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  • Histoire du Pétrole, l'or noir, par Champsaur (I/III).

    Un peu d’histoire …

    Une histoire du pétrole couvre aisément 1.000 pages. C’est le cas de l’ouvrage d’un chercheur américain, Daniel Yergin avec son « The Prize, The epic quest for oil, money and power, 1991». Tenter d’en extraire les évènements cruciaux conduit à des choix forcément subjectifs. Si la liste est très loin d’être exhaustive, au moins les épisodes rapportés furent ils déterminants dans cette aventure de l’Humanité qui dure encore et dont la fin est loin d’être atteinte malgré certaines prévisions apocalyptiques très mal documentées. 

     

    L’huile de pierre dans les religions

    Pendant très longtemps les hommes n’ont pas soupçonné l’existence de gisements profonds de produits pétroliers. La seule connaissance de cette substance mystérieuse parvint par les affleurements. Pourquoi engendre-t-elle le feu ? Il faut remarquer que le culte du feu fut d’une grande importance dans ce Moyen-Orient où les réserves enterrées sont les plus riches du monde. Il revient aux Perses d’en avoir fait l’objet suprême d’un culte. Sur la rive occidentale de la Caspienne le gisement de pétrole qui traverse la région jusqu’au littoral opposé est ici à fleur de terre. Il suffit d’une étincelle pour l’enflammer. Il flambe depuis le déluge disent les fidèles, et ne s’éteindra qu’à la fin du monde. C’est là que Zoroastre, huit siècles avant notre ère a instauré le culte mazdéen. Le feu naturel de la terre devient feu surnaturel pour les hommes. A travers la Perse les siècles passent sans que s’éteignent les feux sacrés. 

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    Azerbaïdjan, Lokbatan (ci-dessus), et Yanargad (ci-dessous) : avec les grandes réserves de gaz et pétrole dans le sous-sol de l’Azerbaïdjan et de la mer Caspienne, et les émanations gazeuses qui en résultent, des "flammes perpétuelles" habillent les collines environnant Bakou... 

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    L’Ancien Testament aussi a pour cadre une terre à relents de pétrole, une terre à bitume. Si la Bible ignore presque constamment le pétrole, on le décèle à l’arrière-plan. Noé doit enduire son arche de bitume. Des noms différents, bitume, asphalte, bitume de Judée. Et le buisson ardent. Comme on ne comprend pas l’origine du feu, il est miraculeux. Le pétrole est présent dans le deuxième livre des Maccabées «  … Néhémie appela ce liquide nephtar, ce qu’on interprète par purification, mais la plupart le nomment nephtaï … ». Le naphte entre en scène.

    Où rencontre-t-on ce pétrole ? Les hommes de l’Antiquité ne peuvent pas savoir qu’il se cache dans les profondeurs de la terre. Il n’est donc décelé que par hasard. Autour du Tigre et de l’Euphrate, en Perse et au pied du Caucase, où il affleure et il brûle, aux Indes, en Birmanie, en Chine, Mais ni les Grecs ni les Romains ne sont très avancés dans leur connaissance de l’huile mystérieuse.

    Son utilisation relève de l’empirisme, dans les balbutiements de la médecine, proche de la magie, embaumement des morts, comme arme (flèches enflammées) et l’apparition du feu grégeois devant Constantinople contre les musulmans qui font le siège de la ville en 673.

    On observe que les gisements connus durant les dix-huit premiers siècles de l’ère chrétienne sont pour la plupart ceux qui étaient déjà repérés durant les millénaires précédents. Et l’on aborde le XIX ème siècle sans découverte majeure, dans aucun domaine.

    L’humanité en est toujours aux nappes de surface. Mais vers 1770 du pétrole est tiré de puits dans la région de Parme. On en trouve aussi en Languedoc, diocèse de Béziers, vers 1700. Ainsi qu’une source de bitume vers Clermont en Auvergne.

    En Alsace le pétrole est repéré depuis plus longtemps, vers 1625. L’huile de Pechelbronn purge, nettoie les plaies, guérit de la surdité. On découvre qu’elle peut bruler dans les lampes. A partir de1755  Pechelbronn fait l’objet d’une industrie régulière avec des puits de 5 à 30 mètres de profondeur (lettres patentes du roi Louis XV).  

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    Le "feu grégeois" (du latin graecus, grec) était un peu l'ancêtre du napalm moderne.

    La formule en est attribuée au « chimiste » Callinicus, qui l'aurait élaborée vers 670. Ce mélange particulièrement inflammable de naphte, salpêtre, soufre et bitume brulait même au contact de l’eau. Les Grecs l’appelaient feu « liquide » ou « maritime »; il produisait une fumée épaisse et une explosion bruyante qui ne manquait pas d’effrayer les Barbares...

     

     

    Le temps des lampes à pétrole.

    La transformation de l’éclairage des huiles végétales vers les huiles minérales fut assez lente. Mais constitue la première étape importante, qui va enclencher un vrai besoin de consommation. Il est peu connu que les historiens situent l’utilisation systématique du pétrole dans les lampes, après distillation, en Roumanie et en Allemagne du Nord. Raffiné en Moldavie et distribué à Bucarest, et aussi des découvertes de grandes nappes autour de Hanovre à la fin du XVIIIème siècle. Vers 1850 les Polonais améliorent la distillation (éclairage complet de l’hôpital de Cracovie). La France n’est pas en reste. À Autun le bassin est riche de schistes bitumineux imprégnés d’hydrocarbures. En 1836 le pharmacien Alexandre Legros fait une première distillation et condense … du gaz de schiste. Il présente sa technique à l’Exposition de 1855, et les fûts d’huile de schistes quittent le pays morvandiau vers les cités de France, et jusqu’en Amérique. Gloire éphémère car les huiles exotiques vont rapidement remplacer les fours d’Autun. Dans le même temps en Écosse on chauffe une houille, mauvais combustible, pour en extraire un liquide voisin de l’huile de schistes. La jeune industrie de cette huile lampante gagne l’Angleterre, et elle est bientôt achetée en grande quantité par les Américains. Avant de se lancer eux-mêmes dans la distillation de leurs schistes locaux. Un jeune canadien Abraham Gesner repère au Nouveau-Brunswick, une espèce d’asphalte d’où il extrait une huile combustible propre à remplacer les huiles végétales et l’huile de baleine. Il la baptise kerosen, de la racine grecque keros qui désigne la cire.

     

    Et l’Amérique entre en scène

    À l’ouest de la Pennsylvanie, non loin du lac Erié, autour de Titusville, on cherche du sel dont les paysans de l’endroit ont bien besoin pour leur bétail et leurs conserves. En grattant le sol on trouve une eau salée, d’où l’on tire les précieux cristaux blancs, mais au fond des puits l’eau est polluée par une substance graisseuse de couleur noire. D’abord rejeté dans les cours d’eau, ce pétrole sera utilisé pour ses vertus médicinales (rhumatisme, toux, rhume, asthme, toutes les fièvres …etc). Il ne faut pas longtemps pour découvrir qu’après distillation on tient une huile merveilleuse pour l’éclairage, de même nature que le kérosène. Après avoir tâtonné sur la meilleure utilisation de ce liquide, il est décidé que l’éclairage est le meilleur débouché. L’équipe de pionniers qui s’est rassemblée autour de l’initiative fondent la Pennsylvania Rock Oil Company au capital de 500.000 dollars (1854). Ils accueillent quelques nouveaux venus. L’un d’eux, petit employé de chemin de fer, place 250 dollars ; il s’appelle Edwin Drake. Le premier « héros » de l’histoire du pétrole. Un banquier s’étant adressé à lui avec le titre de colonel, l’appellation demeure bien qu’il n’ait jamais rien eu à faire avec l’armée. L’aventure des découvertes en Pennsylvanie est connue, et les principales caractéristiques, un pétrole accessible à faible profondeur (20 m), de respectables quantités, une demande en croissance pour une utilisation qui reste l’éclairage. Bien que rapidement différents composants apparaissant dans une colonne de distillation trouvent des applications … sauf pour le haut de la colonne, où une fois condensée, l’essence est jetée.

    Et l’Europe comme important débouché. Une conséquence de la guerre de sécession est que l’exportation du pétrole supplante le commerce du coton vers le vieux continent le temps des quatre années de conflit. Une telle croissance de la demande génère une fébrilité, autant de création de sociétés que de faillites.

     

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    Le premier puits de Drake, reconstitué à Titusville, Pensylvannie...

     

    C’est dans ce contexte qu’un jeune investisseur de 26 ans, John Davison Rockefeller, rachète les parts de son associé qui a décidé de se retirer (Février 1865). La Standard Oil est née, enregistrée en 1870 comme Standard Oil Company of Ohio. Parallèlement la distillation a été systématisée dans des installations, les raffineries. Ce que Rockefeller considère initialement comme une activité marginale, lui apparaît assez vite profitable, et il rachète des installations existantes, de même que des sociétés de forage qu’il estime mal gérées. La course à la croissance est lancée et la fin de la guerre civile provoque une expansion de l’industrie et du commerce dans toute la fédération, jamais égalée depuis. Un jour, Standard Oil s’appellera Exxon.

    En 1850, un nouveau venu, la Shell, dont on dira plus.

    Mais en 1865 on en était toujours dans la période du pétrole lampant (à suivre, mercredi et jeudi...)

  • Histoire du Pétrole, l'or noir, par Champsaur (II/III).

    Europe, Moyen-Orient, Bakou …

    En Asie l’huile se présente à fleur de terre. En Perse des savants allemands repèrent le naphte mais personne ne s’offre pour l’exploiter.

    En Europe quelques exploitations démarrent ou subsistent : en Allemagne, dans les Carpathes, en Galicie, en Roumanie.

