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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Covid-19 : fin de partie ?!?

    Telle était la tonitruante affirmation proférée le 26 février dernier par le meilleur infectiologue au monde (selon le classement expertscape), accueillie pourtant avec scepticisme et même sarcasmes par la communauté scientifique. Trois semaines plus tard, la réalité est en train de lui donner raison. Révélant au passage que nous aurions à peu près tout faux face au virus. Ce qui est en fait une excellente nouvelle !

    Nous voici donc nous dit-on en « état de guerre ». Nouveauté certes pour nos générations qui (sauf pour les plus anciens) n’ont connu que des temps de paix. L’Europe est sous un quasi-couvre-feu, avec une restriction massive des libertés individuelles et une casse économique et sociale qui promet d’être dramatique. Les discours des chefs d’état s’enflamment à qui mieux mieux: nous sommes « attaqués », l’ennemi est « invisible », « sournois », « redoutable » mais nous en viendrons à bout ! Ce genre de vocabulaire paraît d’un autre âge. La réalité est plus prosaïque : nous subissons la contamination à large échelle par un virus qui est un pur produit de la rencontre entre la bêtise humaine (l’entassement dans des cages superposées d’animaux sauvages de diverses espèces dans des marchés insalubres…) et de l’inventivité du vivant. La bestiole a donc franchi la barrière inter-espèces et s’est propagé à partir de là au sein de la nôtre avec la fulgurance propre à ces toutes petites choses. Ce n’est pas une guerre, nous ne pourrons jamais vaincre ou éradiquer cette créature. Nous prémunir contre ses dégâts si, puis nous aurons à apprendre à vivre avec elle. Ce qui réclame une autre intelligence que celle des slogans martiaux sanitaires…

     

    Précaution liminaire

    Je l’ai dit et le répète : en ces temps de mobilisation collective, nous avons tous à respecter scrupuleusement les mesures qui sont imposées. Même si on doute de celles-ci ou qu’on les trouve inadaptées, aucun d’entre nous ne peut se donner le droit de suivre sa propre idée. Cette compliance -que je n’ai cessé de prôner- m’habite inconditionnellement.

    Par contre, cette obéissance civile ne doit surtout pas conduire à une interdiction de penser ou de parler. Nous vivons des temps hautement traumatiques, avec des dégâts sur la population qui seront considérables. Donner sens à ce que nous vivons, nous renseigner, oser poser des questions est non seulement un droit inaliénable mais aussi une nécessité vitale !

    J’ai lu passablement de commentaires ironiques sur le nombre soudain de virologues ou d’épidémiologies amateurs s’exprimant sur les réseaux sociaux, ce que je peux comprendre. Mais je pense à l’inverse que plus les citoyennes et citoyens s’intéresseront à ce qui nous arrive, plus ils s’informeront ou même se documenteront, mieux cela nous aidera à mettre en dialogue ce que nous vivons, ce qui essentiel à la fois pour notre santé psychique individuelle et notre résilience collective.

    On m’a parfois objecté que j’avais une responsabilité en tant que scientifique, que les analyses que je pouvais faire (toutes pertinentes qu’elles soient) risquaient d’être mal interprétées ou pousser les gens à faire n’importe quoi. Je le rappelle donc : nous avons tous à suivre sans discuter les instructions des autorités. Et abstenons-nous strictement de toute automédication, en particulier en ce qui concerne les substances que je mentionnerai plus loin. Utilisées hors suivi médical strict, elles peuvent en effet être dangereuses. Ceci posé, allons-y !

     

    D’où je parle…

    Je suis anthropologue de la santé et expert en santé publique. Mon métier consiste depuis plus de 30 ans à étudier les pratiques des soins et les dispositifs sanitaires. J’arrive à un âge où l’on sait (hopefully) qu’on n’est pas le nombril du monde et (sauf exception) qu’on n’a pas inventé le fil à couper le beurre. J’ai quelques références dans mon domaine, comme celle d’être (malgré  l'embarrassante immodestie de ce propos) un des meilleurs connaisseurs actuels des processus de salutogenèse et de rétablissement ainsi que des déterminants de la santé. Ce qui m’a valu d’être invité à enseigner dans une quinzaine de programmes universitaires et de hautes écoles en santé (Facultés de médecine de l’UNIGE et de l’UNIL, EPFL, IHEID, Universités de Montréal, Fribourg, Neuchâtel, etc.) J’ai exercé ma profession hors des milieux académiques, préférant agir au sein des politiques de santé ainsi que sur le terrain. J’ai créé différents dispositifs socio-sanitaires innovants, en particulier en santé mentale, dont certains font encore référence aujourd’hui.

    Je m’excuse pour ce petit étalage. C’est le prix à payer pour me prévaloir d’une (modeste) compétence quant à ce que je vais maintenant avancer.

     

    Banal ou pas banal ?

    Depuis le début de l’émergence du coronavirus, je partage mon analyse qu’il s’agit d’une épidémie  banale. Le terme peut choquer quand il y a des morts, et a fortiori dans la crise sanitaire et la dramaturgie collective hallucinée que nous vivons. Pourtant, les données sont là : les affections respiratoires habituelles que nous vivons chaque année font bon an mal an 2'600'000 morts à travers le monde. Avec le Covid-19, nous en sommes, au quatrième mois, à 12'000 décès, et avec le pays initialement le plus touché qui est parvenu à juguler l'épidémie. Nous sommes très très loin d'avoir un effet statistiquement significatif au regard de la mortalité habituelle et en particulier de la surmortalité saisonnière.

    Je l’ai dit et je le répète : le même traitement politique ou journalistique appliqué à n’importe quel épisode de grippe saisonnière nous terrifierait tout autant que l’épidémie actuelle. Comme la mise en scène (avec décompte en live des victimes) de n’importe quel problème sanitaire d’envergure, qu’il s’agisse des maladies cardiovasculaires, des cancers ou aux effets de la pollution atmosphérique nous ferait frissonner d’effroi tout autant et même infiniment plus !

    Nous savons aujourd’hui que le Covid-19 est bénin en l'absence de pathologie préexistante. Les plus récentes données en provenance d'Italie confirment que 99% des personnes décédées souffraient d'une à trois pathologies chroniques (hypertension, diabète, maladies cardiovasculaire, cancers, etc.) avec un âge moyen des victimes de 79,5 ans (médiane à 80,5) et très peu de pertes en-dessous de 65 ans.

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    Les quatre plus grands facteurs à l'origine des maladies chroniques étant :

    - La malbouffe.

    - La pollution.

    - Le stress.

    - La sédentarité.

    Les maladies chroniques seraient évitables à 80% si nous nous donnions les moyens de protéger la population plutôt que de sacrifier sa santé au profit d'intérêts industriels. Nous avons depuis des décennies accordé des facilités coupables à des industries hautement toxiques au détriment du bien commun et de la santé de population (pour un développement de ce constat, se référer à larticle suivant). Nous en payons aujourd'hui une nouvelle fois le prix, sous une forme nouvelle.

    Il faut oser le dire : ce n’est pas le virus qui tue, ce sont les pathologies chroniques qui rendent une infection au SARS-CoV-2 potentiellement fatale à certains patients déjà lourdement touchés par ces maladies de société, alors qu'il est il est bénin pour les personnes en bonne santé.

     

    Stats et probas en folie

    Il y a un autre problème : les taux en particulier de complications et de mortalité qu’on nous brandit sous le nez jour après jour ne veulent rien dire. En l’absence de dépistage systématique de la population, nous n’avons aucune donnée fiable à laquelle référer les données dont nous disposons (nombre de cas déclarés et de décès).

    C’est un classique en épidémiologie : si vous ne dépistez que les morts, vous parviendrez à 100% de taux de mortalité ! Si vous ne testez que les cas critiques, vous en aurez moins mais encore beaucoup plus qu’en réalité. Si vous dépistez beaucoup, vous aurez beaucoup de cas alors que si vous dépistez peu, le nombre de cas sera faible. La cacophonie actuelle ne permet juste pas d’avoir la moindre idée de la progression réelle du virus et de sa diffusion.

    Les estimations les plus crédibles laissent penser que le nombre de personnes déclarées positives au Covid est très largement inférieur au nombre de personnes réellement infectées, dont à peu près la moitié ne se rendra même pas compte qu’elle a contracté le virus. Pour un redoutable tueur, il est parfois plutôt débonnaire…

    Nous n’avons donc à ce stade aucune idée de l’ampleur réelle de la propagation du virus. La bonne nouvelle est que les données réelles (en particulier les taux de complications et de mortalité) ne peuvent être que largement inférieures à ce qui est couramment avancé. La létalité réelle, comme annoncé dans un précédent article, doit en fait s'établir au plus à 0,3% et probablement encore moins. Soit moins du dixième des premiers chiffres avancés par l’OMS.

    Les dernières modélisations évaluent à un ratio minimal de 1:8 (et possiblement jusqu'à 1:47 voire encore plus) le nombre de cas détectés vs non détectés, dépendamment des stratégies de dépistage mises en œuvre selon les pays. En date du 16 mars par exemple, on recensait  167'000 cas déclarés à travers le monde alors qu'une bonne estimation du nombre global de personnes infectées s'élevait à plus de 1'000'000.  Une équipe de recherche universitaire américaine m'a fait part qu'ils évaluaient (étude à publier) actuellement à 800'000 le nombre de personnes réellement infectées en Chine (et donc très probablement immunisées) pour 3'118 décès. Soit effectivement un taux de mortalité de 3/1000.

    Des lecteurs m'ont entretemps écrit pour m'indiquer que je m'étais trompé, que le nombre de cas en Chine était de 80'000 et non de 800'000 ! A nouveau, ils se réfèrent au nombre de cas avérés, qui n'est que la partie émergée de l'iceberg. Le taux de dépistage reste faible même dans les pays qui ont pris massivement cette voie. S'il reste impossible de connaître le nombre de cas inconnus (!), on est de toute manière très loin des statistiques disponibles basées sur des données lacunaires.

     

    Fin du monde ou pas ?!

    Pareillement, les projections qui sont faites pour imaginer le nombre de morts possibles sont rien moins que délirantes. Elles reposent sur un « forçage » artificiel et maximal de toutes les valeurs et coefficients. Elles sont faites par des gens qui travaillent dans des bureaux, devant des ordinateurs et n’ont aucune idée ni des réalités de terrain, ni de l’infectiologie clinique, aboutissant à des fictions absurdes. On pourrait leur laisser le bénéfice de la créativité et de la science-fiction. Malheureusement, ces projections, littéralement psychotiques, font des dégâts massifs.

    Mon expérience en santé mentale me fait éviter strictement les expressions toutes faites comme « schizophrénie » ou « psychose », qui sont à peu très toujours utilisées abusivement et d’une manière désobligeante pour les personnes concernées. Médicalement, la psychose se caractérise par des distorsions cognitives, perceptuelles et affectives entraînant une perte de contact avec la réalité. Ici, le terme est hélas pleinement indiqué.

    J’en appelle à mes collègues de la Faculté de médecine et autres instituts universitaires pour qu’ils arrêtent de produire et de colporter des modélisations fausses et anxiogènes. Ces experts se protègent en reconnaissant par précaution de langage le caractère outrancier de leurs formalisations, les journalistes le mentionnent scrupuleusement (c’est à leur crédit), on n'en construit pas moins diligemment un sentiment de fin du monde qui non seulement n’a absolument pas lieu d’être, mais de surcroît est lui-même profondément nocif !

    On peut certes donner crédit à nos dirigeants d’envisager le pire du pire du pire sur la base de ces élucubrations pour ne surtout pas prendre le moindre risque qu’il se produise. En attendant, on construit une hallucination -collective- sur la base de chiffres qui ne veulent rien dire.  La réalité, à nouveau, est que cette épidémie est largement moins problématique et dangereuse que ce qui est affirmé, le visionnement de la première vidéo référencée en fin d’article donnera au lecteur (ou la lectrice) les éléments nécessaires à comprendre le bien-fondé de cette affirmation.

     

    Oui, mais tous ces morts et ces services engorgés ?!

    C’est hélas le vrai point noir : s’il n’y avait pas ces cas graves, l’épidémie serait insignifiante. Il se trouve qu’elle entraîne des complications rares mais redoutables. Comme me l'écrivait le Dr Philippe Cottet, en première ligne aux HUG : « il faut le dire, les pneumonies virales sont rarissimes d’habitude en Suisse. Elles ont un tableau clinique fruste et d’évolution parfois fulminante, dont les signes annonciateurs sont difficilement identifiables face aux cas plus bénins. C’est un réel challenge clinique, sans compter le nombre de cas simultanés... »

    C’est l’existe

  • Petite Feuille Verte n°70 : La mosquée, église des musulmans ?, par Annie Laurent.

    Dans les pays régis par la laïcité, la tendance, accentuée par la sécularisation, est de porter un regard indifférencié sur toutes les religions. Cela se vérifie particulièrement en Occident où le christianisme, majoritaire depuis des siècles, est désormais concurrencé par l’islam. Ainsi, au nom du principe d’égalité et du droit à la liberté religieuse, les Etats concernés, et donc la France, cherchent à doter cette religion d’un statut équivalent à celui du christianisme, mais sans tenir compte de la dimension idéologique de l’islam, inséparable de sa dimension religieuse.

    Dans la Petite Feuille Verte n° 70, que vous pourrez lire ci-dessous, Annie Laurent s’emploie à mettre de l’ordre dans les définitions relatives aux cultes respectifs du christianisme et de l’islam. Elle sera complétée par la Petite Feuille Verte n° 71 qui examinera les retombées sociales et politiques entraînées par ces confusions.

    4.jpgContrairement à une idée répandue, la mosquée ne doit pas être définie comme l’équivalent de l’église. De même, l’imam des musulmans ne correspond pas au prêtre des chrétiens (catholiques et orthodoxes). Ces différences essentielles reposent sur les conceptions respectives des deux religions quant au rapport de leurs fidèles avec Dieu et donc de la nature de leur culte.

    L’ÉGLISE ET LA MOSQUÉE

    L’architecture de l’église et celle de la mosquée illustrent la manière dont le christianisme et l’islam envisagent le rapport entre Dieu et ses créatures humaines.

     Un Dieu proche

    L’« église », du grec ekklesia, « assemblée par convocation », est un édifice sacré où les fidèles se rassemblent pour le culte et la liturgie (Code de droit canonique, canon 1214).

    L’église est la Demeure de Dieu, qui s’y trouve sous la forme de l’hostie consacrée, conservée dans le tabernacle ou exposée dans l’ostensoir offert à l’adoration des fidèles. C’est pourquoi une église doit être consacrée par l’acte de dédicace, qui est un sacramental particulièrement solennel, avant d’accueillir le culte. C’est aussi pourquoi toute dégradation du lieu équivaut à une profanation qui mérite d’être réparée par des prières de pénitence.

    Le plan de l’église rappelle la croix du Christ, il symbolise la Révélation et l’Incarnation (cf. Michel Feuillet, Lexique des symboles chrétiens, PUF, 2004, p. 48). Cela justifie la présence de crucifix, d’images et de statues représentant les Personnes divines (Dieu le Père, le Christ et l’Esprit Saint), la Vierge Marie et les saints, mais aussi de fresques, tableaux, vitraux et retables illustrant des scènes bibliques ou historiques.

     Un Dieu lointain

    La « mosquée », masjid en arabe, est « le lieu de la prosternation », allusion à la gestuelle des musulmans pendant la prière rituelle.

    Aucune forme architecturale spécifique n’est requise pour le bâtiment qui l’abrite. La seule obligation est la qibla, sorte de niche qui indique l’orientation vers La Mecque, appelée « Mosquée sacrée » par le Coran (2, 144). La qibla fut imposée en 634 par Mahomet dont la maison à Médine constituait la première mosquée. Les autres éléments ont été établis au fil du temps. Il s’agit du minbar, chaire de prédication, de fontaines pour les ablutions rituelles et du minaret, du haut duquel est lancé l’appel à la prière cinq fois par jour. Cet appel, en langue arabe, se fait par voix humaine directe ou enregistrée et transmise par haut-parleur selon une pratique qui s’est développée dans le monde entier.

    Quant aux murs intérieurs et extérieurs de la mosquée, ils sont dépourvus de toutes représentations humaines. Puisqu’Il est « inconnaissable » (Coran 6, 50 ; 7, 188 ; 11, 31 ; 27, 65) et « inaccessible » (42, 4), Allah ne peut pas habiter parmi les hommes, donc s’incarner. C’est pourquoi Il ne saurait être représenté. Le principe de non-représentation s’applique aussi à ceux qui, parmi les êtres humains, occupent un rang primordial dans l’islam. Il s’agit pour l’essentiel de Mahomet qui fait pourtant l’objet d’une réelle vénération, compte tenu de son inscription dans la chahâda (profession de foi islamique) : « Il n’y a pas d’autre divinité qu’Allah et Mahomet est son Prophète ».

     Le culte des images

    Comme le judaïsme, l’islam est une religion aniconique (hostile aux icônes). De son point de vue, le culte des images s’apparente à de l’idolâtrie ; il est donc satanique. En 721, le dirigeant omeyyade Yazid II, qui siégeait à Damas, alla jusqu’à interdire les images religieuses dans les églises situées sur le territoire de son califat. Cet événement préluda à la crise iconoclaste qui affecta l’Eglise de Byzance de 730 à 843 (cf. Marie-France Auzépy, « Iconodoules et iconoclastes », Le Monde de la Bible, mai 2006). En réaction à l’édit de l’empereur Léon III l’Isaurien, qui mettait les images hors-la-loi (730), décision refusée par le patriarche Germain de Constantinople – il fut déposé pour cela – et désapprouvée par le pape Grégoire II, saint Jean Damascène, Père et docteur de l’Eglise (676-749), développa une théologie justifiant la vénération des images par le fait que Dieu s’est rendu visible en prenant la condition humaine, touchant ainsi de son rayonnement la Vierge Marie et les saints (cf. Jean Damascène, Le visage de l’invisible, éd. Migne, 2009).

    La doctrine traditionnelle de l’Eglise sur les « saintes images » fut confirmée par le 7ème concile œcuménique, tenu à Nicée en 787. « En effet, plus on les voit, grâce à leur représentation par l’image, plus en contemplant leurs images on est amené à se rappeler et à aimer les modèles originaux et à leur donner salutations et respectueuse vénération […]. Car l’honneur rendu à l’image s’en va au modèle original, et celui qui vénère l’image vénère en elle la personne de celui qu’elle représente ». Et le concile frappait d’anathème « quiconque ne salue pas ces images, faites au nom du Seigneur et de ses saints » (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, Cerf, 1996, p. 221-224).

    Ce n’est en aucun cas la matière (pierre, bois, peinture, vitrail, mosaïque, tissu) qui est vénérée par les chrétiens, comme le disent souvent les musulmans. D’ailleurs, leur religion comporte un rite ayant de la matière pour objet : pratiqué durant le pèlerinage à La Mecque, il consiste à porter un geste de vénération sur la Pierre noire protégée dans un disque d’argent, le tout encastré dans l’angle oriental de la Kaaba (Cube), ancien temple païen dont Mahomet a fait la « Maison d’Allah ». Cette pierre aurait été posée là par Dieu lors de la création. « Tout croyant qui la touche ou l’embrasse fait serment de fidélité définitive à Dieu. Le jour du Jugement dernier, elle témoignera en sa faveur », a noté Slimane Zeghidour, journaliste franco-algérien, au retour de son pèlerinage (La vie quotidienne à La Mecque, de Mahomet à nos jours, Hachette, 1989, p. 158).

    A cause de son iconoclasme, l’islam, sauf dans sa version chiite, ne tolère comme éléments décoratifs dans les mosquées que l’écriture en calligraphie arabe de versets coraniques. Lors de la conquête arabe de Damas (634), la basilique abritant le tombeau de saint Jean-Baptiste, devenue Mosquée des Omeyyades, fut dépouillée de ses fresques et icônes et surmontée de quatre très hauts minarets. Un sort identique fut réservé à Sainte-Sophie lors de la chute de Constantinople aux mains des Turcs (1453) et à bien d’autres églises encore, notamment en Espagne, qui fut sous domination musulmane de 711 à 1492.

    Enfin, contrairement à l’église, la mosquée n’étant pas un espace consacré, toutes sortes de rencontres et d’activités profanes peuvent s’y tenir : débats, transactions, enseignement, révisions de cours, règlements de justice, repos, etc.

     LE PRÊTRE ET L’IMAM

    Dans le christianisme, le culte rendu à Dieu passe par la médiation du Christ, Verbe incarné. Cette mission est déléguée aux prêtres.

    Le mot « prêtre » vient du grec presbyteros. Son office propre, ou sacerdoce, qu’il reçoit par le sacrement de l’ordre, « est d’être médiateur entre Dieu et le peuple », notamment lorsqu’il célèbre le sacrifice de la messe et annonce l’Evangile. C’est lui qui transmet la grâce divine au moyen des sacrements (baptême, communion, confirmation, mariage, pardon des péchés, onction des malades). Le prêtre, appelé par Dieu, agit in persona Christi (« en la personne du Christ »). Cf. Dominique Le Tourneau, Les mots du christianisme, Fayard, 2005, p. 502 et 554.

