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  • Nicolas Doze, un « chroniqueur éco » de grand talent sur BFM-TV...

     

    Mur-bleu gds.jpgCe n'est pas la première fois que nous évoquons ici Nicolas Doze, cet excellent vulgarisateur d'un sujet parfois difficile, voire rebutant pour le grand public : l'économie.

    De par son sujet - probablement - mais aussi parce qu'il doit l'être au fond de lui-même, Nicolas Doze n'apparaît pas comme un esprit sectaire, dogmatique, confondant sa carte de presse avec la carte d'un parti. Il parle juste et vrai, s'en tient aux faits et s'abstient de tout commentaire ou jugement partisan. Ce qui, dans un monde journalistique où le politiquement correct règne quasiment en maître, mérite d'être salué...

    Ecoutez les 2'34 de cette courte « chronique éco » (courtes, donc pédagogiques et assimilables par le grand public, toutes ses chroniques le sont) : passée la première minute où il annonce deux bonnes nouvelles pour notre économie, Nicolas Doze commence à établir avec justesse et vérité un état des lieux de la situation globale de la France : ses points faibles, qu'il ne cache pas, bien au contraire (ses « trois boulets »+ : fiscalité trop lourde et inefficace, rigidités administratives, dépense publique...) et que nous ne cessons de dénoncer; mais aussi ses points forts, son attractivité malgré tout, et les multiples raisons de celle-ci....

    L'ensemble est instructif, intéressant et juste ; et, surtout, dans la morosité ambiante, où l'anxiogène est presque partout, Nicolas Doze donne des raisons d'espérer : l'écouter, c'est comme respirer un grand bol d'air frais dans notre monde radio-télé si pollué par le conformisme et le parti-pris, à sens unique (de gauche) évidemment; et si déprimant, le plus souvent, à entendre tous ces prophètes de malheur nous expliquant que la France est finie ...

    Sa conclusion, que vous allez entendre, nous la faisons nôtre, bien sûr, et c'est tout le sens de notre combat politique pour un changement d'Institution. 

     

    Attractivité et effet Brexit

  • Ces délais de paiement insupportables pour les TPE-PME et qui gangrènent notre Economie...

    Le bâtiment du ministère des Finances, à Bercy

     

    Mur-bleu gds.jpgArrêtons-nous aujourd'hui sur un sujet économique, rapporté et expliqué par le chroniqueur de France info ; assez bien pour que nous puissions nous contenter d'y renvoyer le lecteur.

    Et, puisque nous sommes en période électorale, voici une proposition que l'on s'étonne de n'entendre formulée par personne : pourquoi, au moins pour les sommes dues par une quelconque autorité publique (Etat, collectivité territoriale, Hôpital...), les banques où les TPE-PME ont leur compte ne seraient-elles pas tenues de considérer ces sommes comme « actif » ? La puissance publique paiera forcément, donc, pourquoi infliger des agios à une TPE-PME, voire la pousser à la fermeture pure et simple ?

    Reste le scandale des (grands) groupes privés qui - comme l'explique le journaliste - préfèrent faire fructifier l'argent qu'ils doivent plutôt que de payer rapidement ceux (les petites entreprises) à qui ils le doivent, quitte à payer une amende, de toute façon inférieure à ce que leur rapporte leur boursicotage économiquement criminel.

    Car l'argent, comme le disait Maurras, doit servir à... servir. Il doit servir à l'économie réelle, à ceux qui entreprennent, créent de la richesse, donc des emplois. Et non à une spéculation boursière malsaine menée par des financiers qui ont tout en tête, sauf le Bien commun.

    Gardons-nous des faciles « yaka », « izonka » ou « ifokon », mais il semble clair que, dans ce domaine, la loi parait être la seule solution. On en fait tant d'inutiles, ou de non respectées, que, pour une fois, le recours à la loi - qui nous paraît mauvais quand il est systématique - semble s'imposer, afin de réduire les délais et d'alourdir les peines, drastiquement, dans un domaine comme dans l'autre... 

    Ecouter [ou lire] ...

    http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-brief-eco/le-brief-eco-delais-de-paiement-les-grands-groupes-continuent-de-se-moquer-des-tpe-et-pme_2089281.html

  • Tout ce qui est racines est bon... : Les fêtes de Jeanne Hachette à Beauvais

    Ces fêtes, qui culminent avec le Cortège de l'Assaut, se célèbrent chaque année, à la fin du mois de juin. Elles trouvent leur origine dans un beau fait d'armes, qui mérite d'être raconté...

    Le 10 juillet 1472, les ouvriers couvreurs travaillant sur les toits de la cathédrale Saint Pierre voient s’élever, au loin, une poussière immense.

    Aussitôt, les 30 églises de la ville donnent l’alarme : il s’agit de l’armée de Charles le Téméraire et de ses Bourguignons qui, sachant la ville sans garnison et ses remparts en mauvais état, pensent s’en emparer sans coup férir. C’est compter sans le peuple et les bourgeois qui, courant aux remparts, et s’improvisant piqueurs, archers ou hallebardiers, soutiennent pendant onze heures l’assaut des Bourguignons aguerris.

    Cependant, fatigue et lassitude gagnent les défenseurs. Déjà, un soudard du Téméraire a pris pied sur la porte de Bresles. Il va y planter son étendard et crier "Ville prise !". Alors une femme, Jeanne Laisné, se rue sur lui, l'assomme d'un coup de hache, lui retire sa bannière et le précipite du haut du rempart.

    A ce spectacle, les défenseurs reprennent courage, l'ennemi se démoralise et bat en retraite, le Téméraire lève le siège. Beauvais reste au Roi !...

     

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    Ainsi, lorsque les hommes commençaient à faiblir, ce furent les femmes qui, à Beauvais, sauvèrent la ville...

    Et Louis XI voulut les honorer tout particulièrement lorsque l'année suivante, le 25 Juin 1473, il vint témoigner sa gratitude aux Beauvaisiens, et lorsqu'on lui remit, sur la grand-place, "les clefs de la Ville, dont l'ennemi ne put se saisir".

     

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    Et voilà pourquoi, depuis 1474 et chaque année, le Cortège historique de l'Assaut parcourt les rues de la ville, pour accomplir le Voeu du Roi. Et chaque année, l'espace d'un samedi et d'un dimanche, la Ville de Beauvais revêt des atours d'un autre âge et se replonge gaîment dans son noble passé...
     
     
    Quelques "moments" de cette reconstitution historique... :
     
     
    I : La Proclamation par les Hérauts d'Armes...
     
     
    Les Maire, pairs et échevins de la Ville de Beauvais, à tous ici présents et absents, bourgeois et marchands, gens d'Eglise et de Justice, artisans et manants :
    Savoir faisons que le Roy Louis le onzième, passant par deçà, et informé de ce qui fut fait céans l'an dernier où les habitants de Beauvais ayant à leur tête leurs femmes et leurs filles, repoussèrent les assauts du duc de Bourgogne, va venir ce jour en la cité pour lui témoigner sa gratitude, et vous invitons à l'accueillir et recevoir honnêtement avec nous.
    Demain dimanche, vingt-cinquième jour de juin, à trois heures de relevée, nous irons saluer le Roy sur la grand-place et lui présenterons les clefs de la ville dont l'ennemi ne put se saisir.
    Si donc, nous vous invitons à venir en nombre aux jour, heure et lieu ci-dessus, crier Noël au Roy, qui daigne nous visiter et nous apporter des gages de sa bienveillance.
    Pareillement vous invitons à assister ce soir au feu qui sera allumé en l'honneur du grand Monsieur Saint-Jean, auquel le Roy assistera, où jolies damoiselles et gentils damoiseaux s'ébaudiront; et à prendre part aux divertissements, danses et réjouissances qui marqueront la journée de demain.
    Et vous demandons de revêtir vos atours et parures de fête, et garnir vos maisons de tapis, fleurs et tentures de telle sorte que le Roy Louis emporte et clame bonne impression de vous.
    A tous salut !
     
     
     
     
     
    II : Présentation au Roi des clefs de la Ville...
     
     
     

    • Le Bailli : "Très noble Roi, notre Sire, les Maire, Pairs, Bourgeois et Habitants de Beauvais vous présentent les clefs de leur ville, moult honorés de vous voir en ses murs.

    •  Le Roy : Il nous a plu venir ici, afin de marquer notre gratitude à l'égard des habitants de Beauvais pour le service rendu l'an passé à notre Couronne, ainsi qu'il nous fut rapporté. Même nous dit-on que vos femmes se montrèrent vaillantes, et que l'une d'elles le fut particulièrement.

    •  Le Bailli : C'est juste vérité, gentil seigneur, que Jeanne Laisné se battit bellement avec un soudard, auquel elle arracha l'étendard qu'il plantait sur la muraille.

    •  Le Roy : Nous aimons faire quelque chose pour les petits et les humbles. Jeanne Laisné, n'ai-je pas ouï dire que tu as un promis ?

    •  Jeanne Laisné : Oui, Sire, c'est Colin Pilon, un bon compagnon de métier, qui l'an passé s'est montré bon sujet du Roi.

     

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    Le Roy : Qu'il avance ! En faveur de vos prochaines épousailles, et afin de vous rendre la vie plus aisée, Jeanne et Colin, soyez exemptés votre vie durant de tous impôts dûs à ma Couronne.

    Jeanne et Colin : Noël au Roi ! Que dieu le garde !

    Le Roy : Voulons qu'à toujours ait lieu à Beauvais une procession en l'honneur de Madame Sainte Angadrème, où les femmes précéderont les hommes. Et leur octroyons le droit de porter, au jour de leur noce, tels accoutrements et joyaux que bon leur semblera, sans qu'elles puissent en être reprises, ou blâmées. Ainsi dit !"

     

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    III : Réjouissances dans la Ville...

     

    Dès l'après-midi du samedi, on l'a vu, les "Maire, Pairs et Echevins" avaient donc convié  "bourgeois et marchands, gens d'Eglise et de Justice, artisans et manants à venir en nombre crier "Noël au Roy !".... Pareillement à assister au feu qui sera allumé en l'honneur du grand Monsieur Saint-Jean, où jolies damoiselles et gentils damoiseaux s'ébaudiront" : tout le peuple a répondu à l'appel...

    Et, le soir, la Bannière de la Porte de Bresles et le Pavois de la Hachette (ci dessous) sont promenés dans les rues de la ville, parsemées d'oriflammes et d'écus, par les filles du Peuple, les Demoiselles d'honneur de Jeanne Hachette et les Dames bourgeoises.

     

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    IV : Les représentants de la "bonne ville" devant le Roi...

     

    Puis vient le Corps de Ville : le Porte Clefs, Pierre de Creil, Maire de Beauvais en 1473, le Bailli et le procureur de la ville, les pages Diseurs, les pairs, Echevins et Notables, suivis des Fous du roy.

    Puis se présententent les Seigneurs du Beauvaisis :

    • Loys Gommel de Balagny, Capitaine de la ville;

    Jehan Courras, Maître de forteresse;

    le Sire de Fontenailles, Guillaume de la Roche Tessson, et leurs suites...

     

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    V : Le Roi entre dans la Ville...
     

             

    Enfin, précédé de ses bouffons, le Roi Louis XI fait son entrée à cheval, accompagné par le Cardinal, Olivier le daim, Jacques Coictier, et les Seigneurs de sa suite... Le Porte Heaume, le Porte Etendard, le Porte gantelet, le Porte Epée, les Hommes d'Armes mais aussi la meute royale, les Apothicaires du Roy et l'escorte royale...

    Tout autour, les Petits Musiciens du Roy et les Cavaleries du Beauvaisis exécutent des carrousels, dont les rythmes lents et majestueux s'élèvent, purs et fragiles, dans la chaude et douce nuit d'été...

    Enfin, fermant la marche du Cortège de l'Assaut, les Corporations et le menu peuple de Beauvais qui lui aussi, ayant été à la peine, se trouve à l'honneur: orfèvres, potiers, lainiers, canonniers, taverniers, fleuristes, brossiers, chapeliers, modistes, jardiniers, coiffeurs, charcutiers, boulangers et pâtissiers...

     

     

    Ainsi, les siècles passent, mais les habitants de Beauvais veulent "tenir serré le lien qui nous tient réunis avec les Pères de notre esprit et de notre goût", selon l'heureuse formule employée par Maurras dans la préface d'Anthinéa (1942). Ils veulent maintenir ce lien privilégié qui les unit à leur passé, et rester familier avec lui. "Les arbres qui montent le plus haut dans le ciel - disait Gustave Thibon - sont ceux qui poussent leurs racines le plus profondément dans la terre..."

    Oui, à Beauvais comme ailleurs, comme à Orléans avec Jeanne d'Arc, comme partout, tout ce qui est Racines est bon...

     

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  • Mort d’un voyou à Marseille, la belle affaire, par Guy Daniel.

    Cité des Rosiers, Marseille, 30 août 2021 © Nicolas TUCAT / AFP

    La ville a juste une longueur d'avance dans la course nationale au séparatisme

    Marseille, où se rend le médecin urgentiste Emmanuel Macron pendant trois jours, n’est pas Chicago. Et question insécurité, Paris connait en réalité une situation plus périlleuse encore.

    En ce moment, Marseille est une sorte de gilet jaune ! Tout un tas d’improbables, à cravate ou à talons, se succèdent sur les plateaux en expliquant avoir trouvé dans cette ville la confirmation de leurs certitudes. Mais contrairement à l’époque des gilets jaunes, où chacun assurait en avoir rencontré au moins un et se permettait d’en déduire ce que pensaient tous les autres, ici, la plupart se prononcent sans même faire semblant de connaître la ville.

    Marseille a un côté insupportable, même pour les gens qui l’aiment. Bruyante, sale, bordélique. Le stationnement est quasi-officiellement en double-file, manger dans beaucoup de ses gargotes relève de la mithridatisation, les plages sont hantées par des hordes de crétins (et tous ne sont pas issus des quartiers nord). On pourrait faire une longue liste.

    Plus belle la vie

    Mais la liste des bons côtés de Marseille est bien plus longue, et moi qui ai (sur)vécu dix ans à Paris, et travaillé dans les plus grandes villes du pays, je n’ai strictement aucun doute quant à savoir où il est le plus sympathique de vivre.

    Dans la deuxième ville de France, on peut passer sa vie dans des zones semi-rurales, parcourant des chemins où deux voitures ne passent pas de front, sans croiser l’un de ces nouveaux barbares qui, si on en croit les journaleux parisiens, seraient devenus maîtres de la ville. Ici, suivant le quartier où on habite (quartiers qui constituent, je le rappelle ou vous l’apprend, la plus grande ville bâtie de France) on peut ne jamais croiser que des bourgeois, vivants entre eux en villas et en résidences de standing, au milieu de jardins, de parcs et par endroits de forêts. Un Parisien qu’on perdrait au cœur des accates mourrait sans doute de faim avant de réussir à en sortir, et ne trouverait d’autre issue au vallon des Auffes que de partir à la nage.

    Quant à ceux qui s’imaginent avoir tout vu et compris de la ville parce qu’ils ont pris le promène-couillons pour sillonner le Panier, faire le tour du vieux port et monter à Notre-Dame de la Garde, ils ont vu autant de la ville qu’un touriste à Paris qui aurait fait le tour du marché aux fleurs sur l’île de la Cité. D’autant que l’hypercentre (oui, ici, on distingue le centre de l’hypercentre, ce n’est pas une petite ville genre Paris ou Lyon) n’est plus guère fréquenté que par les barbares, à l’exception d’une paire de rues commerçantes où l’on ne vient qu’en journée. Le reste du temps, les gens normaux vivent dans leurs quartiers, à des kilomètres des contrées sauvages.

    Deux mondes parallèles

    Car Marseille n’est pas une ville, mais un assemblage de villages rebaptisés quartiers. Il y a une Marseille des gens tranquilles et une Marseille des barbares, et si ni l’une ni l’autre ne sont d’un seul tenant, les barbares vivent tous dans des endroits où il n’y a plus, ou guère, de gens normaux. Les 1er, 2, 3, 13e 14e et 15e arrondissements leur ont été dans leur plus grande partie abandonnés. Ils y vivent, et y meurent sous les balles, dans la plus totale indifférence des autres Marseillais.

    Certes, les habitants sont tous marseillais, mais ils sont aussi de Mazargues ou de Saint Banabé, d’Endoume ou de Saint Victor, des Camoins ou des cinq avenues, quand ils sont normaux. Et quand ils sont d’Airbel, de la Busserine ou de la Castellane, ils sont des cités barbares. Ce sont deux mondes parallèles, que la distance physique achève de séparer. Et ce n’est pas la présence de l’un ou l’autre brave type dans ce genre d’endroits, celui qu’on s’empresse de mettre en avant pour affirmer qu’il ne faut pas généraliser, qui y changera quoi que ce soit.

    C’est ainsi que tout le secteur où Pagnol situe les vacances de son enfance fait à présent partie intégrante de la ville, mais vit à un rythme complètement différent de celui du vieux port. Le 11ᵉ arrondissement, dont il fait partie, fait près de 3000 hectares. Il y existe quelques cités barbares, mais géographiquement aussi éloignés des anciens villages de Pagnol que la Seine-Saint-Denis du 7ᵉ arrondissement de Paris, et sans transports en commun pour relier les deux. Tout ce que l’habitant moyen de la cité de la Valbarelle connaît du quartier des Accates, c’est la colline qu’il voit à l’horizon.

    On a coutume de dire que l’absence de violences urbaines à Marseille serait entre autres due au fait que les cités sont dans la ville. C’est vrai et faux à la fois. Si le partage de l’identité marseillaise peut en effet aider, la distance qui sépare les zones barbares de la normalité n’est pas moins importante que l’équivalent en région parisienne. Les panneaux d’entrée et de sortie d’une ville ne sont qu’une convention. Qu’on rapproche le nombre de morts violentes en Île-de-France de celui des Bouches-du-Rhône, et on aura déjà une idée plus précise de la dangerosité de chacune de ces zones.

