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Les bons diagnostics et les mauvais remèdes des écologistes EELV, par Yves Morel.

Les écologistes font beaucoup parler d’eux en ce moment. Ils ont remporté un franc succès lors des dernières élections municipales et ont conquis de grandes villes, telles Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon, Poitiers, Tours, Annecy et Colombes, à la tête d’équipes municipales de gauche. EELV (Europe Écologie Les Verts) apparaît comme le seul parti propre à susciter l’intérêt et l’espoir de nos compatriotes, par ailleurs dégoûtés de la politique et n’attendant absolument plus rien des formations et des personnalités qui la représentent.

Tous les partis sont discrédités, sauf EELV. S’agit-il d’une simple embellie, qui s’évanouira bientôt, comme ce fut le cas au début des années 1990 ? On se souvient qu’après une forte poussée aux européennes, puis aux municipales, de 1989, les écologistes, avaient subi un net échec aux législatives de 1993, alors que tous les observateurs prévoyaient leur entrée en nombre à l’Assemblée nationale. Il serait donc hasardeux de faire un pronostic sur leur avenir.

Contrôler les rêves des enfants

En tout cas, ils ne se laissent pas oublier. Depuis en gros six mois, les nouveaux maires EELV ont sérieusement défrayé la chronique, en raison de décisions qui ont soulevé contestations et polémiques.

La dernière en date est celle de Léonore Moncond’huy, nouvelle jeune maire de Poitiers, qui vient de supprimer la subvention municipale à l’Aéroclub de sa ville. À vrai dire, les réactions qu’elle a suscitées ne découlent pas tant de son initiative elle-même que de la justification qu’elle en a donnée.

« C’est triste, mais l’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants aujourd’hui », a-t-elle déclaré, avant d’ajouter, un petit peu plus tard, en guise d’explication : « La question de l’urgence climatique implique de revoir l’ensemble de notre logiciel. Compte tenu du fait que cela ne menace pas la survie de l’association, nous considérons que l’argent public ne doit plus financer les sports fondés sur la consommation de ressources épuisables.»

Cette déclaration a valu à l’édile poitevine les critiques les plus acerbes de la classe politique, notamment de la droite et du centre (LR, LREM, UDI, RN), également de la France Insoumise, et du gouvernement, spécialement de MM. Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, Djebbari, ministre délégué aux Transports. En revanche, Léonore Montcond’huy a reçu le soutien affirmé de son parti, notamment de Julien Bayou, qui en est le secrétaire général. À la vérité, son propos mérite d’être médité, au-delà de toute polémique partisane.

Cette jeune édile a le mérite de nous rappeler le caractère urgent de la résolution (autant qu’elle soit possible, d’ailleurs) du problème environnemental, climatique en particulier. Nos compatriotes sont d’ailleurs conscients de cette urgence, et cela explique que nombre d’entre eux aient demandé des mesures écologiques fortes durant la grande consultation sur le sujet, lancée par Emmanuel Macron, puis permis à EELV de connaître un tel succès lors des dernières municipales.

Pour rugueux et contrariants qu’ils puissent paraître, la décision et les propos de Léonore Moncond’huy ont ceci de salutaire qu’ils nous suggèrent clairement, avec une franchise certes un peu brutale, que les solutions au grand problème environnemental actuel, dont le recherche ne peut plus être ajournée (à peine de rendre notre planète invivable), impliqueront nécessairement des mesures contraignantes qui restreindront nos libertés d’agir et de se mouvoir (individuellement et collectivement), et nous obligeront à réduire notre consommation effrénée, notre train de vie, nos loisirs et notre ambition permanente de vouloir nous exprimer physiquement et de nous « surpasser » par des pratiques sportives, mécaniques, aéronautiques et autres, coûteuses en énergie et en ressources naturelles, et donc factrices de pollution et de contribution au dérèglement du climat et des écosystèmes. Sa décision et surtout ses propos nous annoncent clairement des lendemains qui déchanteront et un nécessaire – et très douloureux – effort pour renoncer à notre société de consommation individualiste et hédoniste et repenser tout notre mode de vie, de développement, et donc, tout notre modèle économique et social. Et à cet effort, nous serons bien obligés de consentir. Léonore Moncond’huy et son parti instruisent le procès de notre modèle économique et social productiviste et mercantile, de la société de consommation et du libéralisme mondialiste incontrôlable, fondé sur l’individualisme et la quête obsessionnelle des plaisirs, artificiellement amplifiés ou créés par les géants de l’industrie et du commerce. Un procès hautement justifié par les désastres économiques, écologiques et sanitaires auxquels notre civilisation ultralibérale a donné lieu, en ayant fait de notre monde, désormais sans âme ni vie spirituelle quelconque, un immense marché dépourvu de valeurs autres que celles cotées en bourse, articulées au plus aliénant des consumérismes individualistes. Un procès nécessaire parce que si nous ne remettons pas en cause notre modèle de société et de civilisation, nous perdrons non seulement notre âme, mais également la vie__ à moins que celle-ci nous soit conservée, mais sur le mode infernal. Les hommes (et les femmes, soyons « inclusifs ») sont ainsi faits qu’ils s’accommodent fort bien de perdre leur âme, et qu’ils ignorent les avertissements et les critiques adressées à leur modèle de société aussi longtemps que leur survie même ne semble pas menacée à court terme, et qu’ils ne réagissent que lorsque la catastrophe annoncée a déjà commencé à se produire et qu’on ne peut plus se proposer de l’éviter, mais seulement d’en réduire l’ampleur. C’est ce qui se passe actuellement dans le domaine environnemental et climatique (et sanitaire).

