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Actualité France - Page 413

  • Réflexion de Gérard Leclerc d'un point de vue catholique : Marion Maréchal-Le Pen à la Sainte-Baume

     

    Gérard Leclerc a publié l'article qu'on va lire dans France catholique (éditorial du 31 août). Il s'y exprime donc d'un point de vue catholique mais non sans un vif souci politique au sens où nous nous plaçons ici. Souci, dit-il lui-même, qui a son origine dans la crise gravissime à laquelle nous avons à faire face, et où se joue le destin national. Même si nous faisons ici peu de confiance aux partis politiques quels qu'ils soient, ne serait-ce qu'à cause du système en soi-même pernicieux auquel ils sont comme mécaniquement liés, l'analyse de Gérard Leclerc nous paraît parfaitement juste et pertinente. Il a sans-doute aussi raison, nous semble-t-il, de conseiller qu'il soit tenu compte dans cette affaire (comme dans d'autres), de « la personnalité singulière de Marion Maréchal-Le Pen » dont il estime qu' « elle est sans doute une des mieux structurées intellectuellement et spirituellement dans son organisation ». Acceptons l'augure que les jeunes générations engagées dans l'action politique, lassées des tabous et des idéologies mortifères de leurs aînés, osent un jour, au delà de victoires électorales toujours incertaines, toujours éphémères et toujours remises en question, cette rupture avec le Système qui remettrait la France sur les chemins de son Histoire. Cette génération n'a à vrai dire plus grand chose à voir avec les postulats idéologiques qui encombrent, jusqu'ici, les cerveaux de la classe politico-médiatique. Ce ne leur sera peut-être pas tellement difficile, qu'ils soient d'ailleurs issus de la gauche ou de la droite, d'opérer la rupture décisive dont nous parlons.  LFAR   

     

    GERARD LECLERC.JPGL’invitation faite à Marion Maréchal-Le Pen, pour participer au colloque organisé par le diocèse de Fréjus-Toulon à la Sainte-Baume, a suscité beaucoup de réactions, certaines sans doute sincères, mais beaucoup surjouées. Comme s’il était insupportable d’ouvrir une discussion avec une dirigeante d’un parti définitivement ostra­cisé ! Décidément, on ne se départit pas aisément d’une sorte de réflexe inquisitorial qui consiste à frapper d’interdit moral et canonique l’adversaire politique ! Et ce sont ceux qui se targuent le plus d’ouverture à l’autre, quelles que soient ses différences, qui sont les plus implacables. À l’encontre du conformisme qui continue à sévir dans le catholicisme français, je n’hésiterai pas à affirmer que la venue de la jeune dirigeante à la Sainte-Baume s’inscrit dans un processus inévitable. Il est impossible désormais d’ignorer un secteur d’opinion qui regroupe au moins un quart de l’électorat français. L’attitude, qui consiste à imaginer qu’on pourrait l’entourer d’une sorte de cordon sanitaire isolant des millions d’intouchables, relève d’une étrange mentalité.

    Qu’on m’entende bien. L’inviter à un débat n’équivaut pas à avaliser les idées du partenaire. Il s’agit, bien au contraire, de les soumettre à examen à partir d’une rigoureuse éthique de discussion. C’est grâce à l’échange des arguments que peuvent s’établir des convictions raisonnables. Donner la parole à quelqu’un, ce n’est pas par avance lui donner quitus de son idéologie, c’est lui permettre de sortir de son cercle d’origine pour l’amener, sous le regard de l’autre, de préférence bienveillant, à une confrontation qui délivre de toute logique solipsiste. Par ailleurs, si la thématique de l’immigration est aujourd’hui cruciale dans le débat public, il est d’autant plus utile de la projeter dans une lumière qui tienne compte de son infinie complexité. La radicalité du Front national s’oppose de fait à l’incertitude évidente des autres formations politiques, souvent déconcertées par l’ampleur du défi.

    Il faut aussi tenir compte dans cette affaire de la personnalité singulière de Marion Maréchal-Le Pen. Son rapport à la foi et à l’Église se distingue par un attachement qui n’est sûrement pas superficiel. De ce point de vue, elle est sans doute une des mieux structurées intellectuellement et spirituellement dans son organisation. Le rejet d’une telle personnalité, à coup d’anathèmes, ne s’avèrerait pas seulement contre-productif, il serait désastreux à un moment où le catholicisme français doit faire face à une crise gravissime, où se décide le destin national. 

    Gérard Leclerc, France catholique

     

  • Vivre et mourir à Marseille ? Bienvenue dans la nouvelle France

     

    Une recension de Jean-Paul Brighelli qui anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur. Et un saisissant tableau !

     

    985859-1169345.jpgPoncif : les Marseillais ont avec leur ville une relation passionnelle. Amour et haine. Ils se savent différents. Issus — et ce n’est pas une formule — de la « diversité » : Provençaux, Catalans (un quartier porte leur nom), Corses (près de 130 000), Italiens divers et d’été, Arméniens réfugiés ici dans les années 1920, Pieds-Noirs de toutes origines, en particulier des Juifs séfarades, Arabes de tout le Maghreb, et depuis quelques années Comoriens (plus de 100 000) et Asiatiques — les Chinois occupent lentement le quartier de Belsunce comme ils ont, à Paris, occupé Belleville, au détriment des Maghrébins qui y prospéraient.

    Bien. Vision idyllique d’une ville-mosaïque, où tous communient — si je puis dire — dans l’amour du foot et du soleil…
    Mais ça, dit José d’Arrigo dans son dernier livre, ça, c’était avant.

    Dans Faut-il quitter Marseille ? (L’Artilleur, 2015), l’ex-journaliste de l’ex-Méridional, où il s’occupait des faits divers en général et du banditisme en particulier, est volontiers alarmiste. Marseille n’est plus ce qu’elle fut : les quartiers nord (qui ont débordé depuis lulure sur le centre — « en ville », comme on dit ici) regardent les quartiers sud en chiens de faïence. Et les quartiers sud (où se sont installés les Maghrébins qui ont réussi, comme la sénatrice Samia Ghali) se débarrasseraient volontiers des quartiers nord, et du centre, et de la porte d’Aix, et des 300 000 clandestins qui s’ajoutent aux 350 000 musulmans officiels de la ville. Comme dit D’Arrigo, le grand remplacement, ici, c’est de l’histoire ancienne. Marseille est devenu le laboratoire de ce qui risque de se passer dans bon nombre de villes. Rappelez-vous Boumédiène, suggère D’Arrigo : « Un jour, des millions d’hommes quitteront l’hémisphère Sud pour aller dans l’hémisphère Nord. Et ils n’iront pas là-bas en tant qu’amis. Parce qu’ils iront là-bas pour le conquérir. Et ils le conquerront avec leurs fils. Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire. » « Les fanatiques, dit D’Arrigo, ont gagné la guerre des landaus ». Le fait est que partout, on rencontre des femmes voilées propulsant fièrement leurs poussettes avec leurs ventres à nouveau ronds. Si ce n’est pas une stratégie, ça y ressemble diablement. D’autant que c’est surtout l’Islam salafiste qui sévit ici. Et à l’expansion du fondamentalisme, observable à vue d’œil dans les gandouras, les barbes, les boucheries hallal, le « sabir arabo-français aux intonations éruptives issues du rap », les voiles, les burqas qui quadrillent la ville, répond un raidissement de la population autochtone — y compris des autochtones musulmans, ces Maghrébins de première ou seconde génération, qui, voyant la dérive des jeunes qui les rackettent et les menacent, en arrivent très consciemment à inscrire leurs enfants dans les écoles catholiques et à voter FN : « Ce sont les Arabes qui ont porté le FN au pouvoir dans les quartiers nord, pas les Européens ».