    Pas partout à feu et à sang

    L’autre légende entretenue par la sociologie en chambre est que Marseille serait un melting-pot. C’est on ne peut plus faux. Marseille a une densité de 3609 h/km² pour 240.6 km², Paris intra-muros de 20745 h/km² pour 105.4 km². Sauf exceptions, les habitants de Marseille n’ont ni besoin ni envie de se croiser. Les gens ne vivent pas les uns avec les autres, mais les uns à côté des autres, et même loin des autres. Un habitant de Saint Julien n’a pas plus de lien géographique ou culturel avec un individu de la cité du parc Kallisté qu’un bourgeois de Saint-Germain-des-prés avec un habitant de Gonesse.

    Alors quand on entend l’un ou l’autre idiot expliquer que Marseille serait à feu et à sang parce qu’un quarteron de voyous se sont flingués les uns et les autres – phénomène dont à Marseille chacun se félicite tant nul, à part ceux qui y vivent ou en vivent (associatif frelaté, politiques clientélistes, etc…), ne se sent concerné par le sort des quartiers Nord- , le Marseillais moyen se demande s’il existe quelque part ailleurs en France, une autre ville de ce nom.

    Car cette vision ne correspond en aucun cas à la délinquance telle que les Marseillais la vivent au quotidien. Non seulement Marseille n’est pas Chicago, mais elle est même moins touchée par les violences crapuleuses que les autres grandes villes françaises. Un sac à main ou une chaîne en or y ont plutôt moins de chances d’être arraché qu’ailleurs, et encore cela se produira-t-il dans le centre de la ville, où se croisent en journée gens normaux et barbares. Quant aux plans de stups, ils tournent dans les zones peuplées par les barbares, et fournissent de la drogue à des toxicomanes. C’est dire si les gens des quartiers préservés s’en contrefichent, sauf à faire partie des drogués, auxquels cas ils prennent leurs propres risques.

    Mais il est vrai qu’il vaut mieux, vu de Paris, mettre l’accent sur la mort pourtant insignifiante d’une poignée de voyous, plutôt que de se poser la question dérangeante de savoir pourquoi partout ailleurs, et bien plus qu’à Marseille, les voyous préfèrent attaquer les forces de l’Ordre et plus généralement les représentants de l’État plutôt que de s’entretuer.

    Des précurseurs du séparatisme

    J’ai pourtant tendance à penser que dans le reste de la France, les gens font comme les Marseillais : ils se fichent de la mort de voyous, peu importe leur âge, quand ils ne s’en félicitent pas. Alors plutôt que s’émouvoir de cette forme particulière de saturnisme qu’est la mort par balles quand elle touche des criminels, que les journalistes se préoccupent de la seule vraie insécurité, celle que connaissent les vrais gens, dont ils sont si éloignés.

    Je sais ce que tout ceci semble plaider pour le séparatisme, plutôt que pour le maintien de l’unité nationale. Ce n’est en aucun cas mon souhait : je fais simplement le constat que le renoncement, depuis près d’un demi-siècle, à appliquer les lois qui fondent la République au faible prétexte qu’elles sont sans pitié avec les voyous, a fait que le séparatisme est déjà une réalité à Marseille, et qu’à l’instar de ce qu’on pouvait voir jadis en Afrique du Sud, certains peuvent parfaitement vivre avec. Ce n’est qu’une question d’argent.

    Marseille est ici précurseur, ce qui ne lui arrive pas souvent. Ce n’est hélas pas pour le meilleur, et la façon dont les Marseillais vivent dans leur ville sera bientôt celle adoptée par le reste des Français, quand ils pourront se le permettre. C’est juste un choix de société, une autre que celle proposée par la République française. J’ai la chance d’avoir les moyens de faire avec. Et vous ?

     

    est marseillais. Cela en fait un toutologue dont l'incompétence n'a d'égale que la mauvaise foi.
  • Puisqu'on parle beaucoup d'Ukraine en ce moment, et d'Odessa en particulier...

    ...voici l'ajout de notre toute dernière "entrée" de nos Éphémérides, porté au 22 avril. 
     
    1828 : La ville d'Odessa inaugure la statue de son "Duc en or"...
     
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    L'établissement d'Odessa n'avait pas dix ans lorsque Armand-Emmanuel du Plessis de Richelieu se vit confier la mission de fonder une véritable ville sur la mer Noire, là où ne s'élevait alors qu'un embrion, un désir de ville...
    Il réussit tant et si bien que, aujourd'hui encore, Odessa révère toujours son "Duc en or"...
    Michel Mourre dit de lui qu'il "fut nommé gouverneur de la province d'Odessa (1803/14), qui lui dut son premier essor" (Dictionnaire encyclopédique d'Histoire, page 3883).

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    Statue en bronze du duc de Richelieu, appelée aussi "statue du duc", représenté en pied, en toge romaine. 

    Ultra royaliste, le duc de Richelieu quitta provisoirement la France aux mains des terroristes révolutionnaires, pour s'installer en Russie. Il devint maire en 1803 du tout nouvel établissement d'Odessa, fondé très peu de temps auparavant (en 1794) dans ce qui était alors la province de Nouvelle-Russie, mais n'était en rien une ville véritable; il en devint deux ans plus tard Gouverneur-général (de 1805 à 1814). Les Odessites - francophiles et francophones - l'appelaient "notre duc" et le considèrent à juste titre comme l'un des fondateurs de la ville, puisqu'il en a fait dessiner certains plans et, surtout, construire le port, qu'il imagina et voulut tout de suite "libre", affranchi de toute douane, ce qui permit immédiatement un véritable essor du commerce, le port d’Odessa s’enrichissant particulièrement dans l’exportation des céréales et du blé...

    Au retour des Bourbons, le duc de Richelieu retourna en France, où il devint Pair, puis président du Conseil des ministres et ministre des Affaires étrangères. Il mourut en 1822 à Paris à l'âge de 56 ans.

    Sur cette statue, le duc de Richelieu, en toge romaine, est représenté sur un piédestal de granite rose poli avec trois bas-reliefs de laiton figurant l'agriculture, le commerce et la justice. La plaque que l'on distingue ici porte l'inscription suivante :

    "Au duc Emmanuel de Richelieu Gouverneur de 1803 à 1814 de la Nouvelle-Russie qui fut à la base du bien-être d'Odessa, ses habitants reconnaissants de toute condition, en souvenir de ses œuvres, issus de cette ville, ainsi que des gouvernements d'Ekaterinoslav, de Chersonèse et de Tauride ont érigé ce monument en 1826, sous le gouverneur-général de Nouvelle-Russie, le comte Vorontsov"

  • Ségolène parle d'Olympe..

    On savait que Ségolène Royal avait un gros problème avec la langue française: le plus bel exemple n'étant pas la savoureuse " bravitude" mais bien plutôt la "spiritualité" d'Arnaud Montebourg. Cherchant à excuser ce dernier d'un jeu de mot douteux, Ségolène a bien voulu lui pardonner, en martyrisant au passage la langue française, et en se couvrant une fois de plus de ridicule, puisqu'au lieu de parler de son humour ou de sa drôlerie, elle a évoqué sa "spiritualité", croyant évoquer par là un être "spirituel", c'est à dire drôle, maniant un humour délicat et raffiné, tel un Guitry par exemple; c'était évidemment "humour" qu'il fallait employer, le terme de "spiritualité" se référant bien sûr à des auteurs traitant de spiritualité ou de religion, comme Saint Augustin ou Pascal, dont on conviendra que Monsieur Montebourg est malgré tout assez éloigné...

    On vient de découvrir que Madame Royal a également un problème avec l'Histoire: durant la campagne électorale, elle s'est lancée dans un vibrant éloge d'Olympe de Gouges, et n'a pas hésité à demander le transfert de ses cendres au Panthéon !

    Bigre ! Sait-elle vraiment qui fut Marie Gouze, plus connue de nos jours sous son pseudonyme d'Olympe de Gouges (nettement plus flatteur, on en conviendra...); et surtout comment et pourquoi elle mourut, à 45 ans, guillotinée par Maximilien et sa bande de fous furieux ?

    Ségolène se moque bien de l'Histoire, et préfère nous sortir  son vernis culturel, selon le principe bien connu: la culture, c'est comme la confiture, moins on en a, plus on l'étale ! Elle pense donc que notre chère Marie/Olympe fut simplement une féministe, et c'est au moment de la Journée des Femmes que Madame Royal a fait cette proposition saugrenue de transfert de cendres au Panthéon.

    Pourquoi saugrenue ? Tout simplement parce que Marie/Olympe, royaliste, adopta les idées de la révolution au moment où, pour tout le monde, cette révolution semblait n'être que l'évolution nécessaire dont avait rêvé, par exemple, un Mirabeau... Mais assez vite, par la suite, révoltée et effrayée par les horreurs dont Danton, Robespierre et consorts se rendirent coupables, et lucide sur les conséquences de ce qui ne pouvait plus que déboucher sur le Totalitarisme, Marie/Olympe redevint la royaliste qu'elle avait été. Elle eut le courage, la noblesse de coeur et la grandeur d'âme de défendre Louis XVI et de rédiger des pamphlets contre Marat et Robespierre. Un tel courage ne pouvait bien sûr pas rester impuni: Robespierre la fit guillotiner le 3 novembre 1793, trois semaines après Marie Antoinette, à qui elle avait crânement adressé le préambule de sa "Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyennne".

    Alors, Madame Royal, de grâce: si vous voulez vous servir chez nous, piller nos auteurs et encenser nos grandes figures, surtout ne vous gênez pas, faites comme chez vous et allez-y de bon coeur ! soyez juste honnête, intellectuellement s'entend, et citez vos sources; citez-les complètement; et n'omettez pas, dans le cas de Marie/Olympe, de dire la simple vérité: elle a été assassinée par vos amis, ceux qui ont instauré le Totalitarisme; ceux qui ont mis la France, l'Europe et le monde à feu et à sang;  ceux qui ont pratiqué le premier génocide, dont tous les autres découlent, de Hitler et Staline à Mao et Pol Pot; ceux qui avec leurs Colonne Infernales ont inventé et préfiguré les Waffen SS, et qui en Vendée ont réalisé le premier Oradour sur Glane...   

  • Versailles : Une restauration exceptionnelle financée par l'horloger Bréguet (2/2).....

              Pour la première fois depuis le départ précipité de la famille royale, en octobre 1789,, la totalité des espaces intérieurs du Petit Trianon, du jardin et du Pavillon français est accessible. Il était possible jusqu'alors de visiter les appartements de la reine, à « l'étage noble », ainsi que certaines pièces de l'étage du roi, sur rendez-vous.

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               En même temps que le Pavillon français, situé à quelques mètres, le Petit Trianon a été intégralement repris, et la totalité des espaces intérieurs est désormais restaurée, ré-ouverte au public et remeublée dans l'ambiance de l'époque de Marie-Antoinette.

               L'ensemble des décors, des peintures ou des papiers peints a été restauré, les différents appartements remeublés avec des mobiliers d'origine. L'escalier d'honneur et sa rampe en fer forgé ont été remis à neuf. « Ce bâtiment, très novateur à l'époque, n'a été habité que par des femmes. Nous avons essayé de retrouver l'atmosphère de confort et d'intimité qui y régnait » , explique Pierre-André Lablaude. Construit à l'origine par Louis XV pour M me de Pompadour - laquelle est décédée avant d'avoir pu y loger -, le Petit Trianon a d'abord accueilli Mme du Barry. Après Marie-Antoinette, il est vidé, puis mis en location. Napoléon y logera sa sœur Pauline Borghèse, puis l'impératrice Marie-Louise. La duchesse d'Orléans s'y installera en 1836. Mais Marie-Antoinette reste la figure emblématique de ce lieu, dont elle a fait sa retraite privée, loin des bruits de la cour.

             Au rez-de-chaussée, désormais tel qu'il était à la fin de l'Ancien Régime, on trouve la salle de garde, la salle de billard, un réchauffoir avec son fourneau, et la salle dite de l'argenterie, où l'on peut voir deux ensembles de la manufacture de Sèvres, dont celui « à perles et barbeaux », commandé par Marie-Antoinette en 1781.

              Dans les étages, c'est surtout la chambre de la reine (ci-dessous) ainsi qu'un petit cabinet « des glaces mouvantes » - permettant de masquer les fenêtres afin de créer une intimité totale - qui attirent l'œil. Les travaux ont permis de refaire à l'identique la bibliothèque de la reine, marquée d'un PT (« Petit Trianon »). Au fil du temps, Versailles s'est efforcé de retrouver des meubles d'époque, disparus ou vendus pendant la Révolution, afin de faire du Trianon un espace « habité ». La restauration de nombreux petits cabinets de toilette renforce cette impression.

    marie antoinette petit trianon.JPG


              Ce sont des artisans français dont l'Atelier Mériguet-Carrère pour les peintures, Aubert Labansat pour les parquets, Garnier pour les bronzes et serrures qui ont travaillé à la renaissance du petit palais. Les couleurs d'origine ou les copies de papiers peints d'époque ont été travaillés à partir de lambeaux découverts lors des travaux. Les appartements de la reine regorgent ainsi de décorations de fleurs et de fruits, rappelant les jardins. Les fenêtres d'origine, avec des grands carreaux, ont été rétablies.

     

              Dans l'attique, aux côtés des pièces de Louis XIV - qui n'y a de fait jamais dormi -, on peut désormais voir les chambres de Mme Royale, de l'impératrice Marie-Louise ou le boudoir de la duchesse d'Orléans. (fin).

  • Pour ne jamais oublier : 1er Août et 1er Octobre 1793 : Brève évocation du génocide vendéen (2/2). Ou : le Système en ac

             Voir notre Album Totalitarisme ou Résistance ? Vendée, "Guerres de Géants"... , et plus particulièrement les documents de la partie 2 : "...et pour la liberté de l'homme intérieur". pour plus de "détails" (!) sur les atrocités commises en Vendée, notamment l'Oradour 150 ans avant Oradour que fut la monstruosité des Lucs-sur-Boulogne...

     

     

    lzare.JPG1er Octobre 1793 : jour funeste ! Devoir d’oubli ou devoir de Mémoire ?.... (suite et fin de la note du 1er Aout).

              Franchement, on préférerait parler d’autre(s) chose(s)…. Et ce n’est bien sûr certainement pas par une espèce de fascination morbide, malsaine, pour cette page noire de notre Histoire que nous revenons là-dessus. Nous préférerions vraiment la tourner définitivement, cette page, et qu’elle reste enfouie dans un oubli total dont, vu sa laideur, nul ne viendrait la tirer.....

              Oui mais voilà : avec cinq autres dates (1) de la même année 1793, cette date funeste du 1er Octobre fonde le régime qui nous gouverne aujourd’hui.  Elle est l’une de celles qui sont à la base de ce système dont  parle Boutang  lorqu’il évoque cette « désolante pourriture » d’une société qui « n’a que des banques pour cathédrales »  et dont il n’y a au sens propre « rien à conserver »

              Nous sommes donc bien obligés de remonter à la source –aux sources…-, à l’origine de ces maux que nous combattons aujourd’hui, si nous voulons re-fonder en permanence notre Royalisme et notre opposition au Régime républicain idéologique. Car pourquoi continuer à s’opposer, deux siècles après qu’elle ait eu lieu, à une Révolution qui s’est passée si loin de nous maintenant ? Si ce n’est parce que nous ne pouvons toujours pas accepter –et nous ne le pourrons jamais- ses bases et ses fondements qui s’appellent Totalitarisme, Génocide et, dans un domaine un peu différent, état d’esprit haineux et xénophobe ("l'Autrichienne", "...Qu'un sang impur..."...) préfigurant l’une des sources du Racisme moderne ?

    (1) : 1.  21 Janvier 1793 : assassinat de Louis XVI, acte fondateur des Totalitarismes modernes.

           2.  1er Août 1793 : première loi de Carnot organisant le Génocide Vendéen, premier Génocide  des Temps modernes.

           3.  1er Octobre 1793 : deuxième loi de Carnot....

           4.  16 Octobre 1793 : assassinat de Marie-Antoinette ; on trouve dans les torrents de haine et d’hystérie planifiés et orchestrés contre «  l’Autrichienne » une xénophobie exacerbée qui peut être considéréee comme l’une des sources lointaines du Racisme moderne...

           5.  A ces quatre dates doit être ajoutée celle du 3 juillet 1793, le début de la terrifiante descente aux enfers du petit Dauphin, Louis-Charles duc de Normandie, âgé à ce jour de huit ans et quatre mois. Arraché à sa mère, il va être lentement et méthodiquement détruit, son massacre prenant la forme d'un long et douloureux enfermement, au secret dans une chambre obscure, sans hygiène, sans soins et sans visites, souffrant de gale et de tuberculose; pour ne s'achever que le 8 juin 1795: il a alors 10 ans et trois mois. Le message est très clair: plus rien ne "tient" devant l'Etat, plus rien n'est sacré, plus rien n'est au-dessus de la folie des hommes, pas même l'évidente innocence d'un petit enfant, par définition -pourrait on dire- forcément exempt de tout crime: et c'est bien le Totalitarisme..... 

              Nous l’avons dit et écrit plusieurs fois (à propos de l’Espagne entre autre…). Il faut savoir oublier. Mais ce devoir d’oubli n’est pas un devoir d’amnésie. S’il faut bien sûr savoir tourner les pages, il faut aussi rester lucides, et connaître bien l’origine de nos maux; savoir d’où ils viennent; où, quand et comment ils ont commencé. Conçu ainsi, le devoir d’oubli ne s’oppose pas au devoir de Mémoire. Maurras ne disait-il pas qu’il fallait s’accommoder de la Révolution-fait mais se dépêtrer de la Révolution-Idée ?

              Voilà pourquoi cinq fois par an, à chacun de ces cinq jours de si triste anniversaire, nous ne pourrons faire autrement que d’évoquer, à côté de l’actualité du jour, cette sorte d’actualité intemporelle, qui ne passe pas, qui nous gouverne encore aujourd’hui, et dont nous subissons encore aujourd’hui les effets néfastes, désastreux et destructeurs. La Révolution-fait est achevée depuis bien longtemps; mais la Révolution-Idée est malheureusement toujours à l’œuvre en France. Dénoncer ses fondements, ses bases mêmes, est le service le plus urgent, le service premier qu’il convient de rendre à la France, à côté des autres et en parallèle avec eux, si l’on veut œuvrer pleinement et sérieusement, et d’une façon essentielle, à ce combat de simple survie de notre Nation qu’évoquait Jacques Bainville lorsqu’il disait : « Pour des Renaissances il est encore de la foi »…..

