : plus on pourra licencier facilement, moins on hésitera à embaucher. Mais comment expliquer alors que la précarité ait constamment progressé en même temps que le chômage ?

    « C’est cette montée de la précarité qui a abouti en Angleterre à la multiplication des « travailleurs pauvres » (working poors) et aux contrats « à zéro heure » (on en compte aujourd’hui plus de 1, 4 million), et en Allemagne, depuis les réformes Harz, aux « minijobs » (450 euros sans cotisations et sans couverture sociale) qui, en 2013, concernaient 7 millions de travailleurs, soit près de 20% de la population allemande active, parmi lesquels un grand nombre de retraités.

    « Mais la précarisation, c’est aussi de façon beaucoup plus générale la destruction de tout ce qui dans le passé était solide et durable, et se trouve aujourd’hui remplacé par de l’éphémère et du transitoire. Dans ce que Zygmunt Bauman a très justement appelé la société liquide, tout est à la fois liquéfié et liquidé. Que ce soit dans le domaine professionnel, sentimental, sexuel, éducatif, politique, social ou autre, nous vivons à l’ère du zapping : on « zappe » d’un partenaire à l’autre, d’un métier à l’autre, d’un parti politique à l’autre, comme on « zappe » d’une chaîne de télévision à une autre. Et dans tous les cas, le changement n’aboutit qu’à donner le spectacle du même. On est toujours déçu parce que, sous diverses guises, c’est toujours le même chose qui se donne à voir. L’idéologie du progrès joue évidemment son rôle : avant, par définition, c’était moins bien. Le politiquement correct (qu’il vaudrait mieux appeler l’idéologiquement conforme) joue le sien : en transformant les mots, la « novlangue » transforme les pensées. L’individualisme ambiant fait le reste.

    Un chauffeur de taxi « ubérisé » gagne fort mal sa vie, en moyenne. Serait-ce là l’un de ces « bullshit jobs » nommés pour la première fois par David Graeber pour désigner des « boulots à la con » dans la sphère administrative (privée ou publique) et désormais étendus à l’ensemble de la sphère économique ? À une époque où les employés des grandes surfaces ne sont plus jamais embauchés à temps plein, afin de les tenir en laisse en les faisant vivre avec 800 euros par mois, où un prof débutant touche après 5 à 6 ans d’études 1400 euros par mois, en quoi la précarité concertée est-elle la solution la plus adaptée trouvée par le néo-libéralisme contemporain ?

    Les promesses du « travail indépendant » (l’« ubérisation » de la société) sont de leur côté trompeuses, car la précarité y est la règle plus encore que dans le salariat. Dans le monde post-industriel, qui privilégie les connaissances plus que les machines, chacun se voit convié à « devenir sa propre entreprise » (à être « entrepreneur de soi-même ») pour valoriser ses « actifs incorporels », quitte pour les anciens salariés à devenir des travailleurs multitâches, courant d’une activité à l’autre, cherchant de nouveaux clients tout en s’improvisant juristes ou comptables. L’ubérisation n’est alors qu’un nouveau nom de la parcellisation et de l’atomisation du travail. La précarité devient la règle, car les résultats recherchés se situent sur un horizon de temps de plus en plus court. Plus que jamais, on perd sa vie en tentant de la gagner.
    « Sous couvert de « flexibilité » on recherche des hommes taillables et corvéables à merci, qui doivent sans cesse s’adapter aux exigences d’une économie dont on estime qu’ils doivent être les serviteurs, sinon les esclaves. La généralisation de la précarité, c’est l’avènement de l’homme substituable, interchangeable, flexible, mobile, jetable. C’est l’entière réduction de la personne à sa force de travail, c’est-à-dire à cette part de lui-même qui peut être traitée comme une marchandise. C’est la soumission à l’impératif de rendement, la vente de soi s’étendant à tous les aspects de l’existence.

    Sur l’ensemble du dossier présenté par votre revue, je vous trouve terriblement marxiste — « le facteur économique est bien déterminant en dernière instance ». Peut-on cependant tisser un lien entre la réalité économique à laquelle on est en train de convertir l’ensemble de l’économie mondialisée, et l’homo festivus inventé par Philippe Muray ? Ou si vous préférez, dans quelle mesure l’ubérisation tous azimuts se conforte-t-elle de la société du spectacle — et vice versa ?

