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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Rémi Brague au Figaro : « Non, la parabole du bon Samaritain ne s'applique pas aux États ! »

     

    Cet entretien - réalisé par Eugénie Bastié - que Rémi Brague a donné au Figaro magazine a été mis en ligne le 1er septembre. Il prolonge utilement l'article de François Marcilhac qui précède et qui le cite, d'ailleurs. Nous-mêmes avions marqué notre désaccord avec les positions du pape François, dès le 23 août [Cf. Lien ci-dessous]. Un commentaire reçu sur Lafautearousseau devait dire simplement « Le pape empiète ». Oui, sur les prérogatives, droits et devoirs des Etats et même des citoyens en tant qu'ils participent d'une communauté, notamment nationale. Cet empiétement n'oblige personne.  Lafautearousseau.    

     

    XVMfb7f902c-8c11-11e7-b660-ef712dd9935a.jpgLe pape François milite pour un accueil massif de migrants, affirmant qu'il faut « faire passer la sécurité personnelle [des migrants] avant la sécurité nationale », et appelant à un accueil beaucoup plus large des migrants. Que vous inspirent ces propos ?

    « Accueillir » est un mot bien vague. Il dissimule mille difficultés très concrètes. Sauver des naufragés de la noyade est bien, mais ce n'est qu'un début. Encore faut-il se demander ce qui les a poussés à s'embarquer. Là-dessus, le pape dit beaucoup de choses sensées, par exemple que l'Occident a contribué à déstabiliser le Moyen-Orient. Ou que les migrants voient l'Europe comme un paradis qu'elle n'est pas. Ou que les passeurs qui leur font miroiter l'Eldorado s'enrichissent sur leur dos, etc. Il y a aussi des problèmes très pratiques: les nouveaux venus peuvent-ils être assimilés ? Ou au moins intégrés sans créer des ghettos où ils vivraient selon d'autres lois que celles des pays d'accueil ? Un exemple, qui m'a été donné récemment par une amie allemande qui s'occupe de former les immigrés et de leur trouver du travail : ceux qui ont été scolarisés dans leur pays parlent assez vite nos langues. Les autres ont du mal à fixer leur attention et ne comprennent pas l'intérêt d'apprendre. Ne seront-ils pas presque forcés de se replier sur leur communauté d'origine ? À l'extrême opposé, s'il s'agit d'importer des personnes qualifiées, médecins, ingénieurs, etc., avons-nous le droit de priver leur pays d'origine de compétences précieuses qui leur permettraient de se développer, ce qui, de plus, diminuerait l'envie d'émigrer ?

    La sécurité personnelle prime effectivement toutes les autres considérations. La garantir est le premier devoir de l'État. Mais cette sécurité concerne aussi bien les migrants que les populations déjà là. L'État a le devoir de faire en sorte que le respect soit réciproque. Il doit par exemple empêcher que les migrants se conduisent, comme on dit, « comme en pays conquis », qu'ils importent en Europe les conflits qui les opposaient entre eux. La sécurité nationale et celle des personnes, loin de s'opposer, vont ensemble ; la première est même la condition de la seconde.

    Est-ce qu'il vous semble que le pape François est en rupture avec ses prédécesseurs, notamment Benoît XVI ?

    Du temps de Benoît XVI, le problème ne se posait pas encore avec une telle acuité, et je ne sais pas s'il aurait jugé bon de se prononcer, encore moins ce qu'il aurait dit. D'une manière générale, la différence de formation et de style est suffisamment criante. Ce qu'il en est du fond est une autre histoire.

    Avez-vous le sentiment que le pape ne comprend pas l'angoisse identitaire des Européens ?

    Ce qui est sûr, c'est qu'il a une sensibilité de Latino-Américain, ce qui ne l'aide guère à comprendre les Européens. Dans son Argentine natale, l'immigration concernait avant tout des Italiens, à la religion identique et à la langue proche de celle des Espagnols qui étaient déjà là. Dans le cas qui nous occupe ici, c'est tout le contraire.

    Face à l'immigration, les catholiques sont souvent pris dans un dilemme entre l'exigence de charité et l'attachement à l'État-nation. Comment articuler l'universalisme chrétien et l'existence de frontières? L'État-nation a-t-il une justification théologique ?

    Est-il besoin de mobiliser la grosse artillerie théologique pour parler de toutes ces choses ? La philosophie n'y suffit-elle pas ? Ou même le simple bon sens ? L'État-nation est une forme de vie politique parmi d'autres dans l'histoire comme la tribu, la cité ou l'empire. Elle n'a pas les promesses de la vie éternelle, mais elle est la nôtre depuis la fin du Moyen Age, elle a fait ses preuves et je vois mal les autres ressusciter. Les frontières sont une bonne chose. Je ne puis vivre en paix avec mon voisin que si je sais où s'arrête mon jardin et où commence le sien. Cela dit, elles ne séparent que des entités politiques et juridiques. Elles n'arrêtent rien de ce qui relève de l'esprit et qui est « d'un autre ordre » : langue, culture, science, religion. L'universalisme, à savoir l'idée que tout homme, en deçà des différences de sexe, de statut social et de religion, est « mon prochain » et possède donc une valeur intrinsèque, est en effet une idée esquissée dans le stoïcisme et épanouie dans le christianisme. Elle ne va nullement de soi. Ainsi, au XIIe siècle, Maïmonide dit encore que porter secours à un païen qui se noie est interdit.

    Faut-il appliquer ici la parabole du « bon Samaritain » ?

    Il ne faut pas lire les paraboles naïvement. Elles ne nous disent pas ce que nous devrions faire, mais ce que Dieu fait pour nous. Dieu y est représenté sous la figure d'un roi, d'un père, d'un propriétaire, etc. Elles s'adressent à chacun de nous, personnellement. La question à poser est : quel personnage me représente, moi ? Quelle est ma place dans cette histoire ? Sans quoi, nous lisons bêtement des textes très subtils, et n'y voyons que du feu. Exemple : celle où le maître de la vigne verse le même salaire à ceux qui ont trimé toute la journée sous le soleil brûlant et aux derniers venus. Si nous regardons cette histoire du dehors, nous allons crier à l'injustice. Sans voir qu'elle est justement faite pour nous choquer et forcer à réfléchir. Et nous faire comprendre que les ouvriers de la onzième heure, mais c'est nous ! Par exemple nous, chrétiens, qui avons bénéficié de la grâce de l'Évangile sans la mériter, alors que le peuple de la Bible a dû subir les Égyptiens, les Amalécites, les Philistins, les Assyriens, etc. Ceux-ci lui ont infligé des massacres bien réels, alors que ceux qu'Israël aurait perpétrés sur les Cananéens sont de pure imagination. Dans la parabole du bon Samaritain, nous ne sommes pas le Samaritain. Présenter celui-ci comme le héros positif, comme le sauveteur, voire comme le sauveur, c'était une audace fantastique en milieu juif où l'on haïssait les Samaritains comme des impurs. S'imaginer que nous pourrions nous identifier au Samaritain et donc jouer le rôle de Dieu, c'est quand même un peu culotté ! En fait, nous sommes le blessé laissé pour mort. Dieu est descendu nous ramasser alors que nous étions en piteux état.

    Cette parabole doit-elle s'appliquer aux États ?

    Une parabole s'adresse à « moi ». Elle m'invite à réfléchir sur ma propre personne singulière, ce qu'elle est, ce qu'elle doit faire. Un État n'est pas une personne. Or, il y a des choses qui ne sont à la portée que des seules personnes. Par exemple, pardonner les offenses. Un État non seulement n'a pas la capacité de le faire, mais il n'en a pas le droit. Il a au contraire le devoir de punir et de ne laisser courir aucun coupable. En l'occurrence, c'est aux personnes, regroupées en associations, de s'occuper des malheureux. L'État doit se borner à donner un cadre juridique qui protège leurs initiatives. Cela peut aller jusqu'à les limiter si une présence trop nombreuse et mal préparée de nouveaux venus met en danger le pays d'accueil.   

    Rémi Brague est un philosophe français, spécialiste de la philosophie médiévale, arabe et juive. Membre de l'Institut de France, il est professeur émérite de l'université Panthéon-Sorbonne. Auteur de nombreux ouvrages, notamment Europe, la voie romaine (Editions Criterion, 1992, réédition NRF, 1999), il a récemment publié Le Règne de l'homme. Genèse et échec du projet moderne (Gallimard, 2015) et Où va l'histoire? Entretiens avec Giulio Brotti  (Salvator, 2016).

  • J’AI VU « VAINCRE OU MOURIR, par P.P. Blancher (Groupe d'action royaliste)

    Enfin un film sur les Guerres de Vendée, pourrions-nous dire. Un film français qui met en exergue des héros de notre histoire, ce n’est pas vraiment ce qui court les salles obscures du monde cinématographique « français » républicain. On se souvient du film de Luc Besson traitant d’une grande héroïne de notre histoire, et pas des moindres, puisqu’il s’agissait de notre très Sainte Jeanne d’Arc. Ce film, qui date déjà de 1999, est un véritable navet grotesque qui s’acharne à faire ce que les Anglais n’avaient su faire à cette époque, à savoir, rendre folle notre Sainte héroïne. Héroïne incarnée par l’hystérique Milla Jovovitch. Bref ! Une vraie bouse insultant notre histoire et notre religion, mais qu’attendre de plus de la part d’un anti-français comme Besson ?

    Avec « Vaincre ou mourir » c’est doublement surprenant. Car, non seulement il s’agit d’un film retraçant d’une manière assez fidèle, les péripéties d’un de nos grands héros de notre histoire, mais qui plus est, un héros en lutte contre les forces révolutionnaires, et donc par extension, contre la république ! Double crime au regard du monde moderne républicain, américanisé et wokiste !

    Sortie le 25 janvier, ce film a déjà fait l’objet de quelques critiques dans les colonnes (infernales) du « journal » Libération. C’est une certaine Elisabeth Franck-Dumas, journaliste de ce torchon, qui nous a fait part de son incroyable maîtrise de la bêtise et de l’ignorance. Les républicains de Libération sont exaspérés par l’existence même de ce film, qui représente à leurs yeux tout ce qu’ils détestent le plus au monde : la France ! En tant que royaliste, il était donc tout naturel pour ma part que j’aille voir ce film qui suscite autant de dégoût chez l’anti-France, mais surtout parce qu’il s’agit du général Charette.

    « Vaincre ou mourir » est la première production de « Puy du Fou Films » avec pour réalisateurs Paul Mignot et Vincent Mottez (Vinsorus) pour ceux qui ont connu… On comprend déjà mieux l’origine de l’existence même de ce film. Le parc du Puy du Fou qui est déjà à lui seul une véritable vitrine à la gloire de notre histoire mais aussi, en partie, de la contre-révolution ! Après le parc, voici qu’arrive maintenant un film ! De quoi donner la jaunisse à nos chers républicains…

    Au premier abord, la présence de quelques acteurs m’avait un peu gêné, entre autres, l’acteur Jean-Hugues Anglade qui n’est pas vraiment réputé pour son côté patriote ! C’est peut-être pour cela d’ailleurs qu’ils l’ont cantonné à jouer le rôle du conventionnel Albert Ruelle (1754-1805) chargé de diriger la lutte contre les Vendéens.

    Néanmoins, je paie mon billet comme tout le monde et m’installe sur un strapontin du cinéma. Le film commence par une intervention de l’historien Reynald Secher. Oui ! Celui qui, de par ses travaux, a mis en évidence le fait que ce qui s’était passé en Vendée durant la révolution, relevait du génocide ! Ça commence bien ! Je comprends mieux pourquoi cette chère Elisabeth Franck-Dumas s’est sentie dans l’obligation de nous pondre une incroyable analyse digne d’une télé-réalité.

    Sans vouloir divulguer le contenu du film, par respect pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, voici quelles sont mes impressions. Certes, c’est un film qui dispose malheureusement de beaucoup moins de moyens que le « Jeanne d’Arc » de Besson. Cela se ressent quelque peu, mais dans l’ensemble, c’est une jouissance ! Voir un film au cinéma, avec des drapeaux « Pour Dieu et le Roi », entendre Charette dire à ses hommes, tous flanqués d’un sacré-coeur : « Nous sommes le dernier rempart d’un royaume de mille ans » chose qui caractérise toujours les Royalistes d’aujourd’hui. Voir enfin, le vrai visage des armées républicaines de cette époque, leur férocité dans le carnage et leur fanatisme ! Ça change des récits imaginaires de l’Éducation dite « Nationale » sur ce sujet.