    Et le Caucase est prêt à donner la réplique à la Pennsylvanie. A Bakou où la terre forme une couche peu épaisse sur un sol rocailleux. Les flammes s’élèvent facilement. Longtemps les tsars se sont désintéressés du pétrole. L’État russe a le monopole de son exploitation, ce qui est l’assurance qu’il ne sera pas exploité … L’Azerbaïdjan tout entier est une terre de feu. A Bakou l’extraction est concédée à des Arméniens, les frères Mirzoïefs, qui fondent une première société pétrolière en 1856. Au fond des alambics se dépose une sustance plus lourde que le pétrole lampant, que les Tartars appellent masul ou mazude. Ce résidu gardera le nom de mazout. Les Américains ayant ouvert la voie du forage, les Russes ne veulent plus se contenter de l’huile de surface et se mettent à creuser. En 1872 la Russie renonce à son monopole et met aux enchères des terres imprégnées. Et les charpentes de derrick se multiplient autour de Bakou. La production bondit de 5.000 tonnes annuelles vers 1860 à 4 millions de tonne en 1890. Autour des champs pétroliers de Bakou, un jeune arménien de 22 ans fera parler de lui dans l’histoire du pétrole, Calouste Sarkis GULBEKIAN. 

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    Quels produits sortent des deux cents raffineries créées en 30 ans ? La benzine, qui sert au dégraissage des laines, la kérozine qui sert à l’éclairage; la gazoline, perdue ; et le mazout pour la lubrification et le chauffage.

    Une impulsion inattendue va venir d’inventeurs dans l’âme, les frères Nobel. Enrichis dans la guerre de Crimée, ils passent des chantiers navals de la Néva à Bakou, où ils se fixent et impriment à l’industrie du pétrole leur génie de l’invention. Ils embrassent tous les secteurs de l’activité : du forage à l’exportation. Avec acquisition effrénée de terrains les conduisant à détenir 40 % des puits de la région.

    Et cette production de Bakou, coûtant dix fois moins cher que le pétrole américain, le concurrence sévèrement en Europe. La Russie frappe les huiles américaines de droits exorbitants pour empêcher l’importation venant de Pennsylvanie. La lutte entre les Nobel et Rockefeller va durer une quinzaine d’années jusqu’aux troubles qui commencent à agiter l’empire des tsars. En 1905, au massacre des Arméniens, réplique la mise à feu des installations de Bakou. Les sabotages et les émeutes ne cesseront plus jusqu’à la révolution. Les Nobel se réfugient en Allemagne, et Rockefeller leur rachète tous leurs droits … en sachant qu’ils n’avaient plus aucune valeur.

     

    Monsieur 5%. Un certain Gulbekian …

    Les Anglais ont prétendu en 1912, qu’ils venaient de découvrir l’existence de la Turkish Petroleum Company, nouvel intervenant sur la zone, ce qui parait assez étrange. Société créée par une alliance Deutsche Bank, Shell, Turkish National Bank (contrôlée par les Britanniques …), l’artisan du montage est un certain Caliste Gulbekian. Et en regardant de près on découvre qu’il est un actionnaire dormant de la Turkish National Bank à hauteur de 30%. Surnommé le Talleyrand de la «diplomatie pétrolière».

    Fils d’un riche banquier arménien de Constantinople qui avait fait fortune en important du kérosène russe dans l’empire ottoman, remercié par le Sultan par un gouvernorat sur un port de la mer noire, Caliste fut envoyé au lycée à Marseille (!), avant des études supérieures au King’s College à Londres. Il reçoit son diplôme d’ingénieur à 19 ans. Il s’investit immédiatement dans l’industrie du pétrole qui le fascinait. À 22 ans il est officiellement mandaté par le Sultan pour établir le potentiel de la Mésopotamie. Début d’un lien étroit entre cet entremetteur de génie et la Perse. Onctueux, malin, se défiant de tout le monde, usant en permanence du proverbe arabe « Embrasse la main que tu ne peux pas mordre ». La position de la famille ne la met pas à l’abri des persécutions turques contre les Arméniens, et ils se réfugient au Caire. Dans le même temps il installe à Londres l’importation du pétrole de Bakou. Londres, où c’est le bon endroit pour servir d’intermédiaire à la Shell désireuse de s’introduire en Perse. C’est à cette époque qu’il se fait un motto qui le guida toute sa vie « ne jamais abandonner une concession de pétrole ».

    Face à la Turkish, les Anglais mettent tout leur poids pour que l’Anglo-Persian entre dans cette société. Après négociation les Allemands acceptent en Mars 1914 (!) d’accorder 50% des bénéfices à l’Anglo-Persian. C’est 5 mois avant le début du conflit européen le plus meurtrier du XXème siècle. Et 25% pour Deutsche Bank et 25% pour Shell. Reste à rémunérer l’intermédiaire ayant conduit toutes les négociations. Il est convenu que Anglo-Persian et Shell prendraient sur leur part chacune 2.5% des actions, sans droit de vote. Monsieur 5% est né … 

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    Ouvrir la porte vers le Moyen Orient.

    Faisons un détour vers des acteurs qui joueront un rôle déterminant dans l’Histoire, l’Anglo-Persian Oil, Royal Dutch et Shell.

    La première créée en 1909, après s’être désespéré de trouver le précieux liquide en Perse, le britannique William Knox d’Arcy fait jaillir un puits au pied du mont Zagros. L’Anglo-Persian s’appellera successivement Anglo-Iranian et aujourd’hui British Petroleum. C’est le Foreign Office qui désigne son premier président !

    Vers les moussons équatoriales la petite Hollande trouve de l’huile à 70 m de profondeur à Sumatra. Plusieurs autres forages peu profonds promettent le pétrole des iles. En 1890 une société est créée, la Royal Dutch parce que le roi Guillaume III soutient l’entreprise.

    Pourquoi la Shell ? Cette société de 1830 fait le transport des coquilles, des perles, de la nacre en provenance de la Sonde vers l’Angleterre. Puis du thé, du riz, du coton, rapportant de la quincaillerie en sens inverse. Activité étendue à toute forme de transport, comme du pétrole russe vers le Japon, ou du pétrole de Bornéo vers l’Europe. En 1901 quand l’huile jaillit au Texas, la Shell fait des offres de transports au bon moment alors que Rockefeller vient d’opposer un refus hautain aux exploitants texans. Shell offre de prendre le kérosène américain et de le vendre en Europe, à l’amirauté britannique essentiellement.

    Mais les terrains d’opération sont vraiment trop proches de ceux de Royal Dutch, et la concurrence entre les deux entreprises ne conduirait nulle part. En 1907 la fusion est acquise et les deux sociétés ne font plus qu’une, la Royal Dutch – Shell avec son siège à Londres.

    Ce qui a été la constante préoccupation de la diplomatie de Sa Majesté de garder le contrôle de la route Londres - Bombay par le canal de Suez, a ouvert naturellement la porte aux champs de production. La pax britannica est imposée à tout le golfe persique.

     

    Et en cette fin du 19ème siècle un nouveau chapitre s’ouvre avec l’invention du moteur.

    La première incursion du pétrole dans la fonction propulsion fut le remplacement du charbon pour chauffer les chaudières de bateaux de la première puissance navale, l’Angleterre. Nouveauté qui se heurte immédiatement aux intérêts des mines de houilles ; l’Angleterre est trop riche en charbon pour souhaiter la victoire du pétrole. Néanmoins la conversion touche les flottes de tous les pays. Si la facilité d’utilisation de l’huile a raison des blocages, la transformation à grande échelle est lente. En 1914 seuls 500 navires sont équipés au mazout.

    Sait on jamais qui est le premier à l’origine d’une invention ? À l’exposition universelle de 1889, un certain Armand Peugeot remarque sur la Seine un canot qui se meut tout seul. Par la grâce d’un moteur Daimler qui marche à l’essence de pétrole.

    C’est en 1862 qu’un ingénieur parisien, Alphonse Beau de Rochas, met au point le cycle à quatre temps qui portera son nom. Il prend un brevet. À cela près qu’il ne s’agit que de plans sur papier … ! C’est l’Allemand Nikolaus Otto qui conçoit un moteur fonctionnant sur ce cycle, mais au gaz d’éclairage. Il s’associe avec l’ingénieur Gottlieb Daimler. En 1885 ils retiennent l’essence de pétrole comme carburant. Un autre ingénieur Karl Benz travaille lui aussi sur l’utilisation de l’essence, mais ne parvient pas à égaler la technique Daimler. Celui-ci cède sa licence à l’ingénieur français Sarazin, qui en fait immédiatement profiter ses camarades de l’Ecole Centrale, René Panhard et Emile Levassor. Dans l’année de l’exposition Levassor et Daimler se rendent chez Armand Peugeot qui construit des bicyclettes. Accord conclu : Peugeot va monter des tricycles équipés de moteurs Daimler achetés à Levassor. Engin sommaire dans les dix dernières années du siècle. Puis de 1900 à 1914, le moteur à pétrole marque des points décisifs, dans trois domaines. : la distance, la série, l’économie. Du premier tricycle d’Armand Peugeot aux véhicules carrossés, la technologie progresse à vitesse considérable des deux côtés de l’Atlantique, la France restant pionnière et tête de file des innovations. Le colonel Charles Renard, polytechnicien, démontre que l’on ne pourra voler que lorsque les moteurs développeront une puissance suffisante par rapport à leur poids (en donnant le ratio); en 1909 Louis Blériot traverse la Manche. À la même date l’américain Henry Ford installe à Detroit la chaine de montage de la Ford T, selon l’horrible principe du « taylorisme ». Produisant un véhicule à bas prix.

    La France peut être fière de sa position et de la richesse de sa création. Nous ne pouvons pas oublier ses pionniers, une liste de noms célèbres : Jules-Albert De Dion et Georges Bouton, Panhard et Levassor, Louis Renault, les Peugeot, André Citroën, Marius Berliet.

     

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    Alphonse Beau de Rochas ( http://jc.clariond.free.fr/biographies/bauderochas.html )

     

     

    Le pétrole dans la Grande Guerre

    De manière excessive, considéré par certains historiens comme le sang de la victoire. De même que d’autres voient la lutte pour l’accès au pétrole comme la vraie raison du conflit, ce qui est certainement faux. L’irruption des moyens mécaniques au cours du conflit ajouta au caractère industriel de la guerre, bien que le cheval restât le moyen de traction de base sur le champ de bataille.

