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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1433

  • Retour à THIBON : Le suprême risque et la suprême chance

    Repris de notre Grand Texte IV

     

    Ce qu'a été le rôle et la place de Gustave Thibon dans le monde catholique, l'univers intellectuel, la sphère politique, même, et la pensée philosophique de son temps et du nôtre, serait un vaste sujet où nous n'entrerons pas ici, mais qui mériterait d'être traité.

    Disons simplement que pendant une vingtaine d'années, Thibon a été en quelque façon l'âme et l'esprit des rassemblements royalistes de Provence (Montmajour et Les Baux dans les années 1970 - 1990 ). Il y manifestait son monarchisme enraciné tout autant que sa spiritualité propre, il y apportait réalisme, sagesse et altitude. Il y était attendu, aimé, apprécié et son éloquence rendait perceptible à tous ce que son discours pouvait exprimer de haute philosophie.  

    Voici le texte intégral du discours prononcé par Gustave Thibon lors du Rassemblement royaliste des Baux de Provence de 1986. On se souviendra que le monde soviétique ne s'était pas encore effondré. Mais Thibon pressentait cette évolution en marche qui conduisait inexorablement à la société éclatée qui est aujourd'hui la nôtre. Viendrait alors le temps des hommes de plein vent, et des hommes qui luttent contre le vent. Le temps du suprême risque et de la suprême chance. Celui où nous sommes.  LFAR

     

    187852193.jpgMesdames, Mesdemoiselles, Messieurs et pour la plupart - et même pour la totalité d'entre vous, mes chers amis - car nous sommes dans un climat tout à fait familial ici, je ne déplore qu'une seule chose : le temps ; ce qui me remémore les vers d'un poète argotique, qui fut célèbre à mon époque, qui s'appelait Jehan Rictus et qui, un jour de mauvais temps, un jour pluvieux comme le nôtre, écrivait : "Tout est tellement malpropre, obscur et délétère. C'est à croire que les éléments sont en régime parlementaire".

    Nous n'en sommes pas tellement loin. Nous assistons à une sorte de ressac, à un retour de l'idéologie démocratique, associé aux nuages.

    On nous a parlé, très éloquemment, de façon très vivante, de l'impasse de la politique actuelle. La critique est d'ailleurs extrêmement facile, étant donné la nature des événements et leur succession. La démocratie a fait ses preuves négatives, et bien au-delà de ce qu'en pouvaient rêver ses pires adversaires, non pas tellement par la faute des hommes de ce nouveau gouvernement qui ne fait pas mieux que le précédent - il y a pourtant quelques personnalités qui me paressent valables - mais la faute principale retombe sur l'institution, sur le système. Sur le système reposant sur la loi du nombre et sur les fluctuations d'une opinion outrageusement manipulée. C'est 'extrêmement amusant. d'ailleurs, quand nous voyons la cohabitation dont on nous a parlé plusieurs fois aujourd'hui : vous savez que Maurras appelait la République "la femme sans tête". Hé bien, maintenant, c'est beaucoup mieux, c'est la femme à deux têtes. 

    Donc, nous avions un monstre acéphale autrefois, maintenant nous avons un monstre bicéphale. L'un ne vaut pas mieux que l'autre et le second est sûrement pire que le premier attendu que les deux têtes ne sont pas d'accord. Deux têtes qui se font des croc-en-jambe, cela ne va absolument pas.

    D'autant plus qu'à supposer qu'on prenne d'heureuses réformes, et l'on a prouvé qu'on en fait fort peu, à supposer donc qu'on en fasse, étant donné le système et les fluctuations de l'opinion, que fait-on aujourd'hui? On défait ce qui a été fait hier et on défera demain ce qui a été fait aujourd'hui. Cela ne peut durer indéfiniment;

    Un changement de politique est nécessaire, grâce à un retour à la monarchie. Pierre Pujo nous l'a bien redit : unité de direction, arbitrage indépendant, continuité et adaptation souveraine aux changements. Il suffit de relire Charles Maurras pour être persuadé de cela. Mais Pierre Chauvet m'a prié de parler d'autre chose. 

    Je voudrais insister, aujour­d'hui, sur un point essentiel : la Grande Politique embrasse la totalité de l'homme et l'histoire n'a jamais cessé de prouver que la grande politique ne va pas sans un fondement religieux, sans une référence au sacré. Mon compatriote le Cardinal de Bernis, - il est né dans le même village que moi - écrit quelque part dans un ouvrage "De la religion vengée", qui n'est pas un ouvrage de première valeur, un vers qui reste très actuel : "Où Dieu n'a plus d'autels, les rois n'ont plus de trônes". Jeanne d'Arc représente, entre autres, l'exemple suprême de l'engagement politique qui se situe aux confluents de l'humanité et du divin, de la cité des hommes et de la cité de Dieu : Le sacré dans la politique. Péguy faisait dire à Jeanne d'Arc, quand elle veut restaurer la France, lui rendre son unité, lui rendre la vie, parlant de la Maison de France :

    "La maison souveraine, ainsi qu'aux temps jadis,

    De Monsieur Charlemagne et de Monsieur Saint-Louis

    Quand le Comte Roland mourait face à l'Espagne

    Et face aux Sarrasins qui l'avaient ébloui

    Quand le Comte Roland mourait pour Charlemagne".       

    Voyez cette familiarité, cette convivialité entre le Prince et ses sujets : "Quand le Comte Roland mourait pour Charlemagne !"

    Qui a envie de mourir pour Monsieur Mitterrand ou pour Monsieur Chirac ? Qu'est devenu ce caractère sacré dans le monde moderne ? Je crois que le retour à la Monarchie ne doit pas être conçu comme un talisman, comme une recette magique qui supprimerait tous les problèmes, mais comme un sceau, comme l'incarnation d'un retour à l'ordre éternel : Pas de salut hors de l'esprit.