    Marseille est effectivement devenue terre d’Islam, Alger évoque sans rire la « wilaya de Marsylia », et, dit l’auteur en plaisantant (mais le rire est quelque peu crispé), ce sera bientôt « Notre-Dame-d’Allah-Garde » qui dominera la ville. Je l’ai raconté moi-même ici-même à maintes reprises. La burqa, ici, c’est tous les jours, partout. Au nez et à la barbe de policiers impuissants : il y a si peu d’agents de la force publique que c’en devient une plaisanterie.

    Et l’image que j’évoquais plus haut d’une ville cosmopolite est désormais clairement un mythe : Marseille est une ville où les diverses « communautés » s’ignorent (version rose) ou se haïssent — version réaliste. Marseille, ville pauvre où 50% des habitants sont en dessous du seuil d’imposition (contre 13% à Lyon, si l’on veut comparer), « n’en peut plus de ces arrivées incessantes de gens venus d’ailleurs, et venant ici rajouter de la misère à la misère ». Ici on ne se mélange plus. On s’observe, et parfois on tire. « Marseille est devenue une redoutable machine à désintégrer après avoir été durant un siècle une ville d’immigration et d’assimilation à nulle autre pareille. »
    Qu’il n’y ait pas de malentendu sur le propos de l’auteur. Il n’est pas dans la nostalgie d’une Canebière provençale et d’un Quai de Rive-Neuve où César et Escartefigue jouaient à la pétanque (un mythe, ça aussi). Il regrette la ville de son enfance (et de la mienne), où tous les gosses allaient en classe et à la cantine sans se soucier du hallal ou du casher, et draguaient les cagoles de toutes origines sans penser qu’elles étaient « impures ».

    Responsabilité écrasante des politiques, qui durant trois décennies ont systématiquement favorisé ceux qu’ils considéraient comme les plus faibles. Marseille a été le laboratoire de la discrimination positive, et aujourd’hui encore, les réflexes des politiciens qui financent des associations siphonneuses de subventions sont les mêmes. « On a substitué à la laïcité et à l’assimilation volontaire, qui naguère faisait autorité, le communautarisme et le droit à la différence ». « Cacophonie identitaire » et « défrancisation », « désassimilation ».

    Comment en est-on arrivé là ? L’auteur dénonce avec force la substitution, à des savoirs patiemment instillés, du « péril de cette époque insignifiante gavée de distractions massives : le vide, le vertige du vide ». Je faisais il y a peu la même analyse, à partir du livre de Lipovetsky.

    D’où la fuite de tous ceux qui, « dès qu’ils ont quatre sous, désertent la ville et s’installent à la campagne ». Vers Saint-Maximin, Cassis, ou autour d’Aix — ou plus loin : des milliers de Juifs par exemple ont fait leur Alya et sont partis en Israël, et les Corses se réinstallent dans les villages de leurs parents. Mais « dans ces conditions, des quartiers entiers de Marseille risquent de se ghettoïser. » Ma foi, c’est déjà fait.

    Et si la ville n’a pas explosé, c’est qu’il y règne un « ordre narcotique » auquel veillent les trafiquants, peu soucieux de voir s’instaurer un désordre peu propice au petit commerce du shit — une activité parallèle qui génère chaque année des dizaines de millions d’euros. L’Etat en tout cas n’existe plus déjà dans 7 arrondissements sur 16, où les gangs, narco-trafiquants infiltrés de djihadistes potentiels, font régner l’ordre — c’est-à-dire le désordre des institutions. Quant à l’école, « elle a sombré ». Effectivement, les truands ne voient pas d’un bon œil que certains leur échappent en tentant de s’instruire. D’ailleurs, ceux qui y parviennent sont les premiers à « quitter Marseille ».

    Les solutions existent — à commencer par un coup de balai sur cette classe politique phocéenne corrompue jusqu’aux os, qui entretient un système mafieux en attendant qu’il explose. La candidature d’Arnaud Montebourg en Mr Propre, évoquée par D’Arrigo, me paraît improbable : il n’y a ici que des coups à prendre. L’arrivée aux commandes de Musulmans modérés est plus probable : le Soumission de Houellebecq commencera ici.

    Et pour que les bonnes âmes qui croient que ce blog est islamophobe cessent de douter, je recopie, pour finir, une anecdote significative — mais le livre en est bourré, et Marseille en fournit tous les jours.

    « À la Castellane, la cité de Zinedine Zidane, les policiers sont appelés de nuit par une mère affolée. Sa fillette de 10 ans est tombée par mégarde du deuxième étage et elle a les deux jambes brisées. Il faut la soigner de toute urgence et la conduire à l’hôpital. L’ambulance des marins-pompiers et la voiture de police qui l’escorte sont arrêtées par le chouf [le guetteur, pour les caves qui ne connaissent pas l’argot des cités] douanier à l’entrée de la cité. Lui, il s’en moque que la gamine meure ou pas. Il va parlementer une demi-heure avec les policiers et les pompiers et les obliger à abandonner leurs véhicules pour se rendre à pied au chevet de la blessée. « Je rongeais mon frein, raconte un jeune flic qui participait au sauvetage, je me disais dans mon for intérieur, ce n’est pas possible, ces salauds, il faut les mater une fois pour toutes, j’enrageais de voir un petit caïd de banlieue jouir avec arrogance de son pouvoir en nous maintenant à la porte. Ce qu’il voulait signifier, ce petit con, c’était très clair : les patrons, ici, c’est nous. Et vous, les keufs, vous n’avez rien à faire ici… » »

    À bon entendeur…

    Faut-il quitter Marseille ? Prix : 18,00 €

     

    Jean-Paul Brighelli - Bonnet d'âne

     

  • Tant qu'il y aura des Corses...

     

    cover_je_pense.jpgPar Academos 

    La rentrée scolaire (comme la fin des classes, d'ailleurs) donne lieu à force pots de bienvenue et autres rencontres de prise de contact, c'est bien normal. Au pot d'hier lundi, jour de rentrée des professeurs, j'ai rencontré une jeune nouvelle, toute fraîche émoulue de je ne sais quel institut de déformation des maîtres, bobo-gaucho-trotsko à souhait, et fière de l'être, du type « je n'ai rien à apprendre aux élèves, il me tarde de me mettre à leur écoute pour connaître leurs besoins ». Vous voyez le genre. Bref, plus dans les niaiseries d'aujourd'hui que ça, tu meurs...

    Dans un petit groupe, on se repasse bien sûr les banalités d'usage, faits divers et autres chats écrasés d'avant les vacances (une éternité ...) et, forcément, on reparle de cette fête en Corse où deux maîtresses avaient eu la drôle d'idée de faire chanter aux enfants une partie de chanson en arabe. Subitement ressurgie de je ne sais où, la jeune bobote (c'est comme ça qu'on dit, au féminin ?) arrive les poings tous faits, pour dire tout le mal qu'elle pense de ces parents qui ont empêché la chose : elle n'attaque pas les Corses mais dit que ce sont sûrement des gens du FN. A la mine dégoûtée qu'elle fait en prononçant ce nom de FN on comprend sans peine pour qui elle ne votera pas aux prochaines régionales. 