    Du 7 au 9 Septembre 1914, le Général Galliéni, gouverneur militaire de Paris, organise dans l’urgence le premier transport motorisé de troupes dans la guerre moderne, « les Taxis de la Marne ». Opération réitérée pour soutenir le front à Verdun par le seul accès disponible que Barrès appellera « La Voie Sacrée ».Et c’est pendant le conflit l’extension de la nouvelle force motrice à tous les moyens de locomotion. Les Britanniques voient immédiatement la nécessité d’installer un contrôle des sources au plus près des zones de production, en l’espèce la péninsule arabique et la Mésopotamie. Cet objectif va de pair avec la désintégration de l’empire ottoman. Un partage des zones pétrolières du Moyen Orient avait été fait entre l’Angleterre, la Turquie et l’Allemagne. On ne parlait pas de la France. En 1890 le grand vizir avait promis la priorité à la Deutsche Bank. La fin du conflit voit un nouvel équilibre du monde. L’Allemagne perd ses droits et la question se pose de l’attribution de ses parts. Clémenceau se fait raconter des promesses par le Premier britannique, qui ne seront jamais concrétisées. On voit alors apparaitre Gulbenkian qui s’entremet pour que la France ait sa part. On propose à Paris la zone de Mossoul. Mais avec leur art consommé de la duplicité les Britanniques parviennent à faire reconnaître qu’ils garderont leur droit sur le pétrole dont les accords Sykes – Picot ne parlent pas ! La France a donc Mossoul , sans le pétrole … Et dans les tensions qui s’ensuivent, les Américains demandent à leur tour un morceau des dépouilles. Gulbekian intervient à nouveau pour proposer un nouveau partage, une fraction aux Français, une autre aux Américains, une à l’Anglo-Persian, une à la Royal-Dutch et le dédommagement des Turcs de Kemal Ataturk. Sans oublier sa propre rémunération.

    En résumant les évènements de la fin de la guerre en 1920 à la veille de la suivante, on lit la préoccupation constante des Britanniques de rester les maîtres sur la Perse (qui va s’appeler l’Iran à partir de 1935), la Mésopotamie (l’Irak), et les Emirats autour du Golfe. En contenant tout autant les Américains dont ils ne voient pas l’implantation d’un très bon œil.

    Gageons que les pays à l’époque ne soupçonnaient pas les guerres que l’accès à cette huile précieuse allaient entretenir pendant la centaine d’années à venir jusqu’à aujourd’hui.

     

    La France

    Les Français cherchent à se positionner. Sous l’impulsion de Raymond Poincaré, Premier Ministre en 1922, une société d’état est créée. À cette fin il se tourne vers un industriel, le colonel Ernest Mercier, polytechnicien, héros de la Grande Guerre, blessé en Orient dans des actions pour la protection des champs de forage roumains, contre l’avancée des troupes allemandes. Technocrate dans l’âme ne visant que l’industrialisation de la France, initiateur de la distribution de l’électricité en France. La compagnie pétrolière sera appelée la Compagnie Française des Pétroles (CFP), plus tard Total. Destinée à être privée, Mercier se heurte à un obstacle inattendu, la frilosité des investisseurs. Malgré la mauvaise volonté britannique, la CFP parvient à se faire octroyer des blocs d’exploration-production en Irak.

     

    La seconde guerre mondiale

    Ici aussi quelques historiens se sont essayés à démontrer que le conflit fut essentiellement une course au pétrole. À nouveau ce n’est qu’une hypothèse qui ne résiste pas à l’examen. Il est en revanche indéniable qu’il n’y aurait pas eu de guerre possible sans pétrole.

     

    Le pacte Quincy

    Si l’on ne doit retenir qu’un évènement du second conflit mondial, qui dessinera la carte de l’accès au pétrole jusqu’à aujourd’hui, c’est la rencontre de Roosevelt avec Ibn Séoud le 12 Février 1945, sur le croiseur USS Quincy ancré sur le Grand Lac Salé (lac Amer). Ce que nous dit Harry L. Hopkins, le plus proche conseiller de l’Américain (An Intimate History) nous invite à rapporter les détails. Au dernier soir de la conférence de Yalta, Roosevelt dit à Churchill, d’un ton détaché, qu’il s’envolera le lendemain vers l’Égypte, où il a prévu de rencontrer le roi Farouk, le Négus, et surtout le roi Ibn Seoud. Le Premier britannique est extrêmement mal à l’aise, très inquiet, et n’obtient pas de réponse sur les raisons de ce déplacement. Churchill réplique peu après qu’il va lui aussi en Egypte pour rencontrer les mêmes souverains, mais après s’être arrêté en Grèce où des entretiens sont prévus.

     

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    1945 : "la" rencontre Roosevelt / Ibn Seoud...

     

     

    En fait la querelle avait débuté un an avant, en pleine guerre quand les deux parties rêvaient à haute voix de leurs projets pour l’Iran et la péninsule arabique. Après un entretien le 18 Février 1944, l’ambassadeur anglais à Washington câble à Londres « les Américains nous traitent de manière choquante ». Très irrité Lord Halifax demande une entrevue à Roosevelt le lendemain, qui lui déroule une carte en lui disant « la Perse, c’est vous, nous partagerons l’Irak et le Koweit, l’Arabie Séoudite est pour nous ». S’en est suivi un échange de cables aigres-doux entre Roosevelt et Churchill, pendant tout le printemps 1944, qui relevait en fait d’un testament sur le rôle crucial du pétrole.

    Pour rejoindre le Quincy, le séoudien s’embarqua à Djeddah sur le USS Murphy, avec une suite de 48 personnes, et à la demande de l’équipage, les 100 moutons vivants prévus furent ramenés à 7 ! Le roi refusa la cabine du pacha et une tente bédouine fut installée sur le pont arrière. Ce n’était que la seconde fois qu’Ibn Séoud sortait de son royaume depuis sa naissance.

    Arrivé sur le Quincy, un total de 5 heures d’entretiens furent conduits, les deux parties mettant au menu :

    * Po

  • Histoire du Pétrole, l'or noir, par Champsaur (III/III).

    REZA SHAH PAHLAVI.jpgLe nouveau centre de gravité

    Il ne faut pas croire que l’installation de ce nouveau centre de gravité, Iran, Golfe, Arabie Séoudite est perçu comme un succès plein d’espoir. C’est même exactement l’inverse qui se produit, l’importation massive de l’huile du Moyen Orient étant vu comme une mortelle concurrence de la production intérieure américaine, Texas en particulier. Il faut de longs mois avant que la population américaine ne comprenne qu’il est de son intérêt de garder ses réserves et d’importer l’huile du dehors. ARAMCO pour Arabian American Oil Company, association de Standard Oil of California et de Texaco est créée en Arabie, entité toujours active, devenue totalement séoudienne relativement tard, en 1980.

     

    Le contrôle de l’Iran

    L’Iran d’après 1945 était écartelé. Entre des Britanniques omniprésents, un parti communiste, le tudeh aux ordres des soviétiques, des religieux fondamentalistes chiites, et la dynastie royale des Palahvi.

    Le seul sentiment créant une véritable unité nationale était le rejet des britanniques jusqu’à la haine, et leurs représentants du monde moderne, en tête de liste l’Anglo-Iranian Oil Company. Les iraniens connaissaient un chiffre simple : entre 1945 et 1950, la société pétrolière fit 250 millions £ de profits, et le pays reçut 90 millions £ de royalties. L’animosité contre les Britanniques devint une obsession nationale. La guerre froide était déclarée, faisant de l’Iran, entre autres, une proie facile pour les Soviétiques. En Avril 1951 le parlement iranien choisit Mohamed Mossadegh comme premier ministre, opposant déclaré aux Britanniques. Churchill parvint à entrainer les Américains dans une opération pour le débarquer (opération Ajax). Avec la réinstallation de la dynastie Pahlavi.

    (Illustration : Reza Shah Pahlavi, fondateur de la dynastie...)

    La crise de Suez

    Le canal de Suez était la voie stratégique pour permettre à l’Angleterre de raccourcir le temps d’accès au joyau de la couronne, Bombay et l’Inde. Avec l’indépendance du sous continent en 1948, on pouvait penser que l’importance stratégique du canal avait été réduite. Alors qu’au même moment il trouve une nouvelle fonction : l’autoroute pour l’accès à l’huile du Golfe et de l’Iran. En 1955 le passage des tankers chargés du précieux liquide représente les deux tiers du trafic du canal et les deux tiers du pétrole arrivant en Europe. En 1952 un groupe d’officiers dépose le roi Farouk et en 1954 le colonel Nasser reste seul au pouvoir. Sa radio nationale s’appelle « la voix des arabes », donnant le programme de son ambition, reçue dans tout le monde musulman : rejet de l’Ouest, nationalisme exacerbé, élimination d’Israel accusé de diviser le monde arabe, et dont la création était qualifiée de plus grand des crimes internationaux. Les pilotes qui guident les navires dans le canal sont tous anglais ou français, reliquat évident du colonialisme du 19ème siècle. Et le droit de passage tombe dans l’escarcelle des Britanniques essentiellement. Dans le contexte de 1955 les jours de cette concession sont comptés. Pour un pays d’une dramatique pauvreté, cette rentrée régulière d’argent est une manne potentielle qui ne peut plus être ignorée. Le traité de 1936 entre Londres et l’Egypte allait jusqu’en 1968. Mais au commencement des années cinquante les égyptiens ne se voient pas attendre si longtemps et des actions violentes contre les Anglais voient le jour. Sans oublier que Washington vit au diapason de la magnifique formule de Woodrov Wilson en 1919 « le droit des peuples à disposer d’eux même ».