    Je vous citais le Cardinal de Bernis mais je peux vous citer aussi un incroyant, un autre de mes compatriotes, Rivarol, qui a été dégrisé de certaines idées rationalistes par le spectacle de la révolution française. Rivarol, voltairien, impie, est obligé d'avouer que "les nations sont des navires mystérieux qui ont leurs ancres dans le ciel". C'est cela le problème qui se pose dans la carence actuelle de la religion, dans l'effacement graduel de Dieu sur tous les horizons de la vie terrestre car nous vivons une mutation, jusqu'ici inconnue dans l'histoire, qui est celle qui a procédé de la révolution scientifique et technique laquelle a changé la face du monde. En quelques décennies, dans ce siècle, cela est allé s'accélérant prodigieusement : il s'agit d'un accroissement démesuré des pouvoirs de l'homme sur la nature et sur lui-même. 

    Quand je pense à mon enfance. à ce que pouvait être un village provençal avant la guerre de 1914 où nous vivions dans une communauté, presque comme des paysans grecs d'il y a 2000 ans ! Nous allions chercher l'eau dans un puits qui était à trente mètres, il n'y avait pas de sanitaire, pas de chauffage central. On vivait presque en autarcie. On donnait du blé au boulanger et le boulanger nous donnait du pain en échange et ainsi de suite. Les moyens de communication étaient le cheval et la charrette, on n'allait pas très loin. Les moyens d'information se réduisaient à l'achat du journal, le dimanche, et encore on n'en était pas sûr. Voyez les modifications de maintenant, tout a été bouleversé, changé. Je ne dis pas que tout a changé négativement, mais je dis que cela appelle des réformes profondes à l'intérieur de l'homme. Le mal du siècle, c'est le déséquilibre entre le progrès matériel qui est immense et le progrès moral qui est nul, ce qui pose le problème religieux : c'est la crise religieuse. Car, enfin, si nous regardons autour de nous et en nous-mêmes, au fond, nous avons de moins en moins besoin de Dieu, besoin de prier dans l'ordre matériel. Nos aïeux étaient cernés par les difficultés de la vie, par les rigueurs d'une nature dont on ignorait en grande partie les mécanismes, les hommes s'adressaient aux dieux, s'ils étaient païens ou à Dieu, s'ils étaient chrétiens, dans toutes les circonstances de la vie : famines, maladies, sécheresse... Je me rappelle dans mon enfance avoir entendu des prières pour qu'il pleuve.

    L'homme de plus en plus attend tout de l'homme et attend de moins en moins de Dieu. Et la crainte de Dieu qui, paraît-il, était le commencement de la sagesse, est en train de s'évaporer car nous vivons dans une société de plus en plus sécurisée devant tout sauf devant la mort. La mort qu'on escamote de plus en plus car c'est un des signes de notre siècle que cette disparition de l'idée de la mort dont on ne parle pas. Il m'arrive très souvent d'évoquer ma fin prochaine - ce qui à l'âge que j'ai, me paraît très normal. Même si je vis encore quelques années, elle n'est pas lointaine. Mais quand je parle de cela, on se demande si je ne suis pas un peu neurasthénique, si ce ne sont pas des idées noires ! Ce sont des idées très claires au contraire, c'est même la seule chose claire dont on soit certain. Mais cela paraît presque impudique ou tout au moins un signe de dépression marquée. Quelquefois, cependant, la crainte revient dans les pires circonstances : je connais un personnage qui m'a dit : "Quand j'ai la trouille, je redeviens catholique". J'avoue que cela me paraît un genre de conversion peu souhaitable ! Bossuet le disait déjà en parlant de certains incroyants qui, attachés au monde, se rattachent à Dieu quand le monde leur manque : "ô pénitences impénitentes ! ô pénitences toutes criminelles et toutes infestées de l'amour du monde !" Quand Dieu reste le dernier recours, on y va. Cela ne va pas très loin mais me fait penser au mot de Talleyrand, Talleyrand, évêque apostat. Comme il était près de la mort, sa nièce essaya de lui parler humblement de Dieu, car on ne savait pas trop ce qu'il pensait. Il lui répondit : "Soyez tranquille, ma nièce, j'ai toujours été du côté du plus fort".

    Si on prend Dieu uniquement comme puissant, cette adoration me paraît extrêmement impure. 

    Et cela me fait souvenir de la prophétie de Mistral, puisque nous sommes aux Baux. Parlant de l'humanité future, il y a 120 ans, il écrivait : 

    "Canton l'umanita futuro 

    Que mestresejo la naturo, 

    E davans l'ome soubeiran 

    Dieu a siau pas se retiran... 

    Je traduis deux vers avant :         

    "Ils chantent les peuples sevrés

    Que l'on entend hurler au loin, 

    Ils chantent l'humanité future 

    Qui maîtrise à son gré le monde naturel 

    Et, devant l'homme souverain, 

    Dieu pas à pas se retirant."  

    Il se passe - je le dis sans faire d'hérésie mais psychologiquement c'est ainsi - comme si Dieu avait délégué une partie de son pouvoir aux hommes, une partie de sa toute puissance. Seulement, ce qu'il n'a pas délégué, c'est sa pureté, sa perfection, son amour. En apparence, nous sommes puissants mais dans l'ordre de la perfection, dans l'ordre de la pureté, dans l'ordre de l'amour, nous sommes aussi impotents que nos aïeux car l'époque des guerres apocalyptiques, des camps de concentration, des révolutions qui aggravent les maux qu'elles prétendent guérir, tout cela montre qu'en fait de misère et d'horreurs, nous sommes très près des pires périodes de l'histoire. Et dans l'ordre moral précisément et spirituel, le recours à Dieu est plus nécessaire que jamais, ne serait-ce que pour ne pas être les victimes de nos propres conquêtes. On en revient au mot célèbre de Rabelais qui prend une extraordinaire actualité : "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme.'' La science s'est développée niais non pas la conscience, d'où le déséquilibre. Et l'on arrive à ceci : un retour à l'esprit ou la mort. "Changez d'âme, dit l'Évangéliste, changez d'esprit ou vous mourrez". Il s'agit d'élargir la conscience à la mesure des pouvoirs de l'homme.                       