    Je luis dis simplement :

    « Mais dis moi, tu n'a pas lu Pagnol, qui raconte comment il se faisait taper sur les doigts avec une règle par le maître, et ses copains aussi, quand il parlait provençal ? Et tu ne sais pas qu'en Bretagne fleurissaient les écriteaux Défense de cracher par terre et de parler breton ! La vérité est qu'il est plaisant de voir aujourd'hui que des maîtres veulent implanter une langue étrangère, alors que leurs ancêtres, les « hussards noirs de la république », ont passé leur temps à extirper leurs racines du cerveau des petits Français. Autant qu'ils l'ont pu. Et on voudrait - maintenant que les Français ne connaissent plus leur première langue locale et si mal le français - favoriser l'apparition de nouvelles langues, qui plus est étrangères à notre Histoire et à nos racines ? Cela ne te paraît pas contradictoire ? »

    Si vous aviez vu la tête de la bobote ! Elle n'a pas répondu, et sous le prétexte évidemment futile qu'elle voyait quelqu'un passer, elle a quitté le groupe; elle a dû se dire qu'il n'y a avait rien à tirer d'un type comme moi, et qu'il était inutile d'essayer. Franchement, j'ai pensé d'elle exactement la même chose... 

     

  • Zemmour : « Le souverainisme peine à trouver sa voix »

     

    La question de l'alliance avec le FN est le non-dit le plus bruyant de la rentrée.

    Cette rentrée met en évidence que les lignes bougent dans les partis politiques, obsédés par la perspective des prochaines régionales toutes proches et de la présidentielle jamais bien lointaine, devenue la plaie de nos Institutions. Sans compter le trouble que jettent quelques électrons libres hyper-médiatisés. Comme le soulignent Marie-France Garaud ou Jacques Attali, cette agitation plutôt ridicule est de peu d'importance si l'on considère que nos gouvernants n'ont de pouvoir que d'apparence et que pour l'heure le destin de la France se décide bien davantage qu'à Paris, à Bruxelles, Washington, Berlin, ou Frankfort. Alors, l'alliance des souverainistes peut apparaître comme la seule alternative. Mais pas sans ce cœur nucléaire de l'opposition au Système qu'est le Front National ... Sur quoi, à gauche, Jacques Sapir s'est exprimé récemment, sans langue de bois. Et, ici, Eric Zemmour.  LFAR    

     

    ZemmourOK - Copie.jpgL'été est propice aux rencontres. On ose transgresser, on ose s'afficher. En politique aussi. Dans quelques jours, Jean-Pierre Chevènement se rendra à l'université d'été de Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan. Le week-end dernier, Arnaud Mohtebourg a convié à sa Fête de la rose à Frangy l'ancien ministre des Finances grec Yanis Va-roufakis. C'est le ballet des démissionnaires forcés qui aspirent à prendre leur revanche. Des perdants de l'Histoire qui n'ont pas dit leur dernier mot.

    L'intégration européenne par la monnaie unique a bouleversé les paysages politiques en Europe. Le clivage n'est plus entre la droite et la gauche. Il y a toujours des alternances, mais il n'y a plus d'alternative. L'euro est un corset qui impose à tous les règles d'un ordo-libéralisme, non négociable, théorisé et mis en oeuvre par l'Allemagne. C'est ce qu'a rappelé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lorsqu'il a dit que les « élections ne peuvent pas modifier les traités européens ». C'est la théorie de la « souveraineté limitée » à la mode bruxelloise, où l'argent de la BCE fait office de chars. L'apostasie estivale d'Alexis Tsipras a ouvert les yeux de ceux qui s'obstinaient à les garder clos : on ne peut arracher le corset des politiques européennes (que l'on nomme cela « bonne gestion » ou « austérité », peu importe) que si on sort de la monnaie unique. A gauche comme à droite, le nouveau clivage est là. Il y a ceux qui se soumettent et ceux qui ont compris qu'ils ne pourraient faire autrement que de se démettre. Après avoir longtemps tergiversé devant l'obstacle, Mélenchon franchit le Rubicon : « S'il faut choisir entre l'euro et la souveraineté nationale, je choisis la souveraineté nationale. » En Allemagne, Oskar Lafontaine dit la même chose, et en Italie, l'ex-communiste Stefano Fassina se prononce pour « un démantèlement sous contrôle de la zone euro ».

    Mais ces mouvements sont encore périphériques. Le coeur nucléaire de l'opposition au « système » est, en France, incarné par le Front national. Sans lui, les contempteurs de l'« Europe allemande », de gauche comme de droite, sont électoralement impuissants. Mais avec lui, ils sont médiatiquement ostracisés. Le FN joue le rôle que tenait le parti communiste dans les années 60, avant que Mitterrand ose la stratégie d'union de la gauche. La question de l'alliance avec le Front national est le non-dit le plus bruyant de cette rentrée. Dans cette perspective, le conflit entre Jean-Marie Le Pen et sa fille prend une autre tournure. Comme si celle-ci sacrifiait son père sur l'autel de ses futures noces électorales. Dans le bruit et la fureur, et sans savoir jusqu'où montera le prix de la dot. 

    (Figaro magazine)

  • SOCIETE • La France existe, je l'ai rencontrée

     

    Par Natacha Polony

    Et si, plus que les précédentes, les générations des moins de quarante ans ou tout juste quarante ans, étaient en recherche de racines, de terroirs, de traditions, de France historique et charnelle ? Presque jusqu'à la nostalgie, presque jusqu'à l'excès, sans-doute du fait des manques et des vices des temps qui courent, trop abstraits, virtuels, sans substance ? De même qu'une partie des plus jeunes opère un spectaculaire retour vers le religieux ou, mieux, vers le spirituel, que les plus âgés ont  délaissé ... Ces derniers feront bien de s'aviser de ces phénomènes bien réels qui signalent assez précisément en quoi nos sociétés ont failli. C'est ce que Natacha Polony relève ici, de façon, ma foi, fort juste et sympathique. Et qui rejoint Philippe de Villiers lorsqu'il signale que la crise que nous vivons n'est pas essentiellement politique, mais bien plutôt métapolitique.  C'est pourquoi nous apprécions les chroniques de Natacha Polony et y faisons souvent écho. LFAR  

                

    Elle avait si mal commencé, cette année 2015, dans l'horreur et les larmes. Et puis la suite, les autres attentats, les crises, la défiance. Et même ce retour, après les chaleurs estivales: le Thalys et la révélation de notre insupportable vulnérabilité; les images répétitives et insoutenables de ces foules d'hommes et de femmes rêvant d'un avenir et rencontrant l'incurie d'une Europe de petits gestionnaires et de grands financiers; le spectacle parallèle, enfin, des vaudevilles politiciens. Quoi, même les héros, quand ils se présentent chez nous, sont Américains ? Comme un symbole d'une France qu'on nous dit tous les jours trop petite, trop résignée, pas assez moderne, pas adaptée.

    La France existe, pourtant, envers et contre tout. Elle se perpétue. Loin des injonctions à l'efficacité gestionnaire, loin des reproches sur son modèle archaïque et son agriculture pas assez productive. Il suffisait d'aller à sa rencontre cet été pour trouver des gens qui, seuls, chaque jour, font leur 11 janvier et proclament leur attachement aux valeurs de ce pays. C'est ce restaurateur qui consacre dans ses assiettes écrevisses, grenouilles, foie gras en cocotte et pied de porc truffé, toute la mémoire gustative d'un paradis terrestre aujourd'hui malmené où l'on a fait du partage autour dela table un patrimoine si précieux que l'Unesco l'a jugé universel. Ce sont ces trois entreprises d'Aurillac qui se sont regroupées pour continuer, malgré la concurrence asiatique et le règne du jetable, à fabriquer en France des parapluies de qualité, de ces objets qui accompagnent une vie. C'est ce maire d'une petite ville touristique du Périgord qui s'est opposé farouchement à l'implantation d'une seconde grande surface dans sa périphérie et qui a sauvegardé son marché, ses commerces de centre-ville, toute cette vie sociale qui fait le dynamisme d'un pays.

