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Idées, débats... - Page 456

  • BD • Une BD non consensuelle sur Mao Zedong

     

    par CS

    Mao Zedong, surnommé le Grand Timonier est mort le 9 septembre 1976, il y a donc 40 ans. Il avait 82 ans. Son portrait trône toujours, de manière au moins anachronique (sinon insultante) sur les portes du palais impérial de Pékin.

    C’est Deng Yingchao, veuve du Premier ministre Zhou Enlaï, qui narre l’histoire personnelle et politique du plus grand dictateur et criminel de tous les temps, puisque son idéologie a tué pas moins de cent millions de personnes en quarante ans de pouvoir quasi absolu.

    Son récit entre flashback et anecdotes retrace la vie trépidante de ce fils de paysans qui n’a pas hésité à laisser mourir sa première femme et son premier fils, faisant passer l’idéologie communiste qui l’animait avant la protection et l’amour de sa famille.

    En fait, le récit parfois glaçant de « Grande sœur Deng », comme la surnomment ses auditeurs et admirateurs rappelle que l’ambition du chef communiste n’avait de limite que l’assouvissement de son bien-être personnel.

    C’est une biographie concise et sans concession, un vrai travail d’historien qu’ont réalisée ici JD Morvan, Voulizé, (à qui l’on doit Louis XIV) et Raphaël Ortiz avec le concours très éclairé du sinologue Jean-Luc Domenach.

    Ils retranscrivent à merveille l’histoire mouvementée de cette vaste Chine composée de multiples peuples que seule une autorité forte pouvait soumettre.

    L’ensemble est dense mais aucun des moments forts (Longue Marche, création de la République populaire, Révolution culturelle) n’est oublié. Une BD qui parfois met à mal l’histoire officielle, pour le plus grand bonheur des lecteurs. 

    Mao Zedong, J-D Morvan, F. Voulyzé, R. Ortiz et J-L Domenach, Editions Glénat, 56 pages, 14,50 euros

  • Histoire • Pascalis - victime méconnue de la Révolution - qui mérite la reconnaissance des royalistes et des Provençaux

     

    Par Pierre de Meuse

     

    Image1.pngEn ce début décembre, il ne semble pas inopportun d’évoquer un personnage méconnu mais attachant, qui mérite la reconnaissance à la fois des royalistes et des Provençaux : Jean Joseph Pierre Pascalis qui naquit à Eyguières, dans les Alpilles le 6 février 1732 et mourut assassiné à Aix-en-Provence le 14 décembre 1790, victime de sa fidélité au roi et à la Provence, pour les libertés de laquelle il avait passionnément combattu. Il était né dans une famille d’origine « gavotte », qui s’était haussée à force de vertus dans la moyenne bourgeoisie si typique de l’Ancien régime. Comme son oncle et son grand-père, il avait embrassé la profession d’avocat, où il était renommé plutôt pour ses qualités de juriste que pour son talent oratoire. C’est ainsi qu’il rédige avec quatre autres jurisconsultes un Mémoire pour Mme de Mirabeau née Émilie de Marignane, contre son mari, le célèbre Honoré-Gabriel de Riquetti, comte de Mirabeau, qui lui en gardera une sévère rancune.

    Sa grande faculté d’analyse juridique lui fait obtenir des postes de premier plan : il est assesseur d’Aix (c'est-à-dire représentant des Etats auprès des Consuls de la ville) et Procureur de Provence (porte-parole de ces mêmes Etats au parlement et devant le gouvernement), et il défend avec courage la modernisation et la revitalisation des institutions provençales. Il s’oppose ainsi au maintien des privilèges fiscaux de la noblesse, dans un « Mémoire sur la contribution des trois ordres aux charges publiques », s’appuyant sur l’observation de la situation présente, mais aussi sur la « Constitution provençale » antérieure à l’annexion de 1406. Cependant, ses convictions favorables aux réformes ne l’empêchent pas de lutter contre le centralisme ; en témoigne son « Mémoire pour dénoncer la commission contre la contrebande » (1773) et surtout son « Mémoire sur le projet de rétablir les Etats de Provence » (1787). Il n’est pas un révolutionnaire, n’exige pas l’abolition des ordres, mais seulement l’aménagement de leur représentation. En 1788 il est élu aux Etats généraux en remplacement de Joseph Servan, mais décline cet honneur : il veut rester en Provence car il sent bien que les orages s’approchent pour sa petite patrie avec la révolution. Sa position en vue lui a valu beaucoup d’ennemis, au premier rang desquels se trouve évidemment Mirabeau, et son âme damnée, un prêtre, l’abbé Jean-Joseph Rive, ancien curé de Molegès, ancien bibliothécaire du duc de La Vallière, un homme qui cherche à se venger par tous moyens y compris le meurtre de l’insuffisante rémunération que la vie aurait donnée à son immense talent. La révolution connaît beaucoup de personnages de cet acabit. Cet ecclésiastique multiplie les appels au meurtre contre Pascalis, qu’il appelle un scélérat et un « mortel exécrable », ainsi qu’un énergumène dans des libelles largement diffusés. Dans un pamphlet de 1789, il appelle carrément au meurtre de l'avocat. Il a d’ailleurs recruté une troupe d’hommes de main, composée de gens prêts à tous les crimes. Au moindre signal, ils savent qui doit mourir de leurs mains.