    Dans ce film, les répliques du général Charette sont assez percutantes, même si l’acteur a tendance à s’exprimer sur un ton uniforme. Dommage quand même de lui avoir fait dire que nous étions la jeunesse du « monde » ! Dans la citation d’origine, il dit à ses hommes que nous sommes la jeunesse de Dieu, et pas celle du monde, ce qui religieusement fait toute la différence ! Jean-Hugues Anglade tient la route dans son rôle, les autres acteurs aussi. Les scènes de combat sont assez bien réalisées dans l’ensemble.

    Bref ! C’est un film qu’il faut impérativement aller voir, ne serait-ce pour s’abreuver du courage et du sacrifice consenti de la part de tous ces combattants contre-révolutionnaires. Cela fait du bien de voir un film qui fait la part belle au panache français et au sens de l’honneur, dans un monde qui est l’aboutissement des idéaux révolutionnaires. Un grand merci à toute l’équipe du Puy du Fou pour tout ce travail. Espérons que « Vaincre ou mourir » n’est que le premier d’une longue série à la gloire de notre histoire et de nos glorieux ancêtres.

    Plus que jamais, aujourd’hui comme en 1793, pour Dieu, la France et le Roi !

    P-P Blancher

  • CULTURE & HISTOIRE • Le Puy du Fou, des racines et des rêves, saga ...

     

    Nous avons aimé cet excellent reportage de Valeurs Actuelles sur le Puy du Fou. Plus qu'un reportage en vérité. Il s'agit, ici, de rendre un compte exact de l'esprit, de l'âme, de ce lieu unique. En piste pour l'aventure ... Il faut y aller !   

     

    Malheur à celui qui, devant Philippe de Villiers, parle de "parc d'attractions" à propos de "son" Puy du Fou. L'oeil tournoie comme celui de ces rapaces que l'on aperçoit, au loin, survoler les spectateurs pétrifiés du "Bal des oiseaux fantômes". Puis il vous fixe, comme prêt à foncer sur sa proie. « Parc d'attractions ? On n'est pas chez Mickey Mouse ! » Ici, pas dé manèges mais des « spectacles vivants ». Et surtout, insiste-t-il, « une âme ». Ce mot lui plaît. Il y revient : « Nous sommes des donneurs d'âme. » C'est, selon lui, au-delà des performances techniques inouïes qui ont valu au Puy du Fou d'être consacré à deux reprises meilleur parc du monde, ce qui explique, dans ses profondeurs, l'extraordinaire succès de ce qui n'était, il y a trente ans, qu'un banc de terre abandonné faisant face à un château en ruine du XVIe siècle devant lequel Villiers, alors âgé de 28 ans, avait un jour garé sa 4L. Puis s'était mis à rêver...

    Ses près de 2 millions de visiteurs annuels (le deuxième parc français en termes de fréquentation après Disneyland Paris), le Puy du Fou les doit en effet aussi, et peut-être d'abord, à cet amour glorifié de la France éternelle que l'on n'apprend plus dans les livres d'histoire et qui, ici, est entré fièrement et joyeusement en résistance contre les fausses idoles, les dérives et les effacements volontaires de ce temps. « Nous sommes le "Malet et Isaac" en lutte contre les déconstructions, scolaire et autres, explique son fondateur, un verre de pastis à la main, avant de passer à table. Le Puy du Fou, c'est le parc de l'enracinement. La mondialisation sauvage déracine les peuples, mais il y a une chose que l'on ne peut pas déraciner, c'est justement notre besoin vital d'enracinement. Sans racines, pas de sève, donc pas de vie. Et sans passé, pas d'avenir. » Peu lui chaut, comme on disait autrefois, l'hostilité furieuse des "pseudo-modernes", dénonçant dans les 50 hectares du parc, comme le fait le Monde diplomatique, « une vision passéiste et une mémoire qui est loin d'être innocente ». Villiers assume. En bloc. « En venant ici, dit-il, les Français viennent retrouver la grandeur perdue de la France.» Manière de résumer, en une phrase, sa vision de l'histoire et celle du présent...

    C'est d'abord la Vendée, son peuple et sa mémoire sacrifiée que le Puy du Fou a voulu célébrer.

    Avant même les spectacles consacrés aux Gaulois fondateurs, à Jeanne d'Arc boutant les Anglais, aux mousquetaires de Richelieu ou aux poilus de 1914-1918 ; avant, aussi, de rendre hommage, dans leurs villages dédiés du parc, à cette France du rude Moyen Âge, de l'éblouissant XVIIIe et du nostalgique XIXe, c'est d'abord la Vendée, son peuple et sa mémoire sacrifiée que le Puy du Fou a voulu célébrer.

    Dans sa Lettre ouverte aux coupeurs de têtes (Albin Michel, 1989), Villiers, fils d'un Lorrain et d'une Catalane, tombé amoureux de cette terre et de son histoire, s'en était longuement expliqué : « La Vendée, écrivait-il n'a pas eu droit à des obsèques... Mais à faire silence, on prend un risque : le risque du temps. Pas le temps officiel, très court, celui-là, qui recouvre les exactions, mais le temps officieux, le temps des familles qui découvrent les charniers, le temps des médaillons qui piste les mensonges, le temps qui crie justice et porte plainte devant la mémoire collective, le temps qui recompose les filiations et reconstitue les chemins de traverse de l'histoire chuchotée à la veillée... »

    Pour "Les amoureux de Verdun", les visiteurs deviennent eux-mêmes des poilus. 

    Au commencement de tout, en 1978, fut donc Jacques Maupillier, le paysan vendéen héros de la fameuse "Cinéscénie" (plus de 10 millions de spectateurs depuis sa création !) inventée par Villiers pour conter à travers les siècles, avec la voix de Philippe Noiret, la tumultueuse et glorieuse destinée française. « Son patronyme, explique Villiers, c'est celui de nos coteaux : Mau-léon, Mau regard, Mallièvre, Maulé-vrier... Maupillier, ce n'est pas un métayer, c'est un mythe. Ce n'est pas un état civil, c'est un état d'âme... Jacques Maupillier se réincarne à chaque génération. Il rassemble en lui le père et le fils, les joies et les peines, les rêves et les deuils de la même famille.» 

    C'est sur lui, et les désormais 3 200 figurantsde la "Cinéscénie", presque tous bénévoles, qu'a été bâti ce qui allait devenir l'incroyable saga du Puy du Fou. Onze ans plus tard, en 1989, le Grand Parc ouvre ses portes. Il accueille aujourd'hui dix-sept spectacles, du colossal "Signe du triomphe" dans des arènes gallo-romaines, clôturé par une course de char digne de Ben Hur, , au plus intimiste "Monde imaginaire de La Fontaine", dont les textes sont dits par Lorànt Deutsch et Gérard Depardieu. La saison prochaine verra un retour aux sources vendéennes avec l'ouverture d'une nouvelle attraction (même si Villiers n'aime pas le mot) : "Le dernier panache", consacré à l'épopée du général Charette, le chef-martyr des chouans.  

    Là encore, plus que jamais, c'est l'ancien président du conseil général du département qui est à la manoeuvre. À ses côtés, deux incontournables : son fils Nicolas, qui lui a succédé à la présidence de l'association du Puy du Fou, et son directeur général, Laurent Albert, ex-premier salarié du site. Trois ans, en moyenne, sont nécessaires pour faire aboutir un projet. Pour "Les amoureux de Verdun", le dernier-né, les visiteurs deviennent eux-mêmes des poilus en traversant la plus grande tranchée du monde secouée par les bombardements et en assistant, à côté d'eux, aux assauts plus vrais que nature des soldats reconstitués en images 3D.

    L'esprit qui souffle sur ce petit bout de terre est un drapeau qui claque au vent frais.

    Près d'un siècle et demi d'écart entre le martyre vendéen et la boucherie des tranchées, mais, pour Villiers, une leçon commune à toutes les époques : « Même lorsqu'on marche dans des paysages désespérés et calcinés, il reste l'espérance française. » Il faut, pour le comprendre, l'entendre parler, quelques instants plus tard, comme un enfant émerveillé des centaines de brevets d'innovation déposés par le Puy du Fou, de ses 24 écoles (gratuites) de cavaliers, d'acrobates, de cascadeurs, ou encore de ses projets à l'étranger (Pays-Bas, Russie, Chine...) qui le font s'envoler, chaque semaine, à l'autre bout du monde. L'esprit qui souffle sur ce petit bout de terre générant aujourd'hui un chiffre d'affaires de 70 millions d'euros par an (entièrement réinvestis) n'a rien de la molle bannière en berne ou du triste chant du cygne décrit par certains ; c'est un drapeau qui claque au vent frais, un clairon qui sonne dans le matin.

    Révérer le passé n'est pas être passéiste. Comment, sans cela, expliquer le succès acquis sans la moindre subvention publique depuis trente ans ?

    Résolument moderne, à des années-lumière des caricatures, la "Cinéscénie" fondatrice l'était déjà. Sur un petit carnet, rêvant devant les débris du château du Puy du Fou incendié sous la Révolution, et aujourd'hui entièrement rebâti, le jeune Villiers avait déjà fixé ses objectifs : « Rompre avec la philosophie du"son et lumière". En finir avec ces récits désuets et langoureux qui se contentent de passer un pinceau sur les donjons et vous expliquent d'une voix chevrotante sur fond de ruine : "Cette année-là, en 1292..."». Tout un symbole : des drones, l'année prochaine, permettront de fixer dans les airs de nouveaux décors. Mais l'âme, elle, restera la même. 

    Arnaud Folch et Claire Brulon

     

    Pratique : En piste pour l'aventure

    Horaires

    Grand Parc : 10 à19 heures ou 10 à 21 heures.

    Cinéscénie : début à 22 h 30 en juin et juillet, à 22 heures en août et septembre.

    Tarifs

    Grand Parc : à partir de 30 euros (adulte) et à partir de 20 euros (enfant).

    Grand Parc + Cinéscénie : à partir de 47 euros (adulte) et à partir de 29 euros (enfant).

    Pour 10 euros supplémentaires, profitez du Pass Émotion et bénéficiez d'un placement préférentiel dans les tribunes des six grands spectacles du Grand Parc.

    Séjour parc + hôtel : à partir de 54 euros à La Villa gallo-romaine et à partir de 59 euros aux îles de Clovis. 

    Y aller

    En voiture : autoroute A87, sortie n° 28.

    En train : gare TGV d'Angers (une heure et demie de Paris) + navette (environ une heure et demie). Aller-retour : 20 euros par personne ; aller simple :12 euros.

    Rens. : www.puydufou.com - Tél. : 0.820.09.10.10.

     

  • Histoire & Actualité • Juppé : la revanche de Lecanuet

    Alain Juppé entre dans l'isoloir, novembre 2016. SIPA

     

    Par Philippe de Saint Robert

    Il s'agit ici, au fond, de dire ce qu'il faut penser de l'attachement à la souveraineté française des Républicains et de ceux de leurs dirigeants qui se réclament du gaullisme. Alain Juppé notamment. Philippe de Saint-Robert le fait [Causeur, 24.11] avec sa grande connaissance de l'histoire politique et des dossiers, sa clairvoyance et sa hauteur de vue habituelles.  Lafautearousseau

     

    1874533558.jpgIl est des phénomènes singuliers qui méritent qu’on s’y attarde. La presse française continue, tout uniment, de qualifier de « gaulliste » la droite dite « républicaine », à savoir « Les Républicains », continuateurs de l’UMP, elle-même continuatrice du RPR, lui-même héritier de l’UNR, et ainsi de suite. Ces volte-face successives sont matière à perplexité : ces gens-là savent-ils encore d’où ils viennent et qui ils sont ?

    Le tournant décisif a été pris lors de l’invention de l’UMP, fabriquée de toute pièce pour absorber un courant centriste qui l’a absorbée lui-même, achevant l’irrésistible aggiornamento décrété peu avant par Alain Juppé : il s’agissait de rejoindre, toute honte bue, les positions centristes sur l’Europe, afin de… faciliter l’élection de Jacques Chirac à l’Elysée (je pense qu’il s’en serait passé).

    Il y a deux ans, en novembre 2014, Alain-Gérard Slama voyait encore en Juppé et Sarkozy « les deux faces du gaullisme » au terme d’une stratégie qu’il illustrait ainsi : « la philosophie qui sous-tend cette stratégie n’a de sens, face à une extrême droite capable de se hisser de nouveau jusqu’au second tour de l’élection présidentielle, que si le président élu au suffrage universel s’oblige à gouverner au centre ». Du giscardisme pur et simple, bonjour le gaullisme !