    Pas du tout marxiste, mais marxien pourquoi pas ! Deux cents ans après sa naissance, il serait peut-être temps de lire Marx en étant capable de faire le tri entre les nombreuses facettes de sa pensée – en oubliant les « marxismes » et les « antimarxismes » qui n’ont fait qu’accumuler les contresens sur son œuvre. La philosophie de l’histoire de Marx est assez faible, mais il n’y a pas besoin d’être marxiste pour constater, avec lui, que notre époque est tout entière plongée dans les « eaux glacées du calcul égoïste ». Marx est à la fois l’héritier d’Aristote et celui de Hegel. Il a tort de ramener toute l’histoire humaine aux lutte de classes, mais il décrit à merveille celles de son temps. Ce qu’il écrit sur le fétichisme de la marchandise, sur la « réification » des rapports sociaux, sur l’essence de la logique du Capital (sa propension à l’illimitation, au « toujours plus », qui n’est pas sans évoquer le Gestell heideggérien), sur la théorie de la valeur, va très au-delà de ce qu’on a généralement retenu chez lui.

    « L’homo festivus dont parlait le cher Philippe Muray est en effet comme un poisson dans l’eau dans l’économie libérale aujourd’hui déployée à l’échelle mondiale. L’homo festivus ne cherche pas seulement à faire la fête tout en aspirant à se vider le crâne (il ne faut pas se prendre la tête !) grâce aux mille formes de distraction contemporaine, au sens pascalien du terme. Il est aussi celui qui a remplacé le désir de révolution par la révolution du désir, et qui pense que les pouvoirs publics doivent faire droit, y compris institutionnellement, à toute forme de désir, car c’est en manifestant ses désirs, quels qu’ils soient, que l’homme manifeste pleinement sa nature.

    « Cela s’accorde parfaitement à l’idéologie libérale, qui conçoit l’homme comme un être présocial, cherchant à maximiser en permanence son seul intérêt personnel et privé. Comme l’a si bien montré Jean-Claude Michéa, c’est parce que le libéralisme économique et le libéralisme « sociétal » (ou libertaire) sont issus du même socle anthropologique qu’ils ne peuvent à un moment donné que se rejoindre. La société du spectacle, où le vrai n’est plus qu’un moment du faux et où l’être s’efface totalement derrière le paraître, est le cadre idéal de cette rencontre. C’est la société de l’aliénation volontaire, qui croit que les rapports sociaux peuvent être régulés seulement par le contrat juridique et l’échange marchand, mais qui ne débouche que sur la guerre de tous contre tous, c’est-à-dire sur le chaos.

    Vous notez qu’Emmanuel Macron est le chantre de cette ubérisation généralisée. Mais comment diable l’a-t-on élu ? Par un malentendu ? Grâce à l’écran de fumée médiatique ? Par un désir profond d’en arriver à un salaire universel garanti (le seul candidat qui le proposait était Benoît Hamon : un hasard ?) qui permettrait de vivoter dans la précarité sans plus poser de problème à un capitalisme financiarisé qui pourrait alors s’épanouir ? Mais alors, qui achètera les merveilleux produits fabriqués demain par les quelques travailleurs encore en exercice et une noria de machines « intelligentes » ? Bref, l’ubérisation serait-elle le premier pas vers la fin du libéralisme — l’ultime contradiction interne du système ?

    Dans une démocratie devenue elle aussi liquide, Macron a su instrumentaliser à son profit l’épuisement du clivage droite-gauche et l’aspiration au « dégagisme » d’un électorat qui ne supportait plus la vieille classe politique. Il a également compris que l’alternance des deux anciens grands partis de gouvernement ne mettait plus en présence que des différences cosmétiques, et que l’heure était venue de les réunir en un seul. C’est ce qui lui a permis de l’emporter avec au premier tour moins d’un quart des suffrages exprimés.