    Ceux-là ne sont décorés d'aucune Légion d'honneur. Ils n'ont droit au statut ni de héros ni de victimes. Pas assez prestigieux, pas assez désespérés. Et pourtant, ils affrontent tous les obstacles, ils se lèvent tôt, ils travaillent dur, ils obtempèrent aux injonctions d'une administration qui invente des normes délirantes et endémiques. Il y a ce chef qui a dû équiper sa cuisine d'un plan de travail dernier cri, un «porte-avions» spécialement étudié pour réduire la « pénibilité » et dont les commis de cuisine se plaignent malgré tout d'un mal de dos, parce que toute douleur, tout effort est devenu insupportable. Il y a cet autre, harcelé pour avoir utilisé dans ses cuisines des légumes anciens, du potager de son père, non répertoriés au catalogue officiel, l'organe garantissant aux grands semenciers le monopole des graines et l'interdiction, pour les paysans, de perpétuer leur savoir-faire ancestral de sélectionneur du vivant. Il y a cet horticulteur à la retraite convoqué au tribunal pour travail dissimulé parce qu'il a donné un coup de main à son fils pour ramasser les pommes avant l'orage le jour d'un contrôle administratif. Pendant ce temps, les journaux nous vantent comme l'ultime modernité des dîners moyennant rémunération, organisés chez eux par des particuliers grâce à une application Internet. Pas de normes d'hygiène, pas de contrôle d'Urssaf… Non, c'est moderne, c'est libéral, c'est de la convivialité monnayée..

    Malgré tout, ce pays abrite des trésors d'enthousiasme et d'énergie. On y trouve des Français de tous horizons, mais attachés à transmettre par leur travail, leur savoir-faire les éléments les plus concret de ce qui constitue un modèle, une façon spécifique d'être au monde, faite d'intégration à une géographie, à un terroir, faite de plaisir et de culture plus que de rentabilité. On peut considérer que tout cela doit finir aux oubliettes de l'Histoire. On peut préférer les usines à viande allemandes où l'animal est mécanisé pour produire toujours plus et moins cher en ruinant le voisin. On peut préférer les parapluies chinois, si bon marché qu'il faudra en racheter à chaque bourrasque. Mais dans un monde où les tempêtes se multiplient, sentir sous ses doigts la chaleur et la solidité du manche en bois d'un parapluie, s'abriter sous les baleines solides et familières d'un vieux compagnon, en sachant que des gens, pas très loin, ont œuvré pour nous offrir les fruits d'un savoir-faire ancien, c'est préparer l'avenir avec bien plus de lucidité. 

    Natacha Polony   (Figarovox)

  • Héroïsme, stress et courage

     

    Par François Reloujac

    Les médias et les hommes politiques ont, à juste titre, salué l’héroïsme des personnes qui sont intervenues dans le Thalys pour empêcher un terroriste présumé de passer à l’acte. Mais si tout a été dit et même probablement au-delà du raisonnable pratiquement personne ne s’est intéressé à ce qui a conduit des individus apparemment ordinaires à se conduire comme des héros.

    Interrogé sur une chaîne d’information par un journaliste qui lui demandait ce qu’il faudrait faire au cas où l’on se trouverait confronté à un drame de même nature, un ancien responsable du GIGN a répondu, « si l’on ne sait pas gérer son stress, surtout il ne faut rien faire ». Et il avait parfaitement raison. Confronté à ce type de situation toute personne normalement constituée a peur. Il lui faut donc du courage pour surmonter cette peur et pouvoir affronter la réalité qui se présente à elle avec des chances de succès. Si l’on n’a pas cette qualité de cœur, toute intervention risque, à l’inverse, de précipiter les catastrophes. Et quand on a la franche humilité de reconnaître que l’on n’a pas la force d’âme suffisante pour surmonter sa peur, le vrai courage peut être de surtout ne rien faire pour ne pas risquer d’entraver la réaction de ceux qui agissent. Mais, attention, car il y a du courage à ne pas agir si d’autres agissent. Si personne n’agit nous ne sommes plus en présence de courage mais à l’inverse de pusillanimité voire même de lâcheté.

    Dans le cas de l’affaire du Thalys, quatre héros ont directement ou indirectement expliqué ce qui les a fait agir et ce qu’ils ont dit mérite d’être médité.

    L’un des militaires américains a expliqué : « Je n’ai pas pensé, j’ai agi ». Nous sommes là en présence de quelqu’un de bien formé et parfaitement entraîné pour faire face aux situations les plus graves. Il est intéressant de noter qu’au moment où il est intervenu, il n’était pas personnellement et directement menacé. Il a donc agi pour défendre les autres. Mais ce vrai soldat avait une autre qualité, celle de meneur d’hommes car, si l’on en croit un de ses camarades qui l’a suivi, « il nous a dit : on y va ? » ; « on y va ! » Et les deux autres y sont allés aussi.

    Le citoyen britannique a réagi différemment puisque, nous a-t-il confié, il a immédiatement pensé qu’il allait mourir, alors il s’est dit : « Quant à mourir, autant que ce soit utile ».

    Quant au professeur franco-américain qui est intervenu le premier et qui a été blessé, sa femme nous a expliqué qu’ayant aperçu ce qui se passait sur la plateforme, il lui a dit avant de passer à l’acte : « mets-toi à l’abri, cette fois c’est sérieux ». Cette réaction est remarquable car elle montre bien qu’il a agi consciemment pour protéger véritablement les autres, et notamment son épouse, et qu’en même temps il l’a fait avec une délicatesse suffisante pour ne pas l’affoler. Et d’ailleurs, dans sa courageuse lucidité, il a essentiellement cherché à désarmer l’agresseur, ce qu’il a réussi. Il ne savait pas que ce dernier avait d’autres armes sur lui.

    Oui, toutes ces personnes méritent d’être honorées, mais il n’est pas suffisant de dire qu’elles se sont bien conduites ; elles ont donné à toute la population une véritable leçon. Saurons-nous comprendre ce qui a fait leur grandeur et nous en inspirer pour notre vie de tous les jours ? Car le courage est peut-être remarquable dans des circonstances exceptionnelles, mais il se forge dans la pratique quotidienne. 

     

  • Terrorisme : Il n’y aura pas toujours des héros...

     

    Le point de vue de  Mathieu Bock-Côté* 

    Plusieurs réflexions de Mathieu Bock-Côté ont déjà été publiées dans ce blog. Elles vont toujours à l'essentiel et nous y retrouvons nos propres réactions aux évènements, aux grands problèmes de nos sociétés. Cet intellectuel québécois suit de très près les affaires françaises et européennes. Toujours avec beaucoup de réalisme et de lucidité. « Eduquer les hommes au courage » est-ce possible ? « L’individu contemporain, jouisseur hédoniste et relâché », sera-t-il capable de « faire face au tragique » ? Ce sont ces questions qui sont posées ici. Mathieu Bock-Côté a raison de rappeler qu' « on ne fait pas la guerre paisiblement » et qu' « il faudra aussi savoir réveiller les vertus nécessaires aux temps difficiles.» Mais, comme on vient de le voir, l'épreuve peut s'en charger. LFAR

      

    d36b44e4-c254-41b5-8047-372960cb8aa9_AUTHOR_PHOTO_WEB.jpgLes mois se suivent et se ressemblent : il y a quelques jours, le 21 août, dans un train reliant Amsterdam à Paris, Ayoub El Khazzani, un homme d’origine marocaine, associé à la mouvance islamiste la plus radicale, a cherché à provoquer un carnage. Dans ses bagages, il y avait un fusil d’assaut AK-47, un pistolet et les munitions nécessaires à une exécution de masse. Par miracle, il n’y a eu que des blessés. Je reviendrai un peu plus bas sur ce miracle ce qu’il révèle de nos sociétés.

