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Actualité France - Page 394

  • Laurent Wauquiez : « On peut parler d'une trahison des élites politiques »

     

    Dans un intéressant entretien avec Vincent Tremolet de Villers pour le Figaro [13.02], le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes reconnaît le décalage grandissant qui sépare le mouvement des idées de la vie politique française. Il plaide pour une articulation dynamique entre les apports du passé et l'esprit de conquête. Mais de quoi s'agit-il ? Reconnaissons-lui le courage des idées, à défaut, pour l'instant, de celui des actes, des réalisations. Admettons aussi la pertinence de la partie critique de son propos. Elle va loin et à l'essentiel. Mais le décalage qui sépare le mouvement des idées de la politique française la sépare aussi de ce que les maurrassiens et bien d'autres appelleront le Pays Réel. Celui-ci ne croit plus au Système. Il ne croit plus guère à la république ni à ses valeurs incessamment invoquées mais désincarnées et indéfinies. Quant à nous, on se s'étonnera pas si nous ne croyons en aucune manière que la France puisse se redresser, redevenir ce qu'elle fut, selon le vœu de Laurent Wauquiez, dans le cadre délétère du régime des partis, revenu en force, pas plus que sous un régime où le Chef de l'Etat est soumis aux basses compromissions d'une réélection quinquennale qui est, comme on l'a écrit, le poison de la vie politique française. La révolution qui s'impose pour que la France se redresse et retrouve ce qu'elle était, est d'un ordre beaucoup plus profond que ne le dit ici Laurent Wauquiez. On pourrait l'appeler révolution royale. Et comme les institutions politiques ne sont pas seules en cause mais bien la société tout entière, il devrait s'agir, selon l'expression de Pierre Boutang, d'une révolution pour restaurer l'ordre légitime et profond. Celui-là même que la postmodernité détruit.   Lafautearousseau

      

    Selon vous, dans quel état est la société française ?

    Jamais notre pays n'a été aussi mal. Il subit une crise de déconstruction multiforme que certains voudraient réduire à une crise économique. Cette crise est aussi sociale, régalienne et sociétale. Il y a un contraste terrible entre un pays qui conserve une pulsion de vie et des politiques qui avec une rage incroyable lui mettent la tête à l'envers. Nous vivons une vraie crise de civilisation. Les Français ont peur que leur pays change de nature. Pour le dire autrement, ils ne veulent pas devenir minoritaires chez eux.

    La politique pourtant fait du surplace…

    La période des géants en politique est finie. Les techniciens au petit pied ont pris la suite. Rarement les politiques dans notre histoire n'ont été aussi lâches, aveugles et inconstants. On peut parler d'une trahison des élites politiques. On s'écharpe sur la déchéance de nationalité mais on ne réfléchit pas à notre incapacité à transmettre les valeurs de la civilisation française. On débat sur la libéralisation des autocars sans s'interroger sur le décrochage d'un pays qui a déconstruit sa relation au travail. Le mouvement de reconstruction passe par deux renouvellements. L'action concrète que permet la politique locale et les valeurs fondatrices de notre civilisation. Ce que Pompidou résumait ainsi: «Les pieds sur terre, la tête dans l'horizon.»Dans son discours de réception à l'Académie, M. Finkielkraut a affirmé: « J'ai découvert que j'aimais la France le jour où j'ai compris qu'elle était mortelle.» C'est magnifique. J'ai moi-même compris pourquoi je m'engageais en politique quand j'ai réalisé que la France pouvait être mortelle. Et je refuse d'assister à cette chute passivement.

    Manuel Valls et Jean-Christophe Fromantin étaient les seuls politiques présents à la réception d'Alain Finkielkraut à l'Académie française…

    C'est une erreur. Des intellectuels comme Alain Finkielkraut nous donnent l'exemple du courage. Malgré les caricatures, il n'a jamais renoncé à ses idées: une belle leçon pour des politiques qui changent de convictions à chaque rentrée. Celui de la lucidité ensuite. «Il faut dire ce que l'on voit et il faut voir ce que l'on voit», disait Péguy. Quand on perturbe une minute de silence dans les écoles, l'Éducation nationale pratique l'omerta. Quand il y a les viols de Cologne, le gouvernement allemand tarde à le révéler.

    Piketty à gauche, Zemmour à droite ont vendu des centaines de milliers de livres. Ont-ils profité des faiblesses de la politique ?

    Un mépris de classe s'est installé dans la classe politique. La plus grande insulte que l'on y entend est celle de « populiste ». Cette morgue technocratique rompt avec la tradition française. Notre tradition politique, en effet, est constante. De nos grandes figures de monarques à la constitution de la République, de Louis XI à de Gaulle en passant par Henri IV, elle repose sur le bon sens, le discernement de celui qui gouverne. Aujourd'hui, c'est l'inverse : les Français voient les problèmes et on leur dit qu'ils ont tort. Ils comprennent que l'Europe va dans le mur, on leur dit que c'est pour leur bien. Ils s'inquiètent de l'arrivée de nouveaux migrants, on leur assène que c'est un devoir sacré de les accueillir. Et pour justifier l'impuissance on convoque même - et c'est l'aboutissement de la décrépitude politique - des foules d'arguments techniques et juridiques: «on ne peut pas», « on n'a pas le droit ». Les politiques n'ont plus de vision, ils ne sont plus des créateurs de monde.

    Êtes-vous décliniste ?

    Non. Je suis optimiste parce que les Français ont compris. Quand ils pavoisent leur fenêtre d'un drapeau tricolore, c'est parce qu'ils veulent que la France continue. Cette réalité encourageante fait que tous les politiques qui pratiquent le filet d'eau tiède seront balayés.

    Êtes-vous conservateur ?

    Le « moderne » contre le « conservateur », voilà une dialectique épuisée. Le vrai débat aujourd'hui oppose les déconstructeurs et les bâtisseurs. On a dit «changement» en sautant comme des cabris, comme si la modernité était en soi une valeur. On confond l'avenir et la modernité. Si le changement ne conduit qu'à plus de détresse et de drames, alors je revendique un droit à la continuité. Pendant le débat sur le mariage pour tous, on a invoqué le sens de l'histoire sans même s'interroger sur les conséquences de cette loi sur la famille et la filiation. Les notes à l'école ? Valeur du passé. Le travail ? Valeur du passé. La sanction ? Valeur du passé. Christiane Taubira, parfaite incarnation de cette déconstruction postmoderne, proposait même de ne plus incarcérer les délinquants ! Ces valeurs pourtant ne sont pas « rances », elles sont des valeurs d'avenir. Devant tant d'erreurs, face à cette fuite en avant, on a envie de proclamer: « Modernité, que de crimes a-t-on commis en ton nom ! »

    Le « gauchisme culturel » défini par Jean-Pierre Le Goff n'a pas disparu…

    Une partie de la droite dit, fait et croit la même chose que la gauche. Si bien qu'on arrive à croire que la droite serait la gauche, les déficits en moins (et encore!). Cette grande confusion des valeurs et des idées conduit à la mort de la démocratie. Je ne crois pas cela. Deux visions du monde s'opposent. La gauche a trahi la quasi-totalité de ses idéaux fondateurs face au communautarisme. La question qui nous est posée est très simple: est-ce que vous aussi vous vous trahissez ou est-ce que vous affirmez vos valeurs ? J'ai clairement choisi mon camp : celui de l'autorité, du respect, de la civilité, de l'effort, de la famille, de l'identité. Ces mots que trop de politiques abordent en tremblant.

    Pourquoi la parole publique semble-t-elle dévitalisée ?

    Une partie des esprits continuent à être formatés par une pensée de gauche, avec cette peur panique du mot qui dérange. Je l'ai vécu quand j'ai dénoncé la culture de l'assistanat, quand j'ai posé la question des classes moyennes dans le contrat social français ou celle de nos racines chrétiennes. À chaque fois j'ai perçu la lourdeur de la doxa. Certains chez nous ne craignent pas ainsi de parler d'identité multiculturelle heureuse quand la France est en proie à un malaise identitaire criant. On a tellement peur de passer pour islamophobe que l'on ajoute systématiquement le catholicisme à nos réserves sur «le fait religieux». Je fais mienne la phrase d'Élisabeth Badinter « Il ne faut pas avoir peur d'être traitée d'islamophobe si c'est pour parler vrai.»

    Diriez-vous avec Jacques Julliard que « l'école est finie » ?

