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Actualité France - Page 395

  • Réforme de l'orthographe : « Les lois naturelles et la longue mémoire transmises par la famille voila l'Ennemi » !

     

    Par Richard Portier

    Une pertinente analyse reçue dans les Commentaires sur Lafautearousseau

    Les raisons de l'activation du projet de réforme de l'orthographe sont multiples. Celle que cite Olivier Maicas est bien réelle : le projet "républicain" depuis les Pères spirituels de la Révolution est de soustraire les enfants a l'influence de leurs parents en la remplaçant par « l'éducation républicaine » (un « formatage » serait plus vrai) dispensée a l'école et maintenant complétée par la doxa médiatique assénée à répétition. Dans la termitière parfaite rêvée par les utopistes, à peine « humanisée » par rapport a son modèle animal, les lois naturelles et la longue mémoire transmises par la famille voila l'Ennemi .

    Mais cette raison n'est pas la seule : dans son très remarquable « Décomposition Française » (Ne mourez pas idiot : achetez-le, vite !) Malika Sorel-Sutter raconte (pp 214-215) : Alain Viala, Président de la commission chargée en 2000 de réformer les programmes d'enseignement du Français, reconnaît en 2005 que « la modification des programmes était guidée par le fait que l'arrivée des nouveaux publics, autrement dit d'adolescents venant de milieux ne leur permettant pas d'avoir une maitrise suffisante, l'exigeait. C'est pour cette même raison qu'a été modifié le travail sur la langue - vocabulaire et grammaire : travail à mener dés le primaire et au collège et a poursuivre au lycée ». Déclaration faite à Marcel Gauchet dans un ouvrage intitulé :« Programmes : Comment enseigner le Français. Former la personne et le citoyen ». Titre qui est lui-même tout un programme, clairement... Et l'excellente Malika de commenter : « La langue, la littérature au travers de l'imaginaire qu'elles construisent (je me permets d'ajouter : « et de la mémoire qu'elles véhiculent ») sont les vecteurs de l'identité. Il est illusoire d'imaginer que, en aval d'un tel programme d'adaptation, faire peuple, faire nation, tous ensemble, puisse encore être possible ».

    L'immigration nous a amené Najat mais aussi Malika. La différence entre les deux : l'une aime la France, et l'autre pas. 

  • Candide à Sciences-Po

     

    PAR GÉRARD HANNEZO*

    Voici un dialogue voltairien, petit bijou d'esprit et de style, d'ironie et de sagesse satirique qui en dit plus long sur les mœurs politiques et la situation présente, que de longs exposés savants ... LFAR

     

    Candide : Est-il vrai que de grands changements se sont produits en politique ?

    Pangloss : Énormes !

    C. : Où ?

    P: On a signé un accord, pour donner des milliards à une Grèce mise sous contrôle.

    C.: Pourquoi faire ?

    P.: Pour faire comme avant.

    C.: Mais M. Tsipras a pris des engagements : la TVA sera doublée...
    P.: Aucune importance. Personne ne la paie et tout se règlera comme avant, sans facture.

    C.: Et la privatisation des biens publics sous le contrôle d'un fonds officiel ?

    P.: Les directeurs grecs de ce fonds ont été changés tous les ans, car ils étaient achetés chaque année par les investisseurs.

    C.: Il suffira de baser le nouveau fonds au Luxembourg

    P.: Impossible. La fierté grecque en serait atteinte. Le nouveau fonds sera géré à Athènes, comme avant.

    C.: Et les retraites ?

    P. : Elles resteront au niveau des retraites françaises.

    C.: Ce n'est que justice !

    P. : Égalité d'abord ! La logique sera pour plus tard.

    C.: Et les armateurs ?

    P: La Constitution stipule que les armateurs resteront exemptés d'impôts.

    C. : Pourquoi ?

    P.: Les armateurs créent des emplois

    C. : Où ?

    P : En mer !

    C : Et l'Église orthodoxe ?

    P. : Intouchable : elle joue le rôle de notre Sécurité sociale, les Grecs y sont très attachés. Vous ne voudriez tout de même pas qu'on touche à la Sécurité sociale ?

    C.: Et l'utilisation du cadastre pour recouvrir l'impôt foncier ?

    P. : Imminente depuis 1840.

    C.: C'est donc pour bientôt...

     

    C.: Les changements sont-ils plus visibles en France ?

    P. : Énormes changements, l'extrême-droite fait maintenant des scores de vingt-cinq pour cent, alors que les socialistes et les Républicains ne dépassent pas vingt pour cent chacun.

    C.: Quel chambardement !

    P.: Aucun, puisque la loi électorale empêche le Front National d'être représenté.

    C.: Mais les hommes en place ont entendu la volonté populaire...

    P.: Oui, mais ce n'est pas le moment de réaliser les promesses de maîtrise migratoire du candidat Hollande.

    C.: Des « quotas d'immigration » ?

    P.. : Vous nommez trop directement les choses. En France, un problème dont on ne parle pas est un problème plus qu'à moitié résolu.

    C.: Alors quand ?

    R.: Au moment voulu.

    C.: C'est-à-dire ?

    P.: Quand on aura des terroristes à Paris.

    C. : Alors maintenant ? Ils sont venus visiter le Bataclan...

    P: Non. Il faut attendre. Les terroristes ne sont pas encore place de l'Étoile.,

    C.: Que fera alors le Pouvoir ?

    P.: Il appellera au calme républicain et annoncera la mise en place d'une cellule de crise.

    C.: Pourquoi faire ?

    R: Pour étudier l'hypothèse des « quotas d'immigration »...

     

     

    C.: Et que penser des efforts de libéralisation de l'économie ?

    P: La loi du socialiste Macron veut faire ce que voudrait faire un gouvernement de droite.

    C.: Les députés de droite la soutiennent, évidemment ?

    P.: Évidemment non !

    C.: Je ne comprends rien au jeu parlementaire.

    R: Sachez qu'à droite, on attend d'être parvenu au pouvoir pour faire ce que fait l'actuel président de gauche.

    C.: Le président actuel n'est donc plus socialiste ?

    P.: Si. Il dit l'être plus que jamais.

    C.: Je ne comprends rien à la politique.

    Pangloss: Retournez à Sciences-Po, où les candidats de Seine-Saint-Denis rentrent d'ailleurs sur concours spécial.

    Candide : L'avenir est assuré. 

     

    * Ingénieur chimiste, Gérard Hannezo a exercé des activités d'ingénieur d'affaires international, montant des projets industriels en Afrique, notamment en Algérie. Expert à l'ONUDI, structure de l'ONU pour le développement industriel, il fait bénéficier de son expérience une association franco-africaine vouée au codéveloppement, l'AFACO. Il a exposé ses projets dans la Nouvelle Revue universelle n°40. Comme on va le voir ici, il se livre aussi à de tout autres exercices.

    Repris de la Nouvelle Revue universelle n°42 - Automne 2015 - S'abonner !

  • Éric Zemmour : « Nos agriculteurs n'ont même pas l'élégance de mourir en silence »

     

    Il est indéniable que les paysans français sont largement responsables de leur situation actuelle. Ils n'ont pas su mesurer les risques et les conséquences à long terme du processus dans lequel ils ont été et se sont engagés, depuis déjà bien longtemps. Ils ont vécu des drogues de l'assistanat et de la manne des aides et des subventions. Elles leur ont tenu lieu de politique. Ils n'ont pas su en définir une, originale et forte, qui les eût tiré du piège de la mondialisation et de la concurrence sans limite des moins-disants planétaires. Les Pouvoirs-Publics y gagnaient la tranquillité, la paix sociale, la conformité aux plans européens de soumission de nos agricultures à la libre-concurrence mondiale, comme dogme absolu. Ils en paient, eux aussi, aujourd'hui, les conséquences. Mais par delà le sort des agriculteurs français eux-mêmes, se profile pour nous le constat d'une terrible perte de substance et de qualité pour la société française tout entière et, comme on dit aujourd'hui, son modèle civilisationnel. Sans compter le coût économique des emplois perdus ou non remplis, en très grands nombre, des divers abandons d'activité, et des importations qui sont et deviendront de plus en plus considérables. Zemmour suggère ici, à l'inverse de ces politiques suicidaires, que l'agriculture française ne pourra se sauver, puis, progressivement, reconstituer sa force, qu'en menant une politique de production de haute qualité, inverse de celle des marchés mondialisés, et en exigeant de l'Etat la mise en œuvre d'une politique de normalisation qui imposerait aux grands acheteurs français de produits agricoles, publics ou privés, et aux institutions consommatrices, de strictes règles d'achat. Est-ce impossible ? Nous ne le croyons pas. Sauf absence persistante de toute volonté politique. C'est à peu près ce qu'en termes ironiques, Eric Zemmour nous semble préconiser dans cette chronique.  LFAR  •  

     

     

     

    Le résumé de RTL 

    La colère des agriculteurs ne faiblit pas, affolant le gouvernement, qui s’efforce de réagir. Pour l'instant en vain. "C’est de leur faute. Pas assez gros, pas assez compétitifs, pas assez intégrés. Mal positionnés, mal organisés, mal mondialisés. Les agriculteurs français ont tout faux. Les agriculteurs français sont mauvais. Les agriculteurs français n’ont que ce qu’ils méritent. Ils croulent sous les dettes, ils liquident, ils se suicident. Et ils n’ont même pas l'élégance de mourir en silence !". C'est ainsi qu'Éric Zemmour relaie les admonestations entendues à l'encontre du monde paysan. "Ils n'ont pas compris que la concurrence est saine, qu’il est bon de mettre en rivalité des agriculteurs français avec les latifundia brésiliennes qui emploient des ouvriers misérables ou avec des immenses exploitations nord-américaines où il n’y a pas un homme à perte de vue", dit-il ironiquement. "Heureusement, les technocrates de Bruxelles, eux, savent ce qui est bon pour eux et pour nous", lâche-t-il sur le ton acide de la plaisanterie.