    Comme d’habitude, on nous sort la même excuse : c’était un paumé, un exclu, un taré. Son avocate en a rajouté : c’était un clochard, un pauvre hère qui aurait trouvé un sac plein d’armes dans une gare et qui aurait eu soudainement l’idée de rançonner les passagers. C’est à tout le moins la ligne de défense suivie par son avocate. Un peu plus et elle en fera une victime. Les autorités belges ne se sont pas laissé bluffer par une telle rhétorique : c’est de terrorisme dont il est question. Le pouvoir socialiste, en France, s’est montré plus timoré. On ne feindra pas la surprise.

    On ne semble pas comprendre, dans la société occidentale contemporaine, que  la force d’une idéologie radicale comme l’islamisme vient justement de sa capacité à exciter et fanatiser les éléments antisociaux à son avantage, ceux qui cherchent souvent une raison de verser dans la violence. L’islamisme radical, pour emprunter les mots de Jean Baechler, excite la « canaille » et transfigure son nihilisme au service d’une cause. La révolution islamiste n’avance pas en misant sur les classes moyennes bedonnantes. Il suffirait de lire les grands stratèges révolutionnaires pour constater qu’ils en étaient les premiers conscients.

    C’est l’intervention providentielle de trois marines américains qui a permis d’éviter la catastrophe. Ils n’étaient évidemment pas en service, mais manifestement, leur entrainement n’était pas loin. En eux, le ressort civique était bien tendu. Ils ont risqué leur vie pour sauver la vie des autres. On aurait envie de chanter avec Michel Sardou: « si les Ricains n’étaient pas là…». Ce sont des héros. Dans les jours qui ont suivi, l’antiaméricanisme français était peut-être moins virulent qu’à l’habitude.

    On nous dira: rien de surprenant, les militaires sont faits pour ça. On ajoutera alors qu’un Britannique de soixante ans, qui était sur les lieux, s’est joint à l’opération improvisée. Personne ne sait exactement ce qui s’est passé dans son esprit, pourquoi il a risqué sa vie plutôt que se terrer derrière un siège. Le courage se constate davantage qu’il ne s’explique. Il touche les fibres intimes de l’être. On se réjouira quand même de constater que de tels hommes, qui répondent à un appel intime, celui de la protection de leur prochain, existent encore.

    Apparemment, les employés du train n’ont pas été aussi prompts. Tous aux abris ! On ne saurait toutefois le leur reprocher. On ne sait jamais à l’avance comment on réagirait devant un tel péril ? On a beau plastronner à l’avance et faire des rodomontades en disant qu’on aurait cherché à maîtriser le terroriste, on n’en sait absolument rien. Devant l’épreuve du feu, certains hommes tiennent debout, d’autres les suivent, justement inspirés, et les derniers tremblent jusqu’à s’effondrer. Tous ne sont pas faits pour la guerre.

    Y a-t-il néanmoins moyen d’éduquer les hommes au courage, de leur inculquer cette vertu, de les préparer à des événements semblables ? Peut-être que oui, peut-être que non. En un sens, le service militaire préparait l’homme à une telle éventualité. Il n’a plus la cote. Et on peut croire que l’individu contemporain, jouisseur hédoniste et relâché, n’est pas particulièrement préparé à faire face au tragique. Et pourtant, la bête humaine est compliquée. Quelquefois, ce sont des hommes de rien qui dévoilent leur meilleure part dans l’épreuve.

    Une chose est néanmoins certaine : il n’y aura pas toujours des héros. Je devine qu’il faut s’y faire : demain, après-demain ou l’an prochain, un terroriste islamiste entrera dans un wagon de train, ou dans un supermarché, puis il tirera sur tout ce qui bouge. À moins que les services de sécurité ne l’attrapent à temps et s’ajustent pleinement à la menace djihadiste. Et encore là, on sait bien que certains traverseront les mailles du filet sécuritaire, qui par-dessus tout, gâchera surtout la vie de ceux qu’il doit protéger.

    Thibault de Montbrial, dans son livre très convaincant Le sursaut ou le chaos (Plon, 2015), a dit les choses clairement : la France est en guerre. On dira la même chose de toutes les sociétés occidentales. On n’en tirera aucun slogan. Mais on comprend assurément que nous avons changé d’époque et que le sursaut espéré prendra d’abord le visage d’une grande lucidité. Il faudra savoir nommer l’ennemi. Il faudra aussi savoir réveiller les vertus nécessaires aux temps difficiles. Naturellement, personne ne sait vraiment comment s’y prendre. On ne fait pas la guerre paisiblement. 

     

    * Sociologue, auteur de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007). 

    Article issu du blog de Mathieu Bock-Côté.

     

     

  • Humeur • Vidalies et les « heures les plus sombres » : halte à la mauvaise foi

     

    Une humeur légitime d'André Bercoff   *

    Le ministre Alain Vidalies a suscité une polémique lundi après avoir déclaré préférer « qu'on discrimine pour être efficace plutôt que de rester spectateur ». Pour André Bercoff, l'hypocrisie a assez duré. Il a raison

     

    photo.jpgAlain Vidalies, Secrétaire d'Etat chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, aurait, si l'on en croit les réactions indignées d'un certain nombre de ses pairs, levé un gros poisson. L'un de ceux qui pourrissent par la tête. Il a, en effet, osé parler de contrôles discriminatoires, et partant, aux yeux des chevaliers blancs du camp du Bien, rappelant « les heures les plus sombres de notre Histoire ». Qu'un représentant officiel de la gauche gouvernante prononce un mot qui relève du vocabulaire néo-fasciste, suffit à répandre l'indignation.

    Il appert qu'en France, ces temps-ci, un certain nombre d'individus ont tendance à vouloir, pour des raisons diverses et variées, massacrer sans discrimination leurs contemporains dans un train, un supermarché, un hebdomadaire, un musée, une église, et que certains citoyens s'en sont émus, considérant que leur sécurité n'était plus assurée. Comme on ne peut mettre un policier ou un gendarme derrière chaque homme ou chaque femme habitant notre cher et doux pays, il conviendrait donc de multiplier la pose de filets de surveillance afin d'essayer d'attraper les tueurs présumés avant qu'ils ne passent à l'action. L'Europe étant ce qu'elle est et Schengen une passoire, et personne n'ayant les moyens d'étendre les mêmes règles de sécurité existant dans l'aviation, au domaine des transports ferroviaires et métropolitains, on va à la pêche en espérant qu'elle sera miraculeuse.

    C'en est déjà trop pour nos traditionnels Bisounours du pacifisme intégral. Qu'un Valls ose employer des expressions comme « islamo-fascisme » et « guerre de civilisations » est déjà insupportable ; qu'un Hollande ose évoquer les forces du Bien et du Mal en fait évidemment un néo-conservateur déchaîné. Quant à la mise en place d'un numéro vert, dont l'efficacité paraît évidente, elle encourage tout de même la dénonciation anonyme qui rappelle, une fois encore, les années, etc… Remarquons que ceux qui tonnent le plus fort contre ces timides mesures sont les mêmes qui font leurs choux gras de toute lettre anonyme dénonçant tel fraudeur fiscal ou tel conflit d'intérêt. La paille et la poutre, encore et toujours.

