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  • Jean-François Mattei parle de l'Europe...

              Sous le titre Quelle identité pour l'Europe ?, Le Figaro du 1°juillet publie ce très intéressant texte de Jean-François Mattei, que nous reproduisons in extenso vu sa qualité. On pardonnera au site internet du journal la bourde qui a consisté à confondre les deux Mattei, et à illustrer l’article par la photo de l’autre JF Mattei, l’ancien ministre…..

              L’essentiel est, bien sûr, dans le texte. Afin de rendre malgré tout

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    à César ce qui est à César, nous publions la photo de notre excellent ami Jean-François Mattei, qui nous fait régulièrement l’honneur et l’amitié de venir parmi nous. On se souvient, par exemple, qu’il répondit avec brio aux questions fort pertinentes de Fabrice Hadjadj lors d’une conférence-débat portant sur son livre « Le regard vide ». Et que, peu après,  le 21 janvier 2008, toujours à Marseille, il fit une intervention mémorable aux côtés d’Hilaire de Crémiers et du professeur Christian Attias (1). D’autres rencontres avec lui, s'il le veut bien, sont d’ores et déjà envisagées…..

    (1)        Voir la note « Les trois vidéos du 21 Janvier 2008 » dans la catégorie « Audio / Vidéo ».

    Quelle identité pour l'Europe ? 

          Le philosophe Jean-François Mattei explique la crise de l'Europe par sa difficulté à accepter son histoire et son identité.

              «Où en serait le monde sans Spinoza, sans Freud, sans Einstein ?» demandait récemment Nicolas Sarkozy à Jérusalem. Parallèlement à ces trois grandes figures européennes, on pourrait aussi demander : «Où en serait l'Europe sans Descartes, sans Goethe, sans Beethoven ?» Et, pour filer jusqu'au bout les interrogations précédentes, où en serait l'homme sans la philosophie, la science, la technique, la médecine, le droit, la politique, l'économie que le génie de l'Europe a tracés dans ses frontières spirituelles ?

              Le président de la République reconnaissait devant la Knesset la permanence de la promesse qui anime l'«identité juive» depuis son alliance avec Yahvé. On souhaite que les dirigeants européens reconnaissent devant Bruxelles la continuité d'une autre promesse qui anime l'identité européenne depuis son alliance avec la Raison. C'est la promesse d'une culture ouverte sur l'humanité entière. Or il ne va pas de soi que l'Europe présente ce souci de la tradition dont elle a hérité. En exaltant l'Europe des artistes, des philosophes et des écrivains, Mme Albanel a annoncé la création d'un réseau de valorisation du patrimoine européen. On s'en réjouira.

              Mais quelle identité un tel patrimoine offrira-t-il à une Europe oublieuse et parfois honteuse, de son héritage ? Les plus grands esprits du siècle passé, de Paul Valéry à Simone Weil, ont dénoncé l'amnésie d'une civilisation vouée à la guerre et au commerce, mais indifférente à sa culture. Quand Camus écrivait que «le secret de l'Europe, c'est qu'elle n'aime plus la vie», il pressentait qu'elle ne s'aime pas elle-même car son identité lui est aussi révolue que son histoire en dépit des appels réitérés, et univoques, à son devoir de mémoire.

              Si l'Europe est étrangère à son passé parce que ceux qui étaient chargés de le transmettre s'en sont détournés, elle n'est plus une civilisation, soulignait Fernand Braudel mais une étiquette qui n'évoque pour ses habitants qu'une administration bruxelloise ou un Parlement strasbourgeois. Il convient donc d'aller au-delà des mots pour réactiver un patrimoine qui demeure présent dans ces lieux de mémoire que sont les universités, les musées, les bibliothèques, mais aussi les œuvres, les villes et les aires culturelles dont le même Braudel disait qu'elles étaient les «cadres intelligibles» du monde actuel. Ce sont précisément ces cadres qui ont pour but de donner aux Européens, en ces temps de mondialisation, l'intelligence de leur propre destin.

              On s'étonne en haut lieu que les peuples, et pas seulement les Français ou les Irlandais, se montrent méfiants à l'égard de l'Europe. Ces mauvais esprits la mettent en panne, au moment où ses dirigeants parlent d'intégrer de nouveaux pays aux vingt-sept États membres, comme un navire privé de vent réduit sa voilure. L'Europe souffre, certes, de bien des maux, politiques, sociaux ou économiques ; mais elle est surtout en panne d'identité parce qu'elle n'a plus aucun souffle créateur. Que recouvre en effet ce mot usé d'«Europe» si on la dispense de frontières géographiques comme de limites historiques, bref, si on ne sait plus situer sa voix dans le concert des civilisations ? Lorsque François Mitterand remettait à Aix-la-Chapelle le prix Charlemagne à Vaclav Havel, en mai 1991, il assimilait l'idée européenne à une «âme» qui assurait, sur des terres différentes, «notre commune identité». C'est cette âme qui aujourd'hui fait défaut, le déficit d'âme étant ce qui reste de l'Europe quand son identité s'est retirée.

              L'Union européenne, en dépit de son souci de commémoration politique et de son obsession de flagellation morale, tourne le dos à sa culture pour ne s'intéresser qu'à son économie. On comprend que l'Europe hésite à se réclamer de ce qu'elle a engendré ; le traumatisme des guerres et des camps qu'elle a nourris avant d'exporter sa violence à la planète explique cette mauvaise conscience. S'ensuit-il qu'elle doive mettre en cause une identité qui s'exprime plus par sa culture que par son administration, sa technique ou son économie ?

              Doit-on pour cela non seulement refuser les racines chrétiennes, parce que l'Europe, selon les beaux esprits, n'est pas un club chrétien, mais aussi ses racines grecques, car, ont insisté les mêmes, la Grèce était esclavagiste, et bientôt ses racines rationnelles, puisque les Lumières n'ont éclairé qu'un esclavage qui répugne aux Indigènes de la République ? Faut-il enfin abolir tout passé, et donc toute identité à force de le juger à défaut de l'assumer ?

              Contre ce refus qui oscille entre la mauvaise foi et la bonne repentance, Karel Kosik, le philosophe marxiste tchèque, affirmait que «l'Europe, c'est la Grèce antique, le christianisme, les Lumières c'est Diderot, Mozart, Kant». Mais c'était pour déplorer, dans Un troisième Munich ?, que ce monde n'existe plus quand l'Europe postcommuniste se trouve vouée au «rien» ou au «trop-plein de vide». Que pourrait-elle alors promettre à ses habitants ? L'Europe sera promise à elle-même quand elle fera vivre la culture commune qui a forgé son âme. Elle saura alors qui elle est et quels pays peuvent s'en réclamer, car une promesse n'a de sens que si elle tient à elle-même, c'est-à-dire à son identité.

    * Auteur de «Le Regard vide. Essai sur l'épuisement de la culture européenne», Flammarion, 2007. 224 pages, 18 euros.

  • Quand Ivan Rioufol parle de l'âme de la France...

              Courageux, intelligent, lucide: quels adjectifs employer pour qualifier le bon sens et la hauteur de vues dont fait preuve Ivan Rioufol dans son excellent bloc-notes du 25 Janvier: "Oser repenser l'immigration"?  Il va à l'essentiel, tout simplement, en parlant de "l'âme d'un peuple". On ne peut que le féliciter d'avoir (re)plaçé le débat à son vrai niveau.....

              Lucide, Jacques Attali ? Oui, quand il décrit la France immobile, devenue une "société de connivence et de privilèges". Président de la commission pour la libération de la croissance, son rapport, rendu mercredi, décrit bien le mal économique français. Cette remarque : "l'enrichissement n'est pas un scandale, seule l'est la pauvreté". La fougue libérale est même réjouissante, venant de celui qui, en 1982, défendit les nationalisations. Mais l'insistance à vouloir relancer l'immigration affaiblit la crédibilité du diagnostic.

              Soutenir l'«urgence à accueillir des étrangers, pour combler (des) lacunes démographiques et développer des innovations» revient à vouloir ignorer une inquiétude des gens face aux repliements identitaires nés d'une immigration sacralisée. Si la gauche universaliste se flatte d'être insensible à la préservation des civilisations, voir ce même relativisme défendu par un repenti des «110 propositions» socialistes fait douter de sa conversion. Faut-il rappeler qu'un peuple n'est pas interchangeable ?

              En fait, ce sont tous les experts de la commission qui ont oublié cette évidence, en accordant la priorité au paiement des retraites et à la croissance. Alors que la question posée, y compris par le chef de l'État, est la consolidation d'une culture partagée permettant de vivre ensemble, l'attrait matérialiste pour la table rase, partagé par une gauche «antiraciste» et un capitalisme hautain, risque de frustrer les Français en quête de destin.

              L'indifférence pour ce qui constitue l'âme d'un peuple se retrouve d'ailleurs dans d'autres propositions. La commission suggère ainsi que chaque élève sorte de sixième en maîtrisant le français, la lecture et l'écriture, mais aussi l'anglais, l'économie, l'informatique. Or, elle omet l'histoire et la mémoire commune. Le choix de supprimer les départements, porteurs d'une forte proximité, procède de ce désintérêt.

              La vision comptable d'une immigration destinée à équilibrer les comptes sociaux est un non-sens quand elle conduit à fragiliser la solidarité nationale. Qui peut assurer que les immigrés de demain accepteront de payer les retraites de leurs hôtes ? La France court à son éclatement en mettant son identité à l'encan, au prétexte que 50 000 nouvelles entrées par an apporteraient 0,1 % de croissance. Il faut oser penser une autre immigration : celle qui, pour l'essentiel, ne ferait que passer.

                                                                                             Faiblesse du diagnostic

              La jubilation avec laquelle certains médias ont accueilli la proposition de relancer "l'immigration, inévitable, indispensable" (Le Monde) s'accommode du flou entretenu sur le sujet. Non seulement l'échec de l'intégration des populations extra-européennes est relativisé par une bien-pensance qui n'y voit qu'un effet du chômage, mais les chiffres se prêtent à des contestations qui conduisent à sous-estimer le solde migratoire. Alors que le pays accueille officiellement 200 000 personnes chaque année (clandestins et demandeurs d'asile non compris), le discours convenu qui a trouvé écho auprès d'Attali assure que la France n'est pas un pays d'immigration massive. Comment élaborer une politique dans cette opacité acceptée ?

              La faiblesse du diagnostic sur cette question, qui entache la cohérence que revendique la commission pour l'ensemble de ses 316 propositions, se retrouve dans l'élaboration du plan Espoir banlieues, présenté mardi par Fadela Amara. La cacophonie montre le désarroi des politiques devant une réalité mal assumée : le ministre de la Ville a son idée, qui n'est pas celle de sa secrétaire d'État, tandis que le ministre de l'Intérieur en a une autre qui ne semble pas convenir au président de la République, qui présentera lui-même son plan le 8 février…

              Ce qui reste indicible est pourtant vérifiable : il existe désormais des Français qui se vivent comme étrangers à la nation. Deux France apparaissent, en dépit des dénégations des "sociologues". Le 11 janvier, à Bruxelles, des institutions musulmanes européennes dont l'UOIF pour la France ont signé une charte qui stipule, concernant les pays d'accueil : "Lorsque les lois en vigueur s'opposent éventuellement aux pratiques et règles islamiques, les musulmans sont en droit (le projet initial disait : "sont tenus") de s'adresser aux autorités pour expliquer leurs points de vue et exprimer leurs besoins et ce dans le but de trouver les solutions les plus adaptées." Un encouragement à contester les lois.

              Il faut répondre à cette fracture occultée et à ce risque de subversion. Même le mouvement d'émancipation Ni putes ni soumises, créé par Fadela Amara, cède la place dans les cités à un "féminisme voilé", tandis que le nombre de quartiers "sensibles" (751) ne cesse de croître. Les solutions ne se résument pas à des rénovations urbaines ou à de nouvelles lignes de bus. L'État doit reprendre pied dans ces territoires autonomes, qu'une constante immigration éloigne toujours davantage. Où voit-on que celle-ci pourrait être le "puissant facteur de croissance" vanté avec tant d'autosatisfaction par Attali ?

                                                                                                      Parti pris

              La France ne peut vivre recroquevillée, et la commission a raison de soutenir que les Européens y ont leur place. Mais pourquoi "supplier" (Attali, hier) les étrangers de venir occuper les 500 000 emplois vacants, alors que le pays compte plus de deux millions de chômeurs, surtout dans les cités ? Laisser croire que ceux-ci seraient inaptes aux métiers du bâtiment, du commerce, de la restauration, de la santé, de l'agriculture témoigne d'un mépris qui s'ajoute au sentiment d'abandon de la jeunesse. "Il faudra se lever le matin, la vie ce n'est pas glander", a expliqué mardi Nicolas Sarkozy, à Sartrouville (Yvelines). Cette politique paraît autrement plus convaincante.

  • Qu'est-ce qu'être français ? Le point de vue charnel de Polémia.....

                ( Source : Polémia http://www.polemia.com/article.php?id=2475 )

                 Nicolas Sarkozy s’est fait élire président de la République sur le thème de « l’identité nationale ». A quelques mois des élections régionales de 2010, il remet le sujet sur le devant de l’actualité et charge Eric Besson d’organiser un « débat national sur l’identité nationale ».

                Or dès l’origine du débat, Eric Besson définit son objectif final en rappelant la « commande » qu’il a reçue du président de la République  pour lequel : « notre nation est métissée. L’immigration constitue une source d’enrichissement permanent de notre identité nationale ». Et Eric Besson de rappeler : « On a un président de la République qui a dit : “Je suis un homme de sang mêlé à la tête d’une nation métissée”. »
     
                Lancer ainsi un débat sur l’identité nationale c’est une imposture : « Etre français » ne se réinvente pas tous les jours. Au contraire, c’est s’inscrire dans une continuité, non dans une rupture !
     

                Voici le point de vue charnel de Polémia.

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    La cathédrale de Bourges

                1/ Etre français, c’est appartenir à une lignée ; une lignée « qui vient du fond des âges » (Charles De Gaulle). Parler de « nos ancêtres les Gaulois » est globalement vrai ; car c’est reconnaître que le peuple français demeure l’héritier des Gallo-Romains ; sa composition ethnique est restée quasiment inchangée jusqu’au début des années 1970 : blanche et européenne. Dans sa monumentale Histoire de la population française, le démographe Jacques Dupâquier le rappelle aux ignorants et aux malveillants.
     
                 2/ Etre français, c’est appartenir à une civilisation : la civilisation européenne et chrétienne. L’héritage spirituel et culturel prolonge ici l’héritage ethnique. Etre français, c’est partager des croyances communes et un imaginaire commun. Etre français, c’est partager la mémoire des poèmes homériques, des légendes celtes, de l’héritage romain, de l’imaginaire médiéval, de l’amour courtois. Etre français, c’est, qu’on soit chrétien pratiquant ou non, participer de la vision et des valeurs chrétiennes du monde car le catholicisme est un élément de l’identité française.
     