    "Ces ringards n’apprécient pas non plus la sagesse de la diplomatie française qui a sanctionné la Russie pour son attitude en Ukraine, mais n’avait pas prévu que les Russes se vengeraient sur notre lait ou sur notre porc ?", poursuit-il. "Les agriculteurs français semblent même exaspérer leur ministre Stéphane Le Foll. Fatiguer un ministre comme ça, c’est vraiment impardonnable", conclut-il de manière caustique.

  • La reform de Najatte

     

    par Yves Morel

    Il n'a pas dû être si commode d'écrire cette savoureuse et démonstrative chronique. Pas plus qu'il n'est aisé de la lire ! Et, tous comptes-faits, elle nous donne à penser qu'il sera bien plus difficile de réformer l'orthographe que de l'apprendre. Sauf orthographe purement anarchique et individuelle qui aura pour résultat qu'on ne pourra plus ni se lire ni se comprendre. L'incommunicabilité nous guette !   LFAR

     

    Saluon la courajeuze inissitiav de Mme Vallaudbelkassèm de relanser la réform de l’ortografe mise au poin en 1990 par le Comité supérieur de la langue française (CSLF) présidé par Michel Rocard, alor premiéministre. A vrè dir, il étè plus que temps de si mettre, tant notre lang est d’une difficulté aussi désespérante qu’inutil et ridicul. Pensé donc ! On écrit tradissionellemen « oignon » un mot qui, pourtan, se prononse « ognon », ou mieu encor, « onion ». Et « nénuphar » un mot qui se prononse pourtant « nénufar ». Sans parler de tous ces traits d’union qui n’ont été inventés que pour tendre des embuches à des générations de maleureux élèves et de braves et onètes adultes amenés à écrir à leur famille, à leur bienèmé (qui se mok gentiment de leurs fôtes quand elle è instruite) ou aux servisses publics ou sociô. Je vous demande un peu : à quoi cela rim-t-il d’écrire « porte-monnaie » alors kon pourrè toutaussibien écrir « portemonnaie » (ou, mieu encor, « portemonè ») ? Et pourquoi, dite-le-moi, som-nous obligé d’écrir « rendez-vous » avec un trèdunion, alors qu’il n’y en a pas à « compte rendu » ou « parti pris » ? Si ce n’è pas pour le plèsir sadic de mortifié, d’humilié les jans en leur tendan des pièges, alor keskecè ? Bienvenu donk aux « extraterrestres » avec lékel on poura fèr des « picnics » sans craindr kil zen profite pour nous dérobé notre « portemonnaie ».

    Et ces accents circonflexes qui ne servent à rien, sinon à fer comètre des fôtes qui ne devrè pas être considérés comtel puisk l’absens de ces accents ne change rien à la prononsiation du mot : pourquoi sobstiné à écrir « paraître » quand on peut écrir « paraitre » ? Et pui, ils sont mal plassés, ces accents, ils ne corresponde pas toujours à la prononsiation courante des mots. Prenon quelques exemples : on doi écrir « réglementaire », alors kon prononse souvent « règlementaire », ce qui ne devrè pa être considéré comme une erreur, puisqu’on écri et prononse « règlement », et non « réglement ». Demêm, ces foutus règles d’ortografe nous oblige à écrir « événement » alor que, biensouvan, on prononse « évènement ».

    On nou di que 2400 mots de la lang fransèse vont ètre affectés par sette réforme. Mais ce n’est la kune mesurette ; enfète, c’est toute la lang kil faut modifié, tout le vocabulère, la gramère, la conjuguèson, la sintaxe et le reste (sil y a un reste dailleur).

    En vérité, le seul reproche kon puisse légitimeman adressé cette réforme, c’est d’être timoré, trô timide. Ainsi, on nous anonse que l’accent circonflexe sera mintenu pour distingué deux mots qui ont la mêm prononsiation, mais des sens différents : « mur », « mûr » et  « mûre », ou encore « du » et « dû ». Mais, je vous demande un peu : èce vrèment indispensable ? Kan je dis ou j’écris qu’à la belle sèson, j’ème me promener à la campagne et i keuillir des murs, tout le monde compren keu je parle de fruis, et non des murs d’une clôture ou d’une ferme ; et, si je lisè, dans un manuel d’instrucsion sivic, que l’impôt est du par tous les sitoillins, je comprendrè que ce du est le partissip passé du verbe devoir, et non l’article du ; sa tomb soulsens.

    Réformon donc ardiment notre ortografe, avec courage et confianse dans l’avenir (qui, au regard du présent, ne poura être que radieux). Mais attention ne feusons pas nimportekoua. Il n’est pas question d’alinier l’ortografe sur la fonétik, pureman et simpleman. Non ! Cela signerait la fin de notre lang, et ce n’est pas le but recherché loin de là. Il sajit de savoir évoluer pour s’adapter, en un monde qui se modifie sans cesse, avec intelligence et pragmatism, et dans le respè de l’étimologie des mots. C’est Mme Mari-Elène Drivaud, lexicografe et directrisse éditoriale du dicsionère Robert, ki le di.

    Ainsi, on n’écrira plus nénuphar, mais nénufar, car, ce mot est d’origine arabe, et  « le ph est d’origine grecque, il n’avait donc rien à faire là » (dixit [oh ! pardon pour le latin] Mme Drivaud). En revanche, toujour selon Mme Drivaud, on devra continuer à écrire nymphéa(s) parce que ce mot est, lui, d’origine grecque. Respectons l’istoire, la sivilisation, et donc l’étimologie, diantre !

    Respectons donc l’étimologie, mais sans superstission paralisante pour l’istoire et les origines de notre lang. Ainsi, sil est bon de savoir que le mot sociologie a été formé au XIXè siècle (par Auguste Comte) à partir des mots socius (latin) et logos (grec), pourquoi sobstiné à s’initié au latin ou au grec ancien ? Nous ne sommes pas des Romains ou des Grecs, tout de même, ni des clercs du Moillen-Age ; dailleur, mêm les curés ne célèbrent plu la messe en latin depuis une cinquantaine d’années. Najatte a bien fè de vouloir fèr passé définitiveman les humanités à la trape. Avec la réactivation de cette réforme de l’ortografe, elle parachève le travail éducatif ki fera des jeunes Fransès, des homs et des fames libres, sains de cor et d’esprit dans un monde nouvau kil nou faut préparé pour le plu gran bonheur de nos enfans. 

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle

  • Anniversaire : Le Ralliement, erreur mortelle

     

    Le 16 février 1892, il y a 124 ans aujourd'hui, le pape Léon XIII publiait l'encyclique Inter innumeras sollicitudines par laquelle il imposait aux catholiques français, avec tout le poids de son autorité et l'insistance qu'elle lui autorisait, le Ralliement à la République. Les conséquences de cette politique, car c'en était une, ont été immenses et se sont étendues non seulement à la situation française mais aussi européenne. On peut imaginer assez aisément que le cours de l'Histoire eût été différent si cette décision papale n'avait pas été prise. Le Ralliement a évidemment conforté une République dont la légitimité était encore incertaine, affaibli la réaction des catholiques - pourtant majoritaires - à toutes ses entreprises négatives, rendu plus difficiles et aléatoires les projets encore actuels de restauration monarchique, et introduit dans l'Eglise de France les courants dits modernistes qui allaient plus tard contribuer à son déclin. Pour la première fois, enfin, fût-ce par tactique, l'Eglise catholique et avec elle les forces de la Tradition qui lui ont obéi, s'inclinaient devant l'esprit et les œuvres de la Révolution. Peut-être est-ce là un des événements majeurs qui ont marqué le XXe siècle et dont le retentissement politique et social se prolonge jusqu'à nous. C'est pourquoi nous avons décidé de l'évoquer ici, reprenant ce qu'en dit notre éphéméride du jour.  LFAR

     

    Le souhait de Léon XIII n'était évidemment pas de se rallier lui-même - ni de pousser les catholiques français à se rallier aux idéaux révolutionnaires en tant que tels. Il s'agissait simplement, dans l'esprit du pape, après l'échec de la restauration monarchique en France, et alors que la jeune république se montrait très agressive envers le catholicisme, de renoncer à une opposition systématique au régime en place, et même d'accepter la Constitution pour combattre « par tous les moyens honnêtes et légaux » les lois anti-chrétiennes, en pesant de tout leur poids sur les nouvelles institutions.  

    Le pape - ingénument - pensait que, les catholiques étant majoritaires en France, cela suffirait à leur faire gagner les élections, et donc à diriger ou - si l'on peut dire - cornaquer les gouvernements : « Accepter la constitution, fait accompli, mais pas la législation, fait réformable, et pour cela, par les élections sous étiquette républicaine, s'insérer dans le régime républicain et y faire de bonnes lois. » disait le pape.

    Trois mois après l'encyclique, le Pape s'adressait aux cardinaux français : « Acceptez la République, c'est-à-dire le pouvoir constitué... respectez-le, soyez-lui soumis, comme représentant le pouvoir venu de Dieu... Inutile de rappeler que tous les individus sont tenus d'accepter ces gouvernements et de ne rien tenter pour les renverser ou pour en changer la forme.»

    S'adressant au Baron de Montagnac, qui refusait le Ralliement, Léon XIII s'exclama : « Faites-vous républicain d'une bonne république. Vous comprenez ? Je veux que tous les catholiques entrent, comme une cohue dans la République...Les traditions doivent céder pour un moment... vous les retrouverez après l'œuvre accomplie...  il faut abandonner les traditions pour le moment, un petit moment seulement.»