    L'école est le reflet de notre conception de la société. Suppression des bourses parce que pas d'effort. Pas d'enseignement de l'histoire parce que pas de transmission. Pas d'humanités classiques parce que pas de mémoire. Ajoutez à cela une repentance systématique et vous comprendrez pourquoi des jeunes issus de cette école en viennent à prendre les armes contre leur propre pays. « Il faut donner à aimer la France », disait Simone Weil. On ne transmet plus cet amour. On ne peut assister en silence à ce décrochage et nous contenter de gérer la décadence. Je suis convaincu que sous la cendre subsistent des braises qui attendent notre souffle. C'est le défi de notre génération. Le renouveau du pays ne peut pas seulement se construire dans le champ intellectuel, dans le dynamisme de nos entreprises et de notre économie. Il nous faut un renouveau politique d'ensemble. À l'approche de l'élection présidentielle, on peut s'acharner à enfermer la politique dans les questions de casting et de personnalité, mais la France, pour ne pas s'effondrer, ne pourra pas faire l'économie de ce débat fondamental : celui de son déclin ou de son redressement. La France n'a pas à renoncer à ce qu'elle est, elle doit retrouver ce qu'elle était et que nous avons tant flétri. J'aspire au retour de la France.   

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    Vincent Tremolet de Villers

  • Culture & Langue française • Sans circonflexes et sans complexes

     

    L’orthographe « rectifiée », une faute grave, c'est ce qu'affirme Elisabeth Lévy, dans cette chronique de Causeur que nous avons aimée [8.02]. Son style, ses formules dont elle a le don, son expression simple et directe, et, bien-sûr, sa clairvoyance sur le fond. Ce n'est pas toujours le cas, mais, ici, accord total ! LFAR

     

    sipa-1311899-jpg_1191852.JPGCurieux, ces « rectifications orthographiques » que leurs promoteurs vantent en expliquant qu’elles ne changeront rien et que, de surcroît, elles sont facultatives. De fait, les réformateurs eux-mêmes ne semblent pas très fiers de leur dernière victoire. On dirait que cette réforme, personne ne l’a vraiment voulue, en tout cas pas au sommet de l’Etat. Elle est arrivée toute seule, devenant opérationnelle vingt-six ans après sa conception par la grâce des tuyaux administratifs et la volonté de technocrates inconnus (une parution au JO du 6 décembre 1990, transcrite dans le Bulletin officiel de l’Education nationale du 26 novembre 2015 et finalement intégrée par les éditeurs pour la rentrée 2016).

    Simplification, rationalisation, adaptation : toutes les raisons invoquées par les saccageurs de la langue française s’inscrivent dans ce triptyque et elles sont toutes mauvaises. Il est tout de même effrayant que, s’agissant de cette chose précieuse, raffinée et, il est vrai un brin rigide mais avec tant de charme, qu’est notre langue, on n’invoque jamais l’argument de la beauté – on changerait l’orthographe d’un mot pour qu’il soit plus aimable à l’œil. Non, il faut simplifier, parce que des règles fantasques mais implacables, empilées en strates désordonnées depuis des siècles, sont devenues étrangères à beaucoup de Français, notamment parmi les jeunes. Que la maîtrise de codes complexes, truffés d’arbitraires et hérissés de cas particuliers, permette d’apprendre à penser, c’est une idée qui, paraît-il, n’est pas de notre temps. La moderne attitude, c’est d’assumer son ignorance.

    En somme, adaptons le niveau de langue à celui que nous sommes capables d’enseigner. On ne sait plus écrire « oignon » ? Qu’à cela ne tienne, virez-moi ce « i » trompeur et inutile. Quant aux « chapeaux de gendarme », ne sont-ils pas un discret signe de distinction, un ultime vestige de la prétendue supériorité de la culture sur l’ignorance ? Le circonflexe, c’est, la plupart du temps, une bonne manière qui ne sert à rien, sinon à rappeler un passé révolu : l’archétype du truc réac et nauséabond.

    Avant le langage SMS pour tous…

    Dans cette perspective, beaucoup trouvent que cette réforme ne va pas assez loin. Sur le site de l’Obs, André Crevel, « linguiste et grammairien » plaide aussi pour la suppression des doubles consonnes « quand cela n’a aucun impact sur la prononciation » : « ”Honnête” deviendrait “honête”, “supprimer” se transformerait en “suprimer”. On pourrait également remettre en question les “lettres grecques”. Par exemple, les “h” muet, vestige du grec, ne sont parfois pas utiles (“hippopotame” deviendrait “ipopotame”). » Ne nous arrêtons-pas en si bon chemin : éradiquons aussi les apostrophes, énervantes, les tirets, ambigus, et le point-virgule, bien trop indécis, le fourbe.

    De toute façon, comme l’a souligné Alain Finkielkraut au cours de l’émission « L’esprit de l’escalier », aucune réforme ne rattrapera les fautes réelles d’élèves qui conjuguent les substantifs (les pomment). À moins, bien sûr, de passer au langage SMS pour tous, ce qui nous permettra de réduire considérablement nos dépenses d’enseignement.

    … voila venu le temps de l’orthographe à la carte !

    Mais le plus comique, ou le plus sidérant, de l’affaire, c’est que cette réforme soit présentée comme facultative. L’orthographe à la carte, il fallait l’inventer. C’est comme pour le mariage, chacun fait ce qui lui plaît. Qu’est-ce que ça peut te faire que d’autres écrivent « nénufar », puisque tu pourras continuer à écrire « nénuphar » si ça te chante. Au final, au prétexte inavoué de faire disparaître d’antiques distinctions, on en crée une, de taille, entre ceux qui continueront à parsemer leurs textes de clins d’œil au passé et les enfants du nouveau perpétuel.

    Heureusement, les Français sont plus amusants et plus futés que ce que croient les réformateurs qui veulent leur simplifier la vie. Les gens ne veulent pas qu’on adapte l’orthographe aux fautes de leurs enfants, ils veulent qu’on leur apprenne à ne pas faire de fautes. La révolte qui gronde pour les circonflexes évoque furieusement celle qui s’est levée contre la réforme des collèges. On ne veut pas de votre égalité à deux balles, on ne veut pas de votre monde simplifié, sans complexes et sans complexité. Donc sans beauté ni intérêt. 

    Elisabeth Lévy

    est fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur.

  • Retour à Maurras : « Ce pays-ci n'est pas un terrain vague ... » Voilà ce qui doit guider notre politique de l'immigration !

      

    L’hospitalité 

    Il s'agit de savoir si nous sommes chez nous en France ou si nous n'y sommes plus ; si notre sol nous appartient ou si nous allons perdre avec lui notre fer, notre houille et notre pain ; si, avec les champs et la mer, les canaux et les fleuves, nous allons aliéner les habitations de nos pères, depuis le monument où se glorifie la Cité jusqu'aux humbles maisons de nos particuliers. Devant un cas de cette taille, il est ridicule de demander si la France renoncera aux traditions hospitalières d'un grand peuple civilisé. Avant d'hospitaliser, il faut être. Avant de rendre hommage aux supériorités littéraires ou scientifiques étrangères, il faut avoir gardé la qualité de nation française. Or il est parfaitement clair que nous n'existerons bientôt plus si nous continuons d'aller de ce train. (…) Ce pays-ci n'est pas un terrain vague. Nous ne sommes pas des bohémiens nés par hasard au bord d'un chemin. Notre sol est approprié depuis vingt siècles par les races dont le sang coule dans nos veines. La génération qui se sacrifiera pour le préserver des barbares et de la barbarie aura vécu une bonne vie.

    (…) #La jeune France d'aujourd'hui est en réaction complète et profonde contre ce double mal. Elle rentre chez elle. Ses pénates intellectuels, ses pénates matériels seront reconquis. Il faut que l'ouvrier français, le savant, l'écrivain français soient privilégiés en France. Il faut que les importations intellectuelles et morales soient mises à leur rang et à leur mérite, non au-dessus de leur mérite et de leur rang. L'étiquette étrangère recommande un produit à la confiance publique : c'est à la défiance du pays que doit correspondre au contraire la vue de tout pavillon non français. Qu'une bonne marque étrangère triomphe par la suite de cette défiance, nous y consentons volontiers, n'ayant aucun intérêt à nous diminuer par l'ignorance ou le refus des avantages de dehors, mais l'intérêt primordial est de développer nos produits en soutenant nos producteurs. Le temps de la badauderie à la gauloise est fini. Nous redevenons des Français conscients d'une histoire incomparable, d'un territoire sans rival, d'un génie littéraire et scientifique dont les merveilles se confondent avec celles du genre humain.  

     

    Charles Maurras 

     

    L’Action française, 6 juillet 1912

     

  • Médias • TV : Taubira chez Ruquier…

     

    par Nicolas Julhiet

     

    La production de l’émission aurait dû afficher un message d’avertissement : « Attention, Christian Taubira va s’exprimer. Prévoyez, chers téléspectateurs, une médicamentation ad hoc. Le visionnage de cette séquence d’1h30 est déconseillée aux personnes souffrants de problèmes cardiaques et d’hypertension. » Parce qu’à la fin de sa prestation, sachez-le, on éprouve un véritable mal-être…

    Ce n’est pas tant qu’elle s’exprime mal, la démissionnaire de la Justice. Ce n’est pas tant qu’elle a une voix nasillarde, l’ancienne député de la Guyane. Ce n’est pas tant qu’elle se livre à l’invective, l’ex-candidate du Parti radical de gauche. Simplement, elle s’écoute parler pendant d’interminables minutes. Des dizaines et des dizaines de minutes. Ce serait fascinant – du point de vue psychologique – si ce n’était pas aussi long. Et encore ! Un psychologue aurait sans doute jeté l’éponge et prié gentiment mais sûrement la bonne dame de revenir à un autre moment en lui indiquant la sortie.