    « Macron est avant tout un contre-populiste au tempérament autoritaire et à l’ego hypertrophié. Il reprend à son compte le clivage « conservateurs » contre « progressistes », mais c’est pour choisir la seconde branche de l’alternative : réunir les partisans de l’« ouverture » (en clair : les élites libérales de tous bords) contre les tenants de la « fermeture » (en clair : ceux qui s’opposent, instinctivement ou intellectuellement, à l’idéologie dominante). Contre ceux « d’en bas », il est le représentant de la Caste « d’en haut ». On voit bien aujourd’hui qu’il ne supporte pas qu’on lui résiste, qu’il n’aime pas les corps intermédiaires, qu’il est insensible aux aspirations populaires, qu’il n’a rien à dire à la France qui va mal. A un moment où les classes moyennes, menacées de déclassement et de paupérisation, sont en train de rejoindre les classes populaires, il démontre ainsi son intention de construire une « start up nation », en parfaite conformité avec une religion économique qui exige l’absorption du politique par la gouvernance. Cela augure plutôt mal de l’avenir. »  •

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    « La revue Eléments mérite vraiment qu’on en parle. Mieux, elle mérite d’être lue, partagée, et relue. Collectionnée peut-être. Alain de Benoist, le philosophe anarchiste, bon bougre et mauvais coucheur, qui veille sur sa destinée et y produit tous les deux mois des éditos vengeurs et des articles ravageurs (et vice versa), a bien voulu répondre à quelques questions à peine orientées, suscitées par le solide dossier du dernier numéro sur l’ubérisation à marches forcées à laquelle on soumet aujourd’hui la société française mondialisée, et qui nous prépare de jolis lendemains qui chanteront faux. » Jean-Paul Brighelli.

    Eléments  -  Alain de Benoist,

    Bonnet d'âne - Causeur

  • Guerre des monnaies ? • Le dollar face à la ruée vers l’or en Allemagne et au yuan-or chinois en Arabie Séoudite

     

    Par Marc Rousset

     

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    Selon une étude du World Gold Council publiée début octobre et intitulée « La décennie dorée de l’Allemagne », la demande d’or privée allemande a atteint un record de 190 tonnes : 110 tonnes physiques en pièces et barres et l’équivalent de 80 tonnes en titres indexés sur l’or, pour une valeur de 6,8 milliards d’euros. Si les Français continuent de rêver malgré la sévère mise en garde de la crise de 2008, les Allemands, non ! Hormis la Suisse, les Allemands, avec 1,5 gramme par habitant, sont les plus gros acheteurs d’or d’Europe. Ils font mieux que les Turcs avec 0,9 gramme, les Chinois avec 0,6 gramme ou même les Indiens (0,5 gramme) et la France, (0,1 gramme seulement).

    L’Allemagne a été marquée par l’hyperinflation hallucinante de 1923 et par huit monnaies différentes durant les cent dernières années. Les Allemands sont conscients de l’instabilité financière et des effets d’érosion sur les richesses qui menacent le monde. Les taux bas et négatifs inquiètent suffisamment les Allemands pour que 57 % d’entre eux investissent dans l’or afin de protéger leur patrimoine. La bataille de l’or légitime contre le dollar illégitime comme étalon mondial est, en fait, une lutte économique et géopolitique (Chine, Russie, Iran, Venezuela) sans merci tous azimuts au niveau de la planète, et ce qui se passe en Allemagne est un avertissement sérieux de plus parmi d’autres à l’encontre de l’impérialisme non justifié du dollar.

    Dans une interview accordée au média américain CNBC le 11 octobre, l’économiste Carl B. Weinberg a estimé que Pékin pourrait bientôt acheter l’or noir avec sa propre devise, le yuan, sans devoir passer par le dollar, car la Chine devrait, d’ici un an ou deux, surpasser les États-Unis en tant que premier importateur de pétrole. Si les Saoudiens se décident à accepter le paiement en yuans-or, les autres acteurs du marché du pétrole suivront son exemple. Pékin a toutes les chances de faire pencher la balance en sa faveur avec la carotte supplémentaire de la convertibilité en or du yuan à Hong Kong, Shanghaï ou Londres. 

    Ce serait donc la fin pour l’Amérique, malgré tous ses efforts, de l’accord conclu en 1974 entre le président américain Richard Nixon et le roi Fayçal d’Arabie pour que Riyad libelle ses ventes de pétrole en dollars, d’où les pétrodollars et l’origine même de la suprématie du dollar dans le monde. Les tentatives de Trump pour remettre en cause l’accord conclu avec Téhéran sur la non-détention d’armes nucléaires ne sont pas faites seulement pour satisfaire Israël, qui tient à rester la seule puissance détentrice de l’arme nucléaire au Moyen-Orient, mais aussi et surtout pour plaire à l’Arabie saoudite, qui voit dans l’Iran chiite et perse un dangereux, vaste et puissant ennemi héréditaire de l’autre côté du golfe Persique, afin de la dissuader de coter son pétrole en yuans. 