                 3/ Etre français, c’est être de langue française ; « la langue française notre mère » qui façonne notre esprit et est le merveilleux outil d’exercice de notre intelligence et de découverte des « humanités ». Un Français, c’est un Européen d’expression française.
     
                 4/ Etre français, c’est partager une histoire, une mémoire, c’est avoir en commun « un riche legs de souvenirs » (Renan) ; car « La nation, comme l’individu, est l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime » (Renan). Etre français, c’est partager la fierté de la grande épopée nationale de la Monarchie, de l’Empire et de la République. « La patrie, c’est la terre et les morts » (Barrès). Etre français, c’est avoir son patronyme inscrit, dans un village, sur un monument aux morts  commémorant la grande ordalie de 1914. Et c’est s’interroger sur le sens de ce sacrifice et sur les exigences qu’il nous impose aujourd’hui.
     
                 5/ Etre français, c’est partager l’amour d’un territoire : de ses terroirs, de ses paysages, de ses hauts lieux. Etre français, c’est aimer la France, ses rivages, ses vallons et ses sommets, ses vignes et ses prairies, ses champs et ses forêts, ses chênaies, ses châtaigneraies, ses oliveraies, ses villages, ses bourgs, ses collines inspirées, ses cathédrales, ses églises, ses chapelles, ses sources, ses halles au grain, ses maisons de maître et ses fermes fortifiées, ses châteaux, ses palais et ses villes. Etre français, c’est aimer le Mont Saint-Michel, Saint-Émilion et Camembert.
     
                 6/ Etre français, c’est partager des musiques et des sons, ceux de la lyre et de la cornemuse, du piano et de la guitare, de l’accordéon ou de l’orchestre symphonique. Etre français, c’est avoir le sens du travail bien fait, c’est rechercher une certaine perfection dans le métier. C’est aussi, pour les meilleurs des artisans d’art, le sens de ce qui relie l’esprit à la main.
     
                 7/ Etre français, c’est partager des goûts et des odeurs. Etre français, c’est partager à table des moments de bonheur. Etre français, c’est manger du cochon, de l’andouillette, du petit-salé, du cassoulet et du saucisson. Etre français, c’est partager la baguette et le fromage, l’époisses et le maroilles, le brie de Meaux et le coulommiers, le reblochon et le roquefort, le cantal et le laguiole. Etre français, c’est goûter la Blonde d’Aquitaine et le Charolais, l’Aubrac et la Limousine. Etre français, c’est boire du vin de Loire ou de Bordeaux, d’Alsace ou de Bourgogne. Etre français, c’est déguster de vieux alcools, du cognac, de l’armagnac, du calvados et de la mirabelle.
     
                 8/ Etre français, c’est partager « Le désir de vivre ensemble », « la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. (…) Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. (…) Le chant spartiate : “Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes” est dans sa simplicité l’hymne abrégé de toute patrie » (Renan).

    Epilogue

    Les mosquées et les tam-tams, le ramadan et les gris-gris, les minarets et les boubous, la charia et la sorcellerie africaine, la langue arabe ou l’ouolof, la arica et le manioc, le palmier et le baobab ne sont nullement méprisables ; seulement voilà : ils ne font pas partie de la civilisation française.
     
    Bien sûr, les hommes et les femmes qui viennent d’autres mondes peuvent devenir français – au sens culturel, pas seulement administratif et social du terme – s’ils veulent et parviennent à s’assimiler. Mais ce n’est évidemment pas à eux de changer l’identité nationale !
     
    Il faut ici citer le sage propos de Charles De Gaulle : « C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne » (Cité dans Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, t. 1, éditions de Fallois/Fayard, 1994, p. 52).

  • Encore un livre qui détricote encore un peu plus le(s) mythe(s) fondateur(s)...

                Voici le note de lecture proposée par Stéphanie Poupard (1) sur les Mémoires de Charlotte Corday, fiction historique de Catherine Decours.

                Rien de fondamentalement nouveau, bien sûr, ni dans le livre, ni dans la note, mais une confirmation supplémentaire de ce que nous avons déjà noté plusieurs fois: la Vérité se fait enfin jour, de plus en plus et, dirait-on bien cette fois-ci, d'une façon irrésistible. Un processus qui ne pourra certainement pas, à terme, rester sans conséquence(s)...

                L'intérêt principal, pour nous, de l'ouvrage est donc là: non dans des nouveautés qu'il ne peut apporter sur un sujet archi-connu, mais en ceci qu'il détricote encore un peu plus le mythe de la Révolution, qu'il la fait bien apparaître pour l'horreur absolue qu'elle a été, qu'il rétablit la vérité "tuée ou travestie par nos livres d'Histoire" et qu'il est ainsi, lui aussi, dans son genre et à sa façon, le cri: "Le Roi est nu !"....

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    Plon, 528 pages, 21,90 euros

                "C'est à un passionnant voyage au coeur de la Révolution française que nous invite la talentueuse biographe Catherine Decours, avec ces Mémoires de Charlotte Corday, fictives, mais très solidement documentées.

                Loin de l'image d'Epinal, nous découvrons une jeune aristocrate provinciale intelligente, et suivons, depuis la ville de Caen où elle habitait, le processus révolutionnaire juqu'à ses outrances absurdes et sanguinaires. Un jeune homme lynché pour n'avoir pas arboré sa cocarde, un conseiller innocent victime de la rage aveugle de la foule, et surtout de nombreux prêtres persécutés à mort, autant d'exactions qui ont indigné le coeur et la raison de la chrétienne Charlotte.

                Mais l'élément déclencheur fut les délirants appels de Marat à la haine. Elle se met à haïr la tyrannie révolutionnaire avec la violence des amoureuses déçues. Cette Révolution, qui avait suscité en elle des espoirs, lui fait désormais horreur, et l'incite à agir. Pour fair etaire "l'ami du peuple", elle ne voit que la mort et part, avec un incroyable courage, mettre sa décision à exécution. Judith moderne, elle témoigne, par son geste fou, de la folie de son temps.

                Un épisode historique captivant qui rétablit la vérité sur la Révolution, tuée ou travestie par nos livres d'Histoire.

               Voici pour la note de lecture de Stéphanie Poupard.

                Or, il se trouve que, il n'y a pas si longtemps (le 5 mai 2009, pour être précis) nous avons publié une note sur Michel Onfray et sa nouvelle passion: Charlotte Corday. On nous permettra donc de la redonner ici, afin d'apprécier l'ouvrage d'Onfray ("La religion du poignard") en parallèlle avec celui de Catherine Decours:

               

    Une simple question à Michel Onfray…..

                Voici comment débute « La religion du poignard »,le dernier ouvrage de Michel Onfray, dans lequel il exalte Charlotte Corday et n’a pas de mots assez durs pour Marat, on va y revenir….

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                En 1789, à Caen, le vicomte Henri de Belzunce, 24 ans, conduit un convoi de blé jusqu‘au château de Guillaume le Conquérant. Comme on est en pleine période de famine, la foule s’empare du convoi et tue le comte qui va être décapité puis dépecé. On lui arrache le coeur, qui passe de main en main, et les morceaux du corps sont grillés en plein air...

                Elle est pas belle, la Révolution ? Ce n’est pas nous qui inventons, c’est Onfray qui le raconte. Il doit savoir de quoi il parle, il est de la région…..

                Après ce début vaguement hallucinant, Michel Onfray se laisse aller à sa nouvelle passion : Charlotte Corday, et à sa nouvelle détestation : Marat. Lequel, soit dit en passant, en prend pour son grade. Raté, faux médecin, mythomane, révolutionnaire parce qu’on lui a refusé la particule… Comme entreprise de déboulonnement des idoles, il est bon Onfray, il est même excellent. On devrait faire appel à lui plus souvent. A quand Robespierre, Danton et la clique vus par lui ? Ce serait un savoureux jeu de massacre…

                Un exemple, un seul qui suffira, de la façon dont il flingue Marat ? Sa mort est tout simplement le « trépas d’un chien galeux ».Et vlan dans les dents ! Ça, c’est envoyé ! Et comme ce n’est pas par nous…. Non vraiment, il y a des fois, comme ça, où il est super, le Michel. En tout cas, là, on l’aime….

    CHARLOTTE CORDAY TUE MARAT.JPG
     

                Bon, mais plus sérieusement, pourquoi s’arrêter sur son bouquin, et revenir sur le trépas du chien galeux ? Tout simplement parce qu’il y a quand même autre chose dans le livre, bien sûr. Mais, là, on aimerait bien lui poser une question, une seule question, à Michel Onfray....

                Emporté par sa verve, son lyrisme et tout ce qu’on voudra, il pourfend un monde -celui d'ajourd'hui- « où triomphent le vice, l’immoralité et l’impureté »; et il juge l’exemple de cette Charlotte Corday, qu’il porte aux nues, « bien utile en nos temps déraisonnables de nihilisme triomphant ». Au risque d’en surprendre plus d’un, nous serons d’accord avec lui. Et ce n’est pas là-dessus que porte donc la question que nous aimerions lui poser. Ce n’est pas sur le constat qu’il fait. C’est sur la façon dont il peut l’expliquer.

                 Comment ! Voilà une révolution qui a eu lieu, puis qui, environ un siècle après, a donné naissance à la République, laquelle est toujours là. Révolution et république sont, par définition, pour nos adversaires, les deux plus belles choses du monde. Elles règnent donc, aujourd’hui, depuis plus de cent ans maintenant, leur triomphe est total et leur établissement paraît aussi solide que ne l'était celui de la royauté juste avant qu'elle ne chute.

                 Nous devrions donc nager dans le bonheur ! Or, et c’est Onfray qui le dit, et c’est ce qu’il faut qu’il nous explique, c’est notre question : comment se fait-il que révolution et république aient apporté « vice, immoralité, impureté » et « nihilisme triomphant » ?

                 Avec tout ce qu’on a « régénéré » par la guillotine et le génocide ! Avec toutes ces lumières qu’on nous a apportées ! Nous sommes dans l’immoralité, le vice, l’impureté et le nihilisme ? Tout çà pour çà ?....

     

     

    (1): Famille Chrétienne n° 1670, du 16 au 22 janvier 2010;

  • Les grandes crises de l'Histoire ? Quand Charles VII reconstruisait le royaume de France

    43961.jpgL'un de nos lecteurs réguliers, avec qui, sur certains points, nous n'avons pas toujours été d'accord, mais avec qui, sur l'essentiel -notre attachement à la royauté française et à ses actuels héritiers -nous nous sommes toujours retrouvés, nous a fait l'amitié de nous transmettre le message et l'article que nous reproduisons, ici, volontiers car cet article éclaire une période cruciale de l'Histoire de France et, parce que, par analogie ou transposition, il peut susciter une réflexion permettant de comprendre et, le cas échéant, de résoudre les graves problèmes qui assaillent la France d'aujourd'hui.

    Nous ne commenterons pas cet article qui se suffit à lui-même. Nous ajouterons, seulement, qu"en le lisant, nous l'avons instinctivement rapproché de ce que - le jour de la Fête Nationale de Jeanne d'Arc, le 12 mai dernier - Alain Bourrit disait de cette période, de Jeanne d'Arc, de Charles VII et de l'extraordinaire retournement politique qu'avait opéré ce roi, faisant ou refaisant, en quelques décennies, d'un pays réduit à peu de chose, envahi et ruiné, l'une des premières nations d'Europe. On se reportera, si on le désire, à la vidéo de cet exposé (Café politique de Lafautearousseau, à Marseille, vidéo publiée le 21.05.2012).

    Chers amis,

    Tout d'abord, je vous présente mes voeux les meilleurs pour l'année 2013.

    Je vous joins un article paru dans Marianne qu'il serait intéressant d'examiner et peut-être de le diffuser sur LAFAUTEAROUSSEAU.

    Bien amicalement,

    DC

    Les grandes crises dans l'Histoire

    Charles VII reconstruit le royaume de France

    Dimanche 6 Janvier 2013

     par Olivier Bouzy*

     1415-1453 ÉPILOGUE DE LA GUERRE DE CENT ANS.

     Maniant avec talent la diplomatie comme l'artillerie, Charles VII chasse les Anglais qui avaient conquis la majeure partie du territoire français, mettant ainsi fin à cent seize ans de conflits.  

    Bataille de Crécy, 1392 - CC Wiki Commons

    Bataille de Crécy, 1392 - CC Wiki Commons

     

    Le 5 août 1392, le roi de France Charles VI traversait une vaste plaine écrasée sous le soleil de midi aux abords de la forêt du Mans. Epuisé, le souverain s'était assoupi tout en chevauchant, malgré la troublante rencontre qu'il venait de faire avec un inconnu qui lui avait dit de se méfier, car il était trahi.

    Brusquement, il fut réveillé par le bruit de la lance d'un page tombant sur un de ses voisins. Charles dégaina alors son épée et se lança contre sa suite en hurlant à l'assaillant. Son frère Louis d'Orléans dut fuir pour éviter son agression. Médusés, ses serviteurs tentèrent de le maîtriser et quatre hommes moururent avant qu'il ne soit pris, ligoté et allongé sur un chariot où il perdit connaissance.

    Il fallait se rendre à l'évidence : le roi de France était devenu fou. Et son mal irait grandissant, ouvrant une vacance au sommet de l'Etat, d'où allaient naître la division, la discorde, puis l'invasion et l'occupation. A la faveur de cette impuissance nationale, les Anglais entreraient en France comme dans du beurre.

    Car le gouvernement se divise alors entre des partis et des clans dont les noms sont entrés dans l'histoire : les Armagnacs et les Bourguignons. Chacun d'eux veut exercer le pouvoir au profit de sa clientèle et de ses proches. Assassinats, trahisons et disgrâces se poursuivent si bien que les souverains anglais comprennent l'opportunité de reprendre les armes et, sous prétexte de querelle de succession à la couronne de France, de se lancer dans une nouvelle session de pillages et d'extorsions de fonds.

    C'est ainsi que, en octobre 1415, sous le commandement d'Henri V, une petite armée de 6 000 soldats anglais a débarqué en Normandie, près de Harfleur. Sous le commandement du connétable de France Charles d'Albret, une troupe de 30 000 hommes, la fine fleur de la chevalerie, doit lui barrer le passage et la détruire. Ainsi le jour de la Saint-Crépin, si bien décrit par Shakespeare, les deux forces se font face.

    A la fougueuse charge de la cavalerie lourde française répondent les flèches des archers anglais. Avant même la mêlée, la première ligne française est liquidée à distance par les tirs ennemis. Le soir de la bataille d'Azincourt, le roi d'Angleterre Henri V a gagné son hégémonie sur les deux royaumes. Par le traité de Troyes, en 1420, il est officiellement reconnu successeur de son nouveau beau-père, Charles VI, le fou. Mais il meurt avant ce dernier.