    Le pape avait simplement oublié les paroles de Saint Cyprien, au IIIème siècle : « Il existe un mal pire et plus meurtrier que la persécution, c'est l'empoisonnement perfide de la mentalité. » 

    Sa vision, purement théorique, était une grave erreur au plan des principes, comme au plan de la tactique : descendre sur le terrain de l'adversaire en utilisant sa doctrine et ses pratiques, cela relevait d'un angélisme profond, qui, pour être sincère, n'en témoignait pas moins d'une incompréhension fondamentale de ce qu'était la république idéologique française, fondée sur les dogmes de la Révolution : cette république, cette Révolution, ces dogmes étaient - et restent - une nouvelle religion, dont le but premier et essentiel est de remplacer l'autre, la chrétienne, la traditionnelle, et de la détruire, par tous les moyens; en détruisant également toutes les racines historiques et culturelles d'un pays millénaire, l'expression "l'an 1 de la République" étant - à cet égard - parfaitement révélatrice de cette nouvelle France, de cette nouvelle société que la république idéologique - comme l'a si justement dit Jules Ferry - voulait bâtir "sans roi et sans dieu".  

    Méconnaître cette haine destructrice et cette volonté farouche d'effacer tout ce qui a fait une Nation pendant mille ans - y compris et surtout ses racines catholiques - témoignait d'une incompréhension politique dramatique à ce niveau. La rupture avec un siècle d'opposition aux thèses révolutionnaires était brutale, et l'Eglise renonçait à combattre son ennemi mortel : le Ralliement fut à la fois un stupéfiant marché de dupes - comme les choses devaient très vite le montrer - et une non moins stupéfiante capitulation idéologique en rase campagne, pourrait-on dire... 

    Le cardinal français Pitra, qui s'opposait fermement à cette rupture dans la politique vaticane, se vit réprimander par Léon XIII lors d'une audience très pénible de trois quart d'heure, durant laquelle, debout et tête nue, il reçut les plus aigres reproches d'un Léon XIII en l'occurrence fort peu compréhensif. Le cardinal accepta, par obéissance, de ne plus s'opposer au pape, et se retira dans une abbaye, où il mourut en 1889, soit trois ans avant la publication de l'encyclique : il se contenta de déclarer « Hora est potestas tenebrarum », reprenant les paroles du Christ à ceux qui venaient l'arrêter (citées par Luc - 22) : « Haec est hora vestra et potestas tenebrarum » (C'est ici votre heure et la puissance des ténèbres). 

    Le Ralliement fut peu suivi par les catholiques français, à de rares exceptions près, notamment celle de ce grand royaliste social que fut le comte Albert de Mun - qui ne tarda pas à le regretter amèrement. Mais, comme le note Michel Mourre", « se heurtant à la majorité des catholiques et du clergé français... c'est cependant dans la ligne du ralliement que put commencer à se développer, au début du XXème siècle, le mouvement de démocratie chrétienne.» 

    Et, surtout, 34 ans après, les sanctions vaticanes contre l'Action française orientèrent définitivement la structure et la mentalité même de l'Eglise-institution, en la vassalisant au pouvoir républicain, qu'elle reconnaissait, de fait, comme la norme suprême, le cadre obligé dans lequel toute organisation - y compris elle-même, l'Eglise - devait agir; mais à la condition de reconnaître les lois et règles de la république idéologique comme la loi et la norme supérieure, s'imposant à tous. Et bien sûr, a fortiori, en s'interdisant de les combattre en tant que tels.  

    C'est à ce marché de dupe, à cette capitulation en rase campagne qu'il faut sans cesse revenir; et à partir desquels on peut marquer, dater l'origine profonde et essentielle des destructions méthodiques et continues de tout ce qui faisait l'essence même de la société française.   

    • Sur les rapports entre l'Eglise et la République idéologique française, voir notre éphéméride du 18 novembre - sur le "toast d'Alger", qui préparait les esprits à ce "ralliement";

    • Sur les rapports entre l'Eglise et l'Action française, voir notre éphéméride du 29 décembre, sur les sanctions vaticanes contre l'Action française, et notre éphéméride du 10 juillet, sur la levée de ces sanctions par Pie XII.
  • État, patrie, nation

     

    par Hilaire de Crémiers

     

    157e493dd19d0d2ee135205f081739f9_Hilaire.jpgLe réel revient au grand galop. Nos politiques y sont confrontés : patrie, nation, frontières, État, voilà à quoi se rattachent les peuples.

    L’état d’urgence, décrété par François Hollande après les attentats du 13 novembre en application de la loi du 3 avril 1955, a été voté une première fois par le Parlement les 19 et 20 novembre 2015 à une quasi unanimité pour une prolongation de trois mois, soit jusqu’au 26 février 2016. Le gouvernement, au regard de la situation, se voit dans l’obligation en ce début février d’en demander encore la prorogation jusqu’à la fin mai. Il pense qu’il pourra, à ce moment là, utiliser, le cas échéant, la nouvelle règle constitutionnelle en préparation qui lui évitera les éternelles discussions de la vie démocratique. Christiane Taubira qui était opposée à cette réforme, a démissionné le 27 janvier, laissant le ministère de la Justice à Jean-Jacques Urvoas qui, lui, était déjà totalement impliqué dans la rédaction de la nouvelle loi. C’était une question de cohérence.

    L’état d’urgence

    On s’en souvient : François Hollande, lors de son discours à Versailles devant le Congrès, avait annoncé sa décision de constitutionnaliser l’état d’urgence pour en faire une arme permanente à la disposition des pouvoirs publics.

    Pour faire bonne mesure et obtenir l’approbation nécessaire de la droite à une telle réforme constitutionnelle qui exige l’accord des 3/5e du Congrès, François Hollande avait cru bon de joindre au texte concernant l’état d’urgence, un autre qui visait la déchéance de nationalité des binationaux convaincus de crime terroriste ou, selon l’expression du projet de loi aussi étrange qu’inconnue en droit pénal, « constituant une atteinte grave à la vie de la nation ». Crime ou délit, a-t-il été précisé, ce qui étend le champ des applications de la loi.

    Ce faisant, Hollande pensait se rallier une large et suffisante majorité de parlementaires et se gagner l’opinion des Français, acquis dans leur ensemble à ces deux mesures.

    Et voilà que tout se complique. Sa gauche se rebiffe une fois de plus. Taubira en sera l’égérie ! Elle l’annonce. Les magistrats et les robins de tous états font entendre un sourd grondement de protestation, car l’autorité judiciaire, à les entendre, serait bafouée dans ses prérogatives : n’est-elle pas constitutionnellement la gardienne de la liberté individuelle ? La Ligue des droits de l’Homme, le Conseil de l’Europe, l’Onu elle-même signifient leur inquiétude.

    Le problème de la déchéance de nationalité

    Enfin, des gens fort sérieux, de droite comme de gauche, ont fait savoir publiquement leur désaccord. à quoi sert l’état d’urgence, disent les uns ; il y a un arsenal de lois suffisant pour réprimer le terrorisme, sans qu’il soit besoin d’installer le pays dans un état permanent d’effervescence.

    Quant à la déchéance de nationalité, disent les autres et quelquefois les mêmes, en ne visant que les binationaux, elle créerait une discrimination inutile entre les Français selon leur origine ; elle n’aurait aucun effet dissuasif sur des criminels décidés à passer à l’acte ; et elle mettrait la France en porte-à-faux dans ses relations internationales.

    Les conseillers de l’Élysée et de Matignon, la commission des lois de l’Assemblée nationale, sous la présidence d’Urvoas, ont donc travaillé sur une rédaction qui puisse obtenir la majorité requise. La binationalité et autres questions de citoyenneté seront ainsi renvoyées à des textes d’application. Il est question de « réhabiliter » la peine d’indignité nationale, applicable à tous les citoyens, pour assurer ainsi « l’égalité devant la loi » !

    Le président et le Premier ministre sont maintenant, tous les deux, obligés de réussir leur coup. Car, au-delà de toutes ces arguties juridiques, comment ne pas soupçonner une intention électorale en vue des élections présidentielles de 2017 ? Dans tant de débats aussi discordants que superficiels, on joue avec le droit et les mots sans se soucier de la vérité politique.

    François Hollande se met à parler de patrie, mot qui lui était parfaitement étranger, à lui comme à ses pairs. Or, à aucun moment dans ses propos, il ne la désigne sous ses traits singuliers ; il est évident qu’il ne la comprend pas, qu’il ne la sent pas ; il n’en communique ni l’amour ni le respect. La patrie pour lui, c’est équivalemment la République, une abstraction, et la République en fait, c’est sa chose à lui ; il se l’est appropriée. Valls a la même conception idéologique et totalement subjective ; il suffit de l’écouter pour savoir que dans son esprit domine une équation de la simplicité radicale d’un fondamentalisme religieux : France = République = Valls !

    Ils sont tous pareils, dans le même état d’esprit, à droite, à gauche, au centre. Lisez leur bouquin à chacun, quel qu’en soit le titre : partout le même narcissisme républicain ! L’intelligence, c’est moi ; l’action, c’est moi, l’État fort, c’est moi ; la liberté, c’est moi ; la sincérité, c’est moimoi, moi, moi ! Pas des hommes d’État, des moi, tous du même acabit.

    Patrie et nation

    Or la patrie a, d’abord, une signification charnelle : elle est la terre des pères ; elle est un sol, un territoire, un paysage, un patrimoine incorporé aux lieux aimés ; elle parle des générations qui se sont succédé, d’un art de vivre, de la religion, des mœurs et du labeur de nos familles. Bref, tout ce que la République a décidé – et encore récemment – de ne plus connaître, voire de supprimer. Et la nation dit, d’abord, la naissance : c’était vrai déjà dans les acceptions du langage courant dès le XVIe siècle. La nation, avant d’être un contrat, est un fait. Nous appartenons tous à une nation et ce caractère distinctif marque à tout jamais notre origine et, sauf exception, détermine notre avenir. Il est possible, sans doute, de changer de nationalité, de s’insérer dans une autre nation ; encore faut-il le faire en respectant cette donnée de fait qu’est la nation. Il n’est pas besoin d’évoquer Taine, Renan, Barrès, Maurras ou Péguy pour adhérer d’esprit et de cœur à ces claires certitudes, le plus beau partage qui nous soit échu et qui établit en France notre communion historique. Car l’histoire est là, prégnante.