    Je dois conclure. Je n'ai jamais caché mon angoisse devant la crise du monde actuel, devant tout ce qui nous menace. Mais angoisse ne veut pas dire désespoir. C'est dans le suprême risque que naît, que s'affermit la suprême espérance. 

    Simone Veil, que j'ai eu l'honneur d'abriter et de connaître pendant la guerre, a un mot magnifique à ce sujet "Que pourrais-je souhaiter de meilleur que de vivre à une époque où l'on a tout perdu !" Certainement, on n'a pas tout perdu dans notre époque mais nous sommes vraiment menacés de tout perdre. Et, c'est dans une pareille époque que l'on peut tout retrouver, à condition de dominer son siècle de toute la hauteur de l'éternité, de toute la hauteur de l'esprit ; ce qui me rappelle un proverbe hindou "Le parfum des fleurs va avec le vent, le parfum de la vertu va contre le vent". Maintenant, nous sommes bien obligés d'aller contre le vent ; et jamais, je crois, dans l'histoire, le choix entre l'erreur et la vérité, entre la vie et la mort ne s'est posé d'une manière aussi abrupte, aussi absolue. Et, en disant cela, je pense aux jeunes en particulier. Ces valeurs humaines et divines, autrefois étaient impliquées dans l'éducation de tous les jours, dans la famille. Elles s'imposaient par la pression sociale, par les mœurs. Ces valeurs ne s'imposent plus de la même manière, aujourd'hui. Il appartient aux jeunes de les retrouver, maintenant, librement, de les reconstruire contre les influx de la mode, de l'opinion ambiante, contre tout le courant du siècle. Nous n'avons plus de cocon protecteur. Les jeunes sont confrontés à des opinions, à des mœurs très différentes de celles de la famille, du milieu naturel, même ceux qui sont élevés dans les meilleurs milieux. Ils devront choisir, s'opposer, recréer les valeurs. Il y faudra beaucoup de courage. Il y a une devise d'une famille française - je crois qu'il s'agit des Clermont-Tonnerre "Si omnes, ego non" - "Si tous, moi pas". C'est une très belle devise. Savoir dire non à la foule, c'est le premier et c'est le suprême degré de la sagesse.  

    Il s'agit de réagir, à la fois, contre le goulag violent de l'Orient et le goulag insidieux de l'Occident. Il n'y a plus tellement de cocons, il n'y a plus tellement de nids. Nous avons besoin, je le répète, d'hommes de plein vent et d'hommes qui luttent contre le vent. Ce sera là ma conclusion. Ce qui est capital et qui va tout à fait avec notre foi monarchique, c'est de veiller sur son âme. Les biens invisibles, les biens intérieurs, ne l'oublions pas, se perdent de façon indolore ; c'est pourquoi, il faut veiller sur eux. Perdre de l'argent, perdre la santé touche notre conscience, mais nous pouvons perdre certains biens de notre âme, une certaine qualité de l'esprit, une certaine profondeur, une certaine qualité de l'amour, sans nous en apercevoir, et même dans une certaine euphorie tant qu'on a de l'argent, un minimum de santé et que les choses vont à peu près bien. Simone Veil allait même jusqu'à écrire que "l'enfer, c'est de se croire au Paradis par erreur". Mais le Paradis n'existe pas sur terre puisqu'il est au ciel.

    Demain, tout peut arriver, le meilleur comme le pire. Nous pouvons être des robots téléguidés ou des hommes plus libres que jamais qui arriveront à affirmer leur liberté personnellement ou par petits groupes vivants et, par là, la suprême crainte, le suprême danger coïncident avec la suprême chance que nous devons courir à travers le suprême risque. 

    Voir aussi ...

    GRANDS TEXTES IV : Le suprême risque et la suprême chance, de Gustave THIBON

    Gustave Thibon — Wikipédia

     

  • Politique magazine, numéro de juin : « De mieux en mieux »

     

    Découvrez le numéro de juin ! 

    Alors que la France s’embrase socialement ...

    Politique magazine dresse un état des lieux de la politique française. La situation se dégrade de façon dramatique malgré les inlassables « ça va mieux » de Hollande. Une question : jusqu’où le pays peut-il descendre ?

    Dossier  

    Vingt après l’assassinat des moines de Tibhirine et 100 ans après la disparition de Charles de Foucauld se pose la question de leur héritage.  Un héritage qui n’est pas sans soulever des questions qui résonnent avec force dans l’actualité qui est la nôtre.

    Et aussi dans ce numéro…  54 pages d’actualité et de culture !

    Sommaire

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  • Eric Zemmour : « Le prénom, c’est la France ! »

     

    Éric Zemmour revient sur la proposition d’Oz ta droite d’imposer la francisation des prénoms… Et répond à Nicolas Domenach. Un remarquable billet. LFAR  •

     

    3'45''

  • Que s’est-il passé à Béziers ?

     

    par Dominique Bonnétable

     