              Le décret du 1er octobre 1793, pris par Lazare Carnot, vient complèter, poursuivre et, en quelque sorte, "achever", le décret du 1er août du même Lazare carnot . Il est décliné sur le mode du discours de Caton auprès du sénat romain, "Delenda est Carthago" :

    révolution,république,totalitarisme,génocide,génocide vendéen,vendée,lazare carnot          "Détruisez la Vendée, Valenciennes et Condé ne sont plus au pouvoir de l'Autrichien... Enfin chaque coup que vous porterez à la Vendée retentira dans les villes rebelles, dans les départements fédéralistes. La Vendée et encore la Vendée, voilà le charbon politique qui dévore le cœur de la république française; c'est la qu'il faut frapper".

              (Ci-contre, les ruines du château des La Rochejaquelein, à la Durbelière...)

              Après la prise de Laval le 23 octobre, et la défaite républicaine d'Entrammes, le 26 octobre 1793, un nouveau décret daté du 11ème jour du 2ème mois, portera que "toute ville de la république qui recevra dans son sein les brigands ou qui leur donnera des secours sera punie comme ville rebelle. En conséquence, elle sera rasée et les biens des habitants seront confisqués au profit de la république".

              Les mesures préconisées furent appliquées à la lettre par les représentants en mission auprès des armées et dans les départements.

              Le 29 novembre 1793, le représentant Fayau écrit aux administrateurs du département de la Vendée :

             "Vous savez comme moi citoyens que les brigands appelés de la Vendée existent encore quoique on les aie tués plusieurs fois à la tribune de la ConventionJe vous engage à prendre les mesures les plus promptes et les plus énergiques pour que les armées catholiques et royales dans le cas ou elles rentreraient dans la Vendée n'y trouvent plus qu'un déser…Il serait bon, citoyens, que des commissaires nommés par vous se transportassent de suite dans toutes les parties de votre département pour en faire retirer toutes les subsistances et pour faire arrêter tous les citoyens qui ont pris part directement ou indirectement aux troubles de la Vendée. Il faut purger la Patrie…"

              Le représentant Francastel n'est pas en reste. Le 25 décembre 1793, il écrit au Comité de Salut Public :

             "Je fais débarrasser les prisons de tous les infâmes fanatiques qui s'étaient échappés de l'armée catholique. Pas de mollesse, que le torrent révolutionnaire entraîne tout ce qui lui résiste scandaleusement. Purgeons, saignons jusqu'au blanc. Il ne faut pas qu'il reste aucun germe de rébellion…"

    révolution,république,totalitarisme,génocide,génocide vendéen,vendée,lazare carnot          En novembre 1793, le général Turreau est nommé commandant en chef de l'armée de l'ouest avec la charge de faire appliquer le décret du 1er août. L'ordre de départ est donné le 21 janvier 1794. Cette première phase sera appelée "La Promenade Militaire", alors qu'à cette date la Grande Armée Catholique et Royale n'est plus qu'un nom. Turreau divise l'armée en six divisions de deux colonnes chacune, qui ont pour mission de ratisser le territoire et d'exterminer la population. Ce sont les Colonnes infernales, qui vont se livrer au génocide des Vendéens. L'ordre du jour du général Grignon, commandant la 2ème division est très clair :

             "Je vous donne l'ordre de livrer aux flammes tout ce qui est susceptible d'être brûlé et de passer au fil de l'épée tout ce que vous rencontrerez d'habitants". Les rapports des généraux républicains commandant les Colonnes sont aussi particulièrement explicites: "Nous en tuons près de 2000 par jour.J'ai fais tué (sic) ce matin 53 femmes, autant d'enfants.J'ai brûlé toutes les maisons et égorgé tous les habitants que j'ai trouvés. Je préfère égorger pour économiser mes munitions…".

              Le Général Westermann, dans sa lettre à la Convention du 23 décembre 1793, jour où 80.000 Vendéens sans armes - dont 50.000 femmes et enfants - furent exterminés à Savenay, précisait que : « Il n’y a plus de Vendée, citoyens républicains, elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les bois et les marais de Savenay. Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, et massacré les femmes qui, au moins pour celles-là, n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé ».

              Lequinio, représentant du peuple dans la Charente et la Charente inférieure est encore plus explicite dans sa lettre du 8 ventôse an 2 (26 février 1794) :

              "Je crois que si par séduction, argent, violence ou autrement, on avait pu s'emparer des chefs, il serait possible de n'exterminer que les étrangers, car quoique l'on puisse en croire, ce sont les hommes du pays même qui sont le moins dangereux; ils seraient réduits à l'instant s'ils s'étaient laissée à eux mêmes; mais ce sont les prêtres, les nobles, les étrangers et les déserteurs mêlés au milieu de nous qui rendent leur réduction impossible. Il faut donc nécessairement les égorger tous. C'est le parti que facilite l'arrêté que mes collègues Garrau, Hentz et Francastel viennent de prendre, en faisant retirer dans l'intérieur de la république tous les réfugiés de ce pays, réduits au désespoir, ainsi que le sont les habitants de se pays pervertis (sic) par les scélérats étrangers qui sont au milieu d'eux et qu'il n'eut pas été possible d'en séparer. Il est impossible maintenant qu'on use envers eux des moyens que l'on pouvait employer autrefois de concert avec la poursuite des étrangers. Il faut donc se décider à tout massacrer."

              Le décret du 20 février 1794 ordonnait la déportation des innocents et des bons citoyens de manière à ne laisser plus dans les pays révoltés que "les rebelles que l'on pourra plus aisément détruire"...

    révolution,république,totalitarisme,génocide,génocide vendéen,vendée,lazare carnot          Les exemples cités supra montrent la volonté incontestable de la Convention d'anéantir une population; ce qu'explique en 1794 Gracchus Babeuf dans un pamphlet, Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier, dans lequel il dénonce les exactions commises par Jean-Baptiste Carrier (ci-contre) lors de sa mission à Nantes, dont il affirme qu'elles renvoient à un système de dépopulation qu'il nomme « populicide ».

              Comme le mot "génocide", forgé par Lemkin en 1944, il est employé pour désigner une forme de crime dont l'appréhension est inédite, le meurtre de masse visant un peuple dont le seul tort est son origine ethnique, sociale ou son choix politique. Pierre Chaunu, historien et membre de l'Académie des Sciences Morales et Politiques depuis 1982, n'a pas hésité à parler de génocide Franco-Français dans l'avant propos du livre de Reynald Secher qu'il a signé: "Nous n'avons jamais eu l'ordre écrit de Hitler concernant le génocide juif, nous possédons ceux de Barrère et de Carnot relatifs à la Vendée".

     

              Les moyens utilisés pour ce faire, rapportés notamment par Reynald Secher (cf. ouvrage cité supra), ou par Michel Ragon (1793 l'insurrection vendéenne et les malentendus de la liberté, Albin Michel, Paris, 1992), ont été nombreux : épuration ethnique par mutilation sexuelle, création du premier camp d'extermination de l'histoire moderne à Noirmoutier, premiers essais de gazage de masse (insuccès, dû au gaz employé et à l’absence de confinement), premières crémations avec les fours à pain et les églises (exemple de l'église des Lucs-sur-Boulogne où furent brûlés vifs 563 villageois), noyades collectives avec les noyades des galiotes ou en couples avec les mariages républicains dans la Loire, création à Clisson d’ateliers de tannage de peau humaine – peau dont se vêtissent les officiers républicains - et d’extraction de graisse par carbonisation des corps des villageois massacrés…

               A force de tueries, des municipalités, pourtant républicaines, et des Représentants du Comité de Salut Public finissent par s'émouvoir. Turreau est relevé de ses fonctions en mai 1794, puis décrété d'arrestation en septembre. Jugé en décembre 1795, il est acquitté à l'unanimité...

              Son nom est gravé sur le pilier est de l'Arc de Triomphe, et ainsi offert -en quelque sorte...- à l'admiration et à la vénération des foules..... 

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    Aux bourreaux, l'Arc de Triomphe !...

  • Jeux olympiques : « Charles Maurras avait raison ... Le sport divise plus souvent qu'il unit ! »

     

    Par Alexis Feertchak           

    Pour l'ouverture des Jeux olympiques de Rio, l'historien du sport Pierre Arnaud a accordé un long - et intéressant - entretien au FigaroVox [5.08]. Loin de l'esprit de Coubertin, l'olympisme est selon lui gangréné par la corruption et les luttes politiques. Il s'y déclare d'accord avec Charles Maurras sur un point capital. Il n'est que de lire ... D'autant que les analyses techniques intéresseront les sportifs.   LFAR

     

    Lors des premiers Jeux olympiques, à Athènes en 1896, Charles Maurras écrivait : « Cet internationalisme-là ne tuera pas les patries, mais les fortifiera ». Son constat résiste-t-il au temps ?

    3972855348.jpgPierre ARNAUD. - Pierre de Coubertin écrivait en 1920 (soit 25 ans plus tard que Charles Maurras!) : « [l'olympisme doit] créer de la force nationale par l'entraînement sportif et de l'harmonie internationale par la concurrence sportive ». Une fois encore le « visionnaire » confondait ses désirs et la réalité. En conséquence et pour vous répondre précisément: Charles Maurras avait raison, ce qui ne saurait réjouir le démocrate que je suis.

    Le Comité international olympique a pris la décision de confier aux fédérations internationales la responsabilité d'exclure des sportifs russes alors que nombre d'entre eux sont convaincus de dopage. Comment analysez-vous cette décision ?

    Cette question est délicate. La réponse peut susciter bien des controverses. Sans doute conviendrait-il, avant de répondre, de consulter la Charte Olympique. Mais parle-t-elle d'ailleurs de ce cas précis ? Je vais tenter d'apporter une réponse de bon sens. Le CIO désigne parmi les villes candidates, celle qui sera officiellement chargée d'organiser les Jeux Olympiques. De ce fait, si le CIO choisit et élit une ville parmi les candidates, il ne choisit pas les athlètes qui vont concourir dans les différentes épreuves. Cela ne me semble pas de son ressort. Encore que... S'il y a infraction aux règles et aux codes de l'éthique sportive et olympique, chacun peut imaginer et accepter que le CIO joue le rôle d'un gendarme en excluant les contrevenants. Cependant, c'est bien en amont qu'il faudrait endiguer, contrôler et sanctionner les pays et les athlètes ainsi que les équipes médicales qui sont chargées de leur contrôle et de leur suivi... Il est donc clairement de la responsabilité des Fédérations sportives internationales et nationales de sélectionner les athlètes qui sont jugés dignes (du point de vue de leur performance - minima olympiques - et de l'éthique sportive) de représenter leur pays. Quant aux responsabilités politiques des Etats... il conviendrait aussi de les sanctionner lorsqu'elle est démontrée !

    Historiquement, quel sens donner aux divers boycotts ? Erodent-ils le mythe pacificateur du sport cher à Pierre de Coubertin ?

    Les boycotts sont toujours politiques ! Qu'il s'agisse de Championnats ou de Coupes du Monde ou de Jeux Olympiques... Le sens à donner me semble toujours le même : le manquement aux valeurs universelles des droits de l'Homme par des régimes politiques qui revendiquent l'organisation de compétitions doit susciter la réprobation voire leur marginalisation et leur exclusion. Encore une fois il s'agit d'éthique. Des Jeux doivent être propres non seulement du point de vue du dopage et du point de vue médical (et des contrôles les concernant) mais aussi du point de vue politique (et on pourrait ajouter, social et économique). Le moment n'est pas venu ici de faire l'inventaire des différentes tentatives de boycottage qui ont eu lieu au XX° siècle. De nombreux ouvrages et articles leur ont été consacrés en particulier par les fondateurs de la Théorie critique du sport, de la Revue Quel Corps ? (1975-1997) puis Quel Sport ? (depuis 2007) animés par Jean-Marie Brohm et Fabien Ollier. Ceux-ci ont d'ailleurs été à l'initiative de nombreuses campagnes significatives de boycott des Coupes du monde de football et des JO pour la simple et bonne raison qu'ils servaient à légitimer et à renforcer des régimes totalitaires, dictatoriaux ou militaro-policiers (notons par exemple le boycott du Mondial de la junte de Videla en Argentine, en 1978, avec le COBA ; le boycott des Jeux de la stratocratie brejnevienne à Moscou en 1980, avec le COBOM ; le boycott des Jeux liberticides de Pékin en 2008, avec le COBOP ; le boycott des Jeux du national-soviétisme de Poutine à Sotchi en 2014, avec le COBOSO).

    Quant au rôle pacificateur du sport... Permettez-moi d'être sceptique. Le sport divise plus souvent qu'il unit ! L'affrontement n'est possible que si l'on a un « terrain » d'entente c'est-à-dire des règles. Sinon... c'est la chienlit ! Mais par définition le sport c'est l'opposition, le combat, l'affrontement... dans le respect du fair-play et de la règle ! C'est bien là que règne toute l'ambiguïté passionnément cultivée par Pierre de Coubertin. On en revient alors à votre première question! Pour ce qui me concerne, je n'ai jamais eu beaucoup de sympathie encore moins d'admiration pour Pierre de Coubertin dont beaucoup pensent qu'il fut un avant-gardiste, un visionnaire. C'était en fait un doux rêveur, un utopiste dont l'acharnement à réaliser « son rêve olympique » au nom des valeurs du pacifisme et de l'entente entre les peuples révèle son immense orgueil et son aveuglement, tout comme d'ailleurs la plupart des dirigeants ou notables de son époque. Il était un homme de son temps... Et non d'un autre temps ! Un conservateur et non un précurseur, ce qui peut se vérifier dans nombre de ses interventions...

    A Pékin en 2008 pour les Jeux olympiques d'été ou à Sotchi pour ceux d'Hiver en 2014, l'olympisme a été l'occasion d'une démonstration de force pour les pays organisateurs, mais aussi de coûteuses dépenses, comme pour la Grèce en 2004 ou pour le Brésil aujourd'hui. L'esprit de concurrence entre les pays organisateurs a-t-il dépassé les limites du raisonnable ?

    De la part des pays organisateurs (qui ont été choisis par les membres du CIO rappelons-le) il ne s'agit pas seulement d'une démonstration de force mais de la volonté d'acquérir un prestige et une reconnaissance mondiale. Les J.O. sont la vitrine non seulement économique, mais aussi sociale, politique, culturelle, etc. d'un pays. Comme toutes les vitrines des magasins, la vitrine sportive annonce plus de rêves qu'elle n'en peut offrir réellement! Elle masque bien souvent la misère politique et sociale effective derrière les fastes des installations, des cérémonies et des performances. On le constate encore une fois avec Rio en ce moment. C'est un miroir aux alouettes ou une grande armoire aux illusions! Et cela conduit inévitablement à la surenchère et donc à des dépenses très excessives et souvent inutiles comme je le rappellerai probablement plus tard. Il suffit de lire les articles et commentaires de Wladimir Andreff, professeur d'économie du sport, pour se persuader que l'organisation et le déroulement des J.O. sont une gabegie financière qui a pour principale cause le mensonge: mensonge sur les coûts estimés qui ne sont jamais respectés. Normal: le CIO se vend à l'encan, c'est à dire au plus offrant ! D'où l'explosion des coûts et l'affairisme qui entourent les marchés juteux de la « fête olympique » ! Vous n'avez pas lu W. Andreff ? Alors je reprends quelques-uns de ses chiffres. Quels ont été les « coûts de dépassement » des J.O. depuis 1984? Une seule ville a tenu ses engagements et n'a pas eu de déficit : Los Angeles en 1984 (elle n'avait, soulignons-le, aucun concurrent dans la course aux enchères). Par la suite ce ne sont que dépassements ahurissants : Barcelone en 1992 : 32 % ; Sydney en 2000 : 93 % ; Athènes en 2004 : 109% et surtout Londres en 2012 : 127 % et Pékin en 2008 : 1130 %!!! (1).

    Et Paris en 2024 … si jamais d'aventure le CIO avait la mauvaise intention de sanctionner Paris en ponctionnant sa population déjà écrasée par les dettes ? Mais il est vrai que, en matière d'Olympisme comme en d'autres domaines, les conseilleurs ne sont pas les payeurs ! François Hollande accompagné par ses deux égéries Anne Hidalgo et Valérie Pécresse sont aujourd'hui à Rio ; voilà un voyage politique s'il en est pour défendre (discrètement paraît-il) la candidature de Paris en 2024. Et ne parlons pas de Tony Estanguet et de Teddy Riner grassement payés et entretenus pour jouer les VRP ...

    Que pensez-vous justement de la candidature de Paris pour les prochains Jeux olympiques ?

    Je ne suis pas seul à être franchement et carrément hostile au maintien de cette candidature. Les appels que nous avons lancés le 23 juin 2015 et le 12 janvier 2016, parus dans le Huffington Post et dans la Revue Quel Sport?, ont reçu quelques échos (bien faibles disons-le tout net) dans la presse et les médias. En résumé qu'écrivions-nous? Pourquoi Paris ne doit pas poser sa candidature, et si elle est quand même posée, pourquoi le CIO ne doit pas la retenir? Compte tenu de l'augmentation massive du chômage en France et des mesures d'austérité qui frappent tous les secteurs de la vie publique, nous estimons qu'il y a d'autres priorités qu'une candidature dispendieuse aux JO de 2024. Nous pensons en somme que le « rêve des Jeux » ne doit pas faire diversion.