    Or le 20 juillet 1790 l'Assemblée départementale des Bouches-du-Rhône s’établit à Aix-en Provence. Ses premières décisions réalisent la destruction des toutes les anciennes institutions provençales. Les Etats, le Parlement, la protection de la langue provençale, l’existence même de la Provence, tout est promis à la démolition. Dès que Pascalis constate qu’il est impossible d’arrêter ce mouvement, il décide de quitter le barreau. C’est ainsi que le 27 septembre, il se rend en grande tenue au Parlement pour prendre congé. Dans son discours d’adieu, il constate ne plus être en état d’accomplir ses mandats, et tient à alerter les Provençaux sur les dangers du mouvement en cours, car selon lui, il contient le « renversement de la Monarchie », « l’anéantissement de notre Constitution, la destruction de toutes nos institutions politiques », le déni du désir majoritaire des Provençaux. Enfin il termine en formulant l’espoir d’un retour à la raison où nos citoyens rendus à leurs sentiments naturels de fidélité, de franchise et de loyauté, béniront la sagesse de notre Constitution, permettant « l'exécution de nos traités avec la France, le rétablissement de la Monarchie, et avec le retour de nos Magistrats celui de la tranquillité publique. » Ses derniers mots marquent qu’il « veut vivre et mourir citoyen provençal, bon et fidèle sujet du Comte de Provence, Roi de France. » Ce discours nous rappelle celui de Calvo Sotelo, prononcé avant son assassinat. En période révolutionnaire, en effet, tout désaccord avec le flux torrentiel doit être puni de mort. Et c’est ce que décident Mirabeau et l’Abbé Rive. Pendant près de trois mois, par une série d’actions judiciaires et administratives ils accusent Pascalis et ses soutiens d'avoir prêché la guerre civile, ce que précisément les deux compères s’occupent activement à faire. Un procès verbal est envoyé à la Constituante pour l’inculper. La Commune est sommée de le décréter d’arrestation, menaces à l’appui. Et le prêtre indigne de conclure son courrier par cette conclusion : « Il ne faut pas tergiverser, Monsieur le Président, il n'y a à conserver dans le nouvel empire français que de vrais citoyens et d'excellents patriotes. Tout homme quel qu'il soit, par quelques travaux qu'il puisse s'être distingué, s'il devient un jour l'ennemi de la patrie, il doit lui faire sacrifice de sa tête sous une lanterne. » 

    Pendant tout ce temps, que font les royalistes ? Pascalis continue sa vie tranquille, dans l’hôtel particulier qu'il loue sur le Cours, dit aujourd’hui « Mirabeau », au no 34. (Hôtel Barlatier de Saint Julien). Dans la ville, des cercles se constituent au grand jour, comme la « société des amis de l'ordre et de la paix », pour réclamer le soutien au roi et le rétablissement des libertés de la Provence. Ils ne font pas grand’ chose, mais se font remarquer en se réunissant au cercle Guion (actuellement le café « Les deux garçons »).