    Nasser1956-sm.jpgDans cette situation tendue les Soviétiques jouent leur carte, et à l’automne 1955, l’Ouest découvre que Nasser se fournit en armes dans le bloc de l’Est. Le déclencheur de l’action sur le canal est cependant ailleurs. Les Américains et les Britanniques avaient décidé fin 1955 d’aider l’Égypte avec un prêt conséquent pour construire le barrage d’Assouan. Nasser commence à se pavaner avec cette idée, quand pour des raisons internes aux États Unis, Dulles annule le prêt, prenant Nasser à contrepied. Humilié devant les opinions arabes il ne pense plus qu’à se venger. En Juillet 1956, nom de code « De Lesseps », les armées égyptiennes prennent le contrôle du canal et de ses infrastructures. Et pendant les trois mois suivant autant les Britanniques et les Français sont clairs sur la nécessité de reprendre le contrôle, autant les Américains n’affichent qu’une suite de positions ambigües, illisibles. Et ce qui n’arrange rien, anglais et américains s’opposent sur d’autres sujets diplomatiques (comme la guerre des Français en Indochine). En l’espèce Eisenhower n’est pas en faveur de la force. Et il insiste pour les USA ne soient pas considérés comme les manipulateurs d’une action de style colonial. Et alors que différentes approches diplomatiques sont tentées (visite officielle des Soviétiques à Londres, visite secrète des Américains à Riyadh), ni les Français (cabinet Guy Mollet), ni les Britanniques, ni les Isréliens ne voient plus d’autre issue que celle les armes. Décision prise au cours d’une réunion secrète à Sèvres. La délégation britannique traite les Israéliens avec dédain (MacMillan  lui-même ne cachait pas son mépris pour les Juifs et Israel). Et pendant ces préparatifs, Egyptiens et Syriens font alliance, incluant le lendemain la Jordanie. Et la tension internationale monte d’un cran avec l’écrasement du soulèvement hongrois par les chars de l’Armée Rouge le 24 Octobre 1956.

    Après quelques jours de tergiversations, les Isréliens passent à l’attaque le 29 Octobre, le lendemain Londres et Paris envoient leur ultimatum indiquant l’intention de reprendre le canal. Le même jour les Soviétiques se retirent de Budapest. Le 31 les Britanniques bombardent les aéroports égyptiens, et la totalité de l’opération surprend amèrement les Américains. Eisenhover furieux accuse Anthony Eden de l’avoir trompé, obnubilé par une réaction soviétique potentielle et sa propre réélection. Pendant quatre jours la coalition resta l’arme au pied, délai mis à profit par Nasser pour bloquer le canal avec des vieux bateaux chargés de ciment, de rochers, de bouteilles vides … Là où les Britanniques SUEZ 56.jpgespérent que les Américains évalueront le danger de voir le canal fermé, Eisenhover réplique en laissant cyniquement les intervenants « bouillir dans leur huile ».Seule comptait sa campagne électorale. Le 5 Novembre les Israéliens contrôlent le Sinaï, et les franco-britanniques sautent sur Suez, et Port Saïd. La réaction soviétique est une série de propos violents à la Kroutchev, menaces suffisantes pour sérieusement inquiéter Washington. Le 6 Novembre Eisenhover remporte les élections, et demande sans discussion aux franco-britanniques de cesser leur opération. Ike s’ouvre à ses conseillers « sinon nous allons vers un embargo total du pétrole des pays arabes ». S’en suit un cesser le feu sur place. Les propos du conseiller économique britannique à Washington donnent la tonalité et commencent à être connus « les Américains nous traitent comme des polissons, à qui il faut donner une leçon, car ils ne doivent pas prendre des initiatives sans demander d’abord la permission de leur Nanny ». Ce nouveau contexte international est reçu sans ambiguité par les pays en voie de décolonisation, mettant en exergue que la France et Londres n’ont plus aucun pouvoir. Le FLN algérien reçoit parfaitement le message. Nasser sort de la crise, seul gagnant.

     

    Les chocs pétroliers

    1 - Le premier choc pétrolier 1973

    Les 16 et 17 octobre 1973, pendant la guerre du Kippour, les pays arabes membres de l'OPEP, alors réunis au Koweït, annoncent un embargo sur les livraisons de pétrole contre les États « qui soutiennent Israël ». Car le 6 octobre précédent, la majorité des habitants de l’État hébreu célèbre Yom Kippour, le jour le plus sacré du calendrier juif. C’est le moment choisi par une coalition arabe menée par l'Égypte et la Syrie pour lancer une attaque militaire surprise en réponse à la défaite de la guerre des Six Jours. L’aide militaire américaine, a permis à l’État hébreu de débloquer une situation critique. La réaction arabe face à l'intervention américaine ne se fait pas attendre. Réunis le 16 octobre à Koweït City, les principaux producteurs du Golfe décident d’augmenter unilatéralement de 70 % le prix du baril de brut. Ils imposeront quelques jours plus tard une réduction mensuelle de 5 % de la production pétrolière et un embargo sur les livraisons de pétrole à destination des États-Unis et de l’Europe occidentale. L’embargo ne sera levé que 5 mois plus tard mais la sanction est là. En un an, le prix du baril passe d’environ 3 dollars à 12 dollars.

    Leurs revendications portent sur :

    • l'augmentation spectaculaire du prix du brut et plus précisément la quote-part de ce prix revenant aux « États producteurs » ;
    • le contrôle absolu des niveaux de la production afin de maintenir un prix « artificiellement » élevé du brut ;
    • la participation croissante, de la part de ces pays, aux opérations de production entraînant la disparition progressive du brut revenant aux sociétés concessionnaires (dit « brut de concession ») au profit du brut qui revient à l'« État hôte » (dit « brut de participation »).

    Ce brutal déséquilibre va forcer les économies à se remettre en question, et les effets se feront sentir jusqu’en 1978.

    De fait, l'OPEP ne retrouvera plus avant longtemps, un tel niveau de puissance sur le plan économique et politique et les objectifs affichés de l'embargo ne seront pas atteints. Les politiques d'amélioration du rendement énergétique se mettent en place à partir de ce moment ainsi que la diversification des sources d'énergie, la France, par exemple développant un programme massif de constructions de centrales nucléaires. Le nucléaire ne modifiera pas la dépendance au pétrole, mais permettra une alternative énergétique à cette dépendance qui trouvera un écho dans le monde entier. 

    2 - Le second choc pétrolier printemps 1979

    Sous les effets conjugués de la révolution iranienne, de la guerre Iran-Irak et du redémarrage de la demande mondiale suite au premier choc pétrolier, le prix du pétrole est multiplié par 2,7 entre la mi-1978 et 1981.

    En raison de ces bouleversements politiques dans un des principaux pays producteurs de pétrole, la production mondiale diminue, provoquant une hausse du prix du pétrole. Le prix de l’Arabe Léger qui est de moins de 13$/baril en septembre 1978 atteint 35$/baril en mai 1979 et culmine à plus de 40$ à l’automne de la même année. À Rotterdam, les prix des produits finis flambent.

    Le 22 septembre 1980 la guerre Iran-Irak débute. L’arrêt des exportations iraniennes provoque de nouvelles hausses de prix. Le prix officiel de l’Arabe Léger, redescendu à 26$ au début de l’année 1980, remonte à 32$/bbl le 1er novembre de la même année, après l’ouverture des hostilités entre l’Iran et l’Irak, pour atteindre finalement 39 dollars au début de l'année 1981. L’augmentation de la production saoudienne ne suffit pas à empêcher cette hausse. La tension du marché et le bouleversement des habitudes ne se traduisent pas seulement par une hausse du prix des bruts, ils étirent également l’échelle de prix basée sur la qualité de chacun des bruts.  

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    Les pays consommateurs cherchent tout d’abord à faire des économies d’énergie. Les États-Unis contingentent ainsi les consommations. Par la suite, d’autres sources d’énergie sont recherchées par ces pays, ce qui entraîne un ralentissement de la consommation de l’or noir. Face à cette baisse de la demande, les prix repartent à la baisse au printemps 1981. En juin 1981, les producteurs de la mer du Nord abaissaient leurs prix. Le Mexique et le Nigeria procèdent à leur tour, à l'été 1981, à des baisses de prix significatives afin de réaligner leurs prix sur le brut de référence qu’est l’Arabe Léger.

    Cette crise pétrolière a provoqué pour les pays industrialisés:

    • un renchérissement du coût de l’énergie qui les oblige à investir prématurément dans certaines énergies de substitution;
    • une baisse générale des investissements.

    Ces développements affectent particulièrement le Japon, dont l'Iran était la source traditionnelle d’approvisionnement en pétrole. Pour les pays en voie de développement, aux handicaps déjà difficiles à franchir, s’ajoute l’absence de ressource énergétique bon marché.

    Une nouvelle répartition des revenus entre pays producteurs et pays consommateurs s'esquisse également. Les pays producteurs bénéficient d’une rente de situation. Cette manne financière est en partie injectée dans leur économie locale sous forme d’investissements ou plus ou moins redistribuée à leurs habitants. Mais les responsables saoudiens investissent surtout en Occident en y achetant des pans entiers des secteurs du tourisme, de la finance et l’industrie lourde.

     

    Les forages au large

    Ce serait injuste et incomplet de ne pas s’arrêter sur la technique de l’off-shore. Et surtout les exploits auxquels on est parvenu. Mer du Nord, golfe du Mexique, golfe de Guinée avec Nigeria, Congo Brazza, Angola, Gabon.

    C’est TOTAL qui a lancé l’investissement de la plus grande plate forme pétrolière du monde, Pazflor.

    Construite et assemblée en Corée, elle fut tractée vers sa zone de stationnement définitive, à 100 Kms des côtes de l’Angola ! Inaugurée en novembre 2011. Réalise-t-on que les têtes de forage (49 puits) sont entièrement automatisées, à 1.200 m sous la surface de l’eau, pour exploiter un bloc pendant 20 ans.