    Le rendez-vous que Robert Ménard avait proposé ne manquait pas d’intérêt : débattre en toute liberté des sujets qui réunissent ou divisent la droite nationale française, contribuer à réduire les hostilités, permettre l’établissement d’un consensus de nature à remettre en cause le « Front républicain » et donc la domination idéologique de la Gauche. Faire contrepoids, enfin, à la tendance jugée trop socialisante, sur le plan sociétal et sur le plan économique, de Florian Philippot. Le maire de Béziers avait bien fait les choses : les bâtiments publics avaient été préparés pour accueillir les participants, dans une ville dont la propreté et la bonne tenue témoignaient de l’efficacité de son nouvel édile. Malheureusement les personnes que Ménard avait choisies pour animer cette réunion et réaliser cette mission n’étaient pas toutes nécessairement les mieux placées pour cela, et cette situation s’est révélée dès les premières minutes de parole. L’ouverture des débats avait été confiée à Yves de Kerdrel, rédacteur en chef de « Valeurs actuelles », et à Denis Tillinac, écrivain réputé. Or, le premier, qui ne fait pas mystère de son désir de voir Sarkozy revenir aux affaires, ou à défaut Fillon ou Juppé, a considéré que son ennemi désigné était le Front National, déclarant en liminaire qu’il existait une « extrême-extrême droite sectaire » qui défendait le dirigisme et combattait les lois du marché. Quant à Denis Tillinac, au cours d’un exposé destiné à définir la « Droite », au cours duquel il a répété avec talent que la Droite, ce sont « des sentiments, des valeurs et des images », laissant ainsi les idées à la Gauche, il a soutenu que le Front National était depuis l’origine un soutien du parti socialiste. On aurait pu penser que les résultats des dernières élections régionales dissuaderaient quiconque de répéter ce type de slogan absurde, mais le mépris du réel est enraciné chez certains. Quoiqu’il en soit, après cela, il était évident que les seules personnalités politiques présentes, à savoir Marion Maréchal Le Pen et Louis Alliot allaient se trouver de trop et quitter les lieux. M. Ménard lui-même répéta pour faire bon poids qu’il n’était pas là pour « servir de marchepied au Front National ». Les choses avaient donc mal commencé. Le lendemain, les débats furent inégaux et marqués, comme il en est toujours, par les oppositions personnelles et partisanes : ainsi Mme de La Rochère refusa de se trouver en présence de Mme Bourges à la même table ronde sur la famille. A noter tout de même, et au grand dam de M. de Kerdrel, une étonnante et complète unanimité contre l’Union Européenne, tant parmi les intervenants que parmi les participants, au premier rang desquels Hervé Juvin, qui donna un échantillon de sa rigueur et de son audace. Malheureusement, la teneur des tables rondes ne permit pas de déboucher sur des propositions solides : les 51 articles de la motion finale, malgré leur bon esprit, sont quelquefois redondants et même démagogiques, et surtout laissent de côté l’économie, l’Europe et notamment l’euro, la politique étrangère et les questions idéologiques, pourtant essentielles. On n’a pas abordé l’idéologie de la non-discrimination, ni l’idéologie mortifère des droits de l’homme. En bref, seules les questions secondaires faisaient l’objet d’une proposition. Evidemment, les mandants de M. de Kerdrel, actionnaires de sa revue, n’auraient pas aimé qu’il en fût autrement. Or, pour faire de la force en faveur du clan national, on ne peut pas faire l’impasse sur la remise en cause de la démocratie idéologique.

    En conclusion, et malgré les tentatives timides de Robert Ménard pour atténuer l’effet de ses propos, la réunion se solde par un demi-échec pour leurs organisateurs : ils ne pourront se fonder sur ses résultats pour passer à l’action, et les relations entre FN et Ménard seront compromises quelque temps. Quant à Kerdrel, il ne pourra réaliser son but inavoué, à savoir arracher suffisamment de voix au Front National pour mettre en selle son candidat libéral et atlantiste. Il reste le plaisir d’avoir pu rencontrer des personnalités marquantes, d’avoir resserré les liens avec nos amis de près ou de loin, d’avoir échangé des propos roboratifs et d’avoir pu apprécier la qualité de la gestion municipale de Béziers. Ce n’est pas tout à fait rien.

  • Le Dalaï Lama serait-il mieux inspiré que le pape de Rome ?

    Le Dalaï Lama à Aldershot au Royaume-Uni le 29 juin 2015 afp.com/BEN STANSALL

     

    Frankfurter-Allgemeine-Zeitung.jpgBerlin - Le Dalaï Lama a estimé qu'il y avait à présent trop de réfugiés en Europe après la vague d'arrivées l'an dernier et que ces migrants cherchant protection ne devaient rester que provisoirement sur place, dans une interview publiée mardi en Allemagne.

    « Quand nous regardons le visage de chaque réfugié, surtout ceux des enfants et des femmes, nous ressentons leur souffrance et un être humain qui a de meilleures conditions de vie a la responsabilité de les aider. Mais d'un autre côté, il y en a trop à présent » en Europe, a déclaré le chef spirituel des Tibétains au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung

    « L'Europe, l'Allemagne en particulier, ne peut devenir un pays arabe, l'Allemagne est l'Allemagne », a-t-il ajouté, en référence au fait qu'une majorité des migrants vient de pays arabes comme la Syrie ou l'Irak.  

    « Il y en a tant que cela devient difficile sur le plan pratique. Et sur le plan moral, je trouve aussi que ces réfugiés ne devraient être accueillis que provisoirement. L'objectif devrait être qu'ils retournent (dans leur pays) et aident à reconstruire leur pays », a estimé le Dalaï Lama, qui vit lui-même en exil en Inde depuis plus de 50 ans.  

    Il a à ce sujet de nouveau exprimé l'espoir de revenir de son vivant au Tibet, en Chine, « peut-être dans quelques années »

    « Si les conditions de mon retour sont réunies, ou à tout le moins d'une courte visite, cela serait pour moi une joie », a-t-il dit. 

     

  • Poutine : nos dirigeants feignent de le considérer comme infréquentable, tout en le sachant incontournable

     

    logo lfar.jpgUn commentaire reçu de Jean-François Ravel d'Estienne [30.05], avec lequel nous sommes en parfait accord.

     

    Poutine a incontestablement le talent qu'on désespère de voir actuellement chez les dirigeants occidentaux. Il n'est pas un saint, et ne prétend d'ailleurs pas l'être, mais il fait pour la Russie ce que les peuples de l'UE aimeraient que leurs dirigeant fassent pour eux, alors que c'est très loin d'être le cas. Il a une vision stratégique, ses tactiques sont réfléchies; quand il ne gagne pas sur un sujet, il recule sans se désunir, il contourne assez bien, et possède un faire-savoir au moins aussi bon que les meilleurs communicants de ses interlocuteurs. C'est incontestablement un homme à prendre très au sérieux, et l'erreur de nos media est précisément de se fourvoyer en préférant le moquer ou le critiquer, ce qui est une attitude de faible, que Poutine sait parfaitement décrypter.