    C’est que Christiane Taubira est à l’aise dans son fauteuil d’invité. Elle n’a face à elle ni adversaire, ni avocat du diable. Tout le monde lui est favorable, de Laurent Ruquier à Yann Moix, qui n’a de cesse de louer son « être », en passant par le théâtral Philippe Torreton, acteur engagé – à gauche, évidemment -, qui prononce un grotesque panégyrique de son livre, Murmures à la jeunesse.

    Mais plus que d’assurer la promotion de cet ouvrage, Taubira est venue défendre son bilan au ministère de la Justice. Un bilan que toute la droite – et une partie de la gauche – juge, au minimum, catastrophique. Dans cet exercice, elle brille, exposant toutes les mesures prises, ses réformes et ses projets de lois. Pour un non-initié, l’inventaire semble admirable. Cela fait en tout cas de l’effet sur les chroniqueurs qui, possédant visiblement très peu de connaissances juridiques, ne lui opposent même pas un début de contradiction. Christiane Taubira est en roue libre. La question du mariage pour tous est éludée.

    Reconnaissons quand même à Yann Moix le mérite d’émettre des réserves sur le style oratoire de l’ancienne ministre. Une ex-ministre qui n’a pas vraiment l’esprit de synthèse comme ne le prouve que trop l’ensemble de son intervention. Agaçant cette façon de formuler la même idée en la déclinant de trois ou quatre manières différentes. De quoi regretter la richesse du français.

    Ces faibles critiques permettent néanmoins de mettre en lumière la personnalité de Christiane Taubira. Que d’égo ! Que de ratiocinage ! Que de bruits avec sa bouche ! C’en est presque indécent. Malheur à Moix ou Salamé s’ils lui opposent une toute petite objection. L’un et l’autre se font moucher dès qu’ils prennent la parole. Dans leurs petits souliers, les deux chroniqueurs. Au premier, elle déclare même, à la fin d’un entretien qu’elle a monopolisé : « Vous pouvez être un peu moins narcissique, pour une fois, ce soir ? S’il y a bien quelqu’un de respectueux, pardonnez-moi, c’est moi. » A cet instant, Christiane Taubira ne touchait plus terre !

    Et pourtant, la matière pour la faire redescendre ne manquait pas. Ne serait-ce que cet article du Canard enchaîné rapportant les propos d’un ancien collaborateur : « On navigue au jour le jour, en roue libre, aucune décision n’est prise, les gens bossent comme des chiens, quinze heures par jour, mais sans consigne, sans direction et sans que rien ne soit tranché. Quant à Taubira, elle vibrionne, s’absente de plus en plus et, quand elle est là, elle hurle sur tout le monde… » Loin des murmures, donc. Ce samedi soir [6.02}, on s’en est rendu compte… 

  • Vers l’élection présidentielle

     

    par François Marcilhac

     

    Le moindre des paradoxes de nos institutions n’est pas que l’élection qui devait permettre de neutraliser les défauts inhérents à la république est finalement devenue, au cours des décennies, celle qui les aggrave. Nous voulons évidemment parler de l’élection du président de la république au suffrage universel.  

    Le général De Gaulle, en l’inscrivant dans la Constitution en 1962, n’avait-il pas voulu en finir avec le régime tout puissant des partis en créant, entre un exécutif ayant recouvré à la fois toute son efficience et sa réalité symbolique, et le peuple français, un lien quasi-charnel que l’assassinat du Roi, en 1793, avait rompu et qu’une Restauration, certes bénéfique pour les Français, mais malheureusement éphémère, avait été impuissante, au XIXe siècle, à renouer en profondeur ? Le président, en étant directement élu par les Français, devenait, en quelque sorte, leur « souverain », et la Ve République une monarchie républicaine. Assurément, les partis continuaient de jouer leur rôle, mais dans l’esprit des réformateurs de 1962, leur jeu se trouvait raisonné, voire neutralisé par une élection qui inscrivait dans la politique nationale la prééminence de la continuité de l’Etat et du Bien commun, incarnés par un président « au-dessus des partis », sur le jeu des intérêts particuliers et des groupes de pression.

    Certes, dès 1965, c’est-à-dire dès la première élection du président au suffrage universel, les partis se rappelèrent au souvenir du général en le mettant en ballotage. La cuirasse institutionnelle avait un défaut... celui du déni de réalité : en république, il n’est pas facile de faire rentrer dans sa « besace », comme disait Boutang, des partis qui monopolisent le système électoral lui-même. La crise algérienne passée, le général était redevenu le simple porte-parole d’une majorité politique, voire politicienne. La médiocrité croissante de ses successeurs n’allait que rendre encore plus évidente l’impossibilité à faire de la république une monarchie comme une autre. Oui, le président de la république n’est que le chef d’un clan et, entre l’ambition personnelle du candidat et l’intérêt du ou des partis — et des lobbies, souvent étrangers — qui le soutiennent, s’instaure une dialectique savante, où chacun doit trouver son compte, le peuple français étant le grand perdant d’un régime qui non seulement demeure, mais réussit le tour de force d’être chaque jour davantage à la fois celui des partis et de l’étranger — la soumission à l’ordre européen allant aujourd’hui de pair avec une politique migratoire visant à la dissolution du peuple français.

    La réduction à cinq ans du mandat présidentiel n’aura fait qu’aggraver les défauts de ce qui n’est plus et n’a peut-être jamais vraiment été le dialogue d’un homme avec ses concitoyens. D’autant que le quinquennat aura réduit la durée utile du mandat à trois ans et demi. Le spectacle offert par la classe politique depuis le second tour des régionales, qui ont lancé la campagne pour 2017, est, de ce point de vue, aussi révélateur qu’affligeant. A droite comme à gauche, on ne parle plus que de primaires, et le fait que des voix toujours plus nombreuses, à gauche, veuillent y inclure le président en exercice indique combien la fonction présidentielle a perdu de son aura — mais Hollande, en se voulant « président normal », a participé de la désacralisation de sa fonction. La généralisation des primaires elles-mêmes montre combien le candidat est devenu l’homme d’un parti et ne cherche plus à se revendiquer l’homme de la nation. Que la gauche les ait la première instituées peut se comprendre : elle n’a jamais accepté le caractère à ses yeux bonapartiste de l’élection du président de la république, même si, avec Mitterrand, elle a su en jouer. Mais que la droite s’y soit résolue prouve que celle-ci a définitivement abandonné toute teinture gaullienne et finalement seul le FN — c’est peut-être sa force, qui ne préjuge d’aucune victoire — conserve l’esprit originel des institutions en ne laissant pas des primaires désigner son candidat : Marine Le Pen s’impose, dans ce qu’elle croit être le lien qu’elle a tissé avec les Français — la réalité de ce lien est une autre affaire : le jeu électoral repose sur des semblants, qui ne sont pas tous faux pour autant.

    Ce dialogue direct du candidat avec les Français n’avait pas seulement pour objectif — trop ambitieux — de court-circuiter les partis. Comment ne pouvait-il pas en finir, par la même occasion, avec une République comme règne de l’étranger, dont les partis ont été bien souvent et demeurent les courroies de transmission ? Ruse de la république : le tout récent voyage de Juppé en Algérie démontre que, là aussi, l’élection au suffrage universel n’a fait qu’aggraver ce vice inhérent à la république. Que la visite d’un présidentiable français en Algérie soit devenu un passage obligé suffit à lui seul à démontrer combien le peuple français est devenu autre depuis des décennies : seraient-ce donc les binationaux, c’est-à-dire des citoyens dont l’allégeance est double, qui désormais décident de notre destin ? Quel sens peut avoir un dialogue entre un homme et son peuple quand ce peuple ne se définit plus seulement comme français ? « Il y a une diaspora algérienne très importante en France, qui représente une clientèle électorale de plusieurs millions de voix. Aujourd’hui, ils s’abstiennent, mais en 2012 ils ont voté massivement en faveur de François Hollande », rappelle Benjamin Stora (Le Figaro du 1er février). On comprend pourquoi Juppé lors de son voyage a déclaré que « les binationaux sont une passerelle entre nos deux pays. La France est riche de sa diversité. » Dire que De Gaulle prétendait avoir bradé l’Algérie pour que Colombey-les-deux-Églises ne devienne pas Colombey-les-deux-Mosquées. Se doutait-il que, cinquante ans plus tard, les candidats à l’élection présidentielle française devraient, pour avoir une chance de l’emporter, se fait adouber par Alger ? Et les binationaux franco-algériens sont loin d’être les seuls. Oui, dans ce contexte, la querelle sur la déchéance de nationalité paraît bien dérisoire. La question est devenue : qu’est-ce qu’un citoyen — et subsidiairement un électeur — français ?

