UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Actualité France - Page 394

  • « Maurras pas mort ! Reportage sur l’Action française »... vue par Daoud Boughezala sur Causeur

     

    L'article qui suit est paru dans Causeur - version papier et version numérique. [29.02]. Nous le reprenons intégralement y compris le tableau des « neuf dates qui ont fait l’AF » et les notes. L'Action française que Daoud Boughezala décrit ici n'est pas le tout de l'Action française, même si elle en est la part la plus voyante et la plus remuante. Le quotidien régional La Provence dirait avec malveillance : « la plus tapageuse ». C'est qu'elle en est aussi - ce qui n'enlève rien à ses mérites, ni à ses devoirs - l'élément le plus jeune. Et qu'elle peut donc en être l'avenir si Dieu ou les circonstances lui prêtent vie, durée et expansion. Il n'y a pas d'antipathie dans le tableau, en effet plutôt disparate - qu'en brosse Causeur. Sans-doute quelques inexactitudes ou approximations. La première et jeune Action française - au moins en son printemps décrit par Paugam - a été aussi diverse et bouillonnante. Elle est devenue, a été, le grand mouvement qui a marqué son siècle. A ses juges de Lyon, des juges assez indignes, Maurras avait lancé en conclusion de son procès : « J'ai mes livres, j'ai mon œuvre, j'ai mes disciples, j'ai l'avenir devant moi. »  Souhatons à notre pays, aujourd'hui tristement à la dérive, que la suite lui donne raison.  Lafautearousseau  •

     

    « Causeur, c’est très bien ! Je pensais que c’était un repaire de vieux droitards réacs mais j’ai beaucoup aimé votre dernier numéro, que j’ai acheté avec Society » Venant d’un militant d’Action française, le compliment ne manque pas de sel. Affublé d’un t-shirt « 0 % hipster », du haut de ses 21 ans, Louis se dit « anarcho-royaliste » et m’exhibe sa dernière lecture : l’essai de Pablo Iglesias, penseur de charme du parti espagnol Podemos classé à la gauche de la gauche.

    On m’avait prévenu. Un reportage sur les jeunes d’Action française s’annonce forcément foutraque puisque le mouvement que Charles Maurras a dirigé quarante ans durant ne se définit ni comme un parti ni comme une idéologie. Un vieux de la vieille me glisse même : « Du temps de mon père et de mon grand-père, c’était formidable : on était monarchiste sans prétendant, catholique sans pape (NDLR : l’Action française a été excommuniée par le Vatican en 1926 puis récusée par les Orléans en 1937). Des sortes d’anars maurrassiens ! »

    On trouve de tout à l’AF

    Officiellement adeptes du « ni droite ni gauche » en raison de leur « nationalisme intégral », les camelots du roi n’appartiennent pas moins à la grande famille de la droite de la droite, et souffrent de la réputation sulfureuse de leur mentor Maurras. Il faut bien avouer que le maître de Martigues, par ailleurs germanophobe et opposé à la collaboration, a commis une faute indélébile à mes yeux : cautionner l’antisémitisme du régime de Vichy tandis que nombre de ses émules résistaient ou combattaient au sein de la France libre*.

    De nos jours, comme jadis à la Samaritaine, on trouve de tout au siège parisien de la formation monarchiste, sis 10, rue Croix-des-Petits-Champs : des cathos tradis, des conservateurs bon teint, des libéraux nostalgiques de l’Ancien Régime, une poignée d’« identitaires », de rares « royalistes libertaires », quelques juifs rassurés par la renonciation du mouvement à « l’antisémitisme d’État » et même… un musulman vegan. Par-delà leurs divergences, ces amoureux de la fleur de lys s’emploient à la préparation des conférences dans une atmosphère de franche camaraderie. Le contraste entre le capharnaüm sans nom du lieu et leur supposé culte de l’ordre saute aux yeux du visiteur. Si ce n’est pas la maison bleue, ça y ressemble un peu : « Ici, tout le monde vient comme il est. L’Action française a toujours refusé le port de l’uniforme, alors que dans les années 1930, tous les mouvements politiques, y compris la SFIO, imposaient leur tenue réglementaire », s’amuse Arnaud Pâris, secrétaire général adjoint de l’AF. Lucien, chef de l’Action française étudiante, renchérit : « Chez nous, il n’y a pas de catéchisme. On a toujours eu à la fois une tendance libérale incarnée par Bainville, le chroniqueur diplomatique et économique de L’AF qui s’opposait en tout point aux positions socialisantes d’un Valois. Cette diversité ne me pose aucun problème car notre but commun est de faire sacrer le roi avant de nous effacer. » Partisans d’une monarchie décentralisée au gouvernement autoritaire, sans Parlement élu mais nantie d’assemblées locales, les membres de l’Action pourfendent le « pays légal » jacobin et en appellent toujours au « pays réel », à l’image de Jérémy, jeune vendeur marseillais de fruits et légumes : « Nos us et coutumes ne sont pas du tout les mêmes que celles des gens du Nord. Il est anormal que la République impose les mêmes normes partout ! »

    Génération Maurras et manif pour tous

    À Paris comme en province, dans chaque cercle d’AF, se reproduit en tout cas le même rituel** : « Chaque vendredi, on vend le journal L’Action française puis on organise des conférences et on mange ensemble entre camelots », raconte Jeanne, 16 ans, lycéenne lyonnaise tombée dans le maurrassisme comme Obélix dans la marmite, c’est-à-dire dès sa plus tendre enfance du fait de ses racines familiales roycos-cathos.

    L’« Inaction française » dont se gaussait l’écrivain fasciste Lucien Rebatet dans les années 1940 serait-elle rajeunie et ragaillardie ? Minute papillon. Il est loin le temps où Jacques Lacan écrivait une lettre enthousiaste à Maurras, et où des personnalités telles que Pierre Messmer, Michel Déon ou Claude Roy usaient leurs fonds de culottes sur ses bancs. La dernière portée d’intellectuels et de pamphlétaires d’AF s’en est allée loin de la maison mère, comme le rappellent les affiches-reliques de la « Génération Maurras » – qui s’autobaptisa ainsi par opposition à la « Génération Mitterrand » – aujourd’hui composée de quadras souvent en délicatesse avec leurs premières amours. Ainsi le journaliste et écrivain Sébastien Lapaque, brillant exégète de Bernanos qu’on peut lire dans Marianne et Le Figaro, figure-t-il désormais au nombre des amis officiels de l’économiste martyr de Charlie, Bernard Maris. Le bougre a même droit à son rond de serviette cathodique depuis qu’il a donné des gages à la gauche institutionnelle. « On le savait antilibéral comme nous, mais il va trop loin », se désole-t-on à l’état-major du mouvement. Si on l’avait congelé puis ressuscité tel Hibernatus, un camelot des années 1990 ne reconnaîtrait plus ses camarades de la Génération Maurras que les années ont dispersée.

    Afin de m’aider à y voir plus clair, un intellectuel revenu du maurrassisme me souffle : « Depuis des décennies, l’Action française est tiraillée entre le poids des glorieux devanciers (Maurras, Daudet, Bernanos, Boutang) et la nécessité de se réinventer. Résultat : les militants veulent tuer le père mais restent prisonniers de l’idéologie maurrassienne. Cette contradiction engendre des crises chroniques qui débouchent sur des scissions tous les quinze ou vingt ans. » Régulièrement, des jeunes d’AF tentent de sortir du carcan maurrassien en élargissant leurs références et leur public, à l’image des fondateurs des revues Réaction (début des années 1990) et Immédiatement (de 1997 à 2003), qui n’hésitaient pas à citer Debord, Baudrillard ou Orwell. Rétrospectivement, l’expérience éditoriale de la Génération Maurras n’a pas profité au développement de l’AF, laquelle a connu une série de bisbilles, entraînant scissions et départs en série dans les années 1990 et 2000. « Tous les quinze ans, des tocards prétendent faire du neuf, se prennent pour Maurras ou Daudet, scissionnent, le tout en se revendiquant du canal historique ! », s’agace Pierre-Charles, 25 ans.

    Malgré les querelles d’egos, l’Action française semble, sinon renaître de ses cendres, du moins connaître un certain frémissement à la suite de la Manif pour tous, dans laquelle les militants d’AF s’engagèrent corps et âme. Ana, jeune juriste transfuge du villiérisme, a par exemple découvert l’AF en 2013, « pendant les parties de cache-cache entre jeunes qui restaient après les ordres de dispersion des manifs ». Une adhésion d’abord motivée « par l’affect » avant que la jeune fille se forme, lise et assiste à des conférences. Ce genre de parcours est monnaie courante chez les roycos : on commence par suivre son instinct, puis l’on rationalise ses convictions en suivant une solide formation doctrinale.

    Signe des temps, Louis l’anarcho-royaliste éloigné de l’Église, Sami le musulman vegan franco-vietnamo-marocain et Gabriel le maçon normand ont tous trois fréquenté les cortèges de la Manif pour tous. Véritable OVNI rue Croix-des-Petits-Champs, Sami, 26 ans, docteur en informatique, accumule les paradoxes : né d’un père vietnamien et d’une mère marocaine, il pratique l’islam mais critique la tendance des musulmans « à pleurnicher en se plaignant de l’islamophobie » et rejette la démocratie tout en dénonçant le piétinement de la vox populi après le 29 mai 2005. En bon maurrassien, ce zélote d’Allah reconnaît la nature catholique de la France. Ses parents « faiblement politisés » lui ont inculqué le culte de l’ordre, notamment à travers le confucianisme, une doctrine fondée sur le principe de hiérarchie. « Comme dans la pensée de Maurras, chacun doit être à sa place, la famille, l’individu et la corporation. » Parisien d’adoption né de parents catholiques plutôt de droite, son camarade Louis loue à son tour la « politique naturelle » maurrassienne avant de rêver d’un roi « qui permettrait la réappropriation populaire des moyens de production et de la propriété ». De Marx à Maurras en passant par Proudhon, son panthéon est décidément « 0 % hipster » !

    L’AF, ce n’est pas seulement de jeunes étudiants intellectuellement bien formés. Aux quatre coins de la France, on y croise également des ouvriers, employés et commerçants. Au fin fond du Perche, Gabriel a créé un cercle dans son village de 600 habitants. Ce trentenaire ancien scout d’Europe, catholique convaincu, « brosse un rayon de 50 kilomètres autour de chez lui », où affluent « agriculteurs, un prêtre, un militaire, un prof, un polytechnicien retraité ». Bref, « pas de notables qui se la pètent » plastronne-t-il avant de pester contre la République née du sang des victimes de la Terreur. Grâce à l’Action, il a acquis une « structure de pensée » catho-royaliste cohérente, sauf à considérer la religion du Christ comme celle de l’amour universel. « Ici, tout le monde vote FN, on ne veut pas de n… et de b… », profère-t-il sans craindre la sortie de route raciste.