    Sarkozy n’a pas trahi le gaullisme, il n’a jamais été gaulliste

    On ne reproche pas à Sarkozy d’avoir trahi le gaullisme, puisqu’il n’a jamais été gaulliste. A peine élu, il réintègre la France dans le commandement militaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, puis il va s’incliner devant Bush fils en fin de mandat pour lui exprimer ses regrets que la France n’ait pas participé à sa guerre de 2003 contre l’Irak (il s’est rattrapé depuis en Libye). Il fait enfin ratifier par le Congrès un traité de Lisbonne qui est la copie conforme de la pseudo-constitution européenne rejetée en 2005 par 53 % des Français.

    Le cas d’Alain Juppé est plus trompeur dans la mesure où, lui, s’affirme « gaulliste ». C’est du moins ce qu’il prétend encore dans un entretien accordé à Valeurs actuelles : « Je suis libéral, social et gaulliste ». Cela ne mange pas de pain, encore que le gaullisme soit plus colbertiste que libéral. Mais, dans le libéralisme, on peut mettre tout et son contraire. Dans L’ennemi des lois, Maurice Barrès (que je cite pour faire enrager Manuel Valls) fait dire à Saint-Simon (le neveu) : « Le but apparent des chefs du parti libéral, c’est la suppression des abus, mais leur but réel est de les exploiter pour leur propre avantage. »

    « Social » est un aimable euphémisme qui se prête à toutes les bonnes volontés. De Barroso à Juncker, on a fabriqué une Union européenne structurellement néo-libérale. François Mitterrand lui-même a échoué à mettre du « social » dans le traité de Maastricht, voté par Jacques Chirac à l’instigation d’Alain Juppé. On attend le projet de ce dernier pour réformer l’Union européenne…

    L’Europe d’Alain Juppé est celle de tous les centristes

    En effet, est-ce que, dans la confession d’Alain Juppé à Valeurs actuelles, il ne manque pas précisément quelque chose ? L’Europe, dont la construction ambiguë fut une constante préoccupation du général de Gaulle, sans qui le traité de Rome ne fût jamais entré en application. S’il y a bien une « doctrine » du gaullisme, c’est le rejet irrévocable de toute supranationalité. Et qu’on ne nous parle pas de « souveraineté partagée », c’est blanc bonnet et bonnet blanc, et conduit immanquablement à un fédéralisme dont les peuples ne veulent à aucun prix.

    L’auteur de l’entretien, dont le nom ne fut pas précisé, aurait tout de même pu poser à Alain Juppé la question de sa conception de l’Europe. Le sujet devait paraître trop délicat. Car, en 1993, dans son ouvrage, La tentation de Venise, Alain Juppé étale pourtant une conception de l’Europe qui est celle de tous les centristes, héritiers politiques et spirituels de Jean Lecanuet, qui fut un bien pire adversaire du général de Gaulle que François Mitterrand. Il est vrai que les arguments ne volent pas très haut : de quoi, nous dit Alain Juppé, aurait eu l’air Jacques Chirac devant Kohl et Blair s’il avait fait voter contre le traité de Maastricht ? Il est vrai que depuis, Theresa May nous a libérés du souci que nous aurions pu avoir de déplaire à Tony Blair.

     

    Il y a dans La tentation de Venise des passages cocasses, comme celui où l’auteur s’en prend à la saisine du Conseil constitutionnel contre le traité de Maastricht par les « parlementaires qui ont signé le dernier recours de Pasqua au Conseil constitutionnel : leur moyenne d’âge est de soixante-sept ans ! » On est heureux de savoir que ce qui était rédhibitoire en 1993 ne l’est plus en 2017…

    Juppé l’Américain ?

    Dans le domaine de la politique européenne, Alain Juppé s’est beaucoup trompé. En 1996, alors Premier ministre, dans un opuscule intitulé Entre nous, il écrivait, impérieux : « Il faut avoir le courage de ses opinions. Refuser la monnaie européenne, c’est accepter la domination du dollar et la toute-puissance des marchés financiers. » Il ajoutait : « C’est la conviction du Président de la République [Jacques Chirac] et celle d’hommes aussi différents que René Monory, Raymond Barre, Edouard Balladur et, s’ils n’ont pas changé d’avis, Jacques Delors (« la monnaie unique sera un véritable tigre dans le moteur qui va entraîner la démocratie en Europe », 12 décembre 1992), Laurent Fabius (« le meilleur porteur de croissance dont puisse se doter la France », 6 mai 1992) ou Michel Rocard (« le gage de plus d’indépendance », 2 septembre 1992). Cela fait du beau monde ! » Les politiciens sont des amateurs irréformables de carabistouilles.

    L’Europe de Jean Lecanuet, c’est celle de Jean Monnet, c’est celle de Jacques Delors, c’est celle de François Bayrou. Tout ce « beau monde » n’a pas mis le moindre tigre dans notre moteur. C’est au contraire l’Europe voulue par les Américains pour l’assujettir en tout à leur politique mondialiste, telle qu’on la voit se projeter à visage découvert dans le projet de traité transatlantique de libre-échange. Ce « partenariat » est vu partout, même en Allemagne, comme un cheval de Troie pour la puissance hégémonique américaine. Il est consternant qu’aucun des actuels candidats à la présidence de la République n’ait exprimé la moindre référence ni réserve à cette ultime menace portée à notre encontre par les pseudo-négociateurs de la Commission européenne. Ils avaient pourtant là une excellence occasion de se racheter. 

    Philippe de Saint Robert

    écrivain, ancien Commissaire général de la langue française. Dernier ouvrage paru : Juin 40 ou les paradoxes de l’honneur, CNRS éditions, 2010.

    Rappelons qu'en début d'année, Philippe de Saint-Robert nous avait adressé ce simple message « Bravo pour votre site et, surtout, continuez ». Nous en avions été touchés et honorés.

  • Humeur et Histoire : les délires existent, on en rencontre tous les jours....

            D'accord, plus c'est gros, plus ça passe, mais tout de même !

            Là, il y est allé un peu fort, Laurent Attar-Bayrou, Président de la FNAME (Fédération nationales des Anciens des missions extérieures). Dans un communiqué publié suite aux propos d' "Eva dans le mur", il s'est indigné de la proposition de supprimer le Défilé militaire du 14 juillet, qu'il considère être"une proposition ridicule qui émane pourtant d'une femme brillante".

            Jusque là, ça va : c'est après que les choses se gâtent..... 

    valéry,petain,armée,14 juillet

    à l'attention de Laurent Attar-Boyer, qui "a un problème", comme on dit aujourd'hui dans le jargon, avec son Histoire de France :  le vrai 14 juillet.pdf

            Précisons tout d'abord que, pour être tout à fait francs, nous ne connaissions jusqu'à maintenant l'existence ni de la Fname, ni de son Président. Et que nous n'avons bien évidemment rien contre les "Anciens", ni de l'armée française en général, ni des missions extérieures en particulier. Ou alors, si nous avons quelque chose, c'est, à l'inverse, uniquement de l'estime et du respect pour cette Armée dont nous pensons, avec Paul Valéry, qu' "Elle est indivisible de la nation qu’elle reflète exactement. Le pays peut se mirer dans son bouclier" (1).

            Bon, ceci étant dit, et sans sombrer dans la polémique pour la polémique, on ne peut malgré tout pas laisser passer sans, au moins, la relever comme telle, l'ineptie profonde qui suit ce premier propos. Laurent Attar-Bayrou conseille à Eva Joly de "relire ses livres d'histoire" : il a mille fois raison ! Il faut lire et relire, et les faire connaître, les livres non seulement de Bainville, mais des Furet, des Chaunu, des Petitfils et autres.... Mais, pourquoi Laurent-Attar-Bayrou ne s'applique-t-il pas à lui-même ce précieux conseil qu'il donne à Eva Joly ? Cela lui aurait évité d'écrire l'insanité suivante, pour laquelle on hésite à choisir, comme qualificatif, entre grotesque et scandaleux :

            "...Le 14 juillet célèbre la prise du pouvoir de l'armée du peuple sur les armées royales..." Il faut avouer que, là, les bras vous en tombent ! Consternation véritablement désolée, ou franche hilarité, chacun réagira à sa façon, mais peut-on vraiment, en 2011, continuer à écrire des énormités pareilles ?

            Libre à Laurent Attar-Bayrou de croire encore et toujours en cette Révolution qu'il semble porter aux nues. Ainsi, en toute logique, qu'en cette République idéologique qui en est l'héritière, et qui a déconstruit notre société, la mettant dans l'état lamentable où elle se trouve aujourd'hui : cela relève de son libre choix politique. Mais travestir aussi grossièrement les faits ! A-t-on le "droit" d'écrire "n'importe quoi" ? : puisque l'on vient de parler du Bac, cela ne serait-il pas un sujet possible, pour l'année prochaine, aux épreuves de Philo ?

     

     

    Totalitarisme ou Résistance ? Vendée, "Guerres de Géants"...

     

     

     

            Nous rappellerons seulement à Monsieur Attar-Boyer :

    1. Que, selon le mot fort juste de Chateaubriand, "Louis XVI a pu vingt fois sauver sa couronne et sa vie..." comme, un seul exemple, à Varennes (récit de Michel Mourre) : "Quand la berline se présenta, elle trouva le pont de l'Aire barricadé et fut entourée de gardes municipaux en armes. Louis XVI, rejoint peu après par les officiers de Bouillé, Choiseul et Damas, refusa de les laisser dégager la route par la force. Les commissaires de la Constituante, survenus, purent donc s'assurer sans difficulté de la personne du roi....."

    2. Quoi que pense et que dise Laurent Attar-Boyer, et à l'encontre de ses élucubrations, historiquement, des trois types de Régime qu'a connus la France - Royauté, République et Empire - le seul qui ait reçu la consécration populaire, si l'on peut dire, sous forme de soulèvement armé en sa faveur est la Royauté, alors que les deux autres Régimes - les deux Empire et les quatre République - ont été bien incapables de susciter, lors de leur chute respective, une telle adhésion populaire. Et cela, d'une façon ou d'une autre, signifie quelque chose.... 

           Nul ne s'est levé pour défendre Napléon III, en 1870, pas plus que Napoléon Premier en 1814 et 1815. Tout au plus la caste militaire (par réflexe corporatiste ?...) s'est-elle ralliée à lui, au moins en partie, lors des Cent jours : on sait ce que cela a donné... Quant aux différentes Républiques, on sait les cris de joie qui ont salués Thermidor et comment s'est passé la fin de la Première; l'indifférence qui a accompagné la fin de la Deuxième; pour la Troisième, le désastre et la fuite éperdue, sans nulle gloire ni dignité, de ses représentants légaux, trop heureux de confier le pouvoir à un vieil homme de plus de quatre vingts ans, afin de fuir plus rapidement pour tâcher d'enfouir leurs responsabilités; enfin, pour la quatrième, le discrédit total, confinant au mépris, dans lequel elle disparut...

            Seule la Royauté, avec les Guerres de Vendée ("guerre de géants", disait Napoléon...) a suscité à ce point l'adhésion populaire.....

            On s'arrêtera là car, nous l'avons dit, nous n'éprouvons pour l'Armée française, prise en tant que Corps, qu'estime et respect. Aussi ne développerons-nous pas outre-mesure cette polémique, et nous contenterons-nous, juste, d'avoir marqué le coup.

            Avec une pensée pour toutes ces victimes de la Révolution, qui fut tout sauf faite "par l'armée du peuple" contre "les armées royales".... 

     

    (1) : Paul Valéry, discours de réponse au maréchal Pétain, 1931

  • Jean-Michel Quatrepoint : « Voilà des années que l'Europe n'a pas voulu se défendre »

     

    Nous suivons toujours attentivement les analyses de Jean-Michel Quatrepoint, notamment dans le cadre des entretiens qu'il donne au Figaro, parce qu'elles sont à la fois extrêmement lucides, réalistes, fondées sur une profonde connaissance des sujets traités, et que les positions qu'elles expriment sont presque en tous points les nôtres. Ainsi, au lendemain des attentats de Paris, Jean-Michel Quatrepoint en détaille, toujours pour Le Figaro, les conséquences économiques et les solutions possibles, notamment sur le plan militaire.  LFAR

     

    PHO1159e20e-cc52-11e3-a4f2-b373f3cdeec9-150x100.jpgA l'approche des fêtes, les rues sont désertes. Quelles peuvent être les conséquences économiques des attentats ?