    Un sursaut est évidemment nécessaire pour empêcher la république de poursuivre jusqu’ à la dissolution de la France sa politique mortifère. Oui, en 2017 il faudra choisir. Choisir un candidat qui soit intraitable sur la question de la survie non seulement des fondements de notre société mais de la nation elle-même, puisque nous en sommes là. Non que nous nous illusionnions sur la capacité du régime à susciter un recours, puisque, précisément, c’est pour pallier les insuffisances criminelles du régime que des recours se sont révélés nécessaires dans l’histoire — et nous ont presque toujours déçus. Royalistes, nous connaissons le nom de celui qui rendrait vaine jusqu’à la nécessité même d’un recours. Tout en agissant pour son retour — et dans l’espoir qu’il le désire autant que nous —, il nous faudra bien en l’attendant semble-espérer dans un candidat suffisamment patriote à la fois pour ne pas ressentir le besoin d’aller chercher à l’étranger sa (contre-)légitimité et pour rassembler tous les Français désireux que notre pays continue, simplement, d’exister. Nous le désignerons, le moment venu, mais il fallait bien, à l’aube de ces quinze mois de démagogie politicienne, rappeler le combat essentiel. Afin d’y prendre toute notre part. 

    L’Action Française 2000

  • Boutang : « La république en France ne réunit pas les conditions minimales d'un Etat »

     

    4184492981.jpg« En remontant du salut public […] jusqu'à sa condition royale, [Maurras] a pu ériger la preuve puissante, jamais réfutée, que la république en France, règne du nombre, des partis, et, à travers eux, de l'or et de l'Étranger, ne remplissait pas les conditions minimales d'un État; qu'elle ne pouvait donc masquer sa nullité politique que par une tyrannie administrative et bureaucratique vouée à défaire la nation. Il en résultait que l'avantage majeur de la monarchie serait de n'être pas la République, de combler son vide par la présence d'une personne douée, en général et au moins, des attributs de l'humanité, la raison de « l'animal rationnel mortel » et la responsabilité. » 

     

    * Maurras, la destinée et l'œuvre, Plon, 1984

  • Défense : Forfaiture et dissidence

     

    par Mathieu Épinay

     

    En avril dernier, le chef d’état-major de l’armée de l’air évoquait la nécessité de «faire évoluer, sur le plan de la souveraineté, les liaisons actuelles telles que la Liaison 16». Longtemps partisan inconditionnel de ce système de communication américain, il reconnaissait donc, à demi-mots, qu’il s’était trompé. Trop tard ! L’installation sur l’ensemble de notre aviation de chasse de la Liaison 16 venait de s’achever : un fiasco d’un demi-milliard d’euros, le chantier ayant paralysé pendant des années des escadres en surchauffe opérationnelle. Il nous coûte, en sus, 10 ans de retard dans le domaine ultra-sensible des liaisons de données tactiques.

    Comme en écho, le patron des opérations aériennes déplorait, en décembre, nos difficultés de coordination avec les aviations russe et syrienne « qu’il faut améliorer sous peine de mettre en jeu la sécurité́ de nos équipages ». En clair, en Syrie comme en Afghanistan, en Libye ou en Afrique, la Liaison 16 ne sert à rien (cf. : Voyage en absurdie, sur politiquemagazine.fr).

    La L 16 a été adopté en 1995 en violation des règles de programmation militaire par une génération d’officiers issue de mai 68, et dont il a bien fallu se contenter, 30 ans après, à la direction centrale. Conçue pour la guerre froide, archaïque sur les plans technique et conceptuel, elle est verrouillée par le Pentagone qui la contrôle et la modifie à son gré. Notre armée a juste le droit de payer les mises à jour d’un système qui mine la souveraineté opérationnelle de nos forces !

    Une dissidence, minoritaire mais forte de la justesse de ses analyses et de sa légitimité opérationnelle, avait tenté de résister, dès 1995, aux sectateurs de la liaison 16. Mais malgré quelques succès ponctuels en état-major, elle était trop isolée pour remporter la partie. Quant à ceux qui avaient compris les enjeux, beaucoup, par appétit de carrière, avaient préféré se taire.

    Un dossier avait été instruit et monté au sommet de la hiérarchie. Seul le général Bentégeat (photo) avait réagi : en 2004, il interdisait la L 16 sur les Rafale en mission stratégique. Mais, après son départ, il avait fallu passer en force pour briser l’omerta et l’affaire fut portée à l’élysée. Silences gênés, indifférence calculée, réponses péremptoires ou menaces à peine voilées : le sujet était trop ésotérique pour en tirer des avantages politiciens et potentiellement explosif par l’éminence de ceux qui s’y étaient compromis. Cependant, la dissidence ne fut pas sanctionnée. Le Conseil d’Etat ne l’aurait pas admis. On bloqua simplement l’avancement des récalcitrants.

    En 2012, le député Jacques Bompard posait à l’Assemblée une question écrite sur la Liaison 16. Elle resta sans réponse. Un général, retiré de ces affaires qu’il avait bien connues, s’en étonna auprès du ministre. Il lui en proposa une. Parut alors au J.O. celle, piteuse, des états-majors dont notre général adressa au ministre une critique cinglante restée, elle aussi, sans réponse. Interpellés par ces échanges, deux sénateurs voulurent alors le rencontrer. Curieusement, ils annulèrent le rendez-vous au dernier moment. On en resta là.

    Pour autant, plus personne à Brienne n’ignore que notre aviation a été dotée, en dépit du bon sens, d’un système américain ruineux et inadapté qui compromet lourdement notre indépendance. Ainsi mensonges, esquives et silences coupables en des matières sensibles confinent-ils parfois à la forfaiture. 

    Collectif de spécialistes des questions de Défense

  • Calais : la capitulation de l'État, la révolte et la haine

             

    Une tribune d'Alexis Théas pour Figarovox [7.02], pointant avec pertinence le déchaînement médiatique qu'a suscité le micro-rassemblement « anti-migrants » de samedi dernier. Ce n'est selon lui - et nous partageons son avis - qu'un écran de fumée destiné à masquer une situation apocalyptique et la démission de l'Etat.
     

    Pendant que le président de la République apparaissait sur France 2 à la mi-temps de France-Italie pour commenter le match de rugby de samedi, le naufrage de Calais se poursuivait. Une manifestation d'une centaine de personnes, présentée comme «   anti-migrants », s'y réunissait. Ce mouvement répondant à un appel du groupe allemand Pegida, « contre l'islamisation de l'Europe », il a été attribué par les médias à l'ultra-droite, voire les néonazis. La manifestation ayant été interdite par le ministre de l'Intérieur, la répression policière a été sévère : 20 interpellations, soit un cinquième des manifestants, 10 placements en garde à vue... Fait marquant : un général de corps d'armée à la retraite, ancien commandant de la Légion étrangère, Christian Piquemal, dont le parcours ne révèle rien d'un factieux ni d'un extrémiste, s'est trouvé parmi les personnes arrêtées. Les commentaires médiatiques se focalisent sur la condamnation virulente du rassemblement qualifié de raciste. Mais que recèle vraiment cette indignation ?

    La situation de Calais a pris une dimension apocalyptique. Plusieurs milliers de migrants en situation irrégulière ont installé un gigantesque bidonville, surnommé la Jungle, devenue une zone de non droit. Des personnes en provenance du Moyen-Orient et d'Afrique, dont des enfants, y survivent dans des conditions sanitaires épouvantables, indignes de la France contemporaine, sous la férule des passeurs mafieux et des activistes d'extrême gauche. La violence et le chantage y règnent en maîtres. La police y est prise pour cible et de violents affrontements s'y déroulent périodiquement. Toute une région est gravement sinistrée. Les commerces dont le chiffre d'affaires s'est effondré doivent fermer, les habitants du voisinage vivent dans la terreur. Un véritable chaos se répand sur toute une partie de la région dont l'image est dévastée.

    Une tragédie fruit de l'impuissance européenne

    Le drame n'a rien de nouveau, même s'il s'est considérablement aggravé en quatre ans. Il remonte à la fin des années 1990, lié au fonctionnement de l'espace Schengen : la France a ouvert ses frontières européennes et s'est engagée à protéger par tous les moyens celles de la Grande-Bretagne, transformant, le Calaisis en cul-de-sac, réceptacle des migrants qui ont traversé une partie de la planète dans le but de se rendre Outre-Manche. Cette tragédie est le fruit de l'impuissance européenne à contrôler la frontière extérieure commune, d'ailleurs totalement démantelée depuis la grande ouverture de septembre 2015. La manifestation de samedi résulte en outre de la faillite de l'Etat dans sa mission d'autorité et de protecteur des populations. La faiblesse, comme toujours, est le plus court chemin qui conduit à la haine et la violence. La responsabilité de M. François Hollande est engagée. L'article 5 de la Constitution de 1958 fait du chef de l'Etat le « garant de l'intégrité du territoire ». Le président de la République, qui ne s'est jamais rendu sur place, est responsable de l'abandon à des groupes mafieux d'une parcelle du territoire national. Calais fait autant partie de la France que le huitième arrondissement de Paris, faut-il le lui rappeler ?