    Cette vocation nécessite une préparation longue et approfondie qui est dispensée dans les séminaires, en général sous le contrôle des évêques, seuls habilités à conférer le sacrement de l’ordre.

    Pour sa part, le musulman étant seul face à Allah n’a pas besoin d’un médiateur. L’imam, de l’arabe « celui qui est devant », est un laïc et non un clerc. Il est certes un homme de religion mais il n’est pas un religieux car il ne s’engage pas par des vœux ou des promesses ; il ne représente ni Allah ni Mahomet, n’intercède pas, ne célèbre aucune liturgie, n’est soumis à aucune discipline institutionnelle et n’est en rien indispensable à la communauté des fidèles, laquelle peut d’ailleurs s’en passer (cf. Henri de Saint-Bon, L’islam à la lumière de la foi chrétienne, Salvator, 2016, p. 177-181). Cette conception se rapproche de celle du pasteur dans le protestantisme.

    La fonction principale de l’imam est de conduire la prière collective, surtout celle du vendredi, à la mosquée ou en tout autre lieu, par exemple dans les prisons pour ce qui concerne ceux qui sont aussi aumôniers. Cette prière, bien plus longue que toutes les autres, est prescrite par le Coran, qui ne justifie pas le choix de ce jour.

    • Ô vous les croyants ! Quand on vous appelle à la prière du vendredi, accourez à l’invocation d’Allah ! Interrompez tout négoce : c’est un bien pour vous, si vous saviez ! (62,9).

    Pour accomplir sa mission, quelle que soit son origine, l’imam doit connaître l’arabe, gage de validité de la prière puisque cette langue, étant celle du Coran, est réputée être celle d’Allah. Certes, les communautés chrétiennes ont elles aussi leurs langues liturgiques propres qui varient selon les rites et les cultures (latin, grec, syriaque, arménien, copte, etc.) ; mais si elles expriment le sacré, aucune Eglise ne les a jamais qualifiées de « divines ».

    Au cours de la grande prière hebdomadaire, l’imam prononce un prêche (khotba) qui peut traiter de sujets religieux, mais aussi politiques ou éthiques, par exemple le rapport avec les non-musulmans, le sort à réserver aux femmes ou aux apostats, le djihad, etc. Là où l’imam a le statut de fonctionnaire de l’Etat, le texte de ce sermon peut lui être imposé par son ministère de tutelle qui entend ainsi contrôler cet exercice.

    Traditionnellement, l’imam était choisi au sein de sa communauté, voire auto-proclamé, pratiques qui subsistent en certains lieux. Cependant, dans la plupart des pays musulmans, il existe désormais des instituts spécialisés supervisés par les Etats. Mais l’absence de hiérarchie religieuse et d’autorité magistérielle unique dans l’islam sunnite favorise l’éparpillement idéologique dû à la multiplicité des interprétations des textes sacrés.

     POUR CONCLURE

    Une partie des imams qui officient en France sont formés à l’étranger (en particulier au Maroc, pays avec lequel Paris a signé un accord dans ce domaine) ou dans des instituts privés financés par les pétromonarchies arabes. Le Conseil français du culte musulman (CFCM), considéré par l’Etat comme l’instance officielle de l’islam, n’exerce en fait aucun contrôle sur les enseignements dispensés dans ces derniers. En 2017, sa tentative d’imposer une Charte unifiée de l’imam s’est soldée par un échec (cf. PFV n° 50).

    En outre, chaque année pendant le mois de Ramadan, quelque 300 imams étrangers, venus de Turquie et du Maghreb, sont autorisés à séjourner en France pour répondre aux besoins des mosquées mais un grand nombre d’entre eux ne sont pas francophones.

    Dans un discours prononcé à Mulhouse le 18 février 2020, le président Emmanuel Macron a annoncé son intention de renforcer le contrôle sur les financements étrangers des lieux de culte musulmans ainsi que l’arrêt des « imams détachés », sans préciser quelles modalités il entendait adopter pour la mise en œuvre de ce plan.

    Par ailleurs, l’Etat évoque régulièrement la nécessité de créer une sorte de séminaire officiel pour les futurs imams, afin de garantir la compatibilité de leur formation avec les principes de la laïcité. Mais une telle mesure de contreviendrait-elle pas à la neutralité de l’Etat en matière religieuse ?

    L’absence de solution à ces problèmes s’ajoute aux retombées sociales et politiques résultant des définitions respectives de la mosquée et de l’imam telles qu’elles ont été expliquées ici. Ces retombées seront présentées dans la Petite Feuille Verte n° 71.

    Annie LAURENT

    Déléguée générale de CLARIFIER

  • L’effondrement du cours du pétrole et ses conséquences géopolitiques, par Antoine de Lacoste.

    (Cet article est paru  dans le dernier numéro de Politique Magazine. Nous le publions ici avec l'aimable autorisation du journal et d'Antoine de Lacoste que nous remercions chaleureusement l'un et l'autre).

    Alors que les marchés financiers s’effondraient sous les coups d’un virus inattendu, les cours du pétrole ont suivi le mouvement, plus violemment encore. Plus géopolitiquement aussi. Car si le monde boursier se serait bien passé d’une chute incontrôlée intervenue sous l’effet de la panique, il n’en est pas du tout de même dans le monde du pétrole.

    Pendant des décennies, l’OPEP a contrôlé les prix du pétrole. Son emprise a démarré en fanfare en 1973, lorsque l’organisation a décidé de quadrupler le prix du baril, provoquant une grave crise économique dans les pays occidentaux. A partir de cette date, le monde a vécu sous la dépendance des diktats des 14 pays membres de cette organisation à composante fortement musulmane. Même les Etats-Unis, pourtant alliés étroits de l’Arabie Saoudite (pétrole contre sécurité), avaient bien du mal à modérer les appétits financiers du cartel pétrolier.

    antoine de lacoste.jpgUn second choc pétrolier se produira en 1979, à la faveur du conflit Iran-Irak, et c’est un presque triplement des cours que subiront de plein fouet l’ensemble des pays consommateurs. L’émergence économique de la Chine sera ensuite le relai d’une demande très élevée et donc d’un maintien de cours élevés, malgré une offre potentielle pléthorique.

    Et puis le pétrole de schiste est arrivé. Les Américains se sont engouffrés dans son exploitation, coûteuse mais rentable quand le prix du baril est élevé. Progressivement, l’OPEP a vu son influence diminuer concomitamment à l’affaiblissement de son poids dans la production mondiale : entre 35 et 40% aujourd’hui. Une misère par rapport à un passé révolu.

    Le rapport de force a évolué au point de consacrer un nouveau premier producteur mondial inattendu : les Etats-Unis. On se croirait revenu au temps du Lucky Luke d’A l’ombre des derricks…

    Les Saoudiens et leurs amis ont alors frappé à la porte de la Russie, autre grand producteur d’or noir. Poutine écouta le discours d’une oreille attentive : pourquoi ne pas conjuguer nos forces pour contrôler ensemble et à l’échelle mondiale le prix du baril ? Et puis nous pourrons tour à tour monter les cours pour encaisser davantage de dollars ou les baisser pour gêner la coûteuse production de pétrole de schiste.

    L’accord est scellé en 2016 et le monde passe de l’OPEP à l’OPEP+, c’est à dire avec la Russie ainsi que, progressivement, d’autres producteurs non-membres de l’OPEP, une dizaine en tout.

    Depuis, la Russie et l’OPEP faisaient plutôt bon ménage. Cela s’est vu au moment de l’intervention russe en Syrie, alors que l’Arabie Saoudite soutenait massivement des milices islamistes. Les intérêts très divergents de chacun ne se sont pas traduits par une crise géopolitique aigüe avec les pétro-monarchies du golfe et ce, uniquement grâce à leurs intérêts convergents sur le marché de l’or noir.

    Avec la crise sanitaire du coronavirus, le paysage achève de se modifier. Le ralentissement économique va fortement toucher la Chine, premier importateur mondial, puis l’ensemble du monde occidental. Afin d’anticiper une inéluctable chute des cours, une réunion à huis-clos s’est tenue le 5 mars à Vienne. Elle s’est soldée par un échec total : l’Arabie Saoudite exigeait une baisse drastique de la production, ce que Poutine a refusé. Le résultat ne s’est pas fait attendre et le lundi 9 mars le marché s’est littéralement effondré, frôlant les 30 dollars le baril. Le cours était de 66 dollars au début de l’année…

    Fort mécontents les Saoudiens ont alors fait volte-face et décidé d’augmenter massivement leur production, espérant prendre ainsi la Russie à contre-pied. Imperturbable, Moscou a annoncé à son tour une hausse de la production.

    On se doute que l’ambiance n’est guère amicale en ce moment entre les deux grandes puissances pétrolières et les observateurs ont fait état d’un climat « glacial » lors de la réunion de Vienne.

    Les conséquences seront importantes pour leurs économies respectives, surtout pour l’Arabie Saoudite qui établit ses budgets en fonction d’un cours supérieur à 80 dollars selon le FMI (chiffre non confirmé par Ryad). La Russie quant à elle fait ses comptes à un cours d’équilibre de 42,40 dollars le baril. Autre avantage, elle dispose de réserves financières confortables tandis que l’Arabie, très dispendieuse, vit des heures économiques très difficiles.

    Mais il ne faudrait pas s’arrêter à ce conflit qui n’est au fond que l’écume de la vague. Le vrai sujet, ce sont les Etats-Unis.

    Si la Russie a pris le risque de s’opposer frontalement, et inhabituellement, à l’Arabie Saoudite, c’est qu’elle a en vue une stratégie à plus long terme. C’est d’ailleurs une des grandes différences entre les mentalités russe et arabe : la priorité au temps long, socle de la stratégie géopolitique de Poutine.

    La réussite des recherches et de la production du pétrole de schiste aux Etats-Unis a bien sûr beaucoup contrarié les dirigeants russes. Les Américains sont devenus les premiers producteurs de pétrole dans le monde, et cela a été au détriment des parts de marché russes. Certes, il y a eu en retour un avantage politique certain : le désengagement progressif des Etats-Unis du Proche-Orient, permettant ainsi à la Russie d’y peser plus fortement. Les Etats-Unis ont en effet beaucoup moins besoin des pétro-monarchies du golfe. Mais le coût financier de la perte de parts de marché est un vrai sujet et voilà longtemps que les Russes pèsent le pour et le contre : faut-il un cours du baril de pétrole élevé pour augmenter les recettes ou un cours plus faible pour gêner la production coûteuse d’un redoutable concurrent ?

    Poutine a tranché. Il n’était d’ailleurs pas seul à faire ce choix : les oligarques russes l’y ont fortement incité. Ainsi, Igor Setchine, le dirigeant de la compagnie géante russe Rosneft, considère que c’est un peu sa victoire stratégique : ce proche de Poutine se serait exclamé « Maintenant on va leur montrer » à l’issue de la réunion informelle qui s’est tenue à l’aéroport de Moscou entre Poutine et les patrons du pétrole russe, à la veille de la réunion de Vienne. Il visait bien sûr les Américains.

    Du côté des Etats-Unis, on affecte le calme des vieilles troupes.

    Goguenard, Donald Trump a annoncé qu’il profitait des faibles cours pour renforcer ses stocks stratégiques en achetant des barils à bas prix. L’homme d’affaires n’est jamais loin…

    D’autres sont plus inquiets. Ainsi Harold Hamm, un des magnats du pétrole de schiste a annoncé qu’il perdait des milliards de dollars. Son entreprise, valorisée à 20 milliards de dollars il y a un an, n’en vaut plus que 3. Le Texas et l’Oklahoma, soutiens de base du candidat Trump, sont sous pression. Jusqu’à quel niveau de cours l’exploitation du pétrole de schiste est-elle possible ? A 30 dollars très peu de compagnies américaines sont rentables, alors à 20 ? Sans doute aucune. Et pourtant, ce cours peut devenir la nouvelle norme pour quelques temps.

    Bien sûr, l’économie américaine, qui n’est plus du tout libérale quand les intérêts de la nation sont en jeu, va bénéficier d’aides massives de l’Etat fédéral. Le secteur pétrolier en sera un des principaux bénéficiaires et il peut tenir ainsi un certain temps, au moins jusqu’à l’élection américaine.

    Car c’est un des enjeux du bras de fer que la Russie a décidé de lancer : la réélection ou non de Donald Trump.

    Nul doute que Poutine a souhaité et s’est réjoui de l’élection de Trump. Il n’a certes pas été payé de retour mais il avait tout de même raison : tout valait mieux qu’Hillary Clinton. La belliciste compulsive se serait délectée à achever la destruction de la Syrie en s’appuyant sur les islamistes qui sont, sur bien des théâtres d’opération, de vieux amis de l’Amérique. Trump, au moins, a poursuivi la politique de retrait d’Obama. Quoi qu’on en dise, c’est bien sous sa présidence que l’armée américaine est le moins intervenue depuis des décennies.

    Mais la Russie a tout de même subi de rudes coups de la part de Trump. Outre les sanctions américano-européennes décidées à la suite du conflit ukrainien et de l’annexion de la Crimée et qui pèsent lourdement sur l’économie, elle a dû faire face à une agressivité américaine inédite contre le projet de gazoduc North Stream 2.

    La Russie doit exporter son gaz et son pétrole vers l’Europe, c’est une nécessité vitale. Or, jusqu’à présent c’est l’Ukraine qui était le trajet phare. Il y avait déjà North Stream 1, pour approvisionner l’Europe, mais c’était insuffisant.

    Poutine a alors décidé de créer deux axes d’exportation supplémentaires : par la Turquie et par la Mer Baltique. Au sud, il a fallu résister à la pression du Qatar : ce grand producteur gazier rêvait de faire passer ses gazoducs par la Syrie, pour leur faire ensuite traverser la Turquie puis les Balkans. Il est intéressant de constater que c’est peu après le refus définitif de la Syrie (à la demande de la Russie) qu’elle fut attaquée de toutes parts par des islamistes dont beaucoup étaient payés par le Qatar. Ce dernier bloqué, et donc toujours obligé de passer par la mer, la Russie a noué une alliance contre-nature mais nécessaire avec la Turquie.

    Erdogan et Poutine sont des dirigeants capables d’envoyer leurs militaires se tirer dessus dans la province syrienne d’Idleb tout en inaugurant avec forces poignées de main des tronçons d’oléoducs en direction de l’Europe. La moralisation n’est pas leur genre.

    Au nord, le grand projet s’appelle North Stream2 et doit arriver en Allemagne par la voie maritime depuis le nord de la Russie. Les Etats-Unis font tout pour empêcher sa réalisation : menaces de sanctions contre les entreprises européennes qui y participent, pressions politiques en tout genre et exigence de la part des Européens d’acheter le coûteux gaz de schiste américain.

    Quel est le lien avec le pétrole alors que North Stream2 ne concerne que le gaz ? Pour rendre les coups tout simplement. La Russie paye cher les multiples retards de ce chantier gigantesque. Il ira sans doute à son terme grâce à l’opiniâtreté d’Angela Merkel qui, sous la pression des milieux d’affaires allemands, n’a jamais cédé au diktat américain. C’est bien la première fois que l’on peut féliciter la chancelière allemande de quelque chose ! Mais que de temps et d’argent perdus par la Russie.

    Alors Poutine a décidé de prendre le risque d’un effondrement des cours pour rendre le pétrole de schiste américain non rentable. C’est un pari osé mais froidement réfléchi.

    Pour Trump, le risque est grand également. Les élections approchent à grands pas et ce n’est certes pas le moment de voir s’effondrer une industrie devenue majeure aux Etats-Unis. Bien sûr, les

    aides financières seront massives mais à 20 dollars le baril, même pour l’Amérique, ce sera un sauvetage bien coûteux. Il est donc impératif de faire remonter le prix du baril.

    Il est tout de même étonnant que, depuis la chute du communisme, les Américains n’aient jamais envisagé de revoir leur politique russe. C’est la Chine qui menace leur hégémonie économique et non la Russie. Mais les doctrines néo-conservatrices agressives restent d’actualité sous l’influence de feu Brzezinski : il faut contenir ou contrôler l’Eurasie, cette addition géopolitique de l’Europe et de la Russie. L’Amérique contrôle l’Europe mais ne pouvant contrôler la Russie elle la contient.

    En attendant, ce bras de fer entre deux dirigeants peu ordinaires sera passionnant à suivre.

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  • Charismatique ou charlatan

    Il joue l’assurance mais sait-il vraiment où il va  ?

    Par Hilaire de Crémiers 

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    Macron use de tous les subterfuges pour maintenir un pouvoir fragilisé.

    Il parle, il parle encore, il parle toujours. L’homme n’est pas seulement un habile politicien ; il tient à faire savoir qu’il est d’abord un homme de conviction.

    Il est différent des autres et il le souligne en désignant à la vindicte publique « les décennies » qui l’ont précédé et qui le forcent aujourd’hui à écoper.

    L’illusion d’un rêve de supériorité

    Il peut même avoir un aspect touchant, tant on le sent plein de cette conviction qui justifie sa supériorité morale et politique. Qui ne le remarque ? Il est si convaincu de tout ce qu’il dit ! Ce qui est toujours dangereux en politique, le royaume du mensonge et de la trahison. N’a-t-il pas, lui-même, pour s’imposer, dû trahir et mentir ? Il en a donné du moins l’apparence. Cruelle nécessité ! Mais sa conviction profonde, toujours intacte, révèle en revanche la pureté de son intention. Sa dernière prestation en administrait une fois de plus la preuve. Il est si sûr de sa raison, de son bon droit, de l’excellence de ses choix, de la force et de la clarté de son exposé qu’il laisse évidemment entendre qu’il faut être de bien mauvaise foi pour n’être pas convaincu.

    e8b14751c0f608ae4dcbf28f489a48ec9f371482.jpgN’est-ce-pas ce qu’il a répondu à ces quelques journalistes – triés sur le volet – qui ont fait semblant de le bousculer ? « Vous ne m’aidez pas », leur disait-il dans un sourire qui mêlait amertume et commisération.

    Il suffisait de l’écouter, pourtant, pour comprendre qu’il commence toujours, et d’abord, par se convaincre lui-même. Ainsi nul autre que lui, par expérience sur lui-même, n’est plus persuadé qu’il doit convaincre, qu’il sait convaincre, qu’il ne peut que convaincre, bref, qu’il n’est né et qu’il n’est arrivé à la suprême fonction que pour convaincre. Ce qu’il s’essaye à faire, comme il n’apparaît que trop, dût-il y passer une heure de plus que prévu, comme l’autre jour à l’Élysée, voire huit heures d’affilée s’il le faut, comme au cours du grand débat par ses soins organisé.

    Ce grand débat, il l’a décidé, il l’a coordonné, il l’a animé, il en a rendu compte, il en a tiré les conclusions. Qu’y a-t-il de plus convaincant ? Et donc il n’y a plus désormais qu’à le comprendre. C’est ce qu’il a signifié aux journalistes en propres termes. Entendons bien : le comprendre, lui ! Quant au gouvernement, il est chargé d’assurer le suivi avec la majorité parlementaire. Lui, il indique les grandes directions. Que demander de plus ? Qui ne rendrait hommage à cette conviction qui le possède tout entier et qui prouve à elle seule son absolue sincérité ? Même et surtout quand il avoue avec une ingénuité désarmante qui traduit la plus insolente des humilités, que, si par erreur ou par malentendu il n’a pas été compris, il reconnaît volontiers sa part de responsabilité dans cette incompréhension. « J’assume », a-t-il répété avec cet accent de loyauté, triste et souriante, qui le distingue de tant de ses prédécesseurs. Car il va jusque-là, d’ « assumer » – tel un rédempteur – cette inintelligence de l’opinion publique avec laquelle il doit compter et qui est, comme il le signifie paraboliquement par tant d’expressions mal interprétées et qui lui sont reprochées, la seule et vraie raison pour laquelle malheureusement il n’a pas été convainquant et donc qu’il n’a pas convaincu.

    D5BDT6KXkAcT11h.jpgMême Apolline de Malherbe et Laurence Ferrari, la brune et la blonde, qui ont fait gracieusement assaut d’impertinences, ont été obligées d’opiner du chef devant une si probe explication.

    Si on l’avait vraiment entendu dans ses intentions et dans sa manière de les exprimer, leur a-t-il répondu en substance, il en irait tout autrement. Il n’aurait pas à faire face à de faux et mauvais procès. La faute à qui ? Sinon à cette désolante fatalité qui veut que l’intelligence bienveillante et bienfaisante est trop souvent incomprise ou mal comprise. C’est le sort de celui qui voit quand la foule ne voit pas et ne peut pas voir : trop d’habitudes, trop de vieux réflexes, trop d’inconstance et de frivolité pour percevoir un dessein de génie qui s’inscrit dans le long terme quand le badaud exige de l’immédiat. La popularité ne peut être le lot de l’homme qui sait et qui guide : De Gaulle, déjà !