    Le grand problème de nos dirigeants, c’est qu’il y a longtemps qu’ils ont jeté cet héritage aux orties. Ils sont internationalistes, mondialistes, européistes. En même temps qu’attachés au jacobinisme d’État le plus archaïque qui justifie leurs prébendes ! D’où leur indifférence profonde pour la paysannerie qui se meurt, pour l’artisanat de chez nous, pour tous les métiers de nos pays, pour nos industries et notre écologie vraie qui est constituée de terroirs, de clochers, de traditions, de populations qui ne sauraient être submergées par l’étranger. Vendre des Rafale et des Airbus, ça ne suffit pas !

    Leurs lois s’inscrivent toutes dans la médiocrité d’une défense républicaine et non dans l’élan d’une reconquête française. Comment dans ces conditions avoir une politique intérieure de sécurité et de justice, quand tout n’est plus que clientélisme de parti et de syndicat et quand des banlieues entières, bientôt des villes, telle Calais, sont littéralement abandonnées à cause de leur incurie ? Comment opérer les réformes nécessaires quand l’esprit public est perverti ? La réforme du travail ? Allons donc, un rapport de plus pour le vieux Badinter ! Plus gravement, comment faire la guerre, la soutenir dans la durée, s’obliger au sacrifice nécessaire, quand les moyens sont continuellement rabotés ? Comment mener une politique extérieure quand on ne sait même plus ce que sont les intérêts du pays et quand on renie l’âme de la France ? Comment enfin sauver nos finances quand plus aucune décision souveraine n’est possible qui mette à l’abri des cataclysmes à venir ?

    Leur œuvre aboutit au néant, mais ils tiennent la République et sa loi. Ils sont contents ; ils sont comme des enfants gâtés. Ce sera leur joujou jusqu’au bout.   

  • Laurent Wauquiez : « On peut parler d'une trahison des élites politiques »

     

    Dans un intéressant entretien avec Vincent Tremolet de Villers pour le Figaro [13.02], le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes reconnaît le décalage grandissant qui sépare le mouvement des idées de la vie politique française. Il plaide pour une articulation dynamique entre les apports du passé et l'esprit de conquête. Mais de quoi s'agit-il ? Reconnaissons-lui le courage des idées, à défaut, pour l'instant, de celui des actes, des réalisations. Admettons aussi la pertinence de la partie critique de son propos. Elle va loin et à l'essentiel. Mais le décalage qui sépare le mouvement des idées de la politique française la sépare aussi de ce que les maurrassiens et bien d'autres appelleront le Pays Réel. Celui-ci ne croit plus au Système. Il ne croit plus guère à la république ni à ses valeurs incessamment invoquées mais désincarnées et indéfinies. Quant à nous, on se s'étonnera pas si nous ne croyons en aucune manière que la France puisse se redresser, redevenir ce qu'elle fut, selon le vœu de Laurent Wauquiez, dans le cadre délétère du régime des partis, revenu en force, pas plus que sous un régime où le Chef de l'Etat est soumis aux basses compromissions d'une réélection quinquennale qui est, comme on l'a écrit, le poison de la vie politique française. La révolution qui s'impose pour que la France se redresse et retrouve ce qu'elle était, est d'un ordre beaucoup plus profond que ne le dit ici Laurent Wauquiez. On pourrait l'appeler révolution royale. Et comme les institutions politiques ne sont pas seules en cause mais bien la société tout entière, il devrait s'agir, selon l'expression de Pierre Boutang, d'une révolution pour restaurer l'ordre légitime et profond. Celui-là même que la postmodernité détruit.   Lafautearousseau

      

    Selon vous, dans quel état est la société française ?

    Jamais notre pays n'a été aussi mal. Il subit une crise de déconstruction multiforme que certains voudraient réduire à une crise économique. Cette crise est aussi sociale, régalienne et sociétale. Il y a un contraste terrible entre un pays qui conserve une pulsion de vie et des politiques qui avec une rage incroyable lui mettent la tête à l'envers. Nous vivons une vraie crise de civilisation. Les Français ont peur que leur pays change de nature. Pour le dire autrement, ils ne veulent pas devenir minoritaires chez eux.

    La politique pourtant fait du surplace…

    La période des géants en politique est finie. Les techniciens au petit pied ont pris la suite. Rarement les politiques dans notre histoire n'ont été aussi lâches, aveugles et inconstants. On peut parler d'une trahison des élites politiques. On s'écharpe sur la déchéance de nationalité mais on ne réfléchit pas à notre incapacité à transmettre les valeurs de la civilisation française. On débat sur la libéralisation des autocars sans s'interroger sur le décrochage d'un pays qui a déconstruit sa relation au travail. Le mouvement de reconstruction passe par deux renouvellements. L'action concrète que permet la politique locale et les valeurs fondatrices de notre civilisation. Ce que Pompidou résumait ainsi: «Les pieds sur terre, la tête dans l'horizon.»Dans son discours de réception à l'Académie, M. Finkielkraut a affirmé: « J'ai découvert que j'aimais la France le jour où j'ai compris qu'elle était mortelle.» C'est magnifique. J'ai moi-même compris pourquoi je m'engageais en politique quand j'ai réalisé que la France pouvait être mortelle. Et je refuse d'assister à cette chute passivement.

    Manuel Valls et Jean-Christophe Fromantin étaient les seuls politiques présents à la réception d'Alain Finkielkraut à l'Académie française…

    C'est une erreur. Des intellectuels comme Alain Finkielkraut nous donnent l'exemple du courage. Malgré les caricatures, il n'a jamais renoncé à ses idées: une belle leçon pour des politiques qui changent de convictions à chaque rentrée. Celui de la lucidité ensuite. «Il faut dire ce que l'on voit et il faut voir ce que l'on voit», disait Péguy. Quand on perturbe une minute de silence dans les écoles, l'Éducation nationale pratique l'omerta. Quand il y a les viols de Cologne, le gouvernement allemand tarde à le révéler.

    Piketty à gauche, Zemmour à droite ont vendu des centaines de milliers de livres. Ont-ils profité des faiblesses de la politique ?

    Un mépris de classe s'est installé dans la classe politique. La plus grande insulte que l'on y entend est celle de « populiste ». Cette morgue technocratique rompt avec la tradition française. Notre tradition politique, en effet, est constante. De nos grandes figures de monarques à la constitution de la République, de Louis XI à de Gaulle en passant par Henri IV, elle repose sur le bon sens, le discernement de celui qui gouverne. Aujourd'hui, c'est l'inverse : les Français voient les problèmes et on leur dit qu'ils ont tort. Ils comprennent que l'Europe va dans le mur, on leur dit que c'est pour leur bien. Ils s'inquiètent de l'arrivée de nouveaux migrants, on leur assène que c'est un devoir sacré de les accueillir. Et pour justifier l'impuissance on convoque même - et c'est l'aboutissement de la décrépitude politique - des foules d'arguments techniques et juridiques: «on ne peut pas», « on n'a pas le droit ». Les politiques n'ont plus de vision, ils ne sont plus des créateurs de monde.

    Êtes-vous décliniste ?

    Non. Je suis optimiste parce que les Français ont compris. Quand ils pavoisent leur fenêtre d'un drapeau tricolore, c'est parce qu'ils veulent que la France continue. Cette réalité encourageante fait que tous les politiques qui pratiquent le filet d'eau tiède seront balayés.

    Êtes-vous conservateur ?

    Le « moderne » contre le « conservateur », voilà une dialectique épuisée. Le vrai débat aujourd'hui oppose les déconstructeurs et les bâtisseurs. On a dit «changement» en sautant comme des cabris, comme si la modernité était en soi une valeur. On confond l'avenir et la modernité. Si le changement ne conduit qu'à plus de détresse et de drames, alors je revendique un droit à la continuité. Pendant le débat sur le mariage pour tous, on a invoqué le sens de l'histoire sans même s'interroger sur les conséquences de cette loi sur la famille et la filiation. Les notes à l'école ? Valeur du passé. Le travail ? Valeur du passé. La sanction ? Valeur du passé. Christiane Taubira, parfaite incarnation de cette déconstruction postmoderne, proposait même de ne plus incarcérer les délinquants ! Ces valeurs pourtant ne sont pas « rances », elles sont des valeurs d'avenir. Devant tant d'erreurs, face à cette fuite en avant, on a envie de proclamer: « Modernité, que de crimes a-t-on commis en ton nom ! »

    Le « gauchisme culturel » défini par Jean-Pierre Le Goff n'a pas disparu…

    Une partie de la droite dit, fait et croit la même chose que la gauche. Si bien qu'on arrive à croire que la droite serait la gauche, les déficits en moins (et encore!). Cette grande confusion des valeurs et des idées conduit à la mort de la démocratie. Je ne crois pas cela. Deux visions du monde s'opposent. La gauche a trahi la quasi-totalité de ses idéaux fondateurs face au communautarisme. La question qui nous est posée est très simple: est-ce que vous aussi vous vous trahissez ou est-ce que vous affirmez vos valeurs ? J'ai clairement choisi mon camp : celui de l'autorité, du respect, de la civilité, de l'effort, de la famille, de l'identité. Ces mots que trop de politiques abordent en tremblant.

    Pourquoi la parole publique semble-t-elle dévitalisée ?