    D’un militant l’autre, on passe d’une culture de haut vol à des réflexions d’une indigence crasse. L’Action française ne serait-elle qu’un mouvement d’extrême droite ripoliné par une érudition bon teint ? La vérité est complexe. Pour avoir fréquenté toutes les familles politiques de la droite, le franco-polonais Lucien m’assure : « Par rapport au milieu faf (NDLR : France aux Français), on a un pied dehors, un pied dedans. » Pour être précis, la grande majorité des camelots cultive une approbation teintée de méfiance à l’égard du Front national. Il n’y a guère que les anarcho-royalistes de stricte obédience comme Louis pour trembler devant la société de surveillance « avec des caméras, la police et l’armée partout » qu’instaurerait Marine Le Pen sitôt parvenue à l’Élysée… et opter pour l’abstention. Quant à la politique d’immigration, Louis se contenterait volontiers d’une simple application de la loi,

    Électeur frontiste critique, Pierre-Charles me certifie au contraire que le Front national regorge de militants « maurrassiens, consciemment ou non ». À en croire ce petit-fils de camelot dont la langue châtiée n’a d’égale que les manières aristocratiques, il y aurait d’un côté la ligne « rad-soc marxisante » de Marine Le Pen et Philippot, de l’autre le courant catholique « royaliste de cœur, républicain de raison » des Bruno Gollnisch et Marion Le Pen. À rebours de nos élites politiques, la jeunesse d’AF juge le Front trop républicain et démocrate pour être honnête ! « Le système républicain fait que même s’ils tiennent leurs promesses, les élus du Front resteront un nombre d’années limitées au pouvoir. L’opposition va les calomnier, contrarier leur action et on reviendra à la lutte des partis », prédit Sami, résumant le sentiment prédominant chez ses frères d’armes.

    Mon ami François-Marin Fleutot, dissident de longue date de l’Action française – qu’il a quittée dès 1971 pour fonder la Nouvelle Action française – me livre son explication du rapport ambivalent des maurrassiens à l’extrême droite. Pour ce royaliste de gauche, l’AF a toujours été travaillée par un dilemme : « soit garder l’héritage, soit ramener l’héritier. La première option l’ancre à droite du côté d’un conservatisme absolu, tant et si bien que Maurras a choisi l’union nationale en 1914… et en 1940 derrière Pétain. Le second choix l’aurait amenée sur le terrain risqué de l’aventure révolutionnaire. François-Marin aurait rêvé que, le 6 février 1934 ou sur les barricades de 1968, le mouvement rompe avec la société existante et rappelle l’héritier du trône de France. Or, plutôt que de se risquer au coup de force, l’Action française marine dans l’agitation estudiantine, une partie de ses membres se fantasmant en champions de l’extrême droite folklo (esthétique futuriste, marche aux flambeaux), d’autres, minoritaires, flirtant carrément avec une idéologie völkisch (ethniciste) étrangère au credo maurrassien : « Aucune origine n’est belle. La beauté véritable est au terme des choses. »***

    Un temps séduit par les idées de la Nouvelle droite identitaire et païenne auxquelles il a renoncé car il ne sentait pas « obnubilé par la race », Lucien a « découvert l’islam et l’immigration dans le RER » en passant de sa banlieue chic à la fac porte de Clignancourt. Doté d’une culture politique impressionnante, le jeune homme de 24 ans descendant d’une victime du Goulag entend aujourd’hui « conjuguer ordre et justice pour contrecarrer les idées abstraites de gauche qui ont conduit à des charniers ». Mi-sérieux mi-rigolard, il annonce le coup de poing monarchiste pour demain. Nous voilà mis au jus : il n’aura pas de pitié pour les tièdes : « Pour rétablir une société monarchique, on ne peut plus se permettre d’être conservateur comme à l’époque de Maurras. De Nabilla à Youporn, le pays réel n’existe plus… » Polémique d’abord ! 

     

    Neuf dates qui ont fait l’AF

    1898-1899 : création de l’Action française par Henri Vaugeois, Maurice Pujo et des antidreyfusards rejoints par l’écrivain provençal Charles Maurras. D’abord nationalistes républicains, le mouvement et sa revue éponyme se convertissent au monarchisme.

    1914 : Maurras et l’AF appellent leurs sympathisants à soutenir l’union sacrée contre l’Allemagne autour du gouvernement.

    1926 : le Vatican condamne l’Action française et excommunie son chef pour sa vision instrumentale du catholicisme (agnostique, Maurras se dit catholique parce que la France est catholique).

    6 février 1934 : lors des manifestations des ligues antiparlementaires, ne croyant pas au coup de force, Maurras se tient très en retrait. L’AF perd vingt militants parmi les manifestants tués par la police.

    1938 : Élection de Charles Maurras à l’Académie française. Il en sera radié en 1945.

    1940 : Maurras s’inquiète de l’avancée des nazis mais soutient la Révolution nationale et les mesures antijuives décidées par le régime de Vichy.

    1945-1952 : Frappé d’indignité nationale et d’une peine de prison, Maurras écrit ses derniers livres à la centrale de Clairvaux. Il se serait converti au catholicisme sur son lit de mort.

    1971 : Scission de l’aile gauche de l’AF qui crée la Nouvelle Action Française bientôt rebaptisée Nouvelle Action Royaliste autour de Bertrand Renouvin. Ce dernier appellera à voter François Mitterrand au second tour de 1974.

    2007-2008 : Mort du dirigeant historique Pierre Pujo et crise au sein du comité directeur. Des jeunes proches de la droite parlementaire scissionnent pour créer le microparti Dextra.

    * Citons quelques exemples révélateurs des ambiguïtés de l’Histoire : alors que dès le 11 novembre 1940, des jeunes d’AF se rassemblaient aux côtés d’autres étudiants, notamment communistes, devant la flamme du Soldat inconnu pour protester contre l’occupation allemande, les juristes auteurs du tristement célèbre statut des juifs venaient de l’Action. Plus récemment, on connaît la phrase de Bernanos décrétant au sortir de la guerre qu’« Hitler a déshonoré l’antisémitisme », les déclarations d’amour enflammées de Pierre Boutang à Israël durant la guerre des Six-Jours.
     
    ** Aux côtés de Jacques Sapir, Christian Authier et six autres contributeurs, Lapaque a participé au livre d’hommage Pour saluer Bernard Maris (Flammarion, 2016) sorti un an après l’attentat de Charlie hebdo.
     
    *** Charles Maurras, Anthinéa.
     

    Daoud Boughezala
    est rédacteur en chef de Causeur 

    32.couv_-120x168.jpg

    Cet article a été publié dans le Magazine Causeur n° 91 - Février 2016
  • Livres • Littérature politique ...

     

    par Ph. Delelis

     

    Les livres des hommes politiques occupent une place de plus en plus considérable dans les librairies. Pas une semaine sans que ne soit mis sur table tel ou tel ouvrage historique, anecdotique, académique, programmatique. C’est là le hic.

    Pourquoi tant d’arbres sacrifiés pour l’édification des masses sur la situation et l’avenir du pays par ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ne sont pas étrangers à l’état dans lequel il se trouve ? Plusieurs réponses possibles.

    1° Prouver qu’ils savent écrire. Improbable. Le style est généralement déplorable et l’usage de « plumes », dans ce genre littéraire, est très largement répandu. Rares sont ceux qui peuvent justifier avoir écrit eux-mêmes leurs ouvrages. A cette fin, certains conservent les manuscrits ou les fichiers horodatés sur leur ordinateur personnel, au cas où on leur les demanderait, mais – hélas – cela ne se produit jamais car les versions imprimées ne sont pas vendues.

    2° Prouver qu’ils savent lire. Explication plus raisonnable même si un journaliste politique avouait récemment qu’il lui arrivait d’interviewer des auteurs qui ne s’étaient pas lus eux-mêmes. Ils se trouvaient fort étonnés des idées qu’on leur prêtait.

    3° Prouver qu’ils savent se repentir. Souvent inutile : à peine commise, l’erreur était évidente pour le commun des mortels, c’est-à-dire les citoyens qui prennent les transports en commun, payent leurs factures sur leurs propres deniers, ne bénéficient pas de logements de fonction, etc. Bref, rien de semblable avec l’Homo Politicus à la française mais une capacité bien plus grande de discernement des bêtises.

    4° Prouver qu’ils savent réfléchir. C’est important mais avouons-le, relativement facile quand on a sous les yeux des tonnes d’exemples de ce qu’il ne faut pas faire. Passer de l’idée à la promesse, et surtout de la promesse à l’action, voilà qui est plus complexe et ne se trouve pas dans les livres (ou alors les ouvrages de repentance évoqués plus haut, mais ça ne fait pas avancer le schmilblick*).

    5° Prouver qu’ils peuvent envahir. Les médias, au minimum, les esprits et les cœurs si tout va bien. C’est bien sûr la clé de la motivation. Etre ou ne pas paraître, là est la question médiatique et politique. C’est le livre-prétexte aux émissions mêlant divertissement et politique : « Nous allons lire une anecdote désopilante extraite de votre livre, mon cher Maurice, puis entendre le dernier slam de Grand Corps Malade sur le cimetière de Saint-Denis et vous pourrez ensuite commenter les deux simultanément ».

    6° Prouver qu’ils peuvent réussir. Les ventes deviennent un indicateur avancé des futurs scrutins. C’est le livre-tremplin : passera ou passera pas les 20 000 exemplaires ? 100 000 ? 200 000 ? (vendus, pas tirés, pas mis en place : la précision est quelquefois importante). Pour les éditeurs, c’est le livre-alibi : « Nous avons publié beaucoup d’essais cette année, c’est important pour notre rôle dans la cité ».

    Le livre politique a de multiples fonctions mais, après Chateaubriand, Hugo et de Gaulle, il faut bien reconnaître que « littérature politique » n’est plus qu’un oxymore. 

    * Terme inventé par Pierre Dac dans les années 50 pour désigner un objet totalement inutile. 

  • Société • Fronde contre la loi El Khomri : l'individualisme 2.0 remplace la bonne vieille manif

     

    Après le lancement d'une pétition en ligne par la militante Caroline de Haas, la mobilisation des jeunes contre la loi El Khomri s'étend sur la toile avec le mot-clé #OnVautMieuxQueCa. Mathieu Slama décrypte ici pour Figarovox [26.02] le premier mouvement social exclusivement sur internet. Mathieu Slama est spécialiste de la communication de crise. Mais nous avons aussi noté qu'il est un excellent observateur des évolutions sociétales et que sa position critique à l'endroit de la modernité va souvent au fond des choses. De quoi débattre ...  LFAR

     

    Après le lancement d'une pétition en ligne par la militante Caroline de Haas sur Change.org, qui a recueilli 508 000 signatures, des Youtubeurs ont réagi à la loi El Khomri. Dans une vidéo mise en ligne, mercredi 24 février, une dizaine de vidéastes interpellent les internautes sur « les menaces que représente le projet pour les travailleurs ». Ils invitent ceux qui les regardent à partager leur témoignage. La contestation s'organise désormais à travers le web et les réseaux sociaux. Que cela révèle-t-il ? Est-ce totalement inédit ?

    Mathieu Slama : C'est à ma connaissance le premier cas de contestation sociale exclusivement (pour le moment) sur Internet. Avec plusieurs initiatives qui se combinent: à la fois sur Facebook, sur Twitter, sur YouTube et sur Change.org (site qui recueille des pétitions que chacun peut soumettre ou signer). Le mouvement prend une ampleur inédite sur Internet: la pétition sur Change.org en est à l'heure où je vous parle à plus de 600 000 signatures., la vidéo sur YouTube en est à plus de 100 000 vues et sur Twitter le mouvement est devenu viral.

    On constate sur Twitter que le mouvement prend souvent la forme de témoignages sur les déboires liés la recherche d'un emploi ou encore aux conditions de travail, quasi-systématiquement sur un ton mélangeant l'ironie et l'indignation. Or on sait bien que sur les réseaux sociaux, l'ironie et l'indignation sont les deux modes d'expression privilégiés par les internautes. Ajoutons à cela la dimension très politique et symbolique du sujet, l'impopularité sidérante du gouvernement et le fait que c'est la jeunesse qui s'implique: tout est réuni pour un mouvement viral.