    La Russie et la Chine, de leur côté, feront tout pour toucher au cœur la puissance financière de l’Amérique en n’utilisant plus le dollar pour le commerce du pétrole.

    Le système financier mondial basé sur le dollar-étalon aux pieds d’argile, l’hyper-endettement, la folle création monétaire et la domination de Wall Street constituent, en fait, face au monde et à l’or, une gigantesque bombe à retardement qui explosera inéluctablement. Le seul problème, c’est que personne ne connaît la date et l’heure à laquelle la bombe a été réglée.  

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    Économiste
    Ancien haut dirigeant d'entreprise
  • Le macronisme est-il un européisme béat ?

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    Par  Mathieu Bock-Côté

    Après qu'Emmanuel Macron a annoncé qu'il comptait reconnaître le drapeau et l'hymne européen, Mathieu Bock-Côté démontre ici que les aspirations européennes du chef de l'Etat sont à contre-courant de celles du peuple français [Figarovox 12.10]. Il a raison !

     

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    De bien des manières, et à plusieurs reprises, Emmanuel Macron l'a fait comprendre, la construction européenne est pour lui l'horizon indépassable de la France. Toujours, elle doit aller de l'avant. 

    La France ne peut qu'y participer avec enthousiasme ou déchoir dans un souverainisme que l'on décrète inévitablement étroit et poussant la nation au repli identitaire.

    L'imaginaire macronien reprend les catégories fondamentales du progressisme contemporain.

    Il y a l'ouverture et la fermeture, et conséquemment, les ouverts et les fermés.

    Il y a l'élan vers le monde et le repli sur soi. Il y a les citoyens du monde et les nationalistes tribaux.

    Il y a les forces de l'avenir et celles du passé.

    Il y a l'avant-garde d'un monde nouveau et le bois mort de la vieille humanité enracinée.

    Il y a les gens bien et ceux qui ne le sont pas ou le sont moins.

    Emmanuel Macron a l'ardeur conquérante des nouvelles élites mondialisées qui ne veulent plus s'encombrer de la ringardise patriotique.

    C'est assurément dans cet esprit qu'il s'est engagé à reconnaître le drapeau et l'hymne européens, pour marquer une fois pour toutes l'adhésion de la France à un projet devant lequel les Français ont pourtant témoigné de grandes réserves.

    C'est sa manière de répondre à ceux qui croyaient pour congédier ce symbole qu'ils jugent inapproprié au cœur des institutions nationales. C'est une nouvelle étape dans l'européanisation mentale et culturelle des élites françaises, pour qui la construction européenne relève du sens de l'histoire.

    On ne doit plus voir l'Union européenne comme un cadre dont on peut s'extraire ou s'éloigner, selon les préférences populaires et l'intérêt national. Emmanuel Macron ne cesse de brandir son idéal européen, presque de manière incandescente.

    Un mauvais esprit pourrait faire remarquer au Président de la république que lorsque la France voit dans l'Europe une occasion de sortir d'elle-même, comme si elle voulait se délivrer du fardeau de la souveraineté, l'Allemagne y voit l'occasion de s'imposer aux autres.

    Certes, il y a quelque chose de grotesque, pour ne pas dire de loufoque dans la manière dont cette controverse est en train de tourner. La déclaration de guerre de la France insoumise contre le drapeau européen est justifiée au nom d'un anticatholicisme aussi maladif qu'anachronique.

    C'est un peu comme si la France insoumise devait maquiller un souverainisme qu'elle juge déshonorant, parce que suspect de nationalisme, alors que la lutte contre la religion catholique apparaît toujours de rigueur. La gauche radicale semble n'en avoir jamais fini dans sa volonté d'arracher les racines chrétiennes de la France. On y verra à bon droit une névrose, ou du moins, la résurgence d'un détestable folklore.

    On trouve à la France insoumise un laïcisme ultra qui se trompe d'époque qui se conjugue avec le multiculturalisme agressif de ceux qui prétendent décoloniser la France en la dénationalisant. La gauche radicale ne sait jamais quoi faire de la nation, sinon la combattre ou la redéfinir comme une pure abstraction révolutionnaire.