    Question très insolente : une plateforme se compose de sidérurgie lourde, de tuyaux, d’informatique, de télécoms. N’aurions nous pas tous ces sous ensembles en France ? Pourquoi la Corée ? Quand on demande à TOTAL on nous répond que l’ensemble a coûté 20% de moins que construit dans l’hexagone. Mais c’est un autre sujet … 

    total pazflor.jpg

    http://www.usinenouvelle.com/article/a-bord-de-pazflor-la-nouvelle-barge-petroliere-de-total.N163489

     

     

    Une lutte sans fin …

    Un observateur extérieur ne voit pas aisément que nombre de conflits récents (depuis une trentaine d’années) eurent le pétrole comme préoccupation réelle. Avec ces deux caractéristiques, que les buts sont puissamment camouflés (résolution de l’ONU, intoxication de masse et propagande), et la puissance qui tire les ficelles, toujours la même. Dans ses mémoires, Alan Greenspan, ex patron de la FED pendant dix neuf ans, dévoile abruptement que les agressions contre l’Irak ne visaient qu’à prendre le contrôle des puits. Un grand diplomate indien, qui fut ambassadeur en Irak le confirme dans son livre «The ultimate prize ; par Ranjit Singh Kalha », celui-ci ajoutant que Saddam Hussein s’est condamné à mort le jour où il a souhaité découplé son pétrole du dollar. Il en fut de même pour Gaddafi, et c’est aujourd’hui l’Iran qui est dans le viseur. 

     

    Histoire du baril

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  • Le texte intégral du premier Café Histoire de Toulon : Illusions du progrès en littérature

    (Rappelons que les trois prochains Cafés Histoire de Toulon tourneront autour de la même réflexion sur "les illusions du progrès", mais envisagée sous l'angle de la religion, puis de la philosophie, puis de la Crise....)

    Café Toulon Illusions du Progrès en litterature.pdf

  • Le 27 mars, à Nantes : Pour en finir avec la manipulation de l'Histoire....

            Jean SEVILLIA, écrivain et rédacteur au Figaro Magazine, sera le mardi 27 mars à NANTES (20h30) à la Salle Bretagne, pour traiter du thème Pour en finir avec la manipulation de l'Histoire.

              Ce sera l'occasion de lancer officiellement l'ACADEMIE D'ETUDES CIVIQUES ET SOCIALES, née le 31 octobre 2011 :

  • On parle beaucoup d'Histoire, en cette rentrée scolaire.....

    BAINVILLE 1.jpg           .....notamment à propos des nouveaux horaires (?) en Terminale. Une bonne raison d'en faire un peu, de l'Histoire, et de la "grande", en relisant le lumineux chapitre VII de "L'Histoire de deux peuples", de Jacques Bainville, qui explique le processus qui a conduit à la deuxième Guerre mondiale. 

            Elle a débuté aujourd'hui, 3 septembre... il y a 71 ans.....

  • A lire... : Les hauts lieux de l’Histoire de France

            "Alésia, la Bastille, le château de Versailles, l’Arc de Triomphe, le palais de l’Élysée, Rethondes… Autant d’endroits qui ont marqué l’histoire de France. Cet ouvrage évoque avec humour les lieux et monuments de notre histoire. Des grottes ornées de Dordogne aux plages du débarquement, retrouvez tous les lieux emblématiques de notre passé" nous dit l'auteur.

            Et, de fait, classés selon l'ordre chronologique, on les visite (presque) tous, ces lieux qui jalonnent notre Histoire : Lascaux, Carnac, Alésia, le Pont du gard, Lyon, capitale des Gaules, Rocamadour, le Mont Saint-Michel, Reims, Saint-Denis, Château-Gaillard, les châteaux cathares, l’abbaye de Cluny, l’abbaye de Cîteaux, Notre-Dame de Paris, Carcassonne, Avignon, Le Louvre, les châteaux de la Loire, le château de Chambord, le château de Versailles, Saint-Malo, la citadelle Vauban à Lille, Nantes et le quai de la Fosse, Paris, les Champs-Elysées, la Bastille et sa place, la maison natale de Napoléon Bonaparte, le Panthéon, l’Arc de Triomphe à Paris, la tombe du Soldat inconnu, le palais de l’Elysée, le cimetière du Père-Lachaise, la tour Eiffel, l’ïle de Clipperton, la mine et le bassin lorrain, Strasbourg, Verdun, l’île Seguin, la Ligne Maginot, Drancy, Vichy, Oradour-sur-Glane, le Vercors, les plages du débarquement, le Havre et la reconstruction…

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    Les hauts lieux de l’histoire de France par Renaud Thomazo, Larousse, Collection Les petits précis de culture générale, 96 pages, 4, 90 €

  • Histoire de France : pithécanthropes, néandertaliens, dinosaures et autres font de la résistance...

                         Un mouvement est en marche, inéluctable, et il se déroule inexorablement, même si nous le trouvons trop lent : le mouvement de re-découverte et de ré-appropriation par les français de leur Histoire, enfin débarrassée et expurgée de l'idéologie et des mensonges de la vérité officielle.

               Et pourtant ! Pourtant, il y a encore des intoxiqués qui s'obstinent à maintenir, envers et contre tout, les contre-vérités les plus énormes, les déformations et travestissements de la réalité les plus scandaleux...

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               Sur LCI, Julien Arnaud a reçu François Reynaert, catalogué journaliste et écrivain, qui publie un livre qu'il affirme être un livre d'Histoire. Il ajoute même, aggravant son cas, qu'il a écrit ce livre pour corriger certaines fadaises que nous avons tous, affirme-t-il, appris à l'école.

              Le titre de son livre ? : Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises... Mais on va vite voir que, en fait de fadaises, c'est lui qui les débite, et avec un aplomb, une assurance littéralement stupéfiantes !

     

               Trois enormités dans l'entretien, que nous avons visionné intégralement. Sont-elles  plus monstrueuses qu'écoeurantes, ou l'inverse ? Vous jugerez.....

               1 : Julien Arnaud pose la question : "...pour Louis XVI... auriez-vous voté la mort ?" Le personnage commence alors la classique contorsion du je ne suis pas favorable à la peine de mort mais..... Mais, oui, il aurait voté la peine de mort. Et pourquoi ? Mais voyons, parce qu'il est prouvé que Louis XVI  a trahi !

               Alors que c'est, évidemment, la Révolution qui a agressé l'Europe, déclarant une guerre funeste et anti naturelle, contraire à tous nos intérêts de l'époque. Que Louis XVI ait mal réagi, sans amis, sans conseillers, non préparé qu'il était à des faits extra-ordinaires auxquels, de toutes façons, personne n'était préparé, voilà ce que personne ne peut nier. Mais il convient de commencer par le commencement. La folie des folies, le crime des crimes, c'est d'avoir mis le feu à l'Europe. Un feu qui devait ruiner notre position dominante sur le continent, briser notre puissance militaire et démographique, et amener par deux fois les coalisés de l'Europe entière sur notre territoire, qui n'avait plus été envahi depuis des lustres.

                De cela, pas un mot de notre prétendu correcteur de fadaises : drôle d'historien ! et beau boni-menteur ! Il ne retient qu'une chose de tout ce gigantesque gâchis voulu et créé par la seule Révolution, sa vérité-mensonge officielle : Louis XVI a trahi. Plus aveugle ou plus menteur que moi, tu meurs !.....

                2 : la seconde enormité est peut-être encore plus grandiose que la première. Non, ni la Convention, ni Robespierre, ni leur système et leur régime ne peuvent être qualifié de totalitaires. Tiens donc, et pourquoi, s'il vous plaît ? Accrochez-vous ! Parce que la Convention a produit la réaction thermidorienne ! Et, donc, un système qui génère sa propre limitation ne peut être qualifié de totalitaire "puisque", avec le 9 Thermidor, c'est la république de ce moment-là qui "peut en son sein se renverser..."! Et, hop, passe la pirouette verbale ! Il est pas beau, mon sophisme ? Avec cet historien de pacotille, et cette explication (!) à dix centimes d'euros, on est en pleine bibliothèque rose ! Notre boni-menteur nous ferait presque entendre les cui-cui des oiseaux dans les arbre, les moutons bêlant gentiment dans les champs et, au loin, le "il pleut, il pleut, bergère !..."

                Il prend vraiment les gens pour des imbéciles ! La vérité sur Thermidor n'est évidemment pas ce qu'il dit, dans son Histoire bidon pour lecteurs et lectrices fleurs bleues : il s'agit uniquement du réflexe de survie "des plus sagaces et des plus subtils", "ceux qui, par peur, avaient dit oui à tout" et à qui "une peur suprême...donna le courage du désespoir", rien de plus; et rien de bien glorieux, en soi. En tout cas, rien de ce que croit y trouver notre historien de pacotille.

                  On lui citera le passage du chapitre XVI de L'Histoire de France de Jacques Bainville, La Révolution :

                 "...Au mois d'avril 1794, la Terreur dure toujours. Danton a été supprimé, Camille Desmoulins et sa Lucile aussi. Les hommes de la Révolution se sont dévorés entre eux. Seuls ont échappé les prudents et les habiles, ceux qui ont eu, comme disait Sieyès, le talent de vivre. Mais à force d'épurer la Révolution, Robespierre en a tari la sève. Lui-même, avec le jacobinisme, il est toute la Révolution. Il n'y avait plus rien après les opinions de Marat. Il n'y a plus personne après Robespierre. Il a grandi, depuis la Constituante, par les surenchères que favorisait le principe politique en vigueur depuis 1789 : pas d'ennemis à gauche. Maintenant, quelles sont ses idées ? Que veut-il ? Où va-t-il ? Il ne le sait pas lui-même. On prête à ce despote les projets les plus bizarres, et la cour de Vienne s'intéresse à « Monsieur de Robespierre ». Pourtant il n'invente plus autre chose que la fête ridicule de l'Être suprême, tandis que la guillotine fauche tous les jours, éclaircit les rangs de l'Assemblée, dégarnit jusqu'à la Montagne. Il ne restait plus guère que ceux qui, par peur, avaient dit oui à tout. Une peur suprême leur donna le courage du désespoir. Robespierre sentit que la Convention lui échappait et il voulut recourir au moyen ordinaire, celui dont l'effet, jusquel-à, n'avait jamais manqué : l'intervention de la Commune. On vit alors, au 9 thermidor, cette chose extraordinaire. Les Conventionnels qui survivaient étaient les plus sagaces et les plus subtils, puisqu'ils avaient réussi à sauver leur tête. Ils s'avisèrent de ce qu'on ne semblait jamais avoir compris depuis le 10 août : que ces fameuses « journées » n'étaient au fond que de petites affaires de quartier, qu'avec un peu de méthode, d'adresse et d'énergie, il était possible de mettre les émeutiers en échec. Sur quoi reposait la Commune jacobine ? Sur les sections. Il s'agissait, pour empêcher une « journée », pour arrêter Santerre et Henriot, de protéger d'abord le point menacé avec des sections modérées, puis de prendre l'offensive contre l'émeute. Il ne suffisait donc pas, pour renverser Robespierre, de voter sa mise en accusation. Il fallait être sûr de ce qui se passerait hors de l'Assernblée. Tallien et Barras se chargèrent de la manœuvre. Elle réussit grâce à une seule section, la section Le Pelletier, qui donna le signal de la résistance. Robespierre, réfugié à l'Hôtel de Ville, connaissait trop bien le mécanisme de la Révolution pour ne pas savoir qu'il était perdu si l'émeute et la Commune commençaient à reculer. ll voulut se tuer, se manqua et, le lendemain, fut porté tout sanglant sur l'échafaud (27-29 juillet 1794)...."