    Notons également que des leaders syndicaux et des personnalités influentes, comme Jean-Luc Mélenchon (qui montre une nouvelle fois son talent pour la communication), ont relayé le mouvement sur les réseaux sociaux, lui donnant un coup de pouce supplémentaire.

    Ce qui est inédit est donc le caractère exclusif sur Internet. On se rappelle du mouvement de la Manif pour tous qui avait beaucoup utilisé les réseaux sociaux mais de manière complémentaire au mouvement dans la rue.

    Ce qui est intéressant, et on y reviendra, c'est que ce mouvement intervient alors que, hors Manif pour tous, les manifestations et grèves sur les questions sociales sont de moins en moins suivies. Les syndicats n'arrivent plus à mobiliser dans la rue alors que le climat social est désastreux. Cela dit quelque chose de l'époque. Les dernières grandes manifs dans les rues sur des questions sociales datent, sauf erreur de ma part, de la réforme des retraites de la fin du quinquennat Sarkozy.

    La mobilisation des jeunes rappelle le mouvement anti-CPE, mais sous une forme totalement différente …

    La similitude réside dans les thèmes de la revendication: l'emploi et la jeunesse. Le lien est donc évident, et d'ailleurs rappelé sur les réseaux sociaux. Lors des manifestations anti-CPE, le mode d'expression était classique: manifestations dans les rues, blocages d'universités… Les réseaux sociaux n'existaient pas à l'époque.

    Les contributions, texte et vidéo, publiées sous le mot-clé #OnVautMieuxQueCa, seront agrégées et partagées par ces vidéastes. Le rituel collectif de la manif est remplacé par des vidéos individuelles. Cela n'a-t-il pas un côté narcissique ?

    Plutôt que narcissique, ce mouvement est avant tout individualiste, là où la manifestation « classique », dans la rue, a toujours deux objets : la revendication bien-sûr, mais aussi le mouvement collectif lui-même et l'émulation qu'il suscite. Cette dérive individualiste est vieille comme la démocratie (déjà Tocqueville dans la première moitié du XIXe siècle s'en inquiétait) mais elle est préoccupante car elle participe d'une ambiance générale, aggravée par Internet. Rappelons que dès la fin des années 90, en réaction à l'émergence des premières pétitions en ligne, plusieurs chercheurs avaient alerté sur de nouvelles formes de mobilisation qui s'écartaient du militantisme collectif au profit de l'engagement individuel. Plus récemment, on se rappelle du débat autour du «  Je » du slogan viral « Je suis Charlie »… La Manif pour tous avait suscité un espoir justement parce qu'il s'agissait d'un mouvement collectif, d'autant plus qu'il s'agissait d'un mouvement engagé non pas au nom d'intérêts individuels mais au nom d'une certaine idée de la vie commune. Mais sur les questions sociales, la dimension collective et tous les symboles qu'elle charrient sont en train, comble de l'ironie, de s'effacer au profit de l'individu. En d'autres termes : les luttes sociales sont à leur tour récupérées par l'individualisme et le libéralisme contemporains. Je ne suis pas sûr que Marx ou Proudhon auraient apprécié cette mutation…

    Mais au final tout cela est-il si surprenant ? Internet et les réseaux sociaux ont envahi toutes les sphères de la vie en société, participant du grand mouvement individualiste des sociétés occidentales. Il n'y a pas de raison que les mouvement sociaux soient épargnés par ce phénomène.

    Une dernière question, et non des moindres, se pose à nous: comment évaluer la réelle mobilisation sur Internet et ce qu'elle représente? Publier un tweet sur les réseaux sociaux derrière un écran d'ordinateur est une action «indolore»: elle n'engage pas à grand-chose. Descendre dans la rue est déjà un engagement plus fort, qui témoigne d'une toute autre intensité de mobilisation. A cet égard il sera intéressant d'observer la manière dont ce mouvement se traduit ou non dans la rue.

    Toutes proportions gardées, le mouvement rappelle-t-il les printemps arabes ?

    Les printemps arabes se sont certes appuyés sur les réseaux sociaux, mais ils se sont traduits par des mouvements très concrets, dans la rue, avec parfois des conséquences terribles. Et du point de vue de l'importance historique, la comparaison n'est pas vraiment possible.

    En revanche l'enjeu de cette mobilisation contre la loi El-Khomri n'est pas petit, et on espère qu'il relancera de manière salutaire le débat qui est en train de renaître sur la condition humaine au travail. On a en effet observé ces derniers mois des débats très importants sur le «burnout» au travail ou encore sur l'horreur du management, cette religion moderne du capitalisme si bien analysée par un penseur comme Pierre Legendre. Pour comprendre les dérives de notre modernité et ses conséquences sur notre conception de l'homme, ces questions-là sont essentielles.

    Le gouvernement a lui-même tenté d'utilisé le web pour répondre ?

    Un compte Twitter de la loi El Khomri a été créé (l'idée étant de «personnaliser» cette loi), avec un premier message qui a été tourné en dérision par les internautes. Résultat, des comptes parodiques ont été créés, comme par exemple un compte «déchéance de la nationalité» ou encore «loi Renseignement». Précisons également que la ministre du Travail a répondu en ligne à la pétition sur le site de Change.org, signe qu'elle a conscience de l'importance que le mouvement prend sur Internet et de la nécessité d'y répondre sur le même terrain.

    Mais soyons réalistes: la bataille de la communication est perdue d'avance pour le gouvernement. C'est d'abord un problème d'émetteur: comment le gouvernement, dont la parole doit en principe traduire une forme d'autorité et de gravité (surtout sur un tel sujet), pourrait-il être audible là où règnent la dérision, la moquerie et la légèreté, Internet? Si l'on ajoute à cela l'impopularité du gouvernement, la défiance des Français et notamment des jeunes vis-à-vis des responsables politiques et le climat social très défavorable, il est évident que le gouvernement ne remportera pas ce combat, du moins pas sur le terrain de la communication

     

    picture-2540921-61yhv5dr.jpgEntretien par

    Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Twitter : @AlexDevecchio

  • Militantisme • Où les jeunes-gens d'A.F. Provence se font les porte-voix du Marseille populaire

     

    Les jeunes militants d'Action française Provence sont-ils les indignés de la Tradition, les défenseurs des racines, les tenants d'une réaction populaire contre les fausses élites ? Après avoir chahuté à Aix les élus PS universellement soupçonnés de corruption par la population de la région, voici qu'ils viennent de marquer leur désaccord de fond avec la politique menée à Marseille par la municipalité où dominent les Républicains. Pourquoi et comment l'ont-ils fait ? Ils s'en sont expliqués dans un communiqué que nous reprenons ici. Le lecteur se fera son idée. Il n'est pas sûr que, sur le fond, il s'en trouve beaucoup pour ne pas leur donner raison.  LFAR

     

    Ce mercredi 24 février 2016, les Jeunes Républicains des Bouches-du-Rhône organisaient une conférence sur le thème « Bâtir le Marseille de demain ». Entre autres têtes d’affiche confortablement installées, étaient présents pour présenter leurs réalisations et leurs objectifs, Laure-Agnès CARADEC, Présidente d’Euroméditerranée et adjointe au Maire déléguée à l’urbanisme, Philippe DEVEAU, Président du BTP 13, Roland CARTA, architecte du MUCEM et Caroline POZMENTIER vice-présidente de la Région PACA.

    Nous, militants d’Action française, avons décidé de nous rendre sur place afin de dénoncer cette réunion de l’entre-soi, mais aussi afin de pointer du doigt le manque de cohérence des réalisations architecturales et le mépris affiché des acteurs de l’urbanisme vis-à-vis des doléances adressées par la population marseillaise. Nous avons, pour l’occasion, conféré aux « Républicains » le diplôme de la mascarade politique et nous nous sommes rassemblés au pied de leur permanence afin d’attirer leur attention sur l’ensemble de nos désaccords. Cette action bon enfant a rencontré le malaise et la violence de l’ensemble de l’auditoire à coup de gestes agressifs et d’insultes. Il n’est pas de bon ton de critiquer le marasme de la politique de Gaudin.

    Il faut dire que leur ville de demain n’est pas Marseille, c’est le grand cimetière en béton des mégalopoles modernes. La cité populaire et ses habitants décrits par Pagnol sont les premières victimes des arrangements hideux de ces faux experts attirés par le relativisme tout azimut pis, par la laideur elle-même. S’ils le pouvaient, nos Républicains marseillais vendraient la Bonne-Mère aux Qataris fanfaronnant que l’âme de leur ville soit convoitée par ceux qu’ils pensent être les acteurs économiques les plus tendance du futur. Ce rassemblement du pays légal sur le dos du peuple a rencontré l’opposition du pays réel, celui de jeunes gens déterminés à ne pas laisser Marseille être vendue au Diable.

    A coup de Progrès, de Modernité, nos adversaires voudraient nous faire croire que nous ne sommes plus dans le coup. Or, ce sont eux qui s’apprêtent à recevoir le retour de bâton des Marseillais qui souffrent d’une ville sale, où l’insécurité ne baisse pas, de constructions de logements sans aucune logique, de dégradations et de tags en tout genre. Ce soir, l’Action française s’est faite le porte voix du Marseille populaire, celui que veulent les Marseillais et qui fait tant rêver les touristes.   

    12747287_834217030021724_4112178804604696289_o.jpg

      

  • Analyse & ironie : Méritons-nous Bruno Le Maire ?

     

    Par Dominique Jamet

    De son côté, dans un article de  Causeur titré « Un conformiste nommé Le Maire » [24.02], David Desgouilles rapporte les singuliers propos que Bruno Le Maire, a tenus aux journalistes, à l'issue de sa réunion de lancement de campagne de mardi dernier : « Attablé avec les autres journalistes dans un restaurant de Vesoul, quelques petites heures après sa déclaration de candidature, votre serviteur l’écoute expliquer à quel point la notion de nation constitue l’angle de sa campagne. Il n’invoquera pas la République. « Les gens » n’y croient plus. Elle n’a pas tenu ses promesses. Donc, il faut leur donner de la nation. »  Il faut leur donner de la nation... Tout est révélé de Bruno Le Maire dans ce propos de pur cynisme et absolue désinvolture. Tout est dit du désenchantement des Français pour la République. Tout est exprimé qui justifie l'ironie dont use ici Dominique Jamet. LFAR    

     

    3312863504.jpg« T’as voulu voir Vesoul et on a eu Le Maire », aurait pu chanter Jacques Brel. Car ce n’est ni à la télévision, ni à la radio, ni à l’AFP, ni à Honfleur, ni à Vierzon, mais depuis la préfecture de la Haute-Saône (14.573 habitants au dernier recensement) que Monsieur Le Maire, à l’occasion d’un meeting, a déclaré sa flamme à Madame la France, mettant ainsi fin à l’insoutenable suspense qu’il entretenait depuis un peu plus de deux ans.

    Du coup, dans son élan, l’ancien ministre de l’Agriculture ne s’est pas contenté d’annoncer qu’il prenait rang parmi les nombreux partants déjà inscrits ou à venir pour la grande primaire de la droite et du centre. Sautant une marche, il a bien précisé, à l’intention de ceux qui auraient pu encore en douter, qu’il était « candidat pour devenir président de la République française ». Une décision, pour reprendre ses propres termes, « simple, forte, inébranlable ».