    Parmi tous les arguments présentés il y a d'abord le coût (évoqué ci-dessus). Entre 60 et 100 millions d'euros risquent d'être engloutis en pure perte dans les frais de candidature. L'État a déjà débloqué un abondement exceptionnel de 10 millions d'euros pour assurer le bon fonctionnement du Groupement d'intérêt public «Paris 2024». 3 milliards de fonds publics seraient ainsi engagés sur un budget prévisionnel global de 6,2 milliards d'euros. Or, pour quasiment tous les Jeux, les budgets prévisionnels explosent (Athènes: 11,1 milliards ; Pékin: 32 milliards ; Londres: 11 milliards ; Rio: 12 milliards). Tandis que le CIO est exonéré d'impôts et que les retombées économiques ne bénéficient qu'au secteur privé, les populations sont obligées de supporter le poids de la dette pendant plusieurs années. L'hôpital public, le logement social, les transports en commun, l'éducation, la recherche scientifique ne doivent pas être affectés par l'opération de prestige de la parade olympique. «L'aventure olympique» ainsi désignée par Anne Hidalgo - dont je rappelle qu'elle était initialement hostile à cette candidature, mais çà c'était avant son élection à la mairie de Paris ! - se construit sur la base de contre-vérités qui vont rapidement devenir un mensonge d'État! Des J.O. low-coast à Paris? Mais vous n'y pensez pas! Nous disposons paraît-il des infrastructures: stades, piscines, gymnases, etc. Mais c'est oublier les appétits des grandes multinationales qui auront vite fait de dépasser les coûts en construisant des temples sportifs et commerciaux pharaoniques et donc surdimensionnés et qui n'auront, comme en Grèce après 2004, aucune utilité une fois les jeux terminés. Sans parler des transports, des logements «facilement reconvertibles» en logements sociaux. C'est comme si on demandait à l'abbé Pierre de construire le village olympique. N'y a-t-il pas mieux à faire avec l'argent des Français compte tenu de l'état piteux dans lequel se trouve notre pays? En clair, je pense que le redressement économique et social de la France ne passe pas par l'organisation de Jeux qui ne profiteront qu'aux nantis et ne satisferont que l'ego d'un spécialiste des commémorations à l'occasion du Centième anniversaire des J.O. de Paris (en 1924) !!!

    Second argument qu'il convient de méditer (et non des moindres) : la sécurité et les frais colossaux qui seront engagés pour protéger et garantir le déroulement des épreuves, où que ce soit, avec la mobilisation (c'en est une!) de milliers de policiers, gendarmes, militaires, de « forces » dites de « l'ordre ». Certes nous ne sommes pas en 2024 et l'on peut espérer ne plus avoir à se protéger du terrorisme et des djihadistes. Mais faudrait-il qu'au nom de la « fête olympique » nous acceptions, sans réfléchir aux conséquences sur les principes démocratiques, le quadrillage militaro-policier de l'espace public, la surveillance électronique généralisée, la restriction des libertés fondamentales ?

    Et pour terminer troisième argument: et la démocratie? Qui a décidé de poser la candidature de Paris pour les J.O. De 2024? A-t-on demandé l'avis aux parisiens et plus largement aux Français (ce sont eux tous qui payent!) ? Pourquoi ne pas faire une « votation » comme ce fut le cas en Suisse, ou un référendum national ? J'estime que des décisions aussi importantes ne doivent pas être confisquées par une multinationale olympique opaque et non démocratique qui abrite en son sein des fédérations et des athlètes plusieurs fois impliqués dans des affaires de corruption, de matchs truqués et de dopage (FIFA, UCI, IAAF, etc.).

    Je n'ai évidemment pas épuisé les arguments et les explications. C'est pour vous inviter à de nouvelles lectures...

    L'olympisme a survécu à deux guerres mondiales et à la Guerre froide. Dans un monde contemporain où réapparaît le vocabulaire de la guerre et des conflits, quel avenir voyez-vous pour les Jeux olympiques dans les prochaines décennies ?

    Le vocabulaire de la guerre, les conflits ne mettront pas fin à l'Olympisme et aux Jeux olympiques. Ils seront suspendus, le temps que revienne difficilement l'apaisement: comme ce fut le cas en 1919 (Jeux Inter-alliés) puis 1920 (Jeux d'Anvers pour récompenser la petite Belgique). Comme ce fut le cas encore en 1948 à Londres (pour les mêmes raisons) (2). La Guerre froide n'a jamais interrompu les Jeux: elle en a seulement accentué le caractère nationaliste et chauvin! À mon avis, ce n'est pas la politique ou plus largement les «relations internationales» (au sens diplomatique du terme) qui peuvent mettre un terme ou compromettre l'avenir des Jeux. Pour anéantir non seulement les Jeux Olympiques mais l'idéal olympique déjà bien fragilisé, il faudrait mettre un terme à la mainmise de l'argent et à l'imaginaire inégalitaire de la « surdimensionalisation »  de l'homme. Citius, Altius, Fortius... là est hélas le ver qui ronge le fruit. Parce qu'on confond l'esprit de compétition, la performance, le dépassement de soi-même avec le record ce qui induit déviations, perversités et transgressions diverses dont le professionnalisme, l'appât du gain et le dopage ne sont que les symptômes les plus apparents...

    Mais que dis-je ? Après avoir critiqué Pierre de Coubertin, voilà que je deviens aussi un doux rêveur aux utopies enchanteresses...

    (1). Pour une argumentation complète sur ces données et bien d'autres, voir la Revue Quel Sport ?, en particulier le n° 27.
    (2) ARNAUD Pierre et RIORDAN James, Sport et relations internationales (1900-1941), éd. L'Harmattan, collection Espaces et temps du Sport, 1998.

    Portait ci-dessus :  Charles Maurras à 25 ans, autour de 1895

    Pierre Arnaud est un professeur d'éducation physique et historien du sport né en 1942. Professeur émérite de l'Universit

  • Indépendance de la Catalogne ? Une autre Espagne devrait être possible

    Par Jorge Soley Climent, 26.09.2012 - Fundacion Burke

    Que se passe-t-il actuellement en Espagne ? En Catalogne ? Que se passe-t-il dans ce royaume - restauré en 1975 - qui a été, dans les siècles passés, si souvent et si longtemps en proie à l'instabilité, aux luttes et aux guerres civiles - dont la dernière fut la plus radicale, la plus terrible et la plus meurtrière - mais qui vit en paix depuis 73 ans ?

    Est-il à craindre que cet équilibre vienne à se rompre sous l'action conjuguée des durs effets de la crise économique et corrélativement des différents séparatismes ? Les récents évènements de Catalogne (manifestation monstre de Barcelone, projet de référendum pour ou contre l'indépendance, organisé par le gouvernement catalan) donnent à cette interrogation toute son actualité. Catalan, vivant à Barcelone, Jorge Soley Climent a donné son analyse de la situation dans une note parue sur le site de la Fundacion Burke, note dont nous trouvons intéressant de publier une traduction française, comme première contribution à notre commune information sur les évènements qui affectent le royaume espagnol. A divers titres, ils nous intéressent, nous, royalistes français, tout particulièrement. Nous y reviendrons rapidement car, avant les échéances électorales catalanes, le Pays Basque et la Galice votent ce dimanche...

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    Permettez-moi de commencer en disant qu’il ne m’est ni facile ni agréable d’écrire au sujet de la manifestation indépendantiste du 11 septembre dernier, dans ma ville, Barcelone. Trop de sentiment, trop de douleur de voir mon pays et mon peuple prendre un chemin qui va à l'encontre de notre histoire et des réalisations exemplaires des Catalans, ce que la dissolution du Parlement, hier, vient seulement confirmer. Mais je comprends que c'est mon devoir de surmonter mon amertume et de tenter de faire partager ma vision de la question avec ceux qui veulent mieux comprendre ce qui se passe en Catalogne... et, par voie de  conséquence, en Espagne. La première et importante question est de savoir comment nous en sommes arrivés là. Parce qu'il est tout à fait hors de doute que le sentiment séparatiste n'était pas seulement marginal au cours des trois dernières décennies, mais, même, ces deux dernières années. Qu’est-ce qui a changé pour que des centaines de milliers de personnes (je ne vais pas entrer la guerre des chiffres) sortent dans la rue convoquées au nom d’un slogan proposant de nous séparer de l'Espagne ? Il est évident que les causes sont multiples et complexes et que, pour simplifier, l’on risque de laisser des éléments pertinents en dehors du cadre explicatif, mais je crois que nous assistons à la cristallisation de deux phénomènes différents (bien que concurrents et se nourrissant les uns des autres) dans un moment historique particulier.

    Tout d'abord, il y a un séparatisme nationaliste doctrinal avec sa propre histoire et son développement en Catalogne. Ce séparatisme a toujours été minoritaire, non seulement au sein de la société catalane, mais aussi au sein même du catalanisme politique. Il a néanmoins été hégémonique tout particulièrement dans le milieu de l'éducation (les « madrasas » nationalistes, selon l'expression de Miquel Porta Perales1), endoctrinant depuis longtemps les nouvelles générations de Catalans, leur enseignant le rejet de l'Espagne et, par conséquent, de l'histoire et des traditions de la Catalogne. Ce que Francisco Canals2 a désigné comme nationalisme catalan de teinture extrinsèquement révolutionnaire a été le menu habituel dans nos salles de classe depuis bien longtemps. Je me souviens maintenant de l'anecdote d'un ancien ministre de Pujol3, qui l’avait averti qu'on était en train de dispenser un enseignement indépendantiste des plus révolutionnaire et que cela finirait par leur faire perdre le pouvoir (comme cela s’est passé avec l'arrivée du Tripartito4). Le Président a répondu : tu as raison, mais nous ne sommes pas au temps des nuances, mais au temps où il s’agit de bâtir un pays. C'est le pays qui fait surface maintenant.

    Mais, s’il est incontestable que ce séparatisme doctrinal connaît une forte croissance, (n'oubliez pas ici l’exemple Weaver : les idées ont des conséquences), cela n'explique pas entièrement la multitude des gens qui sont descendus dans les rues (l'an dernier une annonce similaire n’avait pu mobiliser que 10 000 manifestants à la même période et au même lieu). Nous avons affaire, ici, à une nouvelle composante du séparatisme - que nous pourrions appeler « l'indépendantisme opportuniste » - liée à la crise économique, politique et institutionnelle qui a embrasé Espagne. Nous sommes face à un environnement radicalement différent de notre passé récent, avec un nombre croissant de personnes qui vivent très mal ce contexte, avec une érosion très réelle de leur aisance matérielle et un nombre toujours plus grand de familles à la limite de situations qui ne peuvent être qualifiées que de tragiques, ou qui y sont déjà installées. De plus en plus étouffées par un fardeau fiscal qui, depuis déjà longtemps, a dépassé les limites du raisonnable, elles observent, stupéfaites, comment les dépenses publiques, surtout les plus clientélistes, ne subissent que des ajustements de surface, sans que soit abordée l'inévitable réforme structurelle de l'Etat. L’évocation des « signes de reprise » convainc de moins en moins de gens et l’espoir que nos élites politiques abordent, enfin, la profonde réforme dont tout le monde, ouvertement ou à voix basse, reconnaît que l'Espagne a besoin, s'est de plus en plus éloigné.

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    C'est dans ce contexte que s’est installé le mouvement indépendantiste, qui s’est configuré comme une sorte de version particulière et locale du mouvement des indignés, rameuté par ceux qui détiennent le pouvoir politique en Catalogne. Oui, tout va très mal et vous le vivez de plus en plus mal, nous disent nos dirigeants ; pourtant la faute n’est pas nôtre, mais celle de Madrid qui nous prend notre argent et ne nous en rend qu’une part minime. Sans cette spoliation fiscale, nous nagerions dans l’abondance, on n’aurait pas diminué nos salaires, nous pourrions payer pour nos hôpitaux et nos maisons de retraite, nous pourrions récupérer le niveau de vie auquel nous étions habitués. Le jeu, il est vrai, est habile ; irresponsable, mais habile. Plus question, déjà, du 3 %5 (dans le meilleur des cas), ou du cas Palau6, ou de comment Montilla7 a manipulé les comptes publics pour masquer un déficit insensé... Ces mêmes hommes politiques, qui étaient assiégés, dans le Parlement il y a tout juste un an, sont devenus maintenant les libérateurs acclamés, d'une réalité dont, pourtant, ils ont été nécessairement partie prenante.

     

    Ainsi, nous arrivons à ce que nous pouvons baptiser le « moment de Weimar » de la Catalogne. La fin de la République de Weimar s’est caractérisée par une faillite politique, une dure crise économique et une crise institutionnelle qui a conduit l'Allemagne des années vingt du siècle dernier dans une situation chaotique. Au milieu de ce chaos, une population appauvrie et sans espoir d'avenir, a prêté l’oreille à un message simpliste mais efficace : Tu es pauvre, parce que les Juifs nous ont arraché notre argent, nous pourrons récupérer notre prospérité si nous nous débarrassons d'eux. Maintenant, dans une autre situation de grave détérioration économique et sociale, le bouc émissaire qui nous exempte de nos responsabilités est Madrid : libérez-vous de l'Espagne et nous nagerons à nouveau dans l’abondance. Peu importe que l'argument ne supporte pas une sérieuse analyse critique (Arturo Mas8, lui-même, peut-être par peur d’une accélération des choses qui, probablement, n'entrait pas du tout dans ses plans, a averti que, y compris dans l'hypothèse de l’'indépendance, les défis que la Catalogne aurait devant elle, demanderaient un grand effort), la force de l'argument réside dans sa simplicité. C’est en vain que l’on met en garde contre les faux calculs des bilans fiscaux, de la balance commerciale, qui est l'autre face du déficit budgétaire, contre les déficits irresponsables générées par les gouvernements de la Généralité9, que l’on alerte sur la part du déficit espagnol que devrait assumer une hypothétique Catalogne indépendante, ou mille autres arguments économiques. Le message indépendantiste est simple et promet un paradis terrestre, à portée de main, à une population appauvrie et désespérée qui s'accroche aux seuls qui lui offrent un moyen de sortir de l'impasse dans laquelle nous nous sommes mis. Quand on a le sentiment de n'avoir rien à perdre, toute autre solution, si infondée soit-elle, est digne d’être essayée.

     

    Malgré tout, cet « indépendantisme opportuniste » serait difficilement parvenu à réussir à convaincre tant de Catalans si ce n'avait été l’immense campagne de propagande déployée par l’immense majorité de la presse catalane. Pour comprendre comment cela a été possible, il faut s’arrêter un instant sur la conformation particulière du paysage médiatique catalan, dans lequel le pouvoir politique autonome régional et local possède de nombreuses chaînes de télévision et stations de radio (sept de chaque pour la seule Corporació Catalana10), et où la presse est bénéficiaire des subventions ultra-généreuses fournies par la Généralité : il est difficile de n’établir aucune relation entre les 9 millions de subventions accordées par Màs au groupe Godó11 (là, il n'y a pas de coupures), et la promotion ouverte de la marche pour l'indépendance menée par La Vanguardia12. Cette campagne de propagande écrasante et persistante, qui nous assaille, partout, nous autres Catalans, est également un symptôme de quelque chose qui a peu attiré l'attention : la disparition quasi-totale de l'Espagne, déjà, de facto, du territoire catalan. L'Etat en Catalogne, avec tous les ressorts puissants de l'Etat moderne, se tourne activement vers l'accession à l'indépendance, de ses moyens de communication jusqu’aux autocars gratuits pour assister à la marche pour l'indépendance. Le « Pays légal » est déjà indépendantiste et fait pression avec toutes ses forces pour que le « Pays réel », jusqu'ici assez réticent, le soit aussi. Nous ne sommes pas devant une poignée de rêveurs romantiques et sans moyens appelant à l'indépendance face à un État espagnol puissant et inflexible. En Catalogne, les seuls romantiques, et rêveurs sans moyens, sont ceux qui élèvent la voix contre le séparatisme, et qui, en conséquence, deviennent des parias devant qui se fait le vide, en particulier dans tout ce qui a trait à la sphère publique et aux relations avec l'administration.

     

    Après avoir observé ce panorama, une interrogation s’impose : est-il possible que se dégage un moyen sensé de sortir de cette pagaille ?

    Afin que chacun puisse répondre à cette question, je crois qu'il faut tout d'abord faire l'effort de voir ce qui est vrai dans le discours indépendantiste. Parce qu'il faut l'admettre, la trame institutionnelle de l'Espagne actuelle, de l'Espagne de la Constitution de 78, de l'Espagne des autonomies13, est insoutenable et injuste et est arrivée à un stade d'épuisement terminal. Lorsque l’on dit qu'il n'est pas acceptable que l’on applique des réductions drastiques en Catalogne, tandis qu’on maintient le PER14 en Andalousie, que nous continuons à subventionner des mines économiquement non viables dans les Asturies, que nous continuons à avoir plus de 20 000 voitures officielles (ce qui fait de nous des leaders mondiaux en la matière) ou tout autre gaspillage de nos administrations (mettez-y tout ce que vous voulez; la liste, malheureusement, est interminable), il est vrai que, pour dire et penser tout cela, l’on a toutes les raisons du monde. Ne sont pas acceptables, non plus, les ambassades catalanes, l’inutile aéroport de Lérida ou, comme déjà indiqué, les subventions, comme outil de contrôle, distribuées aux groupes médiatiques, parce que le gouvernement catalan et les municipalités catalanes ont le même comportement gaspilleur et irresponsable qui est répandu dans toute l'Espagne, ce qui, toutefois, n'invalide pas la critique, mais l'amplifie.

     

    À ce stade, toutes les mesures pour éviter que la haine de l’Espagne continue à s’instiller (et pas seulement à partir de la Catalogne ; nous pourrions commencer, par exemple, par corriger le mépris de notre histoire commune qui a caractérisé la plupart des productions récentes de la RTVE15), toutes les mesures visant à empêcher qu'un gouvernement puisse contrôler les médias qui l’entourent, seraient des mesures positives, non seulement pour empêcher les aventures sécessionnistes, mais aussi comme mesures minimales de sens commun pour un pays qui aspire à perdurer et non à glisser sur le chemin qui mène aux scénarios de la corruption et de l'arbitraire.