                3 : La troisième enormité n'est même pas proférée, puisqu'elle n'a même pas besoin de l'être: elle découle de la précédente. La Convention n'étant pas totalitaire, ni Robespierre, ni la Terreur, il n'y a évidemment pas eu de génocide vendéen. Et, donc, notre historien du dimanche n'en parle pas, du génocide vendéen ! Puisqu'il n'existe pas ! CQFD, et le tour est joué ! Elle est pas belle, la vie ?

                Et notre invité, à la fin de son entretien, est reparti tout guilleret, tout content; et Julien Arnaud aussi, tout guilleret et tout content.

               Dans le meilleur des mondes conformiste et historiquement correct possible......

  • Enseignement de l'Histoire: Zemmour pose bien le problème...

                 Les bonnes choses, c'est bien connu, on ne s'en lasse pas... 

                 Zemmour en fait partie, de ces bonnes choses, avec sa chronique matinale sur RTL.

                 Voici celle qu'il a consacrée à l'Histoire de France, et à sa destruction par les pédagogistes, depuis une bonne vingtaine d'années; avec les conséquences inéluctables qui en découlent....

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                                              http://www.dailymotion.com/video/xcblna_destruction-de-l-histoire-de-france_news

  • Une histoire politique de la littértaure, de Stéphane Giocanti

                Dans la toujours très intéressante (et très honnête) rubrique Le livre du jour, sur France info, Philippe Vallet a reçu Stéphane Giocanti, le mardi 6 octobre. Il venait présenter son dernier ouvrage Une histoire politique de la littérature. De Victor hugo à Richard Millet.

                Evidemment, 2'09'' (le temps de la rubrique) c'est toujours trop court. On en écouterait volontiers beaucoup plus. Il n'empêche, ces 2'09"" là ont été, comme à l'accoutumé, fort intéressantes. Philippe Vallet rappelle que "...la France se pense à travers ses écrivains", puis tend la perche à Stéphane Giocanti, qui se fait un plaisir de la saisir: "Même lorsqu'ils se sont plantés ?" -demande Philippe Vallet- "Mais oui... -répond Gicocanti- comme Sartre, affirmant que la Chine de Mao est un pays magnifique... ou Aragon écrivant un hymne au Guépéou, la police secrète ultra répressive de l'URSS... ou Gide qui trouve que l'avenir radieux se trouve en URSS... il se corrigera après..."

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                Il s'agit d'une analyse du rapport des écrivains français depuis le XIXe siècle avec la politique à travers une typologie distinguant les courtisans, les ambassadeurs, les encartés, les idéologues, etc...

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    336 pages, 20 euros


                (quatrième de couverture)

                François Ier fut roi de France et poète. Le cardinal de Richelieu institua quarante immortels pour fixer sa patrie sur un Olympe littéraire. Avant d'être empereur, Napoléon rêva d'être écrivain. Le romancier Malraux fit un inoubliable ministre de la Culture, pour la gloire d'un général publié lui-même dans la bibliothèque de la Pléiade... nulle part ailleurs qu'en France, politique et littérature ne forment de couple aussi singulier.

                Et les écrivains, font-ils bon ménage avec la politique ? C'est la question posée par ce livre irrévérencieux, qui invite le lecteur à découvrir des consanguinités surprenantes entre auteurs d'hier ou d'aujourd'hui, de droite ou de gauche, pour le meilleur et pour le pire. Car le peuple indiscipliné des écrivains regorge de courtisans et de guerriers, d'idéologues et de prudents, de sceptiques et de pamphlétaires, de vaillants et de lâches, de prophètes et de mystiques, sans oublier ceux que Stéphane Giocanti appelle joliment les plantés et les maudits : ceux qui se sont fourvoyés dans le ridicule ou le tragique...

                Une promenade inédite dans l'histoire littéraire, de Victor Hugo à Richard Millet.

  • Accepter et assumer l'Histoire, oui. Se repaître des carnages, non.....

              Un peu de décence, s'il vous plaît ! Courant décembre, une dépêche presque gourmande de l'AFP nous a rappellé -comme si nous ne le savions pas....- qu' "Il y a 183 ans brillait le soleil d'Austerlitz".

              Suivait une description complaisante de solennités organisées par le souvenir Napoléonien pour commémorer "la plus belle bataille de l'Empire".....

              Bon, soyons clairs. Que la France assume son héritage historique, celui de toutes les France, on est bien d'accord là-dessus. N'est-ce pas Philippe VIII, duc d'Orléans, qui a dit, au tout début du XX° siècle, "Tout ce qui est national est nôtre" (1) ?

              Mais assumer un héritage, fut-il divers jusqu'à l'incohérence et la contradiction entre ses différents aspects, c'est une chose; encenser et louanger également toutes les pièces de l'héritage, toutes mises sur un même pied d'égalité, en leur accordant à toutes une même valeur intrinséque, c'en est une autre. Maurras ne dit pas autre chose lorsqu'il dit qu'il faut savoir s'accommoder de la révolution-fait, mais se dépêtrer de la révolution-idée.

             En clair, nous voulons bien assumer l'Empire en général, et Austerlitz en particulier. Nous voulons bien accueillir "la gloire, l'Art" (2) de Napoléon qui, de toutes façons est un fait de notre histoire, une de ses pages que l'on ne peut ni effacer ni omettre. Mais de là à se déguiser "183 ans après" pour jouer aux soldats et faire mumuse avec ce qui fut un drame humain pour tant de personnes, en France et en Europe, non ! De là à célébrer la grande boucherie que fut son règne, non !

              L'Empire, héritier et sabre de la révolution, ce fut L'Europe à feu et à sang pendant quinze ans, à cause des folies révolutionnaires; une Europe où -à part quelques ennemis déclarés, comme la Hollande, l'Angleterre évidemment, et la Prusse, qui nous haïssait en nous badant cependant...) nous comptions une grande majorité d'amis qui nous admiraient, nous imitaient et nous copiaient en tout (de la langue aux moeurs en passant par l'Art et la Culture...).

              L'Empire, héritier et sabre de la révolution, ce fut la France saignée démographiquement, ayant perdu plus d'un million et demi de ses enfants, dans la force de l'âge, et qui n'auront donc pas de descendance; sans compter les pertes territoriales (et donc, à nouveau de population). Au bas mot, deux millions de français en moins après Napoléon (3).

              Peut-on célébrer "ça"? Nous ne le pensons pas. Donc, nous faisons mémoire d'Austerlitz, nous acceptons la gloire militaire -stérile- de l'Empire, en l'intégrant à l'ensemble des hauts faits d'arme de notre Peuple et de son armée, tout au long de son Histoire. Mais nous n'allons pas perpétuer d'une façon morbide, malsaine et indécente un souvenir (?) de ce qui fut peut-être la carnage le plus stupide et le plus affreux à la fois de toute l'histoire du continent européen. Dans l'une des versions du colonel Chabert, Raimu a un moment se met à hurler un "Assez !", furieux et vengeur, qui s'adresse à tous ceux qui se complaisent dans cette inutile et effroyable boucherie sans fin.....

              On est bien loin du raffinement, de la bonté et de de l'humanisme de Louis XV. Il fut des siècles chrétiens, finalement pas si lointains, où le sang de l’ennemi n’était pas impur (4) parce qu’il était celui de créatures de Dieu au même titre que celui des vainqueurs. « Le sang de l’ennemi, c’est toujours le sang des hommes.... la vraie gloire c'est de l'épargner »dira Louis XV en parcourant le champ de bataille de Fontenoy en 1745, tandis que reproche lui était fait que ses médecins soignaient indifféremment les blessés français, anglais et hollandais. On est bien loin de Napoléon qui proféra cyniquement cette phrase littéralement monstrueuse : "J'ai trois cent mille hommes de rente"et qui dira à Metternich : "Vous n'êtes pas militaire, Monsieur et vous ne les comprendrez jamais ! Vous n'avez, pas vécu dans les camps; vous n'avez pas appris à mépriser la vie d'autrui et la vôtre, quand il le faut. J'ai grandi sur le champ de batailles. Pour un homme comme moi, la vie d'un million d'hommes ne vaut pas plus que de la m....."

            D'un côté, on essaye de christianiser la fureur des hommes; de l'autre, on se livre en aveugle au destin qui vous entraîne, et tant pis pour les fleuves de sang qui en découlent ! Comme le dit Chateaubriand, "L'avenir doutera si cet homme a été plus coupable par le mal qu'il a fait que par le bien qu'il eût pu faire et qu'il n'a pas fait" (5).