    Pourquoi, donc, avoir tant tardé à rendre publique une résolution qui, depuis longtemps, semblait aussi patente que le secret de Polichinelle, aussi visible que le nez au milieu de la figure de Cyrano ? Très simplement parce qu’au porteur d’un tel projet, la moindre sagesse, le plus élémentaire bon sens, la prudence et la modestie conseillent et même imposent de s’assurer qu’il est à la hauteur de son ambition. « Je suis dans une démarche d’humilité », confiait Bruno Le Maire au journal Le Parisien, le 12 septembre 2015. D’où une hésitation bien compréhensible.

    Aussi bien n’est-ce qu’après avoir pris conseil de lui-même, dans le secret de sa conscience et de sa salle de bains, que Bruno Le Maire a osé franchir le pas, ainsi qu’il l’a confié avec une désarmante ingénuité. C’est devant sa glace, face à lui-même ou à son double, que l’élu de l’Eure a senti venir la sienne, comme dans les contes. « Miroir, petit miroir magique », demandait-il, « ne suis-je pas trop jeune ? » Jusqu’au jour où le miroir, tel un oracle chiraquien, lui a répondu : « Tu as l’âge pile-poil, ton moment est venu. » « Miroir, petit miroir magique, ai-je l’expérience nécessaire pour postuler à la magistrature suprême ? » Et le miroir, de guerre lasse, a fini par lui dire : « Tu es l’homme qu’il faut à l’endroit que tu sais. » Il ne pouvait plus se dérober à son destin et à nos suffrages.

    Qu’on n’aille pas croire que l’enfance et la jeunesse de Bruno Le Maire ont été faciles. Combien de fois, pris d’un sentiment de révolte, n’a-t-il pas reproché à ses parents, qui n’y étaient pas pour rien, de l’avoir trop bien réussi ! Quoi de plus irritant, lorsqu’on se cherche des défauts, de ne s’en trouver aucun, ou si véniel, comme ces vedettes du show-business qui, interviewées dans les magazines féminins, finissent, après s’être longuement et vainement interrogées, par confesser être parfois impatientes ou avoir un faible pour le mille-feuille de chez Angelina.

    D’autres, moins gâtés par Dieu et la nature, auraient enflé de la tête aux chevilles. Bruno Le Maire a victorieusement lutté contre la tentation de la mégalomanie. Il est le premier à savoir que rien ne lui est dû, que ce n’est pas gagné, et qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres et de Vesoul à la rue du Faubourg-Saint-Honoré. Comme il le déclarait au Point la semaine passée : « Mon intelligence est un obstacle. » Et, tout récemment, lors d’un déjeuner de presse : « Mon problème, c’est que j’ai les yeux trop bleus pour la télévision. »

    Ces deux inconvénients seront-ils rédhibitoires ? On se refuse à le croire. Bruno Le Maire a-t-il les yeux trop clairs et la tête trop bien faite ? La question n’est évidemment pas là, mais bel et bien de savoir s’il n’est pas trop bien pour la France, trop beau pour être vrai ? Méritons-nous Bruno Le Maire ?

     
    Journaliste et écrivain
    Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais. Co-fondateur de Boulevard Voltaire, il en est le Directeur de la Publication
     
  • Lyon : « SOS Racines » et AF Lyon se mobilisent en défense du musée des tissus

     

    Il est difficile de ne pas voir qu'en différents points de France, une nouvelle génération d'Action française est en train de se former, s'affirmer, se faire connaître. Fortement ancrée dans l'actualité - locale et nationale - mais tout aussi attachée aux traditions et à l'Histoire.

    Dans la vidéo qui suit, Bayard se présente comme responsable de la section lyonnaise de l'Action française, agissant en participation avec le collectif SOS Racines, en l'occurrence pour défendre le musée des tissus menacé de fermeture. Un musée, explique-t-il, enraciné, basé sur l'histoire traditionnelle de Lyon ...

    Ce n'est pas la première fois, rappelle-t-il, que les dirigeants lyonnais trahissent leur ville. Et de rappeler ce que les années de Terreur ont coûté à la ville de Lyon, passée de 150 000 habitants en 1789 à 80 000 à l'issue de la Révolution.

    Regarder cette vidéo, c'est faire une assez longue balade dans les rues de Lyon, réécouter le chant des canuts et suivre les claires explications de Bayard.

    C'est constater surtout la montée d'une nouvelle génération d'Action française qui pourrait bien être, dans l'effondrement du Système, celle du succès. Et SOS Racines est un nom intelligemment choisi !   LFAR 

     

     

  • Le bocage de Notre-Dame-des-Landes contre la République de Vinci...

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

    Eventuellement pour en débattre ... 

     

    arton8470-7b8cd.jpgLa question de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes est revenue sur le devant de la scène depuis l'annonce faite par le président de la République d'un référendum local sur ce sujet. Pour l'heure, le projet même de référendum pose moult problèmes et divise jusqu'au gouvernement, entre un ministre de l'environnement (le terme d'écologie ayant étrangement disparu de l'intitulé du ministère  de Mme Royal) favorable au vote de plusieurs départements (Loire-Atlantique et départements limitrophes) et un autre ministre, en accord avec son ancien ministre de l'Intérieur devenu Premier ministre, qui veut limiter le vote au seul département nantais : en fait, quelle que soit la solution retenue, elle ajoutera au mécontentement ambiant et à l'impression d'amateurisme de ce gouvernement et du chef de l’État... 

    Pendant ce temps, les derniers agriculteurs présents sur la zone prévue pour l'aéroport attendent avec inquiétude et sans impatience leur expulsion désormais exécutoire : les semaines qui viennent seront déterminantes, et chacun fourbit, du côté de la République estampillée Vinci comme de celui des paysans enracinés et de leurs alliés « zadistes », ses « armes ». Bien sûr, le combat paraît bien inégal mais les moyens de l’État ne suffisent pas toujours, comme l'a montré le précédent de l'automne 2012, quand les forces de l'ordre ont rencontré une résistance digne, dans sa forme sinon dans son fond, des Vendéens de 1793 : le bocage de Notre-Dame-des-Landes s'est avéré un véritable piège pour des « bleus » bien équipés mais peu habitués au combat des bois... Sans doute ont-ils appris depuis, et leur prochain assaut risque d'être plus efficace, en particulier en cet état d'urgence qui permet quelques « arrangements » et la mise au frais de quelques potentiels « résistants » avant de lancer l'opération d'expulsion elle-même : aucune heure de la nuit n'est plus protégée pour les fermiers et les occupants de la ZAD. 

    Cela fait des années que je milite contre le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes mais il me semble que le dénouement est désormais proche, qu'il soit favorable ou défavorable à Vinci et à ses obligés politiques : la République qui ne veut pas se déjuger joue son va-tout tout comme les opposants qui sentent bien qu'il leur faut tenir encore le terrain pendant quelques mois, en espérant que le vote consultatif soit hostile au projet ou que la prochaine présidentielle, dans le temps électoral ou dans ses conséquences, rebatte les cartes à leur avantage. 

    En attendant, les arguments contre le projet d'aéroport doivent être à nouveau aiguisés, démontrés et diffusés : c'est une bataille de chiffres, de faits et de réalités comparés et, au-delà, de propositions et d'idées, voire de civilisation ! Oui, de civilisation, car ce sont deux modèles de vie qui s'affrontent à travers ce projet, celui d'une société de consommation toujours insatisfaite et jamais rassasiée, éternellement pressée, fondée sur l'individualisme de masse et le profit sans conscience, le néo-nomadisme et un libéralisme sans frein, et celui d'une société de convivialité, de service et de partage, de traditions et d'enracinements, capable de prendre son temps et de respecter son prochain, y compris celui à venir... Dans son encyclique « Laudato si' », le pape François livre quelques pistes pour une écologie intégrale que le royaliste que je suis peut reconnaître comme une « vieille tradition » française et monarchique, non la nostalgie d'un « Avant » meilleur et illusoire mais d'une éternité qui n'oublie jamais de se renouveler... 

    A Notre-Dame-des-Landes se joue le sort de quelques arpents de terre mais aussi et surtout, le destin d'une société, la nôtre : que l'aéroport se fasse et ce sont bien plus que des tritons, des libellules et des oiseaux qui souffriront ! C'est la possibilité d'une résistance au triste « monde qui vient » qui sera sérieusement entamée : il est, ainsi, des combats qu'il ne faut pas perdre et pour lesquels il faut s'engager, en citoyens soucieux de préserver « cet avenir que tout Français bien né souhaite à sa patrie »...  Bien sûr, dans ce combat, certains alliés de circonstance n'auront pas les mêmes intentions ni les mêmes principes. Qu'importe, puisque nous le savons ! Maurras, ce royaliste conséquent, n'hésitait pas, lui, à invoquer « le compromis nationaliste » (y compris avec des adversaires politiques) quand les choses essentielles étaient en jeu. Ce Martégal, défenseur de l'étang de Berre menacé par l'industrialisation abusive à l'aube des « Trente Glorieuses », aurait sûrement écrit ce soir quelques belles et coléreuses pages pour défendre ces mares et ces bois de Notre-Dame-des-Landes menacés par le bitume d'une République qui ne cesse jamais, encore et toujours, de défigurer la France, notre royaume ! 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

    photographe-professionnel-paysage-bouches-du-rhone.jpg

    Paysage martégal

  • Périco Légasse : « Notre pays importe les cordes avec lesquelles nos agriculteurs se pendent »

     

    En pleine crise agricole et à moins d'une semaine du Salon de l'Agriculture, Périco Légasse revient sur les dégâts causés par la Commission européenne, la FNSEA et la spéculation boursière à une filière jadis reine en France.  [Entretien dans Figarovox du 19.02]. Pour lui, cette crise est le résultat d'une dérive productiviste qui met en danger notre identité nationale. Ainsi, on commence à se rendre compte que le problème agricole français n'est pas seulement économique ou financier et ne se réduit pas à une affaire de management. Il est avant tout identitaire et civilisationnel. Périco Légasse apporte au moins ici sa pierre à un débat de fond qui concerne au sens plein notre nation. Sauvegarder l'identité française, ce n'est pas seulement la préserver, par exemple, des migrants, mais aussi des maladies de la postmodernité.  LFAR

     

    La crise agricole est en train de prendre une tournure inquiétante. Est-on arrivé à ce fameux point de rupture dont certains experts pensent qu'il pourrait générer des chaos encore plus tragiques ?

    Tout porte à le croire, car les mesures décidées par le gouvernement et présentées par le Premier ministre devant l'Assemblée nationale prouvent qu'il y a, cette fois-ci, une grande inquiétude au sommet de l'Etat. Et s'il s'est décidé à passer à l'acte aussi rapidement, c'est qu'il y a urgence. Que faut-il, après les incidents de ces derniers mois, pour qu'enfin l'on comprenne à Paris comme à Bruxelles que cette crise-là n'est pas comme les précédentes ? Elle est celle de ceux qui n'ont plus rien à perdre. On sait depuis trop longtemps que certains secteurs au bord du désespoir vont basculer dans l'irréparable. Violences, suicides, affrontements.

    N'empêche, des situations aussi extrêmes auraient pu être évitées bien plus tôt puisque nos dirigeants trouvent soudain les moyens de prendre la crise par les cornes. N'empêche, la méthode reste la même : on continue, à coups de millions d'euros, trouvés dieu sait où, finalement payés par le contribuable, à colmater les brèches, à panser les plaies, à mettre des rustines sur les fuites, pour repousser le problème au prochain déluge. Cette stratégie est irresponsable car elle ne résout rien sur le fond. Elle est surtout l'aveu que le gouvernement français ne dispose plus des leviers nécessaires à une réforme structurelle du mode de fonctionnement de notre agriculture. Ces leviers, c'est la Commission européenne qui les détient et nous savons de quelle agriculture rêve la Commission. Son modèle ? Les usines à cochon allemandes, avec main d'œuvre bulgare payée à la roumaine, dont la viande de porc agglomérée a donné le coup de grâce aux éleveurs intensifs bretons auxquels on avait assuré que leurs tarifs étaient imbattables. C'est ça l'Europe libérale libre et non faussée ?