     

    Mais tout cela, et bien plus encore, sera insuffisant si nous ne prenons pas acte de l'échec d’un modèle d'organisation de l'Etat qui s’avère de plus en plus insoutenable, qui, loin de son objectif de réaliser l'harmonie entre les différentes régions, a démontré qu'il exacerbe les tensions et est un élément de blocage pour surmonter la crise dans laquelle nous sommes pris au piège. Nous ne pouvons pas continuer à faire appel à la solidarité territoriale pour perpétuer des situations injustes et les gaspillages qui profitent toujours aux mêmes. Si tout ce que nous nous avons à offrir c’est davantage encore de la même recette que celle qui nous a amenés où nous en sommes, plus d'étatisme, plus d’administrations gigantesques et régies davantage par des critères partisans que par ceux du service dû aux citoyens, plus de clientélisme, plus de déficits sans limite et, par conséquent, plus d’impôts confiscatoires, il n'est pas étrange qu'il y ait beaucoup de gens réceptifs au message séparatiste. C’est seulement à partir d'une Espagne profondément transformée, construite sur la base de la subsidiarité, de bas en haut, y compris dans le domaine fiscal, avec une stricte limitation du champ d’action du pouvoir politique et la transparence dans les processus décisionnels, avec des circuits de représentation politique plus réalistes et plus proches, respectueux des libertés locales (les fueros16 n’étaient rien d’autre), libérés de l'étatisme et de la machine politique, qu’il sera possible de surmonter le défi posé par le mouvement d'indépendance de la Catalogne. L’immobilité n'est pas le bon chemin : ou nous abordons le changement dont l'Espagne a besoin ou nous serons coupables d'avoir conduit l'Espagne jusqu’à un point de non-retour.

     

    NOTES 

    1. Miquel Porta Perales : philosophe et écrivain, collabore à ABC, La Vanguardia, etc.

    2. Francisco Canals: philosophe, théologien thomiste, traditionaliste espagnol & catalan.

    3. Jordi Pujol Soley: président nationaliste de la Généralité de 1980 à 2003.

    4. Tripartito: coalition de gauche catalane (PSC, Gauche Républicaine, communistes..). 

  • Benoît XVI face aux médias. Le Pape, l’Afrique, la France. Par Hilaire de Crémiers.

                Il y a de quoi être atterré de l'accueil fait dans notre pays aux discours du Saint-Père.

                La bêtise et la malfaisance –la volonté de nuire, dit-il- sont à la base même de la société et de la mentalité installées en Europe, en général, et plus particulièrement ici, chez nous, en France.

                C’est ce qu’explique Hilaire de Crémiers dans le brillant article qu’il a consacré dans le n° 73 de Politique Magazine à « l’énorme opération contre Benoît XVI ». En le publiant in extenso, vu sa qualité et son intérêt, nous clôturons en quelque sorte la série de notes que nous avons consacrées à "l'énorme opération contre Benoît XVI". Vous pourrez très bientôt retrouver l'ensemble de ces notes, qui forment un tout cohérent, regroupées sous forme d'un Pdf dont nous avons emprunté le titre -si l'on peut dire...- à Pierre Boutang. En nous souvenant de ses propos et réflexions sur le monde moderne, nous avons en effet choisi de donner comme titre à ce Pdf  "Benoît XVI, pape moderne, et affronté au monde moderne".

                 Les admirateurs de Boutang apprécieront sans doute.....

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    Benoît XVI face aux médias. Le Pape, l’Afrique, la France.

    Il y a de quoi être atterré de l’accueil fait dans notre pays aux discours du Saint-Père.

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    Benoît XVI a achevé son voyage en Afrique qui l’a mené au Cameroun et en Angola. Ce fut un immense succès : des millions de participants. Même si en Angola, ce pays meurtri par une longue et implacable guerre civile, l’organisation fut assez défectueuse pour qu’une bousculade causât la mort de deux fillettes.

    La presse, la radio et la télévision française ont fort peu et fort mal rendu compte de ce qu’a fait et de ce qu’a dit le souverain pontife. Elles n’étaient préoccupées –n’es-ce pas devenu une habitude ?- que de dénigrer le pape, d’en donner une image fausse, d’en détourner les propos.

    Le Pape et l’Afrique.

    Le Saint-Père, en vrai père qu’il est, avec cette bonté et cette force d’âme qui le caractérisent, parlait à l’home africain. Discours tout en hauteur et en profondeur, infiniment respectueux. Il lui disait, à cet homme africain, sa dignité ; il lui tenait un langage de vérité sur lui-même ;  il l’entretenait aussi des grandeurs et des exigences de la vie humaine ; sociale, morale, ecclésiale, politique ; il ne taisait rien des maux de l’Afrique dûs à ses mauvaises habitudes et il dénonçait calmement,  fermement, les méfaits ravageurs qu’y ajoutent certaines conceptions et certaines façons de faire que les pays dits développés, profitant de leurs avantages, inculquent aux trop jeunes et trop instables états africains, à la fois abandonnés et exploités : procédés intéressés, exemples pervers, pratiques détestables et, pire encore, doctrines morales d’un hédonisme et d’un individualisme destructeurs, théories politiques inadaptées et effroyablement corruptrices, enfin religion subjectiviste frelatée qui, loin de servir ces pays, jointe à la sorcellerie atavique, y multiplie les sectes et favorise des comportements d’illuminés. D’où, précisait le Pape, le besoin d’une liturgie véritable ! Tout était dit, y compris sur la démocratie qui peut n’être que de façade et justifier le spires guerres inter-ethniques, la plaie de l’Afrique.

    Le pape a parlé aux gouvernants avec autorité, aux évêques avec fermeté, les incitant à la perfection dans l’exercice de leur charge, leur remettant solennellement à Yaoundé, le 19 mars, en la fête de Saint-Joseph, l’Instrumentum laboris pour la deuxième assemblée spéciale relative à l’Afrique, du synode des évêques, qui se tiendra au Vatican du 4 au 29 octobre prochain, sur le thème on ne peut plus explicite : L’Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix.

    Tels sont les hauts soucis du pape qui aime l’Afrique et qui s’est adressé également non seulement aux foules africaines mais aussi aux jeunes, aux malades, particulièrement ceux du sida, à tous les religieux et religieuses, à tous ceux qui se dévouent à l’éducation, aux soins, aux familles, à l’avenir des populations. Car, pour la foi du Pape, l’Afrique est le continent de l’espérance, à l’inverse de tout ce qui se dit et même de ce qui se voit. La charité commande cette vision.

    Aucun chef d’Etat dans le monde, hors le Saint-Père, ne peut tenir et n’a tenu effectivement un tel langage à l’Afrique. Ni aucun chef charismatique. L’homme africain l’entend pour tel. Il comprend parfaitement. Il sait pertinemment que de cette bouche sort enfin pour lui une parole de vérité dans un monde de mensonge. Et pas seulement les 159 millions de catholiques que compte le continent noir et dont les communautés n’iront d’ailleurs qu’en se développant ! L’admirable leçon fut exprimée avec une telle sincérité, une si réelle humilité, une si parfaite simplicité qu’en Afrique tout le monde a écouté et admiré, les autorités politiques et religieuses, comme les foules enthousiastes. Oui, y compris là-bas les pervers et les maudits ! Car il est des endroits au monde, fût-ce les pires, fût-ce des lieux de génocides, où quand le vrai brille, il est tenu pour vrai.

     La France et le Pape.


    Et en France ? En France, pendant tout ce voyage, loin qu'on en dise le sens et la portée, il n'était question que de «
    la capote ». Au prétexte que le pape avait dit un mot sur le préservatif ! Sur papier, sur onde, sur écran, les journalistes français - ne nous trompons pas, français de France, bourgeois de chez nous, la plupart vraisemblablement baptisés - et surtout comme toujours les journalistes des organes d'État, payés par l'État ou d'organes subventionnés par l'État ou, pour parler comme Besancenot, par le grand capital, ne tournaient leur propos qu'autour de « la capote ». Motif répétitif du préservatif et qui revenait constamment en boucle, c'était un sempiternel : « la capote, vous dis-je » ! Exclamation de pantins tous aussi ridicules que le faux médecin de Molière : « la capote, vous redis-je » ! Oui, la capote, origine du bien, loi du monde, dont la transgression est l'origine du mal !


    Et, devant un tel déchaînement médiatique, interdiction absolue de rire de pareille bouffonnerie ! La capote, c'est sérieux, c'est plus que sacré, c'est la seule religion qui vaille. La France républicaine parlait par les voix multiples de ses apôtres et de ses militants, soulevés par le souffle de l'indignation prophétique. La capote ! La capote ! Voilà son credo, son catéchisme théorique et pratique, qui doit être indéfiniment répété à tous les âges, dans toutes les conditions, de la crèche au mouroir. Naître avec la capote, vivre avec la capote, mourir avec la capote. La capote : tout est là, rien que là ! Éducation, l'initiation, le salut, la béatitude ! Toute la physique, toute la métaphysique s'insèrent dans la capote, instrument merveilleux où le processus vital s'annihile dans la mécanique caoutchouteuse. Toute l'éthique se résume dans cet impératif catégorique de la capote, citoyenne, responsable, démocratique, républicaine, à la fois protectionniste et altruiste, préservative et libérale.

    La capote ! Le cri était repris en chœur par des ministres dans l'exercice de leur fonction. Les Affaires étrangères - il faut le faire ! - y voient une politique d'État, la capote étant à l'évidence l'atout majeur de la géopolitique française, depuis Vergennes à n'en pas douter ! Le ministère de la Famille qui est, comme on sait, en instance de devenir, de façon beaucoup plus réaliste, le ministère de l'homoparentalité, ce qui est un enrichissement moral et humain qui laisse l’Afrique chrétienne très loin derrière la France républicaine, pense nuit et jour, et jour et nuit, à la capote, l'unique objet de toute la politique familiale, heureusement promue par une catho de service qui joue la femme avertie.

    Et les ministères de la Ville, des Banlieues, de la Santé, tous ou presque tous firent connaître publiquement leur attachement leur dévotion, leur consécration à la capote, origine et fin de toutes choses et simultanément leur exécration du Pape et de sa religion insensée et rétrograde. Pendant plus d'une semaine, ce fut toute l'actualité, l'unique et exclusive ligne politique où se retrouvaient, au-delà de leurs désaccords, dans une unanimité enfin retrouvée au service de la grande cause, de la lutte ultime, les chroniqueurs de tous acabits et les politiciens de renom passés, présents et à venir. La crise mondiale, la récession, le chômage, la misère, le terrible quotidien, pfuitt...

    Cela avait disparu. La capote imposait sa présence à tous, son impérieuse nécessité, sa glorieuse majesté indignement et vainement outragée. Alors ne restait plus qu'une conclusion à en tirer, impeccablement prévue et énoncée : le Pape est fou, le Pape est à abattre, à renverser, à démissionner. C'était la France qui s'exprimait; mieux les catholiques français par d'édifiants sondages opportunément et fort habilement affichés. Pas de manœuvre dans tout cela, une belle et claire spontanéité ! Des savants y ajoutaient leurs notes sévères. Il a fallu que quelques clercs, quelques évêques y aillent aussi de leur déclinaison : «J’ai des capotes, tu as des capotes ... nous avons tous des capotes... ils ont, ils doivent avoir tous des capotes ! » Au nom de la religion de l’Amour !

    On en a profité pour poser le logo du sidaction sur les émissions religieuses : In hoc signo vinces ! Fruit incontestable de conversion de cette énergique pastorale et qui relève d'un évident miracle, il s'est entendu par des journalistes attitrés sur des chaînes d'État - de l'État laïc - des cours, mieux des homélies sur Jésus. Et ce jésus d'amour faisait la leçon au Pape qui ne connaissait rien à l'Évangile, qui n'y avait rien compris. Le journaliste français, le chroniqueur patenté de notre presse nationale, eux, avaient tout vu, tout saisi, tout compris de l'œuvre de miséricorde évangélique et la conclusion de leurs méditations, de leurs exhortations, de leurs oraisons, eh bien, c'était la capote. Voilà.

    Rien de ce qui vient d'être dit n'est exagéré. Ce ne fut qu’une sinistre farce. Il convient de la retracer telle qu'elle fut donnée et, à vrai dire, menée. Dans un dessein précis et littéralement monstrueux. C'est dire assez par qui est tenue l'information en France et par qui les campagnes d'opinions. C'est dire aussi où se situent leurs préoccupations. Voilà leur niveau. Ils livrent la mesure de leur humanisme. Le reste doit se juger à cette aune de vulgarité : leurs prétendus projets politiques qui n'ont rien de politique, et leurs ambitions démesurées qui n'ont pourtant pour mesure que cette dérisoire philosophie ! Il n'y a plus à s'étonner de la fausseté et de la stérilité de tous leurs principes d'action qui ne recouvrent qu'un égoïsme, un égotisme, un orgueil forcenés. Derrière leurs assurances de façade, se cache un épais mépris de tout ce qui est humain ; derrière leurs grandes leçons jetées à la face du monde et, en l'occurrence, de l’Afrique, se dissimule, à la vérité assez mal, une désinvolture, un manque de respect à l'égard du reste du monde, en particulier du monde africain, de l'homme africain. « Vous nous prenez pour des animaux », ont rétorqué, justement indignés, les évêques africains. C'est exactement cela. Du bétail à traiter !

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    La vérité des choses.

    Le continent noir, heureusement et en fin de compte, préférera les paroles vraies de compte, préférera les paroles vraies la charité douce et efficace du Père commun en vêtement immaculé, à toutes les simagrées d'un homme blanc en perdition qui se croit dans sa suffisance le régulateur du monde. Cette leçon vaut pour les décennies à venir. Il est dommage que la France qui a toujours un rôle à jouer en Afrique, se soit encore mal comportée. Elle n'aura été cause que de déceptions ; elle en paiera le prix.

    Orgueil et mensonge vont de pair. À aucun moment dans ce tapage officiel les propos du Pape n'ont été retranscrits avec exactitude. Il est temps de le faire ici. Car c'est la seule réponse à opposer à cette manœuvre inqualifiable. Il ne s'agissait en fait que d'une réponse parmi d'autres à une question d'un journaliste, comme par hasard français, faite, même pas en Afrique, mais dans l'avion qui emportait le Pape au Cameroun, et cette question portait « sur la lutte contre le sida, la position de l’Église catholique étant considérée comme n’étant pas réaliste et efficace »

    Voici donc la réponse, simple, nette, claire, positive : « je pense que la réalité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte contre le sida est précisément l'Église catholique, avec ses mouvements, avec ses différentes réalités. Je pense à la Communauté de San’ Egidio qui accomplit tant, de manière visible et aussi invisible, pour la lutte contre le SIDA, aux Camilliens, à toutes les soeurs qui sont à la disposition des malades. je dirais qu'on ne peut pas surmonter ce problème du SIDA uniquement avec des slogans publicitaires. Si on ne met pas y l'âme, si on aide pas les Africains, on ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs : au contraire, le risque est d'augmenter le problème. La solution ne peut se trouver que dans un double engagement: le premier, une humanisation de la sexualité, c'est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui apporte avec soi une nouvelle manière de se comporter l'un avec l'autre

  • Périco Légasse : « Notre pays importe les cordes avec lesquelles nos agriculteurs se pendent »

     

    En pleine crise agricole et à moins d'une semaine du Salon de l'Agriculture, Périco Légasse revient sur les dégâts causés par la Commission européenne, la FNSEA et la spéculation boursière à une filière jadis reine en France.  [Entretien dans Figarovox du 19.02]. Pour lui, cette crise est le résultat d'une dérive productiviste qui met en danger notre identité nationale. Ainsi, on commence à se rendre compte que le problème agricole français n'est pas seulement économique ou financier et ne se réduit pas à une affaire de management. Il est avant tout identitaire et civilisationnel. Périco Légasse apporte au moins ici sa pierre à un débat de fond qui concerne au sens plein notre nation. Sauvegarder l'identité française, ce n'est pas seulement la préserver, par exemple, des migrants, mais aussi des maladies de la postmodernité.  LFAR

     

    La crise agricole est en train de prendre une tournure inquiétante. Est-on arrivé à ce fameux point de rupture dont certains experts pensent qu'il pourrait générer des chaos encore plus tragiques ?

    Tout porte à le croire, car les mesures décidées par le gouvernement et présentées par le Premier ministre devant l'Assemblée nationale prouvent qu'il y a, cette fois-ci, une grande inquiétude au sommet de l'Etat. Et s'il s'est décidé à passer à l'acte aussi rapidement, c'est qu'il y a urgence. Que faut-il, après les incidents de ces derniers mois, pour qu'enfin l'on comprenne à Paris comme à Bruxelles que cette crise-là n'est pas comme les précédentes ? Elle est celle de ceux qui n'ont plus rien à perdre. On sait depuis trop longtemps que certains secteurs au bord du désespoir vont basculer dans l'irréparable. Violences, suicides, affrontements.

    N'empêche, des situations aussi extrêmes auraient pu être évitées bien plus tôt puisque nos dirigeants trouvent soudain les moyens de prendre la crise par les cornes. N'empêche, la méthode reste la même : on continue, à coups de millions d'euros, trouvés dieu sait où, finalement payés par le contribuable, à colmater les brèches, à panser les plaies, à mettre des rustines sur les fuites, pour repousser le problème au prochain déluge. Cette stratégie est irresponsable car elle ne résout rien sur le fond. Elle est surtout l'aveu que le gouvernement français ne dispose plus des leviers nécessaires à une réforme structurelle du mode de fonctionnement de notre agriculture. Ces leviers, c'est la Commission européenne qui les détient et nous savons de quelle agriculture rêve la Commission. Son modèle ? Les usines à cochon allemandes, avec main d'œuvre bulgare payée à la roumaine, dont la viande de porc agglomérée a donné le coup de grâce aux éleveurs intensifs bretons auxquels on avait assuré que leurs tarifs étaient imbattables. C'est ça l'Europe libérale libre et non faussée ?

    Personne n'a donc vu venir le danger ? C'est étonnant...

    Nous avons accepté d'être dépossédés de prérogatives souveraines qui font défaut aujourd'hui à la République française pour sauver sa paysannerie. J'espère qu'il y aura un jour un tribunal de l'histoire pour juger les coupables qui ont accepté ces reniements successifs. L'éleveur laitier au bord du gouffre, qui voit son voisin revenir du super marché avec dix packs de lait UHT importés de Pologne, et auquel on demande son trentième certificat vétérinaire, a peut être des raisons de désespérer de cette Europe portée aux nues par son maire, son député, son sénateur, son président de chambre d'agriculture, son gouvernement, son chef d'Etat, souvent son journal, sa télé ou sa radio.

    La pression exercée par les services de l'Etat, la banque, l'Europe et les aléas du marché sur nos agriculteurs atteint-elle ses limites ?