             On l'oublie parfois, pris dans l'immédiateté de la lutte quotidienne. Mais notre royalisme n'est pas seulement, il n'est pas surtout et même il n'est surtout pas un dogmatisme politique et prétendument rationnel; il n'est pas une idéologie contraire opposée à une idéologie mortifère, celle de la révolution. Si nous combattons idéologies et idéologues, ce n'est certes pas pour nous transformer à notre tour en contre-idéologues : où serait l'intérêt ? C'est aussi et surtout parce que nous constatons que nos rois, avec leurs défauts, leurs erreurs et leurs échecs, ont malgré tout mené pendant mille ans une authentique politique de civilisation "quand notre organisation naturelle et historique fonctionnait" (c'est ainsi que Maurras parle de notre monarchie). La royauté est, pour nous, prouvée par l'Histoire; elle n'est pas le fruit d'une construction intellectuelle et abstraite : si nous sommes royalistes, c'est d'abord et avant tout parce que les Rois ont fait la France, et qu'ils en ont fait le plus beau royaume qui fût sous le ciel , et la première puissance du monde.

             Une puissance que la révolution, et l'Empire qui la continue, auront singulièrement rabaissé et dilapidé. Alors, se souvenir d'Austerlitz ?oui bien sûr. L'exalter ? non certainement pas.....

     

    (1) : « Tout ce qui est national est nôtre, et c’est sans crainte et sans arrière-pensée que je m’adresse à tous les vrais Français, n’ayant rien à redouter d’aucuns concours de quelques points de l’horizon politique qu’ils puissent me venir. Je fais appel à tous ceux qui se rencontrent dans le même amour de la France …"

     

    (2) : De Jacques Bainville, dans son irremplaçable Napoléon : "Sauf pour la gloire, sauf pour l'Art, il eût probablement mieux valu qu'il n'eût pas existé..."

     

    (3) : Après le deuxième Traité de Paris, de 1815, qui suivait les Cent jours, nous perdions les forteresses de Philippeville et Marienbourg (cédées toutes deux à Louis XIV en 1659) ainsi que Bouillon (la ville de Godefroy !...), actuellement en Belgique. Nous perdions les villes de la Sarre, aujourd'hui allemandes (Sarrelouis, fondée par Louis XIV en 1681 et Sarrebrück) et aussi Landau, aujourd'hui dans le Palatinat, mais qui fit longtemps partie de la décapole alsacienne (ville française depuis 1648 !). Nous perdions Versoix, sur la rive nord du Léman, et une partie du pays de Gex, français depuis Henri IV, aujourd'hui en Suisse ( les six communes de Versoix, Preny-Chambésy, Collex-Bossy, Grand-Saconnex, Meyrin et Vernier furent cédées à Genève ).

             Avec, en prime, une occupation de trois ans et une "amende"de 700 millions de francs !..... Vraiment pas de quoi célébrer.....

    (4) : comme cela est braillé dans le chant haineux que la république s'est choisi comme hymne national.... Non, le sang de nos adversaires n'est pas "impur": laissons à d'autres la haine, la détestation, l'envie de donner la mort.....

     

    (5) : pour celles et ceux qui veulent lire l'intégralité du texte de Chateaubriand De Buonaparte et des Bourbons,nous avons préparé un Pdf en page d'accueil : bonne lecture ! ce texte est un petit peu long, mais on peut le lire en plusieurs fois et, à notre très humble avis, si l'on excepte le Napoléon de Bainville, on n'a jamais rien écrit de mieux sur le sujet.....

  • Enseignement de l'Histoire : pour aller plus loin, avec Laurent Wetzel...

    Sous le titre "Misère, misères...", Royaliste - dans son numéro 1026, du 7 au 20 janvier - publie un très intéressant entretien avec Laurent Wetzel, qui répond aux questions de Pascal Beaucher. Tout récemment, le samedi 12 décembre 2012, Laurent Wetzel animait le troisième volet de notre Enquête sur la République : Ils ont tué l'Histoire-Géo. Qui et pourquoi ?

    Nous donnons ci-dessous le texte de cet entretien, qui mérite d'être lu, et nous le faisons suivre de la vidéo de notre Café politique de décembre, ce qui donnera une vision d'ensemble assez complète à ceux qui sont intéressés par ce sujet, fondamental, mais qui ne connaissent pas toujours les tenants et les aboutissants...

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    laurent wetzel.jpg143 pages, 18 euros

    Présentation de l'éditeur

    L'enseignement de l'histoire-géo va mal. Depuis des années, sous des gouvernements de gauche comme de droite, les réformes se sont succédé mais n'ont fait qu'aggraver la situation. Qui sont les responsables de ce fiasco et que faire ? Professeur d'histoire-géo et ancien inspecteur d'académie, Laurent Wetzel dénonce avec virulence les erreurs et les aberrations contenues dans les textes ministériels, le charabia des hauts fonctionnaires ainsi que l'incompétence de nombreux responsables de l'Education nationale. Mais tout n'est pas perdu. Aujourd'hui une vraie réforme est possible si l'on s'appuie sur ceux qui croient encore à l'importance de ces deux matières : les professeurs et les parents. Un livre réquisitoire sur un sujet qui nous concerne tous.

    Biographie de l'auteur

    Laurent Wetzel, ancien élève de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, est agrégé d'histoire. Il a été professeur d'histoire, de géographie et d'éducation civique dans plusieurs collèges et lycées franciliens, avant de devenir inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional d'histoire-géographie. Retraité depuis peu, il n'est plus astreint au "devoir de réserve".  

    Pour « aller encore plus loin »… :

    1. : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/08/24/01016-...

    2. : http://aggiornamento.hypotheses.org/1002 

  • Où Pierre Manent définit, pour l'Histoire, une nouvelle « émigration » ...

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    « Dans les vingt dernières .années, notre régime politique a connu un profond changement. En somme, il a cessé d'être représentatif. Jusqu’au début des années 1980, la droite et la gauche puisaient leur légitimité dans la représentation du peuple. La droite gaulliste se réclamait du peuple national, de « la France ». La gauche socialiste et communiste se réclamait du peuple social, des « travailleurs ». On pouvait contester leurs programmes ou leurs actions, mais nos politiques étaient légitimes parce qu’ils représentaient ces deux peuples qui n'en faisaient qu'un. 0r la droite qui, on ne sait pourquoi, se dit encore gaulliste, a renoncé à la nation, comme la gauche, qui, on ne sait pourquoi, se dit encore socialiste, a renoncé au peuple.   

    Les deux partis de gouvernement ont élaboré ce qu’il faut bien appeler un programme commun, le programme européen dont ra France n’est que le champ d'application. Les Français ont perdu confiance dans la classe politique, en même temps que celle-ci se sentait de moins en moins responsable devant le peuple français. Elle se sent engagée dans une entreprise plus haute et plus sublime que celle de gouverner la France, celle de « construire l'Europe ». 0n ne saurait exagérer res conséquences de cette émigration, si je peux dire, de la classe politique. » 

    Pierre Manent

     

    Entretien donné au Figaro, 17.1.2014.

     

  • HISTOIRE • Vendée, 1815 : l’Ouest contre Napoléon, par Anne Bernet

     

    anne bernet.pngMéconnu et oublié, le soulèvement de l’Ouest provoqué par le retour de Napoléon en mars 1815, revêt, lors des Cent Jours, une incontestable importance. Peut-être même a-t-il décidé de l’avenir de la France.

    Ni l’annonce du débarquement de l’empereur à Golfe-Juan le 9 mars, ni celle du « vol triomphal de l’Aigle », ralliant sur son passage les troupes censées, selon Ney, « le ramener dans une cage de fer », pas davantage celle de son entrée le 20 mars dans Paris, déserté la veille par Louis XVIII, n’ont ému l’opinion, fût-ce dans l’Ouest. C’est qu’en Vendée, en Bretagne, dans le Maine et en Normandie, les Blancs ressassent avec amertume l’attitude du Roi au lendemain de sa Restauration, l’année précédente. Trop sûr de la fidélité des provinces blanches, il a gardé ses gracieusetés pour l’ennemi d’hier. Ce choix, censé favoriser l’oubli du passé et la réconciliation nationale, a paru intolérable ingratitude et réveillé parmi les combattants de « la grand’ guerre » le souvenir des « lâchages » des Princes qui promettaient toujours de venir et ne sont jamais venus…

    Comment s’étonner si ces hommes, désormais quadragénaires pour les plus jeunes d’entre eux, ou leurs fils, n’ont eu ni l’idée ni l’envie, en ce printemps archi-pourri de 1815, de reprendre les armes afin de courir au secours d’une légitimité décevante ? Sauf exceptions…

    Noblesse oblige : tandis que Louis XVIII et sa cour se replient vers Gand, certains ne peuvent se résigner à laisser l’Usurpateur se réinstaller aux Tuileries sans rien faire. C’est en toute légalité d’ailleurs que, dans un premier temps, ils agissent. Inconscient des déceptions des mois écoulés, le Roi, s’il met à l’abri son auguste personne, croit néanmoins possible de maintenir en France des poches de résistance royalistes propres à compliquer la tâche du pouvoir impérial. C’est ainsi que le duc d’Angoulême est parti pour Toulouse, son épouse pour Bordeaux, le duc de Bourbon pour Angers afin de lever les provinces fidèles. Mission impossible, ils ne tarderont pas à le comprendre. Ni le Languedoc ni l’Aquitaine ne bougent, au désespoir de la princesse, « le seul homme de sa famille » comme dit, injustement, Napoléon.

     

    Pas de soulèvement massif

    Quant à l’Ouest… Le duc de Bourbon s’attendait à un soulèvement massif, à l’arrivée de milliers de volontaires enthousiastes, cocardes blanches au chapeau. Or, ils ne sont que quelques milliers, mal ou peu armés, voire pas armés du tout, à converger, fin mars, vers les points de rassemblement. Seuls les officiers sont au rendez-vous. Anciens des premières guerres de Vendée et des chouanneries, tels d’Autichamp, Suzannet, Sapinaud de La Rairie au Sud de la Loire, d’Andigné, Sol de Grisolles, Carfort au Nord ; ou néophytes mais porteurs d’un patronyme qui interdit toute dérobade, à l’instar de Louis et Auguste de La Rochejaquelein, frères cadets d’Henri, le très jeune généralissime de 1793, Ludovic de Charette, neveu du « roi de Vendée », Joseph et Louis Cadoudal, cadets de Georges, ou Julien Guillemot, fils du défunt « roi de Bignan », ils se doivent d’être de la partie.