    Bientôt, son fils Henri VI, tout juste âgé de 9 mois, devient roi de France et d'Angleterre. La majeure partie du territoire est soumise aux Anglais. Le pays connaît une forme d'occupation, la guerre civile fait rage, quand ce n'est pas l'anarchie, les petits seigneurs en profitant pour régler de vieux comptes ou détourner des terres et des revenus à leur profit. Paris, dominé par le parti bourguignon, est un soutien constant à la couronne anglaise.

    Quelques princes refusent cette situation et, en particulier, l'héritier direct de Charles VI, le dauphin Charles, qui rejette le traité de Troyes, et trouve refuge dans la région Centre, avec Bourges pour capitale. Disons-le haut et fort : Charles, septième du nom, a été un très grand roi et la clé principale de la renaissance du royaume de France.

    Habile stratège, il s'est lancé dans une politique de reconnaissance diplomatique sans précédent. Il a aussi compris mieux que d'autres la puissance nouvelle de l'artillerie pour reconquérir les villes. Il a su enfin s'entourer de serviteurs dont la fidélité lui a permis de compenser l'avidité des grands clans qui composaient son entourage.

    Si nous avons de lui une image si piètre, c'est bien parce qu'il a mis au pas les Bourbons, ce que les rois issus de cette branche ne lui pardonneront pas. Et, pour les historiens républicains, il sera détourné en symbole du ridicule monarchique. Pourtant, Charles VII a su trouver de nouvelles troupes, réorganiser l'Etat et retourner lentement cette situation ahurissante à son avantage.

    Trois personnalités vont incarner les voies du redressement. La première est une toute jeune femme, Jeanne d'Arc ; le deuxième, un financier, Jacques Cœur ; et le troisième, un ennemi, Richard, duc d'York.

    Jeanne, déjà appelée «la Pucelle» de son vivant, porte dès son apparition le formidable travail de recomposition de la légitimité royale de Charles. Elle s'inscrit dans une série de prophètes et d'inspirés qui affirment l'existence d'un lien privilégié entre le roi et Dieu. Le sacre de Reims auquel Jeanne conduit le dauphin est la manifestation directe de cette idée, tout comme l'usage de sa bannière au combat. La capture de la jeune fille, son procès calamiteux et son exécution sur le bûcher n'arrêtent pas la machine de propagande du roi, qui transforme la jeune victime des Bourguignons et de leurs alliés anglais en martyre d'une foi réaffirmée dans la lignée royale française.

     

    Réorganisation économique

    Jacques Cœur, ensuite, favorise la réorganisation de l'économie publique. Il trouve, grâce à ses manœuvres monétaires, les moyens de financer les conquêtes et place la France au sein d'un réseau d'échanges et d'investissements très actif. Sa disgrâce et sa chute montrent toutefois les limites de la modernisation des pratiques de cour. Monté trop haut, il est brisé pour que chacun puisse se partager une partie des dépouilles de son empire. Et son effondrement vient précisément quand Charles VII considère que l'homme a déjà livré l'essentiel de ses bienfaits.

    Richard d'York, enfin, qui combattit en France contre Charles VII, devait lui fournir indirectement le meilleur moyen de stabiliser la reconstruction française, en déclenchant tout simplement la guerre civile outre-Manche. En effet, c'est à la faveur de la guerre des Deux Roses, celle de la maison d'York et celle de la maison de Lancastre, autrement dit d'Henri VI et son clan, que le roi de France peut achever la reconquête et l'unification du territoire, ne laissant plus que Calais à l'Angleterre. Finalement, les trente années d'hostilités intestines anglaises achèvent un conflit de cent ans, dont la phase la plus critique entre 1420 et 1453 était elle-même le résultat de la guerre civile française.

    * Olivier Bouzy est directeur du Centre Jeanne-d'Arc. Son prochain ouvrage, «Jeanne d'Arc en son siècle», paraîtra en janvier 2013 chez Fayard.

  • État, patrie, nation

     

    par Hilaire de Crémiers

     

    157e493dd19d0d2ee135205f081739f9_Hilaire.jpgLe réel revient au grand galop. Nos politiques y sont confrontés : patrie, nation, frontières, État, voilà à quoi se rattachent les peuples.

    L’état d’urgence, décrété par François Hollande après les attentats du 13 novembre en application de la loi du 3 avril 1955, a été voté une première fois par le Parlement les 19 et 20 novembre 2015 à une quasi unanimité pour une prolongation de trois mois, soit jusqu’au 26 février 2016. Le gouvernement, au regard de la situation, se voit dans l’obligation en ce début février d’en demander encore la prorogation jusqu’à la fin mai. Il pense qu’il pourra, à ce moment là, utiliser, le cas échéant, la nouvelle règle constitutionnelle en préparation qui lui évitera les éternelles discussions de la vie démocratique. Christiane Taubira qui était opposée à cette réforme, a démissionné le 27 janvier, laissant le ministère de la Justice à Jean-Jacques Urvoas qui, lui, était déjà totalement impliqué dans la rédaction de la nouvelle loi. C’était une question de cohérence.

    L’état d’urgence

    On s’en souvient : François Hollande, lors de son discours à Versailles devant le Congrès, avait annoncé sa décision de constitutionnaliser l’état d’urgence pour en faire une arme permanente à la disposition des pouvoirs publics.

    Pour faire bonne mesure et obtenir l’approbation nécessaire de la droite à une telle réforme constitutionnelle qui exige l’accord des 3/5e du Congrès, François Hollande avait cru bon de joindre au texte concernant l’état d’urgence, un autre qui visait la déchéance de nationalité des binationaux convaincus de crime terroriste ou, selon l’expression du projet de loi aussi étrange qu’inconnue en droit pénal, « constituant une atteinte grave à la vie de la nation ». Crime ou délit, a-t-il été précisé, ce qui étend le champ des applications de la loi.

    Ce faisant, Hollande pensait se rallier une large et suffisante majorité de parlementaires et se gagner l’opinion des Français, acquis dans leur ensemble à ces deux mesures.

    Et voilà que tout se complique. Sa gauche se rebiffe une fois de plus. Taubira en sera l’égérie ! Elle l’annonce. Les magistrats et les robins de tous états font entendre un sourd grondement de protestation, car l’autorité judiciaire, à les entendre, serait bafouée dans ses prérogatives : n’est-elle pas constitutionnellement la gardienne de la liberté individuelle ? La Ligue des droits de l’Homme, le Conseil de l’Europe, l’Onu elle-même signifient leur inquiétude.

    Le problème de la déchéance de nationalité

    Enfin, des gens fort sérieux, de droite comme de gauche, ont fait savoir publiquement leur désaccord. à quoi sert l’état d’urgence, disent les uns ; il y a un arsenal de lois suffisant pour réprimer le terrorisme, sans qu’il soit besoin d’installer le pays dans un état permanent d’effervescence.

    Quant à la déchéance de nationalité, disent les autres et quelquefois les mêmes, en ne visant que les binationaux, elle créerait une discrimination inutile entre les Français selon leur origine ; elle n’aurait aucun effet dissuasif sur des criminels décidés à passer à l’acte ; et elle mettrait la France en porte-à-faux dans ses relations internationales.

    Les conseillers de l’Élysée et de Matignon, la commission des lois de l’Assemblée nationale, sous la présidence d’Urvoas, ont donc travaillé sur une rédaction qui puisse obtenir la majorité requise. La binationalité et autres questions de citoyenneté seront ainsi renvoyées à des textes d’application. Il est question de « réhabiliter » la peine d’indignité nationale, applicable à tous les citoyens, pour assurer ainsi « l’égalité devant la loi » !

    Le président et le Premier ministre sont maintenant, tous les deux, obligés de réussir leur coup. Car, au-delà de toutes ces arguties juridiques, comment ne pas soupçonner une intention électorale en vue des élections présidentielles de 2017 ? Dans tant de débats aussi discordants que superficiels, on joue avec le droit et les mots sans se soucier de la vérité politique.

    François Hollande se met à parler de patrie, mot qui lui était parfaitement étranger, à lui comme à ses pairs. Or, à aucun moment dans ses propos, il ne la désigne sous ses traits singuliers ; il est évident qu’il ne la comprend pas, qu’il ne la sent pas ; il n’en communique ni l’amour ni le respect. La patrie pour lui, c’est équivalemment la République, une abstraction, et la République en fait, c’est sa chose à lui ; il se l’est appropriée. Valls a la même conception idéologique et totalement subjective ; il suffit de l’écouter pour savoir que dans son esprit domine une équation de la simplicité radicale d’un fondamentalisme religieux : France = République = Valls !

    Ils sont tous pareils, dans le même état d’esprit, à droite, à gauche, au centre. Lisez leur bouquin à chacun, quel qu’en soit le titre : partout le même narcissisme républicain ! L’intelligence, c’est moi ; l’action, c’est moi, l’État fort, c’est moi ; la liberté, c’est moi ; la sincérité, c’est moimoi, moi, moi ! Pas des hommes d’État, des moi, tous du même acabit.

    Patrie et nation

    Or la patrie a, d’abord, une signification charnelle : elle est la terre des pères ; elle est un sol, un territoire, un paysage, un patrimoine incorporé aux lieux aimés ; elle parle des générations qui se sont succédé, d’un art de vivre, de la religion, des mœurs et du labeur de nos familles. Bref, tout ce que la République a décidé – et encore récemment – de ne plus connaître, voire de supprimer. Et la nation dit, d’abord, la naissance : c’était vrai déjà dans les acceptions du langage courant dès le XVIe siècle. La nation, avant d’être un contrat, est un fait. Nous appartenons tous à une nation et ce caractère distinctif marque à tout jamais notre origine et, sauf exception, détermine notre avenir. Il est possible, sans doute, de changer de nationalité, de s’insérer dans une autre nation ; encore faut-il le faire en respectant cette donnée de fait qu’est la nation. Il n’est pas besoin d’évoquer Taine, Renan, Barrès, Maurras ou Péguy pour adhérer d’esprit et de cœur à ces claires certitudes, le plus beau partage qui nous soit échu et qui établit en France notre communion historique. Car l’histoire est là, prégnante.

    Le grand problème de nos dirigeants, c’est qu’il y a longtemps qu’ils ont jeté cet héritage aux orties. Ils sont internationalistes, mondialistes, européistes. En même temps qu’attachés au jacobinisme d’État le plus archaïque qui justifie leurs prébendes ! D’où leur indifférence profonde pour la paysannerie qui se meurt, pour l’artisanat de chez nous, pour tous les métiers de nos pays, pour nos industries et notre écologie vraie qui est constituée de terroirs, de clochers, de traditions, de populations qui ne sauraient être submergées par l’étranger. Vendre des Rafale et des Airbus, ça ne suffit pas !

    Leurs lois s’inscrivent toutes dans la médiocrité d’une défense républicaine et non dans l’élan d’une reconquête française. Comment dans ces conditions avoir une politique intérieure de sécurité et de justice, quand tout n’est plus que clientélisme de parti et de syndicat et quand des banlieues entières, bientôt des villes, telle Calais, sont littéralement abandonnées à cause de leur incurie ? Comment opérer les réformes nécessaires quand l’esprit public est perverti ? La réforme du travail ? Allons donc, un rapport de plus pour le vieux Badinter ! Plus gravement, comment faire la guerre, la soutenir dans la durée, s’obliger au sacrifice nécessaire, quand les moyens sont continuellement rabotés ? Comment mener une politique extérieure quand on ne sait même plus ce que sont les intérêts du pays et quand on renie l’âme de la France ? Comment enfin sauver nos finances quand plus aucune décision souveraine n’est possible qui mette à l’abri des cataclysmes à venir ?

    Leur œuvre aboutit au néant, mais ils tiennent la République et sa loi. Ils sont contents ; ils sont comme des enfants gâtés. Ce sera leur joujou jusqu’au bout.   

  • Migrants : en finir avec le délire humaniste

     

    par Yves Morel *

    A l’occasion du problème des migrants qui se bousculent aux portes de l’Europe, notre classe politico-médiatique a réactivé – et puissamment – l’infernale spirale immigrationniste dont nous ne cessons de pâtir depuis cinq décennies et dont nous mesurons aujourd’hui plus que jamais les dégâts avec l’affirmation violente du communautarisme arabo-musulman qui prétend régenter nos croyances religieuses, notre vie spirituelle, nos mœurs, notre pensée, et brider notre liberté de comportement et d’expression.

    L’islamisation graduelle de la France

    L’équipe de Charlie Hebdo (par ailleurs si critiquable) a été massacrée au début de l’année en raison de son irrévérence envers l’islam, avec l’approbation de très nombreux musulmans qui exprimèrent alors leur profonde compréhension pour les frères Kouachi et Koulibaly ; des hôpitaux et des cantines scolaires se voient contraints (et pas seulement en France) d’éliminer de leurs menus les plats à base de viande de porc, cependant que se multiplient, dans nos banlieues et certains quartiers des grandes villes, les boucheries halal, les Kebab et les pizzerias turques, ainsi d’ailleurs que les commerces spécialisés dans l’organisation des mariages musulmans, la vente de dragées ou la vente de vêtements et instruments de culte musulmans. Des femmes françaises de souche essuient des quolibets, des insultes, des menaces, parfois des prises à partie, en raison de tenues jugées indécentes par les musulmans. En de nombreuses communes et autres centres urbains, on se croirait réellement à l’étranger, soit dit sans la moindre exagération. Et ces immigrés, étrangers ou de nationalité française ne cherchent nullement à s’intégrer à la communauté nationale et cultivent résolument leurs différences et leur identité ethnoculturelle, que ce soit dans leurs pratiques religieuses, leur tenue vestimentaire, leur intolérance menaçante ou même leur loisirs (en matière de télévision, ils regardent les chaînes arabes ou turques qu’ils captent par satellite).

    Aujourd’hui, la population musulmane immigrée ou « française-issue de l’immigration » constitue un problème très grave, lourd de périls, et un élément de délitement de la nation. Ses membres auraient d’ailleurs bien tort de faire autrement depuis que, durant toutes les années 1980 et la première moitié des années 1990, les socialistes les ont fortement incités à demeurer fidèles de toute leur âme et de tout leur cœur, à leur identité (ou à celle de leurs ascendants), à leurs traditions, à leurs religions, à leur langue, exaltant « la France de toutes les couleurs », encourageant la pose de panneaux signalétiques en arabe, et Mitterrand déclarant « Je veux qu’on bouscule les us et coutumes français »

    Le battage médiatique et politique en faveur de l’accueil des migrants

    Pourtant, cela ne suffit pas, aux yeux de nos politiciens et de nos médias. Il faut encore en rajouter une couche, épaisse, en accueillant 24 000 immigrés (en réalité infiniment plus) prétendûment d’origine syrienne qui, nous dit-on d’une voix (apparemment) étranglée par l’émotion, fuient les islamistes barbares qui veulent les tuer ou les asservir. Et, après nous avoir montré et remontré jusqu’à l’écœurement la photo du « petit Aylan » gisant sans vie sur une plage, on multiplie les diffusions de reportages illustrant les péripéties et souffrances de tous ces nouveaux boat people entassés sur des embarcations à destination de l’Europe. C’est un battage permanent, évidemment destiné à nous persuader de notre devoir moral d’accueillir tous ces migrants, à peine de déchoir de toute dignité. Et on fait valoir également l’obligation, au plan du droit international, de recevoir tous ces « réfugiés ». L’abolition de tout contrôle aux frontières nationales de 26 pays européens, dont la France, dans le cadre de l’espace Schengen (institué concrètement depuis 1995), nous contraindrait à accepter cette masse d’exilés, solidairement avec nos partenaires (sauf l’Irlande et, bien entendu, comme toujours, le Royaume-Uni, qui se paie le culot d’appartenir à l’Europe par nécessité et quand cela l’arrange tout en bénéficiant de dérogations aux obligations communes qu’il juge contraires à ses intérêts).