    Quant à nos dirigeants, ils feignent de le considérer comme infréquentable, tout en le sachant incontournable. C'est inefficient et irresponsable. Les dernière déclarations allemandes favorables à une levée progressive des sanctions européennes semblent montrer un début de réalisme, il ne reste qu'à espérer une confirmation dans les faits. 

    Lire aussi

    Éric Zemmour : Poutine, notre mauvaise conscience [Lafautearousseau 30.05]

  • Aujourd'hui, à Dreux, témoignage du duc de Vendôme sur les Chrétiens d’Orient

    Photo DR

    Suite à son récent voyage en Syrie, le Duc de Vendôme donne ce mardi 31 mai 2016 une conférence consacré aux chrétiens d’Orient en l’église Saint-Michel de Dreux. Le Prince Jean de France fera un compte-rendu de son voyage avec un reportage photographique à l’appui, des pistes de réflexion seront évoquées avec le soutien de SOS chrétiens d’Orient. 

    A l’issue du témoignage du Prince, les participants  pourront participer à une veillée de prière pour les chrétiens persécutés. 

    Source : Noblesse et Royautés

  • Au-delà de Verdun, quelle France ?

     De Gaulle et Adenauer sortant de la cathédrale de Reims le 8 juillet 1962. © AFP

    par Jean-Philippe Chauvin 

     

    arton8470-7b8cd.jpgLa bataille de Verdun apparaît désormais aussi lointaine que le Moyen âge aux yeux de nos contemporains, en particulier des plus jeunes : le siècle qui nous en sépare n'a pas été avare du sang des hommes et l'histoire a ici un goût de cendres et de sang, et Verdun rime trop avec Pétain pour que la mémoire n'en paraisse, du coup et injustement, ambiguë. Et pourtant ! Oublier Verdun, n'est-ce pas renier une part de notre histoire, aussi douloureuse soit-elle, et nous abandonner aux vents distraits de l'amnésie qui, en définitive, n'est jamais rien d'autre qu'une peur devant ce qui pourrait encore arriver de terrible ? L'amnésie est reposante, au moins un temps : elle est périlleuse, si elle se veut refoulement et non refondation. 

    Jadis, nous fêtions une victoire et les Allemands commémoraient une bataille : aujourd'hui, la France et l'Allemagne en ont fait une occasion « européenne », comme pour mieux se prémunir d'une contemporanéité qui bouscule les mythes d'hier et les élites bien-pensantes, d'où cette condamnation désespérée et unanime chez les officiels des « populismes » qui pousseraient au repli sur soi et, évidemment, à la guerre... Pourtant, à bien écouter le gouvernement républicain et son président, j'avais cru entendre et comprendre que, déjà, nous étions en guerre sans même que les nationalistes des différents pays d'Europe puissent en être tenus, quels que soient leurs défauts, pour responsables : les islamistes jettent leur haine en rafales sur les terrasses et dans les autres lieux publics, sans aucune hésitation ni remords, et la République se met en état d'urgence faute d'être, simplement, un État digne de ce nom et des attentes que les peuples, légitimement, doivent pouvoir placer en lui pour leur assurer protection et secours. 

    Plutôt que la triste mascarade de ce couple Hollande-Merkel, improbable et définitivement déséquilibré au bénéfice de notre voisine germanique, je préfère repenser à l'accolade De Gaulle-Adenauer et à ce traité de l’Élysée du début 1963, fameux traité franco-allemand sciemment saboté par le sinistre Jean Monnet, cet atlantiste qui se faisait passer pour « européen » quand il n'était que « l'homme des Américains » selon l'amère formule gaullienne. En fait, c'est à cette date que tout (ou presque) s'est joué : à l'idée d'une entente concrète et fondatrice entre deux nations souveraines, s'est substituée ensuite l'idéologie d'une Europe fédérale et supranationale, négatrice à la fois de l'histoire et de l'avenir possible d'une indépendance des pays d'Europe à l'égard des grandes puissances, qu'elles soient politiques ou économiques, empires ou multinationales... 

    On peut regretter cette occasion manquée de 1963, mais on peut aussi penser, désormais, à de nouvelles alliances et, simplement, à la possibilité d'un avenir français libre de ses choix et de son destin, en amitié possible et vraie avec ses voisins et en accord avec son histoire propre : pour cela, encore faudrait-il un État et, plus encore, une magistrature suprême de celui-ci qui incarne la France et non une partie électorale de celui-ci, cette dernière fût-elle majoritaire au terme d'un second tour d'élection présidentielle. 

    Là encore, la Monarchie n'est pas une « revanche » mais une chance et elle ouvre le champ des possibles, à l'intérieur comme pour l'extérieur, car, si elle a de la mémoire, elle n'en fait pas une politique, mais elle est « la France », celle qui n'a pas besoin de parader pour être et durer, par delà les générations et au-delà des ressentiments anciens, et qui peut, sereinement, tendre la main au-delà des tranchées et des barricades de l'histoire à ceux qui veulent bien la prendre... 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Derrière l'antiracisme de Cantona, le racisme anti-Français

     

    Un point de vue d'Aymeric Patricot          

    « Deschamps a un nom très français. Peut-être qu'il est le seul en France à avoir un nom vraiment français. » a déclaré Eric Cantona à propos du sélectionneur de l'équipe de France de football. Aymeric Patricot analyse l'inconscient anti-blanc et anti-Français contenu dans de telles affirmations. Une tribune dans Figarovox [30.05], une réflexion, une argumentation,  avec lesquelles l'on est d'emblée en empathie.  LFAR  

     

    IMG_2223.jpgDans le genre très en vogue des accusations croisées de racisme, l'affaire qui oppose aujourd'hui Eric Cantona et Didier Deschamps est un cas d'école. Non seulement on y voit un accusateur progressivement placé en position d'accusé à mesure que ses propos, faciles et bas, sont placés sous les projecteurs, mais on y découvre aussi combien certaines formes d'antiracisme relèvent d'un racisme certes apparemment inoffensif, puisque sanctifié par la doxa, mais néanmoins virulent.