    Une sérénité stoïque enveloppait les propos et les réponses du président. On sentait Apolline et Laurence émues. C’en était presque poignant, surtout dans les moments où, expliquant ses projets, il enjambait le quinquennat, en leur fixant pour terme 2025. Évidemment 2025… ça ne peut pas se concevoir autrement. « C’est ici qu’il faut de la finesse », recommande l’Apocalypse, incitant l’homme d’esprit à calculer le chiffre énigmatique. Dans l’Apocalypse il s’agit du chiffre de la Bête qui doit régner un temps et des temps. Le logogriphe n’est plus ici 666 mais 2025. Est-ce assez clair, 2025 ? Il fallait bien une question d’une de ces dames sur cet enjambement qui pourrait paraître indécent et indiquer un dessein plus tortu qu’une directe nécessité. La réponse resta à la hauteur de l’admirable ambiguïté qui rapproche encore, comme dans bien des détails, le président Macron de la puissante figure du fondateur de la Ve République : la même table, la même posture, la même ironie déguisant le même dédain. Eh oui, prenez cela comme vous l’entendez ! Vous m’avez compris, notifia-t-il d’un ton subtil et d’un air malicieux. Et les dames ont souri, de cette connivence aimable qui lie comme naturellement les intelligences supérieures.

    L’implacable rudesse de la réalité

    À force, il y aurait presque du réactionnaire chez ce progressiste patenté. Il n’est point douteux qu’il veut pour lui-même l’unité de commandement et la durée dans le temps, en un mot la permanence. La permanence au sommet pour mieux assurer le changement, affirme-t-il avec aplomb, le changement concernant tous les autres, femmes et hommes, comme il dit, institutions, législations, représentations, société. Lui, il est le centre indispensable. « Prôton kinoun akinêton », disait le Philosophe, le Maître de ceux qui pensent, selon Dante. La monarchie divine, en quelque sorte, le moteur immobile qui meut tout le reste du bas monde à la convenance de la finalité fixée, le macronisme universel.

    Qui ne se souvient du Macron tout-puissant, jupitérien, de l’année qui suivit son accession au pouvoir ? De son ton démiurgique lors de sa prosopopée épique sur la Pnyx, parlant au nom de la Grèce, lors de son cours magistral en Sorbonne, parlant au nom de l’Europe, lors de sa transe prophétique à Davos, parlant au nom du monde ? Il s’agissait dans ces cadres prestigieux de l’Europe et du monde à unifier ; la petite France était réduite à un moyen transitoire, il l‘avait explicitement dit.

    Il avait même assuré en Sorbonne que la France, c’est-à-dire lui, était prête à renoncer à quelques grands attributs souverains pour construire la seule souveraineté qui vaille, l’Europe de demain ; et les commentateurs les plus avisés avaient entendu que la concession pouvait concerner la dissuasion nucléaire ou la place permanente de la France au Conseil de Sécurité de l’ONU. Les Allemands l’ont, d’ailleurs, parfaitement entendu dans ce sens et l’ont fait savoir encore dernièrement.

    Et voilà ! Le bas monde ne tourne plus, mais plus du tout, au gré des impulsions du moteur macronien : entre l’Amérique, la Chine, la Russie, le Moyen-Orient, l’Afrique, que contrôle Macron ? Que peut-il contrôler ? Et l’Europe ne veut plus de moteur : l’Angleterre fait ce qu’elle veut, l’Italie pareillement, l’Espagne est incertaine, le groupe de Visegrad veut une Europe à sa façon ; quant au moteur franco-allemand auquel Macron s’était identifié, le moins qu’on puisse dire est qu’il a des ratés : même Macron qui y croit forcément, a été obligé de le reconnaître, lors de sa conférence de presse.

    Reste la petite France dont il doit se contenter et dont il est par nature le moteur. Notre président a concédé enfin qu’il devait commencer à s’intéresser aux Français. Il a changé de perspectives, a-t-il sous-entendu dans des propos quelque peu chantournés. Il a même confessé que la crise des Gilets jaunes l’avait amené à réfléchir. D’où sa décision du grand débat.

    « J’aime la France », a-t-il déclaré. Il voudrait « furieusement » son bien. Soit ! Et ça donne quoi ? Deux urgences. D’abord l’urgence sociale, celle du pouvoir d’achat ; donc , en plus des primes déjà prévues, un abaissement des impôts sur le revenu des tranches les plus basses, d’un montant de 5 milliards. Compensés comment ? Par des récupérations sur les niches fiscales des entreprises : merci pour les entreprises ! Ensuite l’urgence climatique qui soucie tant les jeunes ; réponse : convention de 150 citoyens tirés au sort chargés d’élaborer des solutions – « concrètes ! » – pour la transition énergétique ! Quoi donc encore ? Un fond de garantie pour les pensions alimentaires, la réindexation des petites retraites avec un plancher à 1000 euros. Une nouvelle décentralisation dans le but de simplifier et de responsabiliser : un guichet unique, France services, administratif et social dans chaque canton. Donc un « truc » de plus de fonctionnaires, alors que les collectivités territoriales ne peuvent plus vivre et que Macron leur retire leurs ressources. À quoi sert de louer les maires après les avoir méprisés, de mettre sous pression préfets et sous-préfets ? Plus de fermeture d’école ni d’hôpital sans accord de la mairie. Soit ! C’est déjà fait ! Et les fermetures de classes et les fermetures de services ? Et les gosses remis à l’État dès l’âge de 3 ans ?

    Et pour réconcilier les petites gens et les élites, suppression de l’ENA et des grands corps. La méritocratie républicaine en sera, paraît-il, transformée. Changera-t-elle d’esprit, sauf à entrer davantage dans le moule idéologique ? Qui choisir et sur quels critères ?

    2829898864.jpgEnfin la réforme constitutionnelle sur laquelle Macron ne lâche rien : moins de députés et de sénateurs, 30 %, et au renouvellement limité, ce qui les réduira à quia ; 20 % de proportionnelle sous prétexte de représentativité, ce qui accentuera la dissolution du corps politique. Un référendum d’initiative partagée facilité avec un seuil d’un million de citoyens ; pas de référendum d’initiative citoyenne, mais un droit de pétition local ; enfin, pour faire bonne mesure, les 150 citoyens tirés au sort s’ajouteront aux membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ; de quoi revitaliser la République. Pas de vote blanc, pas de vote obligatoire par respect de la démarche démocratique . Enfin pour montrer son désir de cohésion, Macron a parlé de la nécessité des frontières, pas celles de la France, celles de Schengen qui sont donc à repenser.

    En gros, voilà tout ! Macron aura eu l’art de tout détruire sans rien construire de stable. Le Grand Moteur Génial tourne en rond sans finalité, sans objectif autre que lui-même. Avec sa prochaine réélection déjà en vue !

    640_la_divine_comedie_gettyimages-159830658 (1).jpgDante qui s’y connaissait en matière de démagogie, de parti, de politicaillerie, plaçait tous les vices politiques et leurs châtiments appropriés dans les spirales descendantes de son Enfer. L’Altissime passionné se vengeait ainsi du mensonge politicien qui se couvre d’apparentes grandeurs : « Combien se prennent là-haut pour de grands rois qui sont ici comme porcs dans l’ordure, laissant de soi un horrible mépris. » 

    Hilaire de Crémiers

  • Comment la France peut-elle recouvrer sa souveraineté sanitaire ?, par Emma­nuel Crenne (paru dans la Tri­bune).

    1A.jpgSource : https://www.actionfrancaise.net/

     

    OPINION.

    Et pour­quoi pas consti­tuer un Fond stra­té­gique pour retrou­ver en France une sou­ve­rai­ne­té en matière sani­taire ? Il aurait pour man­dat de consti­tuer des stocks stra­té­giques, de sécu­ri­ser les appro­vi­sion­ne­ments, de sou­te­nir les cham­pions indus­triels du sec­teur comme les star­tups… Par Emma­nuel Crenne, ancien ban­quier de Deutsche Bank, Mer­rill Lynch et Gold­man Sachs, direc­teur géné­ral et fon­da­teur du cabi­net BORG Asso­ciates – socié­té de conseil finan­cier et en ges­tion de pro­jet basée aux Emi­rats Arabes Unis de capi­tal 100% fran­çais (www.borgadvisors.com).

    La crise du Covid-19 a révé­lé la dépen­dance d’un cer­tain nombre de sec­teurs indus­triels fran­çais, dont celui de la san­té, vis-à-vis de pays étran­gers, comme la Chine et l’Inde, met­tant en péril la san­té de nos conci­toyens. De façon rela­ti­ve­ment consen­suelle sont incri­mi­nées la dés­in­dus­tria­li­sa­tion exces­sive liée à la mon­dia­li­sa­tion, l’ef­fa­ce­ment de l’E­tat dans ses pré­ro­ga­tives réga­liennes, et des struc­tures de déci­sions publiques et pri­vées inadap­tées et mal contrô­lées par les gou­ver­ne­ments fran­çais suc­ces­sifs.

    De nom­breux pays, dont la France, ont afir­mé leur volon­té de revoir leurs échanges exté­rieurs pour recou­vrer une par­tie de leur sou­ve­rai­ne­té dans le domaine sani­taire. Mais, dans une éco­no­mie mul­ti­po­laire et mon­dia­li­sée, avec une grande com­plexi­té de struc­ture de la chaîne de valeur dans les dif­fé­rents sec­teurs indus­triels et l’in­ter­dé­pen­dance de nos entre­prises avec l’ex­té­rieur, com­ment pen­ser cette sou­ve­rai­ne­té, quels outils faut-il mettre en place et com­ment les finan­cer, dans un contexte de fortes contraintes bud­gé­taires ? Com­ment pri­vi­lé­gier la san­té et la sécu­ri­té des Fran­çais, et en même temps évi­ter un repli pro­tec­tion­niste qui pour­rait être pré­ju­di­ciable à la posi­tion inter­na­tio­nale de la France et de ses entre­prises, en s’ins­cri­vant dans un cadre euro­péen et inter­na­tio­nal d’é­changes ?

    Une stra­té­gie à mettre en place

    Plu­sieurs outils ont été pro­po­sés par divers acteurs de manière assez dis­per­sée. Le plus visible est le fonds Sil­ver Lake, créé par BPI avant la crise. Sans par­ti­ci­pa­tion majo­ri­taire de l’E­tat, et limi­té aux entre­prises cotées, cet outil, n’est pas dimen­sion­né pour la mise en place d’une véri­table poli­tique de sou­ve­rai­ne­té sani­taire. Plus récem­ment, la résur­gence d’un Com­mis­sa­riat au Plan pour­rait don­ner une impul­sion salu­taire, si l’on se garde tou­te­fois d’un diri­gisme éta­tique qui pour­rait être pré­ju­di­ciable aux indus­tries de san­té, s’il décou­ra­geait l’in­ves­tis­se­ment et l’i­ni­tia­tive pri­vée. Enfin le plan de relance de 100 mil­liards d’eu­ros, qui fait de la san­té un des cinq nou­veaux sec­teurs stra­té­giques, risque, sans coor­di­na­tion par une struc­ture spé­ci­fique, de dis­per­ser et de brouiller la lisi­bi­li­té de l’ef­fort entre au moins cinq filières.

    Mal­gré leur inté­rêt, aucune de ces ini­tia­tives ne semble à elle seule répondre à l’en­semble des enjeux, ni per­mettre la poli­tique ambi­tieuse de retour à la sou­ve­rai­ne­té sani­taire vou­lue par le pré­sident de la Répu­blique. Cet objec­tif ne nous semble pou­voir être atteint que si des outils spé­ci­fiques sont mis en place de façon coor­don­née avec les acteurs publics et pri­vés du sec­teur.

    Créa­tion d’un Fonds stra­té­gique de sou­ve­rai­ne­té sani­taire

    A cette fin, le gou­ver­ne­ment devra recen­trer le minis­tère de la San­té sur son cœur de métier, la ges­tion du sys­tème de san­té fran­çais et notam­ment les hôpi­taux et les EHPAD. En paral­lèle, nous pro­po­sons de mettre en place une nou­velle struc­ture, un Fond Stra­té­gique de Sou­ve­rai­ne­té Sani­taire (F3S), ayant pour man­dat : la consti­tu­tion de stocks stra­té­giques, la sécu­ri­sa­tion de nos appro­vi­sion­ne­ments, le sou­tien aux cham­pions indus­triels du sec­teur comme aux star­tups, tout en conser­vant une agi­li­té de déci­sion et de finan­ce­ment. Le tout sous le contrôle de l’E­tat, dont découle le concept de sou­ve­rai­ne­té, tout en limi­tant la lour­deur tech­no­cra­tique et admi­nis­tra­tive qui pour­rait obé­rer ses chances de suc­cès.

    Cette struc­ture serait gérée de façon indé­pen­dante du gou­ver­ne­ment par un conseil d’ad­mi­nis­tra­tion com­po­sé de façon équi­li­brée de fonc­tion­naires, de per­son­na­li­tés issues des indus­tries de san­té, et de la finance. Le finan­ce­ment ini­tial serait appor­té par l’É­tat, mais l’ob­jec­tif serait de rendre cette nou­velle ins­ti­tu­tion auto­su­fi­sante après quelques années.

    Inves­tis­se­ment ini­tial de plu­sieurs mil­liards

    Au début, l’E­tat inves­ti­rait une somme de plu­sieurs mil­liards per­met­tant

    a) de consti­tuer des stocks stra­té­giques ini­tiaux

    b) de payer les frais de struc­ture

    c) d’ap­por­ter un sou­tien d’ur­gence pour reca­pi­ta­li­ser les entre­prises stra­té­giques du sec­teur

    d) de capi­ta­li­ser un fond de sou­tien à la réin­dus­tria­li­sa­tion. F3S pour­rait aus­si béné­fi­cier d’une allo­ca­tion des contri­bu­tions patro­nales de pro­tec­tion sociale exis­tantes, de manière sta­tu­taire, sur le modèle du CRDS finan­çant le CADES.

    Dans un deuxième temps, F3S lève­rait de la dette, garan­tie par la France, pour refi­nan­cer la contri­bu­tion ini­tiale de l’E­tat. L’é­mis­sion pren­drait la forme d’o­bli­ga­tion per­pé­tuelle, avec facul­té de rem­bour­se­ment anti­ci­pé annuel au bout d’une cin­quan­taine d’an­nées, selon un modèle proche de l’emprunt de guerre bri­tan­nique émis en 1915 et rem­bour­sé en mars 2015, le tout, en confor­mi­té avec les règles de l’Eu­ro­stat. F3S paie­rait une prime de garan­tie à l’E­tat au prix du mar­ché, confor­mé­ment au méca­nisme euro­péen exis­tant pour l’I­ta­lie et la Grèce pour les opé­ra­tions de titri­sa­tion de prêts ban­caires en défaut. Le rem­bour­se­ment s’ef­fec­tue­rait à par­tir des reve­nus tirés par F3S de ses par­ti­ci­pa­tions.

    Outre ses avan­tages struc­tu­rels et finan­ciers, F3S per­met­trait aus­si de créer un grand espace de dia­logue, des ini­tia­tives col­lé­giales et des syner­gies fortes entre les acteurs indus­triels, l’E­tat, et les biotech/startup, cou­vrant les aspects finan­ciers, tech­no­lo­giques et régle­men­taires, en pro­lon­ge­ment du Conseil Stra­té­gique des Indus­tries de San­té (CSIS) dont la 9e édi­tion est en pré­pa­ra­tion. Cet outil a été pré­sen­té au comi­té sou­ve­rai­ne­té du MEDEF et à la FEFIS en juin 2020 et nous espé­rons que cette idée, qui per­met­trait la mise en place rapide d’une poli­tique de sou­ve­rai­ne­té sani­taire ambi­tieuse, trou­ve­ra un écho favo­rable auprès du gou­ver­ne­ment.

  • Les bons diagnostics et les mauvais remèdes des écologistes EELV, par Yves Morel.

    Les écologistes font beaucoup parler d’eux en ce moment. Ils ont remporté un franc succès lors des dernières élections municipales et ont conquis de grandes villes, telles Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon, Poitiers, Tours, Annecy et Colombes, à la tête d’équipes municipales de gauche. EELV (Europe Écologie Les Verts) apparaît comme le seul parti propre à susciter l’intérêt et l’espoir de nos compatriotes, par ailleurs dégoûtés de la politique et n’attendant absolument plus rien des formations et des personnalités qui la représentent.

    Tous les partis sont discrédités, sauf EELV. S’agit-il d’une simple embellie, qui s’évanouira bientôt, comme ce fut le cas au début des années 1990 ? On se souvient qu’après une forte poussée aux européennes, puis aux municipales, de 1989, les écologistes, avaient subi un net échec aux législatives de 1993, alors que tous les observateurs prévoyaient leur entrée en nombre à l’Assemblée nationale. Il serait donc hasardeux de faire un pronostic sur leur avenir.

    Contrôler les rêves des enfants

    En tout cas, ils ne se laissent pas oublier. Depuis en gros six mois, les nouveaux maires EELV ont sérieusement défrayé la chronique, en raison de décisions qui ont soulevé contestations et polémiques.

    La dernière en date est celle de Léonore Moncond’huy, nouvelle jeune maire de Poitiers, qui vient de supprimer la subvention municipale à l’Aéroclub de sa ville. À vrai dire, les réactions qu’elle a suscitées ne découlent pas tant de son initiative elle-même que de la justification qu’elle en a donnée.

    « C’est triste, mais l’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants aujourd’hui », a-t-elle déclaré, avant d’ajouter, un petit peu plus tard, en guise d’explication : « La question de l’urgence climatique implique de revoir l’ensemble de notre logiciel. Compte tenu du fait que cela ne menace pas la survie de l’association, nous considérons que l’argent public ne doit plus financer les sports fondés sur la consommation de ressources épuisables.»

    Cette déclaration a valu à l’édile poitevine les critiques les plus acerbes de la classe politique, notamment de la droite et du centre (LR, LREM, UDI, RN), également de la France Insoumise, et du gouvernement, spécialement de MM. Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, Djebbari, ministre délégué aux Transports. En revanche, Léonore Montcond’huy a reçu le soutien affirmé de son parti, notamment de Julien Bayou, qui en est le secrétaire général. À la vérité, son propos mérite d’être médité, au-delà de toute polémique partisane.

    Cette jeune édile a le mérite de nous rappeler le caractère urgent de la résolution (autant qu’elle soit possible, d’ailleurs) du problème environnemental, climatique en particulier. Nos compatriotes sont d’ailleurs conscients de cette urgence, et cela explique que nombre d’entre eux aient demandé des mesures écologiques fortes durant la grande consultation sur le sujet, lancée par Emmanuel Macron, puis permis à EELV de connaître un tel succès lors des dernières municipales.

    Pour rugueux et contrariants qu’ils puissent paraître, la décision et les propos de Léonore Moncond’huy ont ceci de salutaire qu’ils nous suggèrent clairement, avec une franchise certes un peu brutale, que les solutions au grand problème environnemental actuel, dont le recherche ne peut plus être ajournée (à peine de rendre notre planète invivable), impliqueront nécessairement des mesures contraignantes qui restreindront nos libertés d’agir et de se mouvoir (individuellement et collectivement), et nous obligeront à réduire notre consommation effrénée, notre train de vie, nos loisirs et notre ambition permanente de vouloir nous exprimer physiquement et de nous « surpasser » par des pratiques sportives, mécaniques, aéronautiques et autres, coûteuses en énergie et en ressources naturelles, et donc factrices de pollution et de contribution au dérèglement du climat et des écosystèmes. Sa décision et surtout ses propos nous annoncent clairement des lendemains qui déchanteront et un nécessaire – et très douloureux – effort pour renoncer à notre société de consommation individualiste et hédoniste et repenser tout notre mode de vie, de développement, et donc, tout notre modèle économique et social. Et à cet effort, nous serons bien obligés de consentir. Léonore Moncond’huy et son parti instruisent le procès de notre modèle économique et social productiviste et mercantile, de la société de consommation et du libéralisme mondialiste incontrôlable, fondé sur l’individualisme et la quête obsessionnelle des plaisirs, artificiellement amplifiés ou créés par les géants de l’industrie et du commerce. Un procès hautement justifié par les désastres économiques, écologiques et sanitaires auxquels notre civilisation ultralibérale a donné lieu, en ayant fait de notre monde, désormais sans âme ni vie spirituelle quelconque, un immense marché dépourvu de valeurs autres que celles cotées en bourse, articulées au plus aliénant des consumérismes individualistes. Un procès nécessaire parce que si nous ne remettons pas en cause notre modèle de société et de civilisation, nous perdrons non seulement notre âme, mais également la vie__ à moins que celle-ci nous soit conservée, mais sur le mode infernal. Les hommes (et les femmes, soyons « inclusifs ») sont ainsi faits qu’ils s’accommodent fort bien de perdre leur âme, et qu’ils ignorent les avertissements et les critiques adressées à leur modèle de société aussi longtemps que leur survie même ne semble pas menacée à court terme, et qu’ils ne réagissent que lorsque la catastrophe annoncée a déjà commencé à se produire et qu’on ne peut plus se proposer de l’éviter, mais seulement d’en réduire l’ampleur. C’est ce qui se passe actuellement dans le domaine environnemental et climatique (et sanitaire).