    Une politique suicidaire et criminelle

    Question : pourquoi le Royaume-Uni et pas nous ? Et, dans la foulée, autre question : quel choix nous inspire le bon sens : se sauver d’un péril migratoire au prix d’une entorse à des accords éminemment critiquables, ou périr dans les règles, conformément aux obligations découlant de ces accords ? Et enfin, dernière question : étant donné notre situation économique et financière (un Etat en faillite qui ne peut rémunérer ses fonctionnaires qu’en empruntant chaque année à l’étranger et qui ne sait plus quoi faire pour remplir ses caisses et résorber ses déficits budgétaires sans écraser fiscalement ses administrés, des collectivités territoriales qui augmentent les impôts locaux, des sociétés industrielles et commerciales importantes rachetées par l’étranger, une balance commerciale déficitaire) et sociale (2,9millions chômeurs, soit 10% de la population active en métropole, plus dans l’outre-mer, un nombre continuellement croissant de « bénéficiaires » du RSA et de la CMU, 200 000 SDF, 700 000 personnes sans logement, sans parler de tous les salariés pauvres et à l’emploi précaire), comment penser raisonnablement que nous pouvons nous offrir le luxe d’accueillir de nouveaux immigrés ? C’est de la folie pure que d’y croire. En vérité, nos élus de tous bords savent qu’il s’agit d’une gageure impossible à tenir.

    Or, épaulés par les médias, ils s’efforcent de nous faire croire que ce nouvel accueil massif d’immigrés est possible, qu’il exige un effort collectif pénible mais surmontable, et qui, à long terme, n’entraînera aucune conséquence négative durable pour notre pays. Et ils nous rappellent que notre dignité, notre histoire, notre image de nation des Droits de l’Homme, notre tradition de « France, terre d’asile », nous font un devoir d’accepter ce flux migratoire fatal. Julien Sanchez, jeune maire FN de Beaucaire a été hué, chahuté, empêché de parler, insulté par les autres maires (500 complaisants sur les 36 000 de France [ donc 35 500 absents : pour quelle raison ?]) réunis par le gouvernement à la Maison de la Chimie à Paris pour discuter de l’organisation de l’accueil de ces réfugiés, lorsqu’il a critiqué le choix d’une telle politique. Le préfet de la région Languedoc-Roussillon, Pierre de Bousquet (naguère impliqué dans l’affaire Clearstream), lui a même saisi le bras et a tenté de lui arracher son texte des mains. Voilà le vrai visage de notre République à travers ses élus et ses hauts fonctionnaires, représentants officiels de l’État.

    Nicolas Dupont-Aignan qualifie la politique du gouvernement sur cette affaire, de « suicidaire ». En vérité, il ne s’agit pas d’un mauvais choix aux conséquences suicidaires, mais d’un véritable crime, délibéré, de nos dirigeants contre notre peuple ; car notre gouvernement sait parfaitement quelles conséquences désastreuses l’acceptation de ces « réfugiés » va entraîner pour notre pays, et il les assume délibérément, en toute lucidité. C’est honteux. Il y a des limites à l’aberration idéologique droit-de-l’hommiste, au conformisme intellectuel et moral, au suivisme, à la lâcheté, le tout avec l’alibi de la prétendue obligation de nous conformer aux règles européennes (Dame ! Nous ne sommes pas britanniques ou irlandais ! ). Aucune éthique, aucun accord international, aucune règle politique, aucun article de droit ne nous impose(nt) de nous sacrifier, nous, nos enfants, notre peuple, notre avenir, sur l’autel de l’humanitarisme larmoyant (et hypocrite). En revanche, nous avons l’impérieux, irréfragable devoir de nous défendre, au nom de notre dignité, et de défendre nos enfants.

    Des expatriés économiques et non pas politiques

    Trève d’hypocrisie. Cessons de feindre de croire que ces exilés sont les victimes de tueurs fanatiques à leurs trousses, qui ont sauté dans le premier esquif venu pour venir ensuite cogner désespérément aux portes de l’Europe, espérant y trouver un indispensable refuge. Ainsi que l’a rappelé Nicolas Dupont-Aignan, ils sont en réalité des expatriés économiques ayant quitté leur pays d’origine (lequel n’est pas toujours la Syrie, loin de là), certes pour des raisons compréhensibles, ont séjourné dans diverses contrées (Turquie, Liban, Egypte, Libye) qui ne leur ont pas convenu mais où leur vie n’était pas en danger, et se sont ensuite décidés à embarquer pour l’Europe, où ils ont choisi l’Allemagne, laquelle leur paraissait le plus susceptible de leur offrir des perspectives intéressantes d’avenir en raison de sa prospérité et de son besoin de main d’œuvre découlant de sa défaillance démographique.

    Conclusion : refuser catégoriquement tout accueil de nouveaux immigrants

    La politique qui s’impose en l’occurrence est claire : nous devons catégoriquement refuser l’accueil de ces migrants, comme le font, avec bon sens, la Hongrie et la Slovaquie (dont, soit dit en passant, le président du gouvernement, Robert Fico, est un social-démocrate venu du parti communiste) ; nous devons refuser de rechercher un accord avec nos « partenaires », car il n’est que trop clair que cet accord aboutirait à l’installation de ces exilés sur le sous-continent européen et à l’obligation pour notre pays d’en accueillir une partie, luxe qu’il ne peut absolument pas se permettre, et dont on ne voit vraiment pas pourquoi certains Etats, comme le Royaume-Uni, seraient exempts.  

     

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de Politique magazine et de la Nouvelle Revue universelle.

     

  • Catalogne indépendante... jusqu'à Perpignan ?

    Ce sont toujours de très fines analyses que donne Jean-Michel Quatrepoint. Il réfléchit ici, pour Le Figaro, aux conséquences du résultat des élections régionales en Catalogne. A terme, outre la période d'incertitudes, palabres et désordres qui s'ouvre pour Barcelone et Madrid, il redoute une explosion des Etats-nations. Menace tout à fait réelle bien qu'elle ne se soit encore jamais traduite dans les faits en d'autres lieux dans des cas comparables (Belgique, Grande-Bretagne). Mais le risque d'explosion des Etats est aussi source d'infinies difficultés pour l'Union Européenne. Basée sur l'idéologie de l'effacement des nations, elle est pourtant, dans la pratique, paradoxalement fondée sur elles. Et le dogme de l'intangibilité des frontières est curieusement resté une règle dite incontestable alors même qu'on voulait les abaisser ! Ainsi, la sécession de la Catalogne poserait aussi à l'Europe de Bruxelles une série de problèmes assez inextricables qui menaceraient ce qui lui reste de cohésion. Dédié à ceux qui croient que l'Europe et le monde s'unifient, alors qu'ils se morcellent. LFAR   

     

    PHO1159e20e-cc52-11e3-a4f2-b373f3cdeec9-150x100.jpgLE FIGARO - Les deux listes indépendantistes catalanes ont obtenu le score historique de 48% des voix aux élections régionales ce dimanche. Cette démonstration de force vis-à-vis de Madrid laisse-t-elle présager une indépendance prochaine de la Catalogne ?

    Jean-Michel QUATREPOINT - Cette élection n'est pas une victoire des indépendantistes. Ils ont obtenu la majorité des sièges avec la CUP. Ce parti (extrême gauche) n'a pas grand-chose à voir avec M. Artur Mas et l'ancienne CiU (Convergence et Union, fédération catalaniste centriste). L'alliance des indépendantistes est hétéroclite: le parti d'Artur Mas a 30 sièges, ERC et Izquierda Unida, républicains de gauche ont obtenu 21 sièges, 11 sièges ont été obtenus par les indépendants. Les rapports de force sont les mêmes depuis quelques années. Les indépendantistes ont gagné en sièges mais pas en votes. Ils restent minoritaires. Les indépendantistes ont fait 48%, les anti-indépendantistes, 52%. La situation est bloquée.

    La politique européenne des euro-régions a-t-elle un rôle dans cette montée en puissance de l'indépendantisme catalan ?

    Oui. Pendant longtemps la Commission européenne et Bruxelles ont joué les régions contre les Etats-nations. A un point tel que s'est accrue l'utilisation des langues régionales ; le catalan est une langue officielle de l'UE, comme le basque. A multiplier les langues régionales, on a pu donner l'impression à ces régions qu'elles seraient plus efficaces en négociant directement avec Bruxelles, en sautant l'étape de l'Etat-nation.

    Comment expliquer, à l'heure de la mondialisation et de la théorie des grands espaces, cette montée en puissance de ces revendications indépendantistes ?

    On peut comprendre les problèmes propres des Catalans, comme ceux des Basques ; sous Franco, ils avaient été les principales victimes de la répression, car Basques et Catalans étaient les principaux opposants de Franco. Entre 1939 et 1973-74, ils ne pouvaient parler leur langue, on continuait à exécuter les militants. Mais par le Pacte de la Moncloa - accord signé en 1977, après la mort de Franco - les Espagnols ont décidé de ne pas se référer au passé, et de bâtir un Etat-nation dotant les régions d'une très grande autonomie. Depuis quelques années, le Parti populaire a une responsabilité car il n'a pas pris au sérieux les revendications des Catalans. Il était focalisé sur les Basques et l'ETA - les Catalans n'ayant, à la différence des Basques, jamais commis d'acte terroriste - sans s'apercevoir qu'en Catalogne, la montée irrédentiste était forte. Les antagonismes ancestraux ont resurgi à travers la langue qui a servi de vecteur aux idées indépendantistes en Catalogne, comme au Pays basque. Mais au Pays basque, où l'autonomie est plus importante que dans d'autres régions, les milieux économiques ont parfaitement compris qu'ils avaient intérêt à rester dans l'Espagne. Les Catalans se montrent un peu plus égoïstes. Ils ne veulent pas payer pour les Andalous et les régions moins riches. Cet égoïsme régional laisse place à une situation bloquée. Les positions se tendent.

    Quels problèmes pose ce rassemblement hétéroclite des indépendantistes ?

    Au sein des indépendantistes se posent plusieurs problèmes. Dans l'ancienne CiU, le parti d'Artur Mas, beaucoup étaient corrompus, à commencer par Jordi Pujol, qui l'a présidée de 1979 à 2004. Pour garder le pouvoir, ils ont fait alliance avec l'extrême-gauche. Cette dernière n'est pas du tout sur la même position en matière sociale et fiscale par exemple. Leurs revendications sont incompatibles avec les positions de centre droit de la CiU. Aujourd'hui, les antagonismes sont forts. Ciudadanos, un parti neuf, fondé en 2006 l'autre vainqueur des élections, a grimpé sur les décombres du parti populaire ; il est devenu la deuxième force politique de Catalogne.

    En Catalogne, il n'y a pas que des Catalans. De nombreux Espagnols y vivent et y travaillent. Les Catalans avaient fait venir des travailleurs d'Andalousie, qui n'ont nulle envie de voir la Catalogne devenir indépendante. Les règles avaient déjà été durcies pour s'intégrer et travailler là-bas : pour tout emploi public, il faut parler catalan. Les professeurs de langues étrangères par exemple doivent enseigner en catalan. La barrière de la langue crée de la ségrégation à l'intérieur de la Catalogne.

    L'indépendance est également prônée pour des raisons électoralistes et clientélistes. Elle provoquerait la création de milliers de postes à distribuer aux copains, dans les ambassades et autres représentations nationales.

    Comment la position de Madrid peut-elle évoluer ?

    Les Catalans ne deviendront indépendants que si Madrid donne son aval. La Catalogne ne peut décréter son indépendance unilatéralement. Un référendum est nécessaire, et il devrait se tenir dans toute l'Espagne. Un problème majeur se pose, celui de la répartition de la dette, surtout que la Catalogne est la région la plus endettée d'Espagne. Les milieux économiques s'inquiètent de la possibilité d'une indépendance. Les investisseurs ne prendront pas le risque d'investir en cette période d'incertitude totale. Prenons un exemple concret, celui de Vueling, la filiale low-cost d'Iberia. Le hub d'Iberia est à Madrid. Celui de Vueling est à Barcelone. Si jamais il y a un conflit, Vueling pourrait rapatrier son hub à Madrid, ou dans une autre ville d'Espagne. Sans parler du Barça. Il ne pourrait plus participer au championnat d'Espagne. Fini les “ classicos” contre le Real Madrid.

    Quelle sera la réaction probable des autres partis, non indépendantistes ?

    Le PP devra donner un peu plus d'indépendance budgétaire à la Catalogne. Les anti-indépendantistes qui ont longtemps laissé faire, commencent à redresser la tête. Tenez, aux Baléares, les gens parlent catalan… et ne réclament pas l'indépendance pour autant.

    Le parti Podemos s'est révélé en échec complet dans ces élections pour lesquelles ils n'ont pas fait de choix clair. Une partie de leurs troupes a basculé du côté des indépendantistes. Ciudadanos est en train de monter car ce parti représente une alternative face au PP vieillissant et considéré comme « pourri ».

    L'indépendance de la Catalogne aura-t-elle des répercussions sur la France ? On sait que certains, tels le parti EELV, lorgnent sur le département des Pyrénées-Orientales (rebaptisé Catalogne par ce parti)…

    Evidemment. Les plus indépendantistes se trouvent à Gérone. Or, parmi eux, un certain nombre estime que la Catalogne va jusqu'à Narbonne. Si la Catalogne espagnole devient indépendante, elle créera des émules dans le pays catalan français. Elle donnera envie au Pays basque espagnol de réclamer son indépendance, et partant, le Pays basque français fera de même. Nous aurons un éclatement de l'Etat espagnol et des revendications nationalistes se renforçant en France.  

    Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. Il a travaillé entre autres au Monde, à La Tribune et au Nouvel Economiste. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir.

    Son dernier livre, Alstom, scandale d'Etat - dernière liquidation de l'industrie française, est paru le 9 septembre 2015 aux éditions Fayard.

    Il est vice-président du comité Orwell.

    Entretien réalisé par Eléonore de Vulpillières

  • L'ÉCHEC DES GOUVERNANTS par HILAIRE DE CRÉMIERS

    Les tours de passe-passe ne prennent plus.