    Je ne m'étendrai pas sur les compétences effectives de Benzema et de Ben Arfa, que je suis incapable d'évaluer. Qu'ils aient été écartés de la sélection nationale sur des critères ethniques, comme le suggère Cantona, semble en tout cas improbable, du moins si l'on en juge par le passé de Deschamps lui-même. De toute façon, là ne me paraît pas constituer la dimension la plus brûlante de l'affaire.

    Non, ce qui me sidère est qu'Eric Cantona, après avoir lancé ses accusations de manière irresponsable - on sait comme l'étiquette de racisme est infâmante - puisse se permettre, pour appuyer ses allégations, de dauber sur les origines de Deschamps lui-même. On assiste alors à un discours effrayant de bêtise et de mépris de la part d'un homme qui se présente pourtant comme un antiraciste convaincu.

    Qu'on en juge: «Deschamps a un nom très français. Peut-être qu'il est le seul en France à avoir un nom vraiment français. Personne dans sa famille n'est mélangé avec quelqu'un, vous savez. Comme les Mormons en Amérique.»

    Tout d'abord, ce que monsieur Cantona sous-entend, plutôt que «français», c'est «franco-français» puisqu'il utilise plus loin dans sa déclaration le mot français pour désigner Ben Arfa. Sans la rendre tout à fait explicite, Eric Cantona établit donc une distinction, parmi les Français, entre ceux qui ont au moins une origine extra-européenne et ceux qui n'en ont pas, avalisant une notion, celle de Français de souche, qu'il serait sans doute le premier à dénoncer dans la bouche d'un autre.

    Ensuite, on sent tout ce que les origines franco-françaises sont méprisables à ses yeux. La remarque sur le fait que Deschamps soit le seul à détenir un nom français est d'une ironie outrée, presque absurde, mais sous-entend bel et bien l'idée que Deschamps serait le dernier d'une race vouée à disparaître et qu'il y a quelque chose d'honteux dans cette position. Il est également permis de se demander si cette saillie n'est pas inspirée à Cantona par un jeu de mot implicite sur ces «champs» dont serait issu Deschamps, c'est-à-dire ces campagnes symbolisant, dans l'imaginaire collectif, la source fantasmée du peuple français blanc.

    La réflexion, enfin et surtout, sur le fait que la famille du sélectionneur français ne se soit jamais mélangée. Ce serait donc une tare, aux yeux de Cantona, que de ne pas avoir eu la chance, un jour ou un autre, de croiser la route sexuelle et procréatrice d'un membre d'une autre communauté. Pour le dire autrement, selon Cantona, il existerait une hiérarchie entre les métisses et les «races non mêlées». A ce propos, il ne s'agit pas bien sûr de critiquer la notion de métissage. Simplement, jeter l'opprobre sur ceux qui ne seraient pas encore assez métissés me paraît à la fois imbécile et dangereux. Se permet-on d'ironiser sur le fait que d'autres que les Blancs, eux non plus, ne se métissent pas forcément?

    On devine que l'insulte «consanguin» a dû venir aux lèvres de Cantona, celle-là même qui avait fleuri sur certaines banderoles dans un stade de football à propos des Chtis. La consanguinité est récemment devenue l'un des clichés courant sur les Blancs. Certes, Cantona préfère faire référence aux Mormons «qui se reproduisent entre eux», mais cette curieuse comparaison ne cherche pas moins à dénoncer le caractère sectaire et dégénéré de la famille Deschamps, ainsi que son ancrage dans un christianisme perçu comme mortifère.

    Passons sur l'absurdité de telles attaques puisque «Eric Cantona» ne sonne pas moins français, en tout cas pas moins européen, que «Didier Deschamps». En fait, du haut du couple qu'il forme avec Rachida Brakni, Eric Cantona s'estime sans doute en position de pouvoir distribuer les bons points de diversité raciale, se réservant le droit d'insulter ceux qui, malgré eux, ne disposent pas dans leurs veines de suffisamment de sangs mêlés. C'est, par une inversion courante des critères raciaux du fascisme, la race métisse élevée au rang des races maîtresses. C'est aussi, tout simplement, et avec l'effarante bonne conscience de celui qui se croit incarner l'homme de demain, un excellent témoignage de ce que peut être, précisément, la haine raciale.

    Espérons donc que Didier Deschamps maintiendra sa plainte et que le procès, s'il se tient, ne se contentera pas de juger l'éventuelle calomnie mais se prononcera bien sur le deuxième aspect de l'affaire, moins commenté mais plus grave à mes yeux: le racisme caractérisé de celui qui se fait une profession de dénoncer les racistes. D'autant que les prétendues justifications de Cantona, deux jours plus tard, n'ont fait que révéler un peu plus la laideur de sa pensée - s'il en y a une. 

    Aymeric Patricot           

    Professeur et écrivain, Aymeric Patricot a récemment publié «Les petits Blancs» (Point seuil) et «Les vies enchantées - enquête sur le bonheur» (Plein jour).

    A lire aussi ...

    Lettre ouverte à Eric Cantona [François Davin - Lafautearousseau - 28.05]

  • France Inter aux mains d'une bande où l'extrême vulgarité a sa place

     

    Selon Michel Onfray - il a évidemment raison -, France Inter, service public, a été privatisé par une bande. Une ou plusieurs bandes. Et, en tout cas, le matin, à l'heure de la plus grande écoute, par celle de Patrick Cohen, président ridiculement adulé d'une sorte de cour admirative mêlant grands prêtres de la politique (française ou internationale), humoristes aux propos surtout vulgaires, ponctués par les rires niais des présents au studio [Léa Salamé, Thomas Legrand ...], enfin des invités pressés de se soumettre au formatage idéologique de la bande. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de moments intéressants dans cette matinale très orientée. Mais qu'elle est sous-tendue par une idéologie gaucharde et déconstructiviste, dispensée par des journalistes qui sont d'abord des militants. Et ont en effet privatisé la chaîne.