    Le 12 décembre au crépuscule, le cercle Guion est attaqué, il y a plusieurs blessés par balle. Les « antipolitiques » de l’abbé Rive envahissent le cercle au cri de « fơu toutei leis esgourgea » (1). Le Cercle est saccagé. Ledit abbé donne l’ordre d’arrêter Pascalis afin de l’assassiner. Celui-ci se trouve à ce moment dans le petit château de La Mignarde, construit aux Pinchinats par un pâtissier enrichi, une maison que les aixois connaissent bien encore aujourd’hui. Ses amis lui conseillent tous de s’enfuir car chacun sait quel sort lui réservent Mirabeau et Rive. Pourtant, l’avocat se refuse à fuir. Il n’imagine pas qu’on puisse commettre une telle monstruosité. Il se contente donc de répondre « ils n’oseraient ! » aux amis venus le prévenir. Il est de toutes façons trop tard, car quelques heures plus tard, une petite centaine de voyous attaquent La Mignarde, enlèvent Pascalis et le mettent au cachot à l’hôtel de ville, ainsi que le vieux marquis de la Roquette. Pendant deux jours Rive et Mirabeau attendent. Que se passe-t-il ? Sans doute Mirabeau et Rive s’efforcent-ils d’obtenir des autorités un procès et une exécution immédiate, mais celles-ci restent silencieuses. Alors le mardi 14 décembre, la Garde nationale, qui retourne à Marseille en colonne est stoppée au bas du Cours (Mirabeau) par des activistes de Rive qui exhortent les soldats à se rendre aux prisons des casernes afin de « tuer le monstre ». Malgré les ordres de leurs officiers, une grande partie des troupes en armes se sépare des rangs afin de suivre les mots d’ordre des factieux. Un exemple de plus de ce qui est le quotidien de la révolution depuis 1788 : une armée intérieure en perpétuelle révolte contre ses cadres, et dans laquelle toute velléité de reprise en main est systématiquement sanctionnée, découragée, discréditée.

    A ce moment se produit un des aspects les plus lamentables de cette affaire : les casernes où se trouvent les prisons sont gardées par un demi-régiment suisse : le régiment d’Ernest, anciennement d’Erlach. Le détachement de 400 hommes est commandé par le Maréchal de camp Rodolphe de Diesbach. Les soldats mutinés et la foule des badauds encerclent les casernes où se trouvent les prisons (2) et commencent à démolir les murs, à casser les portes. Le procureur général syndic demande à l’officier suisse de ranger ses troupes en bataille pour leur résister, ce qu’il fait séance tenante. Les magistrats présents sont alors brutalisés, menacés de mort. On envoie trois officiers municipaux pour parlementer avec la populace, qui les maltraite et les oblige à signer une décharge pour « donner Pascalis ». Ils prennent soin d’ajouter à leur signature la mention dérisoire « contraint et forcé ». Puis le cortège sinistre se rend au Cours, et Pascalis, La Rochette et l’écuyer de Guiramand sont pendus aux réverbères, devant la maison de Pascalis, afin que sa femme soit témoin du crime. Leurs têtes seront promenées deux jours durant à Aix et Marseille, au milieu des pillages et des scènes d’ivrognerie. Mirabeau et Rive ont triomphé mais ils ne survivront pas longtemps à leur victime (3). Mirabeau aura même le temps d’être mis en accusation pour « activités contre-révolutionnaires » par Lameth. Les révolutions dévorent toujours leurs enfants, disait Bainville.  

    Quelles réflexions nous propose ce sinistre épisode ? La première est que la Terreur ne date pas de 1793. Elle est consubstantielle à la révolution. A la terreur de la rue qui commence dès 1788 se rajoute en 1792 celle des comités. Il n’y a pas une révolution pacifique des Sieyès, Mirabeau, La Fayette, et une révolution sanglante, celle des Marat, Carrier, Robespierre. La seconde est une question : comment un homme de la qualité de Pascalis peut-il avoir gardé confiance en la légalité de son temps, au point d’attendre ses assassins ? On est forcé d’y voir l’effet d’une illusion sur la nature humaine. Le légalisme est partout, y compris dans l’obstination ridicule des geôliers à obtenir une décharge écrite. Car enfin dans cette affaire, la lâcheté est le principal encouragement au crime. Tout le monde tremble devant l’émeute. Pascalis est devenu un homme seul. Et comment le baron Rodolphe de Diesbach, homme couvert des lauriers de quatre guerres, peut-il laisser son nom souillé par un meurtre aussi infâme ? En répondant à cette question, ne lève-t-on pas un voile significatif sur la période révolutionnaire. Si Diesbach ne prend pas la décision de tirer sur la troupe révoltée, c’est qu’il sait d’expérience que sa décision ne sera pas approuvée par l’autorité, et qu’il sera lourdement puni par le pouvoir même qui l’a nommé. La monarchie traditionnelle ne s’est pas défendue, par horreur de la guerre civile, alors qu’elle lui était imposée sans possibilité de refus. Ce faisant, elle a condamné ses fidèles et s’est livrée à ses ennemis. Quant à ceux qui s’opposaient à la révolution, ils ne pouvaient défendre le pouvoir qu’ils soutenaient qu’en s’opposant à lui. Leçons tragiques et paradoxales, mais qui peuvent nous éclairer aujourd’hui dans des circonstances qui peuvent devenir semblables.