     

    H D C - Copie.jpgLe feuilleton grec risque de s'achever en drame et chacun sait qu'une tragédie grecque est d'allure cosmique et de sens universel. Encore faut-il en comprendre la portée ! 

    L'affaire grecque est le caillou dans la chaussure de l'Europe. Il lui blesse le pied depuis des années. C'était un petit caillou, croyait-on; de peu d'importance, ajoutait-on. La blessure ulcérée est devenue énorme et, maintenant, le caillou sorti ou pas sorti - il sortira évidemment et il faudra même qu'il sorte -, la plaie envenimée risque de gangrener toutes les parties basses et faibles de l'organisme européen. L'affaire est très mal partie parce que, dès le début, elle était très mal engagée. Les conséquences sont imprévisibles dans leur totalité. C'était, pourtant, cette possibilité de détérioration et cette imprévisibilité même des suites qu'il fallait précisément prévoir.

    Les dirigeants français comme les dirigeants européens n'ont rien su voir ni prévoir. Les discours tenus, il n'y a pas encore un mois, étaient d'une affligeante nullité. Personne ne reviendra dessus, ce qui serait pourtant le plus sûr, le plus juste et le plus terrible des jugements. Ni Sapin, ni Moscovici, ni Hollande, ni Juncker ne supporterait un tel examen critique. Tout ce monde-là s'est trompé et lourdement trompé. Leurs prédécesseurs pareillement.

    Parce qu'ils se sont toujours sortis des échéances précédentes, mais en aggravant à chaque fois les échéances suivantes, ils s'imaginaient et s'imaginent encore - même aujourd'hui - qu'il y aura des solutions et la crédulité publique se satisfait de cette facile persuasion.

    Comme il est écrit dans ces colonnes régulièrement et depuis presque huit ans, l'astuce maléfique de part et d'autre des partenaires européens a été d'entretenir une subtile et constante confusion entre liquidité et solvabilité. Chacun y avait avantage. Il était si facile de dire et de se dire qu'il suffisait d'approvisionner en liquidités pour que les problèmes soient résolus, ce qui permettait, en outre et en compensation, aux bailleurs de liquidités d'exiger des réformes structurelles de toutes sortes dans le cadre d'un technocratisme libéral qui est le fin mot de la doctrine bruxelloise et, de plus, surtout dans les débuts, d'obtenir des retours fort avantageux sur investissernents ou sur prêts, en tout cas pour les malins.

    Un tel système ne pouvait fonctionner qu'un temps. C'est que la réalité grecque se ramenait, en fait, à une question de solvabilité et, comme toujours en pareil cas, l'insolvabilité, quand elle est niée. ne cesse de s'accroître et, même en supprimant une partie considérable des dettes, l'échéance fatale survient inéluctablement et brusquement avec des chiffres démesurément grossis. Qu'on veuille bien se souvenir des chiffres d'il y a seulement quatre ans ! La machinerie européenne, à en croire les financiers de l'époque, n'aurait dû en faire qu'une bouchée !

    CONSÉQUENCES INCALCULABLES 

    Aujourd'hui les créances sur la dette grecque sont tout simplement irrécouvrables. Les Grecs le savent et ils veulent se donner les moyens de l'annuler - ou équivalemment de la reporter indéfiniment -, politiquement par un référendum, économiquement par un chantage sur l'économie européenne, financièrement par une pression sur la zone euro qui pourrait aller jusqu'à l'explosion. Les mois qui suivent seront décisifs, que la Grèce sorte de la zone euro ou même qu'elle prétende y rester d'une manière ou d'une autre. Dans le premier cas elle provoque un choc sur le système des dettes dont nul ne peut appréhender les séismes consécutifs, dans le second cas, elle continue de plomber le même système et sans fin. Tout cela est évidemment absurde. Et signale amplement l'échec d'une politique insensée et de toute une doctrine qui sert de justification à l'élite dirigeante européiste depuis trente ans. La catastrophe sera à l'échelle de l'illusion qui a été savamment entretenue.

    Il ne sert à rien de stigmatiser Tsipras : ses prédécesseurs, socialistes ou conservateurs, ont créé avec la complicité des eurocrates, la situation qu'il tente éperdument de dénouer comme un politicien qu'il est. Dire que la Grèce remontait la pente au prétexte que les circuits financiers avaient été allégés, relève de la supercherie. Car les chiffres sont implacables. L'euro n'était tout simplement pas une monnaie faite pour la Grèce. Et, d'ailleurs, la situation sera identique bientôt dans le reste de l'Europe, malgré les efforts demandés aux peuples. 

    Se gargariser avec des déficits primaires dont on dit qu'ils sont réduits ou supprimés, ne transforme pas le poids réel de la dette, ni n'évite l'écrasement des économies. Les comptables de Bruxelles en sont au trafic de bilans. Ou, comme nos politiques et nos financiers, aux assurances verbales. C'est toujours du genre bien connu : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ». Ni l'Italie ni la France ne sont en état de supporter un choc sur leur dette souveraine. Surtout si la spéculation s'y met. La vérité est que leur dette, comme celle de la Grèce, n'a plus de prise sur la réalité. Les astuces de Mario Draghi ne changent pas les données fondamentales : les liquidités déversées par milliards ne servent pas concrètement à l'économie, malgré tout ce qui se dit, et n'améliorent pas la solvabilité d'un pays quand il est devenu en fait totalement insolvable. La dette française, comme celle de beaucoup d'autres pays, mais elle plus que les autres, est insoutenable : c'est du simple bon sens. Elle ne se réduit pas, elle se prolonge, s'installe dans la durée, s'alourdit et se refinance... jusqu'à quand. 

    PÉRILS POUR LA FRANCE 

    Il n'y a que François Hollande et son creux de Sapin pour croire et faire croire que l'économie française redémarre et, en plus, dit-il ingénument, grâce à lui ! Les chiffres d'activité passagère ne signifient rien. Ce qui est certain, c'est l'effondrement de pans entiers de l'économie nationale et la disparition incessante de postes d'emplois dans la vie des entreprises. Les gens avertis savent, en outre, que les sanctions stupidement prises par l'Europe contre la Russie pour complaire aux Américains, vont coûter plus cher aux Européens qu'aux Russes. Les exportations en sont frappées. Malgré le mépris évident des États-Unis pour l'Europe - l'affaire des écoutes n'en est qu'un détail mais qui l'illustre parfaitement -, le traité transatlantique, qui les avantage de toutes les façons, sera accepté comme tous les précédents par nos dirigeants sans culture et sans honneur. 

    Alors que le malaise français se ressent à tous les niveaux, dans les villes, chez les commerçants et les artisans, dans le fond des campagnes, dans toutes les entreprises petites, moyennes et grandes dont quelques-unes sont littéralement bradées, alors que les familles sont atteintes jusque dans leurs enfants livrés aux diktats imbéciles d'un gouvernement sans âme, ni foi, ni loi et que l'Académie française se voit dans l'obligation - rarissime - de rappeler à l'ordre, alors surtout que les risques intérieurs se conjuguent aux risques extérieurs que plus personne ne peut raisonnablement évaluer et que, pendant ce temps, pourtant, l'intérêt du chef de l'État comme de toute la classe politique se porte essentiellement sur les futures élections dont, évidemment, la présidentielle, la guerre civile commence chez nous. La première décapitation a eu lieu, sous les yeux effarés des Français. L'islamisme profite de la dislocation sociale de notre pays. Qui en est responsable ? Quelle politique intérieure, quelle politique extérieure ont abouti à ce résultat ? Le pape François a raison de souligner la responsabilité écrasante des dirigeants occidentaux qui, ne travaillant jamais que pour leurs intérêts et leurs ambitions, ont tout simplement oublié le bien commun. À quand de vrais chefs ? • 

    Politique magazine

     

  • Jean-Michel Quatrepoint : « Voilà des années que l'Europe n'a pas voulu se défendre »

     

    Nous suivons toujours attentivement les analyses de Jean-Michel Quatrepoint, notamment dans le cadre des entretiens qu'il donne au Figaro, parce qu'elles sont à la fois extrêmement lucides, réalistes, fondées sur une profonde connaissance des sujets traités, et que les positions qu'elles expriment sont presque en tous points les nôtres. Ainsi, au lendemain des attentats de Paris, Jean-Michel Quatrepoint en détaille, toujours pour Le Figaro, les conséquences économiques et les solutions possibles, notamment sur le plan militaire.  LFAR

     

    PHO1159e20e-cc52-11e3-a4f2-b373f3cdeec9-150x100.jpgA l'approche des fêtes, les rues sont désertes. Quelles peuvent être les conséquences économiques des attentats ?

    Les terroristes de Daech poursuivent un double objectif : nous terroriser et asphyxier nos économies. C'est la même stratégie qu'ils ont adoptée en Tunisie et en Égypte. Leurs attentats dans ces pays ont un impact direct sur les recettes touristiques. Toutes proportions gardées, c'est le risque qui nous guette. D'ores et déjà, le chiffre d'affaires du commerce a plongé de 15 % à 30 % selon les secteurs. Les touristes annulent en masse leurs voyages. Or, la période du 15 novembre au 31 décembre est cruciale pour l'activité commerciale. Au niveau macro-économique et budgétaire, ce sont des recettes de TVA en moins, ce qui va creuser le déficit budgétaire. Sans parler de l'impact sur la balance commerciale de la baisse du tourisme.

    Une des erreurs commises ces dernières années est d'avoir cru qu'un grand pays comme la France pouvait faire reposer son économie sur le tourisme et les services, à la place de l'industrie. Les exportations de biens industriels sont beaucoup moins sensibles aux attentats que le tourisme. Pour redonner confiance à une population traumatisée, ainsi qu'aux touristes, il va falloir faire un effort considérable en matière de sécurité. Tout ceci va prendre du temps et coûter fort cher. Il y a une contradiction entre déclarer que l'on est en guerre et ne pas se doter des moyens d'une économie de guerre. Certes, il s'agit d'une guerre d'un type nouveau, asymétrique, mais il s'agit bien d'une agression pilotée de l'extérieur, avec des gens qui ont une volonté de conquête et qui s'appuient sur des alliés à l'intérieur de nos frontières, ce qu'on appelait autrefois la cinquième colonne.

    Comment lutter contre ce double front ?

    Il faut distinguer l'action extérieure et l'action à l'intérieur. À l'extérieur, nous devons concentrer nos faibles moyens sur le Sahel, le Mali. Parce que dans cette région du monde, c'est la France qui a le plus de capacités et de connaissance du terrain. En revanche, il ne faut pas se laisser entraîner dans des opérations au sol en Syrie ou en Irak. Un appui aérien, oui. Mais il appartient aux acteurs locaux de régler le problème Daech. Tout dépend de la Turquie et de son jeu, pour le moins trouble, notamment à l'égard des Kurdes, qui sont les opposants les plus déterminés contre Daech. Mettre tout le monde d'accord va prendre du temps, tant les arrière-pensées des uns et des autres sont grandes. Ce que nous pouvons faire en revanche assez vite, c'est d'asphyxier à notre tour financièrement Daech. En s'attaquant à ses principales sources de revenus: pétrole, trafic d'antiquités, trafic des migrants.

    Avons-nous les moyens de mener cette guerre ?

    Ces actions extérieures ont d'ores et déjà un coût. On tablait sur un budget de 1,2 milliard, cette année. Il sera largement dépassé. Sur le plan intérieur, l'opération Sentinelle mise en place après les attentats contre Charlie Hebdo a épuisé les troupes, policiers comme militaires. Avant le 13 novembre, les mises en garde des syndicats et de la hiérarchie se multipliaient : on ne pouvait pas continuer sur le même rythme. Or, il faut maintenant, bien au contraire, renforcer Sentinelle. Dès lors, se pose le problème des moyens en hommes et en argent. François Hollande a annoncé le recrutement d'ici à fin 2017 de 11 200 fonctionnaires supplémentaires pour la Justice, l'Intérieur et les Douanes. Cela représente un coût de 1 milliard par an. Pour l'armée stricto sensu, on a décidé de suspendre une partie des suppressions de poste prévues dans la loi de programmation militaire. Tout ceci n'est cependant pas à la hauteur des enjeux.

    Mais alors que faut-il faire ?

    Le moment est venu de prendre deux grandes décisions. La première est d'inverser la mécanique de laminage du budget de la Défense qui a été divisé par deux en 30 ans. Il faudrait faire passer en cinq ans de 1,6 % du PIB à 2,6 % du PIB. Pour mémoire, les États-Unis consacrent 3,5 % à leur Défense (plus de 600 milliards de dollars). Et la Russie 4,5 %. Sans parler de l'Arabie saoudite, dont le budget à lui seul est plus du double de celui de la France. Une telle augmentation se traduirait par un budget supplémentaire annuel de 4 milliards d'euros environ, pour l'année 2016. Et de 8 milliards pour l'année 2017. Des montants qui intègrent, bien sûr, les OPEX.

    Ces investissements supplémentaires seront consacrés d'abord au maintien des effectifs - il faut revoir la Loi de programmation - ensuite à leur augmentation. Puis à la mise en place progressive d'un service national civique obligatoire, de quatre ou six mois. Tous les jeunes âgés de 18 ans étant appelés progressivement à y participer. Ils y recevraient une formation militaire de base (l'équivalent des deux mois de classes d'autrefois), une formation au secourisme, ainsi qu'à l'assistance aux populations lors de catastrophes naturelles (inondations, etc.) Pour encadrer ce service national, il faudra recruter en priorité chez les anciens militaires. Tout ceci coûte, mais en même temps cela génère de l'activité sur l'ensemble du territoire. C'est un moyen de réanimer des villes moyennes. Idem pour les équipements. Dans l'armée comme dans la police. Les forces de sécurité doivent avoir des matériels de qualité ce qui n'est plus le cas. Le sous-investissement, notamment en véhicules est chronique. Là aussi, il y a un coût, mais cela génère de l'activité économique. Idem pour les technologies, le numérique. Nos industries de Défense doivent être soutenues. On ne peut pas toujours s'en remettre aux autres, en l'occurrence aux Américains, pour la cyberguerre. Les dépenses militaires , notamment les innovations technologiques irriguent l'ensemble du tissu industriel. Il y a longtemps que les Américains ont compris cela sans parler des Israéliens et des Russes. Nous et les Européens, l'avons oublié depuis vingt ans. J'ai régulièrement écrit dans mes derniers ouvrages, qu'il n y avait pas d'exemple dans l'histoire de territoires riches non défendus qui ne fassent pas l'objet d'une prédation.

    Tout cela va nous faire exploser les déficits ?

    À court terme, oui, mais il faut savoir ce que l'on veut. S'imaginer que l'on peut mener une telle guerre tout en respectant des règles comptables établies à une époque où nous n'étions pas confrontés à de telles agressions et où la croissance était structurellement supérieure de un à deux points est absurde. Vouloir compenser l'augmentation des dépenses de sécurité et de défense par des économies ailleurs est tout aussi irréaliste à court terme. Certes, il va falloir dans le temps mener de profondes réformes, revoir nos systèmes de protection sociale, mais en attendant, il faut accepter une augmentation du déficit. J'ajoute que ces dépenses de sécurité, la mise en place du service national vont avoir un impact positif sur l'emploi.