    Les terroristes de Daech poursuivent un double objectif : nous terroriser et asphyxier nos économies. C'est la même stratégie qu'ils ont adoptée en Tunisie et en Égypte. Leurs attentats dans ces pays ont un impact direct sur les recettes touristiques. Toutes proportions gardées, c'est le risque qui nous guette. D'ores et déjà, le chiffre d'affaires du commerce a plongé de 15 % à 30 % selon les secteurs. Les touristes annulent en masse leurs voyages. Or, la période du 15 novembre au 31 décembre est cruciale pour l'activité commerciale. Au niveau macro-économique et budgétaire, ce sont des recettes de TVA en moins, ce qui va creuser le déficit budgétaire. Sans parler de l'impact sur la balance commerciale de la baisse du tourisme.

    Une des erreurs commises ces dernières années est d'avoir cru qu'un grand pays comme la France pouvait faire reposer son économie sur le tourisme et les services, à la place de l'industrie. Les exportations de biens industriels sont beaucoup moins sensibles aux attentats que le tourisme. Pour redonner confiance à une population traumatisée, ainsi qu'aux touristes, il va falloir faire un effort considérable en matière de sécurité. Tout ceci va prendre du temps et coûter fort cher. Il y a une contradiction entre déclarer que l'on est en guerre et ne pas se doter des moyens d'une économie de guerre. Certes, il s'agit d'une guerre d'un type nouveau, asymétrique, mais il s'agit bien d'une agression pilotée de l'extérieur, avec des gens qui ont une volonté de conquête et qui s'appuient sur des alliés à l'intérieur de nos frontières, ce qu'on appelait autrefois la cinquième colonne.

    Comment lutter contre ce double front ?

    Il faut distinguer l'action extérieure et l'action à l'intérieur. À l'extérieur, nous devons concentrer nos faibles moyens sur le Sahel, le Mali. Parce que dans cette région du monde, c'est la France qui a le plus de capacités et de connaissance du terrain. En revanche, il ne faut pas se laisser entraîner dans des opérations au sol en Syrie ou en Irak. Un appui aérien, oui. Mais il appartient aux acteurs locaux de régler le problème Daech. Tout dépend de la Turquie et de son jeu, pour le moins trouble, notamment à l'égard des Kurdes, qui sont les opposants les plus déterminés contre Daech. Mettre tout le monde d'accord va prendre du temps, tant les arrière-pensées des uns et des autres sont grandes. Ce que nous pouvons faire en revanche assez vite, c'est d'asphyxier à notre tour financièrement Daech. En s'attaquant à ses principales sources de revenus: pétrole, trafic d'antiquités, trafic des migrants.

    Avons-nous les moyens de mener cette guerre ?

    Ces actions extérieures ont d'ores et déjà un coût. On tablait sur un budget de 1,2 milliard, cette année. Il sera largement dépassé. Sur le plan intérieur, l'opération Sentinelle mise en place après les attentats contre Charlie Hebdo a épuisé les troupes, policiers comme militaires. Avant le 13 novembre, les mises en garde des syndicats et de la hiérarchie se multipliaient : on ne pouvait pas continuer sur le même rythme. Or, il faut maintenant, bien au contraire, renforcer Sentinelle. Dès lors, se pose le problème des moyens en hommes et en argent. François Hollande a annoncé le recrutement d'ici à fin 2017 de 11 200 fonctionnaires supplémentaires pour la Justice, l'Intérieur et les Douanes. Cela représente un coût de 1 milliard par an. Pour l'armée stricto sensu, on a décidé de suspendre une partie des suppressions de poste prévues dans la loi de programmation militaire. Tout ceci n'est cependant pas à la hauteur des enjeux.

    Mais alors que faut-il faire ?

    Le moment est venu de prendre deux grandes décisions. La première est d'inverser la mécanique de laminage du budget de la Défense qui a été divisé par deux en 30 ans. Il faudrait faire passer en cinq ans de 1,6 % du PIB à 2,6 % du PIB. Pour mémoire, les États-Unis consacrent 3,5 % à leur Défense (plus de 600 milliards de dollars). Et la Russie 4,5 %. Sans parler de l'Arabie saoudite, dont le budget à lui seul est plus du double de celui de la France. Une telle augmentation se traduirait par un budget supplémentaire annuel de 4 milliards d'euros environ, pour l'année 2016. Et de 8 milliards pour l'année 2017. Des montants qui intègrent, bien sûr, les OPEX.

    Ces investissements supplémentaires seront consacrés d'abord au maintien des effectifs - il faut revoir la Loi de programmation - ensuite à leur augmentation. Puis à la mise en place progressive d'un service national civique obligatoire, de quatre ou six mois. Tous les jeunes âgés de 18 ans étant appelés progressivement à y participer. Ils y recevraient une formation militaire de base (l'équivalent des deux mois de classes d'autrefois), une formation au secourisme, ainsi qu'à l'assistance aux populations lors de catastrophes naturelles (inondations, etc.) Pour encadrer ce service national, il faudra recruter en priorité chez les anciens militaires. Tout ceci coûte, mais en même temps cela génère de l'activité sur l'ensemble du territoire. C'est un moyen de réanimer des villes moyennes. Idem pour les équipements. Dans l'armée comme dans la police. Les forces de sécurité doivent avoir des matériels de qualité ce qui n'est plus le cas. Le sous-investissement, notamment en véhicules est chronique. Là aussi, il y a un coût, mais cela génère de l'activité économique. Idem pour les technologies, le numérique. Nos industries de Défense doivent être soutenues. On ne peut pas toujours s'en remettre aux autres, en l'occurrence aux Américains, pour la cyberguerre. Les dépenses militaires , notamment les innovations technologiques irriguent l'ensemble du tissu industriel. Il y a longtemps que les Américains ont compris cela sans parler des Israéliens et des Russes. Nous et les Européens, l'avons oublié depuis vingt ans. J'ai régulièrement écrit dans mes derniers ouvrages, qu'il n y avait pas d'exemple dans l'histoire de territoires riches non défendus qui ne fassent pas l'objet d'une prédation.

    Tout cela va nous faire exploser les déficits ?

    À court terme, oui, mais il faut savoir ce que l'on veut. S'imaginer que l'on peut mener une telle guerre tout en respectant des règles comptables établies à une époque où nous n'étions pas confrontés à de telles agressions et où la croissance était structurellement supérieure de un à deux points est absurde. Vouloir compenser l'augmentation des dépenses de sécurité et de défense par des économies ailleurs est tout aussi irréaliste à court terme. Certes, il va falloir dans le temps mener de profondes réformes, revoir nos systèmes de protection sociale, mais en attendant, il faut accepter une augmentation du déficit. J'ajoute que ces dépenses de sécurité, la mise en place du service national vont avoir un impact positif sur l'emploi.

    Et que dire à Bruxelles ?

    À quelque chose malheur est bon. Le moment est venu d'expliquer à nos partenaires et aux services de la Commission que le premier impératif d'un gouvernement est d'assurer la protection des biens et des personnes qui vivent sur son territoire. Voilà des années que l'Europe n'a pas voulu se défendre. Voilà des années que les pays du Nord et de la Mitteleuropa ont préféré aviver les tensions avec la Russie, plutôt que de faire face à la montée croissante du terrorisme islamiste. Nous sommes en première ligne, comme les Belges et les pays riverains de la Méditerranée. Il s'agit désormais d'une question vitale pour nous. Il faut donc expliquer, gentiment mais fermement, à Bruxelles et aux autres, que c'est ainsi et pas autrement. Il y a un moyen très simple pour que nous respections la lettre des traités budgétaires: sortir les dépenses de Défense des critères de Maastricht. C'est le moment ou jamais de l'exiger. 

    Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. Il a travaillé entre autres au Monde, à La Tribune et au Nouvel Economiste. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir. Il est membre du Comité Orwell.

    Dans son livre, Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde? (Le Débat, Gallimard, 2014), il analyse la guerre économique que se livrent les trois grands empires qui règnent en maîtres sur la mondialisation.

    Son dernier livre, Alstom, scandale d'Etat - dernière liquidation de l'industrie française, est paru en septembre 2015 aux éditions Fayard.

    Entretien par Alexandre Devecchio             

  • Pour leur dialogue sur l'Islam : prix orange à Rémy Brague, prix citron au Père Christian Delorme

              Rémy Brague et Christian Delorme ont brague,delorme,islam,allah,dieu,chrétiens,christianisme,islamismemené un débat courtois et fort intéressant, sans concession, sur l'Islam (1). On pourrait écrire de ce débat qu'il fut un dialogue entre celui qui voit l'Islam tel qu'il est - Rémy Brague - et celui qui voit l'Islam tel qu'il croit qu'il est; ou, tel qu'il aimerait qu'il soit.....

            Le Père Delorme déclare "La majorité des musulmans, particulièrement en France, sont ouverts à la vie et à la paix" : malheureusement, s'il est vrai qu'on entend quelquefois à la radio ou à la télé tel ou tel musulman "ouvert", on entend - et on voit... - infiniment plus souvent le contraire.... On regrettera également que pas une seul fois le Père Delorme n'ait fait allusion aux meurtres de chrétiens en terre d'Islam ni aux conditions de vie épouvantables qui sont les leurs : on tue un chrétien sur terre toutes les cinq minutes, il est vrai que c'est parfois dans d'autres pays persécuteurs (Chine, pays d'hindouisme...) mais, enfin, dans la plupart des cas, ces meurtres sont commis en terres d'Islam, et par des musulmans quasiment jamais punis....

            Autre chose : de nombreuses personnes se réjouissaient, au printemps, de la liberté retrouvée (!) en Tunisie, puis, en Egypte, en Libye : or, le gouvernement issu des élections en Tunisie a décidé d'appliquer la charia, et - ce qui pour nous compte plus encore - 45% des électeurs tunisiens résidant en France ont voté pour le parti qui a fait adopter cette charia. On veut bien être "ouvert" mais, justement, ayons les yeux ouverts, et soyons vraiment "ouverts", d'abord et avant tout aux faits, aux réalités !.....

            Rémy Brague a bien souligné la différence d'approche de Dieu dans le christianisme et dans l'Islam : pour celui-ci, Dieu n'est "ni Père ni Alliance". Un point d'acccord entre les deux interlocuteurs : aucun dialogue théologique n'est possible avec l'Islam. Dans le cadre de la Semaine islamo-chrétienne qui s'est tenue à Strasbourg, le président de brague,delorme,islam,allah,dieu,chrétiens,christianisme,islamismel'Association des imams de France, Ahamad Miktar - de Villeneuve d'Asq -a déclaré : "Le terme théologie est interdit en Islam : discuter avec Dieu, impossible !"

             Dans ces conditions, dire, comme le fait le Père Delorme "Nous ne disons pas la même chose, mais nous cherchons tous le même Dieu", n'est-ce pas un peu facile ?....     

           Voici deux extraits significatifs de la démonstration de Rémy Brague :

    * "...il faut se mettre dans la tête que, pour un musulman, l'auteur du Coran c'est Dieu lui-même. Dès lors, les musulmans ne peuvent avoir que des difficultés avec tout autre système de normes, qu'ils soient politique, familial ou éthique, qui ne se fonderait pas sur cette révélation et pourrait même la contredire..."

    * "C'est toute la législation islamique qui est incompatible avec le système juridique français. Pourquoi ? En France, le législateur, en dernière analyse, c'est le peuple souverain. Pour l'Islam, le seul législateur, c'est Dieu. Donc, si un musulman prend au sérieux l'origine divine du Coran et voit dans le prophète "le bel exemple" - ce qui est le double fondement de la foi islamique - il aura du mal à accepter un système juridique dans lequel certaines dispositions vont à l'encontre de ce qu'il croit être la volonté de Dieu. Prenons l'exemple de l'Iran que vous évoquez, mon Père. Il y a quelques années, le gouvernement iranien a voulu fixer l'âge minimum au mariage à 13 ans. Sur quoi le conseil des mollahs - l'autorité religieuse - a dit : "Le prophète ayant consommé son mariage avec Aïcha lorsqu'elle avait neuf ans, vous ne pouvez empêcher ce que le prophète a autorisé". Et le projet de loi est tombé à l'eau...."

              Retour aux premières lignes de cette réflexion : on a eu là un dialogue entre celui qui voit l'Islam tel qu'il est et celui qui voit l'Islam tel qu'l voudrait qu'il soit.....

    (1) : Dans Le Pélerin du 15 décembre 2011 (n° 6733),

  • Éditorial essais de septembre : le monde d’avant n’aura pas lieu, par Rémi Lélian.

    © Maria Teneva – Unsplash

    Le monde d’avant n’aura pas lieu, ni celui de demain d’ailleurs ; pour la raison que ni l’un ni l’autre n’existent autrement que dans la représentation fantasmatique que nous en avons et qui nous fait regretter l’un et craindre l’autre. Regretter quoi d’ailleurs ?