    800px-Plaque_Jean_Joseph_Pierre_Pascalis_34_cours_Mirabeau_Aix-en-Provence_France.jpg

    Plaque commémorative de l'assassinat de Pascalis - en Provençal - avec un commentaire de Frédéric Mistral  

    (1)  Il faut tous les égorger !

    (2)  Les casernes se trouvaient à quelques centaines de mètres du Cours (Mirabeau), près de la gare routière actuelle.

    (3)   Mirabeau mourra en avril 1791, dans le mépris général, peut-être assassiné par les jacobins.  Rive lui survivra six mois et mourra d’une attaque d’apoplexie en octobre de la même année

  • Livres & Société • Le danger de l’islam selon Chesterton

     

    par Lars Klawonn

     

    Pour les imbéciles, tout changement est une chance. Et surtout, tout changement vis-à-vis de « l’ancien monde ». La diversité est donc une chance. Le métissage en est une autre, comme l’abolition des frontières, l’égalité des religions ou l’islam. Tout cela est, selon les imbéciles, une chance formidable pour nos sociétés. Ceux qui parlent des dangers et mettent en garde contre les changements permanents, ceux qui entendent défendre l’homme enraciné contre l’universalisme bébête de l’homme connecté se font traiter de suppôts de l’’extrême-droite et de fascistes.

    Dire que tout changement implique un danger, et qu’il doit être mûrement réfléchi pour s’assurer qu’il apporte plus d’avantages que d’inconvénients, c’est fatiguer trop les cerveaux momifiés des imbéciles. Au lieu de réfléchir, de penser, c’est-à-dire de distinguer les choses, ils préfèrent décréter, moraliser et s’indigner ; au lieu d’analyser les dangers et de les anticiper, les imbéciles adorent minimiser, naviguer à vue et agir en situation car, pour eux, il y a toujours une solution. Mais si un jour il sera trop tard pour réagir, que feront-ils ? Si un jour le péril est entré en la demeure, quelles seront les réponses des imbéciles ?

    G.K. Chesterton (1847- 1936) n’a pas écrit d’ouvrages sur l’islam, mais il a bien réfléchi à la question. Dans son livre Chesterton face à l’islam, Philippe Maxence, l’un des meilleurs connaisseurs de son œuvre, résume de façon à la fois détaillée et synthétique l’approche de l’écrivain anglais. S’appuyant sur de nombreuses citations, il montre en quoi consiste selon l’auteur de l’Auberge volante le danger d’une immigration musulmane incontrôlée. Chacun pourra vérifier par soi-même la vision prophétique qu’il en donne, comme de l’ère moderne et de ses maux, et constater l’actualité brûlante de ses analyses.

    Maxence nous montre bien que pour Chesterton, s’il fallait opposer quelque chose à la progression de l’islam en Europe, c’est bel et bien le christianisme et ses valeurs. Il savait qu’une civilisation sans Dieu est destinée à s’effondrer. Aujourd’hui la menace de l’islam est triple. Elle nous arrive par l’immigration, par le terrorisme et par l’économie (l’achat des entreprises occidentales). Or le vrai danger vient de l’intérieur de l’Europe, de son désengagement de soi-même, de sa soumission à la loi du marché, de son défaitisme, de sa lâcheté, de sa laïcité, de ses pleurnicheries et de ses dogmes de l’égalité et du pacifisme.

    Le visionnaire catholique a compris avant tous les autres que l’homme moderne, remplacera la pensée par les idées, le monde concret par l’abstraction, la distinction des choses par la généralisation et l’indifférenciation, la connaissance par la publicité et le mal par le traitement thérapeutique et la victimisation des criminels ; il a compris que le monde moderne veut le dépassement des nations par une nouvelle superpuissance supranationaliste et impérialiste, la destruction des peuples et leur soumission absolue au culte de l’argent et du commerce.