    D’emblée, elle s’engage mal. Le 31 mars, rebuté à la perspective de prendre le maquis et d’aller chouanner sur la lande, le duc de Bourbon négocie avec les autorités son départ et s’embarque vers l’Espagne, abandonnant à leur sort des hommes désormais trop compromis pour rien attendre de l’empereur.

     

    La haine de Napoléon

    Napoléon, en effet, déteste les insurgés de l’Ouest. Un temps, il a flatté « les géants de Vendée », car le péril, de ce côté-là, alors n’existait plus. Si les Vendéens s’avisent de bouger, ils seront aussi maltraités par l’empereur que les chouans, coupables d’avoir résisté beaucoup plus longtemps à ses offres pacificatrices et qui le payèrent au prix fort. Aux yeux de Napoléon, quiconque conteste son génie et les droits qu’il lui donne à gouverner le monde, est un brigand qu’il faut exterminer. Après les chouans, Italiens, Tyroliens et Espagnols en ont fait la cruelle expérience… Quand il s’agit d’éradiquer les résistances, l’empereur emploie les méthodes du Comité de salut public jadis. Quoiqu’ils le sachent, les officiers royalistes ne reculent pas ; mais que peuvent-ils, sans hommes et sans armes ?

    Les hommes, Napoléon va les leur fournir. Le 10 avril 1815, il rétablit la conscription. En 93, plus que la mort du Roi et la persécution religieuse, la levée en masse provoqua le soulèvement de l’Ouest. Il fallut, lors de la pacification, en exempter les départements insurgés, exemption vite supprimée tant « l’Ogre » réclamait de soldats. La France, l’an passé, a applaudi sa chute d’abord pour mettre fin à cette boucherie. Et voilà qu’à peine Napoléon revenu, cela recommence ! Le prétexte est suffisant pour lever au moins en partie les campagnes de l’Ouest. En partie seulement. Lors de la prise d’armes, fixée en Vendée au 11 mai, les volontaires se comptent 25 000 ; à peu près autant sur l’autre rive de la Loire. Ce n’est pas assez mais vouloir faire lever les paysans en pleins travaux de printemps est une gageure. Au demeurant, les armes manquent ; Louis de La Rochejaquelein, autoproclamé généralissime, est parti en réclamer aux Anglais ; elles seront livrées le 15 à Croix-de-Vie. Après, on marchera sur Paris ! C’est en tout cas le plan de ces Messieurs, qui ne doutent de rien. En fait, cela ne va pas se passer si bien.

    Le 22 mai, le général Lamarque arrive à Angers, flanqué de Travot, l’homme qui, en 1796, prit Charette, son unique titre de gloire. Ils ont ordre d’être impitoyables, ce qui déplaît à Lamarque, peu assuré de l’avenir du régime impérial et peu fait pour les guerres civiles. Son but est d’empêcher la jonction des Vendéens et des Chouans, en tenant les deux rives de la Loire, pas de massacrer à tout va. Mais la guerre, même aux dimensions d’un département, s’avère meurtrière : 30 tués côté impériaux à Saint-Pierre des Échaubrognes ; beaucoup plus, le 20 mai, côté Blanc, à Aizenay où tombe Ludovic de Charette, une, petite, défaite qui suffit à démobiliser les royalistes. Ce sera pire lorsque, le 4 juin, Louis de La Rochejaquelein est tué au pont des Mathes alors qu’il gagnait la côte afin d’y réceptionner des armes. Le 17, Suzannet tombe à La Rocheservière, nouvel échec suivi du massacre systématique, sur décision de Travot, des prisonniers blancs. La Vendée, privée de ses chefs emblématiques, dans l’ignorance des succès, et des revers, des Bretons à Auray, Redon ou la Roche-Bernard va-t-elle capituler ?

     

    la « pacification de Cholet »

    Peut-être y penserait-elle si, le 25 juin, avec une semaine de retard, la nouvelle de Waterloo, le 18, et de la seconde abdication de Napoléon, le 22, n’atteignait enfin l’Ouest, jetant la confusion dans les deux partis. Et si Lamarque, conscient d’avoir perdu toute légitimité, très inquiet de l’avance des troupes alliées, surtout des Prussiens, vers l’Ouest, n’avait la sagesse de signer la « pacification de Cholet » le 28. Auguste de La Rochejaquelein et ses amis en profitent pour lui affirmer qu’ils combattront, le cas échéant, à ses côtés afin d’interdire l’accès de leurs provinces à l’ennemi. La menace est prise au sérieux par le haut commandement ennemi qui croit encore avoir affaire aux hommes de 93 ; renonçant à pénétrer en Vendée et en Bretagne, il se détourne vers Caen. Cela lui coupe aussi toute envie de réclamer, comme il en avait l’intention, le rattachement de la Bourgogne aux États germaniques.

    En attendant, pacification signée ou pas, au Nord de la Loire, les chouans ne désarment pas. Ils resteront prêts à se battre, et se battront, parfois, et se feront tuer, devant Vannes ou Laval, jusqu’à la fin juillet 1815, en dépit du retour de Louis XVIII, revenu à Paris le 8 juillet. Obstination ? Non, prudence. Ils ne cesseront le combat qu’une fois assurés de la Restauration des Bourbons et tout risque écarté de voir Napoléon II sur le trône.

    La victoire ne les rendra pas vindicatifs. Aucune poursuite ne sera engagée à l’encontre des Bleus, hormis Travot, condamné à mort, puis gracié, à cause du massacre des prisonniers de La Rocheservière, enfermé au fort du Ham où il deviendra fou.

    L’historiographie républicaine et bonapartiste sera moins généreuse. Elle imputera à l’insurrection de l’Ouest l’absence à Waterloo des 50 000 hommes de Lamarque dont la présence aurait, peut-être, changé la face du monde. Nous l’avons échappé belle !

    Anne Bernet, Politique magazine

  • HISTOIRE • Quand Paris brûlait… Utiles rappels hitoriques de Camille Pascal *

    Ce que seraient aujourd'hui les Tuileries si elles n'avaient pas été détruites ou si on les reconstruisait.

    Nous n'oublions pas, ici, que la Commune fut d'abord un sursaut patriotique. C'est ainsi en tout cas que l'ont vue Maurras et Bernanos. Mais elle fut aussi ce crime contre le patrimoine parisien que Camille Pascal décrit dans les lignes qui suivent. Lafautearousseau 

     

    Camille%20Pascal_22222222222222.pngQuand l’histoire officielle, tenue en lisière par l’idéologie, veut faire oublier que la Commune fut aussi un crime contre le patrimoine parisien.

    La Commune de Paris née dans un sursaut patriotique fut achevée à coups de crosse par l’armée régulière quelque part dans les allées ensanglantées du Père-Lachaise. Tout cela a été dit et maintes fois répété depuis que le Front populaire a fait du mur des Fédérés un lieu de culte.

    Ce que l’on sait moins, car cette vérité a été longtemps occultée dans une Histoire officielle soigneusement tenue en lisière par l’idéologie, c’est que la Commune fut aussi un crime contre Paris. Voilà ce qu’un livre courageux et parfaitement documenté vient de révéler dans un silence médiatique coupable. Nos petites élites intellectuelles confites dans leur dévotion du progressisme n’aiment pas que l’on retourne contre lui cette arme de la repentance qu’elles ont si souvent braquée contre la France.

    Dans le Brasier, publié chez Actes Sud, Nicolas Chaudun, dont le talent et l’érudition ont rendu ses lettres de noblesse littéraire au récit historique depuis la publication de l’Été en enfer, chronique de l’effondrement du second Empire, raconte ces journées terribles au cours desquelles les plus grands monuments de Paris brûlèrent comme des torches sur ordre du pouvoir insurrectionnel.

    En quelques heures, l’hôtel de Salm et le palais d’Orsay furent anéantis, mais ce n’était là qu’un premier feu de joie. Le palais des Tuileries, chef-d’oeuvre de Philibert Delorme, théâtre privilégié des scènes les plus poignantes de notre roman national, fut l’objet d’un zèle fou de la part des incendiaires. Du passé il fallait faire table rase. Comment expliquer autrement les flots de pétrole déversés dans les grands escaliers d’honneur, les rideaux du salon des Maréchaux empesés d’huile et de poix, les tonneaux de poudre placés dans les caves pour fragiliser l’édifice ?

    Le vieux palais de Catherine de Médicis n’avait aucune chance d’en réchapper. L’immense dôme qui coiffait le pavillon central s’effondra sur quatre siècles de grandeur française.

    Karl Marx lui-même, soucieux de soigner l’image d’un soulèvement dans lequel il voyait la répétition générale de la future révolution prolétarienne, comprit le danger que représentait cette furie iconoclaste et l’expliqua par des raisons stratégiques. Plus tard, les chiens de garde de l’historiographie marxiste ont fait croire à des générations d’étudiants que ces incendies étaient la réponse d’un peuple désespéré aux massacres des fédérés par la troupe versaillaise.

    Nicolas Chaudun démonte ces deux impostures, mais il consacre surtout l’essentiel de son livre au courage d’une poignée de conservateurs et de soldats qui sauvèrent le musée du Louvre où le feu avait été mis. Ces hommes guidés par Henry Barbet de Jouy et commandés par Martian de Bernardy de Sigoyer ont protégé au péril de leur vie l’immense reliquaire de notre civilisation.

    Le premier sera congédié par Jules Ferry, qui termina le travail des talibans rouges en faisant raser définitivement le palais des Tuileries, l’autre fut assassiné, dès le lendemain du sauvetage, par les fédérés. J’aurai désormais une pensée pour l’un comme pour l’autre chaque fois que je franchirai les guichets du Louvre. 

    * Valeurs actuelles