    8.jpgOn ne sache pas que la vie fût si belle avant, qu’elle fût mieux, enviable, désirable, qu’elle fût la vie quand nous n’en posséderions plus désormais qu’une prétendue contrefaçon. La vie en somme, à quelque époque qu’on la retrouve ici-bas c’est surtout beaucoup de douleurs, de choses ratées, et d’obstination pour rien, et la grâce parfois d’y échapper un peu… par erreur. Car si c’est un truisme philosophique que de dire que le passé n’existe pas ni non plus le futur, qu’il est passé pour toujours et que l’autre, déjeté, n’arrive jamais, le monde, lui, existe vu qu’on s’y cogne.

    Et ce monde on ne peut pas dire qu’il soit si digne d’être aimé que ça, qu’il soit notre élément et qu’à condition de nous y conformer on puisse l’habiter sans souffrir. Au contraire, il déraille de partout, s’épuise, gémit et gronde, nous tue pour nous survivre et périra à son tour quand nous ne serons déjà plus là depuis longtemps, mais depuis bien moins longtemps, semble-t-il, que ceux qui nous ont précédés et qui sont déjà morts pour toujours ici-bas. Quant au monde de demain, on a raison de le craindre, mais non parce qu’il nous offrirait un supplément d’apocalypse, parce qu’il sera le monde et qu’on y souffrira avec ou sans QR Code, avec ou sans épidémie, qu’on se fracassera contre ses limites perpétuellement étendues et perpétuellement limitées, et que même convaincus de notre liberté nous n’en demeurerons pas moins ses esclaves.

    On pourrait alors se rassurer à la façon d’un néo-hippie tout droit sorti des années quatre-vingt-dix et nous dire que seul importe le présent et qu’il faut en profiter – carpe diem ! Mais c’est bien à cause du présent que nous ne nous illusionnons pas sur le passé et que nous appréhendons l’avenir selon des formules terrifiantes, que nous savons la nostalgie menteuse et l’espérance en des lendemains qui chantent toujours coupable et bonne pour le peloton d’exécution, si bien que la sagesse pour nous consiste à refuser de placer le monde par-dessus tout – quel que soit le monde dont on parle, qu’il fût blanc ou noir, celui d’avant ou celui d’après, celui qu’on aime ou qui nous déplaît, celui qu’on feint de désirer et celui qu’on fait advenir réellement – quoi qu’on en dise…

    Alors certes, le présent, lui, existe puisqu’il nous éprouve, et par lui c’est le monde qui nous ronge et la bêtise et le mal qui nous contraignent à placer en celui-ci nos seules perspectives selon l’imagination qui nous trompe toujours au moins trois fois : en avant et en arrière mais d’abord en face. On aura alors sûrement vraiment grandi moralement et spirituellement quand chaque être humain sera enfin capable d’accepter qu’on désire le futur et qu’on regrette le passé parce qu’ils sont des mensonges, pour la raison qu’on supporte difficilement le présent qui résume la vérité du passé et du futur dans la souffrance ; présent néanmoins aimable à la seule condition qu’il nous délivre de la recherche du bonheur, du monde d’avant et de celui d’après qui ne pourront jamais être autre chose que le monde ici-bas. En d’autres termes, on ne souhaite ni le monde d’avant, ni le monde d’après, on endure ce monde-ci, on pleure sur ceux qui s’y trouvent heureux puisque par là ils en souffrent plus encore, en espérant de toutes ses forces que derrière ses limites abjectes quelque chose puisse le crever d’en haut.

  • Contre le peuple, édi­to­rial par Rémi Lelian (L’Incorrect).

    Le popu­lisme – l’empoisonnement du peuple par son propre poi­son, mais pas selon ses propres moyens, en quoi il est une tyran­nie. Voi­là la défi­ni­tion mini­male que nous pou­vons don­ner du popu­lisme, celle qui le contient tout entier et qui fait que tout ce que nous pour­rions ajou­ter d’autre à son pro­pos relè­ve­rait de l’accidentel et non de la cause, par­mi quoi le juste constat d’un peuple qu’il importe de ne pas nier.

    Ça et quelques autres attri­buts à part, reste le curare d’une idée qui refuse au peuple la pos­si­bi­li­té d’être gou­ver­né par un prin­cipe plus grand que lui, une idée qui lui ment en lui fai­sant croire qu’il peut se déter­mi­ner lui-même et lui seul, et qui réclame comme à chaque fois le men­songe et un men­teur auquel il profite.

    Car on ne sache pas que le peuple existe de manière suf­fi­sam­ment homo­gène pour qu’on par­vienne à lui recon­naître une expres­sion uni­voque ni qu’il soit si cohé­rent qu’il puisse inven­ter une poli­tique sus­cep­tible de refon­der ou d’arranger quoi que ce soit. Un Gilet jaune le ventre plein, voi­ci un élec­teur de Mit­ter­rand, et un bobo dans son oasis étanche au fra­cas mul­ti­ra­ciste de la socié­té métis­sée qu’il vante, c’est tou­jours le peuple. Aucun des deux n’est plus ni moins légi­time, aucun des deux ne vaut mieux ni n’est pire que l’autre. Et s’ils sont cha­cun le peuple, c’est que le peuple est informe à l’intérieur de la forme que l’histoire lui donne, chan­geant et qu’il passe sans ces­ser d’exister, certes, mais sans qu’il gagne à ce que l’on s’appuie sur lui.

    On com­prend alors la ten­ta­tion tota­li­taire de le refor­ma­ter, de fabri­quer le peuple afin qu’il puisse être digne de lui-même et nous sau­ver. Mais, le tota­li­ta­risme, au fond, raf­fine le popu­lisme, l’arrange et pro­pose une tech­nique d’arraisonnement du peuple qui n’en modi­fie jamais la solu­tion puisque celui-ci demeure le prin­cipe axial de cette tyran­nie qui ajoute au peuple l’Idée du peuple afin d’en faire une espèce de Golem capable de s’animer sans aleph. Moins inva­sive, néan­moins capable d’accoucher mille monstres, la démo­cra­tie moderne repose elle aus­si sur un peuple prin­ci­piel qu’elle entend édu­quer pour qu’il s’élève à la matu­ri­té cen­sée garan­tir son autonomie.

    Or, c’est prendre le pro­blème trop tard que de vou­loir édu­quer le prince lorsqu’il est déjà au pou­voir et, plus grave encore, d’éduquer le prince pour qu’il se gou­verne lui-même puisqu’un prince gou­verne des sujets dont il se dis­tingue et qu’il sert parce qu’il les domine. C’est, par ailleurs, une mau­vaise com­pré­hen­sion de l’éducation de pen­ser qu’elle libère – elle humi­lie, elle nous fait ser­vi­teur, elle fait du maître l’obligé de son élève et de l’élève un élève, non pas un homme bête­ment libre.

    En d’autres termes, le popu­lisme a tout à voir avec le funeste péda­go­gisme, tant décrié pour­tant, et qui pro­duit des citoyens ravis d’être leur propre esclave, des petits appé­tits sur pattes aux­quels on n’a jamais mis aucune limite et qui comme tous les enfants mal­trai­tés deviennent les pri­son­niers d’eux-mêmes. Cepen­dant, ne nous y trom­pons pas : un enfant-roi ne se sacre pas tout seul et c’est parce que ses parents ont trou­vé plus com­mode de ne pas tenir leur rôle qu’il devient le sou­ve­rain de rien, esclave de tout. Les tenants du popu­lisme, qui pré­tendent rendre au peuple sa digni­té, feraient bien de médi­ter la leçon et de ces­ser de prendre le peuple pour la mesure de toutes choses en poli­tique, de ces­ser de le flat­ter comme on s’attire les grâces d’un enfant tur­bu­lent, ou alors d’avouer une fois pour toutes qu’ils conspirent contre l’enfance, qu’ils mentent éhon­té­ment au peuple et qu’ils se rêvent les tyrans d’une géné­ra­tion, comme leurs pères avant eux, et comme ce sera le cas à chaque fois qu’on refu­se­ra d’éduquer le peuple, non pas pour l’autonomiser, mais afin de pou­voir le diriger.

    2.jpg

    Source : https://lincorrect.org/

    Article relayé : https://www.actionfrancaise.net/

  • Histoire • La Révolution russe, cent ans après

     

    Par Jean Charpentier

    Il n’est pas possible de gommer l’événement. Mais pour le gouvernement russe, la chose est entendue  : 1917 ne doit pas être une pomme de discorde  ; il faut réécrire un roman national dans lequel la révolution d’Octobre n’est qu’un chapitre parmi d’autres.

    Le 7 novembre 1917 (25 octobre du calendrier julien), les bolcheviks organisent un coup d’État à Petrograd contre les républicains et prennent le pouvoir. Quelques jours plus tard, Lénine est à Moscou. La Russie bascule dans le communisme et dans la guerre civile. Pour l’Occident, l’événement provoque une seule inquiétude  : le nouveau pouvoir va-t-il faire la paix avec l’Allemagne comme le proclament les slogans révolutionnaires  ? «  La paix et du pain  !  » Dans un premier temps, la révolution d’Octobre est vue comme un épisode compliqué de la Grande Guerre. Très vite, le nouveau pouvoir manifeste deux caractéristiques  : une intransigeance violente à l’égard de l’ordre ancien et sa prédisposition à la révolution universelle. À partir de 1917 se met en place l’idéal rousseauiste du contrat social revisité par Marx et Lénine, l’application par la force d’un contrat social fondé sur l’abolition de la propriété privée et la disparition nécessaire des classes sociales et des superstructures économiques, politiques ou culturelles qui en sont les produits. Bref, «  du passé faisons table rase  », comme le proclame L’Internationale. Mais la révolution d’Octobre n’est pas seulement un phénomène russe, il est mondial. En Russie, les communistes éliminent toute opposition avant de mettre en œuvre la création d’une société sans classe et d’un homme nouveau. De 1917 à 1953, le pays creuse un puits sans fond où s’entassent des millions de cadavres. Après s’installe un «  totalitarisme  » mou. Sous Brejnev, on parle de «  socialisme réel  », c’est-à-dire un consensus tel qu’il n’est plus besoin de tuer.

    Le modèle s’exporte

    À l’extérieur, le modèle s’exporte. La Révolution mondiale est à l’ordre du jour. Le Komintern (la IIIe Internationale) y veille depuis Moscou. La prise du pouvoir par un groupe professionnel installant la «  dictature du prolétariat  » est possible. À Budapest, à Munich, à Berlin, à Vienne, en Finlande, les communistes répètent le scénario russe  ; les exécutions «  nécessaires  » ponctuent l’événement. En Italie, en France, en Belgique, des grèves insurrectionnelles marquent le retour à la paix. La guerre révolutionnaire s’étend en Pologne, dans le Caucase, en Extrême-Orient. La réaction ne se fait pas attendre face à la Révolution. En Italie, le fascisme de Mussolini, en Allemagne, le nazisme d’Hitler sont des réponses radicales et terribles à la menace. En Chine, au Mexique, le communisme a sa part dans les guerres civiles. En Espagne, «  trotskystes  » et «  staliniens  » se partagent les meurtres de masse. Après 1945, le phénomène se greffe sur les indépendances, en Indochine, en Corée, en Afrique, au Moyen-Orient. En Chine, des millions de morts suivent la victoire de Mao, cadre formé à Moscou. Au Cambodge, un génocide invraisemblable est commis au nom de Marx. En France le Parti communiste a sa fournée de spectres, depuis sa compromission avec les nazis en 1940 jusqu’aux meurtres en série après 1944. Reste l’espoir déçu d’un monde meilleur qui s’écroule en 1991 avec la disparition de l’URSS.

    Que faire du centenaire d’Octobre  ? Pour la Russie contemporaine, la chose semble simple. La commémoration doit se faire a minima. Il n’est pas possible de gommer l’événement mais il n’est plus fondateur. Désormais, 1917 n’est plus l’aube d’une ère nouvelle. Il s’agit de replacer «  les révolutions russes  » (Février et Octobre) dans un temps plus long, un contexte. Les Russes redécouvrent la révolution industrielle de la fin du XIXe siècle. Les tensions sociales ne sont pas absentes (crise de 1905) mais la modernisation du pays est prise pour ce qu’elle apparaissait alors  : un progrès. Pour la suite, comme l’affirmait Narychkine, président de la Société russe d’histoire (et ancien responsable des services secrets) devant une assemblée internationale d’historiens en septembre dernier, la Révolution ne doit pas être interprétée avec manichéisme. C’en est bel et bien fini de la lecture marxiste de l’histoire russe.