    Pour avoir opté en faveur d’une société planétaire purement matérialiste, hédoniste et mercantile, dominée, comme telle, par la loi du marché et de la Bourse, et avoir remis nos destins entre les mains des financiers, des industriels et des marchands, maîtres de nos corps, de nos âmes et de nos comportements conditionnés, nous vivons aujourd’hui en un monde marqué par la pauvreté, voire la misère de millions d’hommes, ainsi qu’une pandémie inédite et une catastrophe écologique sans précédent qui menacent directement nos vies et nous ont déjà imposé des mesures drastiques réductrices de liberté et factrices de marasme économique. Léonore Moncond’huy, par ses propos, ne fait que nous rappeler que ce n’est pas fini, et que, si nous voulons nous en sortir, nous devrons impérativement tourner le dos à cette civilisation individualiste et mercantile. Et il est impossible de lui donner tort sur ce point.

    Un dévoiement idéologique et partisan

    Cela étant admis, il est tout de même permis de se demander si les initiatives prises par elle et par les autres maires EELV sont judicieuses, et de s’interroger sur la nature du monde que nous voulons bâtir pour l’avenir.

    Ces maires dévoient le nécessaire combat en faveur de la sauvegarde de l’environnement. Leurs décisions, autoritaires, sont aussi emblématiques de leur parti pris passionnel et partisan que dénuées d’intérêt pour la préservation de l’environnement. Leur parti pris idéologique et partisan apparaît d’ailleurs ouvertement, lorsque Pieere Hurmic, maire de Bordeaux, traite de « fachos » ses opposants, et que Julien Bayou, chef d’EELV, reproche à LREM une prétendue connivence avec le RN dans sa critique de Léonore Moncond’huy.

    Il s’agit de savoir quel monde nous voulons bâtir ou sauver. En vérité, il s’agit de savoir de quel monde nous voulons. Le combat pour la préservation des espaces naturels, contre la pollution et contre le réchauffement climatique est un combat en faveur d’un monde où l’homme puisse vivre libre, dans des conditions environnementales supportables, conformément à ses inclinations propres, articulées à une organisation sociale et, pour tout dire, une civilisation, étayée sur un certain nombre de pratiques, elles-mêmes ordonnées à des croyances collectives génératrices de traditions, celles-ci structurant la vie de tous et de chacun. Autrement dit, il s’agit de lutter pour la préservation d’un monde à l’échelle humaine, et non pour l’émergence d’un meilleur des mondes aseptisé et déraciné. L’homme est fait pour vivre en harmonie (toujours approximative d’ailleurs) avec son environnement naturel. Et, corollairement, il est fait pour vivre en une communauté qui lui soit familière et tant soit peu agréable car irriguée de croyances, de rites, de traditions, d’habitudes de vie, de pensée et de comportements constitutifs d’une culture, cette dernière se présentant à la fois comme sa nourriture affective et spirituelle et la représentation symbolique des valeurs de sa civilisation. C’est ce que ne semblent pas comprendre EELV et les maires élus sous cette étiquette. Quand Pierre Hurmic prive les Bordelais de sapin de Noël, il met à mal une représentation et une ambiance traditionnelle de la fête de la Nativité, même s’il n’empêche pas ses concitoyens de célébrer Noël à leur manière, à l’église ou en famille. Quand Grégory Doucet impose le régime végétarien aux usagers des cantines scolaires lyonnaise, il ne fait pas que les priver de se réjouir en mangeant de la viande, il jette à terre un mode traditionnel de restauration et une composante de leur mode de vie, qui participe de la constitution de leur être, tant individuel que social. Ces maires, de par leurs initiatives, prises d’ailleurs sans concertation et au mépris du point de vue de leurs administrés (majoritairement hostiles à ces mesures), dévoient le combat écologique, et prennent prétexte de l’urgence environnementale pour nous imposer l’application de leur idéologie naturaliste ou végétarienne. Ils tentent de nous préparer à devenir des mutants lobotomisés, déculturés, austères, spartiates, frugaux, et végétariens. Ils font volontairement de mauvais choix. Des choix qui détruisent nos traditions et nous coupent donc de notre culture, de notre mémoire, des choix qui nous aliènent au sens propre du terme (c’est-à-dire qui nous rendent étrangers à nous-mêmes, violent et transforment notre être). Des choix qui n’ont aucune incidence réelle dans la lutte contre la sauvegarde des écosystèmes ou le réchauffement climatique. Il existe tout de même une différence entre, d’une part des mesures telles que la fin du chauffage au fuel, la réduction imposée de la circulation automobile, la lutte contre la pollution industrielle, et d’autre part, celles que MM. Hurmic et Doucet ont prises dans leurs cités. Les premières sont sans doute contraignantes et sources de sacrifices pénibles, mais elles sont nécessaires et peuvent être relativement efficaces si elles sont bien appliquées. Les secondes, en revanche, sont écologiquement inutiles et nous imposent un brave new world étranger à notre nature humaine et à nos aspirations profondes. La véritable écologie est une écologie de la culture et de la tradition, à l’échelle humaine, non l’édification d’un futur incolore, inodore, insipide, ascétique, déspiritualisé et rigoureusement réglementé. Partant, elle vise à préserver notre civilisation, non en créer une nouvelle, totalement artificielle. Les écologistes d’EELV exposent les vrais problèmes, mais leur apportent de mauvaises solutions ; ils formulent des diagnostics exacts, mais proposent (voire imposent) de mauvais remèdes, et cela par passion idéologique et partisane.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Les bons diagnostics et les mauvais remèdes des écologistes EELV, par Yves Morel.

    Que notre civilisation mercantiliste soit à bout de souffle et menace notre survie, soit. Que la destruction de nos modes de vie soit la réponse intelligente à ce problème de civilisation, non.

    Les écologistes font beaucoup parler d’eux en ce moment. Ils ont remporté un franc succès lors des dernières élections municipales et ont conquis de grandes villes, telles Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon, Poitiers, Tours, Annecy et Colombes, à la tête d’équipes municipales de gauche.

    EELV (Europe Écologie Les Verts) apparaît comme le seul parti propre à susciter l’intérêt et l’espoir de nos compatriotes, par ailleurs dégoûtés de la politique et n’attendant absolument plus rien des formations et des personnalités qui la représentent. Tous les partis sont discrédités, sauf EELV. S’agit-il d’une simple embellie, qui s’évanouira bientôt, comme ce fut le cas au début des années 1990 ? On se souvient qu’après une forte poussée aux européennes, puis aux municipales, de 1989, les écologistes, avaient subi un net échec aux législatives de 1993, alors que tous les observateurs prévoyaient leur entrée en nombre à l’Assemblée nationale. Il serait donc hasardeux de faire un pronostic sur leur avenir.

    Le parler vrai de Léonore Moncond’huy

    En tout cas, ils ne se laissent pas oublier. Depuis en gros six mois, les nouveaux maires EELV ont sérieusement défrayé la chronique, en raison de décisions qui ont soulevé contestations et polémiques.

    La dernière en date est celle de Léonore Moncond’huy, nouvelle jeune maire de Poitiers, qui vient de supprimer la subvention municipale à l’Aéroclub de sa ville. À vrai dire, les réactions qu’elle a suscitées ne découlent pas tant de son initiative elle-même que de la justification qu’elle en a donnée.

    « C’est triste, mais l’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants aujourd’hui », a-t-elle déclaré, avant d’ajouter, un petit peu plus tard, en guise d’explication : « La question de l’urgence climatique implique de revoir l’ensemble de notre logiciel. Compte tenu du fait que cela ne menace pas la survie de l’association, nous considérons que l’argent public ne doit plus financer les sports fondés sur la consommation de ressources épuisables. »

    Cette déclaration a valu à l’édile poitevin les critiques les plus acerbes de la classe politique, notamment de la droite et du centre (LR, LREM, UDI, RN), également de La France Insoumise, et du gouvernement, spécialement de MM. Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, et Djebbari, ministre délégué aux Transports. En revanche, Léonore Moncond’huy a reçu le soutien affirmé de son parti, notamment de Julien Bayou, qui en est le secrétaire général. À la vérité, son propos mérite d’être médité, au-delà de toute polémique partisane.

    Cette jeune femme a le mérite de nous rappeler le caractère urgent de la résolution (autant qu’elle soit possible, d’ailleurs) du problème environnemental, climatique en particulier. Nos compatriotes sont d’ailleurs conscients de cette urgence, et cela explique que nombre d’entre eux aient demandé des mesures écologiques fortes durant la grande consultation sur le sujet, lancée par Emmanuel Macron, puis permis à EELV de connaître un tel succès lors des dernières municipales.

    Pour rugueux et contrariants qu’ils puissent paraître, la décision et les propos de Léonore Moncond’huy ont ceci de salutaire qu’ils nous suggèrent clairement, avec une franchise certes un peu brutale, que les solutions au grand problème environnemental actuel, dont la recherche ne peut plus être ajournée (sous peine de rendre notre planète invivable), impliqueront nécessairement des mesures contraignantes qui restreindront nos libertés d’agir et de se mouvoir (individuellement et collectivement), et nous obligeront à réduire notre consommation effrénée, notre train de vie, nos loisirs et notre ambition permanente de vouloir nous exprimer physiquement et de nous « surpasser » par des pratiques sportives, mécaniques, aéronautiques et autres, coûteuses en énergie et en ressources naturelles, et donc factrices de pollution et de contribution au dérèglement du climat et des écosystèmes. Sa décision et surtout ses propos nous annoncent clairement des lendemains qui déchanteront et un nécessaire – et très douloureux – effort pour renoncer à notre société de consommation individualiste et hédoniste et repenser tout notre mode de vie, de développement, et donc, tout notre modèle économique et social. Et à cet effort, nous serons bien obligés de consentir. Léonore Moncond’huy et son parti instruisent le procès de notre modèle économique et social productiviste et mercantile, de la société de consommation et du libéralisme mondialiste incontrôlable, fondé sur l’individualisme et la quête obsessionnelle des plaisirs, artificiellement amplifiés ou créés par les géants de l’industrie et du commerce. Un procès hautement justifié par les désastres économiques, écologiques et sanitaires auxquels notre civilisation ultralibérale a donné lieu, en ayant fait de notre monde, désormais sans âme ni vie spirituelle quelconque, un immense marché dépourvu de valeurs autres que celles cotées en bourse, articulées au plus aliénant des consumérismes individualistes. Un procès nécessaire parce que si nous ne remettons pas en cause notre modèle de société et de civilisation, nous perdrons non seulement notre âme, mais également la vie, à moins que celle-ci nous soit conservée, mais sur le mode infernal. Les hommes (et les femmes, soyons « inclusifs ») sont ainsi faits qu’ils s’accommodent fort bien de perdre leur âme, et qu’ils ignorent les avertissements et les critiques adressées à leur modèle de société aussi longtemps que leur survie même ne semble pas menacée à court terme, et qu’ils ne réagissent que lorsque la catastrophe annoncée a déjà commencé à se produire et qu’on ne peut plus se proposer de l’éviter, mais seulement d’en réduire l’ampleur. C’est ce qui se passe actuellement dans le domaine environnemental et climatique (et sanitaire).

    Pour avoir opté en faveur d’une société planétaire purement matérialiste, hédoniste et mercantile, dominée, comme telle, par la loi du marché et de la Bourse, et avoir remis nos destins entre les mains des financiers, des industriels et des marchands, maîtres de nos corps, de nos âmes et de nos comportements conditionnés, nous vivons aujourd’hui en un monde marqué par la pauvreté, voire la misère de millions d’hommes, ainsi qu’une pandémie inédite et une catastrophe écologique sans précédent qui menacent directement nos vies et nous ont déjà imposé des mesures drastiques réductrices de liberté et factrices de marasme économique. Léonore Moncond’huy, par ses propos, ne fait que nous rappeler que ce n’est pas fini, et que, si nous voulons nous en sortir, nous devrons impérativement tourner le dos à cette civilisation individualiste et mercantile. Et il est impossible de lui donner tort sur ce point.

    Le dévoiement idéologique et partisan du combat écologique par les maires EELV

    Cela étant admis, il est tout de même permis de se demander si les initiatives prises par elle et par les autres maires EELV sont judicieuses, et de s’interroger sur la nature du monde que nous voulons bâtir pour l’avenir.

    Ces maires dévoient le nécessaire combat en faveur de la sauvegarde de l’environnement. Leurs décisions, autoritaires, sont aussi emblématiques de leur parti pris passionnel et partisan que dénuées d’intérêt pour la préservation de l’environnement. Leur parti pris idéologique et partisan apparaît d’ailleurs ouvertement, lorsque Pieere Hurmic, maire de Bordeaux, traite de « fachos » ses opposants, et que Julien Bayou, chef d’EELV, reproche à LREM une prétendue connivence avec le RN dans sa critique de Léonore Moncond’huy.

    Pour une écologie de la tradition et de la sauvegarde de notre civilisation, contre une écologie au service de l’édification du meilleur des mondes

    En vérité, il s’agit de savoir quel monde nous voulons bâtir ou sauver. Le combat pour la préservation des espaces naturels, contre la pollution et contre le réchauffement climatique est un combat en faveur d’un monde où l’homme puisse vivre libre, dans des conditions environnementales supportables, conformément à ses inclinations propres, articulées à une organisation sociale et, pour tout dire, une civilisation, étayée sur un certain nombre de pratiques, elles-mêmes ordonnées à des croyances collectives génératrices de traditions, celles-ci structurant la vie de tous et de chacun. Autrement dit, il s’agit de lutter pour la préservation d’un monde à l’échelle humaine, et non pour l’émergence d’un meilleur des mondes aseptisé et déraciné. L’homme est fait pour vivre en harmonie (toujours approximative d’ailleurs) avec son environnement naturel. Et, corollairement, il est fait pour vivre en une communauté qui lui soit familière et tant soit peu agréable car irriguée de croyances, de rites, de traditions, d’habitudes de vie, de pensée et de comportements constitutifs d’une culture, cette dernière se présentant à la fois comme sa nourriture affective et spirituelle et la représentation symbolique des valeurs de sa civilisation. C’est ce que ne semblent pas comprendre EELV et les maires élus sous cette étiquette. Quand Pierre Hurmic prive les Bordelais de sapin de Noël, il met à mal une représentation et une ambiance traditionnelle de la fête de la Nativité, même s’il n’empêche pas ses concitoyens de célébrer Noël à leur manière, à l’église ou en famille. Quand Grégory Doucet impose le régime végétarien aux usagers des cantines scolaires lyonnaise, il ne fait pas que les priver de se réjouir en mangeant de la viande, il jette à terre un mode traditionnel de restauration et une composante de leur mode de vie, qui participe de la constitution de leur être, tant individuel que social. Ces maires, de par leurs initiatives, prises d’ailleurs sans concertation et au mépris du point de vue de leurs administrés (majoritairement hostiles à ces mesures), dévoient le combat écologique, et prennent prétexte de l’urgence environnementale pour nous imposer l’application de leur idéologie naturaliste ou végétarienne. Ils tentent de nous préparer à devenir des mutants lobotomisés, déculturés, austères, spartiates, frugaux, et végétariens. Ils font volontairement de mauvais choix. Des choix qui détruisent nos traditions et nous coupent donc de notre culture, de notre mémoire, des choix qui nous aliènent au sens propre du terme (c’est-à-dire qui nous rendent étrangers à nous-mêmes, violent et transforment notre être). Des choix qui n’ont aucune incidence réelle dans la lutte contre la destruction des écosystèmes ou le réchauffement climatique. Il existe tout de même une différence entre, d’une part, des mesures telles que la fin du chauffage au fuel, la réduction imposée de la circulation automobile, la lutte contre la pollution industrielle, et, d’autre part, celles que MM. Hurmic et Doucet ont prises dans leurs cités. Les premières sont sans doute contraignantes et sources de sacrifices pénibles, mais elles sont nécessaires et peuvent être relativement efficaces si elles sont bien appliquées. Les secondes, en revanche, sont écologiquement inutiles et nous imposent un brave new world étranger à notre nature humaine et à nos aspirations profondes. La véritable écologie est une écologie de la culture et de la tradition, à l’échelle humaine, non l’édification d’un futur incolore, inodore, insipide, ascétique, déspiritualisé et rigoureusement réglementé. Partant, elle vise à préserver notre civilisation, non en créer une nouvelle, totalement artificielle. Les écologistes d’EELV exposent les vrais problèmes, mais leur apportent de mauvaises solutions ; ils formulent des diagnostics exacts, mais proposent (voire imposent) de mauvais remèdes, et cela par passion idéologique et partisane.

     

    Illustration : Léonore Moncond’huy expliquant aux autres maires écologistes, avec des mots simples, vrais et frais, comment il faut que les gens rêvent et comment les y forcer.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • La vie politique reprend…, par Yves Morel.

    Plus que jamais sous les auspices du jeunisme et du conformisme moral

    La vie politique, suspendue par la crise sanitaire (non encore terminée, d’ailleurs), reprend. Voilà ce dont se réjouissent nos journalistes. Devons-nous les imiter ? On peut en douter. Car qu’est-ce qui va reprendre, en définitive ? La même entropie, le même chancre qui nous ronge depuis trop longtemps. Et aussi les mêmes tares, dont la moindre n’est pas le conformisme intellectuel et moral qui nous gouverne.

    Le temps de la juvénocratie

    Il est un domaine en lequel ce conformisme se fait sentir depuis peu, et qui est le recrutement de notre personnel gouvernemental. À la suite de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, on a vu accéder à des fonctions ministérielles un ramassis de godelureaux et de péronnelles, choisis sur le seul critère de leur âge, et donc de la rupture qu’ils instituaient avec la génération précédente. La succession des générations est certes normale. Mais, jusqu’en 2017, elle était graduelle : les aînés cédaient progressivement la place aux jeunes, lesquels occupaient peu à peu tous les postes, au fur et à mesure qu’ils croissaient en âge, en expérience et en autorité. Il est dans la nature des choses que les gens promettent pendant leur jeunes années, s’affirment puis s’imposent durant leur maturité, et s’effacent ensuite. La gradation, la progressivité, le rythme lent du renouvellement des générations, assurent une certaine continuité morale et politique. Ce n’est pas le cas avec la juvénocratie que nous connaissons depuis quatre ans. Mais sans doute est-ce une façon parmi d’autres, de nous faire entrer de plain pied dans le « nouveau monde » cher à notre président, et de nous éloigner encore un peu plus de notre passé et de nos traditions, que ne transmet plus notre Éducation nationale. Cette forme de prise du pouvoir par les jeunes (lato sensu) sert à consolider le pouvoir déjà acquis des ennemis de notre civilisation.

    Une conception idéologique et subversive des innovations sociétales

    Ces ennemis sont nombreux, actifs et en position de force. Et c’est ce qui explique que toute promotion de n’importe quelle innovation sociétale soit une prise de pouvoir, dans notre pays. Et cela distingue nettement la France de ses voisins.

    Considérons l’institution du mariage homosexuel. Au Royaume-Uni, pour prendre l’exemple d’un pays proche, il n’a consisté qu’en une concession (certes éminemment critiquable) à l’évolution des mœurs. Ni avant ni après son adoption ses partisans ne se sont signalés par une attitude agressivement offensive, tournée contre la société et la morale communément admise. Et son instauration n’a en rien bouleversé les mœurs et les habitudes des Britanniques. En France, il a pris l’allure d’un choix de civilisation, d’un combat contre une société traditionnelle fondée sur le mariage hétérosexuel et la famille, tout particulièrement la famille chrétienne, et contre la morale, elle aussi chrétienne, ou du moins encore inspirée par les valeurs chrétiennes, et en faveur d’une société en laquelle l’éthique ressortit au seul domaine privé, individualiste, hédoniste, et est étayée sur le désir. Le monde projeté et lentement créé par nos militants sociétaux est un univers de clones asservis à leurs désirs, sans morale ni liens familiaux. Toutes les conduites doivent procéder du choix individuel et du désir. On parle d’ailleurs du « désir d’enfant » comme s’il s’agissait du désir d’une friandise, d’une automobile ou d’une croisière. La possibilité de réalisation de ce désir est devenue une obligation impérieuse pour le législateur ; d’où l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA), bientôt adopté par nos parlementaires, aux lesbiennes et aux femmes seules et décidées à le rester. On célèbre continûment l’institution du mariage homosexuel et l’absence de toute restriction à la PMA comme de grandes victoires contre l’intolérance et une société corsetée dans une morale archaïque et répressive.

    Des innovations consolidées par une mystification juridique

    Et il n’est jamais question d’un quelconque retour en arrière. Les lois sociétales sont considérées comme des « avancées » et surtout des droits acquis sur lesquels il est interdit de revenir. À ce sujet, on invoque couramment un prétendu « effet cliquet » qui rendrait juridiquement impossible toute abrogation ou modification restrictive d’une de ces lois. On affirme le caractère illégal et inconstitutionnel d’une telle initiative. On ne saurait revenir sur des droits reconnus par une loi.