    La vigueur des réactions politiques et médiatiques à un micro-rassemblement de cent personnes, le déchaînement médiatique autour des incidents, se présentent ainsi comme un écran de fumée destiné à masquer le désastre humanitaire et national dans toute son ampleur. La vigueur de la répression policière contraste avec le laxisme généralisé qui a abouti à la formation d'un bidonville abandonné à la mafia et aux groupuscules d'extrême gauche. Il faut y voir une gesticulation destinée à compenser une capitulation quotidienne, face à l'immigration illégale, face aux passeurs mafieux, à l'image d'un mode de gouvernement fondé sur les leurres et les manipulations. Le psychodrame de samedi renvoie au débat en cours sur la déchéance de la nationalité, et ses coups de menton destinés à recouvrir la désintégration en cours de la société française, sa plongée dans le désordre et la violence, de Calais à Marseille, en passant par Paris. Il est plus facile de réformer la Constitution dans les Palais feutrés de la République en donnant des leçons de morale républicaine, que de venir au secours de compatriotes aux prises avec l'horreur mafieuse. Le pouvoir évite ainsi de braver par des actes réels l'angélisme et le sans-frontiérisme, qui demeurent les piliers idéologiques du parti socialiste.

    Le monde politico-médiatique s'est déchaîné contre le général Piquemal accusé d'extrémisme. Et si le geste solitaire de ce Soldat n'était rien d'autre qu'un mouvement de désespoir et de colère contre la grande dérobade politicienne, la démission de l'autorité face au chaos français et européen, dont la Jungle de Calais est devenue le sinistre symbole ? 

     
    Alexis Theas est universitaire
  • Ce que j'ai vu, ce que j'ai entendu à Rennes, le 6 février 2016... Un drôle de 6 février ...

     

    par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgC'était un 6 février, j'aurai dû me méfier... En arrivant en ma ville natale de Rennes, au milieu de l'après-midi, je savais pourtant, quelques minutes avant de descendre du train, que le centre-ville était en ébullition : près de moi, un passager apprenait, par téléphone, que les bus ne circulaient plus, « à cause de manifestations désordonnées » (en fait, le terme utilisé était plus simple et moins correct...). Effectivement, en arrivant à bon port, la première chose que j'entendis, c'était le bruit caractéristique et entêtant d'un hélicoptère tournoyant au-dessus de la ville, s'arrêtant de longs moments au-dessus d'un point sans doute précis avant que de sembler glisser vers un autre point non moins précis. L'ancien Champ de Mars (aujourd'hui esplanade Charles de Gaulle), à quelques dizaines de mètres de la gare, était étrangement jonché de vêtements multicolores tandis qu'un chariot métallique se consumait et, avec lui, les restes d'un mannequin ou d'un épouvantail ; quelques flammèches sortaient, un peu plus loin, de restes d'une sorte de boîte de conserves... 

    Un peu plus loin, rue d'Isly, toutes les façades des agences bancaires étaient, de haut en bas, maculées de peinture, voire constellées d'impacts, et les distributeurs de billets disparaissaient sous une épaisse couche de couleurs criardes et de farine (ou d'une matière y ressemblant) ; par terre, des bouteilles brisées, des coquilles d’œufs, et toujours de la peinture, à peine sèche... Une odeur légèrement âcre flottait dans l'air, qui rappelait les gaz lacrymogènes abondamment déversés sur les manifestants, casseurs et passants, nombre de ces derniers n'ayant parfois aucun rapport avec le défilé des opposants à la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes tout comme, d'ailleurs, les activistes tagueurs qui avaient  inscrit « Zad partout ! » et de multiples slogans dont la plupart n'avaient rien à voir avec l'objet de la manifestation... 

    L'une de mes premières réactions fût de penser que tout cela risquait bien de déconsidérer la légitime contestation d'un projet d'aéroport inutile et que l'humour de certains slogans n'empêchaient pas la bêtise de certains autres... Intérieurement, je pensais que ces dégradations allaient servir de prétexte au Pouvoir pour dénoncer, avec une parfaite hypocrisie, l'opposition à ce projet industriel au cœur du bocage nantais, et j'en voulais (et j'en veux toujours) aux extrémistes de gauche et revendiqués anarchistes de leur absence de clairvoyance, voire pire ! « Les chiens de garde du Capital », diraient certains... En tout cas, des agitateurs qui jouent la carte du pire comme pour être bien sûrs qu'il se réalise ! Sans négliger la part de manipulation... 

    La plupart des témoins et des riverains avec lesquels j'ai discutés alors que je poursuivais mon chemin vers le centre-ville m'ont confirmé cette étrange impression d'abandon du terrain par les forces dites de l'ordre : si l'hôtel de ville était bien protégé, voire surprotégé, par des dizaines de gardes vêtus et casqués de bleu, ce n'était pas le cas des rues que devait prendre le carnaval des manifestants et que des encagoulés ont consciencieusement saccagées, par le bris ou par la peinture, transformant la forme mais surtout le sens de la manifestation... 

    Un serveur de café, non loin de la place de la République, m'a expliqué son incompréhension devant les désordres et devant la réaction lacrymogéneuse des forces de l'ordre qui, au lieu de calmer les émeutiers, les excitait et leur permettait, au milieu de la panique des passants du samedi, de commettre leurs méfaits. Quelques uns provoquaient et harcelaient les policiers et gendarmes, mais tout le monde subissait les lacrymogènes, sans autre profit que celui des casseurs, bien sûr équipés pour en éviter les effets. Le café de La Paix dut fermer ses portes quelques minutes devant la situation devenue dangereuse pour ses clients et pour éviter l'intrusion de manifestants cagoulés mêlés aux familles qui se promenaient paisiblement et se retrouvaient pris dans les effluves de lacrymogènes...  

    Qui est responsable de ce gâchis ? Bien sûr, il y a les casseurs qui se parent d'une cause pour masquer leur nihilisme et, souvent, leur bêtise, même si, il faut le dire aussi pour être complet et honnête, certains ont peinturluré les façades des agences immobilières et bancaires avec l'idée que cela était l'acte contestataire d'un ordre injuste à leurs yeux : après tout, je me souviens que le philosophe maurrassien Pierre Boutang fulminait aussi contre « cette société qui n'a que des banques comme cathédrales » et qui déclarait, avec une exagération toute bernanosienne, qu'il « n'y avait rien à en conserver »... En disant cela, je ne trouve, en revanche, aucune excuse à ceux qui s'en sont pris aux murs des Halles, à ceux de la Poste et des particuliers, dans un geste purement destructeur et d'une grande laideur, pas seulement sur le plan esthétique ! Aucune excuse non plus pour ceux qui menaçaient des manifestants pacifiques ou des commerçants inquiets en brandissant des manches qui avaient servi, les minutes précédentes, à porter des banderoles ! 

    En approchant de la Mairie, puis en redescendant les rues qui menaient de celle-ci aux quais ou au boulevard de la Liberté, j'ai recueilli moult témoignages, et discuté avec nombre de personnes, y compris quelques jeunes déguisés et qui se désolaient de la tournure que les choses avaient prises, s'accrochant désespérément à la seule revendication pour laquelle ils étaient venus, celle de  l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, et qui est aussi la mienne... Je les ai suivis dans leur dérisoire et touchante pérégrination, pour le coup totalement inoffensive, interrompue, rue d'Orléans, par l'intervention coléreuse de quelques policiers en civil, matraque télescopique en main, sans que celle-ci n'aille, d'ailleurs, au-delà de mots et de quelques gestes menaçants. Autour de moi, la foule était interloquée : certains murmuraient que la police se trompait de coupables, d'autres se demandaient, à voix basse au plus fort de la tension, pourquoi l'intervention policière n'avait pas eu lieu plus tôt et, surtout, à l'encontre des casseurs ; d'autres encore, moins compréhensifs à l'égard des jeunes chevelus, haussaient les épaules en dénonçant, là encore sans grand éclat, les manifestants assimilés à de simples voyous sans foi ni loi... 