    Une histoire à la Michelet

    Pour le gouvernement russe, la chose est entendue  : 1917 ne doit pas être une pomme de discorde. Il faut réécrire un roman national dans lequel 1917 est un chapitre. Tout cela va dans le sens d’une concorde civile retrouvée. L’enjeu est la cohésion du pays  ; Octobre était bâti sur l’idée de la lutte des classes (Lénine), il avait avivé aussi le principe des nationalités (Staline), il a fait le pari de la guerre civile (Trotsky). De tout cela, le pouvoir actuel ne veut pas. En même temps se reconstruit une identité nationale plus ou moins bien bricolée sur un patriotisme ombrageux.

    Aujourd’hui, tous les musées russes proposent une commémoration de 1917 mais en mettant en valeur l’innovation esthétique post-révolutionnaire. Il en est de même dans la programmation musicale. Les colloques académiques se multiplient. Mais la chose est claire, 1917 est désormais un épisode de l’histoire russe, il n’est plus un moment fondateur, clivant. Cela permet de remettre dans l’histoire l’émigration russe ostracisée depuis l’origine. L’Empire, comme régime, a cessé d’être “diabolisé”. Et si Nicolas II fait débat, c’est aujourd’hui à propos d’un film relatant ses aventures de jeune prince avec une actrice. Si quelques défenseurs d’une sainteté rétroactive du dernier empereur se laissent aller à perturber des représentations du film Matilda, l’Église et le gouvernement tentent un retrait prudent de la polémique.

    Définitivement, les étoiles d’Octobre se sont éteintes. Il n’y a même pas eu nécessité de faire appel à un Méline besogneux ou un Combes atrabilaire, ces médiocres petits bourgeois français, tueurs d’espérance depuis leur salle à manger. Sans doute la Russie a-t-elle besoin de construire une histoire nationale à la Michelet. Les dirigeants actuels savent utiliser l’argument historique, même tordu, pour avancer les pièces de leur jeu en Ukraine ou dans les pays baltes. Mais, au fond, qu’importe. En face, on joue avec les mêmes pièces mais d’une autre couleur. Ce qui est important, c’est que 1917 ne soit pas un sujet de discorde interne. Les revues d’histoire dans les kiosques font la part belle à toutes les figures de la période, face claire, face sombre. Dans ce jeu de l’apaisement, Lénine y perd, Staline y gagne (et le Goulag, hélas) mais aussi Witte, Stolypine, etc.

    L’an prochain ce sera la commémoration de l’extermination de la famille impériale et de ses serviteurs. Le sujet est d’importance. La France n’aura pas le beau rôle à commencer par Clemenceau. La Russie, par ses offensives, a sauvé la France en 1914 et en 1916. Les républicains anticléricaux voulaient cette alliance contre-nature dont une partie de l’élite russe ne voulait pas. À l’occasion, le tsarévitch Alexis fut promu dans l’ordre de la Légion d’honneur, espérons que Macron s’en souvienne. C’est le sang de dizaines de millions de Russes, dont celui des Romanov, qui a payé le maintien au pouvoir de ces petits bourgeois qui «  bouffaient du curé à chaque repas  » tout en levant leur verre à 1789, l’an 1 de “leur” humanité…  •

  • Dans notre Éphéméride de ce jour : la ”Coupo santo”, son histoire, sa signification...

    1867 : la Coupo santo      

     

    Voici un sujet qui, s'il concerne bien sûr, au premier chef, les Provençaux, revêt une importance symbolique et politique pour l'ensemble des cultures françaises, et européennes.

    En effet, il montre bien que, si l'amour de la "petite patrie" est le meilleur moyen d'aimer "la grande", le nationalisme bien compris n'est nullement un repli sur soi mais, bien au contraire, une ouverture aux autres. On le voit ici, à travers l'amitié et la solidarité trans-frontalières entre Catalans et Provençaux : il s'agit, en l'occurrence, de solidarité historique, culturelle et linguistique, mais ces solidarités peuvent s'étendre à tous les autres domaines...

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      Les abstractions ne font rêver personne : c'est parce qu'il est enraciné dans une culture particulière - la provençale - que Mistral est universel, et qu'il chante, à travers la provençale, toutes les cultures soeurs et solidaires de l'Europe...      

     

    Lorsque Mistral compose l'Ôde à la Race latine (qu'il récite pour la première fois, en public, à Montpellier, voir l'Éphéméride du 25 mai), il est bien évident qu'il ne le fait pas dans un esprit d'exclusion des autres cultures qui composent l'Europe, mais qu'au contraire, en en exaltant une, il les exalte toutes, et les appelle toutes à se fédérer autour de leurs héritages communs, spirituels, religieux, historiques etc... : à travers l'Idéal que Mistral fixe À la Race latine, c'est toute l'Europe, chrétienne et gréco-latine qui, malgré ses déchirements, est appelée à rester greffée sur ses fondamentaux civilisationnels, qui sont les mêmes pour tous les Européens...

    Voici donc, rapidement rappelées, l'histoire - et le sens - de la Coupo santo...

    L'amitié de coeur et d'esprit entre les Catalans et les Provençaux est une constante chez ces deux peuples frères, qui sont deux des sept branches de la même raço latino.

    En 1867 en Catalogne un puissant mouvement fédéraliste se dresse contre l'État espagnol : il est conduit par Victor Balaguer, Jacinto Verdaguer et Milos y Fontals. Pendant quelques temps ces derniers sont déclarés indésirables en Espagne et la reine Isabelle II les exile. Jean Brunet, lié à certains des exilés catalans, leur offre l'hospitalité, avec les Félibres provençaux. Les catalans passent quelques mois en terre provençale puis regagnent leur pays.

    Le 30 juillet 1867, les catalans sont invités par les Félibres : un grand banquet se déroule à Font-Ségugne. C’est à ce moment là que les Catalans, en remerciement de l'accueil fait par les Félibres lors de leur exil, leur offrent la coupe en argent.

    MISTRAL COUPO SANTO.jpg

    La Coupo, offerte par les Catalans 

    Dans notre Album Maîtres et témoins...(I) : Frédéric Mistral. voir la photo "La Coupo (I)" et la suivante

     

    Il s'agit d'une conque de forme antique, supportée par un palmier :

    debout, contre le tronc du palmier, deux figurines se regardent : ce sont les deux sœurs, la Catalogne et la Provence;

    la Provence a posé son bras droit autour du cou de la Catalogne, pour lui marquer son amitié; la Catalogne a mis sa main droite sur son cœur, comme pour remercier;

    aux pieds de chacune des deux  figurines, vêtues d'une toge latine  et le sein nu, se trouve un écusson avec les armoiries de sa province;

    autour de la conque  et  au dehors, écrit sur une bande tressée avec du laurier, on lit l'inscription suivante :

    "Souvenir offert par les patriotes catalans aux félibres provençaux pour l'hospitalité donnée au poète catalan Victor Balaguer. 1867"

    Sur le piédestal sont finement gravées les inscriptions suivantes :

    "Elle est morte, disent-ils, mais je crois qu'elle est vivante" (Balaguer) - "Ah ! s'ils savaient m'entendre ! Ah ! s'ils voulaient me suivre !" (F.Mistral)

     

    Cette coupe a été ciselée par le sculpteur Fulconis d'Avignon, lequel refusa d'être payé pour son travail, lorsqu'il apprit la destination et le sens de cette Coupo, beau symbole de l'amitié entre deux peuples, auquel il a ainsi grandement contribué...

    Mistral prévenu de ce cadeau compose "la Cansoun de la Coupo". Elle contient 7 couplets de 4 vers et un refrain de 4 vers.

    En temps normal la Coupo est conservée dans un coffre; traditionnellement elle "sort" au moins une fois l'an au moment de la Santo Estello (fête annuelle des félibres se déroulant pour Pentecôte dans une grande ville du pays d'Oc).

    À la fin du banquet de la Santo Estello, le Capoulié du Félibrige prononce un discours puis boit à la Coupo (du vin de Châteauneuf du Pape). Ensuite tous les Félibres peuvent boire aussi à la Coupo... 

    MISTRAL coupo santo des provencaux aux catalans.jpg

    À leur tour, quelques temps plus tard, les poètes provençaux offrirent une sorte de réplique de la Coupo (ci dessus) à leurs amis Catalans...

     

            Voici le texte complet de l'hymne de la Coupo santo, et une proposition de traduction :

     

    I

    Prouvençau, veici la coupo / Provençaux, voici la Coupe

    Que nous vèn di Catalan. / Qui nous vient des Catalans.

    A-de-rèng beguen en troupo / Tour à tour, buvons ensemble

    Lou vin pur de noste plant. / Le vin pur de notre cru.

     

    Refrain

    Coupo Santo, e Versanto / Coupe sainte, et débordante,

    Vuejo à plen bord, / Verse à pleins flots,

    Vuejo abord lis estrambord / Verse à flots les enthousiasmes

    E l’enavans di fort ! / Et l'énergie des forts !

     

    II

    D’un vièi pople fièr et libre / D'un vieux peuple fier libre

    Sian bessai la finicioun ; / Nous sommes peut-être les derniers.

    E, se toumbon li Felibre, / Et si tombent les Félibres,

    Toumbara nosto Nacioun. /Tombera notre Nation.

     

    III

    D’uno raço que regreio / D'une race qui regerme

    Sian bessai li proumié gréu ; / Nous sommes peut-être les premiers bourgeons

    Sian bessai de la Patrio / Nous sommes peut-être de la Patrie

    Li cepoun emai li priéu. / Les piliers et les chefs.

     

    IV

    Vuejo-nous lis esperanço / Verse-nous les espérances,

    E li raive dóu jouvènt, / Et les rêves de la jeunesse,

    Dóu passat la remembranço /Du passé, le souvenir,

    E la fe dins l’an que vèn. / Et la foi dans l'an qui vient.

     

    V

    Vuejo-nous la couneissènço / Verse-nous la connaissance

    Dóu Verai emai dóu Bèu, / Du Vrai comme du Beau,

    E lis àuti jouissènço / Et les hautes jouissances

    Que se trufon dóu toumbèu. / Qui se rient du tombeau.

     

    VI

    Vuejo-nous la Pouësio / Verse-nous la Poésie

    Pèr canta tout ço que viéu, / Pour chanter tout ce qui vit,

    Car es elo l’ambrousio / Car c'est elle l'ambroisie

    Que tremudo l’ome en Diéu. /Qui transforme l'homme en Dieu.

     

    VII

    Pèr la glòri dóu terraire / Pour la gloire du Pays

    Vautre enfin que sias counsènt, /Vous enfin qui êtes consentants

    Catalan, de liuen, o fraire, /Catalan, au loin, nos frères

    Coumunien tóutis ensèn ! / Communions tous ensemble !

     

     

    Trois de nos Éphémérides essayent de restituer au moins une partie de la puissance et de la beauté de la poésie mistralienne (8 septembre, naissance; 25 mars, décès; 29 février, Prix Nobel) : elles sont réunies et "fondues", pour ainsi dire, en un seul et même PDF, pour la commodité de la consultation :

    Frédéric Mistral

    Et six autres de nos Éphémérides rendent compte de son action, de ses initiatives ou d'autres prises de position importantes :

    • l'institution de la
  • «Un défaut d’acculturation scientifique de la population française»: ce que révèlent les propos de Sibeth Ndiaye, par El

    L’ancienne porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye. Jean-Christophe Marmara/JC MARMARA / LE FIGARO

    Dans les mots des gouvernants se cache un mépris implicite pour les gouvernés, analyse Elodie Mielczareck. Selon la sémiologue, le gouvernement ferait mieux d’adopter une posture plus humble lorsqu’il communique avec les français.

    6.jpg«Je crois qu’on a souffert au cours de cette crise d’un défaut d’acculturation scientifique de la population française»: voilà comment sont résumés les contre-sens gouvernementaux de ces derniers mois. Prenez cela dans les dents! C’est votre nullité et imbécilité qui explique la situation gravissime dans laquelle la France s’est trouvée.

    La posture est osée, d’une condescendance affichée: c’est celle de l’ancienne porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, expression publique et représentative d’un positionnement de fond impulsé par le Président de la République, et ce, dès le soir de son élection. Décidément, ce «nouveau monde» aura accouché des pires «négociateurs», ceux qui oublient la définition de l’intelligence relationnelle.