    Il n'en demeure pas moins que l'initiative d'Emmanuel Macron fait problème dans un pays qui a voté contre la constitution européenne en 2005 et qui tient plus que ses élites à l'identité et l'indépendance nationales. À tout le moins, dans l'esprit du commun des mortels, on ne saurait placer sur le même pied le drapeau français et celui de l'Union européenne.

    Au nom du premier, des générations d'hommes ont accepté de sacrifier leur vie. Il touche aux plis les plus intimes de l'être et réfère à la part sacrée de la patrie. On ne saurait en dire autant du second qui demeure essentiellement un symbole technocratique qui ne touche ni le cœur ni l'âme. Rappeler cette simple vérité ne devrait pas choquer.

    À la rigueur, on peut souhaiter qu'un jour, le drapeau européen prenne la place des drapeaux nationaux dans la conscience collective des peuples d'Europe. Ce n'est pas encore le cas. Le sentiment national n'est pas encore aplati.

    Mais dans tout ce débat, un gros mot est sorti : qui ne s'enthousiasme pas pour l'initiative d'Emmanuel Macron est désormais suspect d'europhobie. C'est même pour lutter contre cette dernière qu'il faudrait s'y rallier. Il suffit d'inscrire une cause dans le cadre des grandes luttes contre les phobies pour d'un coup l'anoblir.

    On voit encore ici à quel point l'évolution du vocabulaire est symptomatique d'une mutation des codes de la respectabilité politique. Peu à peu, l'opposition à la fédéralisation discrète ou revendiquée de l'Europe devient non seulement illégitime mais impensable autrement que sur le registre de la pathologie.

    En trente ans, l'eurosceptique est devenu europhobe. Il a cherché à se définir positivement en se réclamant pour un temps du souverainisme, mais ce terme ne s'est jamais départi d'un parfum quelque peu exotique, comme s'il n'avait pas su faire sa place ailleurs que dans les marges politiques. Lui aussi aujourd'hui est disqualifié.

    La nation fondait autrefois le lien politique : on lui accorde maintenant une connotation retardataire, et même réactionnaire. La construction européenne est certainement un idéal légitime, mais elle ne saurait avoir le monopole de la légitimité.

    Cette controverse, toutefois, n'est pas sans quelques vertus. Elle rappelle que le macronisme n'est pas qu'un pragmatisme libéral appelé à mener en France les nombreuses réformes jugées nécessaires à sa modernisation, pour reprendre le vocabulaire d'usage. Il s'agit aussi, et peut-être surtout, d'un progressisme militant qui voit dans le dépassement de la nation un devoir d'époque et une mission presque sacrée.

    Quand Emmanuel Macron souhaite voir la souveraineté européenne transcender, puis se substituer à la souveraineté nationale, il propose une rupture radicale qu'il croit porter au nom de sa conception héroïque de la politique.

    À la différence de certains de ses prédécesseurs, il avance à visière levée et force ses adversaires à préciser leur propre philosophie politique. Il butera néanmoins sur cette réalité : il n'existe pas de peuple européen au singulier, mais des peuples européens, qui ne veulent pas se dissoudre dans un fantasme désincarné et indifférencié.

    Ce en quoi on est en droit de penser qu'après la « séquence sociale » du début du quinquennat, la question nationale, d'une manière ou d'une autre, sera au cœur des prochaines années politiques.

    Reste à voir comment la droite républicaine assumera ce clivage, elle qui peine pour l'instant à se positionner par rapport à un président si singulier.   

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Antonin Bernanos, antifa : il y a des descendants qui sont des chutes vertigineuses !

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    Par Christian Vanneste

     

    3c2f2a5cf43968ace421d765cf78a765.jpegLe 18 mai 2016, alors que les policiers manifestaient contre les violences dont ils sont victimes lors des manifestations, ceux qui sont à l’origine de ces agressions, les « antifas », attaquaient une voiture de police le long du canal Saint-Martin, quai de Valmy. Les images sont encore dans tous les esprits. Des énergumènes harcelaient des policiers, boxaient l’un d’entre eux puis le frappaient avec une barre de fer, avant d’incendier la voiture de police, par ailleurs cassée de partout. Après seize mois, la XVIe chambre a énoncé son verdict.