    Mais la palme de la lucidité désintéressée appartient comme de juste aux Jeunes Socialistes qui écrivent: « Le terrorisme n'est pas lié à une origine réelle ou supposée ». Ils ont bien raison : Mohamed Merah n'était-il point d'origine suédoise ? Mehdi Nemmouche Cambodgien ? Les frères Kouachi d'origine brésilienne ? Amédy Coulibaly natif de l'Ontario ? Sid Ahmed Glam Islandais de souche ? Ayoub El Khazzani de Vladivostok ? Prétendre le contraire, serait tomber dans le délit de faciès qui rappelle les heures les plus sombres, etc…

    Donc, que faire pour empêcher de futurs massacres, tout en gardant les mains propres ? Rien. Attendre. S'en remettre au facteur chance, aux militaires américains ou à une intervention divine qui transformerait les loups en agneaux. Un certain Albert Camus affirmait que dans des circonstances dramatiques, il préférait sa mère à la Justice. Mais chacun sait que Camus n'était qu'un fieffé réac. 

    André Bercoff     

    André Bercoff est journaliste et écrivain. Son dernier livre Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi est paru en 2014 chez First.

     

  • Chers Djihadistes ...

     

    Au moment où la France est à nouveau affrontée au terrorisme, nous conseillons la lecture intégrale du très beau texte qui suit. Texte en un sens prophétique, de Philippe Muray, publié en janvier 2002. Et déjà repris en deux différentes circonstances par Lafautearousseau.  

    On pourrait le juger démenti par la réaction spontanée de quelques uns des passagers du Thalys Amsterdam-Paris de vendredi dernier. On sait comment ceux-là ont sauté sur le terroriste en action, lourdement armé, lui ont arraché ses armes, l'ont frappé jusqu'à ce qu'il perde connaissance, l'ont ligoté et neutralisé. Avec courage, sans états d'âme. Ils n'ont été toutefois que cinq ou six, Français, Américains, Anglais, à avoir eu ce courage. Il s'agit là, sans-doute, d'une réaction d'héroïsme singulier et - malheureusement - probablement non reproductible par beaucoup d'autres ... Nous craignons donc que le message que nous a laissé Philippe Muray n'ait rien perdu de sa pertinence.

    Vincent Trémolet de Villers en a fait le 29 juin au matin, la trame d'un important article du Figaro en réaction aux propos de Manuel Valls qui, après les attentats sanglants du vendredi 26 juin en Isère et en Tunisie, a évoqué « une guerre de civilisation ». 

    Le texte de Philippe Muray a été lu intégralement dans la revue de presse de France Inter et cité par tous les médias. Ce texte pose avec force la question de notre civilisation, ou du moins, de ce qu'elle est concrètement devenue aujourd'hui, en contradiction avec tout ce qu'elle fut, fondamentalement, que Vincent Trémolet de Villers évoque dans son propre article.

    On peut juger très pessimiste la conclusion de Philippe Muray. Il y paraphrase une absurde prédiction de victoire du chef du gouvernement français peu de temps avant que la France de 1940 ne s'effondre face à l'ennemi. Sans-doute, nous ne sommes pas morts. Mais nous y tendons non moins sûrement si nous ne savons pas retrouver les sources profondes de la civilisation dont nous sommes héritiers. Et qui n'a pas grand chose à voir avec cet « Occident » décadent que fustige Philippe Muray, à fort juste et exacte raison. Il nous invite surtout à réfléchir sur nous-mêmes. Et si l'on y réfléchit bien, c'est un texte mobilisateur.   

     

  • Philippe Muray : Chers Djihadistes, craignez le courroux de l'homme en bermuda

     

    3852009619.jpg« Chers djihadistes,

    L'Occident s'achève en bermuda […] Craignez le courroux de l'homme en bermuda. Craignez la colère du consommateur, du voyageur, du touriste, du vacancier descendant de son camping-car ! Vous nous imaginez vautrés dans des plaisirs et des loisirs qui nous ont ramollis. Eh bien,nous lutterons comme des lions pour protéger notre ramollissement.  

    Chers djihadistes, chevauchant vos éléphants de fer et de feu, vous êtes entrés avec fureur dans notre magasin de porcelaine. Mais c'est un magasin de porcelaine dont les propriétaires de longue date ont entrepris de réduire en miettes tout ce qui s'y trouvait entassé. […] Vous êtes les premiers démolisseurs à s'attaquer à des destructeurs. Les premiers incendiaires en concurrence avec des pyromanes. […] À la différence des nôtres, vos démolitions s'effectuent en toute illégalité et s'attirent un blâme quasi unanime. Tandis que c'est dans l'enthousiasme général que nous mettons au point nos tortueuses innovations et que nous nous débarrassons des derniers fondements de notre ancienne civilisation.  

    Chers djihadistes, nous triompherons de vous. Nous vaincrons parce que nous sommes les plus morts. »

    Philippe Muray

  • Imposteur ? Vous avez dit imposteur… ?

     

    Par François Reloujac

    Dans le courant de ce mois d’août 2015, Français et Anglais sont confrontés, par médias interposés, à la notion d’imposture. Les présentations et les points d’application ne sont pas les mêmes, les conséquences et l’ampleur des discussions non plus, mais ces deux débats permettent d’éclairer un peu le fonctionnement de notre société, de comprendre le sens des mots et de réfléchir sur l’importance du verbe dans toute société qui se réclame de la démocratie.

    L’Angleterre face au « syndrome de l’imposteur »

    Début août, le magazine britannique Vogue a publié une interview de la jeune actrice Emma Watson dans laquelle celle-ci déclarait que, malgré ses succès, elle se sentait un peu comme un « imposteur » dans le monde des acteurs et actrices. Faisant écho à cette déclaration, d’autres journaux d’Outre-Manche rappelaient que ce n’était pas la première fois que la jeune actrice laissait en confidence l’idée que son succès n’était pas mérité. Il serait donc obtenu comme par fraude. Surfant sur la popularité de l’actrice les médias britanniques ont exploité cette déclaration ; les uns pour dire, méchamment, que l’actrice faisait preuve de « fausse modestie » et les autres pour disserter, doctement, sur le « syndrome de l’imposteur ».

    Il y a peut-être une explication plus simple : Mademoiselle Watson est seulement une actrice dont l’humilité lui fait constater que l’art qu’elle cherche à servir est tellement grand que son jeu ne peut pas lui permettre d’atteindre la pureté et la plénitude de ce qu’il faudrait. Dans ce cas, le terme « imposteur » signifierait qu’elle croirait usurper une qualité qu’elle n’aurait pas. Sans aucune qualification pour en juger au regard de la technique cinématographique force est de constater que eu égard au succès populaire qui est le sien, elle n’usurpe rien du tout. Quant à vouloir expliquer cette réaction par un « syndrome » qui ferait d’elle une personne relevant de la médecine clinique, cela paraît invraisemblable. Et si, tout simplement, elle n’était pas qu’une véritable actrice et que, comme tout professionnel talentueux, elle était juste consciente de ses propres faiblesses ? Car plus quiconque maîtrise son art plus il connaît ses propres lacunes.

    Ici, donc, le terme « imposteur » est utilisé par une personne qui se qualifie ainsi elle-même, par une personne qui a peur de tromper les autres alors qu’elle ne le souhaite pas ; ce terme est par ailleurs en rapport avec une qualité extérieure que cette personne cherche à atteindre pour l’offrir aux autres alors qu’elle considère ne pas l’avoir. Dans ce cas l’« imposteur » se réfère au passé et met en garde ses admirateurs trop indulgents.

    Nous sommes aux antipodes de ce qui se passe en France.

    La France face à la suffisance de l’imposteur

    93318-imposteur-cotta,bWF4LTY1NXgw.jpgQuinze jours après le début de ce débat Outre-Manche, le président de la République française a déclaré, sans l’ombre d’un doute ni même d’une hésitation qu’il « continuerait » à baisser les impôts des Français en 2016… ajoutant, dans un premier temps, « si la croissance le permet ». Dans la présentation que les médias ont faite de son intervention, il n’est nulle part question d’imposture… et pourtant !