    Et que dire à Bruxelles ?

    À quelque chose malheur est bon. Le moment est venu d'expliquer à nos partenaires et aux services de la Commission que le premier impératif d'un gouvernement est d'assurer la protection des biens et des personnes qui vivent sur son territoire. Voilà des années que l'Europe n'a pas voulu se défendre. Voilà des années que les pays du Nord et de la Mitteleuropa ont préféré aviver les tensions avec la Russie, plutôt que de faire face à la montée croissante du terrorisme islamiste. Nous sommes en première ligne, comme les Belges et les pays riverains de la Méditerranée. Il s'agit désormais d'une question vitale pour nous. Il faut donc expliquer, gentiment mais fermement, à Bruxelles et aux autres, que c'est ainsi et pas autrement. Il y a un moyen très simple pour que nous respections la lettre des traités budgétaires: sortir les dépenses de Défense des critères de Maastricht. C'est le moment ou jamais de l'exiger. 

    Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. Il a travaillé entre autres au Monde, à La Tribune et au Nouvel Economiste. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir. Il est membre du Comité Orwell.

    Dans son livre, Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde? (Le Débat, Gallimard, 2014), il analyse la guerre économique que se livrent les trois grands empires qui règnent en maîtres sur la mondialisation.

    Son dernier livre, Alstom, scandale d'Etat - dernière liquidation de l'industrie française, est paru en septembre 2015 aux éditions Fayard.

    Entretien par Alexandre Devecchio             

  • Haro sur Hamon

    Benoît Hamon meeting de campagne a l'Institut national du judo, Paris, le 18 janvier  Libération 

    Par François Marcilhac

     

    4115840658.jpgLa large victoire de Benoît Hamon aux primaires citoyennes du Parti socialiste ne doit évidemment pas occulter le malentendu que celle-ci recouvre. Certes, alors que Valls demandait à Hamon, en mai 2016, de quitter le PS s’il déposait une motion de censure contre le gouvernement sur la loi travail – ce qu’Hamon s’est bien gardé de faire –, il est piquant de constater que c’est Valls que les électeurs socialistes ont décidé de chasser, sinon du Parti socialiste, du moins de la course à l’Élysée. Une belle revanche, en effet, pour ce frondeur… en peau de lapin, qui n’a eu de cesse de ménager l’exécutif durant tout le quinquennat, au bilan catastrophique duquel il a participé comme ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire puis comme ministre de l’Éducation nationale, avant de démissionner fort opportunément avec Montebourg à la fin du mois d’août 2014 – quelques jours avant la rentrée scolaire ! Quel sens des responsabilités pour un ministre de l’Éducation ! Son objectif ? Quitter un navire en voie de perdition suffisamment tôt pour se refaire une virginité avant les primaires citoyennes . Ce qui, semble-t-il, lui a mieux réussi qu’à Montebourg, réduit à jouer les utilités. Benoît Hamon a donc pu faire oublier ses cinq années de compromission avec Hollande, auprès d’électeurs qui ont surtout, selon le bon vieux réflexe poujadiste qui traverse tous les courants politiques, sorti, ou cru sortir les sortants !

    Petits calculs politiques

    Le Parti socialiste explosera-t-il ? Valls attend désormais son heure, espérant comme jadis Mitterrand ramasser à plus ou moins brève échéance un parti à reconstruire tout en recueillant les fruits des échecs de la droite. Car la victoire de l’ex-jeune rocardien Hamon, qui, selon Jacques Sapir, commentant l’élection sur son blogue, est avant tout celle de ses réseaux, ne serait peut-être qu’en trompe-l’œil si, en effet, la sincérité sociale de son programme venait à être ébranlée. Alors, tandis que la droite du PS irait voir du côté de Macron, candidat attrape-tout, la gauche irait renforcer les troupes d’un Mélenchon jugé plus authentique – même si les premiers sondages démentent pour l’instant ce cas de figure. Il n’en reste pas moins que c’est bien l’homme (réputé) le plus à gauche que les électeurs socialistes ont décidé d’investir pour la présidentielle, prouvant que le réflexe identitaire, lui aussi, traverse tous les courants. Le quinquennat de Hollande a brouillé tous les repères d’un électorat pensant en 2012 qu’avec la victoire de leur candidat la finance internationale, enfin, ne dicterait plus ses ordres au gouvernement français, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de Bruxelles ou de Berlin. Or, à peine élu, Hollande a trahi tous ses engagements sans que le pays en tire aucun profit, le chômage ayant même grimpé comme jamais en cinq ans ! À tort ou à raison, c’est donc bien en obéissant à un réflexe identitaire de gauche que les socialistes ont porté Hamon à la candidature – une gauche revenue à ses sources, en dépit de ses évolutions. Car le programme social de Hamon vise à renouer avec un progressisme censé apporter le paradis terrestre. Le travail, malédiction biblique ? Qu’à cela ne tienne ! Nous nous dirigeons nécessairement – tel est le sens de l’histoire – vers la société du non-travail, et le revenu universel et les 35 heures, voire les 32, ne feraient qu’accompagner cette utopie en cours de réalisation. De fait, Hamon tente la synthèse d’un discours social archaïque avec le discours libéral-libertaire – il est notamment favorable à l’euthanasie et à la légalisation du cannabis –, en vue de faire passer la pilule d’un mondialisme toujours plus agressif, la méthode Hollande-Valls d’un ralliement direct au social-libéralisme ayant échoué auprès des Français. Mais, pas plus qu’Hollande ayant menti en 2012 sur sa volonté de renégocier le traité budgétaire européen, Hamon n’envisage vraiment, une fois au pouvoir, de négocier – avec quels partenaires ? – la création d’une alliance interétatique, politique et sociétale (sic) visant à imposer un moratoire de la règle arbitraire des 3 % de déficit imposée par Berlin via Bruxelles. En revanche, on peut lui faire confiance sur sa volonté de fusionner, au détriment des classes moyennes, l’impôt sur le revenu et la CSG ou, comme le souhaite France Stratégie, de s’attaquer au patrimoine des Français, en vue de financer notamment sa politique immigrationniste généreuse. Il veut en effet priver les Français des fruits, péniblement gagnés, de leur travail, transmis à leurs enfants sous forme d’héritage, en utilisant une partie, toujours plus grande, gageons-le, de droits de succession toujours plus onéreux – gageons-le également –, pour financer la « solidarité sociale » qui deviendra sous son quinquennat un véritable tonneau des Danaïdes. Puisque, outre le financement du non-travail, Hamon ouvrira grandes les portes à tous les « migrants » du monde entier : il se veut en effet beaucoup plus généreux en matière de droit d’asile, et, à cette fin, instaurera des visas humanitaires. Il voudrait aussi multiplier par deux le nombre de places en centres d’accueil de demandeurs d’asile et instaurer un droit au travail sous certaines conditions pour les migrants – un droit dont, en revanche, seraient privés les Français !

    Justin Trudeau de gauche

    Car le programme de ce Justin Trudeau de gauche – Macron n’étant, au fond, que son clone du centre-droit – est cohérent. Valls n’a pas eu tort, durant la campagne des primaires, de dénoncer en lui son manque de clarté sur la laïcité – nous préférons dire : sur l’identité nationale, ce qui n’est pas exactement la même chose. Hamon, qui est favorable au voile islamique, imposerait à marche forcée une communautarisation de la France, déjà bien entamée, au profit de l’islamisme le plus radical, à l’exemple de son fief, la ville de Trappes dans les Yvelines, dont il veut faire le modèle de la France de demain. Plaidant pour des « accommodements qui, dans le respect de la laïcité et des principes de la République (sic), permettront à l’islam en France de trouver une place semblable à celle des autres religions », il mettrait en place deux mesures phares : imposer partout, et même à l’enseignement privé, une prétendue « mixité sociale » visant à dissoudre l’Éducation « nationale » dans une dynamique communautariste ; créer une « brigade de lutte contre les discriminations », qu’il ose présenter comme un « nouveau service public », alors que cette milice, sur le modèle de la Muttawa séoudienne traquant les récalcitrants à l’islamiquement correct, traquerait tous les récalcitrants à ce religieusement correct que serait devenu le communautarisme. Immigrationniste et mondialiste – un pléonasme, c’est vrai –, Hamon est bien le candidat des « territoires perdus de la république » abandonnés à l’islamisme : il en est même le porte-parole. Son élection, dont les premières victimes figureraient parmi la frange la plus populaire, au sens vrai du terme, de son électorat, porterait un coup supplémentaire à l’identité nationale et ferait courir un risque sérieux à la paix civile.

    Jamais une élection n’aura été aussi ouverte, d’autant qu’à l’heure où nous écrivons nous ne connaissons pas les développements de l’affaire – ou des affaires – Fillon, désormais au coude à coude, dans les sondages, avec Macron, tandis que Marine Le Pen stagne. La présentation, ces 4 et 5 février, à Lyon, de ses 144 engagements permettra-t-elle d’enrayer la lente érosion de son électorat ? Tout dépendra évidemment de la teneur d’un programme qui sera, de toute façon, diabolisé par le système. Nul besoin, donc, de chercher à lui plaire ! 

    François Marcilhac

    Action française 2000

  • Société • Nous sommes tous des migrants

     

    Par Edouard de Saint Blimont.

     

    Qu’on n’imagine surtout pas que j’invite le lecteur à rejoindre la foule inepte de ceux qui réclament à corps et à cris que nous ouvrions toujours plus nos frontières, nos villes et bientôt nos maisons aux errants qui déferlent sur l’Europe, parce que nous devrions secourir indistinctement tous ces êtres humains, au motif qu’ils partagent avec nous la même humanité.

    Je ne partage pas non plus le point de vue orwellien de François qui m’enjoint à retirer de mon vocabulaire le mot de « clandestins », au motif que certains mots, alors même qu’ils désignent trop précisément la réalité, doivent pour cela même ne plus être utilisés !

    Mais c’est quand même d’une autre manière que nous sommes des migrants, que nous connaissons la migration perpétuelle : nous sommes en permanence appelés à changer de « lieu », nous sommes perpétuellement dans la situation instable de ceux qui n’ont plus d’ancrage, qui vivent dans l’angoisse de ne plus savoir de quoi demain sera fait et qui se disent qu’ils pourraient même tomber de Charybde en Scylla.

    Nous sommes tous des migrants : je ne l’ai jamais ressenti aussi fortement que depuis qu’il nous est donné à nouveau de traverser les tempêtes électorales qui nous déposeront demain sur l’on ne sait quel rivage. Arriverons-nous sur l’île des lotophages avec Emmanuel Macron pour prendre le lotus, ce fruit si doux qu’il fait oublier aux étrangers leur patrie ? A moins que nous n’échouions sur l’île des Cyclopes en compagnie de Mélenchon pour y connaître le destin que l’on sait.  Les sondeurs s’en donnent à qui mieux mieux pour agiter le spectre de toutes les résolutions possibles, nourrissant encore, si c’était nécessaire, l’angoisse chez celui qui sait que par son vote seul, il ne contrariera pas les mouvements de fond.

    Nous sommes en principe habitués au jeu électoral ; la remise en cause permanente du destin politique d’une nation, d’une patrie, n’est-elle pas inhérente à la démocratie ? Dans Le pouvoir sur scènes, l’anthropologue Georges Balandier affirme même qu’en démocratie, le citoyen retrouve un certain sens de l’aventure : n’avons-nous pas là l’occasion d’introduire un peu plus de passion dans notre existence ? Mais si nous nous aventurons dans ce domaine, force est de constater que ce milieu est infiniment mouvant, la géographie des « îles » politiques qui émergent du fond de cet océan en perpétuel mouvement n’a pas encore de figure nette. Mais nous redoutons le pire.

     Et pour cause : la philosophie qui inspire ces nouveaux mondes -ou devrais-je dire de ces nouveaux monstres ? - procède de la remise en cause perpétuelle des théories qui leur donnait jusqu’ici des traits repérables. Interrogée par Figarovox (11.04.2017) voici comment Chantal Mouffe, philosophe belge, marraine de Podemos et véritable inspiratrice de la démarche de Mélenchon, considère sa propre démarche philosophique :

    « Je suis opposée à la philosophie normative. Les philosophes politiques ont tendance à faire de grandes élaborations pour expliquer comment le monde devrait être sans tenir compte du contexte. Pour ma part, j'essaie au contraire de fonder mes théories sur la réalité de l'époque. »

    Il ne s’agit plus de s’en tenir à une certaine vision de l’homme mais d’enregistrer les grandes « migrations » intellectuelles de notre temps, qu’elle définit comme la « réalité de l’époque ».

    Et la réalité de l’époque, pour elle, ce sont les mouvements sociaux qui se sont développés depuis Mai 68 : le féminisme, le mouvement écologiste, les luttes antiracistes, la lutte pour la reconnaissance des homosexuels. Ce sont des mouvements comme ceux-là, qui n’ont cessé de déstabiliser nos sociétés occidentales, auxquels Chantal Mouffe et à sa suite Jean-Luc Mélenchon, veulent reconnaître une spécificité dans la constitution d’un populisme de Gauche.

    Quel nouveau monde va naître, et quelle sera notre vie demain, si ces mouvements acquièrent, au sein d’un parti, au sein d’un gouvernement, une pleine et entière légitimité ? Une chose est sûre : ainsi se dessine peu à peu, sous nos yeux horrifiés, un monde dans les traits duquel nous ne saurons plus reconnaître nos légitimes aspirations de pères, d’époux, d’êtres humains cherchant à protéger l’ordre de la civilisation, soucieux de retrouver un ordre fondé sur les principes sains d’une philosophie qui s’emploie à reconnaître la nature et l’homme comme il est, sortant des mains de son Créateur. Mais qui nous rappellera la géographie d’un monde habitable ? Dans ce monde qui dérive, qui nous indiquera le point d’ancrage qui nous fait perpétuellement défaut ?

    Nous espérions jusqu’ici que ce point d’ancrage, l’autorité intellectuelle la plus haute, celle du Pape, la fournirait aux chrétiens que nous voudrions continuer à être. Mais un article savant du Professeur Giovanni Turco, reproduit dans le Courrier de Rome de novembre 2016, nous oblige à déchanter. Nous ne pouvons pas, dans le cadre de cet article, entrer dans toutes les subtilités philosophiques de l’éminent professeur italien. Nous pouvons cependant dégager quelques axes forts, assez peu faits pour nous rassurer :

    Le pape considère-t-il encore que la Vérité divine, révélée par Dieu, transcende nos pauvres réalités humaines et qu’elle est comme telle une référence absolue, un point d’ancrage pour l’humanité ? Le professeur Turco rappelle ce propos du pape Bergoglio : « je ne parlerais pas, même pour les croyants, de vérité ‟absolue” dans le sens où ce qui est absolu est ce qui est détaché, ce qui est dépourvu de toute relation. Or la vérité, selon la foi chrétienne, c’est l’amour de Dieu pour nous en Jésus-Christ. Donc la vérité est une relation ! C’est si vrai que chacun de nous la saisit, la vérité, et l’exprime à partir de soi : de son histoire et de sa culture, de la situation dans laquelle il vit, etc. Cela […] signifie qu’elle se donne à nous toujours et seulement comme un chemin et une vie. »

    Cela doit-il nous étonner ? Le pape l’avait déjà déclaré dans Amoris Laetitia :

    « La Parole de Dieu ne se montre pas comme une séquence des thèses abstraites, mais comme une compagne de voyage »

    Nous y sommes : pour le pape, la Parole divine a une dimension elle aussi « migratoire ».