    Personne n'a donc vu venir le danger ? C'est étonnant...

    Nous avons accepté d'être dépossédés de prérogatives souveraines qui font défaut aujourd'hui à la République française pour sauver sa paysannerie. J'espère qu'il y aura un jour un tribunal de l'histoire pour juger les coupables qui ont accepté ces reniements successifs. L'éleveur laitier au bord du gouffre, qui voit son voisin revenir du super marché avec dix packs de lait UHT importés de Pologne, et auquel on demande son trentième certificat vétérinaire, a peut être des raisons de désespérer de cette Europe portée aux nues par son maire, son député, son sénateur, son président de chambre d'agriculture, son gouvernement, son chef d'Etat, souvent son journal, sa télé ou sa radio.

    La pression exercée par les services de l'Etat, la banque, l'Europe et les aléas du marché sur nos agriculteurs atteint-elle ses limites ?

    De normes sanitaires en règles communautaires, de contraintes financières en directives administratives, d'emprunts asphyxiants auxquels on les a poussés en leur tenant le stylo, aux pratiques commerciales imposées par le lobby agro industriel et par la grande distribution, les agriculteurs de France sont à bout. Pas les gros céréaliers nantis, liés à certaines coopératives et gavés de subsides européens, mais ceux qui nourrissent directement la population. Promenés et balancés de promesses électorales en programmes gouvernementaux jamais tenus, sous prétexte que nous sommes 12, puis 15, puis 18, puis 28 Etats à décider ensemble, ils ont contenu leur colère durant des décennies. « Mais rassurez vous, nous défendons bec et ongles vos intérêts à Bruxelles. Faites nous confiance, nous vous soutenons » … comme la corde soutient le pendu. Les chambres d'agriculture ont poussé les exploitants à devenir exploités, les incitant à s'agrandir en surface, à concentrer la ressource, à augmenter les rendements, à acheter des machines chaque fois plus grosses et coûteuses pour s'installer dans un productivisme global et compétitif. Ces paysans sont aujourd'hui floués, ruinés, abandonnés. On ne peut pas demander à un homme qui est à terre d'obtempérer sous peine de sanction, ni à un homme pris à la gorge, et qui ne sait plus comment nourrir sa famille, de s'acquitter des ses échéances bancaires ou sociales. Alors, épouvantable réalité, ceux qui sont acculés, à bouts de nerfs, sans lendemain, basculent parfois dans l'irréparable. La colère des agriculteurs est à l'image des désordres qui menacent la planète.

    L'importance du mouvement, la pugnacité des agriculteurs révoltés et l'extension du phénomène à toute la France révèlent-elles une souffrance plus profonde que ce que l'on peut imaginer ?

    Nous sommes au delà de la tragédie humaine. Le désespoir agricole nous conduit à une tragédie nationale de grande ampleur. Et les effets aggravants vont exacerber les exaspérations déjà explosives. Car ce ne sont plus seulement les éleveurs bovins et les producteurs laitiers qui durcissent leurs actions. A l'Assemblée Nationale, ce jeudi 17 février, Manuel Valls déclarait que le gouvernement et l'Europe ont pris leurs responsabilités (baisse de 7 points pour les cotisations sociales des agriculteurs en difficulté et année blanche fiscale pour ceux à faibles revenus), et qu'il a appartient désormais aux agriculteurs de prendre les leurs. C'est le comble.

    Qui a conduit l'agriculture française dans cette impasse, toutes majorités confondues, depuis trente ans, en partenariat politique étroit avec le syndicat majoritaire? Qui, jusqu'au vote de la loi d'avenir, et de son programme d'agro-écologie porté par Stéphane Le Foll, en septembre 2014, par le parlement, a validé toutes les dispositions inféodant davantage l'agriculture française aux desiderata des lobbies bruxellois ? Qui a validé la dérégulation du marché et la suppression des quotas laitiers sans contreparties ? Qui refuse d'imposer la traçabilité des viandes entrant dans la composition des produits transformés ? Qui laisse pénétrer chaque année sur notre territoire des millions de tonnes de tourteau de soja destinées à gaver nos élevages intensifs ? Qui favorise l'importation déloyale et faussée de millions de litres de lait en provenance d'autres continents pour satisfaire aux oukases tarifaires de la grande distribution ? Les cours mondiaux! Toujours les cours, mais alors qu'on le dise clairement, la France est soumise aux aléas d'une corbeille boursière qui décide de la survie ou non de nos exploitations agricoles. Quelle nation souveraine digne de ce nom peut accepter de sacrifier une partie de son peuple aux ambitions de patrons de casinos où le blé, la viande et le lait sont des jetons sur un tapis vert ? La seule vraie question qui vaille est: ça nous rapporte quoi? La mort de nos campagnes, de ceux qui les entretiennent et une dépendance accrue aux systèmes agro industriels qui abîment la Terre, l'homme et l'animal.

    Alors qu'on recense environ un suicide d'agriculteur tous les trois jours, les pouvoirs publics prennent-ils la mesure du drame ?

    Les agriculteurs étranglés, aux abois, meurtris, voient leur pays importer les cordes auxquelles ils se pendent. Un paysan qui se suicide n'est finalement que le dégât collatéral de la modernisation de l'agriculture et de l'adaptation au marché globalisé. Le bœuf que l'on jette aux piranhas pour que le reste du troupeau puisse passer. Le seul problème est que, finalement, tout le troupeau y passe. Qui sont ces agriculteurs qui se suicident ? Précisément ceux qui appliquent à la lettre depuis 10 ans, 20 ans, 30 ans pour certains, les instructions et les recommandations du syndicat majoritaire, cette FNSEA qui a beau jeu aujourd'hui de barrer les routes et de bloquer les villes après avoir encouragé et accompagné toutes les politiques ayant conduit à ce massacre. Précisément ceux qui ont cru, en toute bonne foi (on leur avait si bien expliqué qu'il n'y a pas d'autres solutions possibles) que les programmes officiels, de gestion des cultures et des élevages pour se conformer aux lois du marché, les conduiraient à la richesse. Ceux-là sont ceux qui se pendent les premiers sous le regard compassé de ceux qui ont tressé la corde fatidique. Certes, il y a bien eu la PAC, avec des centaines de milliards reversés aux agriculteurs les plus riches qui s'alignaient doctement sur les critères du productivisme alors que les autres étaient obligés de tendre la main à Bruxelles pour obtenir une obole. Comment une puissance au patrimoine agricole si glorieux et si performant a-t-elle pu laisser ce trésor se détériorer aussi vite et aussi tragiquement. Quelqu'un a forcément menti à un moment donné de l'histoire.

    Le Salon de l'Agriculture s'ouvre dans dix jours. Que faut-il en attendre ?

    On l'appelait autrefois la Foire agricole. C'était une fête. La vitrine des fiertés paysannes de la France. L'engagement fervent de ceux qui montaient à la capitale pour témoigner qu'une majeure partie du pays continuait à travailler la terre pour nourrir la nation. L'édition 2016 sera marquée par les drames et les détresses ayant marqué les douze derniers mois. Mais rien n'y fera. La Foire restera celle des grandes enseignes industrielles et commerciales dont les bénéfices se sont faits sur l'éradication d'une société qu'ils ont contribué à ruiner. Qu'un vainqueur vienne planter ses aigles sur le territoire du vaincu est une chose, mais qu'un marchand de produits toxiques vienne édifier un mausolée au milieu du cimetière de ses victimes en arborant un grand panneau sur lequel on peut lire « Voici mon œuvre » est pour le moins original. Car les grandes enseignes mercantiles qui fleurissent le long des allées du salon, entre les vaches et les cochons, les sacs de grain et les bidons de lait, les vergers reconstitués et les prairies artificielles, pour faire croire qu'elles sont les bienfaitrices de ce qui n'est plus qu'un musée de la honte agricole, n'auront pas le courage de financer un grand mur sur lequel on pourrait afficher les trois mille photos des paysans qui se sont suicidés depuis 2007. Et si l'on demandait aux grandes marques dont les panneaux colorent à perte de vue les halls de la porte de Versailles d'indiquer combien de tonnes de lait en poudre néo-zélandais, de fruits et légumes saturés de pesticides, de viandes infâmes, de produits cuisinés nocifs, etc, etc, elles ont importés, puis déversés, à prix écrasés, sur les rayons des grandes surfaces, tout en creusant la tombe des agriculteurs français n'ayant pu s'aligner sur les tarifs de cette merde… Que faut-il en attendre? Plus de larmes et plus de sang pour les agriculteurs pris au piège et plus de profits et de bonne conscience pour ceux qui les exploitent.

    Existe-t-il une perspective pour sortir de cette impasse ?

    Oui, et même plusieurs: un gouvernement de combat et non un casting pour meeting électoral du PS avec supplétifs d'occasion. Exemple, dans la configuration politique actuelle, c'est Stéphane Le Foll qu'il aurait fallu nommer Premier ministre, afin de faire du programme d'agro-écologie, tout juste initié mais bientôt amplifié, une priorité nationale qui soit l'objectif premier du gouvernement de la République. Face à la détresse agricole, ce grand projet couvre toutes les problématiques et ouvre des perspectives au-delà même des enjeux agricoles. Il s'agit d'une redéfinition des logiques ayant prévalu jusqu'à aujourd'hui afin que l'agriculteur ne soit plus tributaire des spéculations et des OPA que la finance internationale lance sur les ressources alimentaires. Une seule réalité s'impose à toutes les autres: l'agriculture n'est pas faite pour produire, elle est faite pour nourrir. Nous avons la formule, nous avons le processus, nous avons des expériences. Un tel défi ne peut que susciter un vaste consensus populaire. De toutes les façons, seule une baisse générale de la production compensée par une redistribution qualitative de notre agriculture vers des formes de cultures et d'élevages répondant à la fois aux besoins et aux attentes de la population et aux impératifs d'un monde durable permettront de sortir de cette impasse. L'exacte contraire de ce que prône la FNSEA, toujours persuadée que le salut ne peut venir que d'une augmentation ultra modernisée de la taille des exploitations et des volumes, c'est-à-dire l'aggravation de tout ce qui a conduit l'agriculture française dans le mur. Cette redéfinition est une question de survie. Et plus l'on attendra avant de la décider, moins nous aurons de chance de voir nos agriculteurs redevenir des paysans. La clé du problème est là: rendez nous nos paysans!

    Et en projetant un peu plus loin ?

    De même, il est fondamental de mettre en place un programme scolaire d'éducation citoyenne du consommateur concerté avec le ministère de l'Agriculture. Les bases existent sous le projet « classes du goût », créées par Jacques Puisais en 1975 puis expérimentées un temps dans certains collèges. Le client de demain doit apprendre à consommer pour se faire du bien, pour soutenir une agriculture qui le nourrisse sainement tout en préservant l'environnement, pour soutenir une industrie agroalimentaire créatrice de richesse et d'emploi dans le respect d'une agriculture porteuse d'avenir, pour soutenir un artisanat employeur garantissant la pérennité de savoirs faire et d'activités. Consommer moins mais mieux. Chaque année, chaque Français jette 7 kilos d'aliments frais emballés. Des millions de tonnes de nourriture à bas prix que l'on pourrait reconvertir en profit pour les agriculteurs qui produiraient donc un peu moins mais mieux payés. Sur le terrain de la compétitivité internationale, nous serons toujours battus par des systèmes qui peuvent produire encore plus infâme et moins cher. Cela passe par une émancipation des diktats bruxellois et le retour à la subsidiarité française en matière de normes agricoles. Enfin, repeupler nos campagnes et remettre en culture des terres abandonnées ou abîmées tout en créant une activité agricole conformes aux enjeux contemporains, non dans la surproduction surconsommée, mais dans une juste productivité qui permette de satisfaire 99% de la demande intérieure et d'en exporter l'excellence vers des marchés demandeurs. La France a besoin de ses paysans pour vivre, pour être, pour durer.  