    Une partie des esprits continuent à être formatés par une pensée de gauche, avec cette peur panique du mot qui dérange. Je l'ai vécu quand j'ai dénoncé la culture de l'assistanat, quand j'ai posé la question des classes moyennes dans le contrat social français ou celle de nos racines chrétiennes. À chaque fois j'ai perçu la lourdeur de la doxa. Certains chez nous ne craignent pas ainsi de parler d'identité multiculturelle heureuse quand la France est en proie à un malaise identitaire criant. On a tellement peur de passer pour islamophobe que l'on ajoute systématiquement le catholicisme à nos réserves sur «le fait religieux». Je fais mienne la phrase d'Élisabeth Badinter « Il ne faut pas avoir peur d'être traitée d'islamophobe si c'est pour parler vrai.»

    Diriez-vous avec Jacques Julliard que « l'école est finie » ?

    L'école est le reflet de notre conception de la société. Suppression des bourses parce que pas d'effort. Pas d'enseignement de l'histoire parce que pas de transmission. Pas d'humanités classiques parce que pas de mémoire. Ajoutez à cela une repentance systématique et vous comprendrez pourquoi des jeunes issus de cette école en viennent à prendre les armes contre leur propre pays. « Il faut donner à aimer la France », disait Simone Weil. On ne transmet plus cet amour. On ne peut assister en silence à ce décrochage et nous contenter de gérer la décadence. Je suis convaincu que sous la cendre subsistent des braises qui attendent notre souffle. C'est le défi de notre génération. Le renouveau du pays ne peut pas seulement se construire dans le champ intellectuel, dans le dynamisme de nos entreprises et de notre économie. Il nous faut un renouveau politique d'ensemble. À l'approche de l'élection présidentielle, on peut s'acharner à enfermer la politique dans les questions de casting et de personnalité, mais la France, pour ne pas s'effondrer, ne pourra pas faire l'économie de ce débat fondamental : celui de son déclin ou de son redressement. La France n'a pas à renoncer à ce qu'elle est, elle doit retrouver ce qu'elle était et que nous avons tant flétri. J'aspire au retour de la France.   

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    Vincent Tremolet de Villers

  • Culture & Langue française • Sans circonflexes et sans complexes

     

    L’orthographe « rectifiée », une faute grave, c'est ce qu'affirme Elisabeth Lévy, dans cette chronique de Causeur que nous avons aimée [8.02]. Son style, ses formules dont elle a le don, son expression simple et directe, et, bien-sûr, sa clairvoyance sur le fond. Ce n'est pas toujours le cas, mais, ici, accord total ! LFAR

     

    sipa-1311899-jpg_1191852.JPGCurieux, ces « rectifications orthographiques » que leurs promoteurs vantent en expliquant qu’elles ne changeront rien et que, de surcroît, elles sont facultatives. De fait, les réformateurs eux-mêmes ne semblent pas très fiers de leur dernière victoire. On dirait que cette réforme, personne ne l’a vraiment voulue, en tout cas pas au sommet de l’Etat. Elle est arrivée toute seule, devenant opérationnelle vingt-six ans après sa conception par la grâce des tuyaux administratifs et la volonté de technocrates inconnus (une parution au JO du 6 décembre 1990, transcrite dans le Bulletin officiel de l’Education nationale du 26 novembre 2015 et finalement intégrée par les éditeurs pour la rentrée 2016).

    Simplification, rationalisation, adaptation : toutes les raisons invoquées par les saccageurs de la langue française s’inscrivent dans ce triptyque et elles sont toutes mauvaises. Il est tout de même effrayant que, s’agissant de cette chose précieuse, raffinée et, il est vrai un brin rigide mais avec tant de charme, qu’est notre langue, on n’invoque jamais l’argument de la beauté – on changerait l’orthographe d’un mot pour qu’il soit plus aimable à l’œil. Non, il faut simplifier, parce que des règles fantasques mais implacables, empilées en strates désordonnées depuis des siècles, sont devenues étrangères à beaucoup de Français, notamment parmi les jeunes. Que la maîtrise de codes complexes, truffés d’arbitraires et hérissés de cas particuliers, permette d’apprendre à penser, c’est une idée qui, paraît-il, n’est pas de notre temps. La moderne attitude, c’est d’assumer son ignorance.

    En somme, adaptons le niveau de langue à celui que nous sommes capables d’enseigner. On ne sait plus écrire « oignon » ? Qu’à cela ne tienne, virez-moi ce « i » trompeur et inutile. Quant aux « chapeaux de gendarme », ne sont-ils pas un discret signe de distinction, un ultime vestige de la prétendue supériorité de la culture sur l’ignorance ? Le circonflexe, c’est, la plupart du temps, une bonne manière qui ne sert à rien, sinon à rappeler un passé révolu : l’archétype du truc réac et nauséabond.

    Avant le langage SMS pour tous…

    Dans cette perspective, beaucoup trouvent que cette réforme ne va pas assez loin. Sur le site de l’Obs, André Crevel, « linguiste et grammairien » plaide aussi pour la suppression des doubles consonnes « quand cela n’a aucun impact sur la prononciation » : « ”Honnête” deviendrait “honête”, “supprimer” se transformerait en “suprimer”. On pourrait également remettre en question les “lettres grecques”. Par exemple, les “h” muet, vestige du grec, ne sont parfois pas utiles (“hippopotame” deviendrait “ipopotame”). » Ne nous arrêtons-pas en si bon chemin : éradiquons aussi les apostrophes, énervantes, les tirets, ambigus, et le point-virgule, bien trop indécis, le fourbe.

    De toute façon, comme l’a souligné Alain Finkielkraut au cours de l’émission « L’esprit de l’escalier », aucune réforme ne rattrapera les fautes réelles d’élèves qui conjuguent les substantifs (les pomment). À moins, bien sûr, de passer au langage SMS pour tous, ce qui nous permettra de réduire considérablement nos dépenses d’enseignement.

    … voila venu le temps de l’orthographe à la carte !

    Mais le plus comique, ou le plus sidérant, de l’affaire, c’est que cette réforme soit présentée comme facultative. L’orthographe à la carte, il fallait l’inventer. C’est comme pour le mariage, chacun fait ce qui lui plaît. Qu’est-ce que ça peut te faire que d’autres écrivent « nénufar », puisque tu pourras continuer à écrire « nénuphar » si ça te chante. Au final, au prétexte inavoué de faire disparaître d’antiques distinctions, on en crée une, de taille, entre ceux qui continueront à parsemer leurs textes de clins d’œil au passé et les enfants du nouveau perpétuel.

    Heureusement, les Français sont plus amusants et plus futés que ce que croient les réformateurs qui veulent leur simplifier la vie. Les gens ne veulent pas qu’on adapte l’orthographe aux fautes de leurs enfants, ils veulent qu’on leur apprenne à ne pas faire de fautes. La révolte qui gronde pour les circonflexes évoque furieusement celle qui s’est levée contre la réforme des collèges. On ne veut pas de votre égalité à deux balles, on ne veut pas de votre monde simplifié, sans complexes et sans complexité. Donc sans beauté ni intérêt. 

    Elisabeth Lévy

    est fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur.

  • Retour à Maurras : « Ce pays-ci n'est pas un terrain vague ... » Voilà ce qui doit guider notre politique de l'immigration !

      

    L’hospitalité 

    Il s'agit de savoir si nous sommes chez nous en France ou si nous n'y sommes plus ; si notre sol nous appartient ou si nous allons perdre avec lui notre fer, notre houille et notre pain ; si, avec les champs et la mer, les canaux et les fleuves, nous allons aliéner les habitations de nos pères, depuis le monument où se glorifie la Cité jusqu'aux humbles maisons de nos particuliers. Devant un cas de cette taille, il est ridicule de demander si la France renoncera aux traditions hospitalières d'un grand peuple civilisé. Avant d'hospitaliser, il faut être. Avant de rendre hommage aux supériorités littéraires ou scientifiques étrangères, il faut avoir gardé la qualité de nation française. Or il est parfaitement clair que nous n'existerons bientôt plus si nous continuons d'aller de ce train. (…) Ce pays-ci n'est pas un terrain vague. Nous ne sommes pas des bohémiens nés par hasard au bord d'un chemin. Notre sol est approprié depuis vingt siècles par les races dont le sang coule dans nos veines. La génération qui se sacrifiera pour le préserver des barbares et de la barbarie aura vécu une bonne vie.

    (…) #La jeune France d'aujourd'hui est en réaction complète et profonde contre ce double mal. Elle rentre chez elle. Ses pénates intellectuels, ses pénates matériels seront reconquis. Il faut que l'ouvrier français, le savant, l'écrivain français soient privilégiés en France. Il faut que les importations intellectuelles et morales soient mises à leur rang et à leur mérite, non au-dessus de leur mérite et de leur rang. L'étiquette étrangère recommande un produit à la confiance publique : c'est à la défiance du pays que doit correspondre au contraire la vue de tout pavillon non français. Qu'une bonne marque étrangère triomphe par la suite de cette défiance, nous y consentons volontiers, n'ayant aucun intérêt à nous diminuer par l'ignorance ou le refus des avantages de dehors, mais l'intérêt primordial est de développer nos produits en soutenant nos producteurs. Le temps de la badauderie à la gauloise est fini. Nous redevenons des Français conscients d'une histoire incomparable, d'un territoire sans rival, d'un génie littéraire et scientifique dont les merveilles se confondent avec celles du genre humain.  