    Que l’on ne s’y méprenne, notre écrivain n’est pas un pessimiste, en tous cas pas plus que Lord Byron qu’il admire. Cet homme de bon sens se battait pour une société fondée sur la famille et la propriété privée qu’il défendait contre le capitalisme libéral et le communisme marxiste. Pour lui, les vieux principes issus du corpus chrétien permettent de répondre aux défis contemporains. « Le salut pour notre civilisation est dans un retour en arrière », dit-il. Mais prenez garde ! On n’a pas affaire à un passéiste, loin s’en faut. Au contraire, c’est un homme terriblement remuant, un anticonformiste, un polémiste redoutable. Faire revivre le passé ne l’intéressait nullement. En s’insurgeant contre l’homme sans racine, il a trouvé mieux, beaucoup mieux. A savoir que c’est en puisant à la source de notre civilisation, dans ce qu’elle a de vivante, d’organique et d’incarné qu’elle reçoit la force nécessaire pour bondir sur ses ennemis, l’épée à la main, comme Saint-Georges le patron des Anglais. 

    Chesterton face à l’islam de Philippe Maxence, Viva Romana 2014.

    Journaliste culturel, collaborateur au journal La Nation (Lausanne), à la revue Choisir (Genève) et à la Nouvelle Revue Universelle

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  • « Conservateur et libéral, la grande tension » : une analyse d'Éric Zemmour

     

    3578948983.jpgZemmour commente ici « une histoire didactique et passionnante du conservatisme, qui s'achèverait en supplément d'âme du libéralisme ». Une occasion pour lui de faire ressortir avec clarté et pertinence les « tensions » - c'est à dire, au fond, les contradictions - existant entre ces concepts, qui se voudraient alliés. Et les réalités politiques et sociales qu'elles engendrent. Encore faudrait-il s'entendre sur les mots. «  Conservateur », pour commencer. Un mot qui n'a de sens ou de valeur que par son objet. Il avait un sens lorsque Comte lançait son « Appel aux conservateurs» [1855 !], un sens tout autre - ridicule et négatif - pour les nationalistes et monarchistes autour des années 1900. Vers 1980, Boutang pensait qu'il n'y avait déjà plus rien à conserver de notre société proprement dite - « qui n'a que des banques pour cathédrales ». Que voulons-nous conserver ? La modernité et ses avatars postmodernes ou la France profonde, la France historique, sa civilisation ? A travers son analyse des tensions entre capitalisme et libéralisme sous leurs traits d'aujourd'hui, Zemmour - comme Buisson - n'hésite pas à remonter au vrai clivage - sous quelque vocable qu'on les désigne - entre la France historique multiséculaire et celle opposée qui naît des Lumières et de la Révolution. Dans quel camp se situera de fait le courant qui se réclame aujourd'hui du conservatisme ? C'est bien là, à notre avis, la question de fond.  Lafautearousseau    

          

    522209694.4.jpgSi la victoire de François Fillon en a étonné plus d'un, ce n'est pas seulement parce que peu de gens pouvaient imaginer que « Mister Nobody » s'immiscerait dans le combat de coqs entre Sarkozy et Juppé, mais aussi, et surtout, parce que son programme était à la fois le plus libéral (en économie) et le plus conservateur (sur les mœurs), ce qui paraissait doublement incompatible avec la France. L'affaire semblait entendue depuis belle lurette : notre pays aimait trop l'État pour être libéral, aimait trop l'égalité pour tolérer la liberté, aimait trop la Révolution pour avoir le respect des traditions, et tenait le travail, la famille et la patrie pour des valeurs maudites depuis Vichy. Les augures ont eu tort. Un conservatisme libéral semble renaître en France dans le sillon de Fillon, qui paraissait embaumé sous le masque poussiéreux et oublié de Guizot ou de Renan.

    Dans ce nouveau contexte politique, le livre de Jean-Philippe Vincent tombe à pic. Qu'est-ce que le conservatisme ? s'interroge notre auteur. Sa réponse est à la fois philosophique et historique. L'auteur nous plonge avec délectation dans une évocation des grands anciens, Burke, Maistre, Chateaubriand, Balzac, Tocqueville, Renan, Taine, revenant même jusqu'à la République romaine de Cicéron, pour dégager les grands axes d'une pensée conservatrice qui s'oppose en tous points à un progressisme, « pot-pourri d'existentialisme et de marxisme », qui a pignon sur rue en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

    « Le rapport au temps est totalement opposé chez les conservateurs et les progressistes. Ces derniers utilisent le futur (un futur utopique ou rêvé) pour interpréter le présent ; les conservateurs utilisent le passé pour interpréter le présent et agir dans l'instant… La nostalgie du passé est quand même plus raisonnable que la nostalgie du futur. »

    C'est de la belle ouvrage, didactique en diable, parfois même un brin scolaire, écrit d'une plume qui ne cherche pas l'effet, un peu comme ces vieilles vestes en tweed qu'affecte le jeune homme très British choisi en couverture du livre. Notre auteur nous permet de combler notre ignorance des penseurs les plus récents du conservatisme qui, à part Soljenitsyne et peut-être Bertrand de Jouvenel, sont largement méconnus en France.