    Périco Légasse est rédacteur en chef de la rubrique vin et gastronomie à l'hebdomadaire Marianne.

    picture-2540921-61yhv5dr.jpgEntretien par

    Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Twitter : @AlexDevecchio

  • Où Pierre Nora constate que le problème de la France est la faiblesse de la République

    Pierre Nora est membre de l'Académie française depuis 201 

     

    « L'identité nationale, vous disais-je, serait peut-être aussi malheureuse s'il n'y avait pas un seul immigré, car le problème principal de la France ne me paraissait pas la puissance de l'Islam, mais la faiblesse de la République »

     

    Pierre NORA

    de l'académie française 

    28 janvier 2016 - Académie française - Réception d'Alain Finkielkraut

  • Les rassemblements royalistes de Provence ... 35 ans d'action politique

     

    Retour, ce dimanche, sur cette frange de 35 ans d'histoire du royalisme français et d'histoire de l'Action française, qui a laissé des traces et des souvenirs durables dans le Midi et au delà. 

    L'aventure des Rassemblements Royalistes de Provence commence, sous la présidence de Pierre Chauvet, le 8 juin 1969, entre les deux tours de l'élection présidentielle, à l'abbaye de Montmajour, dans la plaine d'Arles.

    L’Union Royaliste Provençale osait organiser une réunion populaire ! Elle reprenait la tradition des rassemblements d’avant-guerre et faisait revivre le midi royaliste.  

    Le pari fut réussi. L'expérience pouvait se renouveler. Le Rassemblement avait désormais un retentissement national. L’aventure s’est prolongée pendant plus de 35 ans [1969-2005]. 

    Les Rassemblements royalistes de Montmajour, Saint Martin de Crau, les Baux, donnaient lieu à une action de communication dans tout le Sud-est, grâce à une mobilisation militante importante. Certaines années, 25.000 affiches sont collées; 100.000 tracts sont distribués; des disques, des manifestes, des brochures, des journaux  sont édités. La presse écrite, la radio, la télévision sont présentes.

    Les présidents du comité d'honneur : En 1969, ce fut   Jacques MAURRAS; en 1970, le duc de LEVIS-MIREPOIX, en 1971, Thierry MAULNIER qui envoyait un message à la foule, en 1972, le duc de Castries, trois académiciens français …  

    Le  « Manifeste de Montmajour » analyse  royaliste de la société contemporaine, fut publié en 1971.  

    Saint Martin de Crau accueillit le Rassemblement en 1972, l'État ayant pris entièrement possession de Montmajour. Malgré la pluie, ce fut une grande foule qui s'y rassembla.  

    Le Rassemblement s’est tenu aux Baux de Provence, à partir de 1973. Cette année-là, pendant quinze numéros, « L'Ordre Provençal » devint quotidien (avec prises de position sur l'actualité, échos de la campagne des Baux, enquêtes). 

    Les Rassemblements à thème débutèrent en 1974. Cette année-là, ce fut : « Pour une contre-révolution globale ». En 1975, les royalistes s’attachèrent à défendre l'armée, alors vivement attaquée. Le thème de l'année suivante fut : « ni libéralisme, ni collectivisme, réaction populaire ». Jean   DUTOURD adressa aux participants une lettre où il s'affirmait pour la première  fois royaliste.                                                       

    En 1979, le Comte de Paris publia ses « Mémoires d'exil et de combat ». Les Baux prirent pour thème : « instaurons la Monarchie ». Le thème du Rassemblement de 1981 fut : « Résister », première réaction à l’arrivée de la gauche au pouvoir. 1983 et 1984 contribuèrent à la défense de l'école libre. En 1985, Gabriel Domenech, rédacteur en chef du grand quotidien régional Le Méridional, vint dire son accord avec les idées royalistes. 1987 commémora avec ampleur le Millénaire Capétien. Une étude de deux militants marseillais, fut alors publiée : « Pour la monarchie de demain ».

    Les Rassemblements de 1989 & 93 ont été ceux du bicentenaire de la Révolution, du martyre de LOUIS XVI, de la Vendée, des années de Terreur. Malgré les mythes officiels, ce furent, en réalité, les premières manifestations du totalitarisme moderne. Ce thème fut brillamment traité aux Baux.          

    En 1995, les royalistes des BAUX manifestèrent leur scepticisme après la toute récente élection de Jacques Chirac à la tête de l'État. En 1996, le thème fut : « Pour   défendre l’identité chrétienne et royale de la France ». La   réunion de 1997 (« demain sauver la France ») manifestait  l’opposition des royalistes à l’Europe de Maastricht. 

    Les Rassemblements Royalistes de Provence devenus une tradition ont souvent eu un grand écho médiatique. Ils ont été une tribune pour les idées royalistes en même temps qu’un moyen de discuter, de prendre des contacts, de s'informer des activités royalistes en Provence et dans toute la France. Ce fut aussi une fête amicale (stands de livres, d'objets d'art, de jeux, bar, buffet, animations) et le point de départ des actions militantes de l'année qui suit. 

    Un changement important s’annonçait lors du Rassemblement de 1999 qui développait l’idée d’un nouveau « projet   national royal ». Ce projet s’incarne en effet dans un prince qui est annoncé en 2000 : “Un rendez-vous de l’Histoire qui se prépare”. Et en 2002, le Prince Jean de France, duc de Vendôme, accompagné de son frère, le prince Eudes, duc d’Angoulême, et de son épouse, choisit Les Baux comme lieu de la première rencontre publique entre la famille de France et les royalistes depuis des dizaines d’années.  

    Une « métamorphose » des Rassemblements prend forme en 2005 avec la création d’une journée de « débat royaliste » où des intellectuels de haut niveau analysent les problèmes contemporains, présentent nos positions et où l’on travaille, ensemble, aux progrès du projet national royal.

    Ce sont trente-cinq ans d'Action française, d'engagements politiques, que résume ce bref rappel historique. Après 2005, nos activités ont pris des orientations nouvelles, adaptées aux situations et aux techniques d'aujourd'hui. Rien n'empêche toutefois qu'en temps opportun l'aventure des rassemblements royalistes de Provence soit reprise, sous une forme ou sous une autre. La plus propre à servir l'idée nationale et royale. 

     

    Ils ont pris la parole dans ces rassemblements, parmi beaucoup d'autres ... 

    LES BAUX PERSONNALIT2S.jpg

    [Dans l’ordre des photographies] 

    Pierre BOUTANG  - Pierre DEBRAY - Gérard de GUBERNATIS - Marcel JULLIAN - Gérard LECLERC - Jean RASPAIL - Michel de SAINT-PIERRE - Jean SEVILLIA - Gustave THIBON - Jacques TREMOLET de VILLERS - Jean Marc VARAUT - Vladimir VOLKOFF


    1798463737.jpg« 
    L'aventure des rassemblements royalistes de Provence » : pour visiter l'album, cliquez sur l'image ci-contre. 

     

     

  • Médias • TV : BHL chez Ruquier

     

    par Nicolas Julhiet

     

    Il faut toujours garder une certaine distance quand on regarde une émission avec Bernard-Henri Lévy… Dans On n’est pas couché, ce samedi soir, cette précaution fut encore nécessaire.

    L’esprit du judaïsme. Tel est le titre de son dernier livre. BHL est venu en assurer la promotion sur le plateau de Ruquier. Sans sa chemise blanche, pour une fois, comme il en plaisante lui-même, faisant preuve d’un minimum d’auto-dérision… Il en est donc capable, se dit-on ! Au moins une fois. Car, durant toute l’émission, BHL a affiché sa mine la plus grave, la plus sérieuse, celle qu’il arborait sur les théâtres d’opérations à travers le monde, dans des conditions certes parfois surprenantes, entre un char éventré et une caméra.

    Quoi qu’il en soit, la première partie de l’émission est intéressante, bien que peu originale. Il est question de l’antisémitisme en France et de son évolution à travers les siècles. De Philippe Le Bel à Alain Soral et Dieudonné en passant par Bernanos et Céline. Le grand écart historique et intellectuel. S’il s’incline devant le génie littéraire des deux écrivains, il ne montre une grande estime pour le fondateur d’Egalité & réconciliation et l’humoriste franco-camerounais. «Des crânes rasés de la pensée », dit BHL dans une formule qui fait mouche ! De bonne guerre, tant la rivalité est forte entre les trois hommes. Mais contrairement à d’autres, BHL n’invite pas les juifs de France à quitter le pays pour Israël. Il dit clairement que l’antisémitisme est moins prégnant qu’avant. Soulagement général : ce soir, pas d’excès de langage, ni de procès général, ni d’inquisition. Pour l’instant, du moins.

    La discussion glisse ensuite sur l’auteur lui-même. Il est question de son identité juive – qu’il ne juge pas malheureuse, à l’inverse d’un Finkielkraut -, et de son rapport au judaïsme. Un judaïsme qu’’il peine à définir, d’abord parce qu’il se définit comme un juif laïc pour qui « Dieu n’est pas la question de (son) livre, ni de (sa) vie ». On sent l’émission prendre une tournure prometteuse. Qu’est-ce qu’être juif ? Dans L’esprit du judaïsme, rappelle Yann Moix, BHL évoque longuement le livre de Jonas. Ce prophète, qui a pour mission d’alerter la ville de Ninive de sa destruction par Dieu, accomplit sa tâche après moult péripéties.

    On y est : BHL se considère comme le Jonas moderne. D’où son interventionnisme, d’où sa volonté de se rendre dans les pays en guerre, d’où ce besoin quasi-frénétique d’action. Sauf, qu’il n’y a plus « une » mais « des » Ninive. Et qu’il n’y a qu’un seul Jonas-BHL. Le philosophe ne dispose pas parmi ses nombreux talents de celui d’ubiquité…

    C’est là qu’intervient Léa Salamé. Après avoir doctement expliqué que Descartes a été excommunié (ah bon ?), elle rappelle à notre philosophe, avec un peu plus d’à-propos, les conséquences funestes de son rôle auprès de Sarkozy et de l’intervention militaire en Libye. Nul besoin de rappeler le chaos en Libye et au Proche-Orient après la chute de Kadhafi.

    BHL se défend comme il peut, de manière plus ou moins adroite, arguant qu’on ne peut pas le tenir responsable des conséquences de l’intervention, une intervention motivée par les meilleures intentions. Doit-on refuser d’agir au prétexte que les événements peuvent prendre une mauvaise tournure, demande le philosophe ? Doit-on refuser aux peuples l’accès à la démocratie ? Eternelles rengaines universalistes. Au moins, réfute-t-il le dogme du « sens de l’histoire ».

    L’émission continue avec la réhabilitation de l’apport des juifs dans l’histoire de l’humanité. BHL laisse échapper cette phrase hallucinante : « Les juifs sont une escorte discrète et silencieuse pour les autres nations ». Toute critique pouvant être mal interprétée… Prudence, donc.