    En d'autres temps, le billet de Charline Vanhoenacker que l'on pourra suivre ci-dessous, aurait déclenché une levée de boucliers ... Basses vulgarités sur Jeanne d'Arc (Oh ! Non ..et gloussements de Patrick Cohen, hirsute et barbu); à propos de Charles Beigbeder, allusion aux jeunes entrepreneurs des années 40 - inévitables - et pour finir, évocation de Frédéric Beigbéder, le frère de Charles, et donc perspective pour la « jeunesse française » d'« un sacré plaidoyer pour la drogue ». La drogue, sa dépénalisation, obsession constante des journalistes de cette matinale ... On nous dira que tout cela n'a pas d'importance. Qu'il suffit de ne pas écouter. Nous ne sommes pas d'accord.

    Ce « billet » de Charline Vanhoenacker aurait suffi au début du siècle dernier - au temps de l'affaire Thalamas, par exemple - à déclencher une riposte de nombreux Français attachés aux symboles nationaux. Et décidés à faire taire leurs insulteurs. Qui s'en chargera aujourd'hui, politiques responsables ou Camelots du Roi des nouvelles générations ?  • 

     

     

     2 minutes 15 secondes de vulgarités

  • L’âme de l’Europe

    Le pont Charles, à Prague, sur la Moldau

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    L’appellation « Union européenne » pourrait n’être bientôt plus qu’une simple alliance de mots, c’est-à-dire un excellent exemple d’oxymore, tant les pays semblent peu unis, tant les peuples semblent mécontents. Depuis des mois, le groupe de Visegrad (dénomination à forte connotation historique), qui réunit Pologne, Hongrie, Tchéquie et Slovaquie, s’oppose résolument aux injonctions de Bruxelles et de Mme Merkel sur les migrants. Le 6 avril, les Pays-Bas ont rejeté par référendum l'accord d'association entre l’U.E. et l’Ukraine. Le 22 mai, le candidat des nationaux autrichiens a échoué d’un rien (trente mille voix) à l’élection présidentielle. Le 23 juin prochain, les Britanniques devront décider de leur maintien dans l’Union.  

    Les commentateurs patentés de la pensée politique correcte nous expliquent que les pays de l’ex-Europe de l’Est, toujours traumatisés par le joug soviétique, seraient trop sourcilleux sur leur indépendance et leur identité; que les Hollandais n’auraient été que 30% à voter; que les Autrichiens ont quand même élu celui que soutenaient tous les partis de l’extrême gauche à la droite mondialiste; et qu’en Grande-Bretagne enfin les sondages donnent le « oui » à l’Union en tête. Tout cela est vrai mais occulte l’essentiel : la vague qualifiée avec mépris et condescendance de « populiste », car jugée dangereuse pour la démocratie prétendument « représentative », monte et continuera sans doute de monter jusqu’à se transformer peut-être un jour en déferlante. 

    Le cas autrichien est exemplaire. Le Monde (22 mai) y voit «  la fin d’une ère pour les partis traditionnels ». M. Zemmour (R.T.L., 24 mai) entend sonner « le glas du clivage droite-gauche traditionnel tel qu'il s'était incarné depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ». Cette remise en cause des grands partis du système qui ne concerne pas que l’Autriche « précise les fondements économiques, géographiques, sociologiques, idéologiques de nos affrontements de demain ». Tout le monde ne fait pas preuve de la même lucidité. Ainsi M. Védrine, après avoir justement critiqué la « référence implicite aux années trente » lorsqu’il est question de populisme et admis que « le vrai problème en Europe aujourd’hui, c’est le décrochage des peuples » (France Inter, 24 mai), pense qu’« il faut parler aux 60% de déçus ». On peut s’étonner que lui, d’habitude mieux inspiré, ne comprenne pas que c’est l’Union en tant que telle qui est rejetée, l’Union en tant que négatrice de la véritable Europe, celle des mille et une diversités, celle qui n’apparaît même pas sur les billets de la monnaie commune. 

    Non, l’Union n’est pas l’Europe mais une caricature pitoyable, avant tout héritière de la CECA et de la C.E.E. Quand on entend, après tant d’autres du même tonneau, M. Moscovici, Commissaire européen, s’exprimer sur les ondes de France Inter (26 mai), on comprend vite ce qu’est, ou plutôt ce qu’a vocation à être cette Union européenne : un « euroland » fédéral et libéral, partenaire soumis des Etats-Unis d’Amérique et complètement déconnecté des réalités humaines, culturelles, religieuses et historiques de la vieille et authentique Europe. Cette Europe-là veut vivre. C’est ce que montre semaine après semaine une poussée populiste qui, malgré les inévitables excès et dérives, est l’expression de l’âme même de l’Europe.

     

  • Éric Zemmour : Poutine, notre mauvaise conscience

     

    La guerre des mondes, de Mathieu Slama, est un plaidoyer en faveur de Poutine qui tranche heureusement avec les habituels réquisitoires contre le leader de la Russie. Et qui sonne comme le fruit de tous nos abandons [Figarovox - 26.05].

     

    ZemmourOK - Copie.jpgPoutine est méchant. Poutine est un tyran. Poutine ment et parfois en allemand. Poutine tue. Poutine vole. Poutine triche. Nos médias occidentaux ont fait du président russe l'incarnation du Mal. Avec une pugnacité qu'ils n'ont jamais montrée même aux pires époques de la guerre froide, contre les patrons de l'Union soviétique ; et une constance dans la dénonciation qui dépasse les éphémères figures du mal islamiste.