    Le professeur Turco montre d’ailleurs que la vision que le pape a du Saint Esprit présente une parfaite congruence avec le reste :

    « L’action même du Saint-Esprit serait qualifiable non par le contenu (ce qu’Il accomplit), mais par l’opérativité, ou mieux par la modalité opérative : « bouleverser », « remuer », « faire cheminer », étant donné qu’il y aurait en Lui de la « fantaisie » et de la « nouveauté ». Il s’agirait d’une activité non qualifiée par sa fin, mais par son devenir. En effet dans de telles actions il n’y a pas trace de finalité : on peut « remuer » pour le bien ou pour le mal, une « nouveauté » peut être fructueuse ou néfaste, on peut « cheminer » vers le meilleur ou vers le pire, de même qu’une « fantaisie » peut être innocente ou nocive. Autrement, tout « bouleversement », comme toute « nouveauté », serait nécessairement un bien. Ce qui est contredit par l’expérience la plus commune et par toute réflexion authentique. »

    Le professeur n’a aucune peine à nous montrer que nous sommes sortis d’un contexte philosophique où l’on considère que la vérité est définie à partir d’une adéquation entre l’intelligence et le réel, comme Saint Thomas le postule, à un contexte proprement moderniste, défini par le philosophe Maurice Blondel où la Vérité (si ce mot signifie encore quelque chose) est l’adéquation de l’intelligence et de la vie. Ce qui permet, conclut Turco, d’attribuer au jugement de conscience, et non plus à la Vérité, un caractère absolu.

    Nous sommes entrés dans un monde où s’impose comme vraie la situation concrète, où le « ce qui est comme ça », pour reprendre l’expression qu’utilise le Professeur Turco, a le dernier mot. Nous ne sommes donc toujours pas sortis de la réalité « migratoire », j’oserais même dire que nous y sommes en plein : une parole, « compagne de voyage », pour un cheminement, inspiré par un Saint Esprit fantaisiste…qui nous appelle au bouleversement…dans un moment où nous sommes menacés par le pire bouleversement de notre histoire ? Il n’y a décidément plus un domaine où nous ne soyons des migrants.

    Ulysse, je pense à vous, ballotté d’une île à l’autre, empêché pendant plus de dix ans de regagner votre patrie. Mais je pense à vous aussi car vous nous montriez le chemin. Car c’est la mentalité d’Ulysse que nous devrions aspirer à retrouver, tous tant que nous sommes. Ulysse ne se trompe jamais pour identifier où sont les barbares : ces derniers ne sont pas mangeurs de pain et le vin, ils ne le connaissent pas. Il sait ce qui caractérise le civilisé, notamment son respect des dieux. Il se garde de toutes les aventures sentimentales qui réintroduisent l’être dans l’aventure migratoire : Circé lui offre l’oubli dans les aventures de la chair, il le refuse. Il refuse la divinité, l’immortalité que lui offre Calypso… prélude déjà de l’aventure transhumaniste. Ulysse c’est l’homme ancré : son fils Télémaque s’inquiète de lui, sa femme, Pénélope, lui est restée fidèle, les retrouvailles avec sa mère aux Enfers et son père au palais, complètent l’image d’un bon fils. C’est aussi un bon roi que ses sujets veulent retrouver, comme le porcher Eumée.

    Quel Ulysse aura demain le cran, le courage, et pour tout dire le génie de nous ancrer sur le socle qui nous préserve de devenir des migrants perpétuels ? 

  • Livres • La nouvelle charge d'Éric Zemmour : « Un quinquennat pour rien »

     

    Par Vincent Trémolet de Villers

    51NfV+cckmL.jpgDans un ouvrage appelé à nourrir toutes les polémiques, l'auteur du Suicide français revient avec force sur la bataille civilisationnelle à mener contre l'islam, devenu l'un des pivots autour duquel s'articule la vie de la société française. De cet ouvrage, Vincent Tremolet de Villers donne ici [Figarovox, 02.09] une remarquable recension. Il l'ouvre sous le signe de Cassandre, dans la filiation de qui il situe Zemmour. Ce rôle fut longtemps attribué à Jacques Bainville. « Le grand Bainville » : ainsi le nomme Zemmour, qui l'a beaucoup lu. Par deux fois Bainville fut hanté par le sentiment tragique des deux guerres mondiales du siècle dernier dont il avait prévu avec exactitude quels mécanismes les déclencheraient. On peut accorder quelque crédit, aujourd'hui, aux analyses de notre situation, d'où Zemmour tire ses craintes et ses prévisions. Quant aux quelques motifs d'optimisme que Vincent Tremolet de Villers avance au terme de sa chronique, sans les rejeter, il nous semble qu'elles ne pourraient avoir quelque pertinence, elles aussi, que dans la mesure où la France aurait préalablement accompli cette révolution culturelle que Zemmour appelle de ses vœux.   Lafautearousseau  

     

    902697296.jpgCassandre ne s'était pas trompée. En voyant entrer le cheval dans Troie, pendant que la foule se réjouissait autour de l'animal de bois, elle s'alarmait, en vain, de l'entrée de l'ennemi dans la ville. Grâce à Apollon, elle avait le don de divination, mais pas celui de persuasion. Elle disait vrai, mais elle était maudite et personne ne l'écoutait. Eric Zemmour n'a pas reçu d'Apollon le don de divination, mais la nature l'a doté, par le verbe et l'écriture, de la passion de convaincre. Quand il n'est pas d'accord, Zemmour le fait savoir, quand il est d'accord, il arrive qu'il considère qu'il l'a déjà dit.

    Cassandre assumée, le chroniqueur du Figaro et du Figaro Magazine alerte la France depuis des années. Hier, il tempêtait sur sa souveraineté menacée, aujourd'hui il affirme que son identité est en péril de mort. Deux ans après Le Suicide français, son précis de décomposition au succès phénoménal, l'essayiste récidive.

    Un quinquennat pour rien* apparaît, au premier abord, comme un livre de chroniques. L'ouvrage réunit cinq ans d'humeurs éditoriales prononcées le matin au micro de RTL. La vie des Français sous le règne de François Hollande défile. De Manif pour tous en zlatanisation du football, de Leonarda en déroutes électorales, de Christiane Taubira en Anne Hidalgo, le bretteur tourne autour de ses cibles et, à la fin de l'envoi, les touche.

    Ce quinquennat, malheureusement, ne se réduit pas aux cravates mal nouées, aux frais de coiffure et à la langue disloquée - « La France, elle est… » - du chef de l'Etat. C'est aussi le mandat durant lequel la parenthèse enchantée s'est refermée. A Paris et à Vincennes, à Saint-Denis et au Bataclan, les balles assassines ont sifflé « la fin de la fin de l'histoire » (Finkielkraut): plus de 250 victimes, des blessés par centaines et le drapeau du Califat qui flotte dans les esprits et sur les téléphones portables de milliers de gamins de nos banlieues. De ces tragédies, Zemmour a tiré une longue méditation qui ouvre son livre. Un texte incisif et profond qui aurait pu, à lui seul, composer un petit ouvrage. Un texte violent aussi, tant il exprime la crainte qui étreint son auteur, le sentiment de vindicte qu'il éprouve envers ceux qui nous ont emmenés jusque-là, l'effrayante réalité d'un pays au bord du chaos.

    Le scandale, soyez-en sûr, aura lieu. Les vigies de Twitter s'allieront aux ligues de vertu pour tenter, une fois encore, de le faire taire. Elles se jetteront sur ses formules volontairement provocatrices : « Le cri de guerre révolutionnaire qui épouvantait à Valmy les lansquenets prussiens a été adouci en chanson sirupeuse pour adolescentes romantiques » ou encore « l'islam est incompatible avec la France ». Zemmour, viré d'i-Télé pour des propos qu'il n'a pas tenus (une traduction malheureuse et erronée d'un journal italien avait déclenché l'hallali), habitué des tribunaux et des poursuites, s'en moque. Il ne calcule plus. Son angoisse est d'un autre ordre : elle est existentielle. Ecoutons-le : « La sémantique est essentielle dans cette histoire. Un étranger qui arrive dans un autre pays sur la demande de celui-ci est un immigré. Un étranger qui vient dans l'illégalité est un clandestin. Des étrangers qui viennent par milliers, par centaines de milliers, demain par millions, sont des envahisseurs. Un migrant doit pouvoir se déplacer. Un réfugié doit être accueilli. Un envahisseur doit être repoussé. »

    On l'a compris : à l'entendre, la France n'est pas seulement en guerre contre l'Etat islamique ou le terrorisme, mais contre un islam conquérant qui voudrait que Paris soit Bagdad et que les minarets éteignent les cloches, que les voiles couvrent les visages, que les mécréants se cachent. Comme l'homme écrit droit avec des lignes courbes, il fait un détour (brillant et discutable) par Mme de Staël et la germanophilie du XIXe siècle, rappelle l'aveuglement pacifiste des années 1930, convoque Stendhal et la comtesse de Boigne. Les précautions n'ont jamais été son fort et cette fois, c'est l'islam que Zemmour interroge sans y ajouter le suffixe « isme », les adjectifs « radical » ou « fondamentaliste ». « Si demain il y avait 20, 30 millions de musulmans français bien décidés à voiler leur femme et à appliquer les lois de la charia, on ne pourrait préserver les lois de la laïcité que par la dictature. C'est ce qu'ont compris en leur temps Atatürk, Bourguiba ou même Nasser. »

    « Honte et dégoût », entendra-t-on. Certes. Mais que dire alors de Boualem Sansal ? L'auteur de 2084 (Gallimard) affirme, en effet, de livres en interviews que « l'ordre islamique tente progressivement de s'installer en France ». Et Hani Ramadan ? Le frère de Tariq, lui, ne cache pas son jeu. L'islam, explique-t-il, « est une organisation complète qui englobe tous les aspects de la vie. C'est à la fois un Etat et une nation, un gouvernement et une communauté. C'est également une morale et une force, ou encore le pardon et la justice. C'est également une culture et une juridiction, ou encore une science et une magistrature ».

    Une loi totalisante ? « Les Européens, du plus pieux des pratiquants au bouffeur de curés invétéré, pensent tous la religion sur le modèle inconscient du christianisme, précise Rémi Brague. Ils réduisent donc la religion à ce qu'ils observent dans les diverses confessions chrétiennes : des actes de culte, la prière, éventuellement des jeûnes et des pèlerinages. Ce qui n'en relève pas est censé être extérieur à la religion. Or, pour l'islam, la religion consiste essentiellement à appliquer la loi divine. » Et les musulmans modérés ? C'est qu'ils sont « modérément musulmans », répond Zemmour.

    Cette fois, l'auteur du Suicide français va au-delà du diagnostic. A le lire, il est encore temps pour réagir. Mais, plus encore que les solutions policières ou militaires, Zemmour appelle de ses vœux « un état d'urgence moral » qui ferait sortir nos élites du confort intellectuel. « Seule une révolution culturelle peut nous permettre de gagner la guerre de civilisation qui se déroule sur notre sol. » Retour à la république assimilationniste, réduction des droits individuels, extraction volontaire du modèle multiculturel de l'Union européenne, arrêt de l'immigration. Eric Zemmour note avec justesse que l'élection de François Hollande s'est ouverte, à la Bastille, au milieu des drapeaux algériens, marocains ou turcs, et que son mandat s'achève sur les trois couleurs de notre drapeau national.

    Ce texte lui vaudra d'être traité de boutefeu et d'irresponsable. On lui reprochera de « faire le jeu » du Front national et de l'Etat islamique. On ressortira le lexique olfactif - rance, nauséabond… Certains voudront l'interdire, d'autres collationneront ses « dérapages » comme une contractuelle remplit soigneusement son amende. C'est tout l'inverse qu'il faudrait faire. La raison devrait l'emporter sur la passion. La démonstration sur les disqualifications. En toute liberté, nous devrions discuter cette terrible vision. Rappeler que les déterminismes culturels et religieux peuvent être surmontés. Qu'il est encore possible de restaurer une communauté de destin. Qu'une grande majorité de Français musulmans refuse le salafisme. Se souvenir de nos soldats de l'autre rive de la Méditerranée morts au champ d'honneur durant les deux guerres mondiales. Soutenir à bout de bras ceux pour qui la France primera toujours sur « l'Oumma ». Mettre en lumière les réformateurs qui, comme leur demandait le général al-Sissi, appellent l'islam à « une révolution religieuse contre sa violence »…

    Eric Zemmour n'est pas un « polémiste » comme on le qualifie paresseusement. Cet écrivain est le courageux porte-voix des angoisses collectives. Il trempe sa plume dans la plaie béante d'une France blessée et tétanisée : Albert Londres appelait cela un journaliste. 

    Zemmour appelle de ses vœux « un état d'urgence moral » qui ferait sortir nos élites du confort intellectuel. « Seule une révolution culturelle peut nous permettre de gagner la guerre de civilisation qui se déroule sur notre sol. »

    * Un quinquennat pour rien, d'Eric Zemmour, Albin Michel, 368 p., 22,90 €. En librairie le 7 septembre.

    Vincent Trémolet de Villers

  • JEAN D'ORLÉANS « LA FAMILLE EST AU CŒUR DE L'ESPRIT DE RÉSISTANCE »

    Le duc et la duchesse de Vendôme avec leurs trois premiers enfants, Gaston, Antoinette et Louise-Marguerite. Depuis, Joseph est venu agrandir la famille.

     

    PROPOS RECUEILLIS JEAN-BAPTISTE D'ALBARET

    ENTRETIEN. Enfants, éducation, rapports familiaux, politique, relations avec les royalistes... Après avoir fait visiter le domaine de Dreux et sa chapelle royale, le prince Jean a répondu aux questions de Politique magazine.

     

    Monseigneur, vous venez d'avoir un quatrième enfant. Que représente pour vous la famille ?

    La famille est au centre de mes préoccupations. J'y trouve un équilibre personnel et une façon de m'inscrire dans la grande tradition capétienne. Dans L'art politique français, un livre qui m'a marqué, Jacques Trémolet de Villers explique que le passage des Carolingiens aux Capétiens fut un moment déterminant de notre histoire. Le premier souci d'Hugues Capet fut en effet d'associer son fils à la couronne et, ainsi, de perpétuer une dynastie qui bâtira ce qui constitue encore aujourd'hui notre pays. La France est une nation millénaire parce que la monarchie a consacré la famille plutôt que l'individu ! Chaque fois que les Orléans ont négligé cet aspect, ils ont eu à le regretter.