    Non content de son petit effet, BHL, en quelques mots, réussit à provoquer l’incrédulité de Laurent Ruquier. Des propos repris par tous les sites d’informations et qui suscitent une vive polémique. Alors qu’il explique que le traitement de Laurent Fabius, dans l’affaire du sang contaminé, a des relents antisémites, il enfonce le clou à propos de l’affaire DSK : ce n’est « certainement pas un complot mais la façon dont une partie de la presse s’est emparée de cette histoire, en a fait une espèce de monstre où toutes les frustrations, les désirs inavoués… Moi je me rappelle certains hommes politiques devenant littéralement fous face à cette affaire DSK. (…) Je ne me suis jamais posé la question de s’il y entrait de l’antisémite… mais puisque vous me posez la question, il y entrait probablement une part d’antisémitisme. »

    Impossible de lui donner raison, même avec les meilleures intentions philosémites du monde. Dommage pour lui et la crédibilité de ses propos. Il est si rare d’entendre les noms de Péguy, de Chateaubriand ou de Bernanos à une heure de grande écoute. Pour BHL, qui avait jusqu’ici réussi à sortir de son rôle de bretteur à la faconde un tantinet pénible, la chute est terrible. De son passage, il ne restera que la polémique. 

      

  • Civilisation & Société • Les grands cimetières sous le hamburger

     

    La réussite de Mc Donald's dans l'Hexagone rappelle que la France, qui pleure sur ses paysans et son art de vivre, est aujourd'hui la terre d'élection du fast-food et de la grande distribution. Dans cette chronique du Figaro [20.02], Natache Polony a bien raison de flétrir cette société décivilisée où nous sommes entrés, qu'elle décrit avec force et finesse et qu'elle nomme, dans une formule fort appropriée qui devrait donner à réfléchir, le camp de consommation, stade ultime de la modernité.  LFAR

     

    XVMbd3235a0-219b-11e5-93d6-2261d4e29204 - Copie.jpgJoie, gastronomie et croissance ! La France accueille désormais sur les Champs-Élysées le plus grand « restaurant » McDonald's du monde. Un exemple de réussite puisque le géant du sandwich atteint en France la quintessence de son art, au moment même où ses résultats reculent aux États-Unis. Là-bas, c'est une blogueuse qui a sonné la révolte contre la nourriture grasse et sucrée, déclenchant un mouvement de défiance contre le modèle jusque-là triomphant. Heureusement pour McDonald's, il reste la France, ce paradis ! La direction américaine, jusque-là sceptique, est même venue en délégation au printemps 2015 prendre des cours auprès de son entité française.

    Le secret de cette réussite ? L'adaptation, l'art de faire couleur locale. Des baguettes, un coin café, des salades et des fruits pour rassurer les mamans consciencieuses… Et puis surtout, en cette période de crise agricole, on affiche la solidarité avec les paysans français. La viande, les pommes de terre, le blé du pain… du produit français. Et le consommateur est content. Il a bonne conscience. Et c'est important, pour bien digérer, d'avoir bonne conscience. Il ne tue pas ses agriculteurs puisqu'il se nourrit dans un « restaurant » où l'on achète français. Certes, pas seulement français, mais peu importe, l'éthique est sauve. D'ailleurs, le consommateur est ravi, quand il arrive au Salon de l'agriculture, où il est autorisé, une semaine par an, à se souvenir que la France fut une nation paysanne, de voir trôner au milieu des vaches le stand orné d'un M géant, ce M qui incarne les millions de tonnes de viande et de pommes de terre écoulées chaque année par nos agriculteurs.

    Il faudrait avoir sacrément mauvais esprit pour y trouver à redire. Comment oserait-on remettre en cause ce beau modèle ? Faire valoir que l'instrumentalisation des discours nutritionnels à base de « cinq fruits et légumes par jour » n'effacera jamais la déshumanisation de l'acte alimentaire à travers la généralisation du sucre et du gras, du « mou-doux », rien à mâcher, rien à croquer, rien à comprendre ? Ce serait chercher des noises. Alors, on évitera de culpabiliser les consommateurs (il ne faut jamais culpabiliser les consommateurs, pas plus que les parents qui collent les enfants devant la télévision pour avoir la paix mais déplorent que l'école ne transmette plus l'amour des livres). On évitera de signaler combien l'uniformisation du goût, dès le plus jeune âge, prépare à l'absorption passive d'aliments prémâchés, payés le moins cher possible pour pouvoir consacrer les maigres revenus du foyer à d'autres postes plus utiles comme les produits de l'industrie culturelle ou des loisirs.

    Quelques concessions apparentes aux préoccupations d'ordre nutritionnel suffiraient donc à faire oublier la réduction des individus au rang d'avaleurs de calories vides, privés, avec leur consentement, de la plus intime des libertés, celle de goûter, de savourer, et de jouir, loin des sensations standardisées et des pulsions commandées par la publicité. Faut-il rappeler que la France, qui aime à se souvenir qu'elle fut un phare de civilisation, est aujourd'hui la terre d'élection du fast-food et de la grande distribution? La France qui pleure sur ses paysans, mais aussi sur sa culture, ses belles lettres et son art de vivre, plébiscite un mode de vie qui tue les uns et les autres en s'habituant à la facilité à bas prix. Et après tout, diront certains, si c'est le choix du consommateur ? Vous ne voudriez pas interdire, crypto-communiste que vous êtes !

    On répondra que la liberté ne vaut pas sans la capacité à l'exercer, c'est-à-dire sans le libre arbitre. Et que le système que nous avons créé produit ce que l'on désigne d'un concept marxiste aujourd'hui désuet : de l'aliénation. Le contraire de la citoyenneté. Le contraire de la capacité pour l'être humain à décider de son destin, à jouir de sa liberté en la goûtant pleinement et en nommant les sensations qui produisent son plaisir. Une « école » qui prive des mots et de leur complexité, une « nourriture » qui prive des goûts et de leur richesse, une « démocratie » qui prive de la souveraineté et de la capacité à penser un modèle alternatif… mais tout cela en préservant les apparences, à travers des travaux interdisciplinaires ronflants (et des panneaux publicitaires flamboyants), un programme nutrition-santé et des étiquettes « 100 % viande française » ou des élections en bonne et due forme (n'étaient les 50 % d'abstention, mais justement, ça ne compte pas…). Nos agriculteurs peuvent poursuivre leur descente aux enfers, comme nos professeurs, comme tous ceux que broie cette transformation du citoyen en consommateur, de l'être humain en sous-produit industriel rangé dans son box à consommer des burgers, comme les vaches qu'il avale furent rangées dans leur box sans voir jamais un brin d'herbe. Le camp de consommation, stade ultime de la modernité. 

    Natacha Polony

  • Livres • Pourquoi les Français plébiscitent Michel Houellebecq

     

    Sébastien Lapaque pose cette question [Le Figaro, 18.02.2016] : « Pourquoi les Français plébiscitent Michel Houellebecq » et il y répond du point de vue de la littérature et des écrivains. Sous l'angle politique - et / ou civilisationnel - son anticipation, en forme de roman, d'une situation politique qui pourrait devenir celle de la France, peut aussi être considérée comme une sorte de satire, de mise en garde ou d'alarme. Ce roman nous paraît avoir aussi joué ce rôle. LFAR

    Soumission est le roman qui s'est le mieux vendu en France en 2015. L'écrivain ne laisse personne indifférent et ses œuvres sont traduites dans de nombreuses langues.

     

    Sébastien_Lapaque.jpg

    Enfin une bonne nouvelle. D'après les statistiques de quelques spécialistes du marché de l'édition, penchés sur les livres comme d'autres le sont sur les canassons, Soumission, de Michel Houellebecq, est le roman qui s'est le mieux vendu en France en 2015. 590.000 exemplaires, nous jure-t-on. Sans compter les ventes en Belgique et en Suisse… Qu'en dit-on à Bruxelles et Genève ? Michel Houellebecq devant Fred Vargas, Guillaume Musso et Marc Lévy. Un écrivain devant les écrivants.

    L'année 2015 avait pourtant mal commencé, avec une tuerie islamiste à Charlie Hebdo qui arracha à notre affection l'économiste dissident Bernard Maris et quelques dessinateurs insignes. Aucune origine n'est belle, jurait un écrivain provençal. Grâce à Dieu, la fin de l'an 2015 a été consolatrice, avec une statistique admirable : Houellebecq seul en tête. Cet honneur et cet avantage ne sont pas fortuits. Dans Soumission, bon livre qui n'est pas son meilleur roman selon notre cœur (notre faveur va à Extension du domaine de la lutte et à La Carte et le Territoire), l'auteur de Rester vivant ne raconte pas l'histoire de la marquise qui sortit à cinq heures mais celle de la prise du pouvoir en France d'un parti musulman au terme de l'élection présidentielle de 2022. Avec l'aide de François Bayrou, de surcroît : je ne critique pas le côté farce, mais pour le fair-play, il y aurait quand même à dire… Chacun est libre de recevoir à sa guise les prédictions de l'écrivain. Quelque chose nous laisse penser qu'il faut se méfier des dons divinatoires des imaginatifs. Attention aux yeux, ça brûle !… Il y a toujours quelque chose de révélateur dans l'improbable augure d'un romancier qui voit ce que l'homme a cru voir. C'est un prophète, du grec prophanai: celui qui rend visible la parole.

    « Un sismographe hyperémotif »

    À lire Demain est écrit, de Pierre Bayard (Minuit, 2005), personne ne jurerait que c'est un concours de circonstances qui a fait coïncider la parution de Soumission et l'attaque terroriste de Charlie Hebdo - avec la mort de Bernard Maris, qui venait de publier Houellebecq économiste (Flammarion, 2014). Cet événement est l'essence même de la littérature. Et c'est ainsi que Michel Houellebecq est grand. « On peut en effet supposer que les textes littéraires entretiennent une relation de proximité particulière avec le fantasme et qu'ils sont ainsi porteurs de ses lignes de faîte, avant même qu'il vienne s'incarner dans la réalité », écrit Pierre Bayard. Michel Houellebecq est l'exemple le plus frappant d'un écrivain ayant trouvé son inspiration la plus authentique dans un événement qui allait lui succéder. Aucune surprise pour ceux qui le lisent depuis toujours. Avec Marcel Proust, il donne tort à ceux qui pensent qu'un grand romancier ne doit pas être intelligent. Au contraire. Trop sensible, trop intelligent : de cette rencontre surgissent des merveilles. L'auteur de La Poursuite du bonheur (La Différence 1991) est un sismographe hyperémotif capable de voir venir les tremblements de terre avec deux siècles d'avance.

    Au-delà de nos frontières

    Clown blanc d'un genre très particulier, Houellebecq est un écrivain qu'il faut savoir bien lire pour bien l'entendre. Comme Georges Bernanos, il émeut d'amitié ou de colère, mais ne laisse personne indifférent. On l'aime ou on le hait. Avouons ici notre point de vue. Nous l'aimons. Parce que Houellebecq, c'est beaucoup plus que Houellebecq. Pour ceux qui voyagent un peu dans le monde, à Berlin, à Milan, à New York, à São Paulo, à Mexico, à Pékin ou à Sidney, il est celui qui a remis en marche le compteur arrêté à Sartre et Camus. Pardon pour Le Clezio et Modiano, mais, au-delà de nos frontières, l'écrivain français d'aujourd'hui, dans toutes les langues du monde, c'est Houellebecq ; pardon pour Manuel Valls, qui a cru pouvoir (un mot qu'il adore) dissuader les Français de lire Soumission en s'improvisant critique littéraire, prouvant qu'il n'avait aucun point commun avec son supposé maître Georges Clemenceau, ami de l'art et des artistes. « La France, ça n'est pas Michel Houellebecq, ça n'est pas l'intolérance, la haine, la peur. » Et ta sœur ?