    Une fois qu'on a refermé le livre de Mathieu Slama, on comprend mieux pourquoi. Poutine n'est pas notre adversaire, il est notre mauvaise conscience ; il est notre Jiminy Cricket ; il est une sorte de pape qui nous dirait « Europe, qu'as-tu fait de ton message chrétien ? » ; mais avec un nombre respectable de divisions. Il est le seul Européen à dire non aux Américains, comme le faisait jadis de Gaulle. Il est le seul dirigeant démocratiquement élu à assumer les hiérarchies d'un pouvoir vertical, quand tous les autres s'inclinent devant l'égalitarisme d'une société horizontale. Il est le seul chef d'État européen à défendre une société traditionnelle, enracinée dans son Histoire et sa culture quand tous ses homologues occidentaux ont fait de l'individu déraciné et décontextualisé un Dieu impérieux et jaloux. Le seul à refuser l'assujettissement de la souveraineté nationale à « des règles de droit universelles qui font de chaque individu le membre d'une même humanité » énoncées au nom des droits de l'homme. Et il faut avoir l'humour de « M. Petites Blagues », ou son ignorance crasse, pour oser proclamer comme François Hollande à Moscou : « Nous avons en commun une vision du monde. »

    « Plaidoyer pour Vladimir Poutine »

    Mathieu Slama fait mine de renvoyer dos à dos les deux protagonistes, l'Occident et la Russie, les deux lignes, les deux idéologies, alors que chaque page respire de son penchant en faveur de Poutine. Par contraste avec les réquisitoires habituels dont on nous abreuve, cela fait du bien. Son livre est intitulé La Guerre des mondes, alors qu'il aurait dû oser un « plaidoyer pour Vladimir Poutine ». Un plaidoyer ne signifie pas que l'avocat s'aveugle sur les torts et travers du personnage et de sa politique, son autoritarisme, sa brutalité, ses penchants impérialistes ; mais qu'il est en empathie avec sa philosophie, sa démarche. Sans doute l'éditeur a-t-il eu peur des réactions médiatiques.

    Mais peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. Notre auteur démolit les lieux communs sur le président russe. Non, Poutine n'est pas un satrape inculte, mais plutôt un grand lecteur. Il n'est pas la marionnette d'Alexandre Douguine, l'idéologue sulfureux de la Russie éternelle contre la décadence occidentale ; mais il a fait siennes les réflexions profondes qu'a inspirées à l'exilé Alexandre Soljenitsyne sa découverte de l'Occident.

    De Gaulle disait : « Dans les victoires d'Alexandre, il y a les idées d'Aristote.» Dans la pugnacité de Poutine contre le « primitivisme » occidental, il y a les écrits du grand écrivain russe qui n'a pas hésité à dire son fait à une civilisation occidentale qui, au nom de la liberté, s'abandonnait aux joies tristes du matérialisme. Poutine nous ramène au combat idéologique autour de la Révolution française. Comme l'Amérique d'aujourd'hui, les Français prétendaient exporter par leurs armées victorieuses les « droits de l'homme » dont ils vantaient l'universalisme, tandis que Burke ou Joseph de Maistre en contestaient l'arrogance. Poutine a ressuscité la lutte des sociétés holistes contre les individualistes. Il a redonné une légitimité idéologique et politique à un conservatisme qui n'avait plus droit de cité en Occident : « Comme le disait le philosophe russe Nicolas Berdiaev : “ le sens du conservatisme n'est pas d'empêcher le déplacement vers l'avant et vers le haut, mais d'empêcher le déplacement vers l'arrière et vers le bas, vers l'obscurité chaotique et le retour à l'état primitif ”.»

    Un malaise existentiel croissant

    C'est pour cela qu'il rencontre un écho grandissant au sein même des nations occidentales, au-delà de ses dirigeants inféodés et à Washington et plus encore à l'idéologie droit de l'hommiste. Il est vrai que Poutine dans son combat a de la chance. L'universalisme arrogant de l'Amérique a causé de multiples catastrophes dans le monde, Afghanistan, Irak, Syrie, etc. Le juridisme européen incarné par la Cour européenne des droits de l'homme suscite les réserves des vieux États nations comme l'Angleterre ou même la France. L'universalisme sans frontières de l'Union européenne, sa religion de l'Autre, bute sur l'hétérogénéité absolue de l'islam : « On ne peut à la fois se fondre dans la jouissance de l'autre, s'identifier à lui, et se maintenir différent » (Lévi-Strauss).

    Enfin, l'individualisme progressiste des droits provoque un malaise existentiel croissant au fur et à mesure qu'il repousse toutes les limites (mariage homosexuel, théorie du genre, exaltation de l'homme augmenté). Le discours de Poutine sonne comme la punition de tous nos échecs, de toutes nos folies et de tous nos renoncements. La realpolitik qu'il défend avec un talent incontesté n'est que la reprise d'une tradition qui fut celle de la France pendant des siècles, de Richelieu à de Gaulle en passant par nos rois, nos empereurs et nos Républiques. De même que la religiosité de la société russe fait écho dans la lointaine Amérique. Et le messianisme russe répond au messianisme américain. Mathieu Slama n'est dupe de rien. Son Poutine n'est ni un saint ni un héros. Ce n'est pas tant la réussite du modèle russe qui fascine les populations occidentales que la décadence du modèle occidental qui les effraie. Ce n'est pas tant la force de Poutine qui leur plaît que la désagrégation des démocraties occidentales qui les inquiète. C'est pourquoi Poutine est de moins en moins vu par les peuples d'Europe comme une menace - au contraire de ce que nous répètent nos médias - que comme un ami à soutenir, un modèle à suivre, voire comme un sauveur à appeler. 

    La guerre des mondes, Mathieu Slama. Éditions de Fallois. 124 Pages. 16 €.

    Eric Zemmour           

    Voir aussi

    Mathieu Slama : « Il y a du Soljenitsyne dans le discours de Poutine » [Lafautearousseau 27.05]

     

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