     

    Charles Maurras 

     

    L’Action française, 6 juillet 1912

     

  • Médias • TV : Taubira chez Ruquier…

     

    par Nicolas Julhiet

     

    La production de l’émission aurait dû afficher un message d’avertissement : « Attention, Christian Taubira va s’exprimer. Prévoyez, chers téléspectateurs, une médicamentation ad hoc. Le visionnage de cette séquence d’1h30 est déconseillée aux personnes souffrants de problèmes cardiaques et d’hypertension. » Parce qu’à la fin de sa prestation, sachez-le, on éprouve un véritable mal-être…

    Ce n’est pas tant qu’elle s’exprime mal, la démissionnaire de la Justice. Ce n’est pas tant qu’elle a une voix nasillarde, l’ancienne député de la Guyane. Ce n’est pas tant qu’elle se livre à l’invective, l’ex-candidate du Parti radical de gauche. Simplement, elle s’écoute parler pendant d’interminables minutes. Des dizaines et des dizaines de minutes. Ce serait fascinant – du point de vue psychologique – si ce n’était pas aussi long. Et encore ! Un psychologue aurait sans doute jeté l’éponge et prié gentiment mais sûrement la bonne dame de revenir à un autre moment en lui indiquant la sortie.

    C’est que Christiane Taubira est à l’aise dans son fauteuil d’invité. Elle n’a face à elle ni adversaire, ni avocat du diable. Tout le monde lui est favorable, de Laurent Ruquier à Yann Moix, qui n’a de cesse de louer son « être », en passant par le théâtral Philippe Torreton, acteur engagé – à gauche, évidemment -, qui prononce un grotesque panégyrique de son livre, Murmures à la jeunesse.

    Mais plus que d’assurer la promotion de cet ouvrage, Taubira est venue défendre son bilan au ministère de la Justice. Un bilan que toute la droite – et une partie de la gauche – juge, au minimum, catastrophique. Dans cet exercice, elle brille, exposant toutes les mesures prises, ses réformes et ses projets de lois. Pour un non-initié, l’inventaire semble admirable. Cela fait en tout cas de l’effet sur les chroniqueurs qui, possédant visiblement très peu de connaissances juridiques, ne lui opposent même pas un début de contradiction. Christiane Taubira est en roue libre. La question du mariage pour tous est éludée.

    Reconnaissons quand même à Yann Moix le mérite d’émettre des réserves sur le style oratoire de l’ancienne ministre. Une ex-ministre qui n’a pas vraiment l’esprit de synthèse comme ne le prouve que trop l’ensemble de son intervention. Agaçant cette façon de formuler la même idée en la déclinant de trois ou quatre manières différentes. De quoi regretter la richesse du français.

    Ces faibles critiques permettent néanmoins de mettre en lumière la personnalité de Christiane Taubira. Que d’égo ! Que de ratiocinage ! Que de bruits avec sa bouche ! C’en est presque indécent. Malheur à Moix ou Salamé s’ils lui opposent une toute petite objection. L’un et l’autre se font moucher dès qu’ils prennent la parole. Dans leurs petits souliers, les deux chroniqueurs. Au premier, elle déclare même, à la fin d’un entretien qu’elle a monopolisé : « Vous pouvez être un peu moins narcissique, pour une fois, ce soir ? S’il y a bien quelqu’un de respectueux, pardonnez-moi, c’est moi. » A cet instant, Christiane Taubira ne touchait plus terre !

    Et pourtant, la matière pour la faire redescendre ne manquait pas. Ne serait-ce que cet article du Canard enchaîné rapportant les propos d’un ancien collaborateur : « On navigue au jour le jour, en roue libre, aucune décision n’est prise, les gens bossent comme des chiens, quinze heures par jour, mais sans consigne, sans direction et sans que rien ne soit tranché. Quant à Taubira, elle vibrionne, s’absente de plus en plus et, quand elle est là, elle hurle sur tout le monde… » Loin des murmures, donc. Ce samedi soir [6.02}, on s’en est rendu compte… 

  • Vers l’élection présidentielle

     

    par François Marcilhac

     

    Le moindre des paradoxes de nos institutions n’est pas que l’élection qui devait permettre de neutraliser les défauts inhérents à la république est finalement devenue, au cours des décennies, celle qui les aggrave. Nous voulons évidemment parler de l’élection du président de la république au suffrage universel.  

    Le général De Gaulle, en l’inscrivant dans la Constitution en 1962, n’avait-il pas voulu en finir avec le régime tout puissant des partis en créant, entre un exécutif ayant recouvré à la fois toute son efficience et sa réalité symbolique, et le peuple français, un lien quasi-charnel que l’assassinat du Roi, en 1793, avait rompu et qu’une Restauration, certes bénéfique pour les Français, mais malheureusement éphémère, avait été impuissante, au XIXe siècle, à renouer en profondeur ? Le président, en étant directement élu par les Français, devenait, en quelque sorte, leur « souverain », et la Ve République une monarchie républicaine. Assurément, les partis continuaient de jouer leur rôle, mais dans l’esprit des réformateurs de 1962, leur jeu se trouvait raisonné, voire neutralisé par une élection qui inscrivait dans la politique nationale la prééminence de la continuité de l’Etat et du Bien commun, incarnés par un président « au-dessus des partis », sur le jeu des intérêts particuliers et des groupes de pression.

    Certes, dès 1965, c’est-à-dire dès la première élection du président au suffrage universel, les partis se rappelèrent au souvenir du général en le mettant en ballotage. La cuirasse institutionnelle avait un défaut... celui du déni de réalité : en république, il n’est pas facile de faire rentrer dans sa « besace », comme disait Boutang, des partis qui monopolisent le système électoral lui-même. La crise algérienne passée, le général était redevenu le simple porte-parole d’une majorité politique, voire politicienne. La médiocrité croissante de ses successeurs n’allait que rendre encore plus évidente l’impossibilité à faire de la république une monarchie comme une autre. Oui, le président de la république n’est que le chef d’un clan et, entre l’ambition personnelle du candidat et l’intérêt du ou des partis — et des lobbies, souvent étrangers — qui le soutiennent, s’instaure une dialectique savante, où chacun doit trouver son compte, le peuple français étant le grand perdant d’un régime qui non seulement demeure, mais réussit le tour de force d’être chaque jour davantage à la fois celui des partis et de l’étranger — la soumission à l’ordre européen allant aujourd’hui de pair avec une politique migratoire visant à la dissolution du peuple français.

    La réduction à cinq ans du mandat présidentiel n’aura fait qu’aggraver les défauts de ce qui n’est plus et n’a peut-être jamais vraiment été le dialogue d’un homme avec ses concitoyens. D’autant que le quinquennat aura réduit la durée utile du mandat à trois ans et demi. Le spectacle offert par la classe politique depuis le second tour des régionales, qui ont lancé la campagne pour 2017, est, de ce point de vue, aussi révélateur qu’affligeant. A droite comme à gauche, on ne parle plus que de primaires, et le fait que des voix toujours plus nombreuses, à gauche, veuillent y inclure le président en exercice indique combien la fonction présidentielle a perdu de son aura — mais Hollande, en se voulant « président normal », a participé de la désacralisation de sa fonction. La généralisation des primaires elles-mêmes montre combien le candidat est devenu l’homme d’un parti et ne cherche plus à se revendiquer l’homme de la nation. Que la gauche les ait la première instituées peut se comprendre : elle n’a jamais accepté le caractère à ses yeux bonapartiste de l’élection du président de la république, même si, avec Mitterrand, elle a su en jouer. Mais que la droite s’y soit résolue prouve que celle-ci a définitivement abandonné toute teinture gaullienne et finalement seul le FN — c’est peut-être sa force, qui ne préjuge d’aucune victoire — conserve l’esprit originel des institutions en ne laissant pas des primaires désigner son candidat : Marine Le Pen s’impose, dans ce qu’elle croit être le lien qu’elle a tissé avec les Français — la réalité de ce lien est une autre affaire : le jeu électoral repose sur des semblants, qui ne sont pas tous faux pour autant.

    Ce dialogue direct du candidat avec les Français n’avait pas seulement pour objectif — trop ambitieux — de court-circuiter les partis. Comment ne pouvait-il pas en finir, par la même occasion, avec une République comme règne de l’étranger, dont les partis ont été bien souvent et demeurent les courroies de transmission ? Ruse de la république : le tout récent voyage de Juppé en Algérie démontre que, là aussi, l’élection au suffrage universel n’a fait qu’aggraver ce vice inhérent à la république. Que la visite d’un présidentiable français en Algérie soit devenu un passage obligé suffit à lui seul à démontrer combien le peuple français est devenu autre depuis des décennies : seraient-ce donc les binationaux, c’est-à-dire des citoyens dont l’allégeance est double, qui désormais décident de notre destin ? Quel sens peut avoir un dialogue entre un homme et son peuple quand ce peuple ne se définit plus seulement comme français ? « Il y a une diaspora algérienne très importante en France, qui représente une clientèle électorale de plusieurs millions de voix. Aujourd’hui, ils s’abstiennent, mais en 2012 ils ont voté massivement en faveur de François Hollande », rappelle Benjamin Stora (Le Figaro du 1er février). On comprend pourquoi Juppé lors de son voyage a déclaré que « les binationaux sont une passerelle entre nos deux pays. La France est riche de sa diversité. » Dire que De Gaulle prétendait avoir bradé l’Algérie pour que Colombey-les-deux-Églises ne devienne pas Colombey-les-deux-Mosquées. Se doutait-il que, cinquante ans plus tard, les candidats à l’élection présidentielle française devraient, pour avoir une chance de l’emporter, se fait adouber par Alger ? Et les binationaux franco-algériens sont loin d’être les seuls. Oui, dans ce contexte, la querelle sur la déchéance de nationalité paraît bien dérisoire. La question est devenue : qu’est-ce qu’un citoyen — et subsidiairement un électeur — français ?