    D’abord, le président sait bien qu’il n’a pas baissé les impôts des Français, bien au contraire, il ne peut donc pas « continuer » à les baisser. Il n’a fait que réduire le nombre de ceux qui payent l’impôt au point que désormais, en France, le « consentement à l’impôt », fondement même de la démocratie, n’est plus accordé par les représentants des contribuables mais par les représentants de ceux qui ne payent pas l’impôt. On peut d’ailleurs se demander si les lois fiscales françaises, dans leur principe même, sont encore conformes à la Constitution. Ensuite, le président sait aussi que la croissance ne sera pas au rendez-vous, ni en 2015 ni en 2016. Il pourra éventuellement y faire croire en embauchant quelques fonctionnaires supplémentaires puisque le PIB est, pour faire bref, la somme de la valeur des productions vendues par le secteur privé et des dépenses engagées par le secteur public.

    Dès lors le mot « imposteur » doit ici être pris dans son autre acception – la plus courante –, celle d’une « personne qui abuse de la crédulité d’autrui par des discours mensongers » (dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey). En général, cette personne ne paraît pas souffrir d’un « syndrome ». Si syndrome il y a, c’est celui de crédulité et ce sont ses auditeurs qui en sont victimes et devraient se soigner. A l’inverse, bien souvent, ce genre d’« imposteur » est tellement sûr de lui et de l’autorité de son verbe qu’il en devient suffisant.

    Dans ce cas le terme « imposteur » concerne une personne qui ne veut surtout pas que quiconque le lui applique à elle-même car elle a pour but de tromper les autres ; ce terme est par ailleurs en rapport avec une action (réelle ou virtuelle) que cette personne cherche à vanter auprès des autres alors qu’elle sait qu’elle ne peut pas produire les résultats officiellement annoncés et attendus. Dans ce cas l’« imposteur » en appelle au futur et cherche à séduire ses « sujets » trop sceptiques, voire hostiles. •

  • Thalys : à quand le réveil européen contre l'islamisme ?

     

    Une humeur d'Alexandra Laignel-Lavastine, dans Figarovox 

    Il s'agit, en effet, d'une humeur, d'un coup de gueule, sur lequel on peut discuter. L'ensemble comme le détail nous paraissent très bien vus. On a aussi parfois l'impression de quelque démesure, mais il s'agit d'un coup de gueule. Après l'attaque terroriste contrée du Thalys, Alexandra Laignel-Lavastine estime que les autorités d'Europe ne prennent pas les mesures adéquates pour enrayer le phénomène djihadiste. Mais de quelles autorités européennes pourraient-elles bien venir ? il n'y a aucune chance que ce soit du côté des Institutions Européennes : elles sont immigrationnistes. Pourrait-il y avoir un réveil, une coordination, une conscience commune des peuples européens face à la menace djihadiste et se pourrait-il qu'alors des mesures adéquates soient enfin prises ? A notre sens, ce ne pourrait être que par les Etats, sous la pression de la menace, de son extension, de ses violences et, du coup, des opinions publiques. Ce qui n'interdirait ni aux Etats, ni aux opinions européennes de se coordonner. LFAR 

     

    Ayoub El Khazzani, le sinistre individu qui a bien failli provoquer un bain de sang dans le Thalys Amsterdam-Paris ce vendredi 21 août — n'eût été le courage de trois jeunes Américains, dont deux militaires chevronnés —, fêtera ses 26 ans le 3 septembre. Encore « un enfant perdu du djihad » victime du racisme, de l'exclusion et de l'islamophobie ?

    Probable. D'ici quelques jours, il est à parier que nous verrons fleurir quelques fines « analyses » de ce genre. Dans l'effrayant climat de déni bien-pensant qui continue d'entourer l'ampleur du danger islamiste en Europe — car c'est un fait, l'ennemi est désormais intérieur autant qu'extérieur —, rappelons en effet que la plupart de nos journaux se complaisaient, il y a encore un an, à reprendre en chœur cet euphémisme rassurant. Pieuse sidération. Un « enfant perdu », c'est mignon, cela suscite la bienveillance et la compassion. Et l'endormissement des consciences au passage, de quoi prolonger l'interminable sieste européenne. Du reste, un grand quotidien a choisi de traiter ce « fait divers » (?) en « société » et non dans ses pages internationales. Comme si nous n'avions pas affaire à un fléau désormais planétaire ; comme si Ayoub El Khazzani ne revenait pas de Syrie ; comme si quelque 10 000 jeunes musulmans d'Europe n'étaient pas désormais concernés par le djihadisme ; et comme si leurs mentors leur conseillaient à leur retour d'aller à la plage (encore que depuis la tuerie de Sousse…), au lieu de commettre des attentats contre un Occident honni et mécréant — aurait-on déjà oublié le décapité de l'Isère de la fin juin ?

    Et dans une semaine? On ne voit aucune raison pour que nos belles âmes n'accordent pas le statut de « victime » à ce terroriste-là aussi, muni d'une kalachnikov, de neuf chargeurs bien garnis, d'un pistolet automatique Luger, d'un chargeur neuf mm et d'un cutter, un fanatique prêt, autrement dit, à assassiner des centaines de passagers. Une « victime » ? Cela ne fera aucun doute puisque l'homme, un ressortissant marocain doté d'une carte de séjour lui permettant de se déplacer librement en Europe, appartient à la catégorie « damné-de-la-terre », humilié par une Europe intrinsèquement coupable et post-coloniale. Ne demandons plus à nos bigots « progressistes » et définitivement aveugles — ceux que certains intellectuels d'origine musulmane laïcs et démocrates n'hésitent plus à qualifier de « collabos face aux islamistes » —, d'entrouvrir un œil et de mettre leur montre à l'heure. Plus leur sens moral se perd, plus leur catéchisme binaire se révèle obsolète, plus ils s'y enferrent. Leur cas est désespéré, mais leur capacité de nuisance intacte. On l'a vu au lendemain des tueries de janvier 2015 à Paris : voilà déjà que quelques semaines plus tard, il ne s'agissait déjà plus de combattre l'islamisme radical, mais le « laïcisme radical » (Todd) ou encore, sur Médiapart, « le triomphe du Parti de l'ordre » (le plan Vigipirate…). Car, cela va de soi, les bourreaux étaient en vérité les victimes (des discriminations et de la haine des Noirs et des Arabes) et les victimes de Charlie ou de la supérette casher des bourreaux : les premiers avaient offusqué les musulmans avec leurs caricatures du Prophète et les Juifs faisant leurs courses un vendredi après-midi devaient être les suppôts d'un Etat « nazi », à savoir Israël…

    C'est dire si la maladie française et européenne est profonde. À se demander si elle n'est pas devenue incurable.

    En outre, est-on bien certain que les droits de l'homme auront été respectés dans ce que l'on appellera bientôt « l'affaire du Thalys » — la menace terroriste la plus grave à laquelle l'Europe fait face depuis le 11 septembre 2001, selon Europol —, comme on parle désormais de « l'affaire Merah » pour désigner (et banaliser) un massacre d'enfants juifs ? À la réflexion, se précipiter sur le terroriste afin de le neutraliser et même, pour ce faire, le rouer de coups et le mettre torse nu comme à Abou Graib, n'est-ce pas extrêmement vilain ? Circonstance aggravante : c'est pour l'essentiel à deux jeunes soldats américains hyper-entraînés, au sang-froid remarquable, que l'on doit d'avoir évité un carnage étant donné la persistante nullité des services de sécurité européens. A-t-on par ailleurs conscience de l'extraordinaire professionnalisme requis pour immobiliser un homme surarmé dans un wagon bondé ? Mais non. Les Américains, on les connaît. Et de surcroît, ces deux-là revenaient d'Afghanistan: des « impérialistes » donc, des « terroristes » selon le livre de Noam Chomsky qui s'étale dans toutes nos librairies et, bien entendu, d'abominables « racistes ». Les mêmes âmes vertueuses qui, au mois de mai, s'insurgeaient contre la loi sur le Renseignement enfin votée par les députés français — une loi naturellement « liberticide » —, se pencheront à n'en pas douter, confortablement installés dans leur fauteuil et leur lâcheté, sur cette grave question.