    Jean-Philippe Vincent veut y voir la preuve que le conservatisme est une pensée encore vivante. Il annonce pour notre époque l'émergence d'un conservatisme libéral en Europe, et la victoire de François Fillon a dû le réjouir. Il cherche à tout prix à marier libéralisme et conservatisme, celui-ci comme « le supplément d’âme » de celui-là. Pourtant, il n'ignore nullement que conservatisme et libéralisme se livrent une guerre sourde depuis des décennies : que le principe d'autorité et le respect des traditions, des enracinements et des nations, qui définit le conservatisme, est miné par le libéralisme qui fait de l'individu et du marché les seuls maîtres de notre destin. Notre auteur est lucide : « C’est que le libéralisme, pour fonctionner de façon appropriée, a un besoin vital de racines conservatrices, des racines que pourtant il s'évertue à saper. » Mais fait profession d’optimisme : « C’est un fait que l'éthique du capitalisme est un conservatisme. Et c'est également un fait que lorsque cette éthique est subvertie par le jeu débridé du marché, le risque est grand non seulement pour le capitalisme, mais pour plus globalement pour le système libéral-démocratique. De ce simple point de vue, capitalisme et conservatisme apparaissent comme complémentaires et même étroitement complémentaires : il ne peut guère y avoir de capitalisme durable sans une éthique conservatrice. »

    C'est pourtant une « complémentarité » qui tourne le plus souvent au conflit ouvert où c'est toujours le même qui perd. Les destins des deux incarnations modernes de ce conservatisme libéral cher à notre auteur en sont des preuves cruelles. En France, le quinquennat de Georges Pompidou a été miné par le travail de taupe culturel d'une extrême gauche libertaire issue de Mai 68, qui imposa ses codes à visage découvert sous Giscard et prit le pouvoir sous Mitterrand. Et la plus grande réussite du libéral Pompidou est une industrialisation du pays conduite grâce à un colbertisme remarquablement efficace. En Angleterre, notre auteur rappelle pertinemment que le thatchérisme fut avant tout une philosophie morale et religieuse. La « Dame de fer » avait pour haute ambition de restaurer l'éthique victorienne de l'effort, du travail, de l'épargne, de la religion et de la patrie. Elle était sincère et déterminée. Mais le marché n'avait que faire de ses ambitions morales et l'Angleterre devint le pays du culte de l'argent, du cosmopolitisme de la ville-monde Londres, des mafias russes et des paradis fiscaux, de l'alcoolisme de masse des jeunes et des grossesses précoces des adolescentes, et d'une immigration venue du monde entier, charriant en particulier un islam qui y prit ses quartiers, imposant ses mœurs et jusqu'à sa loi, prônant à visage découvert le djihad et la charia. Dans ces deux exemples, on voit bien où est le capitalisme, on voit bien où est le marché, on voit même où est le libéralisme, mais on ne voit pas où est le conservatisme. On ne voit pas où est son « éthique judéo-chrétienne issue de l'Europe du XVIIe siècle » où le libéralisme est né. On voit mal la doctrine sociale de l'Église. On voit mal l'amour des préjugés et des coutumes et des traditions cher au grand Burke. C'est ce qu'ont rappelé avec force les classes populaires anglaises, marginalisées économiquement, géographiquement et culturellement par trente ans de thatchérisme, avec le référendum sur le Brexit !

    Notre auteur fait mine d'ignorer que le capitalisme du XIXe siècle a muté, à partir du milieu du XXe siècle, qu'il a abandonné le culte de l'épargne pour celui de la consommation, l'économie de l'accumulation pour l'économie du désir, la morale austère du stoïcisme (même un brin hypocrite) pour l'immoralité joyeuse de l'hédonisme, la stricte hiérarchie du patriarcat pour l'égalitarisme indifférencié du féminisme. Le libéralisme est passé de Guizot à Cohn-Bendit ; l'héritier du conservatisme est devenu son pire ennemi. Le fils ingrat a tué le père. Au moins, François Fillon et ses soutiens sont-ils prévenus. 