    De normes sanitaires en règles communautaires, de contraintes financières en directives administratives, d'emprunts asphyxiants auxquels on les a poussés en leur tenant le stylo, aux pratiques commerciales imposées par le lobby agro industriel et par la grande distribution, les agriculteurs de France sont à bout. Pas les gros céréaliers nantis, liés à certaines coopératives et gavés de subsides européens, mais ceux qui nourrissent directement la population. Promenés et balancés de promesses électorales en programmes gouvernementaux jamais tenus, sous prétexte que nous sommes 12, puis 15, puis 18, puis 28 Etats à décider ensemble, ils ont contenu leur colère durant des décennies. « Mais rassurez vous, nous défendons bec et ongles vos intérêts à Bruxelles. Faites nous confiance, nous vous soutenons » … comme la corde soutient le pendu. Les chambres d'agriculture ont poussé les exploitants à devenir exploités, les incitant à s'agrandir en surface, à concentrer la ressource, à augmenter les rendements, à acheter des machines chaque fois plus grosses et coûteuses pour s'installer dans un productivisme global et compétitif. Ces paysans sont aujourd'hui floués, ruinés, abandonnés. On ne peut pas demander à un homme qui est à terre d'obtempérer sous peine de sanction, ni à un homme pris à la gorge, et qui ne sait plus comment nourrir sa famille, de s'acquitter des ses échéances bancaires ou sociales. Alors, épouvantable réalité, ceux qui sont acculés, à bouts de nerfs, sans lendemain, basculent parfois dans l'irréparable. La colère des agriculteurs est à l'image des désordres qui menacent la planète.

    L'importance du mouvement, la pugnacité des agriculteurs révoltés et l'extension du phénomène à toute la France révèlent-elles une souffrance plus profonde que ce que l'on peut imaginer ?

    Nous sommes au delà de la tragédie humaine. Le désespoir agricole nous conduit à une tragédie nationale de grande ampleur. Et les effets aggravants vont exacerber les exaspérations déjà explosives. Car ce ne sont plus seulement les éleveurs bovins et les producteurs laitiers qui durcissent leurs actions. A l'Assemblée Nationale, ce jeudi 17 février, Manuel Valls déclarait que le gouvernement et l'Europe ont pris leurs responsabilités (baisse de 7 points pour les cotisations sociales des agriculteurs en difficulté et année blanche fiscale pour ceux à faibles revenus), et qu'il a appartient désormais aux agriculteurs de prendre les leurs. C'est le comble.

    Qui a conduit l'agriculture française dans cette impasse, toutes majorités confondues, depuis trente ans, en partenariat politique étroit avec le syndicat majoritaire? Qui, jusqu'au vote de la loi d'avenir, et de son programme d'agro-écologie porté par Stéphane Le Foll, en septembre 2014, par le parlement, a validé toutes les dispositions inféodant davantage l'agriculture française aux desiderata des lobbies bruxellois ? Qui a validé la dérégulation du marché et la suppression des quotas laitiers sans contreparties ? Qui refuse d'imposer la traçabilité des viandes entrant dans la composition des produits transformés ? Qui laisse pénétrer chaque année sur notre territoire des millions de tonnes de tourteau de soja destinées à gaver nos élevages intensifs ? Qui favorise l'importation déloyale et faussée de millions de litres de lait en provenance d'autres continents pour satisfaire aux oukases tarifaires de la grande distribution ? Les cours mondiaux! Toujours les cours, mais alors qu'on le dise clairement, la France est soumise aux aléas d'une corbeille boursière qui décide de la survie ou non de nos exploitations agricoles. Quelle nation souveraine digne de ce nom peut accepter de sacrifier une partie de son peuple aux ambitions de patrons de casinos où le blé, la viande et le lait sont des jetons sur un tapis vert ? La seule vraie question qui vaille est: ça nous rapporte quoi? La mort de nos campagnes, de ceux qui les entretiennent et une dépendance accrue aux systèmes agro industriels qui abîment la Terre, l'homme et l'animal.

    Alors qu'on recense environ un suicide d'agriculteur tous les trois jours, les pouvoirs publics prennent-ils la mesure du drame ?

    Les agriculteurs étranglés, aux abois, meurtris, voient leur pays importer les cordes auxquelles ils se pendent. Un paysan qui se suicide n'est finalement que le dégât collatéral de la modernisation de l'agriculture et de l'adaptation au marché globalisé. Le bœuf que l'on jette aux piranhas pour que le reste du troupeau puisse passer. Le seul problème est que, finalement, tout le troupeau y passe. Qui sont ces agriculteurs qui se suicident ? Précisément ceux qui appliquent à la lettre depuis 10 ans, 20 ans, 30 ans pour certains, les instructions et les recommandations du syndicat majoritaire, cette FNSEA qui a beau jeu aujourd'hui de barrer les routes et de bloquer les villes après avoir encouragé et accompagné toutes les politiques ayant conduit à ce massacre. Précisément ceux qui ont cru, en toute bonne foi (on leur avait si bien expliqué qu'il n'y a pas d'autres solutions possibles) que les programmes officiels, de gestion des cultures et des élevages pour se conformer aux lois du marché, les conduiraient à la richesse. Ceux-là sont ceux qui se pendent les premiers sous le regard compassé de ceux qui ont tressé la corde fatidique. Certes, il y a bien eu la PAC, avec des centaines de milliards reversés aux agriculteurs les plus riches qui s'alignaient doctement sur les critères du productivisme alors que les autres étaient obligés de tendre la main à Bruxelles pour obtenir une obole. Comment une puissance au patrimoine agricole si glorieux et si performant a-t-elle pu laisser ce trésor se détériorer aussi vite et aussi tragiquement. Quelqu'un a forcément menti à un moment donné de l'histoire.

    Le Salon de l'Agriculture s'ouvre dans dix jours. Que faut-il en attendre ?

    On l'appelait autrefois la Foire agricole. C'était une fête. La vitrine des fiertés paysannes de la France. L'engagement fervent de ceux qui montaient à la capitale pour témoigner qu'une majeure partie du pays continuait à travailler la terre pour nourrir la nation. L'édition 2016 sera marquée par les drames et les détresses ayant marqué les douze derniers mois. Mais rien n'y fera. La Foire restera celle des grandes enseignes industrielles et commerciales dont les bénéfices se sont faits sur l'éradication d'une société qu'ils ont contribué à ruiner. Qu'un vainqueur vienne planter ses aigles sur le territoire du vaincu est une chose, mais qu'un marchand de produits toxiques vienne édifier un mausolée au milieu du cimetière de ses victimes en arborant un grand panneau sur lequel on peut lire « Voici mon œuvre » est pour le moins original. Car les grandes enseignes mercantiles qui fleurissent le long des allées du salon, entre les vaches et les cochons, les sacs de grain et les bidons de lait, les vergers reconstitués et les prairies artificielles, pour faire croire qu'elles sont les bienfaitrices de ce qui n'est plus qu'un musée de la honte agricole, n'auront pas le courage de financer un grand mur sur lequel on pourrait afficher les trois mille photos des paysans qui se sont suicidés depuis 2007. Et si l'on demandait aux grandes marques dont les panneaux colorent à perte de vue les halls de la porte de Versailles d'indiquer combien de tonnes de lait en poudre néo-zélandais, de fruits et légumes saturés de pesticides, de viandes infâmes, de produits cuisinés nocifs, etc, etc, elles ont importés, puis déversés, à prix écrasés, sur les rayons des grandes surfaces, tout en creusant la tombe des agriculteurs français n'ayant pu s'aligner sur les tarifs de cette merde… Que faut-il en attendre? Plus de larmes et plus de sang pour les agriculteurs pris au piège et plus de profits et de bonne conscience pour ceux qui les exploitent.

    Existe-t-il une perspective pour sortir de cette impasse ?

    Oui, et même plusieurs: un gouvernement de combat et non un casting pour meeting électoral du PS avec supplétifs d'occasion. Exemple, dans la configuration politique actuelle, c'est Stéphane Le Foll qu'il aurait fallu nommer Premier ministre, afin de faire du programme d'agro-écologie, tout juste initié mais bientôt amplifié, une priorité nationale qui soit l'objectif premier du gouvernement de la République. Face à la détresse agricole, ce grand projet couvre toutes les problématiques et ouvre des perspectives au-delà même des enjeux agricoles. Il s'agit d'une redéfinition des logiques ayant prévalu jusqu'à aujourd'hui afin que l'agriculteur ne soit plus tributaire des spéculations et des OPA que la finance internationale lance sur les ressources alimentaires. Une seule réalité s'impose à toutes les autres: l'agriculture n'est pas faite pour produire, elle est faite pour nourrir. Nous avons la formule, nous avons le processus, nous avons des expériences. Un tel défi ne peut que susciter un vaste consensus populaire. De toutes les façons, seule une baisse générale de la production compensée par une redistribution qualitative de notre agriculture vers des formes de cultures et d'élevages répondant à la fois aux besoins et aux attentes de la population et aux impératifs d'un monde durable permettront de sortir de cette impasse. L'exacte contraire de ce que prône la FNSEA, toujours persuadée que le salut ne peut venir que d'une augmentation ultra modernisée de la taille des exploitations et des volumes, c'est-à-dire l'aggravation de tout ce qui a conduit l'agriculture française dans le mur. Cette redéfinition est une question de survie. Et plus l'on attendra avant de la décider, moins nous aurons de chance de voir nos agriculteurs redevenir des paysans. La clé du problème est là: rendez nous nos paysans!

    Et en projetant un peu plus loin ?

    De même, il est fondamental de mettre en place un programme scolaire d'éducation citoyenne du consommateur concerté avec le ministère de l'Agriculture. Les bases existent sous le projet « classes du goût », créées par Jacques Puisais en 1975 puis expérimentées un temps dans certains collèges. Le client de demain doit apprendre à consommer pour se faire du bien, pour soutenir une agriculture qui le nourrisse sainement tout en préservant l'environnement, pour soutenir une industrie agroalimentaire créatrice de richesse et d'emploi dans le respect d'une agriculture porteuse d'avenir, pour soutenir un artisanat employeur garantissant la pérennité de savoirs faire et d'activités. Consommer moins mais mieux. Chaque année, chaque Français jette 7 kilos d'aliments frais emballés. Des millions de tonnes de nourriture à bas prix que l'on pourrait reconvertir en profit pour les agriculteurs qui produiraient donc un peu moins mais mieux payés. Sur le terrain de la compétitivité internationale, nous serons toujours battus par des systèmes qui peuvent produire encore plus infâme et moins cher. Cela passe par une émancipation des diktats bruxellois et le retour à la subsidiarité française en matière de normes agricoles. Enfin, repeupler nos campagnes et remettre en culture des terres abandonnées ou abîmées tout en créant une activité agricole conformes aux enjeux contemporains, non dans la surproduction surconsommée, mais dans une juste productivité qui permette de satisfaire 99% de la demande intérieure et d'en exporter l'excellence vers des marchés demandeurs. La France a besoin de ses paysans pour vivre, pour être, pour durer.  

    Périco Légasse est rédacteur en chef de la rubrique vin et gastronomie à l'hebdomadaire Marianne.

    picture-2540921-61yhv5dr.jpgEntretien par

    Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Twitter : @AlexDevecchio

  • Pourquoi la gauche a perdu les intellectuels, selon Vincent Tremolet de Villers *

     

    Nous avons maintes fois évoqué ce sujet important dans Lafautearousseau. Et, sans-doute, n'en aurons-nous pas fini de longtemps. Vincent Tremolet de Villers dresse ici de l'évolution d'une bonne partie des intellectuels français un tableau synthétique brillant, saisissant et utile.  LFAR

     

    ob_b41265_vincent-temolet-de-villers.jpg« Pseudo-intellectuels ! » On croyait que Najat Vallaud- Belkacem était une élève appliquée, on a découvert la plus affranchie des anarchistes. Il lui aura fallu une formule prononcée le 30 avril sur RTL pour faire trembler tout ce qui, à Paris, fait la vie de l'esprit. Le Collège de France, l'Académie française, la revue Le Débat, l'Ecole des hautes études… Au bowling, ça s'appelle un strike, au tennis un grand chelem. Marc Fumaroli, Pierre Nora, Jacques Julliard, Régis Debray, Alain Finkielkraut, Luc Ferry, Pascal Bruckner, Patrice Gueniffey : son tableau de chasse ferait pâlir d'envie le dernier des Enragés de 68. « Professeurs, vous êtes vieux… votre culture aussi », écrivaient-ils sur les murs ; « Intellectuels, imposteurs », leur a-t-elle dit en substance. Depuis, la bonne élève a repris le dessus et elle fait mine de trier le bon grain (Nora, Julliard) de l'ivraie (Finkielkraut, Ferry, Bruckner). Le gouvernement dans son ensemble s'est souvenu que le maître d'œuvre des Lieux de mémoire n'était pas un vulgaire porte-parole de l'UMP. Mais il est trop tard, le mal est fait. La confrérie des « pseudos », partagés entre la colère et l'effarement, épargne Najat Vallaud-Belkacem, mais le propre d'un universitaire, d'un chercheur ou d'un savant est d'avoir la mémoire longue.

    D'autant que le Premier ministre a pris, lui aussi, la mauvaise habitude de cibler penseurs et essayistes. En six mois, il a réussi le tour de force de se mettre à dos quatre auteurs à très grands succès. Il a d'abord affirmé que le livre d'Eric Zemmour ne devait pas être lu. A expliqué que celui de Houellebecq le méritait peut-être. Avant de tomber sur Michel Onfray dans une démonstration embrouillée (Manuel Valls lui reprochait en substance de préférer avoir raison avec Alain de Benoist plutôt que tort avec BHL) puis sur Emmanuel Todd (qui n'en demandait pas tant), coupable, par les considérations abracadabrantesques que l'on peut lire dans son dernier essai Qui est Charlie? (Seuil), de désespérer le canal Saint-Martin. « Crétin ! », « Pétain ! » a reçu Manuel Valls en retour.

    Tout fout le camp ! La gauche avait déjà perdu le peuple, voilà les intellectuels qui la désertent. Ils y étaient pourtant plus chez eux qu'un banquier à la City, à tel point que l'on apposait naturellement, comme un poing sous une rose, les mots « de gauche » à celui d'« intellectuel ». Las ! Les images de philosophes à cheveux longs, belles gueules, clope au bec, dans un cortège de mains jaunes illustrent désormais les livres scolaires. SOS Racisme est une petite entreprise en difficulté, François Hollande, un Mitterrand de poche et la jeunesse de France, atomisée. La planète de l'intelligence s'éloigne chaque jour un peu plus de celle de la politique et, si le divorce n'a pas été prononcé solennellement, la séparation est un fait. « Où sont les intellectuels ? Où sont les grandes consciences de ce pays, les hommes, les femmes de culture qui doivent monter au créneau. Où est la gauche ? » a lancé Manuel Valls, en meeting dans la petite ville de Boisseuil, près de Limoges (Haute-Vienne). C'était le 5 mars, avant les départementales. Nul, sinon l'écho, n'a répondu à sa plainte.

    Sans s'en douter, le Premier ministre renvoyait à la première querelle, la plus profonde. Son discours reprenait, en effet, les mots de Max Gallo, alors porte-parole du gouvernement Mauroy, qui, en 1983, signait dans Le Monde une tribune sur « le silence des intellectuels ». 1983: c'était alors le tournant libéral et la première rupture. L'enjeu : l'autre politique et la sortie de la France du Système monétaire européen (SME). Après moult hésitations, Mitterrand avait choisi la ligne « orthodoxe ». « Sur l'Europe, 1983 fut pour les socialistes ce que 1992 fut pour les gaullistes », explique Eric Zemmour. Ce fut l'occasion d'un affrontement idéologique qui a creusé les premières tranchées. A gauche, les marxistes, mais aussi ce qu'on appellera beaucoup plus tard les souverainistes, les défenseurs de « l'Etat stratège », du modèle social, du soldat de Valmy, du prolo des usines que Renaud, pas encore passé de la mob au 4 x 4, chante avec talent. Pour eux, depuis 1983, «l e peuple est la victime émissaire des élus du marché libre » (Michel Onfray). A droite, les pragmatiques, et les membres de ce qu'Alain Minc appellera beaucoup plus tard « le cercle de la raison ». Ils sont progressistes, défenseurs de la construction européenne et de l'Alliance atlantique. En politique, c'est Jean-Pierre Chevènement contre Jacques Attali. Mitterrand apaisa ces courants contraires en faisant souffler « l'esprit du Bien ». Avec l'aide de Julien Dray, Bernard-Henri Lévy, Harlem Désir, il inventa l'antiracisme au moment même où il aidait le Front national à prendre son envol. La droite la plus bête du monde foncera tête baissée. Trente ans après, elle continue de tourner sans but dans l'arène. La gauche se grisera avec la lutte contre le FN pour oublier que sa pensée s'épuise. Au début, c'est caviar et champagne ! C'est nous qu'on est les penseurs ! L'intelligence, le talent, la culture, les paillettes sont de gauche. Le magistère intellectuel aussi. Le mécanisme énoncé par Régis Debray en 1979 dans Le Pouvoir intellectuel en France (Folio) - « Les médias commandent à l'édition, qui commande à l'université » - est parfaitement huilé. « Mitterrand était un homme complexe, cultivé, spontanément monarchique, se souvient Pascal Bruckner. Il y avait une cour autour de lui. »

    De Mitterrand à Hollande

    C'est « la République des bonnes blagues, des petits copains »

    Pascal Bruckner

    Près de trente ans après, un socialiste est toujours à l'Elysée, mais c'est « la République des bonnes blagues, dit Bruckner, des petits copains ». Quant à l'antiracisme, les bombes de l'islamisme conquérant l'ont désorienté. « C'est un train fou duquel de plus en plus de gens ont envie de descendre » (Finkielkraut). Le Président bichonne la société civile, mais les comédiens, les rappeurs (JoeyStarr), les comiques (Debbouze), les artistes passent avant les intellos. Bernard-Henri Lévy passe parfois en voisin, mais c'est pour prendre la défense des Ukrainiens, des peshmergas ou des chrétiens d'Orient. Régis Debray préfère dîner avec Eric Zemmour ou deviser avec son voisin de palier, Denis Tillinac. Pascal Bruckner, malgré les sarcasmes de ses amis qui moquent « un combat de droite », se rend à Erbil à la rencontre des chrétiens d'Irak. Alain Finkielkraut est élu à l'Académie française au fauteuil de Félicien Marceau. L'ancien mao Jean-Pierre Le Goff fustige avec un talent redoutable le « gauchisme culturel ». Jacques Julliard déplore le « néant spirituel et intellectuel contemporain ». Pierre Nora considère que « la crise identitaire que traverse la France (est) une des plus graves de son histoire ». Tous reconnaissent un divorce avec la gauche qui nous gouverne. Le communiste Alain Badiou voit-il sa prophétie prendre corps ? En 2007, il confiait au Monde: « Nous allons assister, ce à quoi j'aspire, à la mort de l'intellectuel de gauche, qui va sombrer en même temps que la gauche tout entière (…) (Sa) renaissance ne peut se faire que selon le partage : ou radicalisme politique de type nouveau, ou ralliement réactionnaire. Pas de milieu.» Le radicalisme politique de type nouveau pousse à la gauche de la gauche. Il regarde vers Syriza ou Podemos et dénonce, avec Jean-Claude Michéa, la complicité idéologique entre gauche et droite françaises « sous le rideau fumigène des seules questions “sociétales” ». Que reste-t-il pour le gouvernement ? Un quarteron de sociologues, le sourire de Jacques Attali et la mèche d'Aymeric Caron.