    Antonin Bernanos attire l’attention. Il est l’arrière-petit-fils de Georges Bernanos, ce grand écrivain chrétien, cette belle âme éprise de liberté que, malgré son gaullisme, le Général n’était pas parvenu à attacher à son char. Combattant courageux et blessé lors de la Grande Guerre, d’abord proche de l’Action française, puis adversaire du fascisme, Bernanos était certes un rebelle, mais sa rébellion, était morale plus que politique. C’était celle d’un écrivain, à la fois profond dans sa réflexion et talentueux imprécateur des péchés de notre monde. C’est avec consternation que l’on voit aujourd’hui son nom mêlé aux jeux débiles et violents de soixante-huitards attardés. Il y a des descendants qui sont des chutes vertigineuses.

    Antonin Bernanos est à la fois la vedette de ce procès et un symbole qui mérite qu’on s’y attarde. Il a été identifié par un membre de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris dont le témoignage corrobore les images de l’agression. Sa défense consiste à nier sa participation aux faits. Il était là avant et après, à visage découvert, mais ce n’est pas lui qui a boxé le policier assis à son volant, ni brisé la lunette arrière du véhicule, même si ses vêtements et sous-vêtements (visibles) et ses bagues étaient semblables à ceux de l’agresseur masqué. Il en est à sa douzième poursuite pénale. Les onze autres ont été conclues par des relaxes ou des classements sans suite. Allez savoir si ce succès judiciaire est dû à un acharnement infondé de la police ou à une mansuétude particulière envers un étudiant au style très correct et qui parle aux magistrats « d’égal à égal » ! Le comble serait, en effet, que ce « révolutionnaire » sans cause ait été, jusqu’à présent, la preuve vivante d’une justice de classe… 

    Malgré sa condamnation à cinq ans, dont trois avec sursis, il a été laissé en liberté. Le « pauvre » avait déjà effectué dix mois de détention préventive, et compte tenu de sa peine, il aurait été libéré dans deux mois. Lourdes peines, dites-vous ? Ses parents crient au scandale en dénonçant « l’acharnement du pouvoir politique », un « verdict lourd et injuste » et justifient « un jeune militant qui lutte contre la violence de l’État ». Dans cette atmosphère très parisienne, on n’est pas loin de croire entendre un délire « bobo » gauchiste, complètement déconnecté de la réalité. Car si l’on peut critiquer légitimement notre société, et même considérer la démocratie comme une illusion, le changement ne risque pas d’être engendré par la violence, et encore moins par des échauffourées sporadiques avec des fonctionnaires de police qui ne font que leur travail. 

    Deux aspects préoccupants se dégagent de cette affaire. Il y a d’abord une certaine perversité de l’intéressé qui soigne ses deux visages opposés. Docteur Antonin possède chez lui l’attirail du casseur de rue : masque à gaz, casque et poing américain. Mais Mister Bernanos est posé, calme, s’exprime aisément et déclare ainsi devant le tribunal : « pas de jugement moral » sur les événements.

    Ensuite, on ne peut qu’être atterré par le gâchis que représente cet individu. C’est d’abord l’aberration d’une Éducation nationale qui conduit de jeunes étudiants intelligents à s’enliser dans une pensée sans issue qui leur fait atteindre le sommet… de la stupidité. Au lieu d’ouvrir les esprits, comment l’université peut-elle enfermer une intelligence dans la vision étriquée d’un groupuscule ?  

    Homme politique
  • Lafautearousseau : les inconvénients de la nécessaire maintenance ...

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    Nous avons eu quelques difficultés pour assurer la parution de Lafautearousseau,  avant-hier samedi, hier dimanche et encore ce lundi.

    Les problèmes de  travail sont notre affaire ; mais cela se répercute un peu sur nos publications : photos manquantes, textes escamotés, impossibilité d'envoi aux abonnés de la Lettre de Lafautearousseau du matin. Etc. De longues périodes sans aucun accès aux commandes n'ont pas simplifié les choses, par surcroît. 

    En bref, les travaux de maintenance informatique sont nécessaires mais ils produisent quelques inconvénients qu'il faut bien supporter. Merci, chers lecteurs, de votre compréhension.  

    Lafautearousseau