    Qu'est-ce que le conservatisme ? Jean-Philippe Vincent, Les Belles lettres, 245 p., 24,90 €.

    Eric Zemmour

    Le Figaro 30.11

  • Religion Société • Réédition de deux textes essentiels de Jean Paul II sur la famille

     

    par Jean-Baptiste DONNIER

     

    3374229269.jpgC’est une initiative particulièrement heureuse et bienvenue que viennent de prendre les éditions Téqui en publiant deux textes essentiels du Cardinal Wojtyla sur la famille en tant que communio personarum.

    Ces deux articles, écrits en 1974, constituent le fondement sur lequel l’auteur, devenu le Pape Jean Paul II, élaborera son magistère sur le mariage et la famille. C’est dire leur importance pour saisir la portée de ce magistère. On y trouve déjà les principes qui seront déployés dans les grands textes magistériels qui, de Redemptor hominis à Evangelium vitae et à Familiaris consortio, sans oublier les grandes catéchèses, feront de la famille l’un des axes majeurs du pontificat. Mais on y trouve surtout le soubassement conceptuel sur lequel se fonde ce magistère.

    Deux points suscitent une attention particulière. Le premier est « l’anthropologie théologique », qui renvoie au Commencement (p. 29) afin d’y retrouver la vérité du mariage et de la famille. C’est là un point capital. La vérité d’une chose se manifeste à son origine et non dans un « présent » qui hypertrophie les apparences au détriment de l’essence.

    Tout le positivisme sociologique contemporain se trouve ainsi radicalement contesté dans sa prétention à adapter la norme à la réalité, car cette réalité lui échappe ; il n’en saisit que des apparences perverties et non la vérité ontologique. L’anthropologie wojtylienne de la famille, métaphysique avant d’être théologique, porte en cela un coup décisif à une certaine « modernité » dont elle fait apparaître l’insigne faiblesse conceptuelle.

    Le second point capital est le réalisme profond dans lequel s’ancre la notion de communio personarum. Comme il le fera pour les droits de l’homme dans sa première encyclique, Wojtyla ramène le personnalisme, toujours menacé de verser dans le subjectivisme, à la réalité première que constitue l’aptitude ontologique de la personne à la communion. Il en résulte une conception profondément réaliste du lien conjugal qui actualise la communio personarum dans le mariage, expressément soulignée à plusieurs reprises (p. 43 et 47 notamment).

    Ces deux contributions majeures du Cardinal Wojtyla sont introduites par une préface de Mgr Livio Melina, éminent théologien moraliste, qui met très bien en perspective les fondements mais aussi les prolongements de la théologie wojtylienne du corps dans une fidélité à la pensée de saint pape polonais qui lui a valu récemment d’être mis à l’écart de la direction de l’Institut Jean Paul II pour les études sur le mariage et la famille de l’Université pontificale du Latran…

    L’ouvrage est complété, enfin, par le texte d’une conférence prononcée par l’un des plus remarquables interprètes du magistère de saint Jean Paul II, le Cardinal Carlo Caffarra, qui vient opportunément remettre de l’ordre et de la substance dans des questions qui, hélas, s’enlisent à nouveau dans une pseudo « pastorale » étriquée, aussi ridicule que désuète.

    Il est à espérer que la publication de ce texte magistral annonce l’édition en français des œuvres majeures de ce grand théologien, témoin admirable du renouveau de la pensée catholique sous les pontificats de saint Jean Paul II et de Benoit XVI.  

    Cardinal Karol Wojtyla, Famille et communion des personnes, préface de Mgr Livio Melina, annexe du Cardinal Carlo Caffarra, Téqui, 2016. 

  • Histoire & Actualité • Mort de Fidel Castro : l'anticommunisme est un humanisme, sauf en France !


    Par Gilles-William Goldnadel 

    Le « lider Maximo » est mort ce 25 novembre. Gilles-William Goldnadel constate [Figarovox, 28.11] qu'au pays de Georges Marchais, le procès du communisme reste à instruire, comme en témoignent les éloges funèbres prononcés en hommage au boucher de La Havane. Gilles-William Goldnadel a raison. Serait-il d'accord pour que l'on instruise concomitamment les procès des tueries et crimes révolutionnaires français ? Ceux-ci sont l'origine et la matrice de ceux-là. LFAR  

     

    495725162.jpgCe n'est pas la première fois qu'ils nous font cette mauvaise farce. C'est toujours la même chose, on la croit morte. On se dit que cette fois ils ont compris. Qu'ils ne recommenceront pas. La sotte grandiloquence. Les hommages obscènes. Le déni de la réalité. Eh bien, non, ils ont recommencé.