    Il s’agit là d’une imposture monumentale à laquelle on feint de croire… au mépris du droit. Car cet « effet cliquet » n’a aucune réalité juridique. Il s’agit d’une fiction, pour ne pas dire d’un canular, utilisé comme argument (sans aucune valeur) par les défenseurs des innovations sociétales pour tenter, à l’avance, de taxer d’illégalité toute mesure éventuelle visant à revenir sur la légalisation des ces dernières. On affirme, tout à fait gratuitement, que notre constitution interdit de revenir sur une loi génératrice de droits nouveaux et/ou de libertés nouvelles, ce qui est absolument faux : la constitution garantit les droits et libertés fondamentaux (liberté de pensée, liberté d’expression, liberté de la presse, libertés d’association et de réunion, liberté religieuse, le droit de vote et d’éligibilité, le principe d’égalité devant la loi, la présomption d’innocence avant condamnation, le droit de défense devant les tribunaux, les droits concernant l’intégrité physique et le traitement de la personne, etc.), mais ceux-ci ne s’étendent aucunement à la pratique de l’avortement, à la procréation ou au mariage. Il en va de même de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789) et de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (1948, sanctionnée par l’ONU), qui n’affirment nullement que l’insémination artificielle, l’avortement (ou même la contraception) et le mariage homosexuel font partie des droits fondamentaux de la personne, et des libertés intouchables. Rien ne s’oppose donc, juridiquement et constitutionnellement, à l’abrogation, par voie législative, des lois ayant institué, le droit illimité à l’avortement ou le mariage homosexuel. L’ « effet cliquet » n’existe pas. Mais on feint d’y croire, les uns pour préserver les « acquis » sociétaux de ces dernières décennies, les autres, pour se dispenser d’emblée de toucher à ces derniers (même s’ils les réprouvent) afin de pas avoir à braver la colère et la haine de leurs défenseurs et de leurs lobbies, tout-puissants au sein de l’intelligentsia, des médias et de la classe politicienne, régie par les seules valeurs de la gauche.

    D’aucuns affirment que revenir sur ces innovations engendrerait des inégalités de type anticonstitutionnel. Ainsi, l’abrogation de la loi du 17 mai 2013 autorisant le mariage homosexuel instaurerait une inégalité entre les gens de même sexe déjà mariés sous le régime de cette loi, et ceux qui, non encore légalement unis, ne pourraient désormais plus l’être. Or, l’inégalité en question découlerait non d’une discrimination délibérée du législateur mais seulement de l’application du principe de la non-rétroactivité des lois (que personne ne songe à remettre en question). Et elle n’aurait rien de nouveau ni de scandaleux, puisqu’elle découle le plus normalement du monde de toute adoption d’une loi nouvelle, quelle qu’elle soit. Il n’est que de considérer la loi sur la réforme du régime des retraites. Elle crée une inégalité entre ceux dont elle ne modifie pas les conditions de départ à la retraite et le montant de leur pension, en raison de la tranche d’âge à laquelle ils appartiennent, et ceux qui, au contraire, seront affectés par elle. Cela ne la rend pas inconstitutionnelle, même si on peut regretter cette inégalité. Toute loi nouvelle, ou toute abrogation de loi, avantage ou désavantage des gens qui entrent de plain pied dans son champ d’application, relativement à d’autres, qui y restent extérieurs. Il ne peut en aller autrement, et contester cela mènerait à l’interdiction de confectionner de nouvelles lois sous peine d’engendrer de telles inégalités, ce qui serait aussi absurde qu’intenable.

    Mais tout cela est délibérément ignoré pour la raison qu’en France, tout se vit et se pense en termes de prise du pouvoir, de coups de force destinés à promouvoir le monde de clones lobotomisés, sans famille, ni tradition, ni mémoire, ni spiritualité, ni morale (hors celles des « valeurs de la République ») prôné et inlassablement mis en œuvre, pierre par pierre, par nos « élites ». Il n’est que d’observer les réactions de nos journalistes, de nos intellectuels et de nos hommes et femmes politiques à l’occasion des débats suscités par la préparation, la discussion, puis le vote des textes de loi relatifs au droit illimité à l’avortement, au « mariage pour tous », et à la PMA (bientôt ouverte à toutes les femmes sans aucune restriction) : ces initiatives législatives ont toutes été présentées comme de remarquables avancées, dignes de la considération due à l’établissement du suffrage universel, et des lois ayant reconnu les libertés de la presse, d’opinion, d’association, de réunion, du culte, de l’enseignement, de la grève et des syndicats ; et leurs adversaires se sont vus stigmatisés comme des réactionnaires obscurantistes.

    L’incurable mal révolutionnaire français

    Nous nous trouvons ici en présence de l’incurable mal français né des Lumières du XVIIIe siècle et de la Révolution, et qui fait que cette dernière se prolonge continuellement, sans jamais connaître de terme, et que toute innovation en représente une nouvelle extension, une nouvelle victoire sur le chemin d’une démocratie universelle et égalitaire abstraite, en laquelle l’homme, l’humanité, objet d’un véritable culte, se décline concrètement en une multitude d’homoncules sans racines et gavés de propagande bien-pensante. Et ce ne sont pas le jeunisme et la juvénocratie actuels qui permettront de renverser la tendance.

    Bref, la vie politique reprend, comme disent nos journalistes, sans que l’interruption provoquée par la pandémie de Covid 19 ait permis en rien de remettre les pendules à l’heure.

     

    Illustration : À Mexico aussi, une jeunesse profondément ancrée dans le réel entend faire triompher la raison.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Tu seras une femme, mon fils, par Laurence Simon.

    Rentrée scolaire, Douai, septembre 2021 © FRANCOIS GREUEZ/SIPA Numéro de reportage : 01036263_000005

    La "théorie du genre" de plus en plus présente à l'Éducation nationale

    Une circulaire de l’Éducation nationale du 30 septembre détaille et harmonise les mesures à prendre face à un élève se disant touché par la fameuse « dysphorie de genre ». Accepter qu’un enfant change de prénom et de pronom est une démarche lourde de conséquences.

    La théorie du genre, on le sait, n’existe pas. Et comme elle n’existe pas, l’Education nationale en a intégré les principes dans une nouvelle circulaire intitulée “pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire”. Selon cette circulaire, les élèves qui se réclament d’une identité transgenre pourront, avec l’accord de leurs parents, prétendre à l’usage d’un nouveau prénom qui figurera sur leur carte de cantine et les listes d’appel, et entrer dans les toilettes de leur choix ; quant aux personnels de l’Education nationale, ils devront employer le pronom “il” ou “elle” choisi par l’élève – sous peine de poursuites de la famille, on peut le craindre, tandis que l’institution, elle, se réserve le droit d’user du prénom et du sexe figurant à l’état civil pour les examens nationaux.

    Cette circulaire “était attendue”, précise France Info, en réponse au suicide d’une lycéenne transgenre à Lille en décembre 2020, “qui avait interrogé le rôle de l’institution scolaire dans l’accompagnement de ces élèves”. Qu’il faille s’interroger sur le rôle de l’institution scolaire dans un tel cas de figure est une évidence. On aimerait d’ailleurs que les élèves qui ont souffert de dépressions sévères déclenchées par la politique sanitaire radicale appliquée dans les écoles, dont certaines ont malheureusement abouti au suicide ou à des tentatives de suicide, aient eu eux aussi l’honneur d’une circulaire. De même, on rêverait que la multiplication des phobies scolaires – sans oublier l’explosion des dyslexies – interroge, elles aussi.

    Pas de consensus médical

    On aurait même souhaité que le ministère réfléchît à la manière dont les autres élèves, filles ou garçons, allaient apprécier l’éventuelle irruption d’une fille transgenre ou d’un garçon transgenre dans leurs toilettes respectives. Mais on ne peut pas penser à tout.

    D’aucuns invoqueront peut-être les perturbateurs endocriniens ; d’autres se réjouiront que la parole se soit enfin libérée ; mais une troisième hypothèse est également plausible : un grand nombre de personnes souffrant réellement de quelque chose sont tentées de s’emparer de l’explication actuellement disponible…

    Quoi qu’il en soit, s’il convient de s’interroger sur la manière dont on accueille les enfants et les adolescents sujets à  ce qu’il est désormais convenu d’appeler la “dysphorie de genre”, il n’est pas certain que la réponse apportée par cette circulaire soit la meilleure. Les psychiatres et psychologues, pour commencer, ne sont pas d’accord entre eux.

    Dans certaines consultations, on accueille immédiatement la parole de l’enfant ou de l’adolescent comme la bonne parole, et on conseille aussitôt à la famille d’adopter sans attendre tous les codes du sexe opposé – vêtement, coiffure, prénom, pronom. On part semble-t-il du principe que la nature, en quelque sorte, s’est trompée, et qu’il faut corriger cette erreur.

    Cette stratégie éclair est un petit peu surprenante. Il peut y avoir mille raisons, en effet, de ne pas se sentir bien dans son sexe, comme il peut y avoir mille raisons de ne pas se sentir bien dans sa peau : peur de ne pas être aimé, difficulté à trouver sa place dans la société, sensation qu’un corps en transformation va trop vite pour nous, abus sexuels, violences… Et la dysphorie de genre pourrait dans certains cas au moins n’être que le symptôme d’un autre trouble : autisme, dépression, anxiété sociale, syndrome post-traumatique… Aussi bon nombre de praticiens préconisent à l’inverse de faire tout simplement ce que l’on a toujours fait dans la psychiatrie infantile, c’est-à-dire écouter, dialoguer, sans se précipiter pour proposer un diagnostic et des solutions qui pourraient n’être qu’un leurre et pousser l’enfant ou le jeune dans une direction artificielle dont il aurait d’autant plus de mal à revenir qu’elle lui aura été assignée socialement.

    Le sexe est une simple constatation biologique

    Mais les déconstructeurs n’ont visiblement pas peur de se livrer au plus actif constructivisme. Ils dénoncent un sexe “assigné” à la naissance, alors que le sexe n’est pas “assigné” mais constaté (car il faut le préciser, les enfants souffrant de ne pas se reconnaître dans leur sexe ne sont pas nécessairement, loin de là, des enfants dont le sexe serait organiquement mal défini). Mais ils ne craignent pas de leur côté d’assigner à un enfant ou à un adolescent un genre opposé à son sexe, sans prendre le temps d’examiner posément la chose, sans la moindre prudence, alors même que cette démarche est très lourde de conséquences. Que l’Education nationale emboîte le pas des constructivistes n’est pas très rassurant, et elle pourrait bien jouer là aux apprentis sorciers.

    D’autant qu’on néglige le phénomène pourtant bien connu de contagion sociale. On sait que les hystériques ont pullulé à l’époque de Charcot, que les personnalités multiples ont défrayé la chronique psychiatrique des années soixante, tandis que les bipolaires et les pervers narcissiques sont aujourd’hui légion. Il y a des modes dans les pathologies comme dans la coiffure, et cela n’est pas bien difficile à expliquer : l’être humain, animal social, a une tendance naturelle à se conformer au désir de l’autre pour être accepté par lui. L’enfant tend à se conformer au désir de ses parents d’abord, à celui de la société ensuite. Le patient répond au désir de son psychiatre. D’ailleurs, l’être humain a besoin de donner un sens à son expérience ; il a soif d’explications ; et à défaut d’en trouver par lui-même, il fait siennes celles dont la société fait la publicité. Que ces explications soient pertinentes, bancales, voire totalement erronées peut très bien s’avérer secondaire, pourvu que l’angoisse de l’incompréhension soit soulagée.

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    Un jeune garçon se déclarant “fille” sur le plateau de l’émission Quotidien, présentée par Yann Barthès, octobre 2020. Image: Capture d’écran TMC / MyTF1

    Le désir des parents, donc. Souvenez-vous par exemple de ce petit garçon surnommé Lilly, qui dit se sentir fille, qui accompagné par sa mère a fait le tour de quelques plateaux de télévision il y a peu. Nous en fûmes tous un peu troublés. D’abord, n’était-il pas un peu imprudent d’exposer ainsi médiatiquement un si jeune enfant ? L’effet eût sans doute été moins touchant ; la présence d’un enfant est toujours attendrissante. Mais la mère eût quand même été plus avisée de venir témoigner sans lui. Surtout, elle avait raconté comment elle avait poussé un soupir de soulagement en apprenant que son fils s’éprouvait comme fille. Le spectateur sentimental et progressiste a bien sûr trouvé cela très beau, tant de tolérance et d’ouverture d’esprit ; mais le spectateur un peu critique a pu de son côté se sentir un peu étonné : la plupart des parents n’auraient-ils pas plutôt conçu une vague inquiétude, au moins dans un premier temps, devant le difficile chemin qui s’ouvrait devant leur enfant ? Dans ce contexte, on ne peut qu’espérer qu’elle se soit interrogée sur le rôle que son désir à elle a pu jouer dans son désir à lui. La nature, peut-être, s’est trompée ; mais nous aussi nous sommes sujets à l’erreur, aux illusions, sur nous-mêmes et sur les autres. Et que ne ferait-on pas pour être aimé ? Des psychanalystes comme Christian Flavigny ou Jean-Pierre Lebrun, interrogés par la presse, ont d’ailleurs soulevé le problème : les enfants qui les consultent, s’accordent-ils à dire, souffriraient d’une certaine crainte de ne pas être aimés tels qu’ils sont sexués, petit garçon ou petite fille. Un peu de prudence dans le diagnostic, en tout cas, ne nuit pas.

    Résister au tapage

    Ensuite la contagion sociale. L’explosion des cas de dysphorie de genre en Grande Bretagne ou en Suède – de l’ordre de 1500 à 4000 % en dix ans selon les sources – devrait sérieusement nous alerter. D’où vient cette progression spectaculaire ? D’aucuns invoqueront peut-être les perturbateurs endocriniens ; d’autres se réjouiront que la parole se soit enfin libérée ; mais une troisième hypothèse est également plausible : un grand nombre de personnes souffrant réellement de quelque chose sont tentées de s’emparer de l’explication actuellement disponible, surtout si cette explication est en quelque sorte héroïsée comme elle l’est actuellement à travers films, articles de presse, émissions de télévision, réseaux sociaux – et communication institutionnelle. Comment résister à un tel tapage ? Si l’on est jeune et mal dans sa peau, comment ne pas se demander si, par hasard, ce ne serait pas que notre sexe et notre genre ne seraient pas d’accord entre eux ? Le docteur Agnès Condat, dans une interview à Marianne, faisait ainsi remarquer que des enfants venaient la consulter pour dysphorie de genre après avoir vu une émission sur le sujet. Selon elle, ces émissions ont agi comme un “révélateur” ; mais on devrait à tout le moins se demander si elles n’ont pas agi plutôt comme un incitateur. D’ailleurs, le phénomène de contagion a déjà pu s’observer dans certains établissements scolaires, qui n’ont pas attendu la circulaire du ministère pour entériner un changement de prénom et de pronom réclamé par tel élève : il est arrivé que plusieurs autres élèves de la même classe réclament alors eux aussi un changement de prénom. Ainsi, au nom d’un meilleur accompagnement des enfants et des jeunes en difficulté avec leur identité sexuelle, on prend le risque d’encourager d’autres enfants ou jeunes en difficulté à s’emparer de ce trouble, quitte à ce qu’ils fassent complètement fausse route et se perdent en chemin.

    Un nombre non négligeable d’adultes commencent d’ailleurs à témoigner de leur regret d’avoir opéré une transition d’un sexe à l’autre. L’hôpital Karolinska, en Suède, le plus avancé dans la matière, a de son côté changé son fusil d’épaule, se veut désormais plus prudent et, n’ayant pas constaté d’effet positif sur le bien-être de ses patients, ne prescrit plus de traitement hormonal aux mineurs. Mais pendant que la Suède fait machine arrière, la France, elle, est en marche à grands pas. Espérons que le destin promis à tous ces pauvres jeunes gens en souffrance ne passera pas nécessairement par les hormones, qui ne vont pas sans effets indésirables, ou les opérations chirurgicales, irréversibles, pour de mauvaises raisons.

    “Tu seras un homme, mon fils” : le poème de Rudyard Kipling donnait une leçon de lucidité, de courage, d’honnêteté, d’humilité, qui pouvait inspirer les femmes comme les hommes car après tout, c’est d’abord avec un petit nombre de vertus qu’on fait face à la vie et à la condition humaine, qu’on soit homme ou femme. “Tu seras une femme, mon fils” (ou “Tu seras un homme, ma fille”) fait rimer chimie et illusion de toute puissance. Notre siècle manque singulièrement de poésie (on ne s’en inquiète pas, et on a tort).

    Il n’empêche que les associations les plus militantes estiment – le croirez-vous ? – qu’avec cette circulaire on n’en a pas fait assez, puisqu’on exige quand même l’aval des deux parents avant de procéder à un changement d’identité scolaire. On voit jusqu’où peut aller l’aveuglement : l’institution devrait selon eux répondre au premier souhait balbutié par l’enfant – dès trois ans ? – au mépris de l’avis de sa famille, qui pourtant est a priori celle qui le connaît le mieux ; au pire, se contenter de l’aval d’un des deux parents (on imagine le déchirement des familles sur une question aussi cruciale) ; et l’institution devrait immédiatement et sans discussion lui assigner, pour reprendre leur vocabulaire, un genre opposé à son sexe. On voit que la circulaire de l’Education nationale a finalement du bon : car jusqu’ici, à la grande joie de ces associations, des professeurs et des directeurs d’établissements scolaires prenaient sur eux en effet de procéder à un changement du prénom et du pronom sur demande de l’élève, sans même prendre la peine d’en parler aux parents, en toute bonne conscience. On n’est jamais trop écervelé, semble-t-il, pourvu qu’on aille dans le sens du vent.

    Une dernière chose devrait nous faire réfléchir : la plupart des demandes de transition d’un sexe à l’autre sont le fait de filles qui voudraient être des garçons. Notre société, si prompte à accuser les siècles passés d’avoir infligé une terrible domination masculine à de pauvres femmes bien malheureuses, devrait se demander pourquoi tant de femmes, aujourd’hui, ne sont pas heureuses d’être des femmes.

     

    est professeur de lettres dans un lycée de province
     
  • Comment la loi Weil a changé ma vie, par Fré­dé­ric Rou­villois.

    A l’heure où la peur étreint l’hu­ma­ni­té, pour une mala­die qui tue­ras cette année un peu plus de 30 000 per­sonnes, la plu­parten fin de vie, une autre aura fait 232 000 vic­times en 2019, fau­chés au plus jeune âge, dans le plus grand silence. Des morts qui ne comptent pas en somme. La pan­dé­mie aura en outre per­mis de voter en cati­mi­ni par amen­de­ment à la loi bioé­thique à l’As­sem­blée Natio­nale, l’exé­cu­tion pos­sible des enfants jus­qu’à 9 mois de gros­sesse, pour rai­son pure­ment médi­cale semble‑t ‘il :  » La détresse sociale ». On peut tou­jours por­ter des masques et trai­ter d’é­goïstes ceux qui en plein air trouvent cela exces­sif, la véri­table pan­dé­mie touche d’a­bord dans nos pays de bar­bares mora­li­sa­teurs, les enfants à naître et que l’on ne nous dise pas que c’est pour la liber­té de la femme, autre vic­time de ce fléau. (NDLR)

    7.jpgJe ne me rap­pelle plus trop ce qu’il y avait avant, juste un sen­ti­ment mer­veilleux de confort, d‘amour et d’apaisement, dou­ce­ment ryth­mé par les ondu­la­tions du liquide où je vis, et par les comp­tines que me chante maman en cares­sant ce qu’elle appelle son « petit ventre ». Juste des cou­leurs tendres, toutes les nuances de l’orange et toute la gamme des bleus.

    Non, en fait, mon pre­mier vrai sou­ve­nir, c‘est lorsqu’avec une­ voix blanche que je ne lui connais­sais pas, le cœur bat­tant la cha­made, maman a décla­ré à celui qu’elle nomme « mon ché­ri » qu‘elle avait une grande nou­velle à lui annon­cer. Il y a eu ungrand silence, puis un bruit énorme, après qu’elle lui a dit en trem­blant « Tu vas être papa… ». C’est alors que mon ché­ri s‘est mis à crier. Jamais je n‘avais enten­du des sons aus­si vio­lents. Au bout de quelques ins­tants, mon ché­ri a hur­lé des bruits que je n‘ai pas com­pris, quelque chose comme « ce sera moi ou lui, je fous le camp ! » Et il a cla­qué la porte à toute force. Le cœur de maman s‘emballait, et j’ai res­sen­ti une dou­leur aiguë au creux de son ventre, alors qu’elle se recro­que­villait sur elle-même, toute secouée de trem­ble­ments. Je ne la recon­nais pas. Elle ne s‘est cal­mée que long­temps après, alors qu’on était pas­sé déjà du rose oran­gé au bleu pro­fond.

    Quelque temps plus tard, alors que ma vie douillette avait repris comme autre­fois au fond moel­leux du petit ventre, mon ché­ri est reve­nu. J’ai d‘abord eu peur qu’il ne se remette à crier, mais cette fois, heu­reu­se­ment, sa voix était plus calme. Ce qui m’étonnait, c’est que le mal de ventre de maman avait repris de plus belle, sans par­ler de son cœur, qui n’en fai­sait qu’à sa tête.