    Enfin, mais là inutile de parier tant la chose est courue d'avance, nous verrons ressurgir d'ici quelques jours l'inénarrable « loup solitaire » faute d'être capable d'appeler un chat un chat. Cette notion totalement absurde, nous lui vouons une affection toute particulière. Absurde, car si les nouveaux barbares peuvent passer à l'acte individuellement, ils y sont incités par leurs mentors tueurs et violeurs de masse de Syrie ou d'Irak, sans parler de la meute enragée qui se trouve de l'autre côté de leur écran. Qu'à cela ne tienne, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, qui semble particulièrement mal conseillé, nous l'avait ressorti lors de la tuerie perpétrée par Mehdi Nemmouche au Musée juif de Bruxelles en mai 2014 (quatre morts). Il faudra attendre le mois de novembre et la découverte tardive de Daech (L'Etat islamique) après la trêve estivale, pour que le premier flic de France se résigne enfin à parler « de terrorisme en libre accès sur Internet »… On aurait alors pu espérer que le « loup solitaire » allait définitivement rentrer dans sa tanière pour ne plus jamais pointer son museau. On avait tort : il a fait un retour triomphal sur les écrans de iTV comme de BMF TV à la fin juin 2015, après les crimes islamistes de l'Isère et de Tunisie.

    Il est vrai que notre ministre de l'Intérieur n'en rate pas une. Au lendemain de la tuerie antisémite de Bruxelles, il avait ainsi déclaré — sans rire —, que le salafiste français de 29 ans avait été « neutralisé dès son retour en France ». À moins que Marseille (où il fut arrêté à la descente d'un bus) ne se soit miraculeusement transplanté, pour l'occasion, sur la frontière franco-belge… Cette fois, le voilà qui nous explique, toute honte bue, que le tueur du Thalys, un ressortissant marocain, avait été signalé par les autorités espagnoles (qui l'avaient repéré pour « des discours durs légitimant le djihad dans des mosquées d'Algesiras ») aux services de renseignement français en février 2014. Que depuis, la DGSI avait émis une fiche « S » à son encontre « afin de pouvoir le repérer dans le cas de son éventuelle venue sur le territoire national ». Très drôle. Une source de l'antiterrorisme espagnol a en effet déclaré à l'AFP que l'islamiste avait déménagé dans l'Hexagone après mars 2014, et après avoir quitté l'Espagne (où il résidait depuis sept ans et où il était également connu pour trafic de drogues). Mais respect des « droits humains » oblige, on l'avait gardé parmi nous. À ce stade, Madrid prévient Paris, mais l'individu n'est pas localisé. Encore un exploit. Le 10 mai dernier, c'est cette fois au tour des services allemands d'alerter leurs homologues français sur le fait qu'El Khazzani, qui se promenait entre temps en Belgique, était sur le point de quitter Berlin pour s'envoler vers Istanbul. Il ne sera toujours pas arrêté. Si ce tableau reste encore flou, une source de l'antiterrorisme espagnol affirme c'est une fois en France que ce terroriste fiché « S » (pour Sûreté de l'Etat) est parti faire le djihad en Syrie avant de rentrer tout aussi tranquillement dans l'Hexagone. Sans être inquiété.

    Le ministre de l'Intérieur se sent-il vaguement concerné ? Aurait-il la conscience un peu lourde ? A-t-il songé à remettre sa démission au chef du gouvernement ? Après autant de bourdes, ce serait pourtant la moindre des choses.

    Comment comprendre une telle faillite de la part de nos services ? « Nous ne laisserons plus rien passer », proclamaient à l'envi nos responsables politiques après Charlie en même temps qu'ils annonçaient toute une série de mesures, dont une coopération renforcée entre services européens et une surveillance renforcée  des milieux fondamentalistes. Des mesures dont on se demandait par quelle aberration elles n'avaient pas été prises depuis belle lurette… Et à quoi bon un plan Vigipirate et des milliers de militaires français déployés sur le territoire national si c'est pour refuser de placer des portiques de sécurité et des agents bien formés à l'entrée des trains, des métros, des lieux publics, des salles de spectacles, des musées ? Car oui, nous en sommes là, il serait grand temps d'avoir le courage de le dire et de se le dire calmement à nous-mêmes. Et il faut n'avoir jamais vu des victimes déchiquetées par une bombe pour estimer que ce type de désagrément serait tout à fait intolérable aux Européens gâtés par le sort que nous sommes. De fait, notre ministre, décidément farceur, a choisi de mettre en place un numéro vert pour « signaler les situations anormales » sur notre réseau ferroviaire — on croit rêver.

    Mais ce n'est pas tout. Car à quoi bon des soldats patrouillant dans nos rues et nos gares quand on sait qu'ils ne disposent que d'un fusil d'assaut, leur Famas, dont l'usage est rigoureusement impossible sans risquer d'atteindre au passage des dizaines de civils, que ce soit dans les couloirs du métro, dans une gare ou sur la promenade des Anglais à Nice ? Ce dispositif est dissuasif, rien de plus. Y compris à son niveau le plus écarlate. Et l'irresponsabilité de nos dirigeants patente. Il est temps de mettre les pieds dans le plat, d'autant qu'il s'agit là d'un secret de Polichinelle et que les terroristes, eux, n'en ignorent rien. Sait-on par ailleurs que ces mêmes soldats républicains ne cessent de réclamer à leur hiérarchie des armes de poing pour pouvoir défendre comme il conviendrait leurs concitoyens en cas d'attaque et neutraliser les éventuels agresseurs ? En vain. Trop cher, paraît-il. La France n'aurait pas le budget. Seuls ceux qui se lient d'amitié avec l'armurier de leur régiment parviennent, plus ou moins en douce, à se procurer, avec la complicité de celui-ci, un pistolet de façon à répliquer, le cas échéant, de façon efficace et adaptée.

    Sait-on enfin que si un islamiste armé d'un cutter ou d'un couteau se précipite pour s'attaquer à l'un de nos jeunes militaires, garçon ou fille — cela est plusieurs fois arrivé —, son binôme est tenu de répliquer de manière « proportionnée» . Il est autrement dit censé courir vers son camarade pour s'en prendre à l'agresseur… à l'arme blanche ! Problème : il y a de fortes chances pour que son collègue soit déjà à terre, la gorge tranchée. Qu'attend au juste le ministère de la Défense pour réviser ce protocole scandaleusement daté et hors de saison ? Une mutinerie ? On se perd en conjectures. Et pour le reste, rendez-vous à la prochaine tuerie ?

    Se pourrait-il qu'après ce nouvel attentat du Thalys, déjoué de justesse à l'instar de dizaines d'autres en France depuis janvier 2015, les gouvernements européens envisagent enfin de se rendre au réel et de sortir de leur somnambulisme ? Pour l'heure, ils ne se lassent manifestement pas d'avoir un train de retard. Enfin si l'on ose dire désormais…   

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    Alexandra Laignel-Lavastine, philosophe et historienne, a publié en mai 2015 La Pensée égarée. Islamisme, populisme, antisémitisme: essai sur les penchants suicidaires de l'Europe (Grasset, 220 pages, 18 €).