    J'ai parlé des responsabilités des casseurs, mais il y a celles, aussi, des « autorités » qui portent, parfois, si mal leur nom... Les questions que, dans les discussions, se posaient de nombreux témoins et passants, mais aussi des commerçants qui avaient senti venir, pour certains, les incidents, portaient sur l'étrange passivité des forces de police au moment où il aurait fallu intervenir et interpeller, non quelques isolés, mais les casseurs que des riverains et des commerçants (en particulier rue Jules Simon, près des Halles de Rennes) ont pu voir se livrer à leurs déprédations en toute impunité. La maladresse des propos du préfet, quelques heures après, qui mettaient tous les manifestants dans le même sac, a fait tiquer quelques témoins et, évidemment, les manifestants pacifiques parmi lesquels je compte aussi des amis dont je connais à la fois l'engagement et la probité : « Les carnavaliers ont montré leur vrai visage, celui de casseurs »... Non pas « des », mais « les » ! Ce genre d'amalgame est révélateur : il s'agit ainsi de culpabiliser et de criminaliser la contestation d'un projet qui aurait mérité, dès ses origines, un véritable débat, autant économique qu'environnemental, et non une « imposition » administrative, politique et étatique. Il s'agit de décrédibiliser et, plus encore, de faire taire toute velléité de protestation, toute manifestation d'un « avis contraire » à ce qui a été décidé, en des lieux qui ne sont pas forcément seulement politiques... Quelle étrange conception de la liberté d'opinion et d'expression ! 

    Sans doute peut-on deviner les raisons de cette attitude du préfet (quel rôle, aussi, du maire de la ville, Mme Appéré ?), au moment où M. Valls affirme vouloir passer en force et commencer les travaux après l'expulsion, que l'on dit imminente, des derniers paysans présents sur la zone ainsi que de leurs alliés « zadistes », parfois considérés comme bien encombrants, à tort ou à raison (ou les deux à la fois). Il s'agit de montrer la fermeté de la République quand elle ne peut plus, en fait, répondre aux défis du temps et qu'elle se laisse déborder sur tant de fronts... Cet ordre-là n'est pas l'ordre au sens fort et noble du terme, il n'en est que la caricature sinistre et inquiétante pour qui aime notre pays et ses libertés, notre civilisation et ses particularités, notre patrimoine et ses richesses, autant environnementales que littéraires, gastronomiques, historiques... « L'ordre n'est plus dans l'ordre », pourrait-on dire comme les non-conformistes des années 1930, ceux-là mêmes qui ne se contentaient pas, qui ne voulaient plus de ce qu'ils nommaient aussi le « désordre établi », qui est celui, encore et toujours, de notre triste époque... 

    C'était un samedi 6 février, et, étrangement, il flottait dans l'air un drôle de souffle, un rien de souffre... Sur la table du café de La Paix, il y a encore un exemplaire de Marianne qui titre sur un autre 6 février, celui de 1934... Oui, vraiment, drôle de 6 février, à Rennes... 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

  • Le Comte de Paris : « Honneur et Fidélité est notre devise »

     

    Le chef de la Maison de France, Monseigneur le comte de Paris, vient de condamner publiquement via son compte twitter, l’arrestation par la police française du général Piquemal à Calais.

    Le compte Twitter du Comte de Paris

  • Le réel a lieu

     

    par Jean-Baptiste d'Albaret 

     

    Entre ce qu’il est convenu d’appeler les « élites » et la population, il n’y a plus seulement un fossé. Il y a désormais un gouffre. Un abîme. Selon un sondage publié le mois dernier, seul un Français sur dix a confiance dans les partis politiques. Un Français sur quatre dans les médias. Ce décalage déjà ancien entre le « pays légal » et le « pays réel » va en s’accentuant et s’observe dorénavant un peu partout en Europe.

    Exemple. Désignée personnalité de l’année par Time Magazine pour sa décision d’accueillir 800 000 migrants, Angela Merkel a finalement reconnu que « le multiculturalisme conduit à des sociétés parallèles et qu’il demeure, par conséquent, une grande illusion »… Constat en forme d’aveu qui sous-estime cependant l’échec de la politique migratoire imposée conjointement par la chancelière allemande et la Commission européenne, avec l’approbation zélée de François Hollande. Car, dans la nuit du 31 décembre, à Cologne, le réel a bien eu lieu pour paraphraser le titre d’un livre de Michel Onfray. Des milliers d’hommes, demandeurs d’asile pour la plupart, ont violenté ou violé des centaines de femmes, parfois sous les yeux de forces de l’ordre débordées ou étrangement atones. Les autorités allemandes – police, médias, élus – ont d’abord cru avisé de dissimuler l’ampleur de ces agressions. Mal leur en a pris. Les réseaux sociaux se sont emparés de l’information : on apprenait alors que des faits similaires avaient été constatés, et pareillement censurés, dans plusieurs autres villes d’Allemagne, mais aussi en Autriche, en Suisse, en Finlande. En Suède, le Premier ministre a même accusé sa police de « déni de démocratie » pour avoir caché l’explosion du nombre de viols dans son pays. Mais à Stockholm comme à Cologne, la police a fait ce qu’on lui demandait : elle a fermé les yeux, elle n’a pas voulu voir.

    Cette irruption du réel ébranle en effet toutes les certitudes établies. Elle bat en brèche les lieux communs de cet antiracisme « en train de devenir fou », pour parler comme Alain Finkielkraut, qui consiste à culpabiliser le « Même » pour faire de « l’Autre » une victime. Et elle donne à voir froidement le résultat concret d’une politique multiculturaliste – essentiellement motivée par des questions économiques et démographiques – imposée au forceps. D’où cette incroyable rétention d’information. D’où, également, ces invraisemblables précautions sémantiques. Une fois l’affaire rendue publique, le maire de Cologne a recommandé à ses administrées de garder « une distance plus longue que le bras tendu » avec les nouveaux arrivants. Le tout, bien sûr, pour ne « stigmatiser » personne. Comme si nous, pauvres citoyens, étions incapables de saisir les nuances et d’établir les distinctions nécessaires.

    Ainsi vont, en Allemagne comme en France, les élites politiques, médiatiques, intellectuelles. Pour les citoyens, le danger principal est le terrorisme islamiste. Pour elles, c’est le fascisme, l’extrême droite. Les uns sont d’abord préoccupés par leur sécurité. Les autres le sont avant tout par les droits de l’homme. Les peuples expriment de plus en plus un désir de patriotisme. Les élites ne jurent que par l’Europe et la mondialisation. Un sondage CEVIPOF de février 2015 soulignait que pour 87% des Français les politiques ne tiennent pas compte de leurs préoccupations… Il n’y a pas à chercher plus loin l’explication à la forme explosive des mouvements populistes en Europe.

    En France, Nicolas Sarkozy vient d’annoncer qu’il ne reviendrait pas sur la Loi Taubira après avoir promis qu’il l’abrogerait s’il était élu. On s’en doutait. Mais on en reste pas moins effaré par cette capacité de nos dirigeants à trahir toutes leurs promesses. Et à creuser toujours un peu plus la tombe du politique. •

    Rédacteur en chef de Politique magazine

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    Février 2016

  • Huit mille deux cent cinquante

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Ils seraient donc 8250, d’après Le Figaro, lequel fait état d’un « bilan officiel » : 8250 « radicalisés ». Soit une hausse de 100% en moins d’un an. On appréciera, sachant que « radicalisé » signifie musulman fortement suspecté et de repli identitaire (donc d’un retour à l'essence même de l’islam) et d’hostilité profonde à la France (par principe et sous toutes ses formes) et, comme conséquence logique, d’apologie du terrorisme (donc d’actions meurtrières pour combattre « les mécréants »). Evidemment, les bonnes consciences, en l’occurrence celles du Monde, ont immédiatement cherché à minimiser l’information en recourant à des sophismes peu convaincants : il ne faudrait pas confondre « signalements » avec « radicalisations » et la hausse de 2015 serait simplement tributaire du contexte des attentats. En fait, ce nombre reste certainement inférieur à la réalité : ainsi, à titre d’exemple, le jeune agresseur turc de Marseille n’avait fait l’objet d’aucun signalement préalable.  

    Existe donc sur notre territoire un nombre considérable d’ « individus » dangereux - susceptibles de commettre une agression à la machette, de se faire exploser sur un marché ou d’ouvrir le feu sur n’importe quelle foule. Pis : existe aussi une nébuleuse de recruteurs islamistes qui a des ramifications dans les prisons, dans les écoles, dans les clubs et salles de sport, dans les mosquées, etc., puisque, dans 95% des cas, la « radicalisation » résulte d’un contact humain, direct, avec un propagandiste. La préméditation et l’organisation sont donc avérées et le « loup solitaire », concept tellement commode pour tous ceux qui crient volontiers à l’amalgame et à l’islamophobie reste une exception. 

    Cette nouvelle armée secrète séduit par ailleurs des gens qui ne sont pas forcément des paumés en rupture de ban. Un récent dossier de L’Obs sur le sujet, commenté dans le « 7-9 » de France Inter, souligne - enfin - les limites de l’explication simpliste par le fanatisme ou le nihilisme : la plupart des aspirants-jihadistes ont, au sens propre, la foi; la foi de ceux pour qui la mort n’est pas un échec mais, dans certaines conditions, une victoire qui leur ouvre les portes du paradis. Cette foi transmise ou fantasmée (celle des convertis, notamment) correspond à un besoin de transcendance que ne sauraient assouvir les misérables « valeurs », purement matérialistes et individualistes, de la société contemporaine. Ce qui signifie en clair que la responsabilité de notre société existe mais pas forcément là où on la cherche. 