    « L'antiracisme est un train fou duquel de plus en plus de gens ont envie de descendre »

    Alain Finkielkraut

    Le 11 janvier n'est plus ce qu'il était

    Les intellos, François Hollande pense pourtant les connaître par cœur. Un déjeuner, quelques compliments, un shake-hand et le tour est joué. Le PS, c'est chez eux: ils reviendront à la maison à la première occasion. Le 11 janvier, le président de la République a cru à la grande réconciliation. « Il a vécu une lune de miel avec les intellectuels, raconte Pascal Bruckner. Et, très vite, la gauche est revenue à son péché originel : croire qu'elle est le sanctuaire inaliénable de l'intelligence et de la pensée. Hors les penseurs godillots, les intellectuels n'ont pas suivi et ceux qui ne suivent pas sont excommuniés.» L'esprit du 11 janvier a laissé la place à l'esprit de parti. Très vite, il ne s'agissait plus de combattre le terrorisme islamiste, mais le Front national et « l'islamophobie ». La défense de la liberté d'expression a laissé place à une surveillance du « dérapage », de l'amalgame, de la stigmatisation. Un détournement grossier qui a laissé des traces. « On invoque “l'esprit du 11 janvier”, tempêtait Jean-Pierre Le Goff dans FigaroVox, en même temps, le débat et la confrontation intellectuelle sont placés sous la surveillance d'associations communautaristes qui se sont faites les dépositaires de la morale publique.» Quand Laurent Joffrin célébrait le 11 janvier comme une épiphanie de la gauche morale, Alain Finkielkraut voyait naître « la division du monde politique, médiatique et intellectuel entre deux partis. Il y a d'un côté “le parti du sursaut” et “le parti de l'Autre”. La vision était prophétique. « L'antifascisme mondain » (Elisabeth Lévy) a volé en éclats et « le parti de l'Autre » a tombé le masque. Avec Edwy Plenel et Emmanuel Todd, il fait des musulmans d'aujourd'hui « les juifs des années 30 » et de la réaction des Français aux attentats la preuve de leur « islamophobie ». Après les avoir célébrées, s'en prendre aux foules du 11 janvier est devenu un must. La preuve d'«une fuite en avant dans la radicalité chic» (Finkielkraut). Sur l'autre versant de l'antiracisme, de Bernard-Henri Lévy en Philippe Val, on nomme l'ennemi prioritaire: « le drapeau noir du califat ».

    La vérité est que la folie djihadiste a mis au jour une ligne de fracture très profonde et que l'on ne peut plus enfouir : celle de l'identité ainsi qu'une question obsédante: « Qu'est-ce qu'être Français ? » L'universitaire Laurent Bouvet se souvient d'un colloque organisé en 2011, par le PS, sur le sujet. Il avait défendu l'idée d'une angoisse identitaire qui traversait le pays et développé la notion d'« insécurité culturelle ». Il fut considéré, au mieux comme un zozo, au pire comme un allié objectif de Marine Le Pen.

    Impuissante à y répondre, sourde à ces paniques, oscillant sans choisir entre le parti de « l'Autre» et celui du «sursaut », dépourvue de marges de manœuvre économiques, la gauche Hollande, pour combler son vide idéologique, est en proie à une véritable frénésie sociétale. Le mariage, la filiation, le genre, l'IVG, la fin de vie : il faut légiférer sur tous les aspects de l'existence, de la conception jusqu'à la mort naturelle. Là encore, tous les intellos ne suivent pas. « Ils veulent changer la condition humaine », s'est exclamé Claude Lanzmann dans Le Figaro. Onfray signe avec José Bové et Sylviane Agacinski une tribune dans Libé contre la GPA. Dans Le Figaro, il qualifie Pierre Bergé, favorable à cette pratique, de « Berlusconi, la vulgarité en plus ». « Le mariage pour tous, comme la réforme du collège, devait être pour leurs promoteurs une simple mesure d'ajustement à la société d'aujourd'hui, explique l'historien Pierre Nora. Ils ont tout, pour leurs détracteurs, d'un ébranlement social profond.»

    Le collège ! Le dernier champ de bataille entre les intellos et le gouvernement. Les premiers reprochent un nivellement par le bas, les seconds veulent libérer l'élève de son ennui. « La civilisation, ça n'est pas le Nutella, c'est l'effort », a lancé Régis Debray comme un cri de ralliement. Alain Finkielkraut reconnaît avec ses pairs que droite et gauche sont pareillement coupables dans l'effondrement de l'école. Il s'inquiète cependant des déclarations martiales de Najat Vallaud-Belkacem: « L'école était une promesse, elle est devenue une menace, explique-t-il. A l'insécurité culturelle, le gouvernement ajoute une insécurité scolaire, indiquant aux parents qui veulent le meilleur pour leurs enfants qu'ils sont pris au piège et que les “resquilleurs de mixité” seront punis. Leur attitude de plus en plus compassionnelle est aussi de plus en plus totalitaire.»

    L'inculture pour tous

    « Les intellectuels peinent à trouver leur place dans un système d'information où le manichéisme et la pensée ­binaire feront toujours plus d'audience que la nuance »

    Pierre Nora

    Pour Pierre Nora, au-delà même des idées, cette rupture était inéluctable. « Les politiques se méfient des intellectuels, reconnaît-il. Ils ont en tête leurs fourvoiements d'autrefois et leur reprochent d'être déconnectés de la réalité du terrain, de la complexité des dossiers. Ils ne pèsent rien dans les formations politiques, pas plus que dans les élections.» Mais, à l'entendre, la clé est ailleurs. « Les intellectuels, poursuit-il, peinent à trouver leur place dans un système d'information où le manichéisme et la pensée binaire feront toujours plus d'audience que la nuance, où animateurs et politiques se mettront le plus souvent d'accord pour considérer “le penseur” comme un coupeur de cheveux en quatre.»

    Comment réfléchir dans la perspective étroite et desséchante de la conquête du pouvoir? Comment méditer sur les fractures françaises quand vous êtes attendu sur une radio à 8 heures, une télé d'information continue deux heures plus tard, à un déjeuner avec des journalistes avant de vous rendre à l'Assemblée et à un colloque le soir dans un lycée de lointaine banlieue sur « le vivre-ensemble » ? Le tout en ayant échangé une centaine de textos ?

    Dans l'agenda d'une politique, la vie intellectuelle est un encombrant.

    Nous sommes au début des années 2000. Le PS a pris des bonnes résolutions. Il reçoit tour à tour les grandes figures de la pensée. Ce matin, c'est Marcel Gauchet qui planche. Le thème: « La sortie du religieux ». Une quinzaine d'auditeurs sont présents avec, au premier rang, le premier secrétaire du parti, François Hollande. A peine l'orateur a-t-il commencé que le député de Corrèze commence à compulser un dossier qu'il lit avec attention page par page. Au milieu de la communication, son attachée de presse apporte, l'air affairé, un autre dossier. Tandis que Gauchet poursuit son propos, Hollande se plonge un peu plus dans ses papiers. Une fois la conférence terminée, il oublie ses dossiers sur la table. Que contenaient-ils? Des dépêches politiques du fil AFP !

    Pour Jean-Pierre Le Goff, cette inculture est de plus en plus rédhibitoire : « Une élite ? Des gens qui, par un certain nombre de conditions, sont arrivés au pouvoir. Mais ils sont totalement incultes. Dénués des oripeaux du pouvoir, ils ne sont plus rien. » « Ceux qui affirment, sans gêne, que l'on critique sans avoir étudié, que lisent-ils ? », interroge Alain Finkielkraut. Ce qu'un ancien secrétaire général de l'Elysée sous François Mitterrand résume en ces termes: « Les ministres d'aujourd'hui ont le niveau des attachés parlementaires des années 80.» Cette inculture, cependant, n'est pas l'apanage de la gauche. Et la droite s'illusionne si elle pense adopter ces orphelins. « Mon parti n'existe pas », confie Alain Finkielkraut. Bruckner, lui non plus, n'a pas de port d'attache. Le Goff anime le groupe Politique autrement. Régis Debray ou Michel Onfray se situent désormais en surplomb de ce qu'ils considèrent comme un divertissement de masse. Ce qui les relie les uns aux autres ? Quelques mots d'Albert Camus : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le mo

  • Le tandem Jean-Paul II – Joseph Ratzinger, par Blandine Delplanque.

    À 51 ans, Joseph Ratzinger est le plus jeune cardinal du conclave qui va ouvrir la voie à l’élection de Karol Wojtyla le 16 octobre 1978, en cette année qui voit se succéder trois papes : Paul VI meurt le 6 août ; Jean-Paul Ier à peine élu, le suit dans la tombe le 29 septembre ; Jean-Paul II reprend le flambeau.

    (Première partie)

    C’est au cours du conclave que le tandem prend corps. Se souvenant de Jean-Paul II, qui discutait avec lui en allemand, Joseph Ratzinger évoquera « sa franchise et sa cordialité sans façons… un humour, une piété qui n’étaient jamais artificiels ou extérieurs. On sentait que c’était quelqu’un qui ne prenait pas la pose, qui était vraiment un homme de Dieu et en même temps un homme vrai. Cette richesse spirituelle, la joie dans nos conversations, tout cela fait qu’il m’a paru tout de suite sympathique » [1].

    À plusieurs reprises, le Pape va essayer de faire venir le cardinal à Rome. Une première fois, en juin 1979, il veut le nommer préfet pour la Congrégation des Études. Il l’invite à déjeuner après le voyage en Pologne. Le cardinal hésite un instant puis refuse au motif qu’il ne peut laisser le troupeau dont il a la charge depuis si peu de temps.

    Évêque de Munich, il est aussi membre de plusieurs commissions à Rome, préside la Conférence des évêques de Bavière et la Commission de la Foi des évêques allemands, sans parler des innombrables conseils, conférences, tutorats de doctorants à Ratisbonne (Regensburg), et des liens réguliers avec des théologiens du monde entier. Des responsabilités écrasantes qui conduisent son médecin à prescrire du repos pour surmenage…

    La deuxième tentative, le 6 janvier 1981, pour lui faire prendre la tête de la prestigieuse Congrégation pour la Doctrine de la Foi (nouvelle dénomination du Saint-Office depuis 1965), n’est pas plus concluante : Joseph Ratzinger pose comme condition de continuer à publier ses écrits.

    Mais sa cause est entendue deux mois plus tard grâce à un précédent trouvé par les collaborateurs du Pape : l’autorisation est accordée au futur préfet de poursuivre ses publications, sauf dans la revue Communio. « Là, je ne pouvais plus dire non », se souvient le pape émérite. Quand on lui demande s’il n’était pas audacieux de poser ses conditions au souverain Pontife, il rit et répond : « Peut-être, mais en tout cas je considérais qu’il fallait le faire car je ressentais comme un devoir intérieur de pouvoir dire des choses à l’humanité ».

    Sa nomination officielle est rendue publique le 25 novembre 1981, six mois après l’attentat qui frappe le pape athlète le jour de la fête de N.D. de Fatima, le 13 mai.

    Préfet à Rome

    L’ancien évêque de Munich, dont la devise « cooperatores veritatis »coopérateurs de la vérité – est issue de la troisième lettre de saint Jean, et dont les armoiries font référence à la fois aux Maures, à saint Augustin avec la coquille[2] et à l’ours de saint Corbinien qui porte un lourd fardeau, ne croyait pas si bien dire lorsqu’il écrit en référence à cet animal dans ses souvenirs[3] : « Quant à moi j’ai, entre-temps, fait mes valises pour Rome et depuis longtemps je marche, mes valises à la main, dans les rues de la Ville Éternelle. J’ignore quand on me donnera congé, mais je sais que cela vaut pour moi aussi : je suis devenu ta bête de somme ; et c’est justement ce que je suis auprès de Toi ».

    Un mélange de Bible, de christologie, de politique, de sociologie et d’économie théologiquement inacceptable et socialement dangereux.

    Lorsqu’il part pour Rome le 28 février 1982, Joseph Ratzinger ne se doute pas de ce qui l’attend. Il quitte sa terre natale en héros : mille prêtres se pressent pour assister à sa dernière messe à la cathédrale de Freising, au cours de laquelle il parle avec émotion de la tradition catholique de la Bavière : « Laissons la Croix rester au milieu de notre pays, au milieu de nos vies, au milieu de nos maisons ». Il s’adresse aux prêtres et aux communautés religieuses et met en garde les jeunes contre les idéologies qui se servent de leurs aspirations : « Je vous supplie d’être aussi critiques envers elles… Allez au fond des choses ! Cherchez l’essentiel, osez la vraie alternative ! » La radio et la télévision retransmettent son départ, salué en grande pompe par le gouvernement bavarois. Cette charge, il l’accepte dans son esprit pour quelques années et pourra se consacrer à nouveau à l’écriture lorsqu’il reviendra en Allemagne. « Etiam Romae, semper civis bavaricus ero », je serai toujours Bavarois, même si je suis à Rome.

    À 54 ans, il est le plus jeune préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi jamais nommé. Un poste redoutable qui va l’exposer au feu des médias : ils vont très rapidement le caricaturer comme le Grand Inquisiteur des temps modernes. À la question de savoir si personne ne l’avait prévenu de l’impopularité de la fonction, la réponse arrive sans détours : « Je n’avais pas besoin d’avertissement. Il était clair que j’allais me mettre dans les orties. Je devais prendre sur moi ».

    En tant que préfet, il préside aussi la Commission pontificale biblique et la Commission théologique internationale, tout en collaborant à d’autres organes du Saint-Siège.

    D’un point de vue pratique, il ne bénéficie plus des deux assistants de son bureau à Munich ; il doit tout taper à la machine lui-même, lettres, conférences, communiqués… un travail harassant qu’il terminera souvent tard dans la nuit, dans la chambre qui lui sert de pied-à-terre à la Casa Internazionale del Clero de la place Navone.

    Depuis 1978, il a choisi le père Bruno Fink pour l’assister dans sa charge épiscopale. À Rome, le secrétaire va jouer un rôle encore plus important.

    Il dispose d’un chauffeur avec la Mercedes donnée autrefois par Daimler-Benz au cardinal Ottaviani, et choisit un appartement de 300 m2 au 4e étage d’un immeuble du Vatican, place de la Città Leonina, comprenant deux salles de travail, un appartement adjacent et une chapelle privée. Les branchements de gaz, les prises électriques, le téléphone, les douches, rien ne marche. « J’ai souvent déménagé dans ma vie, soupire le nouveau locataire, mais à ce point je n’ai jamais vu ça ! »

    En attendant la remise à niveau de son logement qu’il intégrera en avril 1982, il devra se contenter de la chambre « Munich » au Collège teutonique de Santa Maria au Campo Santo, laquelle n’aura pas de chauffage pendant les quinze premiers jours.

    Dans ses valises, son piano, ses livres, son vieux bureau et, à partir du mois de mai, la fidèle assistance de sa sœur Maria.

    Il rencontre le Pape une fois par semaine pour faire le point. Ne parlant pas encore italien, il ouvre les séances de sa congrégation en latin. Les habitants de la place Saint-Pierre ont coutume de le voir trottiner peu avant 9 heures, chaussé d’espadrilles et portant une lourde serviette noire. À ses moments de liberté, quand il ne joue pas du piano, il se promène sur le Borgo Pio et bavarde avec les marchands de fruits et légumes ou salue le chat de la concierge. Chaque jeudi, il célèbre la messe au collège du Campo Santo, et l’église est toujours pleine à craquer. Chaque vendredi à 18 h, il a son audience avec le Pape.

    Un préfet qui s’immisce dans les discussions de théologie constitue une nouveauté : qui mieux que Joseph Ratzinger pouvait s’adonner à ce travail collégial qui supposait de savoir établir des ponts entre les mesures existantes et celles exigées par les situations nouvelles ?

    Pour élaborer les directives sur les Catholiques et les Anglicans (1982), l’Eucharistie ou la franc-maçonnerie (1983), il fait sans cesse appel aux jeunes théologiens, reprenant à son compte la Règle de saint Benoît qui dit que « souvent le Seigneur révèle à un jeune ce qui est préférable ».

    Celui que les journalistes, à l’instar de leurs confrères britanniques, vont très vite surnommer le Panzerkardinal se lance aussi dans la bataille des médias en 1983. Ainsi de cette interview accordée le 9 mai au journal de centre-gauche Der Spiegel, dans laquelle il aborde aussi bien la question de l’armement atomique de la France de Mitterrand que « des faiblesses de l’Église de ce temps », avant tout « de sa faiblesse morale » : « la vraie misère du monde réside dans la brutalité des faits qui seule compte, au détriment des principes moraux qui sont relégués à l’arrière-plan. Peut-être que l’Église devrait davantage revenir à son rôle prophétique de critique, en allant au besoin jusqu’à la confrontation. Il est important d’avoir le courage de s’élever contre la société si la situation morale l’exige. Dans tous les cas, l’Église ne devrait pas outrepasser son autorité. Elle pourrait alors très facilement exercer une pression fausse sur les consciences ».