    « Excuse-moi pour l’autre jour, je me suis un peu éner­vé », a dit mon ché­ri. « Mais il faut me com­prendre, c’est vrai­ment pas le moment. Je sais bien que je t’avais dit que j’en vou­drais un, que ça cimen­te­rait notre couple, qu’on pour­rait lui don­ner le nom de ton grand-père si c’était un gar­çon, mais bon… pas main­te­nant. Il faut être adulte, tu com­prends. Un gosse, ¢a veut dire pas de nou­velle voi­ture. Et puis j‘ai cal­cu­lé, il tom­be­rait pile poil pen­dant les vacances d’été. C’est pas­ pos­sible, tu com­prends ? »

    La dou­leur dans le ventre est deve­nue plus forte. En même temps, j’ai enten­du mon ché­ri qui deman­dait à maman d‘arrêter de san­glo­ter comme une made­leine, qu’elle était vrai­ment ridi­cule. Puis il s’est rap­pro­ché, l’a prise dans ses bras et lui a chu­cho­té qu’il s‘était ren­sei­gné, que tout bai­gnait, qu’il avait déjà pris contact avec le centre d‘IVG.

    Dans le ventre, la dou­leur est subi­te­ment deve­nue atroce. Maman a eu un geste brusque, mon ché­ri I'a lâchée et s’est mis à crier : « je rêve ou t’es en train de me ger­ber des­sus ? ça va pas la

    Tête ? Putain, je me demande des fois si je ferais pas mieux de vous lais­ser une bonne fois pour toutes, toi et ton lar­don, puisque tu l’aimes tant ! » Cette fois, c’est maman qui a hur­lé : « Ne me laisse pas, je t’en prie, je t’aime. Je ferai tout ce que tu veux ! ». Mon ché­ri lui a dit d’aller se laver, qu’elle puait, et qu’ensuite, ils pour­raient enfin par­ler en adultes res­pon­sables.

    Un peu plus tard, la conver­sa­tion a repris. Maman gémis­sait à voix basse : « je l’aime, c’est mon enfant à moi, mon enfant ». Mais mon ché­ri lui répon­dait qu’elle n’y connais­sait rien, qu’elle était déci­dé­ment tou­jours aus­si bête et inculte, que ce n’était qu’un simple amas de cel­lules, et d’ailleurs, que si c’était autre chose, on n‘aurait pas le droit de le faire pas­ser.

    Et quand maman lui a deman­dé si on avait vrai­ment le droit, mon ché­ri s‘est éner­vé à nou­veau : « Non seule­ment c’est undroit, ma pauvre pou­lette, mais c’est un droit fon-da-men-tal,même qu’à l‘Assemblée natio­nale, tous les groupes poli­ti­que ­sont adop­té un genre de loi, l’autre jour, pour le rap­pe­ler haut et fort à tous les tarés qui le contestent encore ! L’Assemblée natio­nale ! »

    « Et le pape Fran­çois, dont tu dis qu’il est vrai­ment super et qui a décla­ré l’autre jour que l’avortement rele­vait de la culture du déchet ? »

    « Tu com­prends rien, déci­dé­ment. D’abord, ¢a m’étonnerait que le pape Fran­çois ait dit ça. Et puis c’est pas ses oignons. Tu as le droit de dis­po­ser de ton corps, bor­del ! Un droit, c‘est un droit. Et c’est ton corps, tu m‘entends, le tien ! De toute façon, je te le répète, ce sera lui ou moi ! » Puis il est repar­ti en cla­quant la porte. Ce matin, très tôt, mon ché­ri est encore reve­nu. Il avait à nou­veau sa voix miel­leuse lorsqu’il a dit à maman que c’était aujourd'hui le grand jour. Drôle de grand jour : maman a san­glo­té toute la nuit en cares­sant son « petit ventre ». Les dou­leurs ne cessent plus.

    « Habille-toi en vitesse, on va être en retard au centre », a ordon­né mon ché­ri. « Et puis sur­tout, arrête de chia­ler, bon sang. Ils vont finir par croire que t’es pas consen­tante, que t’as envie de le gar­der ! ».

    Maman a eu un haut le cœur, mais elle n‘a rien dit. Pas un mot. Elle s‘est tue jusqu’à ce que, quelques heures plus tard, une autre voix, cou­pante et gla­ciale, lui dise de s‘allonger et de se détendre, que tout irait bien, qu’elle ne sen­ti­rait abso­lu­ment rien avec l’anes­thé­sie. C’est alors que j‘ai per­çu, mais déjà très loin­tain, trem­blant et presque étouf­fé, son tout der­nier mot : « oui ».

    Article paru dans le Bien Com­mun n° 20, sep­tembre 2020

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    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Coronavirus : la vis serrée à fond est-elle la solution ?, par Yves Morel.

    Le Premier Ministre devait annoncer de nouvelles mesures de durcissement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie coronovirale.

    En fait, le 11 septembre au soir, il s’est plutôt montré minimaliste, au dépit de certains (tels le professeur Delfraissy, le président du conseil scientifique chargé d’éclairer le gouvernement sur les moyens de juguler la pandémie), et au soulagement de beaucoup de nos compatriotes, qui vivent désormais non seulement dans la terreur du coronavirus, mais tout autant dans celle de l’annonce des mesures drastiques qui se succèdent et s’accumulent depuis le début de l’été, réduisent leurs libertés, et font de leur vie, tant privée que professionnelle, un véritable chemin de croix.

    Contrainte et propagande matraqueuse

    Aujourd’hui, tous les Français circulent et travaillent masqués, respectent les gestes barrières, tétanisés, abrutis et rendus dociles par une propagande télévisuelle, informatique et radiophonique de tous les instants qui les incite à se protéger et à protéger les autres. Les cas de relâchement et d’insubordination sont exceptionnels, les contestataires rares, systématiquement dénigrés (assimilés à des élucubrateurs, des inconscients, des têtes légères, des irresponsables, tous manipulés par des « complotistes » et surtout par l’ignoble extrême droite), intimidés, et privés de moyens d’expression et de communication. Les Français obéissent au doigt et à l’œil au gouvernement et vénèrent la parole sacrée du conseil scientifique. Les journaux télévisés leur montrent à qui mieux mieux des citoyens qui, interrogés dans la rue, se disent d’accord avec toutes les mesures de contraintes décidées par les pouvoirs publics ; artifice obtenu par un grossier subterfuge consistant à ne pas montrer les mécontents, ce qui permet au reporter de déclarer que « ces mesures sont plutôt bien accueillies dans l’ensemble » (ben voyons). En outre, les contrôles ont été renforcés aux frontières et dans les aéroports.

    L’inefficacité actuelle de la politique suivie

    On pourrait donc s’attendre, au terme de tant d’obligations pénibles patiemment supportées, et d’un tel matraquage, à une régression de l’actuelle épidémie. Or, contre toute attente logique, celle-ci ne cesse de progresser. L’accumulation des contraintes instaurées et des « tours de vis » ne contribue en rien à l’enrayer ; on dirait même que le virus prend un plaisir narquois à les ignorer, en manière de provocation.

    Dans ces conditions, il paraît tout naturel, logique, et on ne peut plus légitime, de se poser des questions sur la politique suivie par nos dirigeants. Point n’est besoin d’être rebelle par nature, irresponsable, indiscipliné ou égoïste pour se demander si cette politique est efficace, si elle la bonne façon de lutter contre la pandémie ; et point n’est besoin d’une intoxication « complotiste » ou d’une intervention activiste de l’extrême droite (ou de l’extrême gauche anarchiste) pour subir la tentation de la contester. Il serait temps que nos gouvernants et leurs conseillers médicaux s’interrogent et songent à se remettre en question.

    L’obsession du « tour de vis »

    Mais une telle attitude leur demeure parfaitement étrangère. Ils circulent dans une voiture sans marche arrière, sur une route droite, sans tournant ni virage. Plus la situation empire, plus les mesures contraignantes s’accumulent. À chaque accroissement du nombre de porteurs ou de malades du coronavirus, les pouvoirs publics ne voient d’autre solution que de donner un « tour de vis » supplémentaire. Jusqu’à ce que la vis, serrée à mort, ne puisse plus l’être davantage. Et c’est ce qui explique que, contre toute attente, Jean Castex n’ait pratiquement pas annoncé, le 11 septembre, de nouvelles mesures de contrainte, contrairement à ce que semblait souhaiter Jean-François Delfraissy.

    L’explication des pouvoirs publics. C’est là reconnaître les limites de la politique coercitive suivie depuis le début de l’été. Dès lors, ne serait-il pas bienvenu de songer à en changer, et, pour commencer de chercher à savoir pourquoi celle-ci a (totalement ou partiellement, comme on voudra) échoué.

    Et ici, une première piste nous est donnée par la comparaison entre le nombre des « positifs » au coronavirus et celui des malades de la Covid 19 hospitalisés. Manifestement, il existe une distorsion entre les deux chiffres. Le ministère de la Santé et les médecins qui le conseillent expliquent ce phénomène par la forte prépondérance des jeunes parmi les nouveaux contaminés. Ces derniers, plus résistants, développeraient des formes de Covid 19 insuffisamment graves pour nécessiter leur hospitalisation. Au contraire, les personnes âgées seraient, en raison de leur prudence et de leur mode de vie, moins mouvementé, moins exposées que leurs cadets. Cela dit, ministère et médecins affirment que le taux d’hospitalisation augmente tout de même, et craignent que les jeunes positifs à la Covid 19 contaminent leurs aînés, plus vulnérables, dans le cadre des relations familiales, notamment.

    L’évolution de la pandémie. Un coronavirus devenu moins virulent malgré sa dangerosité. C’est une explication. Il en existe d’autres. L’une d’elles est donnée, en juillet dernier, par la revue américaine de biologie cellulaire Cell, suivant laquelle le coronavirus aurait subi une mutation qui le rendrait beaucoup moins virulent qu’auparavant. Selon l’étude menée par les tenants de cette explication, le coronavirus du premier semestre de cette année 2020 se serait répandu dans le monde sous la forme particulièrement dangereuse du virus G614 (appelé aussi D614G), puis, par mutation, serait devenu moins virulent, mais aussi, par là même, plus transmissible. Cette théorie est notamment défendue par Paul Tambyah, un microbiologiste de Singapour. Dans cette optique, maints biologistes et médecins affirment que le coronavirus pourrait connaître la même évolution que le SARS COV 1, caractérisée par une atténuation constante de sa virulence au fur et à mesure de ses mutations successives

    La possible adaptation de notre système immunitaire à l’infection

    Le coronavirus est-il devenu moins virulent ? Cette hypothèse rencontre les réserves des Européens. En France, Karine Lacombe, médecin et microbiologiste, en souligne le caractère aléatoire. Et, comme elle, la plupart des scientifiques français et européens affirment que cette hypothèse d’une atténuation sensible et irréversible de la virulence du coronavirus n’est pas prouvée. Les médecins et microbiologistes qui affirment, à l’instar du docteur Patrick Bellier, pneumologue à Sainte-Foy-lès-Lyon, et du professeur Éric Raoult, médecin et biologiste à Marseille, que l’épidémie est pratiquement terminée et que les personnes contaminées par le coronavirus ne sont ni sérieusement malades ni dangereuses pour les autres, sont isolés (ce qui, soit dit en passant, n’implique pas, de toute nécessité, qu’ils aient tort). Mais, assurément, nous assistons à une évolution de l’épidémie. Le coronavirus, quoique toujours infectieux et contagieux, ne présente plus le même degré de dangerosité qu’au printemps dernier. Ses mutations successives expliquent sans doute largement ce changement. D’autre part, il n’est pas déraisonnable de penser – même si cela reste à prouver, convenons-en – que le système immunitaire et défensif de l’organisme finisse par jouer son rôle et parvienne à juguler tant bien que mal les effets de ce virus, contre lesquels il se trouvait désarmé au début de la pandémie. Certes, on sait que la stratégie d’immunité collective adoptée par certains pays a échoué. En Europe, les Pays-Bas l’ont assez vite abandonnée, et, en Suède, ses résultats se font dramatiquement attendre, cependant qu’explosent les chiffres de contamination et d’hospitalisation. Mais ces pays l’avaient adoptée (comme d’ailleurs la Grande-Bretagne ou le Brésil) au début et au plus fort de la pandémie, et alors que le virus circulait sous sa forme la plus dangereuse. La situation est différente aujourd’hui. Le virus a muté, est devenu moins nocif, et la politique de lutte contre sa propagation a permis de contenir l’épidémie. Toutes les mesures de protection et de contraintes possibles et imaginables ont été prises, et on ne voit pas quels « tours de vis » supplémentaires seraient possibles, ni de quelle efficacité ils pourraient être.

    Un possible et très graduel assouplissement de la politique de contrainte. En conséquence, il semble que la seule voie désormais possible et raisonnable soit celle non certes d’un net relâchement (voire d’un abandon) des mesures contraignantes adoptées, mais leur très graduel assouplissement qui permettrait à notre système immunitaire de jouer son rôle (un moment perturbé par l’explosion de la pandémie, au printemps), facilité par le fait qu’il doit désormais réagir à un virus qui a perdu beaucoup de sa dangerosité. Ce serait là une attitude réaliste, qui tiendrait compte de l’évolution du fléau depuis deux mois.

    La réticence d’un peuple habitué à la contrainte jacobine

    Mais une telle option est difficile à faire comprendre dans notre pays. Habitués à être traité à la mode jacobine, nos compatriotes n’accordent de crédit à l’État que lorsqu’il se manifeste par une intervention massive faite de mesures drastiques présentées comme seules efficaces et protectrices. Ils n’ont confiance qu’en l’obligation, la contrainte et l’uniformité (sans oublier l’uniforme). Et, quoique théoriquement enclins à l’égalitarisme, ils manifestent le plus grand respect pour leurs élites politiques et savantes (en l’occurrence médicales), recrutées, il est vrai (et ils le croient très fort) suivant les principes et les bonnes pratiques de l’élitisme républicain fondé sur l’École. Ils sont donc habitués à obéir sans discuter à ces élites, et à être conduits par un État gendarme, surtout si ses décisions sont inspirées par des autorités scientifiques, comme tel est présentement le cas. Petit doigt sur la couture du pantalon, visage fermé, maxillaires bloqués, ils approuvent la coercition et le verrouillage de la pensée et de la liberté d’expression, malgré leur réputation d’indiscipline et d’individualisme. Aussi, en matière de lutte contre la pandémie actuelle, ils n’accordent leur confiance qu’au port du masque et aux « tours de vis » successifs, et se prosternent devant les Jean-François Delfraissy, Anne-Claude Crémieux, Karine Lacombe et autres Jimmy Mohamed, partisans des mesures les plus « difficiles », suivant l’expression du premier cité ici. Or, ces mesures, peut-être nécessaires un moment, n’enrayent pas la pandémie et risquent de générer des effets contre-productifs, dans la mesure où elle ignorent délibérément la réalité de la mutation récente du coronavirus ; et elles peuvent entraver l’adaptation de notre système immunitaire naturel à la situation présente.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Un intéressant reportage de France info sur la situation dans le ”Royaume désuni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord

    L'Ecosse a quitté l'union douanière et le marché commun contre son gré; l'Irlande du Nord bénéficie d'un statut hybride peu satisfaisant. Autant de frustrations qui pourraient menacer l'unité du royaume.

    Le 31 janvier 2019, le Royaume-Uni a quitté l'Union européenne. Le 31 décembre 2020, c'était au tour de l'union douanière et du marché commun. Depuis ces deux dates clés, qui marquent la concrétisation du processus de Brexit, les regards se tournent vers les Ecossais, europhiles bafoués, et les Nord-Irlandais, soumis à un traitement hybride, un pied (politique) au Royaume-Uni, l'autre (économique) dans l'Irlande voisine et européenne. De près comme de loin, les observateurs de la vie politique outre-Manche guettent les signes du prochain divorce.

    Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord – c'est son nom – tel que nous le connaissons aujourd'hui va-t-il éclater ? Survivra-t-il aux divergences exprimées depuis 2016 et la décision prise par les Anglais et les Gallois de quitter l'UE, sans le consentement des Ecossais et des Nord-Irlandais ? Pour répondre à ces questions, franceinfo explique comment le Brexit secoue l'unité du royaume.

    Il nourrit le désir d'indépendance des Ecossais

    Les Britanniques ont voté à 51,9% pour le Brexit en 2016, mais en y regardant de plus près, 62% des Ecossais se sont opposés à la sortie de l'Union européenne. A nouveau, le 2 janvier 2021, la Première ministre Nicola Sturgeon, à la tête du Scottish National Party (SNP, indépendantiste) a dit espérer que l'Ecosse gagne son indépendance et puisse "rejoindre" l'Union européenne. Car son camp martèle depuis 2016 que les résultats du référendum de 2014, où 55% des Ecossais avaient dit "non" à l'indépendance, sont désormais caduques. "Le SNP fait valoir qu'à l'époque, l'Ecosse s'est prononcée pour rester au sein d'un Royaume-Uni qui se trouvait dans l'Union européenne. Avec le Brexit, la donne a changé", explique Edwige Camp, qui enseigne la civilisation britannique à l'université polytechnique des Hauts-de-France et a signé plusieurs ouvrages sur l'indépendance écossaise.

     

    La Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, lors d'une cession de questions au parlement écossais, à Edimbourg, le 26 novembre 2020.  (AFP)

     

    L'opinion a aussi évolué. Selon le dernier sondage mené par l'institut Savanta ComRes pour le journal The Scotsman, mi-décembre, 58% des Ecossais soutiennent désormais une rupture avec le Royaume-Uni. Un record. Depuis le vote en faveur du Brexit, le SNP consolide sa domination sur la vie politique écossaise et a pris la tête de toutes les institutions locales, ainsi que celle de la représentation écossaise à Westminster, le Parlement britannique. "Les modalités du Brexit ont sans doute joué, plus que le Brexit lui-même", analyse Edwige Camp, rappelant que l'Ecosse figure parmi les territoires qui seront, selon toutes les projections, parmi les plus affectés par le divorce européen.

    Depuis le Scotland Act de 1998, qui marque la création du Parlement écossais, le pays gère seul un certain nombre de dossiers : "les services publics, mais aussi l'agriculture et la pêche, qui étaient gérés autrefois par l'Union européenne", poursuit Edwige Camp. "Dans ces conditions, le Brexit suscite des inquiétudes particulières en Ecosse." Ce pays majoritairement rural "a prospéré grâce au marché unique dans ses quatre composantes : libre circulation des biens, des services, des capitaux, mais aussi des personnes. L'Ecosse a vraiment besoin de cette main d'œuvre étrangère, notamment européenne, pour des raisons économiques et démographiques", liste encore la spécialiste. "Dès le mois de décembre 2016, le gouvernement écossais a publié un document de 70 pages expliquant que l'Ecosse devait et pouvait rester au sein du marché unique", balayé par Londres d'un revers de la main.

    Par ailleurs, "le Parlement et le gouvernement écossais gèrent les questions de santé publique. En prenant des décisions différentes de Londres, ils ont renforcé l'idée que l'Ecosse était autonome et pouvait prendre ses propres décisions en fonction de critères spécifiques", tandis que Nicola Sturgeon "a conforté sa popularité en se montrant extrêmement différente de Boris Johnson, beaucoup plus prudente et mesurée, suscitant l'adhésion sur sa personnalité."

    La Première ministre affrontera donc en position de force les élections générales écossaises, prévues en mai. Une victoire triomphante des indépendantistes devrait donner des arguments aux autorités écossaises, soucieuses d'obtenir de Londres l'autorisation d'organiser un nouveau référendum d'indépendance.

    Or, Boris Johnson refuse jusqu'à présent de lancer une nouvelle consultation. Un problème pour Nicola Sturgeon ? Pas pour l'instant. "Elle appelle à un nouveau référendum, mais elle est bien consciente que le contexte, notamment économique, lié à la crise sanitaire, n'est pas propice dans l'immédiat à la tenue d'une telle consultation", estime encore la spécialiste Edwige Camp.

    Il rapproche les deux Irlande

    L'île d'Irlande est divisée en deux : la République d'Irlande, au sud, est européenne, tandis que l'Irlande du Nord a quitté l'UE avec le reste du Royaume-Uni. Et au milieu ? Impossible d'ériger une frontière, conformément aux accords de paix signé en 1998. Face à ce casse-tête, Boris Johnson a obtenu en octobre 2019 l'instauration de cette fameuse frontière en mer d'Irlande. Si cette disposition, en vigueur depuis le 1er janvier, évite le rétablissement d'une frontière terrestre, elle rapproche de facto l'Irlande du Nord de son voisin du Sud. "L'accord met en place un début de réunification économique, puisque les biens circulent librement dans l'île d'Irlande, mais ce n'est plus le cas entre l'île d'Irlande et le reste du Royaume-Uni", explique sur France Culture Christophe Gillissen, professeur de civilisation britannique et irlandaise à l'université de Caen-Normandie.