Pour avoir opté en faveur d’une société planétaire purement matérialiste, hédoniste et mercantile, dominée, comme telle, par la loi du marché et de la Bourse, et avoir remis nos destins entre les mains des financiers, des industriels et des marchands, maîtres de nos corps, de nos âmes et de nos comportements conditionnés, nous vivons aujourd’hui en un monde marqué par la pauvreté, voire la misère de millions d’hommes, ainsi qu’une pandémie inédite et une catastrophe écologique sans précédent qui menacent directement nos vies et nous ont déjà imposé des mesures drastiques réductrices de liberté et factrices de marasme économique. Léonore Moncond’huy, par ses propos, ne fait que nous rappeler que ce n’est pas fini, et que, si nous voulons nous en sortir, nous devrons impérativement tourner le dos à cette civilisation individualiste et mercantile. Et il est impossible de lui donner tort sur ce point.

Un dévoiement idéologique et partisan

Cela étant admis, il est tout de même permis de se demander si les initiatives prises par elle et par les autres maires EELV sont judicieuses, et de s’interroger sur la nature du monde que nous voulons bâtir pour l’avenir.

Ces maires dévoient le nécessaire combat en faveur de la sauvegarde de l’environnement. Leurs décisions, autoritaires, sont aussi emblématiques de leur parti pris passionnel et partisan que dénuées d’intérêt pour la préservation de l’environnement. Leur parti pris idéologique et partisan apparaît d’ailleurs ouvertement, lorsque Pieere Hurmic, maire de Bordeaux, traite de « fachos » ses opposants, et que Julien Bayou, chef d’EELV, reproche à LREM une prétendue connivence avec le RN dans sa critique de Léonore Moncond’huy.

Il s’agit de savoir quel monde nous voulons bâtir ou sauver. En vérité, il s’agit de savoir de quel monde nous voulons. Le combat pour la préservation des espaces naturels, contre la pollution et contre le réchauffement climatique est un combat en faveur d’un monde où l’homme puisse vivre libre, dans des conditions environnementales supportables, conformément à ses inclinations propres, articulées à une organisation sociale et, pour tout dire, une civilisation, étayée sur un certain nombre de pratiques, elles-mêmes ordonnées à des croyances collectives génératrices de traditions, celles-ci structurant la vie de tous et de chacun. Autrement dit, il s’agit de lutter pour la préservation d’un monde à l’échelle humaine, et non pour l’émergence d’un meilleur des mondes aseptisé et déraciné. L’homme est fait pour vivre en harmonie (toujours approximative d’ailleurs) avec son environnement naturel. Et, corollairement, il est fait pour vivre en une communauté qui lui soit familière et tant soit peu agréable car irriguée de croyances, de rites, de traditions, d’habitudes de vie, de pensée et de comportements constitutifs d’une culture, cette dernière se présentant à la fois comme sa nourriture affective et spirituelle et la représentation symbolique des valeurs de sa civilisation. C’est ce que ne semblent pas comprendre EELV et les maires élus sous cette étiquette. Quand Pierre Hurmic prive les Bordelais de sapin de Noël, il met à mal une représentation et une ambiance traditionnelle de la fête de la Nativité, même s’il n’empêche pas ses concitoyens de célébrer Noël à leur manière, à l’église ou en famille. Quand Grégory Doucet impose le régime végétarien aux usagers des cantines scolaires lyonnaise, il ne fait pas que les priver de se réjouir en mangeant de la viande, il jette à terre un mode traditionnel de restauration et une composante de leur mode de vie, qui participe de la constitution de leur être, tant individuel que social. Ces maires, de par leurs initiatives, prises d’ailleurs sans concertation et au mépris du point de vue de leurs administrés (majoritairement hostiles à ces mesures), dévoient le combat écologique, et prennent prétexte de l’urgence environnementale pour nous imposer l’application de leur idéologie naturaliste ou végétarienne. Ils tentent de nous préparer à devenir des mutants lobotomisés, déculturés, austères, spartiates, frugaux, et végétariens. Ils font volontairement de mauvais choix. Des choix qui détruisent nos traditions et nous coupent donc de notre culture, de notre mémoire, des choix qui nous aliènent au sens propre du terme (c’est-à-dire qui nous rendent étrangers à nous-mêmes, violent et transforment notre être). Des choix qui n’ont aucune incidence réelle dans la lutte contre la sauvegarde des écosystèmes ou le réchauffement climatique. Il existe tout de même une différence entre, d’une part des mesures telles que la fin du chauffage au fuel, la réduction imposée de la circulation automobile, la lutte contre la pollution industrielle, et d’autre part, celles que MM. Hurmic et Doucet ont prises dans leurs cités. Les premières sont sans doute contraignantes et sources de sacrifices pénibles, mais elles sont nécessaires et peuvent être relativement efficaces si elles sont bien appliquées. Les secondes, en revanche, sont écologiquement inutiles et nous imposent un brave new world étranger à notre nature humaine et à nos aspirations profondes. La véritable écologie est une écologie de la culture et de la tradition, à l’échelle humaine, non l’édification d’un futur incolore, inodore, insipide, ascétique, déspiritualisé et rigoureusement réglementé. Partant, elle vise à préserver notre civilisation, non en créer une nouvelle, totalement artificielle. Les écologistes d’EELV exposent les vrais problèmes, mais leur apportent de mauvaises solutions ; ils formulent des diagnostics exacts, mais proposent (voire imposent) de mauvais remèdes, et cela par passion idéologique et partisane.

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Source : https://www.politiquemagazine.fr/

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