    Dès lors, qu’importent les pourcentages (les statistiques chiffrent les mineurs à 20% et les femmes à 30%; les convertis seraient 25%) ? Chaque radicalisé(e) est un soldat ennemi potentiel. Or, on semble plutôt se satisfaire d’avoir créé cette nouvelle catégorie (« citoyenne » ?), les « radicalisés », que lon considère comme des victimes, voire des malades à soigner, alors qu’il faudrait, sans les mépriser pour autant, les empêcher de nuire, eux et leurs recruteurs, en ne s’interdisant aucun moyen (…). Sinon, proclamer que nous sommes en guerre et déployer la troupe au coin des rues n’est plus qu’une opération de communication. 

     

  • Nicolas Sarkozy, Christiane Taubira, Alain Juppé, Jean-François Copé : j'écris, donc je suis...

     

    De nombreux ouvrages signés d'hommes politiques paraissent dans les librairies ces derniers mois. Pour André Bercoff, les dirigeants cherchent ainsi à échapper aux flux incessants de l'info en continu et des réseaux sociaux. D'où, dans Figarovox, une salutaire et revigorante humeur, dans le style que l'on sait ... D'autant qu'il n'est ni inutile ni désagréable de voir ainsi relativisés, ou mieux dévalorisés, ces Messieurs de la politique et de la presse qui ne méritent pas meilleur traitement.  LFAR

     

    photo.jpgJ'écris, donc je suis. Jamais autant qu'aujourd'hui, les politiques n'avaient si minutieusement détourné le postulat cartésien. Certes, le pacte séculaire qui lie les Français à l'imprimé, faisait depuis longtemps en sorte que tout représentant du peuple qui se respecte, publiât, un jour ou l'autre, un essai polémique, une vibrante profession de foi, un programme pour Pâques ou la Trinité, et enfin - exercice incontournable - ses Mémoires à l'automne de sa vie. La plupart des ouvrages précités se vendaient peu ou point, mais qu'importait le tirage, pourvu qu'on ait son quart d'heure de célébrité : l'ivresse des micros et des caméras pour commenter, s'étendre et se répandre sur l'immortel produit de ses précieux neurones. A chaque parution, le récipiendaire expliquait pourquoi il faisait don de son cerveau à la France : il était en effet indispensable, pour sauver ce cher et doux pays, que les citoyens connaissent les fulgurantes analyses, les étonnantes prédictions ou les non moins sulfureuses révélations qu'un politique digne de ce nom se doit de mettre à la connaissance de tous. Les grenouilles ont toujours voulu se faire aussi grosses qu'un bœuf : le passage en librairie donnait l'illusion, le temps d'une saison, de passer pour un homme d'État. Rien de nouveau sous le soleil de l'édition.

    Aujourd'hui, cependant, force est de reconnaître, dans ce domaine comme dans tant d'autres, l'accélération de l'Histoire, fille des nouvelles technologies et des récentes crises économiques et identitaires. Et surtout, de celle du pouvoir. Depuis la rentrée de septembre dernier, il n'est de semaine sans qu'un élu ne fasse paraître l'état présent de son encéphale sous forme de quelques dizaines, voire quelques centaines de pages. De Villiers à Fillon, de Copé à Taubira, de Juppé à Sarkozy, de Le Maire à Valls, tous sont passés, passent ou passeront par la case écriture. Qu'ils fassent appel à des « nègres» , ou pondent eux-mêmes leur œuf, nul, désormais, ne peut échapper aux fourches caudines de ce vice impuni. Levez-vous, ô lecteur désiré… Et peu importe si certaines publications ne se vendent qu'à quelques centaines d'exemplaires : la petite pierre blanche sera toujours là, sur Amazon ou dans les lignes de Wikipédia.

    Paradoxe ? Non : instinct de survie. À l'heure où le public se méfie de plus en plus des médias comme de leurs représentants, des politiques comme de leurs promesses, les réseaux sociaux passent leur temps à contredire, à démentir ou à contester une parole qui, jadis, au bon vieux temps, passait par le tamis d'une presse omniprésente et encore puissante, et qui a perdu peu à peu sa légitimité et sa force. Quand gauche et droite ne savent plus où elles habitent, quand la plus récente joute télévisée efface immanquablement la précédente, où peut encore se nicher le dur désir de durer ? Dans le livre. Celui dont on rêve qu'il restera, quand on aura tout oublié. 

    André Bercoff

    André Bercoff est journaliste et écrivain. Son dernier livre Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi est paru en octobre 2014 chez First.

  • Culture & Littérature • Alain Finkielkraut : un néo-réac sous la coupole

     

    Par Henri BEC

     

    2015-03-20_155205_bec-village.jpgAlain Finkielkraut a prononcé son discours de réception à l’Académie française (on dit son « remerciement »), où il avait été élu en avril 2014. On se souvient que cette élection avait été accompagnée des cris d’orfraie du petit monde médiatico-bobo, scandalisé de l’élection d’un pareil réactionnaire.

    D’une part elle nous a donné le plaisir d’assister à l’effondrement d’une pensée, et peut-être même d’un système qui ne séduit plus les esprits. Les mouvements de l’histoire sont toujours lents nous a appris Jacques Bainville, ceux de la pensée également. Mais l’Académie s’est une fois de plus honorée de résister au mauvais air du temps.

    D’autre part, le discours prononcé sous la coupole n’en fut pas moins éminent : « Le nationalisme, voilà l’ennemi : telle est la leçon que le nouvel esprit du temps a tirée de l’histoire, et me voici, pour ma part, accusé d’avoir trahi mon glorieux patronyme diasporique en rejoignant les rangs des gardes-frontières et des chantres de l’autochtonie. Mais tout se paie : ma trahison, murmure maintenant la rumeur, trouve à la fois son apothéose et son châtiment dans mon élection au fauteuil de Félicien Marceau. Les moins mal intentionnés eux-mêmes m’attendent au tournant et j’aggraverais mon cas si je décevais maintenant leur attente » .

    Alors il a répondu à leur attente mais il les a déçus.

    La France s’oublie elle-même

    Dans de nombreux ouvrages dont le très controversé L’identité malheureuse, Alain Finkielkraut n’a cessé de déplorer la disparition progressive de notre culture, notre langue, notre littérature, notre religion, nos traditions et tout simplement notre art de vivre, pour en arriver à l’être désincarné dont rêve tout dictateur, notamment le dictateur consumériste américain. Et de regretter que la France « semble glisser doucement dans l’oubli d’elle-même ».

    « Notre héritage, qui ne fait certes pas de nous des êtres supérieurs, mérite d’être préservé, entretenu et transmis aussi bien aux autochtones qu’aux nouveaux arrivants. Reste à savoir, dans un monde qui remplace l’art de lire par l’interconnexion permanente et qui proscrit l’élitisme culturel au nom de l’égalité, s’il est encore possible d’hériter et de transmettre » .

    Fils d’un juif déporté, son remerciement, au terme duquel il devait, selon une belle tradition, faire l’éloge de son prédécesseur, Félicien Marceau, homme de lettres belge, condamné par contumace à 15 ans de travaux forcés pour collaboration avec l’ennemi, condamnation qu’Alain Finkielkraut juge « exorbitante » , était très attendu. « Il n’y a pas de hasard, pensent nos vigilants, et ils se frottent les mains, ils se lèchent les babines, ils se régalent à l’avance de cet édifiant spectacle ».

    Mais il eut été étonnant que Finkielkraut s’abaissât à un jeu malsain.

    Rappelant Richelieu, fondateur de l’Académie, il cite Pierre Gaxotte, l’historien de l’Action française, évoquant Blum : « Comme il nous hait ! Il nous en veut de tout et de rien, de notre ciel qui est bleu, de notre air qui est caressant, il en veut au paysan de marcher en sabots sur la terre française et de ne pas avoir eu d’ancêtres chameliers, errant dans le désert syriaque avec ses copains de Palestine ». Il reprend Simone Weil (la philosophe, pas l’autre) et affirme, comme elle l’avait écrit dans L’enracinement, avoir été étreint par le « patriotisme de compassion » … « non pas donc l’amour de la grandeur ou la fierté du pacte séculaire que la France aurait noué avec la liberté du monde, mais la tendresse pour une chose belle, précieuse, fragile et périssable. J’ai découvert que j’aimais la France le jour où j’ai pris conscience qu’elle aussi était mortelle, et que son « après » n’avait rien d’attrayant » .