    Quelle éducation souhaitez-vous transmettre à vos enfants ?

    Avec mon épouse, la duchesse de Vendôme, nous voulons leur transmettre les principes de vie chrétienne et leur donner le goût de l'ouverture aux autres malgré une société qui a tendance à se replier sur elle-même. Nous veillons évidement à développer leurs capacités intellectuelles, mais nous portons une attention toute particulière à l'équilibre de leur personnalité. C'est pourquoi l'environnement est primordial. Il doit être paisible. Proche de Paris tout en étant à la campagne, le domaine de Dreux est idéal de ce point de vue.

    C'est pour cet environnement que vous vous êtes installé ici ?

    Pas uniquement mais Dreux est un lieu qui m'est cher, entré chez les Capétiens il y a bientôt mille ans ! De nombreux souvenirs m'y attachent puisque j'ai passé ici presque toutes mes fins de semaine et périodes de vacances quand j'étais étudiant. Ma mère, la duchesse de Montpensier, y a longtemps vécu. Joseph est né à l'hôpital de la ville dont Louis VI le Gros et le premier comte de Dreux, frère de Louis VII, furent les bienfaiteurs. C'est dire la longue histoire familiale qui nous relie à Dreux à travers les siècles.

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    Mais ne vous êtes-vous pas coupé d'un certain nombre d'activités que vous aviez quand vous habitiez à Paris ?

    Ce n'est pas tout à fait juste. Le mode de vie que j'ai choisi m'a permis de prendre du recul et de me recentrer sur l'essentiel. La vérité, c'est que j'oriente désormais mes activités vers une logique de projets là où elles étaient plutôt déterminées par une logique de structures : j'ai réduit la largeur pour étirer la longueur ! L'efficacité et le volume de mes engagements me semblent avoir ainsi gagné en puissance et en profondeur.

    Quels sont aujourd'hui vos principaux engagements ?

    Le premier, hic et nunc, consiste à évoquer auprès des visiteurs du domaine de Dreux l'histoire vivante de ma famille qui est aussi celle de notre pays. Avec mon association Gens de France, nous espérons obtenir des subventions pour faire venir des groupes de jeunes défavorisés ou marginalisés. J'ai déjà pu constater à quel point il manque à ces adolescents un enracinement et des perspectives. À travers l'histoire de la chapelle royale, nous leur parlerons de la monarchie et de la chrétienté, ce qui, croyez-en mon expérience, n'a rien d'une gageure. Le deuxième est mon action au service de mon pays. Colonel dans la réserve citoyenne, qui fait le lien entre l'armée et la nation, j'ai également l'honneur de parrainer le 4e régiment de chasseurs de Gap. Enfin, et c'est un troisième engagement, je participe à un certain nombre de commémorations internationales et d'événements officiels ou familiaux, en relation avec les familles royales étrangères. Bien sûr, il me faut combiner ces différents engagements avec la gestion de mes forêts et les obligations familiales. Tout cela prend du temps ! Je prolonge également mon action en faveur du patrimoine, en réfléchissant particulièrement aux questions de la succession Orléans et de la Fondation Saint-Louis.

    Justement, la succession et vos rapports avec la Fondation n'ont-ils pas un peu brouillé l'image de votre famille ?

    Comme nous sommes en République, certains estiment sans doute que les Orléans devraient se laisser marcher sur les pieds. J'ai même entendu que nous devrions léguer tout l'héritage à l'État. Mais l'État a déjà pris la moitié des affaires de la famille ! Certaines choses auraient sans doute pu se dérouler autrement mais nous n'avons aucune raison de nous laisser faire. J'ai parfois le sentiment que la Fondation voudrait s'affranchir de la famille en gérant les choses de façon indépendante, ce qui n'est pas admissible. Quant à ce que rapportent les médias de nos relations familiales, n'y accordez pas une importance démesurée. Il peut y avoir chez les Orléans des incompréhensions et des querelles comme dans toutes les familles. Mais je vous assure que ses membres sont heureux de se retrouver aussi souvent qu'ils le peuvent à l'occasion des mariages, des baptêmes ou des vacances. Nous sommes 39 cousins germains et Joseph est le 107e cousin issu de germains. À l'heure où nous nous parlons, un 108e est déjà né ! Les Orléans sont une belle et grande famille.

    Quel regard portez-vous sur notre pays et ses dirigeants ?

    Je suis effaré par les dégâts économiques et sociaux et par l'incapacité de notre classe politique à les prendre en considération. Focalisés sur leurs intérêts propres, nos dirigeants sont coupés des préoccupations quotidiennes des Français. Quand je considère l'état de la France, je constate un déclin dont la manifestation la plus patente me semble être des institutions à bout de souffle qui ne garantissent plus l'impartialité ni la durée - ces vertus capétiennes ! - indispensables au développement d'une grande ambition nationale. Quel gâchis si l'on considère dans le même temps les innombrables atouts dont dispose toujours notre pays... Il faudrait rétablir l'homme au coeur de la problématique économique et sociale. Je fais cependant une distinction entre la politique telle qu'elle se pratique à Paris, dans l'antichambre des partis, et celle qui s'exerce au niveau local où les élus font souvent un travail admirable. Je le vois ici à Dreux. Avec la duchesse de Vendôme, nous sommes très impliqués dans la vie municipale car nous croyons beaucoup aux vertus de l'enracinement. Ce qui nous ramène à la famille : depuis les Manif pour tous, auxquelles j'ai moi-même participé deux fois, elle est au coeur de l'esprit de résistance aux forces qui veulent détruire l'écosystème anthropologique et culturel de notre pays. Cet esprit de résistance me touche particulièrement. Sa seule perspective est le bien commun. Quelle formidable espérance !

    Pour terminer, Monseigneur, pouvez-vous nous dire quelles sont vos relations avec les royalistes ?

    Les relations existent, notamment avec les mouvements comme l'Action française, la Restauration nationale, la Nouvelle Action royaliste, l'Alliance royale. J'ai même parfois des échanges avec des groupes dits « légitimistes » plus ouverts que les autres. Cela dit, pour des raisons évidentes, le prince ne peut s'engager dans l'action militante de ces mouvements. Il définit le cadre général de son action et les royalistes, pour ceux qui le souhaitent, intègrent leurs propres actions dans ce cadre général. S'il y a - ou il y a eu - des divergences de vues, ce qui est d'ailleurs normal, les relations sont donc bonnes. Mais il faut comprendre que le prince a sa propre manière d'agir. Chacun fait ensuite avec ses qualités et ses défauts !

    Repris du numéro de juillet-Août de Politique magazine - Dossier : Le royalisme aujourd'hui >  Commander ou s'abonner ici !

  • La charge d'Alain Finkielkraut contre « les fossoyeurs du grand héritage français »

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    Patrick Boucheron

     

    Par Alain Finkielkraut           

    TRIBUNE - Alain Finkielkraut commente ici l'Histoire mondiale de la France* dirigée par Patrick Boucheron [Figarovox - 25.01]. Il s'étonne et même il s'indigne de n'y avoir rien trouvé de la civilisation française. Cette superbe charge nous apparaît dictée par un pur patriotisme littéraire et culturel. Par le patriotisme tout court. Nous ne sommes pas toujours et en tous points d'accord avec Alain Finkielkraut. Certaines de ses passions ne font pas vraiment partie des nôtres. Si différends il y a, nous les regrettons, car tant qu'il y aura en France des intellectuels de son rang, des esprits animés d'une telle ferveur française, disposant de l'audience qui est la sienne, l'espoir de toutes les formes de renaissance nationale reste permis. Permis et réaliste.   Lafautearousseau.

     

    sans-titre.pngComme les auteurs de l'Histoire mondiale de la France, je déteste voir mon pays se refermer sur lui-même. Rien ne m'inquiète, ne me hérisse, ne me scandalise davantage que la négation ou l'oubli de l'Autre. Le regard étranger m'importe au plus haut point. Et notamment celui du grand romaniste allemand Ernst Robert Curtius dans son Essai sur la France publié en 1930 : « La littérature joue un rôle capital dans la conscience que la France prend d'elle-même et de sa civilisation. Aucune autre nation ne lui accorde une place comparable. Il n'y a qu'en France où la nation entière considère la littérature comme l'expression représentative de ses destinées. »

    Nombre d'autres témoignages corroborent l'observation de Curtius. La France mondiale, c'est d'abord la France vue d'ailleurs. Et la France vue d'ailleurs est une patrie littéraire. Fort de cette définition, j'aborde le livre publié sous la direction de Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, et je découvre, effaré, que ni Rabelais, ni Ronsard, ni La Fontaine, ni Racine, ni Molière, ni Baudelaire, ni Verlaine, ni Proust n'y figurent. Et si Mauriac est cité, ce n'est pas pour son œuvre, c'est pour sa critique honteusement réactionnaire du féminisme.

    Certes, il y a bien un chapitre sur la Comédie humaine, mais Jérôme David, son auteur, n'est pas content : il déplore que Balzac découpe les cultures en nations au lieu de reconnaître et de pratiquer l'hybridation, et il lui oppose le cosmopolitisme véritable de Claude Fauriel qui, au même moment, occupait la première chaire de littérature étrangère à la Sorbonne et qui a consacré un chapitre de son Histoire de la poésie provençale à l'influence des Arabes sur la littérature française : « Personne n'a formulé une telle hypothèse après lui. Il serait pourtant à souhaiter, aujourd'hui, que de tels chapitres deviennent tout simplement pensables. » Telle est la conclusion de l'article sur l'auteur du Père Goriot et des Illusions perdues.

    Ainsi s'éclaire le sens de « monde » pour les nouveaux historiens. Mondialiser l'histoire de France, c'est dissoudre ce qu'elle a de spécifique, son identité, son génie propre, dans le grand bain de la mixité, de la diversité, de la mobilité et du métissage. Et c'est répondre au défi islamiste par l'affirmation de notre dette envers l'Islam. De manière générale, l'Histoire mondiale de la France remplace l'identité par l'endettement. Ici doit tout à ailleurs. De la France, patrie littéraire, ce qui surnage, c'est la traduction des Mille et Une Nuits par Antoine Galland et l'audace qui a été la sienne d'ajouter au corpus original des histoires que lui avait racontées un voyageur arabe venu d'Alep.

    Instructif aussi est le récit de l'invasion musulmane de 719 à Narbonne, où les cultures se sont mêlées avant que les Francs, hélas, n'arriment par la force cette ville à leur royaume. Ceux qui, en revanche, croient pouvoir mettre au crédit de la France naissante la première traduction latine du Coran par l'abbé de Cluny Pierre le Vénérable en 1143, sont avertis que cette démarche n'était pas inspirée par la curiosité mais par une volonté de dénigrement. Et peu importe le fait que l'Islam de son côté ne pouvait pas même envisager de traduire les Écritures saintes des religions antérieures à son avènement.

    Nos éminents universitaires n'ont que l'Autre à la bouche et sous la plume. Ouverture est leur maître mot. Mais ils frappent d'inexistence Cioran, Ionesco, Kundera, Levinas, tous ces étrangers qui ont enrichi notre philosophie et honoré notre littérature. Car c'est à ce « notre » qu'ils veulent faire rendre l'âme. Leur rejet de toute cristallisation identitaire les conduit à répudier le nous de la continuité historique pour celui, multiracial, de l'équipe « black-blanc-beur » qui a remporté la Coupe du monde de football le 12 juillet 1998. Au nom du combat contre la lepénisation des esprits, les chercheurs réunis par Patrick Boucheron vident la France de ce qu'elle a de singulièrement aimable et admirable. Car si Lilian Thuram, Marcel Desailly, Zinédine Zidane mais aussi Bourvil, Catherine Deneuve et Charles Aznavour figurent dans ce grand récit, on ne trouve pas plus la trace de Poussin, de Fragonard, de Watteau, de Géricault, de Courbet, de Monet, de Degas, de Bonnardou, de Berlioz, de Bizet, de Debussy, de Ravel, de Gabriel Fauré que de Proust ou de La Fontaine. Ni littérature française, ni peinture française (à l'exception des Demoiselles d'Avignon), ni musique française. Le dégoût de l'identité a fait place nette de la culture. Les façonniers de l'Histoire mondiale de la France sont les fossoyeurs du grand héritage français.

    « Une histoire libre », dit le journal Libération pour qualifier ce bréviaire de la bien-pensance et de la soumission, cette chronique tout entière asservie aux dogmes du politiquement correct qui ne consacre pas moins de quatorze articles aux intellectuels sans jamais mentionner Raymond Aron, ni Castoriadis, ni Claude Lefort, ni aucun de ceux qui ont médité la catastrophe totalitaire et la bêtise de l'intelligence au XXe siècle. Certes, la mort de Staline n'est pas oubliée, mais si Patrick Boucheron et son équipe n'étaient pas obnubilés par les prescriptions et les priorités de l'idéologie dominante, ils auraient évidemment accueilli cet événement mondial que fut le procès Kravchenko.

    « Histoire jubilatoire », ajoute Libération. Ce mot - le plus insupportablement bête de la doxa contemporaine - convient particulièrement mal pour une histoire acharnée à priver la France de son rayonnement et à l'amputer de ses merveilles. Ce qui tient lieu de vie avec la pensée, ce n'est pas la Recherche du temps perdu, c'est Les Damnés de la terre de Frantz Fanon. Et l'affaire Strauss-Kahn a ceci de bénéfique, apprend-on une fois arrivé à l'année 2011, qu'elle porte un coup fatal au mythe français de la galanterie et qu'elle érige la transparence en impératif démocratique universel.

    Levinas disait de la France que c'était « une nation à laquelle on peut s'attacher par l'esprit et le cœur aussi fortement que par les racines ». L'Histoire mondiale de la France rend cet attachement impossible, car la France qu'elle nous présente n'est plus une nation mais un courant d'air ou, comme l'écrit Éric Aeschimann dans L'Obs : « Une succession d'aléas, un fatras doux et violent, une vaste aventure collective sans signification particulière. »

    Il n'y a pas de civilisation française, la France n'est rien de spécifiquement français : c'est par cette bonne nouvelle que les rédacteurs de ce qui voudrait être le Lavisse du XXIe siècle entendent apaiser la société et contribuer à résoudre la crise du vivre-ensemble. Quelle misère ! 

    « Mondialiser l'histoire de France, c'est dissoudre ce qu'elle a de spécifique, son identité, son génie propre, dans le grand bain de la mixité, de la diversité, de la mobilité et du métissage »

    * Histoire mondiale de la France, Le Seuil, 776 p., 29 euros.

    Alain Finkielkraut

    De l'Académie française   

    Lire aussi ...

    Le livre publié sous la direction de Patrick Boucheron

    De manière générale, l'Histoire mondiale de la France remplace l'identité par l'endettement