    Un sursaut est évidemment nécessaire pour empêcher la république de poursuivre jusqu’ à la dissolution de la France sa politique mortifère. Oui, en 2017 il faudra choisir. Choisir un candidat qui soit intraitable sur la question de la survie non seulement des fondements de notre société mais de la nation elle-même, puisque nous en sommes là. Non que nous nous illusionnions sur la capacité du régime à susciter un recours, puisque, précisément, c’est pour pallier les insuffisances criminelles du régime que des recours se sont révélés nécessaires dans l’histoire — et nous ont presque toujours déçus. Royalistes, nous connaissons le nom de celui qui rendrait vaine jusqu’à la nécessité même d’un recours. Tout en agissant pour son retour — et dans l’espoir qu’il le désire autant que nous —, il nous faudra bien en l’attendant semble-espérer dans un candidat suffisamment patriote à la fois pour ne pas ressentir le besoin d’aller chercher à l’étranger sa (contre-)légitimité et pour rassembler tous les Français désireux que notre pays continue, simplement, d’exister. Nous le désignerons, le moment venu, mais il fallait bien, à l’aube de ces quinze mois de démagogie politicienne, rappeler le combat essentiel. Afin d’y prendre toute notre part. 

    L’Action Française 2000

  • Boutang : « La république en France ne réunit pas les conditions minimales d'un Etat »

     

    4184492981.jpg« En remontant du salut public […] jusqu'à sa condition royale, [Maurras] a pu ériger la preuve puissante, jamais réfutée, que la république en France, règne du nombre, des partis, et, à travers eux, de l'or et de l'Étranger, ne remplissait pas les conditions minimales d'un État; qu'elle ne pouvait donc masquer sa nullité politique que par une tyrannie administrative et bureaucratique vouée à défaire la nation. Il en résultait que l'avantage majeur de la monarchie serait de n'être pas la République, de combler son vide par la présence d'une personne douée, en général et au moins, des attributs de l'humanité, la raison de « l'animal rationnel mortel » et la responsabilité. » 

     

    * Maurras, la destinée et l'œuvre, Plon, 1984

  • Défense : Forfaiture et dissidence

     

    par Mathieu Épinay

     

    En avril dernier, le chef d’état-major de l’armée de l’air évoquait la nécessité de «faire évoluer, sur le plan de la souveraineté, les liaisons actuelles telles que la Liaison 16». Longtemps partisan inconditionnel de ce système de communication américain, il reconnaissait donc, à demi-mots, qu’il s’était trompé. Trop tard ! L’installation sur l’ensemble de notre aviation de chasse de la Liaison 16 venait de s’achever : un fiasco d’un demi-milliard d’euros, le chantier ayant paralysé pendant des années des escadres en surchauffe opérationnelle. Il nous coûte, en sus, 10 ans de retard dans le domaine ultra-sensible des liaisons de données tactiques.

    Comme en écho, le patron des opérations aériennes déplorait, en décembre, nos difficultés de coordination avec les aviations russe et syrienne « qu’il faut améliorer sous peine de mettre en jeu la sécurité́ de nos équipages ». En clair, en Syrie comme en Afghanistan, en Libye ou en Afrique, la Liaison 16 ne sert à rien (cf. : Voyage en absurdie, sur politiquemagazine.fr).

    La L 16 a été adopté en 1995 en violation des règles de programmation militaire par une génération d’officiers issue de mai 68, et dont il a bien fallu se contenter, 30 ans après, à la direction centrale. Conçue pour la guerre froide, archaïque sur les plans technique et conceptuel, elle est verrouillée par le Pentagone qui la contrôle et la modifie à son gré. Notre armée a juste le droit de payer les mises à jour d’un système qui mine la souveraineté opérationnelle de nos forces !

    Une dissidence, minoritaire mais forte de la justesse de ses analyses et de sa légitimité opérationnelle, avait tenté de résister, dès 1995, aux sectateurs de la liaison 16. Mais malgré quelques succès ponctuels en état-major, elle était trop isolée pour remporter la partie. Quant à ceux qui avaient compris les enjeux, beaucoup, par appétit de carrière, avaient préféré se taire.

    Un dossier avait été instruit et monté au sommet de la hiérarchie. Seul le général Bentégeat (photo) avait réagi : en 2004, il interdisait la L 16 sur les Rafale en mission stratégique. Mais, après son départ, il avait fallu passer en force pour briser l’omerta et l’affaire fut portée à l’élysée. Silences gênés, indifférence calculée, réponses péremptoires ou menaces à peine voilées : le sujet était trop ésotérique pour en tirer des avantages politiciens et potentiellement explosif par l’éminence de ceux qui s’y étaient compromis. Cependant, la dissidence ne fut pas sanctionnée. Le Conseil d’Etat ne l’aurait pas admis. On bloqua simplement l’avancement des récalcitrants.

    En 2012, le député Jacques Bompard posait à l’Assemblée une question écrite sur la Liaison 16. Elle resta sans réponse. Un général, retiré de ces affaires qu’il avait bien connues, s’en étonna auprès du ministre. Il lui en proposa une. Parut alors au J.O. celle, piteuse, des états-majors dont notre général adressa au ministre une critique cinglante restée, elle aussi, sans réponse. Interpellés par ces échanges, deux sénateurs voulurent alors le rencontrer. Curieusement, ils annulèrent le rendez-vous au dernier moment. On en resta là.

    Pour autant, plus personne à Brienne n’ignore que notre aviation a été dotée, en dépit du bon sens, d’un système américain ruineux et inadapté qui compromet lourdement notre indépendance. Ainsi mensonges, esquives et silences coupables en des matières sensibles confinent-ils parfois à la forfaiture. 

    Collectif de spécialistes des questions de Défense

  • Calais : la capitulation de l'État, la révolte et la haine

             

    Une tribune d'Alexis Théas pour Figarovox [7.02], pointant avec pertinence le déchaînement médiatique qu'a suscité le micro-rassemblement « anti-migrants » de samedi dernier. Ce n'est selon lui - et nous partageons son avis - qu'un écran de fumée destiné à masquer une situation apocalyptique et la démission de l'Etat.
     

    Pendant que le président de la République apparaissait sur France 2 à la mi-temps de France-Italie pour commenter le match de rugby de samedi, le naufrage de Calais se poursuivait. Une manifestation d'une centaine de personnes, présentée comme «   anti-migrants », s'y réunissait. Ce mouvement répondant à un appel du groupe allemand Pegida, « contre l'islamisation de l'Europe », il a été attribué par les médias à l'ultra-droite, voire les néonazis. La manifestation ayant été interdite par le ministre de l'Intérieur, la répression policière a été sévère : 20 interpellations, soit un cinquième des manifestants, 10 placements en garde à vue... Fait marquant : un général de corps d'armée à la retraite, ancien commandant de la Légion étrangère, Christian Piquemal, dont le parcours ne révèle rien d'un factieux ni d'un extrémiste, s'est trouvé parmi les personnes arrêtées. Les commentaires médiatiques se focalisent sur la condamnation virulente du rassemblement qualifié de raciste. Mais que recèle vraiment cette indignation ?

    La situation de Calais a pris une dimension apocalyptique. Plusieurs milliers de migrants en situation irrégulière ont installé un gigantesque bidonville, surnommé la Jungle, devenue une zone de non droit. Des personnes en provenance du Moyen-Orient et d'Afrique, dont des enfants, y survivent dans des conditions sanitaires épouvantables, indignes de la France contemporaine, sous la férule des passeurs mafieux et des activistes d'extrême gauche. La violence et le chantage y règnent en maîtres. La police y est prise pour cible et de violents affrontements s'y déroulent périodiquement. Toute une région est gravement sinistrée. Les commerces dont le chiffre d'affaires s'est effondré doivent fermer, les habitants du voisinage vivent dans la terreur. Un véritable chaos se répand sur toute une partie de la région dont l'image est dévastée.

    Une tragédie fruit de l'impuissance européenne

    Le drame n'a rien de nouveau, même s'il s'est considérablement aggravé en quatre ans. Il remonte à la fin des années 1990, lié au fonctionnement de l'espace Schengen : la France a ouvert ses frontières européennes et s'est engagée à protéger par tous les moyens celles de la Grande-Bretagne, transformant, le Calaisis en cul-de-sac, réceptacle des migrants qui ont traversé une partie de la planète dans le but de se rendre Outre-Manche. Cette tragédie est le fruit de l'impuissance européenne à contrôler la frontière extérieure commune, d'ailleurs totalement démantelée depuis la grande ouverture de septembre 2015. La manifestation de samedi résulte en outre de la faillite de l'Etat dans sa mission d'autorité et de protecteur des populations. La faiblesse, comme toujours, est le plus court chemin qui conduit à la haine et la violence. La responsabilité de M. François Hollande est engagée. L'article 5 de la Constitution de 1958 fait du chef de l'Etat le « garant de l'intégrité du territoire ». Le président de la République, qui ne s'est jamais rendu sur place, est responsable de l'abandon à des groupes mafieux d'une parcelle du territoire national. Calais fait autant partie de la France que le huitième arrondissement de Paris, faut-il le lui rappeler ?

    La vigueur des réactions politiques et médiatiques à un micro-rassemblement de cent personnes, le déchaînement médiatique autour des incidents, se présentent ainsi comme un écran de fumée destiné à masquer le désastre humanitaire et national dans toute son ampleur. La vigueur de la répression policière contraste avec le laxisme généralisé qui a abouti à la formation d'un bidonville abandonné à la mafia et aux groupuscules d'extrême gauche. Il faut y voir une gesticulation destinée à compenser une capitulation quotidienne, face à l'immigration illégale, face aux passeurs mafieux, à l'image d'un mode de gouvernement fondé sur les leurres et les manipulations. Le psychodrame de samedi renvoie au débat en cours sur la déchéance de la nationalité, et ses coups de menton destinés à recouvrir la désintégration en cours de la société française, sa plongée dans le désordre et la violence, de Calais à Marseille, en passant par Paris. Il est plus facile de réformer la Constitution dans les Palais feutrés de la République en donnant des leçons de morale républicaine, que de venir au secours de compatriotes aux prises avec l'horreur mafieuse. Le pouvoir évite ainsi de braver par des actes réels l'angélisme et le sans-frontiérisme, qui demeurent les piliers idéologiques du parti socialiste.