    L’hommage à Félicien Marceau

    Puis c’est tout en nuances qu’il analyse l’évolution intellectuelle de Louis Carette, le véritable nom de Félicien Marceau.

    Celui-ci occupait le poste de chef de section des actualités au sein de Radio-Bruxelles, placé sous le contrôle direct de l’occupant. Lorsque la connaissance des mesures prises contre les juifs commence à se répandre, il écrit  « Je puis concevoir la dureté. Je suis fermé à la démence. Je résolus de donner ma démission » .

    « Ce geste ne lui est pas facile » commente Finkielkraut. « Deux hontes se disputent alors son âme : la honte en restant de collaborer avec un pouvoir criminel ; la honte, en prenant congé de laisser tomber ses collègues et de manquer ainsi aux lois non écrites de la camaraderie » . Il explique longuement sa démarche, « révulsé par la guerre immonde qui suscite tout ce qu’il y a d’immonde dans le cœur déjà immonde des braillards » et rappelle que De Gaulle lui a accordé la nationalité française en 1959 et que Maurice Schumann a parrainé sa candidature à l’Académie française.

    Son discours stigmatise tous ceux qui, sans nuance mélangent les époques et les hommes pour ne juger qu’à l’aune d’un moment : « Aux ravages de l’analogie, s’ajoutent les méfaits de la simplification. Plus le temps passe, plus ce que cette époque avait d’incertain et de quotidien devient inintelligible. Rien ne reste de la zone grise, la mémoire dissipe le brouillard dans lequel vivaient les hommes, le roman national qui aime la clarté en toutes choses ne retient que les héros et les salauds, les chevaliers blancs et les âmes noires » …

    … « Car les hommes prennent pour l’être vrai le système formé par la rumeur, les préjugés, les lieux communs, les expressions toutes faites qui composent l’esprit du temps. Cartésiens et fiers de l’être, ils ont le cogito pour credo. « Je pense, donc je suis » disent-ils alors que, le plus souvent, au lieu de penser, ils suivent « Les démocrates, les modernes que nous sommes, prétendent n’obéir qu’au commandement de leur propre raison, mais ils se soumettent en réalité aux décrets de l’opinion commune ».

    Et de déclarer solennellement sous cette coupole, devant les représentants de l’intelligence et de la culture française, protecteurs de la langue : « Je ne me sens pas représenté mais trahi et même menacé par les justiciers présomptueux qui peuplent la scène intellectuelle » …

    Il analyse enfin longuement l’œuvre littéraire de Félicien Marceau : « Félicien Marceau appartient à cette période bénie de notre histoire littéraire, où les frontières entre les genres n’étaient pas encore étanches. Les auteurs les plus doués circulaient librement d’une forme à l’autre et savaient être, avec un égal bonheur, romanciers, essayistes, dramaturges« .

    Contre le prêt-à-penser

    Sa conclusion résume, dans un magnifique raccourci, les pensées distillées quotidiennement par les penseurs-censeurs enfermés dans leurs certitudes, leurs caricatures et finalement leurs erreurs, grands prêtres satisfaits du penser correct :

    « C’est la mémoire devenue doxa, c’est la mémoire moutonnière, c’est la mémoire dogmatique et automatique des poses avantageuses, c’est la mémoire de l’estrade, c’est la mémoire revue, corrigée et recrachée par le Système. Ses adeptes si nombreux et si bruyants ne méditent pas la catastrophe, ils récitent leur catéchisme. Ils s’indignent de ce dont on s’indigne, ils se souviennent comme on se souvient » .

    La place manque ici pour évoquer la magnifique réponse de Pierre Nora. Le directeur des Débats a rendu un hommage appuyé à Alain Finkielkraut après le départ de quelques grincheux. Dans Marianne (oui, oui Marianne !) Laurent Nunez se demande si ces « idiots » (sic) ont bien tout compris.

    Il entretient avec le nouvel académicien, dit-il, « une amitié distante » faite de « tout ce qui nous rapproche et nous réunit : une sensibilité attentive au contemporain, un judaïsme de génération et d’enracinement décalé, un souci de l’école et de la transmission, un rapport intense à la France, à sa culture, à sa langue, à son histoire. »

    Il formule le même constat sur « la désintégration de l’ensemble national, historique et social et même sur le naufrage d’une culture dans laquelle nous avons tous les deux grandi » .

    Mais : « À mon sens, le mal vient de plus loin, de la transformation douloureuse d’un type de nation à un autre que tout mon travail d’historien a cherché à analyser. Ses causes sont multiples et l’immigration me paraît avoir joué surtout un rôle d’accélérateur, de révélateur et de bouc émissaire. En un sens, je suis, en historien, encore plus pessimiste que vous. L’identité nationale, vous disais-je, serait peut-être aussi malheureuse s’il n’y avait pas un seul immigré, car le problème principal de la France ne me paraissait pas la puissance de l’Islam, mais la faiblesse de la République » .

    Et pour finir : « L’Académie française représente, sachez-le, le conservatoire et le condensé de tout ce qui vous tient le plus à cœur : une tradition historique vieille de près de quatre siècles, la défense de la langue dans son bon usage, le respect de la diversité des personnes dans l’unité d’un esprit de famille et le maintien, par-delà l’abîme de nos différences, d’une éternelle courtoisie. La Compagnie vous a ouvert les bras, vous allez connaître avec elle ce que c’est qu’une identité heureuse » .

    Déception bien sûr de ceux qui attendaient une condamnation sans appel, sinon une exécution, de Félicien Marceau d’abord, d’Alain Finkielkraut ensuite. Aussitôt les écrans et les radios se sont fermés, les patrons de la pensée manipulée sont partis pratiquer leur terrorisme intellectuel sur une autre victime, la discrétion s’est abattue sur cette brillante entrée à l’Académie où, faut-il le rappeler, la famille d’Orléans a son siège attitré sous la coupole. Ce fut, pour l’occasion, une fille de feu le comte de Paris qu’une limousine noire aux vitres teintées a amenée jusqu’à la cour intérieure pour respecter cette règle multiséculaire. Il est plaisant de constater que l’Académie n’entend pas rompre le fil de l’histoire. 

    Politique magazine

  • Langue française • Réformer l'orthographe ? Ce qu'en pensait Jacques Bainville ...

    Les nénuphars, peints par Claude Monet 
     
     
    2227883577.jpg20 juillet 1906
     
    Somme toute, que reproche-t-on à l'orthographe usuelle ? D'être difficile à apprendre ? Que propose-t-on de lui substituer ? Une orthographe simplifiée et mise à la portée des instructions les plus négligées ?
     
    C'est ici que réside ce qui n'est pas seulement une erreur mais une sottise. Qui ne voit aussitôt que, si l'on raisonne pour les paresseux ou pour les pauvres d'esprit, il n'y aura jamais de simplification suffisante ?
     
    Il faut aller tout de suite à l'extrémité, et l'extrémité c'est l'orthographe phonétique, le droit donné à chacun d'écrire comme son oreille entend. Du moment qu'il y a une orthographe, elle sera toujours trop compliquée, il faudra toujours l'apprendre.
     
    On voit mal où est l'avantage. Pour le voir, pour soutenir qu'il existe et que les simplifications proposées abrégeraient des études inutiles, il faut admettre que les enfants ont un mal considérable à retenir la figure de chaque mot. Les réformateurs proposent, par exemple, de terminer uniformément par les lettre èle tous les mots qui contiennent ce son. On écrira hirondèle, èle, quèle, èle, je me rappèle comme stèle et fidèle.
     
    Vous souvenez-vous d'avoir eu la moindre peine à retenir qu'on devait mettre : hirondelle, aile, quelle, elle, rappelle ? Tel n'est pas mon cas. Et j'imagine qu'on apprendrait fort vite à ne pas confondre l'èle de l'oiseau avec èle, pronom personnel. Mais il faudrait l'apprendre encore, et je ne vois donc pas trop où est l'avantage, sinon de rendre obscure et lointaine l'origine du second mot et difficilement compréhensibles les dérivés (je ne sais en ce moment s'il en existe de très usuels, mais il y en a à coup sûr) où se retrouve la forme originale du latin ala.
     
    S'il s'agit d'apprendre pour apprendre, mieux vaut continuer d'enseigner ce qui est conforme à la fois aux habitudes et à l'étymologie. Aile, c'est ala, comme ellle c'est illa. S'il y a difficulté, au moins est-elle logique et permet-elle de se débrouiller, tant bien que mal, dans la forêt des mots savants. L'orthographe actuelle est, à y bien regarder, plus utile que nuisible aux personnes médiocrement instruites : son accord, même quelquefois un peu lâche, avec l'étymologie, ce sont les humanités du pauvre, c'est le latin des études primaires. L'orthographe compliquée est par là plus "démocratique" que l'orthographe simplifiée.
     
    Il est surprenant que les réformateurs n'aient pas pensé à cela. 
     
    Journal, Tome I (années 1901 à 1918), Plon, pages 37 à 38.