    Par ailleurs, "un certain nombre de normes, de réglementations européennes continuent de s'appliquer en Irlande du Nord (…) Enfin, les taux de TVA sont désormais alignés sur ceux de la République d'Irlande et non plus sur ceux de la Grande-Bretagne", liste le spécialiste, évoquant "une amorce qui va favoriser une intégration plus grande du point de vue économique". Sur le front politique, en revanche, pas question de rapprochement, même si Dublin s'est engagé à prendre en charge le maintien de sa voisine du Nord dans le programme d'échange étudiants Erasmus, que le reste du Royaume-Uni quittera à la rentrée prochaine.

    "A court terme, la réunification n'est pas à l'ordre du jour. En revanche, elle devient plausible, voire probable, à moyen ou a long terme." (Christophe Gillissen, professeur de civilisation britannique et irlandaise) 

    Sur l'île, le principal parti unioniste nord-irlandais, le DUP de la Première ministre Arlene Foster, fait figure de grand perdant : après avoir contraint Theresa May à n'accepter aucun "deal" qui induirait un traitement différencié de l'Irlande du Nord par rapport au reste du Royaume-Uni, il a vu Boris Johnson envoyer balader toutes ses promesses une fois que sa majorité à Westminster a rendu inutile le soutien des unionistes nord-irlandais. L'opportunité est trop belle pour les nationalistes. "J'appelle nos voisins unionistes", a ainsi lancé devant la Chambre des communes le député du parti nationaliste SDLP, Colum Eastwood, le 31 décembre. "Regardez où le DUP et où Londres vous ont menés. Je suis convaincu que nous pouvons construire une nouvelle société ensemble."

     

    Le Premier ministre britannique Boris Johnson et son homologue nord-irlandaise, Arlene Foster, devant le palais de Stormont, siège du parlement nord-irlandais, à Belfast, le 13 janvier 2020.  (PAUL FAITH / AFP)

     

    L'ironie de la situation n'a pas échappé à Agnès Maillot, professeure à la Dublin City University, au micro de France Culture. Désormais, "les Irlandais et les partis de la République d'Irlande sont beaucoup plus à l'écoute des unionistes nord-irlandais que ne le sont les conservateurs britanniques, d'ordinaire leurs principaux alliés. Eux veulent favoriser un dialogue, les écouter, prendre en compte ce qu'ils ont à dire", liste-t-elle. Or, un camp unioniste fragilisé constitue un pas – certes petit – en direction d'une possible réunification irlandaise.

    Il met à l'épreuve la décentralisation

    Avec le Brexit, "des fissures sont apparues dans l'architecture constitutionnelle du Royaume-Uni". Dans le Financial Times, l'éditorialiste Philip Stephens envisage lui aussi la fin du Royaume-Uni tel que nous le connaissons. "Le Brexit a changé à tout jamais l'équilibre entre les parties constituantes de cette union. La décision de quitter l'UE était, en son cœur, une expression du nationalisme anglais", écrit-il, alors que 85% des Britanniques sont Anglais. Par conséquent "une réorganisation des relations au sein de l'UE est inévitable", tranche l'éditorialiste. Daniel Wincott, professeur de droit à l'université de Cardiff et contributeur du groupe de réflexion UK in a changing Europe, abonde : "Faisant mentir son nom, le Royaume-Uni est loin d'être uni (…) Aucun effort n'a été fait pour créer ou maintenir une identité partagée par tous ou des institutions qui puissent l'étayer", écrit-il.

    Initiée en 1998 sous l'impulsion du gouvernement travailliste de Tony Blair, le chantier de la décentralisation (ou "dévolution") du pouvoir au Royaume-Uni a abouti, l'année suivante, au transfert de nombreuses compétences à des parlements locaux, au pays de Galles, en Ecosse et en Irlande du Nord. Santé, éducation, logement reviennent notamment aux parlements et gouvernement locaux. Les domaines dévolus tombant également sous le coup des normes européennes se réglaient quant à eux à Londres comme à Cardiff ou à Edimbourg. "Jusqu'en 2016", explique Edwige Camp. Autrefois, "la position défendue par le gouvernement britannique à Bruxelles sur un sujet dévolu, telle que la pêche par exemple, était le résultat de discussions entre gouvernements britannique, écossais, nord-irlandais et gallois", illustre-t-elle.

    En prenant seul à sa charge le dossier du Brexit, Londres a tourné le dos à ses partenaires historiques. "Or, le gouvernement écossais s'attendait à davantage de discussions, de consultations, car il avait lui aussi des spécificités à faire valoir", poursuit Edwige Camp. "Si l'esprit de la dévolution telle qu'elle fonctionnait avant 2016 avait été conservé, les choses auraient pu se passer différemment. Ce n'est pas le cas et clairement l'absence de dialogue pose problème."

    Dès lors, comment y remédier ? Philip Stephens évoque, dans son édito au Financial Times, l'abandon de la dévolution au profit d'un Royaume-Uni fédéral. Une solution nuancée par Edwige Camp : "Le problème ici est que les Anglais ne veulent pas disposer de leur propres institutions." En 2004, la tentative de créer une assemblée régionale en Angleterre a échoué, rappelle-t-elle. Cette transformation du Royaume-Uni en Etat fédéral, bien que "logique et permettant de régler un certain nombre de problèmes, n'est pas du tout à l'ordre du jour", poursuit la spécialiste, tablant plutôt sur "une voix plus progressive", moins brutale et spectaculaire que l'éclatement du Royaume-Uni. "A condition que le gouvernement britannique soit prêt à accorder des concessions" à ses partenaires écossais, nord-irlandais et galloisLe secret, si simple et si compliqué, d'un mariage qui dure.

  • Éphéméride du 23 mars

    1821 : Découverte de la Bauxite, qui tire son nom du village des Baux-de-Provence

     

     

     

     

    1594 : Première partie de Jeu de Paume pour Henri IV, un jour après son entrée dans Paris

     

    La veille, le roi a fait son entrée dans Paris (voir l'Éphéméride du 22 mars), la ville qu'il assiégeait depuis le 30 juillet 1589 (presque cinq ans !...) et qui se refusait obstinément à lui...

    Pourquoi donc, car cela paraît surprenant plusieurs siècles après, commencer en quelque sorte ses activités dans une capitale si chèrement et si longuement convoitée par... une partie de Jeu de Paume ? On le comprendra mieux si l'on se replonge quelques instants dans la mentalité, les moeurs et les goûts de l'époque... 

    Ancêtre direct du Tennis, mais aussi de la Pelote basque et, plus généralement de tous les jeux de raquette, le Jeu de Paume était extraordinairement populaire sous la Royauté (le mot anglais "tennis" vient du français "tenez !", mot que dit le joueur à son partenaire en lançant le service).

    La paume consistait à se renvoyer une balle, appelée éteuf, au-dessus d'un filet; on jouait en individuel (1 contre 1) ou en double (2 contre 2). 

    Très vite (XIIIème siècle) les joueurs portèrent un gant de cuir, afin de protéger la main qui frappait la balle; au début, la paume se pratiquait en plein air, mais à partir du XIVème siècle on se mit à jouer dans des terrains de jeu couverts : les salles de jeu de paume, également appelées tripots...

    Au XVème siècle apparut le battoir, raquette pleine en bois; la première mention d’une raquette date de 1505 : à la différence du battoir, la raquette possédait un cordage en chanvre ou en boyau.

    Il y eut donc jusqu'à quatre écoles, ou façon de pratiquer le Jeu de Paume :

    - à main nue;

    - à main gantée;

    - avec un battoir;

    - avec une raquette.

    Le jeu connut un tel succès - aussi bien dans les classes supérieures de la population que dans le petit peuple - qu'on peut le comparer à une sorte de folie collective (qui touchait également les femmes) : le 22 juin 1397, le Prévôt de Paris interdit la pratique du jeu de paume tous les jours, sauf le dimanche "parce que plusieurs gens de métier et autres du petit peuple quittaient leur ouvrage et leur famille pendant les jours ouvrables, ce qui était fort préjudiciable pour le bon ordre public" !

    Des Lettres patentes de François 1er (du 9 novembre 1527) officialisèrent le professionnalisme sportif, en jeu de paume notamment, car les paris et enjeux avaient transformé, de fait, cette activité sportive et distrayante en métier, pour beaucoup...

    23 mars,bauxite,baux de provence,berthier,parc national des pyrenees,cirque de gavarnie,spot 4Et, le 23 mars 1594, au lendemain de son entrée royale dans Paris, Henri IV disputa donc une partie de jeu de paume : cette partie disputée à La Sphère fut très appréciée par le peuple parisien et fit beaucoup pour la popularité du nouveau roi dans la capitale.

    En 1596, il y avait 250 salles de jeu de paume à Paris et 7.000 personnes vivaient -  directement ou indirectement - de l'activité qu'elles généraient.

    On jouait aussi beaucoup en Province : Orléans comptait 40 salles ! À la suite d'un séjour en France en 1598, Sir Robert Dallington publia - en 1604 - The View of France, ouvrage dans lequel il relatait son étonnement du goût pour le sport des Français : "Les Français naissent une raquette à la main" y écrit-il, et la France est "un pays semé de jeux de paume, plus nombreux que les églises et des joueurs plus nombreux que les buveurs de bière en Angleterre".

    "Les Français aiment beaucoup ce jeu et ils s’y exercent avec une grâce et une légèreté merveilleuses", rapporte pour sa part un ambassadeur de Venise : le nombre de terrains et salles était, en dix ans, passé à 1.800 pour la seule ville de Paris...

    Ce sont Louis XIII et surtout Louis XIV qui donneront le coup de grâce au jeu de Paume, avec leur passion dévorante pour la chasse (et, en ce qui concerne Louis XIV, le billard, jeu où il excellait..). Encore Louis XIV laissera-t-il construire un Jeu de Paume à Versailles, qui s'illustrera malheureusement sous la Révolution....

    Mais, comment le Jeu de Paume a-t-il donné naissance au Tennis ?...

    Tout commença en 1415 : après le désastre d'Azincourt, le duc d’Orléans fut emprisonné pendant près de vingt-cinq ans en Angleterre. Captif à Wingfield, dans le Norfolk, le prince poète et sportif y introduisit le jeu de paume, auquel il jouait presque chaque jour. Quatre siècles plus tard, le descendant du châtelain de Wingfield, Walter Clopton Wingfield, inventa le tennis, en adaptant le jeu de paume au jeu sur l'herbe, en plein air...

    Cela peut paraître surprenant, mais c'est ainsi : après avoir connu une telle vogue chez nous (les contemporains parlaient, à son sujet, de "folie" ou de "raz de marée"), le jeu de Paume disparut presque subitement, à partir du XVIIIème siècle.

    Il reste cependant à l'origine de huit expressions très usuelles en français, aujourd'hui encore :

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    - Épater la galerie : se disait lorsqu'un joueur réussissait un beau coup qui "épatait" les spectateurs, regroupés dans la galerie couverte en surplomb entourant en partie la salle de jeu (ci-dessus)...

    - Qui va à la chasse... perd sa place : "chasser" signifie que, à la fin d'une phase de jeu, les joueurs changent de côtés de terrain, et que le serveur perd donc sa place favorable... 

    - Les enfants de la balle : on nommait ainsi les enfants des paumiers (fabricants des balles), très souvent habiles au jeu, puisqu'ils y jouaient dès leur plus jeune âge. Les comédiens jouant parfois dans les salles de paume, leurs enfants qui exerçaient le même métier reçurent le même surnom...

    - Jeu de main, jeu de vilain : les pauvres, ne pouvant s'offrir une raquette, jouaient avec leurs mains...

    - Récupérer la balle au bond : se disait d'un paumiste qui réussissait la reprise de volée. Aujourd'hui, l'expression se réfère à l'adresse à saisir une occasion (on parlera d' "opportunisme"...)...

    - Tomber à pic : si la balle tombe au pied du mur du fond, côté dedans, elle marque une "chasse pic". Avoir la possibilité de réaliser ce point à un moment décisif de la partie, assure un avantage non négligeable au bon moment...

    - Rester sur le carreau : le sol d'un jeu de paume était autrefois constitué de carreaux; le "carreau" en vint à désigner le sol du terrain de jeu : l'expression signifie donc la chute d'un joueur, ou sa défaite...

    - Chassé-croisé : on l'a vu, "chasser" signifiait "changer de côté". "Deux chasses posées, traversez !" criait le marqueur, ou commissaire...

     

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     http://plume-dhistoire.fr/jeu-de-paume-roi-des-sports-et-sport-des-rois/

     

     

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    1821 : Découverte de la Bauxite...

     

    ... autour village des Baux-de-Provence, qui lui a finalement donné son nom : le chimiste Pierre Berthier cherchait du minerai de fer, cette année-là, sur le territoire de la commune des Baux. Il donna le nom de terre d'alumine des Baux à ce qu'il trouva sur place, alors qu'il cherchait autre chose...

    Le nom fut ensuite transformé en beauxite par Armand Dufrénoy (1847) puis en bauxite par Henry Sainte-Claire Deville (1861).  

    L'aluminium n'a donc été isolé qu'au milieu du XIXème siècle. C’est un métal jeune comparé au fer, au cuivre ou à l’or, connus depuis les temps les plus reculés. D'abord utilisé pour la fabrication des bijoux, puisque rare et précieux, il s'est peu à peu imposé dans une foule de domaines et a participé aux grandes mutations technologiques contemporaines : transports, habitat, alimentation, modes de vie, esthétique…

    Aujourd'hui, l'aluminium représente un très important secteur industriel; il est le métal le plus consommé après le fer. Les Français utilisent plus de 20 kilos d’aluminium par an et par personne.

     

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    Pierre Berthier...

     

    Et, sous le titre L'aluminium, un métal d'exception, on aura de très intéressants renseignements en cliquant sur le lien suivant :

    http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/geologie/d/laluminium-un-metal-dexception_780/c3/221/p1/

     
     
     

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    1842 : Mort de Stendhal
     
     
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    1918 : Paris bombardé...
     
     
    À Paris, pendant l’office du Vendredi saint, un obus tombe sur l’église Saint-Gervais, tuant 88 fidèles et en blessant 68.
     
    Du 23 mars au 9 août, la ville est bombardé par 3 énormes canons à longue portée allemands Wilhelmgeschutze (l'arme de Guillaume), surnommés Pariser Kanonen ou Parisgeschütz (canon de Paris), disposés en batterie au nord de Crépy-en-Laonnois et séparés de 800 mètres les uns des autres, d’un calibre de 210 mm, qui propulsent des obus de plus de 100 kg à près de 30 kilomètres d'altitude et à 126 km de distance : sur 400 obus tirés, 351 atteignent la capitale faisant 256 morts, 620 blessés et d’importants dégâts.
     
    Ces canons à longue portée sont généralement confondus avec la "Grosse Bertha" (du nom de la fille de l'industriel Krupp), obusier d’un calibre de 420 mm tirant des obus de 800 kg à 12 km, qui fut utilisée dès le début de la guerre, devant Liège.
  • Éphéméride du 31 juillet

    1944 : Disparition d'Antoine de Saint Exupéry

     

     

     

     

    49 Avant J.C. : Seconde victoire de la flotte de César - qui assiège Massalia - sur la flotte Massaliète 

     

    C'est l'amiral Decimus Junius Brutus Albinus qui commande la flotte de César. Il a établi un blocus maritime de la ville, en prenant position à quelques encablures de l'île de Ratonneau, sur l'archipel du Frioul. La flotte des Massaliotes est pourtant supérieure en nombre (17 navires) et en expérience, et cherche à forcer le blocus; mais après un affrontement extrêmement violent, cinq des navires de Massalia sont coulés, et quatre capturés. 

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    L'archipel du Frioul - où s'était installée la flotte romaine - peut à la fois bloquer et/ou protéger la rade de Marseille. Il se compose de trois îles :
    • Ratonneau, à gauche sur la photo, qui est la première que l'on rencontre en venant du large et que les Grecs appelèrent donc, tout naturellement, "Proté" (qui signifie "premier" , en grec);
    • Pomègues, (du grec "Mésé", qui signifie "moyenne"), ici à droite;
    et If, la plus petite des trois (petit se disant "Hypea", en grec) que l'on voit devant les deux autres, et sur laquelle se trouve le célébrissime château.
     
    La première des deux batailles navales du siège de Massalia - le 27 juin - eut lieu dans la rade même, à quelques encablures des murailles de la ville; la seconde - le 31 juillet - eut lieu un peu plus loin, à Saint-Cyr/Les Lecques, à une vingtaine de kilomètres, les Massaliotes ayant réussi à percer le blocus maritime, "profitant d'un vent favorable", dit César...
     
    • Sur les raisons de la guerre que mena César contre Massalia, voir notre Éphéméride du 19 avril;
    • sur la première victoire navale remportée par la flotte de César sur celle de Massalia, voir notre Éphéméride du 27 juin;
     
    • et, plus généralement, notre Évocation :

    Jules César lui-même a raconté cette bataille navale décisive.
     
    Décisive car, une fois perdu le dernier espoir de ravitaillement de la ville, si elle réussissait à briser son blocus, celle-ci, bien que résistant militairement jusqu'au bout aux forces de César, serait tôt ou tard contrainte à la capitulation, non par la défaite militaire mais par la famine : commencé en avril 49, le siège s'achèvera par la reddition des Massaliotes en septembre...
     
    De "La Guerre civile" (De Bello Gallico), La Pléiade, Historiens romains, Tome II, pages 344/345/346 : 
     
    III
     
    31 juillet,albi,jacques coeur,etienne marcel,saint exupery,le petit prince,diderot,hachette,jaurès,bainville"...Entre-temps L. Nasidius, envoyé par Pompé au secours de Domitius et des Marseillais, avec seize navires dont quelques uns à éperon d'airain, pénétra dans le détroit de Sicile... Une barque est envoyée en cachette pour avertir Domitius et les Marseillais de son arrivée. Il les engage vivement à livrer un nouveau combat à la flotte de Brutus avec l'appui de la sienne (ci contre, éperon en bronze d'un navire grec du IIème siècle av. J.C).
     
    IV
     
    Les Marseillais, après leur précédent échec (la première bataille navale, perdue par les Massaliotes, avait eu lieu le 12 juin, ndlr), avaient sorti des chantiers de vieux navires pour remplacer les navires perdus et les avaient équipés avec le plus grand soin (ils avaient à leur disposition de nombreux rameurs et timoniers).  Ils y ajoutèrent des bateaux de pêche, couverts de façon à protéger le rameurs contre les projectiles, et y entassèrent archers et machines.
    L'équipement terminé, ils s'embarquent. Les lamentations des vieillards, des mères de famille, des jeunes filles, leurs supplications à défendre la ville menacée d'un si grand danger les accompagnent, leur donnent plus de courage et plus de confiance que lors du combat précédent...
    L'approche de L. Nasidius avait fait naître un grand espoir et un grand élan. Profitant d'un v31 juillet,albi,jacques coeur,etienne marcel,saint exupery,le petit prince,diderot,hachette,jaurès,bainvilleent favorable, les Marseillais sortent du port et rejoignent Nasidius à Tauroentum (Saint-Cyr/Les Lecques, près de La Ciotat et de son célèbre "Bec de l'Aigle, ci contre, ndlr), place-forte qui leur appartient. Là ils déploient leurs navires et, raffermis dans leur résolution de combattre, arrêtent  les dispositions de la bataille. Les Marseillais prennent place à droite, Nasidius à gauche.
     
    V
     
    Brutus vogue vers le même lieu avec une flotte accrue. Car aux navires construits par ordre de César à Arles sont venus s'en ajouter six pris aux Marseillais.  Il les avait fait réparer et pourvoir de tout l'armement nécessaire au cours des journées précédentes. Donc, ayant exhorté les siens à ne pas craindre un ennemi déjà vaincu une fois quand ses forces étaient encore intactes, Brutus marche au combat confiant et ferme...
     
    VI
     
    Dans le combat qui s'était engagé, les Marseillais firent preuve d'une bravoure irréprochable... Nos vaisseaux s'étant peu à peu éloignés les uns des autres, les ennemis purent mettre à profit l'habileté de leurs pilotes ainsi que la mobilité de leurs navires. S'il arrivait aux nôtres d'accrocher avec des harpons un de leurs bâtiments, aussitôt les autres accouraient au secours de tous les côtés. D'ailleurs, si l'on en venait à des corps à corps, les Marseillais, mêlés aux Albiques, tenaient bon, et leur courage n'était pas inférieur au nôtre. Des bateaux de moindre dimension lançaient de loin une grande quantité de projectiles qui faisaient parmi les nôtres, pris au dépourvu ou demeurés sans méfiance, de nombreux blessés.
    31 juillet,albi,jacques coeur,etienne marcel,saint exupery,le petit prince,diderot,hachette,jaurès,bainvilleLe navire de Décimus Brutus, qu'on pouvait facilement reconnaître à ses insignes, fut repéré par deux vaisseaux ennemis qui le prirent en chasse. Brutus, les ayant vu arriver de deux côtés opposés, accéléra la vitesse du sien et leur échappa au dernier moment. Les deux vaisseaux, emportés par leur élan, se jetèrent l'un sur l'autre. Le choc fut si violent que les deux se trouvèrent fortement endommagés. S'en étant aperçu, les navires de Brutus, qui se tenaient à proximité, se précipitèrent sur ces deux bâtiments en détresse et les coulèrent rapidement, l'un et l'autre.
     
