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Bas les Masques ! par Rémi Soulié 

REMARQUABLE ET PROFONDE ANALYSE DE RÉMI SOULIÉ : voilà ce que dit sobrement François Marcilhac sur sa page facebook, où il donne ce texte, paru sur Boulevard Voltaire mais que nous avons trouvé chez lui, au fil de nos déambulations sur les pages amies de fb... : bonne pioche !

Bravo à l'auteur, merci à celui qui l'a diffusé...

l3nJ779K_400x400.jpgMasques et mascarade constituent un extraordinaire moment de vérité dans le mensonge spectaculaire ou le règne du « faussel », le réel inversé justement défini par Renaud Camus. Ils sont, au sens chimique et métallurgique, un précipité : la phase dispersée hétérogène dans la phase majoritaire (la vérité dans le mensonge), la sédimentation d’un agrégat moléculaire comme, par exemple, lors de la formation des anticorps – nous sommes évidemment au cœur viral du sujet.

Le masque est la vérité politique moderne. Autrement dit, il dévoile le réel de la mascarade, comme un ancien ministre l’a avoué – en démocratie, un politique ne peut pas dire publiquement la vérité, sauf à abandonner le registre de l’opinion en étant platonicien (il y en a), quoique cela soit périlleux : la tragique pénurie de masques concrets n’est que l’envers de leur omniprésence abstraite, soit de la mascarade permanente.

Je ne parle pas tant du masque jungien de la persona sociale, du masque revêtu par le liturge théâtral grec que du masque comique ou sinistre que le voleur porte lors du braquage. Le premier, per-sonare, vise à faire entendre, à faire porter la voix du poème, qui est voie de vérité ; le second vise à cacher et à taire : taire la vérité, cacher le mensonge.

La mascarade, quant à elle, ressortit du divertissement permanent, du « jeu de rôles ». Homo festivus y était grand débutant ; il s’est perfectionné en devenant Homo larvatus, en tenant ainsi toute sa place dans ce que Platon – au troisième livre des Lois – appelait la théâtrocratie.

En assurant qu’il avançait masqué (larvatus prodeo), Descartes ne croyait pas si bien dire. Certes, le masque s’imposait alors, comme il s’impose encore de nos jours dans une certaine mesure – je renvoie à l’art ésotérique d’écrire dans les temps de persécution, de Leo Strauss, ou au caute (prudence) de Spinoza (les Lumières bourgeoises ne tolèrent même plus les « Lumières radicales ») –, mais Descartes, homme moderne s’il en est, caractérisait surtout ainsi la nature même du moderne, foncièrement larvaire.

La larva, en latin, est le « masque de fantôme », le fantôme lui-même, la larve, le spectre, et le larvatus, le masqué, l’ensorcelé. Le masque est noir (que l’on songe au mascara : en catalan, la tache noire, la salissure), du radical préroman maska (« noir ») d’où masca, en latin tardif, le « masque » (les premiers déguisements, ignoble appropriation culturelle, consistaient à se noircir le visage et le corps) mais aussi la « sorcière » ou le « spectre, le « démon », tout comme, en occitan, masca (lo masc, le sorcier).

Le monde désenchanté de la modernité est un monde envoûté, possédé. Artaud, qui fut toujours lucide, l’a hurlé urbi et orbi. Dans l’âge sombre, il ne faut pas s’étonner de vivre au royaume des ombres, dont la France est hélas devenue depuis des lustres une province. Vœu pieux : puisse le mensonge qui nous assaille muter en vérité.

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