    De la verticalité sous le règne macronien

    Les représentants du gouvernement En Marche n’ont pas le monopole de la phrase condescendante: «les petites gens» (Manuel Valls), «la France d’en bas» (Jean-Pierre Raffarin) les sans dent», (François Hollande), les discours politiques et médiatiques regorgent de ces substantifs pour désigner une catégorie de la population française. Mais le maillage linguistique gouvernemental est spécifique. S’il est un schème particulièrement caractéristique de ses discours, c’est celui de la verticalité. Présente de manière symbolique au soir de l’élection d’Emmanuel Macron au travers de la Pyramide du Louvre, la hiérarchisation verticale est un invariant des prises de paroles gouvernementales.

    Revenons pour exemple sur cette phrase d’Emmanuel Macron: «dans les gares, il y a ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien». Si elle est correcte grammaticalement, le choix sémantique du verbe être («ne sont rien») au lieu du verbe avoir («n’avoir rien») interpelle. D’ailleurs, pour sortir de la crise des «gilets jaunes», Emmanuel Macron propose de créer un «Haut Conseil pour le climat». Tout est donc haut et vertical dans la logorrhée macronienne.

     

    Les mots utilisés par le président dans son livre de campagne Révolution (« pauvres », « démunis », « faibles ») sont empruntés au langage forgé par l’Église médiévale

     

    L’historien Gérard Noiriel précise: les mots utilisés par le président dans son livre de campagne Révolution («pauvres», «démunis», «faibles») sont empruntés au langage forgé par l’Église médiévale. Il y a le haut et le bas, sans intermédiaire. Cette verticalité se décline comme un leitmotiv: «trop intelligents, trop subtiles» (Gilles LeGendre) face à des «fainéants et des cyniques» (Emmanuel Macron), ou bien à des acculturés. En somme, des cons qui n’arrivent pas à se mettre en marche. Les mots diffèrent mais la logique sous-jacente est identique: le mépris de l’autre.

    Plus largement, «ceux qui fument des clopes» (Benjamin Griveaux) ou «ceux qui foutent le bordel» déterminent des catégories très vastes: il y a au moins une chance pour que vous qui lisiez ces lignes, soyez dans au moins une des catégories décrites négativement par le gouvernement. Une erreur de tact volontaire.

    Les inaptes sont les gouvernants, pas les gouvernés

    «Ça marque le rapport au temps de notre société. Aujourd’hui, on veut que d’un claquement de doigts, toutes les réponses aux questions qu’on se pose, soient apportées immédiatement». Pour une fois, nous ne pouvons que souscrire à cette analyse de l’ancienne porte-parole. Mais alors, n’est-ce pas aux gouvernants de faire preuve d’adaptabilité? N’est-ce pas justement de leur ressort que de décoder les attentes? N’ont-ils pas le devoir de s’adapter aux enjeux de notre époque?

    Cette époque justement, on peut la qualifier de «post-moderne», comme le fait le sociologue Michel Maffesoli. Le présentéisme est bien une de ses valeurs. Plutôt que de lutter contre ce phénomène, accentué par nos réseaux sociaux et accompagné de nouveaux codes dans la communication, le gouvernement a la responsabilité de développer des procédures de décision plus pertinente et immédiate. Etonnamment, quand il s’agit de mettre en place des actions dans une vision court-termiste, souvent électoraliste, le présentéisme semble une valeur plus affectionnée que rejetée.

    Autre valeur de la post-modernité dont le gouvernement ferait mieux de s’inspirer: le perspectivisme. Prétendre à longueur de journée détenir «La Vérité» ou bien prétendre savoir ce qu’est «La Réalité», c’est méconnaitre les mécanismes cognitifs à l’œuvre. Nous évoluons dans un monde passé au tamis de nos sensations, ressentis, filtres et biais de perception.

    Les pires négociateurs accentuent la polarisation par leur posture

    Depuis plusieurs mois, la posture gouvernementale est un excellent contre-exemple. Dans quelques années, elle servira d’exemple pour illustrer ce qu’il ne faut surtout pas faire en situation de négociation, de ce qu’il ne faut surtout pas faire lorsqu’on souhaite augmenter son intelligence situationnelle. Voici ce programme récurent auquel nous a habitué le gouvernement:

    I: Ne pas (se) faire confiance : N’en déplaise à la sagesse populaire, la confiance ne se mérite pas, elle se donne! Et c’est en tous les cas la conclusion d’Anatol Rapoport, ce psychologue et philosophe américain d’origine russe, figure de proue de la «théorie des jeux». Vous avez déjà sans doute entendu parlé de ce dilemme du prisonnier: deux personnes enfermées ont davantage intérêt à coopérer entre elles plutôt que se dénoncer mutuellement afin de maximiser leurs gains.

    Réalisé à grandes échelles et de manière multipliée grâce à l’intelligence artificielle, les résultats confirment l’injonction de Rapoport: «Cooperate on move one ; thereafter, do whatever the other player did the previous move.» (Traduction: «Coopère sur le premier mouvement, et ensuite fait exactement ce que l’autre joueur fait»). Et cela, les meilleurs négociateurs au monde le savent bien: la confiance ça se donne d’entrée de jeu.

     

    Les bons négociateurs savent que, pour arriver à leur fin, il est plus efficace de cultiver l’humilité, la réciprocité et le respect de l’autre.

     

    Au contraire, le gouvernement favorise la société de défiance telle que la décrivait Alain Peyrefitte à son époque: «La société de défiance est une société frileuse, gagnant-perdant: une société où la vie commune est un jeu à somme nulle, voire à somme négative (si tu gagnes, je perds) ; société propice à la lutte des classes, au mal vivre national et international, à la jalousie sociale, à l’enfermement, à l’agressivité de la surveillance mutuelle. La société de confiance est une société en expansion, gagnant- gagnant, une société de solidarité, de projet commun, d’ouverture, d’échange, de communication.» (La Société de confiance, 1995). Merci nous y sommes.

    II - Cultiver le rabaissement personnel : En France, on raille beaucoup les saillies conquérantes d’un Donald Trump. Emmanuel Macron n’en est que la version plus «frenchie», moins directe, plus louvoyante. La violence est la même. Les bons négociateurs savent que, pour arriver à leur fin, il est plus efficace de cultiver l’humilité, la réciprocité et le respect de l’autre. Encore faut-il connaitre le mot «considération». Une qualité dont semble bien incapable un gouvernement qui n’a de cesse que de renforcer la polarisation de l’espace public: sans nuance, c’est pour ou contre, c’est Jojo-le-Gilet-Jaune avec les «Kwassa Kwassa» contre le progrès et le sens de l’Histoire.

    III - Favoriser la non-transparence : Que ce soit dans une organisation étatique jamais réformée ou bien dans des propos qui ont toutes les apparences linguistiques de la langue de bois, nos Hommes d’Etat adorent pérorer dans des mots complexes pour mieux camoufler leur ignorance. Dernière mot en date donc: «acculturation». Pourquoi ne pas avoir choisi le terme de «culture»? Sibeth Ndiaye aurait pu se plaindre «d’un manque de culture scientifique»? Non, le terme acculturation est faussement plus «sachant» et «expert». Ne serait-ce pas de la poudre de perlimpinpin?

     

    Élodie Mielczareck est sémiologue, spécialisée dans les dynamiques comportementales verbales et non verbales. Elle a notamment publié Déjouez les manipulateurs (Éditions du Nouveau Monde, 2016) et La Stratégie du Caméléon (Cherche Midi, 2019).

     

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • Rémi Brague soulève les ambiguïtés de l’islam et les méprises de l’Occident, par Annie Laurent

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    Dans son livre Sur l’islam, le philosophe Rémi brague prend à bras-le-corps les questions posées par l’islam à notre civilisation, jetant la clarté de l’analyse sur les obscurités et les contradictions d’un phénomène déroutant pour les esprits qui s’obstinent à penser qu’il est seulement une religion.

     

    Amazon.fr - Sur l'islam - Brague, Rémi - Livres

     

    Rémi BRAGUE, Sur l’islam, Gallimard, 2023, 385 p., 24 €.

     

    Conscient des ambiguïtés, des malentendus et des contradictions qui caractérisent trop souvent le discours des Européens sur l’islam, Rémi Brague, philosophe médiéviste et arabisant, entreprend dans ce livre érudit et fouillé de remettre à leur juste place les principaux concepts d’une religion-civilisation qui, malgré sa simplicité et son évidence apparente, voire sa proximité avec le christianisme, constitue un système complexe et étranger à notre foi ainsi qu’à la culture qu’elle a engendrée. Dès lors, si l’on veut comprendre l’islam en ce qu’il est réellement, il faut cesser d’en parler en utilisant avec assurance un vocabulaire chrétien alors que des mots identiques n’ont bien souvent pas du tout le même sens. Telle est la conviction de l’auteur et l’on ne peut que la partager en ces temps de confusions généralisées. C’est pourquoi son œuvre mérite la plus grande attention.

    Le livre s’ouvre sur une mise au point quant à la manière d’aborder le sujet en vérité : ne pas craindre d’être accusé d’islamophobie, celle-ci fût-elle « savante », étiquette dont Brague a déjà eu à pâtir, comme il le confie. Soulignant que le terme « islamophobe » ne peut s’appliquer qu’à des personnes, et non à une doctrine, le philosophe explique que cet amalgame revient à pratiquer l’équivalence entre « la science la plus exigeante et le racisme le plus obtus » et à confondre « une religion avec ses adeptes ». Il en souligne un autre inconvénient : « Parler d’islamophobie empêche de porter sur ce dont il s’agit un quelconque jugement de valeur ». Or, pour lui-même, il entend être respecté dans ses convictions. « Je n’ai jusqu’à présent trouvé aucune raison qui me pousse à considérer l’islam comme vrai, Mahomet comme un authentique prophète ou même comme un bon exemple, et le Coran comme un livre divin ». Saluons au passage le courage de cette déclaration.

    Pour autant, la démarche du savant n’a rien de polémique. En pédagogue assumé, R. Brague a choisi la clarté et la rigueur, un double souci qui parcourt l’ensemble du texte, en commençant par les diverses significations du mot « islam » : rapport au divin, doctrine prêchée par Mahomet, fait historique, civilisation, ensemble des peuples musulmans.

    Des parties essentielles sont consacrées aux considérations religieuses. L’auteur rappelle l’écart infranchissable qui sépare le Dieu des chrétiens et le Dieu des musulmans dans leur rapport à l’humanité : l’Incarnation. La Révélation chrétienne enseigne que Dieu s’est fait connaître tout en restant mystérieux tandis que, dans l’islam, il reste « caché ». L’apologétique supplante ainsi la théologie.

    Puis, Brague s’attarde sur des questions de bon sens. Quelles sont la cohérence textuelle et la crédibilité doctrinale de l’islam lorsque l’on découvre les contradictions qui émaillent le Coran, un livre sensé émaner de Dieu seul, donc incréé et non pas inspiré comme la Bible ? Ou lorsque l’on apprend que les versets les plus conviviaux, tels ceux qui concernent les chrétiens, datés des débuts fragiles de la prédication de Mahomet, sont abrogés, en un temps plus faste, par des prescriptions hostiles, les uns et les autresvenus du Ciel? S’ajoutent à cela les confusions entretenues par la présence dans le Coran de noms bibliques attribués à des personnages dont le parcours s’inscrit dans une perspective étrangère à celle de l’Ancien et du Nouveau Testament. Assurément, l’islam a un problème avec l’histoire ! Et puis, comment faire le tri entre les catégories de hadîths (récits d’actes et paroles attribués à Mahomet), tous réputés normatifs comme compléments du Coran, sachant que « les plus fréquemment cités ne sont pas ceux dont l’authenticité est la plus sûre » ?

    Il faut remercier l’auteur de rappeler que l’adjectif « tolérant », volontiers appliqué à l’islam, est étranger à l’idée d’égalité ou de respect qu’il suggère en Occident. En islam, la tolérance relève du droit : elle organise la supériorité d’un régime musulman sur ses ressortissants d’autres religions ; c’est pourquoi elle « ne peut admettre la légitimité des droits des incroyants ». On comprend alors pourquoi la laïcité est inconcevable dans un tel contexte politico-religieux.

    Le philosophe insiste sur la centralité de la charia (loi islamique), rappelant qu’en islam « Dieu est le seul législateur légitime » et que ses prescriptions concernent jusqu’aux actes les plus anodins. Avec raison, il explique la méfiance du Coran envers tout ce qui relève de la nature (le mot en est absent), celle-ci pouvant être perçue comme « une sorte de divinité rivale ». Une exception de taille cependant : l’islam est la « religion innée » de tout être humain, que ce dernier l’accepte ou pas ! Donc, pas de loi naturelle et pas de recours à la rationalité. Dans ces conditions, s’interroge Brague, comment peut-on envisager une entente sociale entre musulmans et non-musulmans, sachant qu’en outre le mensonge est licite lorsqu’il sert la cause de l’islam ou bien protège l’identité islamique de l’individu ou de la société ?