    Promenez-vous dans le monde, entretenez-vous avec les écrivains, les artistes et les individus qui sont la grâce et l'âme de leur pays. La France, c'est Houellebecq. 

    Sébastien Lapaque           

  • Marion Maréchal-Le Pen à Politique magazine : « Le plafond de verre est une légende médiatique »

     

    Député du Vaucluse, benjamine de l’Assemblée nationale, candidate malheureuse aux régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marion Maréchal-Le Pen tire, pour Politique magazine [février 2016], les enseignements de la défaite du FN et entend rebondir pour une prochaine victoire. Intéressant entretien, qui ne nous fait pas croire davantage aujourd'hui qu'hier à la possibilité d'un bonne république en France. Mais qui confirme l'image positive qui est celle de Marion Maréchal-Le Pen. Une exception rare dans le monde politique français ... LFAR

     

    Quelles leçons tirez-vous des élections régionales ?

    Malgré la déception des résultats, je retiens quelques faits extrêmement positifs. Des faits inédits. En Paca, je pense en particulier aux invitations que nous ont adressées un certain nombre d’institutions comme l’évêché de Toulon, la chambre de commerce et d’industrie, les syndicats patronaux comme le Medef ou la CGPME. Cela aurait été inimaginable il y quelques années ! Cette campagne des régionales, où nos candidats ont été traités à l’égal des autres, a en quelque sorte institutionnalisé le Front national en tant que force politique. Par ailleurs, seul contre tous, le FN a enregistré des scores historiquement hauts. Partout, il a progressé en nombre de voix. Dans le Vaucluse, où j’ai été élue, il a même obtenu la majorité absolue. C’est pourquoi je répète que le fameux « plafond de verre » est une légende médiatique qui ne résiste pas à l’analyse.

    Le « plafond de verre », n’est-il pas tout simplement cette capacité des institutions étatiques, politiques, médiatiques, à se coaliser contre vous ?

    On peut le dire comme cela… C’est ce front soi-disant républicain qui est une invention des élites. J’en veux pour preuve que nous sommes majoritaires dans toutes les tranches d’actifs, même chez les chefs d’entreprise. Et pourtant, quelqu’un comme Pierre Gattaz, président du Medef, se permet de faire campagne contre nous. Le but de ce front soi-disant républicain est de créer un climat anxiogène autour d’une possible victoire du Front national. Sont ainsi téléguidés jusqu’aux urnes des électeurs dont l’unique motivation est de l’empêcher de gagner. Cela dit, je suis convaincue que le FN a aujourd’hui remporté la bataille des idées. A nous maintenant de faire la démonstration de nos compétences de gestionnaires. Mais cela prend du temps.

    Le FN ne doit-il pas se poser la question des alliances pour espérer l’emporter ?

    Je n’ai pas d’opposition de principe à des alliances électorales, surtout à l’échelon local. Aux départementales, le FN s’est désisté au profit de la Ligue du Sud de Jacques Bompard qui a, d’ailleurs, oublié de lui rendre la pareille aux régionales. Mais passons ! En revanche, il paraît difficilement envisageable de nouer une alliance au niveau national avec Les Républicains dont les positions officielles sont trop éloignées des nôtres sur la plupart des sujets. Il ne s’agit quand même pas de vendre son âme. De toute façon, l’état-major des Républicains n’est pas du tout dans cette optique. Le problème de ce parti, c’est la déconnexion entre ses cadres, d’une sensibilité centriste farouchement hostile à nos idées, et sa base électorale, plutôt RPR de tradition, dont une large part est favorable à des alliances avec le FN pour battre la gauche.

    Au-delà des questions électorales, qu’attendez-vous du séminaire qui va réunir le parti début février ?

    Nous devons être capables de dresser le bilan et de faire notre autocritique. En particulier sur la question de la sortie de l’euro car la position du FN est inaudible et caricaturée au point d’effrayer certains de ses propres électeurs. A mon avis, il faut la remettre à la place qui est la sienne et ne pas en faire l’étendard de notre programme. Compte tenu des réalités, une sortie de l’euro ne pourrait intervenir qu’après des réformes structurelles, dans un cadre référendaire et en concertation avec nos partenaires européens. Le FN doit globalement être plus audible sur les sujets économiques : code du travail, emploi, fiscalité… Cela dit, la question identitaire est aujourd’hui au centre de toutes les préoccupations, devant l’insécurité et le chômage. Cela se vérifie dans tous les sondages. Les Français ne veulent pas perdre leur mode de vie.

    Il y a visiblement deux discours au sein du FN. L’un au Nord de la France, qui enfourche plutôt des thématiques de gauche. L’autre au Sud, nettement marqué à droite. Comment réaliser la synthèse ?

    En réalité, cette dichotomie est très relative. La structure du vote FN est sensiblement la même dans le Nord et dans le Sud : zones de déclassement, classes populaires et moyennes, préoccupations sécuritaires et identitaires, volonté de soutien aux TPE-PME… Les différences tiennent à des particularités locales d’ordre historique. Il est vrai que dans le Nord-Pas-de-Calais, de tradition socialiste, une partie de l’électorat de gauche a basculé vers le FN. Il est de ce fait sans doute plus sensible à certaines thématiques sociales. Mais ce phénomène n’est pas récent : d’une ampleur moindre, il existait déjà du temps de Jean-Marie Le Pen. De manière générale, le vote FN réunit déçus de la gauche et électeurs résolument de droite.

    Pourtant, certains semblent vouloir situer le parti au-delà du clivage gauche-droite traditionnel. N’est-ce pas utopique ?

    Je suis une femme de droite. D’ailleurs la ligne ni droite-ni gauche dont vous parlez est, au fond, une position de droite. C’était celle de De Gaulle. Ne nous cachons pas : il y a aussi une question de stratégie, tout à fait légitime cependant, qui consiste à renvoyer dos-à-dos les propositions de nos adversaires, convergentes sur bien des sujets. C’est bien pourquoi la marge de manœuvre du FN réside aujourd’hui dans l’électorat de droite.

    A l’heure où l’on ne cesse de parler de faire de la politique « autrement ». Neuf Français sur dix ne font pas confiance aux partis politiques. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

    C’est le drame français : notre peuple est passionné par la politique et désespéré par sa classe dirigeante qui l’a trahi de trop nombreuses fois. L’une des plus ignominieuses de ces trahisons fut l’adoption en douce du traité de Lisbonne que les Français avaient rejeté démocratiquement. Pour moi, faire de la politique autrement, c’est justement savoir dire « non », défendre les intérêts français, tenir ses promesses. Au FN, on demande à être jugé sur pièce. Pour ma part, je n’ai pas de plan de carrière, ni d’ambition à très long terme en politique. Si je pouvais éviter de finir par ressembler à ces vieux crocodiles attachés désespérément à leur fauteuil…

    Dans Une élection ordinaire, Geoffroy Lejeune vous fait quitter le FN pour rejoindre une grande coalition conservatrice issue de la société civile. Crédible ?

    C’est un roman selon ses vœux ! Dans la réalité de notre système institutionnel, un tel scénario est voué à l’échec. ll est bien évident que personne ne peut partager 100% des positions d’un parti. Mais sachons faire preuve de pragmatisme. Aujourd’hui, je ne vois aucun outil autre que le FN qui permette de changer les choses. En revanche, j’ai du mal à voir ce qui me sépare vraiment d’un Guaino, d’un Myard ou d’un Mariani… Si le monde était bien fait, nous devrions être unis autour d’un véritable programme de redressement pour notre pays. Mais qui sait ? Si Juppé gagne la primaire des Républicains et emporte la présidentielle dans la foulée, cela provoquera peut-être un déclic salutaire chez certains. 

  • Economie ; « McDonald’s joue un rôle clé dans la société » ?

     

    par François Reloujac

     

    C’est du moins ainsi que le Figaro-économie, daté des 13 et 14 février 2016, souligne l’intervention dans ses colonnes de Nawfal Trabelsi, le président de McDonald’s France. Et pour attirer des lecteurs sur l’intervention de ce « grand témoin », le journal ajoute un titre racoleur : « McDonald’s fait fonctionner à plein l’ascenseur social ». Le roi de la « mal bouffe » se trouve ainsi promu au rang de bienfaiteur de la France.

    Pour vanter les mérites de son entreprise, le président de McDonald’s développe quelques informations globales. Son entreprise achète « pour 650 millions d’euros à l’agriculture » française, « soit 260 000 tonnes de matières premières », tout confondu : viande « charolaise », pommes de terre, farine de blé, « fromages français » et fruits frais puisque ces denrées sont 100 % d’origine française. Mais cela conduit à un prix de revient de 2,50 euro par kilo… prix que les particuliers aimeraient bien pouvoir obtenir aussi quand ils achètent ces produits dans l’hyper marché le plus proche de chez eux. Sans compter que les éleveurs qui fournissent la viande « charolaise » aimeraient probablement obtenir un meilleur prix… à moins que les morceaux de viande hachée utilisés pour confectionner les hamburgers ne soient pas aussi nobles que la publicité ne le prétend. Et, à l’occasion du prochain Salon de l’agriculture, les représentants de McDo seront « en mesure de faire des annonces concernant la filière du poulet » !

    Cette entreprise qui est fière d’éveiller le goût des enfants (sic), met sa « logique d’utilité au service (…) du livre » puisqu’elle en a distribué plus de 9 millions dans ses menus enfants en 2015. Il est déjà grave de penser que le goût des enfants soit déformé dès leur plus jeune âge. Mais que dire du fait que l’on « impose » ainsi une pseudo culture en « offrant » des livres – dont le prix est inclus dans celui du repas – qui ne sont pas forcément ceux que l’on pourrait souhaiter leur voir lire ?

    McDo se présente aussi comme « un des employeurs qui créent le plus d’emplois nets en France ». Mais 20 % d’entre eux ne sont que des emplois à durée déterminée. « En 2015, McDonald’s et ses franchisés ont créé plus de 2000 emplois » qui représentent « une opportunité pour les mères de famille et les étudiants »… ce qui laisse donc penser que même ceux qui occupent un emploi à durée indéterminée ne restent pas trop longtemps dans l’entreprise. Le président, en bon communicant, l’avoue lui-même : cela représente « une chance pour les plus motivés et méritants de faire carrière dans nos restaurants ou au siège de l’entreprise ». Les autres pourront aller « valoriser leur expérience » ailleurs. C’est cela qu’il appelle faire « fonctionner à plein l’ascenseur social » !

    Quant à la question des impôts payés en France, il ne faut pas confondre McDo avec Ikéa. Non, « sur ce sujet, trop de raccourcis et d’amalgames sont faits ». McDo est un gros contribuable qui paye l’impôt sur les sociétés… mais après avoir reversé à sa maison mère « des droits d’utilisation de la marque et du savoir-faire », qui représentent 10 % du chiffre d’affaires et qui viennent donc diminuer d’autant la base imposable en France ! Cela est parfaitement légal, même si c’est ce que les hommes politiques fustigent couramment en parlant d’optimisation fiscale. Seulement, celle-ci, contrairement à celle que d’autres seraient tentés de pratiquer, n’est pas critiquable puisque « ce fonctionnement fait régulièrement l’objet de discussions avec l’administration fiscale ».