    Le monde politico-médiatique s'est déchaîné contre le général Piquemal accusé d'extrémisme. Et si le geste solitaire de ce Soldat n'était rien d'autre qu'un mouvement de désespoir et de colère contre la grande dérobade politicienne, la démission de l'autorité face au chaos français et européen, dont la Jungle de Calais est devenue le sinistre symbole ? 

     
    Alexis Theas est universitaire
  • Ce que j'ai vu, ce que j'ai entendu à Rennes, le 6 février 2016... Un drôle de 6 février ...

     

    par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgC'était un 6 février, j'aurai dû me méfier... En arrivant en ma ville natale de Rennes, au milieu de l'après-midi, je savais pourtant, quelques minutes avant de descendre du train, que le centre-ville était en ébullition : près de moi, un passager apprenait, par téléphone, que les bus ne circulaient plus, « à cause de manifestations désordonnées » (en fait, le terme utilisé était plus simple et moins correct...). Effectivement, en arrivant à bon port, la première chose que j'entendis, c'était le bruit caractéristique et entêtant d'un hélicoptère tournoyant au-dessus de la ville, s'arrêtant de longs moments au-dessus d'un point sans doute précis avant que de sembler glisser vers un autre point non moins précis. L'ancien Champ de Mars (aujourd'hui esplanade Charles de Gaulle), à quelques dizaines de mètres de la gare, était étrangement jonché de vêtements multicolores tandis qu'un chariot métallique se consumait et, avec lui, les restes d'un mannequin ou d'un épouvantail ; quelques flammèches sortaient, un peu plus loin, de restes d'une sorte de boîte de conserves... 

    Un peu plus loin, rue d'Isly, toutes les façades des agences bancaires étaient, de haut en bas, maculées de peinture, voire constellées d'impacts, et les distributeurs de billets disparaissaient sous une épaisse couche de couleurs criardes et de farine (ou d'une matière y ressemblant) ; par terre, des bouteilles brisées, des coquilles d’œufs, et toujours de la peinture, à peine sèche... Une odeur légèrement âcre flottait dans l'air, qui rappelait les gaz lacrymogènes abondamment déversés sur les manifestants, casseurs et passants, nombre de ces derniers n'ayant parfois aucun rapport avec le défilé des opposants à la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes tout comme, d'ailleurs, les activistes tagueurs qui avaient  inscrit « Zad partout ! » et de multiples slogans dont la plupart n'avaient rien à voir avec l'objet de la manifestation... 

    L'une de mes premières réactions fût de penser que tout cela risquait bien de déconsidérer la légitime contestation d'un projet d'aéroport inutile et que l'humour de certains slogans n'empêchaient pas la bêtise de certains autres... Intérieurement, je pensais que ces dégradations allaient servir de prétexte au Pouvoir pour dénoncer, avec une parfaite hypocrisie, l'opposition à ce projet industriel au cœur du bocage nantais, et j'en voulais (et j'en veux toujours) aux extrémistes de gauche et revendiqués anarchistes de leur absence de clairvoyance, voire pire ! « Les chiens de garde du Capital », diraient certains... En tout cas, des agitateurs qui jouent la carte du pire comme pour être bien sûrs qu'il se réalise ! Sans négliger la part de manipulation... 

    La plupart des témoins et des riverains avec lesquels j'ai discutés alors que je poursuivais mon chemin vers le centre-ville m'ont confirmé cette étrange impression d'abandon du terrain par les forces dites de l'ordre : si l'hôtel de ville était bien protégé, voire surprotégé, par des dizaines de gardes vêtus et casqués de bleu, ce n'était pas le cas des rues que devait prendre le carnaval des manifestants et que des encagoulés ont consciencieusement saccagées, par le bris ou par la peinture, transformant la forme mais surtout le sens de la manifestation... 

    Un serveur de café, non loin de la place de la République, m'a expliqué son incompréhension devant les désordres et devant la réaction lacrymogéneuse des forces de l'ordre qui, au lieu de calmer les émeutiers, les excitait et leur permettait, au milieu de la panique des passants du samedi, de commettre leurs méfaits. Quelques uns provoquaient et harcelaient les policiers et gendarmes, mais tout le monde subissait les lacrymogènes, sans autre profit que celui des casseurs, bien sûr équipés pour en éviter les effets. Le café de La Paix dut fermer ses portes quelques minutes devant la situation devenue dangereuse pour ses clients et pour éviter l'intrusion de manifestants cagoulés mêlés aux familles qui se promenaient paisiblement et se retrouvaient pris dans les effluves de lacrymogènes...  

    Qui est responsable de ce gâchis ? Bien sûr, il y a les casseurs qui se parent d'une cause pour masquer leur nihilisme et, souvent, leur bêtise, même si, il faut le dire aussi pour être complet et honnête, certains ont peinturluré les façades des agences immobilières et bancaires avec l'idée que cela était l'acte contestataire d'un ordre injuste à leurs yeux : après tout, je me souviens que le philosophe maurrassien Pierre Boutang fulminait aussi contre « cette société qui n'a que des banques comme cathédrales » et qui déclarait, avec une exagération toute bernanosienne, qu'il « n'y avait rien à en conserver »... En disant cela, je ne trouve, en revanche, aucune excuse à ceux qui s'en sont pris aux murs des Halles, à ceux de la Poste et des particuliers, dans un geste purement destructeur et d'une grande laideur, pas seulement sur le plan esthétique ! Aucune excuse non plus pour ceux qui menaçaient des manifestants pacifiques ou des commerçants inquiets en brandissant des manches qui avaient servi, les minutes précédentes, à porter des banderoles ! 

    En approchant de la Mairie, puis en redescendant les rues qui menaient de celle-ci aux quais ou au boulevard de la Liberté, j'ai recueilli moult témoignages, et discuté avec nombre de personnes, y compris quelques jeunes déguisés et qui se désolaient de la tournure que les choses avaient prises, s'accrochant désespérément à la seule revendication pour laquelle ils étaient venus, celle de  l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, et qui est aussi la mienne... Je les ai suivis dans leur dérisoire et touchante pérégrination, pour le coup totalement inoffensive, interrompue, rue d'Orléans, par l'intervention coléreuse de quelques policiers en civil, matraque télescopique en main, sans que celle-ci n'aille, d'ailleurs, au-delà de mots et de quelques gestes menaçants. Autour de moi, la foule était interloquée : certains murmuraient que la police se trompait de coupables, d'autres se demandaient, à voix basse au plus fort de la tension, pourquoi l'intervention policière n'avait pas eu lieu plus tôt et, surtout, à l'encontre des casseurs ; d'autres encore, moins compréhensifs à l'égard des jeunes chevelus, haussaient les épaules en dénonçant, là encore sans grand éclat, les manifestants assimilés à de simples voyous sans foi ni loi... 

    J'ai parlé des responsabilités des casseurs, mais il y a celles, aussi, des « autorités » qui portent, parfois, si mal leur nom... Les questions que, dans les discussions, se posaient de nombreux témoins et passants, mais aussi des commerçants qui avaient senti venir, pour certains, les incidents, portaient sur l'étrange passivité des forces de police au moment où il aurait fallu intervenir et interpeller, non quelques isolés, mais les casseurs que des riverains et des commerçants (en particulier rue Jules Simon, près des Halles de Rennes) ont pu voir se livrer à leurs déprédations en toute impunité. La maladresse des propos du préfet, quelques heures après, qui mettaient tous les manifestants dans le même sac, a fait tiquer quelques témoins et, évidemment, les manifestants pacifiques parmi lesquels je compte aussi des amis dont je connais à la fois l'engagement et la probité : « Les carnavaliers ont montré leur vrai visage, celui de casseurs »... Non pas « des », mais « les » ! Ce genre d'amalgame est révélateur : il s'agit ainsi de culpabiliser et de criminaliser la contestation d'un projet qui aurait mérité, dès ses origines, un véritable débat, autant économique qu'environnemental, et non une « imposition » administrative, politique et étatique. Il s'agit de décrédibiliser et, plus encore, de faire taire toute velléité de protestation, toute manifestation d'un « avis contraire » à ce qui a été décidé, en des lieux qui ne sont pas forcément seulement politiques... Quelle étrange conception de la liberté d'opinion et d'expression ! 

    Sans doute peut-on deviner les raisons de cette attitude du préfet (quel rôle, aussi, du maire de la ville, Mme Appéré ?), au moment où M. Valls affirme vouloir passer en force et commencer les travaux après l'expulsion, que l'on dit imminente, des derniers paysans présents sur la zone ainsi que de leurs alliés « zadistes », parfois considérés comme bien encombrants, à tort ou à raison (ou les deux à la fois). Il s'agit de montrer la fermeté de la République quand elle ne peut plus, en fait, répondre aux défis du temps et qu'elle se laisse déborder sur tant de fronts... Cet ordre-là n'est pas l'ordre au sens fort et noble du terme, il n'en est que la caricature sinistre et inquiétante pour qui aime notre pays et ses libertés, notre civilisation et ses particularités, notre patrimoine et ses richesses, autant environnementales que littéraires, gastronomiques, historiques... « L'ordre n'est plus dans l'ordre », pourrait-on dire comme les non-conformistes des années 1930, ceux-là mêmes qui ne se contentaient pas, qui ne voulaient plus de ce qu'ils nommaient aussi le « désordre établi », qui est celui, encore et toujours, de notre triste époque... 

    C'était un samedi 6 février, et, étrangement, il flottait dans l'air un drôle de souffle, un rien de souffre... Sur la table du café de La Paix, il y a encore un exemplaire de Marianne qui titre sur un autre 6 février, celui de 1934... Oui, vraiment, drôle de 6 février, à Rennes... 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin