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Idées, débats... - Page 456

  • Retour sur cet esclavage dont « on » ne parle pas... 2/2.

     

    (Suite de notre publication d'hier mercredi 30 novembre*)

    Mur-bleu gds.jpgLes esclaves oubliés, documentaire d’Antoine Vitkine; ARTE, 2008, 45mn.

    Ce documentaire raconte l’histoire de la traite orientale et arabo-musulmane, au cours de laquelle dix-sept millions d’Africains ont été réduits en esclavage pendant quatorze siècles.

    Il s’intéresse également à une filière encore plus méconnue, la traite interne à l’Afrique noire, menée pendant des siècles par les royaumes africains.

    Il montre enfin que ces systèmes ont perduré dans le monde musulman et en Afrique noire jusqu’au milieu du XXème siècle.

    Comment étaient capturés ces esclaves ? Dans quelles conditions étaient-ils déportés ? À quoi étaient-ils employés ? Les spécialistes Salah Trabelsi, Ibrahima Thioub, Henri Medard ou Mohamed Ennaji répondent à ces questions... 

     


     

     * A lire ou relire ...

    Retour sur cet esclavage dont « on » ne parle pas... 1.

    Dénonciation et repentance de l'esclavage passé : Valls  oublie de condamner l'esclavage actuel...

  • Retour sur cet esclavage dont « on » ne parle pas...

     

    Mur-bleu gds.jpg« On », c'est, bien sûr, la cléricature médiatique et la caste du politiquement/historiquement/moralement correct. Et tous ceux qui lui font allégeance, comme, par exemple, Manuel Valls dont nous avons relevé l'ignorance et-ou le mensonge le 3 novembre dernier*.

    Bien sûr, à propos de l'esclavage et de la traite négrière, celles et ceux qui s'informent, qui cherchent et qui veulent savoir, savent. Mais beaucoup sont maintenus dans l'erreur par les mensonges et les omissions de la bien-pensance officielle, uniquement préoccupée de se repentir à sens unique, et de condamner sans appel l'homme blanc, son héritage maudit, ses œuvres malfaisantes...

    C'est bien joli, tout cela, sauf que... cela n'est pas tout à fait la réalité, ni la simple vérité historique. Si l'esclavage a malheureusement bien été pratiqué par l'homme blanc, cette horreur s'est arrêtée il y a bien longtemps maintenant. Mais l'esclavage perdure encore aujourd'hui, et là où nos bonnes consciences auto-proclamées ne voudraient surtout pas que l'on aille regarder.

    Allons-y donc, et commençons par rappeler ce fait : eh, oui ! la traite orientale et arabo-musulmane a existé pendant 14 siècles (ce qui nous donne tout de même environ 17 millions d'Africains réduits en esclavage !) et continue dans certains pays du continent noir. N'en déplaise à ceux qui nous rebattent les oreilles, en nous parlant sans cesse d'un Islam idéal et tolérant fantasmé (« religion de paix et d’amour » !) - qui n'existe pas -, alors qu'ils ne parlent jamais de l'Islam réel et persécuteur qui existe - lui - bel et bien.

    Plutôt que d'assommer le lecteur par de longs développements sur le sujet, on proposera donc à Manuel Valls, en particulier, et à tous, en général, de visionner deux documentaires - édifiants, c'est le moins que l'on puisse en dire - que la chaîne Arte avait déjà choisi de diffuser en 2008, centrés sur la Mauritanie : « Chasseurs d’esclaves » et « Les esclaves oubliés ».

    Tout commentaire après visionnage serait superfétatoire...    (A suivre) 

    Chasseurs d’esclaves, reportage de Sophie Jeaneau et Anna Kwak ; ARTE, 2008, 45mn.

    Mars 2008, à Nouakchott, capitale de la Mauritanie. Bilal, un esclave évadé, porte plainte. Sa sœur est détenue par une famille maure depuis la naissance. Elle a 40 ans. « Elle travaille jour et nuit, sans salaire », dénonce-t-il. Et ses enfants sont le fruit des viols de son maître. Deux militants de l’association mauritanienne SOS Esclaves décident d’aider Bilal à libérer sa sœur, de gré ou de force. Ils savent que la tâche ne sera pas facile. Issu d’un système traditionnel millénaire, l’esclavage mauritanien, qui n’a été officiellement mis hors la loi qu’en 2007, structure la société tout entière, souvent avec l’accord tacite des autorités. Une caravane se met en route à travers le désert, accompagnée par la caméra de Sophie Jeaneau et Anna Kwak. Un reportage exceptionnel sur le combat forcené des abolitionnistes d’aujourd’hui, décidés à éradiquer l’esclavage en terre africaine.

     

    Le documentaire « Les esclaves oubliés » sera mis en ligne dans nos publications de demain jeudi 1er décembre.  

     * A lire ou relire ...

    Dénonciation et repentance de l'esclavage passé : Valls  oublie de condamner l'esclavage actuel...

  • BD • Reconstitution d’un attentat

     

    par Anne Bernet

     

    938307326.pngFaut-il y voir un symptôme parmi d’autres de l’effondrement intellectuel et moral de notre société ? C’est par le biais de la bande dessinée qu’une experte en risques terroristes familière des chaînes d’information continue a choisi de raconter les événements du 13 novembre 2015 à Paris.

    Si les victimes sont quasiment absentes de cette histoire, réduites à des visages flous et terrifiés, définitivement englouties dans l’anonymat de leur mort cruelle et prématurée, les tueurs, eux, apparaissent dans ces pages comme les protagonistes incontestés, pour ne pas dire les héros, d’une sorte de road movie sanglant.

    L’on n’ignore plus grand-chose de leur vie, leurs centres d’intérêt, leurs objectifs, jusqu’au déchaînement de violence et de haine qui endeuilla la capitale. Eux ont des noms, des visages, beaux parfois, des objectifs, pour odieux qu’ils soient … Information ou fascination pour ces assassins décidés et méthodiques, aux antipodes de ceux et celles qu’ils massacrèrent ?

    François Hollande et ses ministres sont les autres contestables vedettes de cette soirée tragique. En choisissant le noir et blanc, et un style très différent de celui dont il use dans ses albums habituels, Brahy a limité l’horreur de la réalité du bain de sang, se concentrant sur les traits figés et les regards hallucinés des terroristes.

    L’album refermé, l’on a le sentiment de n’avoir rien appris que l’on ne sache déjà, mais une sorte de malaise vous point : faut-il ajouter à l’aura de romantisme mortifère dont une jeunesse déboussolée entoure déjà les égorgeurs de l’État islamique ? 

    Anne Giudicelli et Luc Brahy, 13/11, Reconstitution d’un attentat, Delcourt, 125 p, 14,50 €.

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  • Livres & Société • Éric Zemmour : « De la liberté à la mort »

     

    Par Eric Zemmour    

    Quand le désir gouverne nos vies de façon tyrannique et nous empêche de restaurer nos libertés politiques : Zemmour commente ici le dernier ouvrage d'Hervé Juvin. Un essai décapant, selon Figarox [23.11]. Bien au delà, comme Mauuras et toute l'école contre-révolutionnaire, Zemmour pointe, avec Hervé Juvin, l'origine révolutionnaire d'un certain capitalisme affranchi de tout lien politique et, comme Buisson, il décrit les derniers avatars désastreux d'un cycle - aujourd'hui en échec - qu'il fait remonter aux Lumières. Houellebecq les dit éteintes. Patrick Buisson les répute finissantes. Et voit l'éclosion d'un nouveau cycle de long terme que marque le retour des nations, des peuples et des racines, la fin de la fin de l'Histoire. L'expression est de Finkielkraut. Ce faisceau de réflexions convergentes devrait nous intéresser au plus haut point. Hervé Juvin, suivi par Lafautearousseau depuis plusieurs années, y a toute sa place. Utile et éminente.   Lafautearousseau  

     

    picture-1649413-612mqxqb.jpgIl n'a rien vu venir. Mais il ne fut pas le seul. Quand Hervé Juvin se remémore les premiers émois de la « libération sexuelle » dans les années 1970, quand il évoque la frénésie des rencontres, l'ouverture fascinante des possibles, où même les débuts artisanaux et joyeux des premiers films pornographiques, on sent bien que la nostalgie désillusionnée se mêle sous sa plume à la rigueur de l'analyse. Mais voilà, il est difficile de ne pas constater que l'artisanat est devenu industrie, que la libération sexuelle, loin d'accomplir la révolution annoncée, a « marché main dans la main avec le libéralisme financier » ; et que Marcuse, le théoricien à la mode dans les amphis de Vincennes d'après Mai 68, qui fondait la société capitaliste sur la répression des désirs, avait confondu l'histoire passée du capitalisme avec sa nature intrinsèque.

    Notre auteur n'est pas le premier à établir ce diagnostic. Rien de neuf dans son portrait acide de notre modernité individualiste et féministe, avec ces hommes féminisés et ces femmes solitaires, où la passion amoureuse est remplacée par une « relation » égalitariste et contractuelle, où la « libération obligatoire » et le choix public du genre tournent à la « tyrannie au nom de l’égalité », où « l’ère du même détruit plus sûrement le désir que n'importe quelle morale ». Rien de neuf, mais rien de faux non plus. Juvin pose un diagnostic implacable où la libération est devenue contrainte : « La libération est le meilleur moyen d'être compétitif… Une morale interdisait, elle prescrit. Elle cachait, elle expose. Voilà la libération !»

    Mais le livre ne s'arrête pas là. Juvin l'économiste vient en renfort de Juvin le sociologue et de Juvin le nostalgique. Un économiste brillamment hétérodoxe qui démolit les fondamentaux du libéralisme classique, théorie de l'offre et de la demande, et concurrence pure et parfaite, pour mieux montrer comment l'organisation rationnelle de l'économie du désir a tout emporté pour mieux tout régenter : « Dans le gouvernement du désir, le crédit joue le rôle que police et gendarmerie jouaient dans les gouvernements monarchiques ou républicains… Le crédit fait du temps une marchandise comme une autre. (…) Il n'est pas l'un des instruments de la modernité libérale, il en est l'instrument. (…) Beaucoup parlent d'économie capitaliste. Ils devraient parler d'économie du crédit. »

    De l'économie à la politique, du crédit au droit et au marché, du désir individuel aux désirs collectifs, il n'y a qu'un pas que Juvin franchit allégrement et pour notre plus grand bonheur. Derrière le désir libéré, il y a la consommation à outrance. La consommation obligatoire. Et derrière la consommation, il y a le crédit. Et derrière le crédit, il y a la croissance. Et derrière le marché, il y a le droit. Et derrière le droit, et sa religion individualiste des droits de l'homme, il y a la destruction des nations, des peuples, des identités, des enracinements : « Nous savons que l'avènement de l'individu de droit menace notre existence même et notre liberté nationale. (…) Le mythe de l'autocréation de soi devient la fondation d'une religion moderne, totalitaire et intolérante, la religion des droits de l'homme qui achève de mettre à disposition de l'ordre du désir les individus délivrés de leur identité. » L'oubli des « nous » qui les ont pourtant autorisés à dire « je », comme dit Juvin dans une superbe formule.

    Là aussi, Juvin n'est pas le premier, mais on ne lui en veut pas, car son sens de la formule acerbe nous réjouit, et sa synthèse idéologique est prometteuse. Il arrache l'écologie aux Verts et n'a pas besoin de parler de Cécile Duflot pour montrer avec éclat la contradiction entre son idéologie libertaire et son hostilité au libéralisme, entre son rejet des frontières et son culte des équilibres naturels. « Le vrai sujet est l'invasion humaine de la planète, et la capacité avérée d'homo economicus, l'homme désirant sans fin, à détruire, dégrader et épuiser tout ce qui est à sa portée. »

    Juvin est une incarnation bien plus cohérente d'une sorte de souverainisme écologique qui a compris que la défense de la civilisation européenne contre la subversion migratoire venue du Sud et la lutte contre la déforestation ou l'extinction des ressources naturelles étaient un seul et même combat. Que la nation est le seul outil de la liberté politique et que la liberté politique est le seul outil de la liberté individuelle. Que « c’est la révolution conservatrice qui nous libérera de nos libérations ».

    Nous sommes sortis du slogan révolutionnaire : « La liberté ou la mort », car la Liberté nous a conduits à la mort. « Désormais les nations européennes ont pour premier ennemi le rêve universaliste européen, et qui devient cauchemar, et que réalise cette idée chrétienne devenue folle : préférer son ennemi à soi-même ! (…) (Notre seule question est désormais) la survie de la France, de l'Europe, de la civilisation de ce cap du continent eurasiatique qui s'est cru le monde, et qui l'a tenu un moment, mais qui meurt de ne savoir ses limites, ses frontières et sa clôture. (…) Les migrations de masse sont trop utiles pour détruire les États et ramener les civilisations au temps de l'esclavage. (…) Nous sommes un monde de sédentaires exploité par les nomades, auxquels la globalisation a donné les clefs. »

    Le combat entre sédentaires et nomades prend désormais une forme inédite et intense. Brexit, Trump : les sédentaires relèvent la tête. Sous le mépris et les insultes moralisatrices des nomades. Dans la confusion et l'exaspération.

    Tout cela paraît bien loin des premiers émois amoureux des années 1970. « En libérant le désir sans limites, en organisant le régime du désir comme ordre et comme religion séculière, c'est bien la disparition du monde comme monde et la disparition de l'homme comme homme qu'il entreprend. » On se sent écrasé par la logique implacable des conséquences que cette histoire a entraînées. Écrasé et coupable. 

    « Nous sommes sortis du slogan révolutionnaire  : "  La liberté ou la mort ", car la Liberté nous a conduits à la mort. »

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    Le gouvernement du désir. Hervé Juvin, Gallimard, 274 p., 22 €.

    Eric Zemmour       

     

  • BD • Le retour du capitaine perdu

     

    par CS

    Dans le premier tome, Louis Groston de Bellerive de Saint-Ange (1700-1774), dernier capitaine français en poste, devait remettre les clefs de différents forts français aux mains des Anglais. C’était là une manière de mettre un terme (physique) à la guerre de Sept ans.

    Mais fin 1765, les Français ne sont toujours pas partis. Pourtant l’accord signé avec les Anglais date de 1760. Certains chefs indiens ont signé la paix avec ces derniers mais tous ne sont pas disposés à suivre la « perfide Albion ». Même Louis de Saint-Ange doute des intentions réelles des Anglais sur leurs nouveaux fiefs.

    Il est fort peu pressé d’honorer les engagements de la reddition française. Surtout qu’il convole en justes noces avec Dimanche Manitoua, jeune femme indienne native de la province de l’Illinois…

    Ce deuxième opus invite le lecteur à s’envoler vers les belles contrées d’Amérique du Nord et du Canada à la manière d’un Jean Raspail qui nous invitait à le suivre dans le Royaume d’Auracaunie et de Patagonie avec Antoine de Tounens.

    Il est vrai qu’il a adapté les Sept cavaliers et Les Royaume de Borée du grand écrivain. Avec un sens de la mise en scène et du détail, en particulier celui des uniformes, Jean Terpant prouve qu’il compte dans le milieu du 9e art. Pour le plus grand bonheur de ses lecteurs. 

    Capitaine Perdu -Tome 2 – Jacques Terpant – Editions Glénat – 56 pages – 14,50 euros 

    Pemier tome

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  • Frédéric Rouvillois : « La politesse est une vertu nécessaire dans notre monde nombriliste »

     

    Par Alexis Feertchak

     
    A l'occasion de la sortie de son Dictionnaire nostalgique de la politesse, Frédéric Rouvillois a accordé un long entretien à Alexis Feertchak pour FigaroVox [18.11]. Historien du savoir-vivre, il y montre que la politesse est une affaire politique qui permet à la société de tenir debout. Lafautearousseau a déjà évoqué [Cf. ci-dessous] la parution du  Dictionnaire nostalgique de la politesse et dit l'attention qu'il convient d'accorder aux travaux de Frédéric Rouvillois « qui, pierre à pierre, construit une œuvre.  Une œuvre diverse et originale, toujours en lien avec le fond de notre civilisation, nos racines nationales et notre tradition monarchique. Une œuvre qui compte désormais dans notre famille de pensée, l'actualise et la fortifie ».   Lafautearousseau 
     

    Pourquoi avoir ainsi intitulé votre ouvrage ? Y a-t-il des raisons d'être nostalgique en matière de politesse ?

     

    Il se trouve que dans la politesse elle-même, il y a quelque chose qui relève nécessairement de la nostalgie parce que celle-ci nous renvoie à des us et des coutumes qui sont ceux de notre enfance, de notre jeunesse, certains qui se sont accentués, d'autres qui ont été effacés par le temps. Parler de politesse, c'est aussi parler de soi, de ses parents, de ses grands-parents, de toute une tradition qui se trouve derrière nous et d'où nous viennent nos codes de politesse. Il y a cette forme de douceur et de tendresse dans la politesse qui me semblait renvoyer à la nostalgie. C'est l'aspect le plus personnel que j'ai essayé d'instiller dans ce Dictionnaire nostalgique.

    Votre dictionnaire est aussi un livre d'histoire et de géographie. Vous évoquez la Chine impériale, l'Allemagne, les pays arabes. En montrant combien les règles de la politesse ont évolué et sont « la mesure du temps perdu », vous restez dans la nostalgie sans jamais basculer dans le désespoir du « c'était mieux avant » ...

    Le désespoir est le contraire de la nostalgie. Il y a inscrit dans la nostalgie l'idée d'un retour ou de retrouvailles, ce que ne permet pas le désespoir. Être désespéré de l'homme, c'est ne pas voir qu'il a toujours reproduit les mêmes merveilles et les mêmes crimes, les mêmes sottises et les mêmes choses admirables. L'homme poli de l'époque d'Aristote, de Cicéron ou de Saint-Augustin ressemble au fond à l'homme poli de l'époque de Louis XV ou à l'homme poli de l'époque de François Hollande. La géographie et l'histoire nous enseignent le caractère à la fois éternel et universel de la politesse, la permanence de sa nécessité, même si ses formes évoluent. Alors, elle peut être plus ou moins sophistiquée, chatoyante, complexe, byzantine, sincère, mais elle est toujours là. Comme le langage, elle est un des éléments fondamentaux des rapports sociaux, un élément sans lequel ceux-ci seraient assez rapidement condamnés à dérailler.

    Et aujourd'hui, comment notre époque regarde-t-elle la politesse ?

    La politesse connaît des hauts et des bas, mais il faut constater que l'on est plutôt dans un haut relativement à la période des années 1960 ou 1970 quand celle-ci était considérée comme ringarde, archaïque, périmée, bourgeoise, bref, réservée aux lecteurs du Figaro (rires…). Les choses ont changé positivement à partir de la fin des années 1980 et du début des années 1990. On a assisté à une espèce de renversement, qui est lié à mon sens à l'émergence de l'univers de la crise. Il y a sans doute un rapport entre la crise économique et sociale, la montée du chômage, le sentiment que la vie devient plus difficile, le sentiment que l'on a quitté les Trente glorieuses et la prise de conscience de l'utilité de la politesse. Quand tout va bien, la politesse est juste la cerise sur le gâteau. Quand les choses deviennent plus difficiles, elle reprend toute sa force et son utilité s'impose. Les gestes quotidiens de la politesse deviennent le liant de ce fameux vivre ensemble.

    La politesse est-elle donc une affaire politique ?

    Il y a d'abord une proximité dans les mots de politesse et de politique qui paraît évidente en français et dans d'autres langues. Dans les deux cas, il y a une racine qui apparaît commune - même si en fait ce n'est pas vrai - qui est celle de polis, la cité en grec, qui signifie plus largement la société, le fait d'être ensemble, d'être en relation avec autrui. Il semblerait que l'étymologie réelle de politesse viendrait de « pulizia » qui veut dire la propreté en italien. Pour autant, je suis très amateur des fausses étymologies. En l'espèce, la proximité entre politesse, politique et polissage dit beaucoup de l'objectif de la politesse, qui est précisément de fluidifier les relations au sein de la société. En polissant les rapports sociaux, elle permet qu'il y ait le moins possible de rugosité à l'intérieur de la société. Sans elle, la polis risque de basculer dans un rapport de violence verbale voire physique.

    Que répondre à ceux qui vous diront que les règles bourgeoises de la politesse sont un éloge de l'hypocrisie, qu'elles sont une sorte de paravent de l'ordre établi ?

    Mais, déjà, un paravent, ce n'est pas rien ! Ce n'est pas intrinsèquement mauvais. Certes, la politesse est effectivement une forme d'hypocrisie, mais il s'agit - si je puis le dire ainsi - d'une forme d'hypocrisie vertueuse. Ce n'est pas nouveau et nous en avons toujours eu conscience. Molière nous a tout appris sur la nature humaine dans le Misanthrope. Il nous décrit bien les limites de la politesse, de la bienséance et du savoir-vivre quand ceux-ci tombent trop évidemment dans l'hypocrisie, mais il montre également que si nous voulons être comme Alceste dans la transparence totale, nous finirons seul, loin des autres, y compris dans notre vie amoureuse. Cette hypocrisie vertueuse permet tout simplement de mettre un peu d'huile dans les rouages sociaux. Il faut savoir ne pas tout dire, sinon c'est la guerre.

    Pour qu'une société tienne debout, faut-il que ses membres partagent une certaine ressemblance dans les codes de politesse qu'ils adoptent ? En particulier, dans le cadre d'un projet politique multiculturaliste, quand les codes de politesse des différentes communautés sont extrêmement différents et sources de possibles incompréhensions, la politesse n'est-elle pas une gageure supplémentaire ?

    Vous avez certainement raison. À partir du moment où la politesse est un moyen de vivre ensemble, il y a un risque d'incompréhension des différents systèmes de politesse qui pourraient cohabiter entre eux. Si l'on a des communautés distinctes les unes des autres, qu'il existe des codes de politesse dans une communauté qui sont tout à fait dissemblables de ceux d'une autre communauté qui vit à côté, cela signifie que nous aurions un vivre ensemble à l'intérieur des communautés, mais pas entre elles. Ceci peut poser problème pour des choses extrêmement basiques. Le fait de cracher dans la rue a longtemps été considéré comme tout à fait normal, y compris en Occident. Mais, dans nos pays, cette pratique ne l'est plus depuis belle lurette alors qu'elle reste tout à fait admise dans d'autres systèmes de politesse. Pour que la politesse se constitue comme un liant au sein de la société, il faut que celle-ci soit relativement homogène ou qu'il existe de forts rapports hiérarchiques. Au 18e siècle, il n'y avait pas un seul système de politesse. Il y avait une politesse de la ville et une politesse des champs. Mais en définitive, elles n'avaient pas tellement l'occasion de se rencontrer. Les risques de friction n'étaient pas considérables. À la campagne, on se moquait éventuellement du noble qui se comportait comme à la Cour. De même, à la ville, on se moquait du paysan qui arrivait avec ses gros sabots. Dans une société urbaine comme la nôtre, où les communautés cohabitent entre elles, le risque me semble beaucoup plus grand.

    Votre dictionnaire permet de se rendre compte que les règles de politesse sont extrêmement marquées par l'altérité des sexes et la différence des âges. Avec la rupture de mai 68, la théorie du genre, le jeunisme, ces nouvelles tendances de fond n'ont-elles pas tendance à fragiliser la politesse telle qu'on la connaissait jusque-là ?

    Je dirais qu'elles ont tendance à la rendre plus compliquée et plus incertaine. Les nouveaux surgeons du féminisme radical pour lesquels la différence des sexes est purement culturelle nous expliquent que la femme est un homme comme les autres et qu'il n'y a pas lieu de la traiter autrement. En même temps, d'autres femmes considèrent dans le métro qu'il n'est pas normal que les hommes ne cèdent pas leur place aux dames. Au fond, ce discours féministe est-il vraiment une tendance lourde en dehors de certaines élites autoproclamées et de microcosmes présents dans certains centres urbains? Je ne le crois pas. Pour la plupart d'entre nous, la différence des sexes qui fait que la femme est une femme, que l'homme est un homme, subsiste. Le plus souvent d'ailleurs, la femme est assez contente qu'on lui reconnaisse un certain nombre de privilèges galants, même si l'anthropologie inégalitaire qui se développe au 19e siècle et qui consacrait cette galanterie bourgeoise n'existe plus.

    Vous parlez aussi du culte de la performance, de la vitesse, de la rationalisation… Un tel monde permet-il d'être poli ?

    C'est le problème principal qui se pose à nous aujourd'hui. Quand je pense en particulier à ce qu'a pu écrire Françoise Mélonio sur Tocqueville et la manière dont la politesse pouvait se pratiquer aux États-Unis, je me dis que la question est moins celle du rapport entre la politesse et la démocratie que celui qui s'établit entre la politesse et la modernité technicienne. Ce monde tous azimuts fait que nous n'avons plus le temps de rien, sauf de gagner de l'argent ou de gagner en efficacité. Or, la politesse est par définition quelque chose de gratuit, ce qui est incompatible avec l'idée de performance, d'efficacité et de productivité.

    La politesse est-elle vraiment un don gratuit ? N'existe-t-il pas une forme de contre-don, même implicite ?

    Il y a effectivement un contre-don qui est le remerciement de celui envers qui l'on est poli. Il existe un autre contre-don, plus subtil, qui est simplement le plaisir que l'on éprouve soi-même à tenir la porte à quelqu'un. Mais dans un système où le seul but est d'aller au plus simple, au plus utile et au plus rentable, cette idée de gratuité compensée seulement par le remerciement ou le plaisir d'être poli devient illusoire. La première caractéristique de la politesse est en effet que l'on accepte de donner du temps à autrui. Dans la civilisation pressée de Paul Morand, le temps est la chose au monde la moins bien partagée. Il y a là une vraie raison d'éprouver de la nostalgie pour la politesse qui prenait le temps de s'exprimer. Les 18e et 19e sont des siècles où les gens avaient le temps de déposer des cartes de visite, d'écrire de longues lettres terminées par des formules de politesse plus alambiquées mais aussi plus belles les unes que les autres. Cette époque-là n'est plus. Le fait d'avoir commencé mon dictionnaire nostalgique par le mot abréviation est au fond assez significatif de ce mouvement. En même temps, je remarque que revient en force l'idée que la lenteur est quelque chose d'important et qu'il y a des « limites » aux choses - pour reprendre le titre d'une jeune revue que j'aime beaucoup. Ce sont des valeurs qui sont intrinsèquement bonnes et qu'on peut essayer de retrouver. Ce sont des éléments qui font que, encore une fois, politesse pas morte !

    Le narcissisme est-il l'autre ennemi d'une politesse qui repose d'abord sur la modestie ?

    Est poli celui qui ne se met pas systématiquement en avant, celui qui ne veut pas faire son malin, celui qui est fréquemment dans l'understatement. Se prendre pour l'illustre Gaudissart de Balzac, c'est un peu le contraire de la politesse. Je remarque que, de nos jours, la vie n'est plus qu'un immense entretien d'embauche ! Voilà pourquoi, dans notre monde prosaïque et nombriliste, obsédé par l'utilité et par la vitesse, la politesse est plus que jamais nécessaire. Elle demeure l'une de ces petites vertus qui permettent de tenir debout.

    Si vous aviez un geste de politesse auquel vous teniez particulièrement, lequel serait-ce ?

    Le baisemain m'amuse beaucoup parce qu'il a volontairement un côté un peu archaïque, une illusion rétrospective qui fait que l'on croit que c'est très ancien alors qu'en réalité, la généralisation de sa pratique ne remonte qu'au début du XXe siècle seulement. Il y a une sorte d'incongruité poétique de ce geste de déférence qui m'amuse beaucoup et que l'on perçoit aussi dans la manière dont il est ressenti par la personne qui le reçoit. En matière de baisemain comme souvent quand la politesse est en jeu, l'unique certitude est que le tact doit l'emporter sur la règle et l'esprit sur la lettre. 

    Alexis Feertchak

    Dictionnaire nostalgique de la politesse, de Frédéric Rouvillois, illustré par Emmanuel Pierre, Flammarion, 420 p., 25 C. 

    Frédéric Rouvillois est écrivain et professeur agrégé de Droit public à l'Université Paris-Descartes, spécialiste du droit de l'État et d'histoire politique. Auteur de nombreux ouvrages, il a notamment publié Crime et Utopie, une nouvelle enquête sur le nazisme (éd. Flammarion, 2014) ; Être (ou ne pas être) républicain (éd. Cerf, 2015) et dernièrement La Clameur de la Terre. Les leçons politiques du Pape François (éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2016).     

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...
     
    Le temps retrouvé de la politesse
  • Société & Culture • Le temps retrouvé de la politesse

     

    Par Alexis Feertchak

    Une excellente recension [Figaro magazine 18.11] de ce nouvel ouvrage de Frédéric Rouvillois qui, pierre à pierre, construit une œuvre.  Une œuvre diverse et originale, toujours en lien avec le fond de notre civilisation, nos racines nationales et notre tradition monarchique. Une œuvre qui compte désormais dans notre famille de pensée, l'actualise et la fortifie.   Lafautearousseau

     

    3970853321.4.jpgParcourir les entrées du Dictionnaire nostalgique de la politesse dans le métro donne encore davantage de force au titre de ce beau livre surtout quand, bon­dés, les wagons verts deviennent le lieu de querelles peu urbaines pour trou­ver une place assise. On ne pourra alors qu'acquiescer quand Frédéric Rouvillois re­marque qu'il n'y a « rien de plus affligeant que le regard de désarroi d'un vieux monsieur à qui personne n'offre sa place dans le métro et qui hésite entre l'épuisement de la sta­tion debout et l'humiliation d'une demande qui sera peut-être refusée ».

    Le premier mérite de cet ouvrage est de rappeler que la politesse est affaire de politique, non qu'elle vous place d'un côté ou de l'autre de l'échiquier, mais, plus profondément, qu'elle constitue « le fameux "vivre-ensem­ble", ce "tissu social" si indispensable et si facile à déchirer ». Sans la civilité, les liens sociaux se délitent au point de se réduire à une lutte des uns contre les autres jusque pour les choses les plus insignifiantes. Même s'ils ne font pas l'objet de lois votées à l'Assemblée nationale ou de décrets en Conseil d'Etat, les usages de la poli­tesse assurent des fonctions sociales précises : intégration à l'intérieur d'une communauté ; distinction entre les groupes qui la composent ; hiérar­chisation entre ses membres et réso­lution des conflits qui y naissent.

     

    Son deuxième mérite est de ne pas être un dictionnaire désespéré. Si l'auteur est conscient que la politesse est la mesure du temps perdu, que Mai 68 a été une grande rupture et que la civilité ordinaire fait face à des défis considérables, il connaît trop bien les règles de la bienséance pour tomber dans le piège du « c'était mieux avant » en sachant précisément que « si certains ont toujours soupiré après le bon vieux temps, d'autres se sont toujours gaussés de ces regrets inutiles ». Car la politesse, loin d'être inscrite dans le marbre, n'a cessé de voir ses règles évoluer. Frédéric Rouvillois dresse ainsi, en plus de 400 pages, un véritable dictionnaire historique d'une vertu dont les formes ne sont ni éternelles ni uniformes.

     

    Son troisième mérite est d'être aussi un dictionnaire amou­reux. Aidé par les illustrations d'Emmanuel Pierre, le profes­seur de droit de son état présente dans une langue élégante les règles de la bienséance comme un objet de plaisir quoti­dien, loin des sanctions qui les accompagnent souvent dans l'univers enfantin. De là à jouer avec la politesse, il n'y a qu'un pas car, en la matière, « le tact doit l'emporter sur la règle et l'esprit sur la lettre ».   • 

    Dictionnaire nostalgique de la politesse, de Frédéric Rouvillois, illustré par Emmanuel Pierre, Flammarion, 420 p., 25 C. 

    Alexis Feertchak

     

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  • Société & Culture • Madame la maire, et ta sœur ? Une insulte à la langue et au sens communs

     

    Par Jean-Paul Brighelli 

    On s'éloigne ici passablement du thème de la politesse traité précédemment. Mais on a la verdeur de la langue de Brighelli, la vigueur de sa plume, la rudesse bienvenue, décapante, de son expression, pour moquer, non sans arguments sérieux et même techniques, la « féminisation des noms de métiers, fonctions grades ou titres », le féminisme vulgaire en général, et quelques autres choses encore qui abîment notre langue, bafouent notre culture ou avilissent notre société. Il emploie pour ce faire quelques vocables assez grossiers qui choqueront peut-être certains, mais le sont, pourtant, beaucoup moins, dans le fond, que ce qu'il dénonce. Il a bien raison de le faire et l'on s'en félicite.  Lafautearousseau  

     

    bonnetd'âne.jpg13 novembre 2016. « François Hollande et Anne Hidalgo, la maire de Paris, inaugure six plaques commémorant les attentats du 13 novembre 2015 » — disent les médias à l’heure même où j’écris.

    Passons sur le fait que les médias (ni les plaques commémoratives) ne précisent au nom de quelle idéologie des terroristes ont assassiné des gens au hasard des rues. Mais « la » maire…

    En décembre 1986, Frédéric Dard-San-Antonio sort la Fête des paires. L’occasion de rejouer en titre d’une ambiguïté maintes fois moquée dans l’œuvre du plus grand écrivain de langue française des trente dernières années du XXème siècle : j’ai encore le souvenir très vif d’un autre roman de la série où parlant de deux individus, il précisait : « Ils sortent du même maire, mais pas de la même paire »…

    Le 6 octobre 2014, Julien Aubert, député UMP, a été sanctionné financièrement pour avoir donné du « Madame le président » à Sandrine Mazetier qui présidait l’Assemblée ce soir-là. Rappelé à l’ordre, mais récidiviste malgré tout, Julien Aubert s’est entendu dire par son interlocutrice courroucée : « Monsieur Aubert, soit vous respectez la présidence de la séance, soit il y a un problème. C’est madame LA présidente ou il y a un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal ». « Faites un rappel à l’ordre. Moi j’applique les règles de l’Académie française », lui a répondu Julien Aubert. Finalement sanctionné, l’élu du Vaucluse sera privé, pendant un mois, de 1.378 euros, soit le quart de l’indemnité parlementaire. 

    À noter que ce n’était pas le premier accrochage entre ces deux-là. Au mois de janvier 2014, Julien Aubert avait déjà appelé Sandrine Mazetier (qui proposa jadis de débaptiser les écoles maternelles parce qu’elles trouvait que l’adjectif réduisait la femme à sa fonction reproductrice) « Madame le vice-président » — ce à quoi le député de la huitième circonscription de Paris avait cru bon d’ironiser en répliquant à celui qui avait masculinisé son titre : « Monsieur la députée, vous étiez la dernière oratrice inscrite. »

    Trait d’humour, mais faute réelle contre la langue. « Député », lorsqu’il s’agit d’un représentant à l’Assemblée nationale, est une fonction, et si son genre apparent est le masculin, son genre réel est le neutre — le latin avait les trois genres, mais le français n’en a conservé que deux, confondant globalement le masculin et le neutre. Seules des féministes bornées (et non, les deux termes ne sont pas forcément synonymes, Madame de Merteuil est pour moi l’exemple-type dans la fiction de ce que peut être une féministe intelligente, et Elisabeth Badinter dans la vie réelle) l’idée de confondre le masculin — à valeur générique — et le mâle.

    L’Académie a d’ailleurs réagi à cette polémique picrocholine en précisant (« La féminisation des noms de métiers, fonctions grades ou titres », mise au point publiée le 10 octobre 2014) que si elle « n’entend nullement rompre avec la tradition de féminisation des noms de métiers et fonctions qui découle de l’usage même », « elle rejette un esprit de système qui tend à imposer, parfois contre le vœu des intéressées, des formes telles que professeure, recteure, sapeuse-pompière, auteure, ingénieure, procureure, etc., pour ne rien dire de chercheure, qui sont contraires aux règles ordinaires de dérivation et constituent de véritables barbarismes. » Et de rappeler que Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss, appelés dès 1984 en consultation au chevet des féministes outr(ag)ées, après avoir noté « qu’en français comme dans les autres langues indo-européennes, aucun rapport d’équivalence n’existe entre le genre grammatical et le genre naturel » (et l’on pouvait faire confiance à Georges Dumézil pour dire des choses exactes sur les langues indo-européennes), avaient déclaré :

    « En français, la marque du féminin ne sert qu’accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de classification permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d’indiquer des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le jeu de l’accord des adjectifs, la variété des constructions nominales… Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe où la désignation contrastée des sexes ne joue qu’un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibéré dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. Ils risquent de mettre la confusion et le désordre dans un équilibre subtil né de l’usage, et qu’il paraîtrait mieux avisé de laisser à l’usage le soin de modifier. »

    Les deux auteurs, non sans quelque malice, soulignaient d’ailleurs qu’en français, c’est le féminin qui est le genre « marqué », ou intensif — et le masculin le genre « non marqué », ou extensif. Et que « pour réformer le vocabulaire des métiers et mettre les hommes et les femmes sur un pied de complète égalité, on devrait recommander que, dans tous les cas non consacrés par l’usage, les termes du genre dit « féminin » — en français, genre discriminatoire au premier chef — soient évités ; et que, chaque fois que le choix reste ouvert, on préfère pour les dénominations professionnelles le genre non marqué. »

    En clair, non seulement « professeure » ou « auteure » sont des barbarismes répugnants, mais dire « la députée », « la ministre » — ou « la maire » — est une faute contre la République — en ce que justement la loi ne fait pas de différence entre les citoyens, et même qu’elle condamne toute discrimination à ce niveau. C’est ce qui a motivé en 1793 l’exécution d’Olympe de Gouges, qui outre ses tendances girondines avait, en proclamant « les droits de la femme et de la citoyenne », commis un crime contre le bon sens, confondant « l’homme » (« homo », en latin) de la Déclaration des droits de 1789 et le mâle (« vir »), objet de ses répulsions. Guillotiner était peut-être une sanction un peu lourde pour une confusion linguistique, d’autant que la Révolution avait omis de faire des femmes des citoyennes à part entière — mais le temps n’était pas aux demi-mesures.

    Loin de moi, bien entendu, l’idée d’infliger une peine aussi lourde aux journalistes du Monde ou de Libé, qui ont traité Theresa May de « première ministre » (et la seconde, c’est qui ?), au vice-président de l’Assemblée ou au ministre de l’Education — fonctions temporaires qui existeront après leurs actuelles détentrices. Si l’usage féminise volontiers les métiers, « il résiste à étendre cette féminisation aux onctions qui sont des mandats publics ou des rôles sociaux distincts de leurs titulaires et accessibles aux hommes et aux femmes à égalité, sans considération de leur spécificité. » Vouloir à toute force dire « vice-présidente » ou « la ministre » relève d’un sexisme borné qu’un sentiment républicain vrai doit éteindre dans l’œuf.

    Ces complaisances linguistiques sont l’écho servile d’un certain féminisme contemporain, promu par les « chiennes de garde » et par Mme Vallaud-Belkacem lorsqu’elle était ministre des Droits des femmes. Pas le féminisme des suffragettes, ni celui de Beauvoir ou même de Gisèle Halimi. Pas celui d’Annie Le Brun, surréaliste spécialiste de Sade (dont les héroïnes n’ont pas attendu Osez le féminisme pour « oser le clito »), qui défendant son pamphlet Lâchez tout (1977) le 10 janvier 1978 sur le plateau d’Apostrophes, dénonçait déjà « le terrorisme idéologique de la femellitude » et le « corporatisme sexuel qui nivelle toutes les différences pour imposer la seule différence des sexes ». Le féminisme imbécile de celles et ceux qui croient qu’un vagin qui monologue dit forcément des choses intelligentes — ou plus intelligentes que celles que lâche un type con comme une bite, si je puis ainsi m’exprimer.   

    PS. Ce qui précède est adapté d’un ouvrage sur la langue française écrit l’été dernier, qui aurait dû paraître en novembre, puis en février, et qui ne paraîtra peut-être jamais, l’éditeur tenant apparemment à me faire payer le fait que je n’applaudisse pas frénétiquement tout ce qui sort de la Gauche au pouvoir. Ainsi va l’édition en cette France démocratico-fasciste.

    Bonnet d'âne

    Le blog de Jean-Paul Brighelli

  • Théâtre • Un théâtre de l’exigence

     

    par Bruno Stéphane-Chambon

    N’attendez point de ce spectacle un florilège de bons mots ou d’aphorismes désabusés, encore moins de traits satiriques. Nous entrons dans le secret de cet homme meurtri que seule la nature semble vouloir sauver.

    Si je pouvais m’arranger avec Dieu, je lui demanderais de me métamorphoser en arbre, en arbre qui, du haut des Croisettes, regarderait mon village. Comme les formes des arbres noirs se dissolvent peu à peu sous la neige, la parole succombe enfin au silence.

    Jules Renard était d’abord et avant tout un homme de la campagne. La grande comédienne, Catherine Sauval, Sociétaire à la Comédie Française, où elle œuvra durant trente et un ans, nous livre ce message avec une grande émotion. L’interprétation est d’une grande rigueur, car la quintessence de l’œuvre implique de l’austérité.

    L’auteur revient à sa nature première pour surmonter cette enfance qu’il a haï. Tiraillé entre le désir de s’imposer dans le domaine des Lettres et le retour à sa nature primordiale, il se dévoile dans cette lettre envoyée au grand homme de théâtre qu’était Antoine : « J’étais né pour regarder les arbres, et l’eau, et pour vous envoyer une fois par an, à titre d’admirateur, une bourriche de perdrix, bien plutôt que pour m’occuper de toutes ces gueules qui composent une salle du Théâtre Antoine. A chaque instant une voix me crie « Fais donc du théâtre ! » et une autre me crie « Quelque belle bucolique, à te rendre immortel ! »

    Nous assistons à un spectacle de l’exigence de par son fond et sa forme. Le théâtre de Poche Montparnasse en est l’écrin. 

    Jules Renard, L’homme qui voulait être Un Arbre
    Adaptation et interprétation de Catherine Sauval
    Théâtre de Poche Montparnasse
    01 45 44 50 21

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  • Lettre de Louis XIV à Jean-Michel Aphatie

     

    Par David Brunat

     
    PASTICHE - Il y a deux jours, le cas « Jean-Michel Aphatie » a été pointé du doigt dans ces colonnes*. Depuis, les réactions à ses honteuses déclarations se sont multipliées. Il y a maintenant une affaire Apathie. Ainsi, dans Figarovox [15.11], David Brunat a publié ce judicieux et savoureux pastiche. Qui a du sens, sous le jeu de ce genre littéraire. Le Roi-Soleil répond à Jean-Michel Aphatie après que celui-ci a déclaré qu'il souhaitait démolir le château de Versailles, tout en précisant ensuite qu'il s'agissait de second degré ... LFAR 
     

    David%20Brunat.jpgQuel genre d'insolent êtes-vous ? Avez-vous perdu la raison ? Ignorez-vous ce qu'il en a coûté à d'autres de parler en si mauvaise part de moi et de mes biens ? Ah, si Dieu m'avait donné plus longue vie, comme j'eusse eu plaisir à vous faire donner le bâton, à vous faire ravaler votre impudence dans le fond d'un cachot, à vous soumettre à la roue !

    Ainsi donc, l'on me mande que vous avez à cœur de raser mon château, qui a exigé de mes Sujets tant d'efforts et tant de génie ! D'anéantir le fleuron de mon Royaume, l'orgueil de mon règne ! De faire disparaître sans autre forme de procès ce chef-d'œuvre de l'art et de l'intelligence, qui fait depuis trois siècles l'admiration de l'univers et la joie des touristes du monde entier! (soit dit en passant, cette babiole que vous voulez dynamiter rapporte à la France des millions et des millions chaque année alors qu'on n'a cessé de vilipender les dépenses que j'ai dû engager pour le bâtir et l'embellir … Preuve que la rentabilité de long terme de certains projets se joue des politiques budgétaires restrictives chères aux ronds-de-cuir et autres petits marquis.)

    Donc, à bas Versailles ! S'il s'agit d'humour, sachez que je goûte infiniment plus celui de M. de Molière. On m'explique qu'il s'agit de « second degré. » Diable ! Qu'est-ce là que ce second degré bien apathique ? Je vous en conjure: restez-en au premier degré, au rez-de-chaussée, à l'entresol, au sous-sol, que sais-je. Je conçois que l'idée de grandeur vous soit étrangère, mais est-ce une raison pour manifester une si extraordinaire animosité à mon endroit ?

    Bref, que vous ai-je donc fait, Monsieur, pour que ma maison vous inspire un tel déplaisir ? Aurais-je de mon côté la fantaisie de m'en prendre à la vôtre ? Oui, je parle de cette Maison dite de la Radio, où vous officiez maintenant après avoir dragué l'or du Grand Canal - avant qu'il ne soit conquis par un Fouquet moderne qui est en train de l'assécher - et occupé le micro d'argent de diverses stations radiophoniques. Il y aurait à redire sur le fonctionnement de votre Maison, sur son ascendant dans la formation de l'opinion publique française. Je m'en garderai.

    L'on me mande aussi que vous émettez des doutes sur le suffrage universel - qui est pour moi une chose bien peu compréhensible -, auquel vous semblez attaché quand les électeurs votent selon vos vœux, mais auquel vous voudriez réserver le même sort qu'à ma maison lorsqu'il en va différemment. Je suis bien d'accord avec vous sur le fait que ce M. Trump est un soudard, un pendard, un bourgeois gentilhomme qui abuse son monde. Mais le triomphe que lui ont fait les Américains justifie-t-il vos sorties intempestives et vos sentiments démocratiques à géométrie variable ?

    Ah! l'on m'a souvent fait grief de gouverner sans frein. Ce motherfucker de Saint-Simon, qui me haïssait, n'a cessé de médire de moi et d'écrire à mon propos les choses les plus désagréables du monde, tout en me suppliant de lui octroyer une mansarde dans ma maison versaillaise. Si vous aviez du talent, vous me feriez penser à lui. Il me prenait pour un despote, pour un buveur de sang, mais il ignorait qu'il y a en tout homme, à partir du moment où il dispose d'un peu de pouvoir ou d'un peu d'influence sur les autres, un despote en germe qui, parfois, ne demande qu'à éclore ; et je crois que vos considérations sur les limites du suffrage universel prouvent quelque chose de cet ordre-là.

    Quoi qu'il en soit, je pense que le suffrage des siècles - auquel je tiens, pour le coup - et l'admiration des hommes pour mon sweet home versaillais m'offriront de solides garanties contre les velléités destructrices des Croquants dans votre genre.

    Sur ce, Monsieur, je retourne au paradis des héros français et vous laisse avec votre pelle et votre truelle démolir tous les châteaux de sable que vous voulez.

    Louis, propriétaire perpétuel 

    « ... Le suffrage des siècles - auquel je tiens, pour le coup ... »  

     
    Normalien et philosophe de formation, David Brunat est écrivain et conseiller en communication.
     
    Lire aussi dans Lafautearousseau ...
     
  • Religion & Histoire • Camille Pascal et le roman vrai des racines chrétiennes de la France

    Le Collège des Bernardins, une merveille architecturale du 13e siècle au cœur du Quartier latin 

     

    Par Jean Sévillia 

    Une fort Intéressante recension reprise du Figaro magazine du 11 novembre, à propos d'un auteur attaché à ce que fut l'identité heureuse de la France.  LFAR

     

    2542409545.jpgLe premier choc de ce livre vient de son titre, Ainsi, Dieu choisit la France, autant que de son sous-titre qui se détache sur un bandeau rouge : La véritable histoire de la fille aînée de l'Eglise. Dieu, la France, la fille aînée de l'Eglise, voilà des mots rarement associés au sein des cercles dirigeants auxquels appartient l'auteur. Conseiller d'Etat depuis 2012, Camille Pascal a été collaborateur de plusieurs ministres, directeur de cabinet de Dominique Baudis au CSA, secrétaire général du groupe France Télévisions et enfin, de 2011 à 2012, conseiller du président de la République, Nicolas Sarkozy, pour qui il a préparé maints discours : une tranche de vie qu'il a racontée dans Scènes de la vie quotidienne à l'Elysée (Pion, 2012).

    D'où vient-il, ce fameux titre ? D'une lettre écrite par le pape Grégoire IX, en 1239, au roi Saint Louis : « Ainsi, Dieu choisit la France de préférence à toutes les autres nations de la terre pour la protection de la foi catholique et pour la défense de la liberté religieuse. Pour ce motif le royaume de France est le royaume de Dieu ; les ennemis de la France sont les ennemis du Christ. » On savait Camille Pascal catholique, mais on ne s'attendait pas à lire sous sa plume une évocation des grandes heures de la France chrétienne, et surtout pas dans le ton du catholicisme d'autrefois. Il s'en explique dans une savoureuse introduction dans laquelle il rappelle que, naguère, même l'école de la République donnait leur place aux figures de la France catholique en les laïcisant (en louant par exemple saint Vincent de Paul, le défenseur des pauvres, sans insister sur ce que son oeuvre devait à sa foi). Camille Pascal assure encore que la vocation universaliste du pays des droits de l'homme était la version profane de « la mission divine de la France ». Or de nos jours, déplore-t-il, il est devenu « presque inconvenant » de convoquer dans un cadre scolaire le souvenir de Clovis, des Croisades ou de Jeanne d'Arc. Aussi souhaite-t-il non seulement faire redécouvrir un passé qui n'est plus transmis, mais encore, lui, l'agrégé d'histoire qui a enseigné à la Sorbonne et à l'EHESS, réagir contre les milieux universitaires qu'il a côtoyés. « C'est en réaction à un demi-siècle de domination structuraliste, précise l'auteur, à ce qui m'a été enseigné pendant des années dans des sommes assommantes, lues comme autant de bibles sur les bancs de la Sorbonne, que j'ai voulu écrire ce livre. » Dans cet ouvrage, Camille Pascal, doublement provocateur, recourt en effet au récit à l'ancienne, ne méprisant pas ce qu'il nomme « les joies simples des livres d'images et de l'histoire subjective » et, exaltant les héros et les saints, s'inscrit sans complexe dans la tradition désormais vilipendée du roman national.

    Voici donc, dans un récit haut en couleur, le baptême de Clovis, le couronnement de Charlemagne, le rachat de la couronne d'épines par Saint Louis, l'affrontement entre Philippe le Bel et le pape Boniface VIII, la chevauchée victorieuse de la Pucelle d'Orléans, le fossé de sang entre catholiques et huguenots creusé par la nuit de la Saint-Barthélemy, le voeu de Louis XIII, le Concordat entre Pie VII et Bonaparte, la bataille de la loi de séparation des Eglises et l'Etat. Dans chacun de ces chapitres, menés avec brio, s'écrit une page de la longue relation de la France avec le christianisme.

    7771386819_camille-pascal-ici-a-paris-le-15-octobre-2012-a-ete-mis-en-examen-pour-favoritisme-dans-le-cadre-d-une-enquete-sur-france-tel.jpg« Ce livre est là, souligne Camille Pascal, pour rappeler que la foi en Dieu a été, pendant près de quinze siècles, le vrai moteur et la seule justification de ceux qui gouvernaient en France. » L'auteur l'analyse comme une donnée historique devant être acceptée par les non-croyants. Son ouvrage est-il pour autant un pur livre d'histoire ? Pas complètement en ce sens qu'il se joue çà et là des preuves et des sources afin de conforter la cohérence de son propos. A vrai dire, sans l'avouer, ce livre est aussi un livre d'actualité. En scrutant notre passé chrétien, en s'interrogeant sur le « destin particulier de la France », Camille Pascal, qui rappelle qu'après la Grande Guerre, « la République reste laïque, la France catholique », pose la question de savoir si l'homme peut se passer de transcendance, et si une société peut tenir ensemble sans une foi commune qui la dépasse. Au sens noble du terme, c'est une question éminemment politique. 

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    Ainsi, Dieu choisit la France, de Camille Pascal, Presses de la Renaissance, 350 p., 18 €. « Ce livre est aussi un livre d'actualité. »

  • Culture & Actualité • La France selon Tartuffe

    Raphaël Glucksmann, fils d'André Glucksmann

     

    Par Olivier Maulin 

    Raphaël Glucksmann publie un essai pour opposer sa vision de la France au « repli » qui tenterait aujourd'hui notre pays. Las, l'idéologie ne fait pas bon ménage avec l'intelligence. C'est ce qui est analysé ici avec brio par Olivier Maulin [Valeurs actuelles, 3.11]. Raphaël Glucksmann est symptomatique, emblématique, d'une pensée et d'une oligarchie qui se sentent aujourd'hui menacées par l'émergence d'une nouvelle ère, d'un nouveau cycle de l'Histoire, contraires à leurs utopies et qui, quoiqu'elles l'exercent encore très largement, redoutent la perte prochaine de leur hégémonie culturelle et idéologique. D'où, plus tard, politique. Ingénument, faussement naïf, Raphaël Glucksmann s'en alarme, s'en lamente, alerte ses semblables. On l'a même observé très agressif, jeudi dernier au soir, sur BFM-TV chez Ruth ElKrief, affronté à un Zemmour exact et impitoyable... Nous sommes en pleine actualité - pour lui très négative - et ce trop gentil jeune-homme est notre adversaire.  Lafautearousseau

     

    maxresdefault 10.jpgLes raisons d'être inquiet aujourd'hui ne manquent pas. L'immigration massive que l'on nous vend depuis trente ans comme une chance pour la France se retourne en partie contre nous ; une cinquième colonne que l'on est incapable d'évaluer a commencé de nous poignarder dans le dos ; l'évolution économique mondiale lamine notre modèle social et culturel ; l'Europe, qui était censée être notre avenir, s'avère être un ectoplasme incapable de nous protéger.

    Mais tout cela n'est que broutilles pour le jeune Raphaël, fils du philosophe André Glucksmann récemment disparu. Un an et demi après avoir publié un « manuel de lutte contre les réacs » plutôt comique, l'essayiste a en effet repéré la seule et véritable inquiétude actuelle : les maurrassiens sont en train de prendre le contrôle de l'histoire, dessinant à la France « un visage grimaçant d'angoisse et de ressentiment »... C'est pour répondre à ces bardes « sortis du néant dans lequel d'antiques trahisons les avaient relégués », manière délicate de renvoyer à Pétain ceux qui auraient l'audace de penser différemment de lui, que notre nouveau "nouveau philosophe" a pondu un livre laborieux pour rallumer la lumière et éclairer les ténèbres réactionnaires qui lentement se posent sur le pays en menaçant de l'asphyxier. Problème : loin d'être un projecteur, sa lumière est une petite loupiote qui se met très vite à clignoter et qui faute de jus finit logiquement par s'éteindre piteusement.

    Il y a au moins un point sur lequel on sera d'accord avec notre intellectuel en culottes courtes : ses idées ont bel et bien perdu la partie et ce n'est pas son livre prétentieux et bavard qui y changera quelque chose. Pour un homme de gauche habitué à arbitrer les élégances, c'est probablement un crève-coeur.

    La France de Glucksmann fils est un gag. C'est une pétition de principe, une idée pure, l'abstraction dans toute sa splendeur. La succession des travaux et des jours, l'année liturgique, les grands cycles paysans ayant marqué les paysages, les moeurs et les mentalités ? Pas un mot. Trop réel. La France est cosmopolite, universaliste, révolutionnaire et européenne. Mieux : elle l'est depuis toujours ! Elle est une promesse pour tous les hommes et en tout lieu et n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle est "déterritorialisée". Bref, cette France est davantage nichée dans la brousse du Burkina Faso ou dans le coeur d'un Érythréen que dans le fin fond de la Creuse ou dans le coeur d'un vieux Français aux pieds enfoncés dans une glaise suspecte.

    Les Français descendraient d'un voleur de poules

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    Ce bon vieux Renart (ici sur une miniature du XlVe siècle) serait la preuve,
    selon Raphaël Glucksmann, que notre identité est "trouble"...

    Sans surprise, Glucksmann déplore ainsi le manque d'ardeur de notre pays à accueillir les "réfugiés" et loue la chancelière allemande d'avoir transformé le sien en une immense journée "portes ouvertes". Loin de l'effrayer, la formule magique de la mémère (« Nous y arriverons »), qui commence à inquiéter même les plus raisonnables, est pour lui la preuve que la politique est avant tout affaire de conviction.

    L'acmé de la France de Glucksmann se situe évidemment le 26 août 1789, jour de l'adoption de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Mais à la différence de certains républicains qui la font carrément naître ce jour-là, notre historien magnanime lui reconnaît bel et bien une histoire avant la glorieuse révolution. Mais une histoire... progressiste ! Il s'enhardit en effet à fouiller notre passé lointain pour y trouver les prémices de cette France éternellement désincarnée, faisant mystérieusement appel au personnage de Renart, tiré du roman du même nom écrit aux XIIe et XIIIe siècles, en lequel il voit le « père fondateur de notre identité » et la preuve que cette identité est « trouble ». Est-ce par simple plaisir d'affirmer que les Français descendent d'un voleur de poules que notre farceur est allé chercher là sa référence arbitraire ? Nul ne le saura probablement jamais. Quoi qu'il en soit, il faudrait rappeler à notre historien de la littérature que cet amusement carnavalesque pour clercs qu'est le Roman de Renart ne va pas sans l'ordre dont ce roman s'amuse et que la culture médiévale ne connaît pas le conflit qu'il lui prête entre un idéalisme dominant et des antimodèles contestataires. Le carnaval est nécessaire à l'équilibre de la société et les deux vont ensemble : retirer l'un à l'autre pour l'ériger en modèle n'a tout simplement aucun sens.

    Mais tout est bon pour tenter de prouver que l'identité française est fluctuante de toute éternité, fondamentalement "déracinée", un mot que l'auteur affectionne. Le destin de cette France est donc de se dissoudre dans le réel pour ne demeurer qu'une idée, un phare dans la nuit, une déclaration de principe, celle-là même que l'ancienne secrétaire d'État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l'homme, Rama Yade, avait naguère fait placer dans une sonde spatiale et envoyé sans sommation dans l'espace infini, déclenchant par là même un fou rire universel.

    Estimant qu'il symbolise au mieux les "conservateurs", Glucksmann convoque également le Tartuffe de Molière sans comprendre que celui-ci a changé de camp. Le Tartuffe clame en effet aujourd'hui qu'il est un « patriote cosmopolite »; il assure la main sur le coeur qu'il est républicain mais se montre favorable au multiculturalisme; il prétend aimer la France mais la France qu'il dit aimer porte en elle son principe de destruction et ne se réalisera véritablement que dans sa complète dissolution. Le Tartuffe aujourd'hui s'appelle Glucksmann.

    IL A DIT

    « NOS PLUS GRANDS HOMMES, CEUX QUI ONT SU LE MIEUX EXPRIMER ET REPRÉSENTER L'ESPRIT FRANÇAIS, ONT TOUS FAIT L'EXPÉRIENCE DU DÉRACINEMENT. » Raphaël Glucksmann

    Olivier Maulin

     

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    Notre France, de Raphaël Glucksmann, Allary Éditions, 260 pages,18,90 €.

  • Histoire & Actualité • Une somme historique très actuelle

     

    par Claude Wallaert 

    Bernard Lugan nous propose d’explorer le panorama historique et d’actualité du Maghreb et du Machrek ; ouvrage imposant, mais d’une lecture aisée, grâce à un découpage en chapitres très clairs, des encadrés qui enrichissent le corps du texte, et l’apport bienvenu de 72 cartes en couleurs.

     

    2301381958.4.jpgCet ensemble géopolitique est pour beaucoup d’entre nous à la fois familier et assez mal connu : en effet l’Afrique du Nord a toujours fait partie du décor proche de l’Europe : au Ve siècle avant notre ère, Hérodote visitait l’Egypte, quelques siècles plus tard, la Méditerranée était un lac romain, et depuis, que de guerres, que d’invasions, que d’alliances nouées et dénouées ont attiré et maintenu notre attention ! Mais à la lecture de cet ouvrage, le lecteur découvre un écheveau d’évènements, d’hégémonies plus ou moins éphémères, de luttes indécises, d’innombrables rebondissements, qui le ramènent à une salutaire modestie !

    La complexité déroutante de cette Histoire de l’Afrique du Nord tient sans doute au fait que cette région est en réalité très disparate, avec deux pays très anciens et à forte spécificité, le Maroc et l’Egypte, qui en encadrent trois autres, de formations beaucoup plus récentes en tant que nations. Le Maroc mis à part, tous ces pays ont été à un moment ou à un autre soumis, occupés ou colonisés par les Romains, les Byzantins, les Turcs, ou les Européens.

    Le phénomène tribal, présent partout à des degrés divers, a joué et joue encore un rôle important. Presque partout, l’antagonisme arabo-berbère est un élément clé des conflits incessants qui agitent ces régions. Enfin, la foi musulmane, avec la diversité de ses sensibilités, est bien loin de constituer un facteur d’union et de stabilité, contrairement à ce qu’on pourrait penser.

    Cet ouvrage nous emmène donc des origines préhistoriques à l’actualité, de l’homo erectus au « printemps arabe » ; l’auteur ne laisse aucune question de côté, géographique, historique, économique, ethnique…Sur le plan politique, avec précision et rigueur, il fait pour nous le point sur les questions les plus controversées ou épineuses, comme la guerre d’Algérie ou encore la chute du colonel Khadafi.
    Saluons le travail de Bernard Lugan qui a réalisé là une œuvre de référence sur un sujet dont l’intérêt n’est assurément pas près de faiblir.

    Histoire de l’ Afrique du Nord, de Bernard Lugan, éditions du Rocher, 634p., 29 euros. 

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  • Quand la démographie est aussi politique : le cas de la France dans l'histoire

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

    1345578492.2.jpgLa démographie est aussi politique, et l'histoire même de notre pays le démontre à l'envi : je m'en suis rendu compte il y a quelques années déjà lorsque je travaillais un cours de Seconde qui évoquait la transition démographique en Europe. En effet, le cas français est, comme souvent, plutôt original et l'explication en est éminemment politique... 

    La France est effectivement le premier pays à entamer sa transition démographique sur le continent européen : comme d'autres, pourtant, elle a connu le radoucissement climatique après les sinistres premières années du XVIIIe siècle qui étaient aussi les dernières du règne de Louis XIV, ce roi-soleil d'un royaume qui en manqua parfois... Elle a aussi connu les progrès médicaux, l'amélioration des techniques agricoles, etc. Mais il y avait plus encore : la France était une Monarchie absolue, et son administration passait pour l'une des plus complexes en Europe, difficile équilibre entre autorité de l'Etat central et libertés des provinces et des corporations. 

    Entre 1700 et 1789, et malgré le creux démographique consécutif aux années 1708-1709, la population du royaume passa de 20 millions environ à presque 28 millions, soit une augmentation d'environ 40 % en trois générations, ce qui peut constituer, pour l'époque, une véritable explosion démographique. Ne parlait-on pas, à la veille de la Révolution, de « Chine de l'Europe » quand on évoquait la France ? Au même moment, le reste de l'Europe entame une transition que la France, déjà, aborde en sa deuxième phase. 

    Les raisons de cette précocité sont connues : d'abord, le territoire de la France n'est plus envahi de façon pérenne de 1636 à 1792, et c'est la Révolution qui va clore cette « parenthèse enchantée », parenthèse dont nous n'avons jamais plus, depuis le XVIIIe siècle, connu la même heureuse longueur... Ensuite, les voies de France sont plutôt sûres et, bien entretenues par l'impopulaire corvée royale, permettent une meilleure circulation des grains et des vivres quand la nécessité oblige à une plus grande célérité de celle-ci. Tout cela, qu'on le veuille ou non, est la conséquence de la nature de l'Etat royal français qui ne théorise pas forcément sa politique mais se doit d'être le protecteur de la population du royaume, celle-ci étant à la fois un élément important de sa puissance et de son prestige : « il n'est de richesse que d'hommes », reconnaît le légiste Jean Bodin, et l'on est bien loin du cynisme tout républicain et égalitaire du général Bonaparte devenu empereur Napoléon qui, au soir d'une bataille particulièrement sanglante, s'exclamait « Une nuit de Paris réparera cela ! »... 

    La Révolution française et l'Empire ne seront pas, effectivement, économes du sang des hommes, entre les massacres multiples sur des terres qui n'avaient pourtant plus connu la guerre depuis parfois la fin du XVe siècle et les guerres napoléoniennes qui demandaient encore et toujours plus de « matériau humain » : les morts brutales de l'époque dépassent largement le million d'âmes (certains évoquent le double), et accélèrent la deuxième phase de la transition démographique, au risque d'affaiblir le pays face aux puissances montantes de l'Europe, en particulier cette Allemagne qui n'est pas encore une mais le deviendra, en janvier 1871, sur le dos d'une France éreintée et démographiquement épuisée. 

    Il faudra attendre les premières mesures d'une politique familiale digne de ce nom, dès la fin des années trente (poursuivie par Vichy et les deux Républiques qui lui succéderont, avec des fortunes parfois diverses), pour que la France retrouve une santé démographique que la Révolution avait au mieux ébranlée, au pire durablement déstabilisée, ne serait-ce que par ses principes égalitaristes et individualistes, peu favorables au maintien d'une natalité équilibrée : les tristes événements des années quarante accéléreront, comme une réponse au malheur, le renouveau démographique qui suivra la guerre. « Mort, où est ta victoire ? », auraient pu triompher les mères de l'après-guerre ! 

    La récente baisse de la fécondité française, qui semble s'être accélérée cette année, prouve que, si la politique n'explique pas tout en démographie (ce qui est d'ailleurs fort heureux !), elle est un facteur non négligeable et sans doute déterminant dans ses évolutions : la remise en cause de certains principes anciens de la politique familiale française par les deux derniers quinquennats (M. Fillon ayant amorcé, timidement mais sûrement, un travail de sape que les gouvernements suivants ont malheureusement poursuivi et amplifié, par démagogie et radinerie) a eu des effets désastreux alors même que la France se signalait jusque là, depuis les années 2000, par une bonne santé démographique qui pouvait alléger d'autant la charge des retraites et des frais de la fin de vie... 

    Ainsi, les bonnes intuitions de la République du XXe siècle (car elle en eût quelques unes, malgré tout), ou les leçons tirées des siècles passés et de l'étude sérieuse des mécanismes démographiques, n'ont pas résisté à cette inconstance qui, essentiellement, définit la République des quinquennats. On peut le regretter, mais ce n'est pas, disons-le, suffisant ! 

    Inscrire une politique familiale dans la longue durée impose, désormais et aujourd'hui peut-être plus encore qu'hier, un Etat qui, lui-même, s'enracine dans le temps long, non d'une seule, mais de dix, de vingt générations... Un Etat qui, lui-même, s'inspire de la nature familiale, de cette suite que l'on nomme lignée ou dynastie : il n'en est qu'un, qui a marqué notre histoire et notre territoire sur tant de siècles, et il est royal... 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Un triste sire a encore frappé : François Reynaert vient de déverser sur Maurras sa haine et son inculture

     

    Mur-bleu gds.jpgJamais deux sans trois, selon le dicton. Nous avions déjà épinglé, par deux fois, le 5 mai 2011 et le 13 septembre 2013*, les stupéfiants mensonges de François Reynaert, sa propension inouïe à déformer et truquer l'Histoire, sa mauvaise foi abyssale.

    Nous sommes revenus, dimanche, sur le personnage, pour lui asséner un troisième « pan sur le bec », bien mérité après ses propos sur Maurras, qui ne discréditent et ne disqualifient que lui. Dans l'actuel jargon des journaleux bobos-gauchos, on dirait de ses propos qu'ils sont « nauséabonds », « stigmatisants », voire « glaçants », qu'il s'agit d'un dérapage. Mais, là, il s'agit d'un dé-constructeur de la vérité historique, de notre Histoire, de nos racines.

    Le pire est qu'il est content de lui, le pseudo historien mais vrai menteur François Raynaert, toujours en train de rigoler, un peu comme - toutes proportions gardées - un Laurent Ruquier ; ravi de ses blagues qui ne font rire que lui et ses acolytes, réunis pour ça, et qui sont persuadés, comme lui, dans leur bulle télévisuelle, qu'ils sont le centre du monde. 

    Nous avons pointé, ce dimanche, les mensonges sur Charles Maurras de cet « ennemi déterminé et déguelasse », comme le désigne un commentaire de Pierre Builly.

    Mais, le hasard voulant que jeudi dernier (le 3 novembre) la chaîne 23 de la TNT ait diffusé L'Ombre d'un doute, de Franck Ferrand, Fallait-il condamner Marie-Antoinette ? nous reviendrons sur un autre sujet d’opposition frontale avec François Reynaert, celui de notre note la plus lointaine (celle du 5 mai 2011) : qui a trahi la France ?

    Et, Franck Ferrand le montre bien dans son émission, c'est la déclaration de guerre à l'Autriche, en 1792, qui est au centre de tout. Et qui condamne notre Système actuel, qui se fonde sur la révolution de 1789, comme le stipule le court et néfaste préambule de notre Constitution.

    La vérité vraie, pas la vérité officielle réécrite par François Reynaert, est claire et limpide. Avant même d'exister, la Révolution et la République ont été pensées et voulues en intelligence avec l'ennemi : à savoir, la Prusse. La Royauté française, après une longue lutte de deux siècles contre la Maison d'Autriche, commencée dans les années 1500 entre François premier et Charles Quint, avait remporté la victoire. Le moment était venu de s'allier à l'ennemi d'hier vaincu - l'Autriche - pour combattre le nouvel ennemi, dont l'émergence avait assombri les dernières années du règne de Louis XIV, assailli de sombres pressentiments qui, malheureusement, ne le trompaient pas. 

    Cela, la royauté française, progressiste au vrai sens du terme, l'avait bien compris, et Louis XV, avec raison, procéda au renversement des alliances : France et Autriche contre Prusse. Mais les philosophes, malgré leur intelligence, raisonnèrent au passé prolongé, et ne comprirent pas ce progressisme ; ils furent rétrogrades et passéistes, admirèrent la Prusse. Cette prussophilie - véritable « intelligence avec l'ennemi » - durera jusqu'au réveil brutal de 1870, et même encore après, pour certains. 

    On l'a bien vu, ce jeudi, avec Franck Ferrand : c'est en forçant Louis XVI à déclarer une guerre à laquelle il ne pouvait que s'opposer; un Louis XVI qui n'avait plus le pouvoir, et presque plus de pouvoir - par sa faute - que la révolution a pu triompher, la royauté être abolie et la république être instaurée : car les révolutionnaires mettaient ainsi le roi en contradiction frontale avec les exaltations suicidaires d'une opinion publique trompée, et peu compétente en matière de politique extérieure.

    Oui : Encyclopédistes, révolution, républiques et empires n'ont été possibles - et n'ont mené de politique - qu'en intelligence avec l'ennemi, en trahissant les intérêts supérieurs de la Nation française.

    Que cela plaise ou non au pseudo-historien mais vrai désinformateur François Reynaert, apôtre aveugle et sourd d'un Régime, d'un Système nés de la trahison des intérêts supérieurs de la Nation... 

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    « Au secours, Maurras revient ! » s'alarme l'Obs... Mais un misérable Maurras forgé par la haine et la bêtise