    L’année suivante, il accorde une série d’interviews à des journalistes du monde entier sur la nouvelle génération des candidats à la prêtrise, où il fustigera notamment la théologie « barbe à papa » prodiguée par les universités catholiques et qui donnera lieu à un livre, Entretien sur la foi, produit de trois jours d’interviews avec le journaliste Vittorio Messori, qui sera à nouveau un succès de librairie inattendu, même si l’emploi du mot « restauration » donne lieu à un déchaînement de critiques.

    La mission sur l’Amérique latine

    S’étant penché dès sa thèse de doctorat sur la politisation de la religion avec l’étude de saint Bonaventure, le cardinal Ratzinger s’est vu confier par Jean-Paul II la lutte sur le front de la théologie de la libération au début du pontificat. C’est un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. La théologie de la libération s’est développée dans les années 60 en Amérique latine. Si le préfet apprécie le combat de l’Église contre les dictatures en ce sens qu’elle y œuvre pour la paix par la justice sociale, « il en va autrement quand chez certains théologiens ce qui est chrétien se volatilise et se fond dans le marxisme ».

    C’est un courant sur lequel il est très bien informé, par le prêtre espagnol Maximino Arias Reyero, un de ses doctorants qui l’a suivi à Bonn, Tübingen et Ratisbonne, et qui enseigne depuis 1971 la dogmatique à l’université catholique de Santiago du Chili ; par la commission théologique internationale du Vatican, dont il est membre ; par un voyage qu’il entreprend en Équateur en 1978, alors qu’il est évêque de Munich ; par une enquête qu’il diligente sur le dominicain Gustavo Gutierrez qui publie en 1971 au Pérou Théologie de la libération – il le rencontre à Rome en 1983.

    Le 6 août 1984, il signe l’Instruction sur quelques aspects de la « théologie de la libération » qui comporte, fait inhabituel pour un préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, une explication préliminaire qui souligne le risque de déviations marxistes. Au cours d’une audience, Jean-Paul II l’approuve et la fait publier aussitôt. À plusieurs reprises, Joseph Ratzinger reviendra sur la question : « Ce qui est théologiquement inacceptable et socialement dangereux est ce mélange de Bible, de christologie, de politique, de sociologie et d’économie », explique-t-il dans une interview au journal Die Welt le 21 avril 2005. « Quand on sacralise la révolution – dans laquelle on mêle Dieu, le Christ et des idéologies, on produit un fanatisme insensé qui peut conduire à des injustices et des oppressions pires, où l’on détruit dans la pratique ce qu’on l’on a projeté en théorie ».

    Ce qui ne l’empêchera pas, une fois devenu pape, de nommer en 2012 l’évêque de Ratisbonne Gérard Muller, un partisan déclaré de Gustavo Gutierrez, à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

     

    Illustration : « Dans la première période de son pontificat, le Saint-Père, encore jeune et plein de force, allait, sous la conduite du Christ, jusqu’aux confins du monde. Mais ensuite il est entré de plus en plus dans la communion aux souffrances du Christ,
    il a compris toujours mieux la vérité de ces paroles : “Cest un autre qui te mettra ta ceinture…”.
    Et vraiment, dans cette communion avec le Seigneur souffrant, il a annoncé infatigablement et avec une intensité renouvelée l’Évangile, le mystère de l’amour qui va jusqu’au bout. »

    Obsèques du Souverain Pontife Jean-Paul II, homélie du cardinal Joseph Ratzinger

     

    [1] . Benedikt XVI, ein Leben, Éd. Droemer, mars 2020.

    [2] . Les deux Maures couronnés figurent l’Église universelle et le lien avec la tradition car ils sont depuis mille ans sur les armoiries des évêques de Munich et Freising. La coquille saint-Jacques – une erreur de traduction s’étant glissée dans l’article précédent – fait référence au pèlerinage éternel mais aussi à saint Augustin qui, voyant un enfant essayer de puiser de l’eau de mer dans un trou avec un coquillage, aurait reçu cette parole : « il est plus difficile à ton intelligence d’appréhender le mystère divin que de transvaser la mer entière dans un trou ». L’ours ayant dévoré le mulet de saint Corbinien aurait été contraint par celui-ci à porter son fardeau jusqu’à Rome.

    [3] 3. Ma vie, souvenirs 1927-1977, Joseph, cardinal Ratzinger, traduit en français en 1998, Fayard, rééd. 2005.

  • Histoire & Actualité • Hilaire de Crémiers : « Mai 68, c’est l’irrespect, dans tous les domaines. »

     

    Un entretien avec Hilaire de Crémiers

     

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    Entretien avec Hilaire de Crémiers directeur de Politique magazine et de La nouvelle Revue Universelle. Propos recueillis Par Philippe Ménard 

    Hilaire de Crémiers, vous avez participé aux événements de Mai 68 dans une position bien spécifique : étudiant royaliste. Quelles étaient vos fonctions à l’époque ?

    Je m’occupais des cercles d’étude, des camps d’été… J’étais secrétaire général des étudiants d’Action française – ou quelque chose d’équivalent. C’était une époque de renouveau : nous avions des groupes structurés, avec des gens brillants, dans toutes les grandes villes universitaires, comme Lille, dont Jean-Pierre Dickès était l’animateur, Toulouse, Nantes, Aix et Marseille, Nanterre, avec Bernard Lugan, qui était auparavant responsable du lycée de Saint-Cloud. Il était membre de la Restauration nationale étudiante. Nous tenions des congrès et des conférences d’étudiants royalistes qui regroupaient des centaines de jeunes. Nous avions nos propres publications, comme Amitiés Françaises universitaires, que nous appelions AFU, et nous essayions de créer des dossiers d’Action française, des DAF ! Sur tous les sujets, Monarchie, Décentralisation, Enseignement et universités…

    Mai 68 va arriver, vous sentez monter la tension… Comment les royalistes considèrent-ils alors cette effervescence ?

    Aujourd’hui, on parle moins des royalistes que des gens d’Occident, qui se contentaient souvent d’un fascisme sans rigueur intellectuelle ; ils nous accusaient justement de maintenir les normes d’une sagesse politique dans notre réflexion, en raison de ce qu’ils appelaient notre « maurrassisme ». Ces groupuscules vivaient dans l’agitation. Ils se battaient, certes, mais nous aussi, et presque toutes les semaines, contre les étudiants communistes, les trotskystes, les maoïstes. Nous nous battions à la Sorbonne, à l’Odéon, à Saint-Lazare, bien avant les barricades – et souvent à un contre cinquante, car les communistes n’attaquaient qu’avec la certitude du nombre. Nous nous battions avec les Krivine, les Goldman. Cela pouvait se terminer à l’hôpital comme au poste de police. Les étudiants communistes ou déjà « gauchistes », sous la banderole de l’UNEF, tenaient les universités, la Sorbonne notamment. Ils avaient obtenu des espaces où ils pouvaient se réunir. L’administration apeurée leur était bienveillante. Il m’arrivait d’aller vers eux, fleur de lys à la boutonnière, pour leur proposer de discuter plutôt que de se battre. J’ai eu des discussions invraisemblables avec des trotskistes et des althussériens, à Normale Sup’, où nous avions un petit groupe. Spinoza, Kant, Hegel, Marx, Lénine… Nous connaissions leurs auteurs ; je lisais du Marcuse à la bibliothèque de la rue Croix-des-Petits-Champs, mais eux ne lisaient pas « nos » auteurs. C’est toujours la même chose. Les mêmes récitent le même catéchisme indéfiniment ! Il semblerait qu’aujourd’hui il y ait une jeunesse qui serait prête à s’ouvrir l’esprit. Tant mieux !

    L’agitation précédait donc largement Mai 68. Quand cela a-t-il commencé ?

    C’est 1961-1962 qui est le vrai départ des événements de Mai 68, pas 1965-1967, comme il est dit aujourd’hui. J’ai bien vécu cette période, ayant fait de la détention administrative en 1962, puis ayant été assigné à résidence. Je faisais en même temps mes études de droit et de lettres. C’est à ce moment que la gauche s’est littéralement emparée des lycées et des facultés et que le gaullisme a laissé la porte ouverte à la gauche, car la gauche l’avait soutenu dans l’abandon de l’Algérie. Nous, les royalistes d’Action française, étions alors en métropole les seuls opposants à un tel abandon, les seuls qui avions protesté non seulement contre l’abandon de la communauté française en Algérie, mais encore plus contre l’abandon des musulmans fidèles à la France. Il y avait une solution à trouver autre que le bradage honteux et qui n’a fait que repousser le problème ! Tout le monde en paie le prix aujourd’hui. Il y avait aussi la Cité catholique qui partageait la même manière de voir. J’ai assisté de l’intérieur au délitement des universités, de l’enseignement même et de la culture d’une manière générale parce que le gaullisme a systématiquement laissé la place à une gauche culturelle avant la lettre qui, en même temps, de marxiste-léniniste est devenue maoïste, spontanéiste – on parlait de « mao-spontex » –, lambertiste ou anarchiste, conséquence de l’abandon de toutes les idées de nation, d’ordre, de tradition, d’honneur, de beauté. Les professeurs étaient encore des gens remarquables, mais ils avaient déjà, en partie, abandonné leurs toges et leur autorité. Avant les cours magistraux, en Sorbonne, pendant un quart d’heure, une bande de zigotos prenaient la parole et faisaient passer leurs idées et leurs consignes. Ils tenaient l’Université. C’étaient des « professionnels de l’agitation », comme dit Macron : Krivine n’étudiait pas, il passait d’amphi en amphi pour semer l’agitation ; et l’agitation montait. J’avais écrit, alors, des articles, plusieurs mois avant Mai 68, pour signaler cette montée que nous percevions, que nous vivions, et qui allait déboucher sur un phénomène de masse. Cohn-Bendit et sa bande se sont aperçus qu’ils pouvaient faire n’importe quoi sans que jamais l’autorité leur réponde de façon cohérente : il n’y avait plus de respect. L’événement originel de Nanterre est caractéristique. Le mouvement du 22 mars est dans la logique du temps. Mai 68, c’est l’irrespect, dans tous les domaines. La libération sexuelle n’était que le refus de respecter la féminité : concrètement, dans les campus, ce n’était que la liberté de coucher. La pilule était libératrice d’abord pour le mâle ! La voyoucratie bourgeoise a pris le pouvoir dans les facultés avant d’essayer de le prendre dans la société. Et dans cette prise de pouvoir, dans cette dégradation de l’autorité, l’affaire de l’Algérie et l’évolution de l’Église, après Vatican Il, ont eu leur importance. Le christianisme de gauche a incontestablement joué un rôle déterminant dans l’évolution de la société, après la guerre, et tout spécialement après 1962. Les jeunes chrétiens gauchardisés par leurs aumôniers sont devenus les militants de la Révolution avant de devenir les cadres du parti socialiste !

    Mai 68 arrive, encouragé par un pouvoir qui a accepté d’être fragile dans les facultés, alors qu’il avait su montrer ailleurs sa dureté. À ce moment-là, les royalistes se sont-ils dit que la République pouvait vaciller, qu’il y aurait quelque bénéfice à retirer de cette agitation marxiste ?

    C’est une réflexion qui s’est faite au cours des événements. Ce sont les royalistes qui ont eu l’idée des contre-manifestations. Après la manifestation des gauchards qui étaient allés à l’Arc de Triomphe chanter l’Internationale et pisser sur la tombe du Soldat inconnu, nous avons pris la décision, en discutant avec les responsables du mouvement d’Action française de l’époque, Bernard Mallet, président des comités directeurs, et Pierre Juhel, secrétaire général de la Restauration Nationale, d’organiser des contre-manifestations. Et ça a tout de suite pris de l’ampleur : nous avons défilé tous les jours pendant huit jours, passant de 800 à 40 000 personnes sans difficulté. Mais les gens du SAC essayaient alors de prendre en main la manifestation – ils voulaient la récupérer –, ce qui n’était pas du tout dans nos objectifs ! Le SAC tentait d’entraîner la contre-manifestation sur la rive gauche pour créer des heurts frontaux. Mais je répondais aux policiers qui venaient, en quelque sorte, s’informer, et même plus que s’informer, car il n’y avait plus rien, que nous n’étions pas de la chair à canon, que nous n’allions pas jouer le jeu des barricades. L’idée est alors venue, vers la mi-mai, d’aller faire le tour systématique des lycées et des facultés, y compris les plus rouges, pour aller porter la contradiction dans un climat surréaliste de grève générale, de barricades et d’Odéon occupé ! J’ai, personnellement, fait le tour de la périphérie communiste de Paris, et de quelques lycées parisiens les plus rouges. Devant des salles de classe bondées, il était amusant d’expliquer que le totalitarisme universitaire contre lequel les émeutiers prétendaient lutter, avait été inventé par la République !

    Les étudiants manifestent avant l'intervention de la police au carrefour du boulevard Saint-Michel et du boulevard Saint-Germain, à Cluny, avec pour leader Alain Krivine des Jeunesses Communistes Révolutionnaires. On remarquera le caractère très bourgeois de ces manifestants. Politique magazine

    Les étudiants manifestent avant l’intervention de la police au carrefour du boulevard Saint-Michel et du boulevard Saint-Germain, à Cluny, avec pour leader Alain Krivine des Jeunesses Communistes Révolutionnaires. On remarquera le caractère très bourgeois de ces manifestants. 

    Nous manifestions contre le désordre et en même temps nous commencions à apporter une réponse au questionnement légitime d’une partie du public. Et nous avons installé nos propres présentoirs, avec notre presse, à côté de Clarté, le journal de l’Union des étudiants communistes, et de L’Humanité. À partir du moment où nous nous sommes installés, tout le monde a accouru, gaullistes, giscardiens en tête ! Nous avions ouvert la voie ; il avait fallu se battre un peu. Nous étions assez nombreux pour nous imposer, à Paris comme en province. Nous avions une imprimerie en banlieue où nous allions la nuit, tous feux éteints, faire tirer nos journaux, Aspects de la France et AFU. Nous étions toute une bande ; il y avait Gérard Leclerc, Jean-Pierre Dickès et bien d’autres. Nous écrivions le journal, le portions à l’imprimerie, le tirions à des milliers d’exemplaires et le rapportions en passant les chicanes de la CGT. Comme il n’y avait plus de presse et que, seules, deux radios fonctionnaient, les ventes à l’Opéra, à Saint-Lazare, explosaient ! Au lieu de vendre difficilement en faisant le coup de poing, un numéro partait à la seconde ! Je descendais en voiture à Lyon, les gens de Marseille montaient, on faisait la même chose à l’Ouest, Poitiers – Bordeaux – Toulouse, et le journal était distribué dans toute la France. Aspects de la France est le seul journal qui a paru pendant trois semaines, en alternance avec AFU. Mais tout était flou… Les gaullistes achetaient les révolutionnaires, Chirac se promenait avec un revolver et des valises de billets, De Gaulle allait consulter à Baden-Baden, nous faisions le tour des lycées et des facultés, nous chahutions Duverger et les profs bourgeois qui jouaient les émeutiers, on s’amusait beaucoup. C’était formidable, mais où menions-nous ces étudiants qui nous suivaient ? … Nous ne le savions pas. Et c’était une pensée lancinante et terrible. Tout le monde agité ne pensait en fait qu’au pouvoir à prendre et ils se sont arrangés pour s’y faire leur place, presque tous ! Devenus eux-mêmes ce qu’ils étaient censés renverser ! Et je peux vous dire que beaucoup d’argent a circulé. Jamais pour nous évidemment, toujours pour les gauchards et les sbires du gouvernement.

    Vous existez : du coup ceux qui avaient peur de réagir s’enhardissent et vous confisquent la réaction. Comment vivez-vous ce moment où tout s’échappe ?

    Douloureusement. Le milieu royaliste était en train de se fracturer entre partisans de l’ordre et partisans du chambardement. J’imposais à mon niveau une direction mais c’était fragile. Je devinais ce qu’il fallait faire mais nous n’en avions pas les moyens. Pompidou s’en est tiré après les accords de Grenelle ; De Gaulle est revenu, mais il avait, malgré les apparences, perdu la partie : un an plus tard, il sera contraint de partir, et pourtant sur une de ses meilleures propositions de réformes. La gauche a misérablement tenté de reprendre le pouvoir au stade Charlety. Le Parti communiste et la CGT ne voulaient pas aller au-delà de ce que Moscou souhaitait – et l’URSS voulait maintenir De Gaulle, personnalité « de droite » qui avait une politique internationale dite « de gauche », mais nous ne savions pas jusqu’à quel point. Nous avons eu le sentiment, d’une certaine manière, d’avoir été manipulés puisque notre contre-révolution avait servi le pouvoir républicain qui s’était ressaisi. Nous avons fait un camp, à l’été 68, très suivi. Mais la société avait changé. Les événements relevaient à la fois d’une mascarade bourgeoise et d’un bouleversement en profondeur, et nous n’avions pas la capacité de mener à son terme la dynamique que nous avions lancée. À la Mutualité, 2000 étudiants criaient « Vive le Roi », mais à quoi bon, si l’État, l’Église, la société se reconstituaient sur un pacte de consolidation républicaine où le désordre sert finalement l’ordre établi et où l’ordre établi ne cesse d’alimenter le désordre. La loi Edgar Faure en fut l’expression la plus évidente.

    Mgr Marty avait déclaré dans un mandement que Dieu n’était pas « conservateur » ! La formule aurait pu être comprise intelligemment. Ce ne fut pas le cas. Etait-ce possible ? On ne peut imaginer la sottise de l’époque. Nous avions établi, avec quelques étudiants, une sorte de PC à l’Institut catholique, mais de l’autre côté de la cloison, nous entendions de jeunes séminaristes qui allaient sur les barricades… C’était assez désespérant ! Je pense, aujourd’hui, qu’il y avait là un vrai combat. Mais ce qui est sûr, c’est que, pour réussir, il faut préparer les forces suffisamment à l’avance de façon que les réactions nationales ne soient pas que des coups de chaud ! Indéfiniment récupérés par les aventuriers de la politique.    

    Hilaire de Crémiers