    Tout cela, avec d’autres principes décrits dans l’ouvrage, répond à un objectif supérieur : assurer le triomphe universel de l’islam. Telle est sa vocation. Et Dieu garantit le succès : « Il a envoyé son Apôtre [Mahomet] avec la religion vraie pour lui faire vaincre toute religion », lit-on dans le Coran (9, 33). On comprend dès lors la légitimité que l’islam confère au recours à la force sous toutes ses formes. Celui-ci ne saurait être limité à un acte de défense, son aspect offensif étant légitimé par l’exemple de Mahomet, puis validé par de célèbres juristes. « Le tour de force de l’islam apparaît ici : faire dépendre du bien le plus élevé, à savoir Dieu, lemal le plus bas, le meurtre », commente l’auteur, attirant l’attention du lecteur sur la fausseté de la formule usuelle qui tend à opposer le « grand djihad », qui serait spirituel, au « petit djihad », qui serait offensif. La palette du djihad prévoit aussi des « moyens patients »: fécondité, séduction, surveillance, chantage, intimidation, etc.

    Brague aborde enfin « l’ankylose » qui affecte le monde musulman, situation dont l’Europe porterait la responsabilité, selon des idées infondées qu’il s’applique à défaire, fournissant à ce sujet d’utiles précisions historiques. Ainsi rappelle-t-il que ce déclin a commencé au XIème siècle. Quant à la réforme tant attendue en vue de restaurer « l’islam plus vrai », il en démontre l’utopie puisque « ce sont les sources qui contiennent les éléments les plus inquiétants ».

    Certains reprochent à l’auteur de ne pas tenir compte des études actuelles qui tendent à déconstruire l’historicité traditionnelle de l’émergence de l’islam au VIIème siècle. Il se défend d’une attitude délibérée, appuyant son doute sur des éléments précis, dont il tire cette conviction, à savoir que « les origines réelles de l’islam sont obscures et ont de bonnes chances de le rester longtemps encore ». Ce qui a servi de fondement à son travail, précise-t-il, est la prise en compte de la trame islamique bâtie au fil du temps par le monde musulman. Comment pourrions-nous autrement saisir les caractéristiques d’une civilisation avec laquelle il nous faut cohabiter ?

     

    Article paru dans L’Homme nouveau n° 1785 du 3 juin 2023.

  • Le coût des 30 km/h en ville ? Plus de 20 milliards par an, par Rémy PRUD'HOMME (Economiste).

    OPINION. Alors que de plus en plus de villes (à commencer par Paris) envisagent de passer la limitation pour les véhicules en zone urbaine de 50 km/h à 30 km/h, l'économiste Rémy Prud'homme propose de mettre cette décision dans la balance : les gains potentiels amortissent-ils les coûts ?

    7.jpgDans les zones urbaines, la vitesse maximale des voitures était fixée à 50 km/h. Un nombre croissant de grandes agglomérations, à commencer par Paris, entendent abaisser cette vitesse à 30 km/h. La Loi d’Orientation sur les Transports Intérieurs fait obligation à ceux qui veulent faire des investissements ou prendre des décisions de procéder préalablement à des analyses coûts-bénéfices. Nos édiles ont mieux à faire qu’à respecter les lois, et se fichent de celle ci comme de l’an quarante. Essayons d’esquisser ce que pourraient être une telle analyse des 30 km/h.

    La vitesse moyenne des déplacements automobiles en zone urbaine est actuellement de 29 km/h. L’abaissement de la vitesse maximale de 50 km/h à 30 km/h va réduire cette vitesse. Pas de 20 km/h bien sûr. Tous ceux qui roulent actuellement à moins de 30 km/h, par prudence ou par embouteillage, ne seront pas affectés. On sait qu’à des vitesses élevées, une baisse de 10 km/h de la vitesse maximale autorisée engendre une baisse de la vitesse moyenne d’environ 3 km/h. Retenons cet ordre de grandeur. Il signifie que dans les agglomérations la vitesse moyenne va passer de 29 km/h à 23 km/h.

    Du côté des bénéfices, ce ralentissement a un double effet. Il réduit le bruit de la circulation, qui provient surtout surtout du bruit des autobus, des camions et des motos, mais n’en est pas moins très désirable. Il réduit aussi le risque d’accident, mais celui-ci provient surtout de vitesses supérieures à 50 km/h, et il concerne davantage les motos que les voitures.

    Du côté des coûts, il faut considérer la consommation de carburant, la pollution et les pertes de temps. On connait depuis longtemps l’équation de la courbe de consommation de carburant en fonction de la vitesse - qui est aussi celle des rejets de CO2 et de polluants. Elle a la forme d’un V aplati. A une vitesse faible, consommation et rejets au km parcouru sont élevés (à la vitesse zéro, ils sont infinis). Lorsque la vitesse augmente, ces rejets diminuent. Ils sont minimaux pour des vitesses de 50 à 70 km/h. Ils augmentent ensuite avec la vitesse, et sont de nouveau élevés lorsqu’elle atteint 120 km/h. La mesure proposée a donc nécessairement pour effet d’augmenter, pas de diminuer, la consommation de carburant et les rejets polluants des véhicules. De combien [i]? D’environ 3%. L’impact sur la surconsommation de carburant est réel mais relativement modeste (environ 240 millions d’euros), il en va de même pour la surproduction de CO2 (environ 0,2 millions de tonnes), et pour l’augmentation d’une pollution déjà très réduite.

    Le principal coût concerne les pertes de temps. Pour un trajet donné, rouler moins vite, c’est mettre plus de temps. M. de la Palice, sinon tous nos élus, avait compris cela il y a belle lurette. Réduire la vitesse, c’est augmenter le temps de transport de millions de Français. C’est leur infliger une punition qui a un coût que l’on peut grossièrement évaluer. Les agglomérations de plus de 100 000 habitants regroupent environ 27 millions de Français (de plus de six ans). Les deux-tiers d’entre eux se déplacent en automobile (en France, pas à Paris !). Ils font en moyenne 25 km par jour en transports locaux, sans compter leurs déplacements longs, à une vitesse de 29 km/h. Ils passent donc - perdent diront beaucoup d’entre eux - 52 minutes par jour à se déplacer. Soit au total 5,6 milliards d’heures - chaque année.

    On a vu que le temps de transport quotidien va passer de 52 minutes à 65 minutes, une augmentation de 25%. Soit au total 7,1 milliards d’heures par an. La mesure analysée engendre donc une perte de temps de 1,5 milliards d’heures. Qu’on ne dise pas que les automobilistes pourraient abandonner leur voiture pour les transports publics : ils perdraient encore plus de temps. Mesurée de l’origine à la destination, la vitesse des déplacements en transport collectif est à peu près le double de ce qu’elle est en automobile.

    Le ministère des Transports, qui a longuement étudié la valeur du temps dans les transports, propose de la chiffrer à 14,4 euros de l’heure. Le coût des pertes de temps pour la société causé par les 30 km/h peut donc être estimé à environ 21 milliards d’euros par an.

    Ce chiffre est à prendre avec prudence. Certains des paramètres utilisés, comme par exemple la longueur des déplacements, reposent sur les résultats d’une enquête un peu ancienne (2008), ou sur des hypothèses discutables, et pourraient être améliorés. Mais ce chiffre est très probablement une prudente sous-estimation, pour plusieurs raisons. Il ne prend pas en compte le coût de la congestion accrue que la mesure va engendrer. Il ignore le coût du ralentissement dont vont souffrir les camions, moins nombreux que les voitures, mais avec une valeur du temps bien plus élevée. Il n’évalue pas la baisse de productivité due au rétrécissement des marchés de l’emploi.

    Il faut mettre ce coût en perspective. Il représente plus de deux fois le budget annuel de la Justice (y compris les prisons). La nécessité d’augmenter le budget de ce service public largement reconnu comme essentiel et comme calamiteux nous est répétée quotidiennement. Mais, nous dit-on aussi, il n’y a pas de ressources pour cela - alors qu’il y en a, et beaucoup plus, pour embêter les automobilistes. L’analyse coûts-bénéfices, ça sert à éclairer ce genre de choix.

     

    [i] Le ministère des Transports donne la consommation de carburant (C) en fonction de la vitesse (V) : C=0,1381-2,34*10-3*V+1,6*10-5*V2 qui permet de calculer la consommation pour les vitesses de 29 km/h et de 23 km/h, et de voir que la consommation à 23 km/h est supérieure de 2,8% à la consommation à 29 km/.

    On calcule la consommation de carburant dans les agglomération en multipliant leur population (27M) par la part des déplacements automobiles (66%) par le kilométrage quotidien (25 km) en divisant par le nombre moyen de voyageurs par voiture (2) et en multipliant par le nombre de jours (365) et par la consommation carburant par km (0,07). On obtient 5,7 milliards de litres, soit à 1,4€/litres 7,8 milliards d’euros. L’augmentation de 3% induite par la mesure étudiée implique une augmentation de la consommation de carburant de 170 M de litres, à un surcoût pour les utilisateurs de 240 M€, et une augmentation des rejets de CO2 de 0,17 M de tonnes.

    Source : https://frontpopulaire.fr/

  • Bas les Masques ! par Rémi Soulié 

    REMARQUABLE ET PROFONDE ANALYSE DE RÉMI SOULIÉ : voilà ce que dit sobrement François Marcilhac sur sa page facebook, où il donne ce texte, paru sur Boulevard Voltaire mais que nous avons trouvé chez lui, au fil de nos déambulations sur les pages amies de fb... : bonne pioche !

    Bravo à l'auteur, merci à celui qui l'a diffusé...

    l3nJ779K_400x400.jpgMasques et mascarade constituent un extraordinaire moment de vérité dans le mensonge spectaculaire ou le règne du « faussel », le réel inversé justement défini par Renaud Camus. Ils sont, au sens chimique et métallurgique, un précipité : la phase dispersée hétérogène dans la phase majoritaire (la vérité dans le mensonge), la sédimentation d’un agrégat moléculaire comme, par exemple, lors de la formation des anticorps – nous sommes évidemment au cœur viral du sujet.

    Le masque est la vérité politique moderne. Autrement dit, il dévoile le réel de la mascarade, comme un ancien ministre l’a avoué – en démocratie, un politique ne peut pas dire publiquement la vérité, sauf à abandonner le registre de l’opinion en étant platonicien (il y en a), quoique cela soit périlleux : la tragique pénurie de masques concrets n’est que l’envers de leur omniprésence abstraite, soit de la mascarade permanente.

    Je ne parle pas tant du masque jungien de la persona sociale, du masque revêtu par le liturge théâtral grec que du masque comique ou sinistre que le voleur porte lors du braquage. Le premier, per-sonare, vise à faire entendre, à faire porter la voix du poème, qui est voie de vérité ; le second vise à cacher et à taire : taire la vérité, cacher le mensonge.

    La mascarade, quant à elle, ressortit du divertissement permanent, du « jeu de rôles ». Homo festivus y était grand débutant ; il s’est perfectionné en devenant Homo larvatus, en tenant ainsi toute sa place dans ce que Platon – au troisième livre des Lois – appelait la théâtrocratie.

    En assurant qu’il avançait masqué (larvatus prodeo), Descartes ne croyait pas si bien dire. Certes, le masque s’imposait alors, comme il s’impose encore de nos jours dans une certaine mesure – je renvoie à l’art ésotérique d’écrire dans les temps de persécution, de Leo Strauss, ou au caute (prudence) de Spinoza (les Lumières bourgeoises ne tolèrent même plus les « Lumières radicales ») –, mais Descartes, homme moderne s’il en est, caractérisait surtout ainsi la nature même du moderne, foncièrement larvaire.

    La larva, en latin, est le « masque de fantôme », le fantôme lui-même, la larve, le spectre, et le larvatus, le masqué, l’ensorcelé. Le masque est noir (que l’on songe au mascara : en catalan, la tache noire, la salissure), du radical préroman maska (« noir ») d’où masca, en latin tardif, le « masque » (les premiers déguisements, ignoble appropriation culturelle, consistaient à se noircir le visage et le corps) mais aussi la « sorcière » ou le « spectre, le « démon », tout comme, en occitan, masca (lo masc, le sorcier).

    Le monde désenchanté de la modernité est un monde envoûté, possédé. Artaud, qui fut toujours lucide, l’a hurlé urbi et orbi. Dans l’âge sombre, il ne faut pas s’étonner de vivre au royaume des ombres, dont la France est hélas devenue depuis des lustres une province. Vœu pieux : puisse le mensonge qui nous assaille muter en vérité.