    VII
     
    Quant aux navires de Nasidius, ils ne furent d'aucune utilité et se retirèrent rapidement du combat. Ni la vue de la cité natale, ni les supplications des proches ne purent inciter les équipages à risquer le combat. Aussi n'eut-il à déplorer la perte d'aucun bâtiment. Les Marseillais eurent cinq navires coulés, quatre furent capturés, un prit la fuite avec ceux de Nasidius et gagna avec eux l'Espagne citérieure.
    Un des navires demeurés indemnes partit porter à Marseille la nouvelle de la défaite. A son approche, toute la population accourut au port. Quand elle apprit le résultat de la bataille, ce fut une telle explosion de désespoir qu'on eût dit que, déjà, la ville était aux mains de l'ennemi. Les Marseillais surent trouver néanmoins assez d'énergie pour renforcer les défenses de leur ville."
     
     

    Les Basques puis les Celtes constituent les premiers peuplements connus de la Gaule, qui allait devenir la France. Sur ces deux populations premières vint se greffer l'influence décisive des Grecs et des Romains : voilà pourquoi nous évoquons largement, dans nos Éphémérides, les pages fondatrices de notre identité profonde que nous devons à l'Antiquité : voici le rappel des plus importantes d'entre elles, étant bien entendu qu'un grand nombre d'autres Éphémérides traitent d'autres personnalités, événements, monuments etc... de toute première importance dans le lente construction du magnifique héritage que nous avons reçu des siècles, et qui s'appelle : la France...

     

    En réalité, si la conquête de la Gaule était nécessaire à César pour sa prise du pouvoir à Rome, il faut bien admettre que "le divin Jules" avait été appelé à l'aide, en Gaule, par les Gaulois eux-mêmes, incapables de s'opposer au déplacement massif des Helvètes, quittant leurs montagnes - en 58 avant J.C - pour s'établir dans les riches plaines du sud ouest; César vainquit les Helvètes à Bibracte (voir l'Éphéméride du 28 mars); cinq mois plus tard, envahis par les Germains d'Arioviste, les Gaulois le rappelèrent une seconde fois : César vainquit et refoula les Germains au-delà du Rhin (voir l'Éphéméride du 5 août); et, cette fois-ci, auréolé de ses deux prestigieuses victoires, et gardant plus que jamais en tête son objectif premier (la conquête du pouvoir à Rome), César ne voulut plus se retirer de cette Gaule où on l'avait appelé, et dont la conquête serait le meilleur tremplin pour ses ambitions politiques à Rome... Il fallut six ans à Vercingétorix pour fédérer les divers peuples de Gaule contre le sauveur romain : le soulèvement général commença par le massacre des résidents romains à Cenabum (l'actuelle Orléans), en 52 (voir l'Éphéméride du 23 janvier); le 28 novembre de la même année, Vercingétorix remporta la victoire de Gergovie (voir l'Éphéméride du 28 novembre); mais, moins d'un an après, enfermé dans Alésia, Vercingétorix vécut l'échec de l'armée de secours venue à son aide de toute la Gaule (voir l'Éphéméride du 20 septembre) : il capitula une semaine après (voir l'Éphéméride du 27 septembre). Emmené captif à Rome, il fut mis à mort six ans plus tard, en 46 (voir l'Éphéméride du 26 septembre)...

     

    Cependant, dans sa conquête des Gaules, César n'eut pas seulement à lutter contre les tribus gauloises proprement dites : il s'opposa également et malheureusement - on vient de le voir... - à Massalia, puissance amie et alliée de Rome, mais qui ne voulut pas choisir entre César et Pompée lorsque la guerre civile éclata entre ceux-ci : César réduisit Massalia, mais avec difficulté (voir nos trois Éphémérides des 19 avril, 27 juin et 31 juillet)...

     

      Enfin, pour être tout à fait complet avec le rappel de ce que l'on peut trouver dans nos Éphémérides sur ces pages de notre Antiquité, mentionnons également nos trois Éphémérides traitant de :

    la victoire sur les Cimbres et les Teutons, remportée par Caius Marius, oncle par alliance de Jules César en 86 (il avait épousé sa tante, Julie, et mourut en 86 : voir l'Éphéméride du 17 janvier);

    l'assassinat de Jules César en 44 Avant J-C (voir l'Éphéméride du 15 mars);

    notre évocation de Massalia, sa puissance et son rôle à l'époque (voir l'Éphéméride du 11 avril)...

     

     

    24 juin,loi d'exil,orléans,du pont de nemours
     
     
     
     
    1358 : Assassinat d'Étienne Marcel

     

    Le Prévôt des marchands est accusé de vouloir secrètement favoriser les desseins anglais.

    Le jour où l'on s'aperçut qu'il avait effectivement ouvert les portes de Paris à quelques soldats anglais, les Parisiens

  • Crise mondiale, la démission de l’intelligence

    (Chronique économique de François Reloujac, parue dans le numéro 100 de Politique magazine, octobre 2011)

     

            Pas un jour sans que l’actualité nous rappelle la réalité d’une crise économique et financière qu’il est désormais permis de qualifier de « systémique ». Et si le problème était faussé depuis des décennies ?

            Depuis plus de quatre ans, le monde assiste impuissant au développement inexorable d’une crise protéiforme dont aucun expert ne semble vraiment comprendre les rouages et les enchaînements et face à laquelle aucun homme politique n’est en mesure d’imaginer des solutions. Si les politiques, de réunions en sommets, illustrent jusqu’à la caricature l’adage selon lequel il vaut mieux avoir tort avec tout le monde que raison tout seul, les experts explorent désormais toutes les facettes des doctes personnages moliéresques tels que Diafoirus dont ils vont jusqu’à adopter le langage : et voilà pourquoi l’économie est malade ! Il est vrai que, depuis quarante ans, les experts et autres savants économistes raisonnent (résonnent ?) sur des prémisses devenues fausses pour n’avoir pas tenu compte des bouleversements que les politiques, sous des prétextes divers, ont imposé à un monde qu’ils croyaient définitivement riche....

     

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            Pas un jour sans que l’actualité nous rappelle la réalité d’une crise économique et financière qu’il est désormais permis de qualifier de « systémique ». Et si le problème était faussé depuis des décennies ?

            Depuis plus de quatre ans, le monde assiste impuissant au développement inexorable d’une crise protéiforme dont aucun expert ne semble vraiment comprendre les rouages et les enchaînements et face à laquelle aucun homme politique n’est en mesure d’imaginer des solutions. Si les politiques, de réunions en sommets, illustrent jusqu’à la caricature l’adage selon lequel il vaut mieux avoir tort avec tout le monde que raison tout seul, les experts explorent désormais toutes les facettes des doctes personnages moliéresques tels que Diafoirus dont ils vont jusqu’à adopter le langage : et voilà pourquoi l’économie est malade ! Il est vrai que, depuis quarante ans, les experts et autres savants économistes raisonnent (résonnent ?) sur des prémisses devenues fausses pour n’avoir pas tenu compte des bouleversements que les politiques, sous des prétextes divers, ont imposé à un monde qu’ils croyaient définitivement riche. Il est vrai que lesdits politiques, les yeux rivés sur l’horizon des prochaines élections, ne savent qu’imaginer pour disposer d’une trésorerie abondante qui leur permettra de financer leurs multiples campagnes et, pour cela, d’embaucher les publicitaires qui ont fait leurs armes dans le lancement de savonnettes. Du coup, arrivés au pouvoir sans vision politique réaliste, ils n’ont d’autre souci que de suivre la mode. Or, quand un aveugle conduit un groupe de « non-voyants » qui se tiennent par la main, on sait fort bien où cela peut conduire… Le drame premier de cette époque est la démission de l’intelligence. Dans un monde où le raisonnement déductif sur des abstractions uniquement appréhendées à partir de symboles mathématiques a supplanté jusqu’à la méthode expérimentale – qui impose de toujours vérifier ses hypothèses –, il ne faut pas s’étonner de constater que les conclusions scientifiques et les conséquences qu’on en tire au plan légal ne collent plus toujours avec le réel. Quelques exemples pris dans la vie économique d’aujourd’hui suffiront pour comprendre que, sans une remise en cause radicale des modes de raisonnement, il est vain de croire que « la crise » sera rapidement surmontée. Sans vouloir prétendre à l’exhaustivité, il convient d’examiner succinctement quelques éléments fondamentaux qui expliquent en partie l’inefficacité de toute décision politique : le rôle de l’euro, monnaie unique d’une Europe inachevée ; celui d’une comptabilité élastique reposant sur la « valeur de marché » pour piloter une Bourse désorientée ; enfin celui d’une monnaie dénaturée gérée par des banques dégénérées.

     

    L’euro, monnaie unique d’une Europe inachevée

     

            Mettre en place une monnaie unique dans un ensemble qui ne constitue pas ce que les économistes considèrent comme une zone monétaire optimale, pas même un espace économique homogène, suppose d’accepter le jeu de mécanismes stabilisateurs automatiques. Il suffit, en effet, que l’un des membres de la communauté économique connaisse un accident pour que les conséquences lui soient insupportables puisque l’outil monétaire n’est plus à disposition. En d’autres termes, aucun pays ne peut jouer sur une dévaluation pour relancer ses exportations. La monnaie, au-delà des trois fonctions que lui assignait déjà Aristote (instrument de mesure de la valeur, d’échange et de réserve de valeur), s’est vu attribuer au fil des ans tout au long du xxe siècle, une quatrième fonction, celle d’instrument de redistribution des richesses. Si elle n’est pas utilisée de la même façon en tous points de la zone monétaire unique dans laquelle elle circule, il ne faut pas s’étonner de voir certaines régions s’enrichir au détriment des autres. Par exemple, pas de monnaie unique sans une politique sociale unique. C’est-à-dire que si un des pays de la zone adopte les trente-cinq heures, les six semaines de congés payés et la retraite à soixante ans, il ne faut pas s’étonner qu’il ait un handicap vis-à-vis d’un autre pays où la durée légale du travail s’élève à quarante heures, où les salariés n’ont droit qu’à quatre semaines de congés payés et où les « seniors » travaillent jusqu’à soixante-sept, voire soixante-neuf ans. Il en résultera inexorablement un transfert de richesses, sous quelque forme que ce soit, d’un État vers l’autre. Pour rééquilibrer le fonctionnement économique de l’ensemble, il est inéluctable que ceux qui travaillent plus soient amenés à partager avec ceux qui travaillent moins, c’est-à-dire les subventionnent. Ce qui est vrai des différences de régime social est vrai du régime de la prise en charge des dépenses de santé ainsi que du régime fiscal.

     

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            Si cet ensemble est ouvert sur le monde et si les échanges se font sans contrainte entre cette zone monétaire non optimale et le reste du monde, les entreprises dont le siège est installé dans l’un des pays membres de la zone n’ont le choix qu’entre deux solutions : ou elles délocalisent leur production dans les pays où les charges sociales et salariales sont les plus faibles, ou elles cherchent à acquérir par tous les moyens une position dominante au sein de la zone de façon à pouvoir devenir compétitives sur le reste du monde. 

            Pratiquée uniquement à l’échelle d’un pays membre de la zone, cette politique conduit les économies à diverger : quand les uns voient grossir le nombre des chômeurs assistés, les autres deviennent peu à peu créanciers de leurs partenaires. Mais comment expliquer à l’opinion publique que ceux qui travaillent plus doivent payer pour ceux qui travaillent moins ? Comment expliquer à ceux qui ont moins de besoins individuels et plus de besoins collectifs que leurs partenaires ne sont pas en train de les ruiner ? 

            Comment pousser les populations à renoncer à ce qu’elles considèrent comme des acquis sociaux uniquement parce que leurs voisins ne bénéficient pas des mêmes avantages ?

            Une monnaie unique au sein d’une zone où chacun reste maître de sa politique sociale impose soit une solidarité étroite entre tous les peuples, soit des réajustements permanents (« défaut » partiel de certaines économies à des périodes régulières… pour remplacer les réajustements monétaires désormais interdits). Si aucun de ces palliatifs n’est accepté, soit la monnaie unique, soit l’unité de la zone est menacée à moins que ce ne soit les deux !

            Dans une vision classique de la question, la comptabilité avait pour objet de retracer l’activité d’une entreprise pour en appréhender la valeur à un instant donné. En droit civil français, cette valeur était nécessaire pour connaître l’étendue du patrimoine de l’entreprise et conséquemment la garantie que les créanciers de l’entreprise auraient d’être remboursés au cas où des difficultés insurmontables surgiraient. Dans ces conditions, la comptabilité se devait d’être prudente et de déterminer la valeur minimale des biens, d’où la comptabilisation en valeur historique et les mécanismes d’amortissement et de provision.

            Par la suite, cette comptabilité a été utilisée pour déterminer la faculté contributive de chaque entreprise assujettie à l’impôt. Les Pouvoirs publics ont alors veillé à ce que les amortissements et les provisions ne soient pas calculées de façon trop importante, ni les stocks de façon trop faible, ce qui aurait risqué de faire disparaître la matière imposable. De même, ils ont poussé à quelques révisions de ces valeurs historiques. Mais, jusque là, il n’y avait pas d’incompatibilité entre ces deux objectifs puisqu’il s’agissait toujours de constater des évolutions passées et de déterminer, à des moments privilégiés de l’année, une valeur instantanée.

            Les créanciers des entreprises, quand ils examinaient le bilan de celles-ci, cherchaient donc à apprécier la garantie qu’ils avaient d’être remboursés. Cette garantie reposait sur la possibilité pour eux de récupérer les montants prêtés au cas où il faudrait liquider l’entreprise débitrice. Petit à petit, sous la pression d’une vision plus sociale qui conduit à vouloir toujours maintenir en activité les entreprises, on a demandé à la comptabilité, non plus de permettre d’évaluer la garantie qu’offrait l’entreprise en cas de liquidation, mais d’évaluer sa capacité à rembourser dans le futur. Dès lors, la comptabilité n’a plus eu comme seule mission de retracer le passé mais elle a été investie en plus – et pas simplement à la place – de la mission de prévoir l’évolution future. Les actifs n’ont plus été enregistrés uniquement à leur valeur d’origine, ils ont fait l’objet d’une comptabilisation en « valeur de marché » voire, en cas de dysfonctionnement des marchés, en « valeur de modèle ».

            Cette évolution comptable est allée de pair avec le développement du recours à la Bourse. Mais la Bourse a, elle aussi, changé de nature. Elle n’est plus simplement le lieu où les entreprises viennent chercher des capitaux pour financer leurs investissements, elle est surtout le lieu où les créanciers des entreprises viennent « revendre » les crédits qu’ils ont octroyés. Au début, il s’agissait simplement de permettre à tout créancier qui devait, pour une raison économique quelconque, recouvrer la liquidité de ses créances, de trouver un autre créancier de substitution. Il fallait donc organiser la « profondeur » de ces marchés de façon que tout créancier en mal de liquidités puisse, à tout moment, trouver en face de lui une contrepartie. Peu à peu, ce rôle de contrepartie est devenu primordial ; or, le but économique de cette contrepartie a toujours été de maximiser des plus-values en réalisant ces opérations. Les Pouvoirs publics ont favorisé ce système en allégeant la fiscalité sur les plus-values, en autorisant la multiplication de ces opérations financières (par la titrisation ou encore le mécanisme des offres publiques d’échange), en mettant à la disposition des marchés des liquidités toujours plus importantes à des taux de plus en plus faibles.

     

    Une monnaie dénaturée gérée par des banques dégénérées

     

            Au terme de cette évolution, on constate que les marchés financiers sont dominés par une toute petite poignée d’opérateurs qui, grâce à de puissants ordinateurs réagissant au milliardième de seconde, vendent sur une place les titres qu’ils achètent sur une autre. La Bourse n’est donc plus, principalement, l’endroit où les entreprises se refinancent, mais le lieu où la spéculation fait rage. Les cours instantanés de Bourse ne dépendent plus des prévisions à moyen terme de la situation des entreprises en particulier, ou de celle de l’économie en général, mais des rumeurs qui se développent puisqu’il s’agit de tirer profit de toutes les différences qui peuvent apparaître en tel ou tel point. 

     

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            Or, plus les mouvements sont nombreux et plus la valeur des titres apparaît comme volatile ; plus la valeur des titres est volatile, plus les allers et retours peuvent rapporter gros ; plus la valeur des titres fluctue, plus elle est sujette aux rumeurs. De mécanisme de financement des entreprises, la Bourse est ainsi devenue une caisse de résonance, un système qui amplifie toutes les fluctuations du système économique, tous les espoirs et toutes les inquiétudes.

            Aucune des dérives précédentes n’aurait pu se produire si la nature même de la monnaie n’avait pas changé au siècle dernier, sans qu’aucun économiste n’en tire les conséquences. Le 15 août 1971, le président Nixon a décidé de rompre le lien qui existait entre le dollar et l’or. Depuis, la monnaie n’a plus de valeur objective, indépendante. Toutes les monnaies du monde sont définies par rapport au dollar et le dollar l’est par rapport à lui-même. 

            Au moment où le président Nixon a pris sa décision – pour financer la guerre du Vietnam – la valeur du dollar était gagée sur la capacité de production des États-Unis, la première économie du monde. Force est de constater que la valeur du dollar est désormais gagée sur la capacité de consommation des Américains. 

            C’est que, petit à petit, les Américains ont créé des dollars pour continuer à vivre au-dessus de leurs moyens ; c’est la loi de la facilité. Le dollar « nouveau » avait permis de financer la guerre du Vietnam, il pouvait bien permettre de financer la consommation des citoyens. Tant que les créanciers acceptaient d’être payés en dollars, il n’y avait pas de problèmes… sauf que, d’un côté, les dettes s’accumulaient et, de l’autre, le stock des créances enflait lui aussi.

            Les Américains ne se sont pas contentés d’imposer leur monnaie au monde, ils ont aussi exporté leur mode de vie, surtout dans les pays développés. Et, dans un monde où, mondialisation oblige, les salaires n’augmentaient pas, on pouvait sans risquer l’inflation créer de la monnaie et distribuer des crédits à la consommation. 

            C’est ainsi que le crédit à la consommation s’est substitué au salaire pour soutenir la consommation… au risque de multiplier les cas de surendettement.

             Les banques dont les fonctions étaient de gérer la monnaie pour le compte des Pouvoirs publics, d’accorder des crédits à l’économie et, pour cela, de collecter et conserver des dépôts, ont été prises dans une spirale infernale. La masse des crédits distribués a eu tendance à augmenter plus vite que celle des dépôts collectés. Les risques qui en ont résulté ont rendu insuffisants les fonds propres mobilisés en garantie. Les Pouvoirs publics ont alors autorisé les banques à « sortir » de leur bilan certains crédits accordés, grâce au mécanisme de la titrisation. 

            Mais en cédant les créances, elles ont aussi cédé les risques et, en les agrégeant, elles ont rendu le système totalement opaque. La masse des crédits s’est envolée comme jamais auparavant, rendant la crise encore plus grave et difficile à surmonter. Cependant, comme l’a écrit E. Le Boucher dans Les Échos du 26 septembre 2011, « l’endettement [excessif] n’est pas la racine du mal, il est l’analgésique qui a permis d’éviter de regarder le mal en face ». Ce qu’il oublie d’ajouter, c’est qu’un analgésique est toujours une drogue et que l’on peut mourir d’une overdose.

     

    Pour une nouvelle théorie générale de la monnaie

     

            Il n’est pas utile d’aller plus loin. Il suffit de constater que les remèdes à la crise envisagés par les hommes politiques comme les expertises des économistes modernes ne reposent que sur les théories keynésiennes ou sur des analyses libérales. Mais Keynes, tout comme les libéraux, raisonnait en économie fermée et avec une monnaie dont la valeur était objectivement fixée par rapport à un étalon externe indépendant ; de plus, il ne s’intéressait qu’au court terme. Depuis que le président Nixon a rompu ce lien, aucune théorie générale n’a été entreprise. Aucune vérification des concepts sur lesquels on raisonne n’a été menée. D’autant plus que l’on applique indistinctement ces concepts dans des systèmes culturels différents : pour les uns, à la suite de F. Hayek, la monnaie n’est qu’une marchandise comme une autre, dont la valeur peut fluctuer et qui est distribuée par des établissements qui peuvent faire faillite tandis que, pour d’autres, la monnaie est un lien social géré par un système dont aucun élément ne doit défaillir. Pour les premiers, chaque agent économique étant le mieux à même de savoir ce qui est bon pour lui, doit être laissé libre d’agir à sa guise tandis que pour les seconds, les agents économiques n’ayant pas tous la même compétence ni la même puissance, il est indispensable de protéger les plus faibles. Selon que l’on accepte l’une ou l’autre de ces prémisses, les concepts économiques ne conduisent pas au même résultat. Hélas, malgré ces différences fondamentales, on cherche une soluti