    Ils ont pleuré Castro. Même la sœur, Juanita, n'ira pas à l'enterrement de son frère : «il a transformé l'île en une énorme prison entourée d’eau ». Mais certains, en France sont plus fraternels envers Fidel que la sœur du geôlier.

    Avant que de tenter d'expliquer l'inexplicable, un bref rappel de la réalité minimisée. Castro n'était pas seulement qu'un dictateur sud-américain. C'était un boucher et un équarisseur. Il ne s'est pas contenté de torturer et d'exécuter ses opposants, il a vendu leur sang, comme le rappelait le Wall Street Journal dans un article du 30 décembre 2005 : le 27 mai 1966, 3,5 litres de sang par personne furent médicalement ponctionnés sur 166 détenus par décision de Fidel Castro et vendus au Vietnam communiste au prix de 100 $ le litre. Après la prise de sang, 866 condamnés, en état d'anémie cérébrale, paralysés et inconscients, furent emmenés sur des brancards et assassinés.

    Miguel A. Faria dans Cuba, une révolution écrit à la page 415 de son livre : « Depuis que Fidel Castro a pris le contrôle de l'île en 1959, les estimations les plus crédibles précisent que de 30 000 à 40 000 personnes ont été exécutées par le peloton d'exécution ou dans les geôles cubaines. »

    Dès les premiers jours de la révolution, Castro ordonna des exécutions sommaires dans le but d'établir une culture de la peur qui annihila rapidement toute résistance. Les révolutionnaires d'opérette qui le soutiennent en France lui pardonnent avec indulgence ses exactions en même temps qu'ils maudissent ordinairement la peine de mort appliquée aux assassins de droit commun. Ils passent volontiers sous silence que dans les décennies suivantes, Castro s'assura de la soumission de son peuple en prolongeant l'État de terreur.

    Profitons du deuil cruel qui frappe la galaxie communiste et ses compagnons pour régler aussi son compte à celui dont l'icône christique ornait les thurnes estudiantines des seventies et encore de nos jours les T-shirts de quelques attardés. Che Guevara avant que de faire le guérillero en Bolivie, dirigeait dès 1959 la sinistre prison de la Cabana, où il avait acquis le tendre sobriquet de « carnicerito » (le petit boucher). Selon Stéphane Courtois, auteur du Livre noir du communisme, ladite prison était un lieu où la torture et les mutilations étaient quotidiennes. Selon Archiva Cuba, une association basée dans le New Jersey, et qui s'est donné comme mission de documenter les crimes de Castro, en 1959, à la Cabana, au moins 151 personnes innocentes furent assassinées.

    Parmi les 94 enfants dont on a pu établir la mort, 22 ont été exécutés par les escadrons de l'idole de l'extrême gauchisme.

    Quant à la situation actuelle, et sans même évoquer la faillite économique, Christophe Deloire, président de Reporters Sans Frontières, rappelait samedi que Cuba demeurait au 171e rang (sur 180) au classement mondial de la liberté de la presse.

    Ils ont pleuré Castro. Je ne parle pas des communistes. De Pierre Laurent, fils de Paul : « l’artisan de l'une des plus importantes révolutions initiées au XXe siècle… La démonstration de la possibilité de bâtir une société juste et souveraine pour tous les peuples ».

    Je ne parle pas de notre Président de la République actuel, tout content d'avoir imaginé effleurer l'Histoire en touchant un vieillard et dont les euphémismes dégoutants dans son hommage funeste : « manquements aux droits de l'homme… désillusions » montrent à quel point les socialistes évaporés n'ont pas totalement coupé le cordon ombilical ensanglanté.

    Je parle des compagnons de déroute, je parle des camarades de carnaval : Christiane Taubira, jamais économe d'une hyperbole : « le dernier géant du XXe siècle… ». Je parle de Clémentine Autain, invitée gentiment sur France Inter dimanche matin pour admonester ceux qui fêtent Kissinger mais cognent sur Castro et qui mériterait d'être engagée comme humoriste de la radio active de service public pour ce tweet mémorable et émouvant : « à Fidel Castro, pour la révolution cubaine, la résistance à l'impérialisme U.S, l'expérience « socialiste » d'un autre siècle. Hasta siempre !»

    Je parle enfin de Jean-Luc Mélenchon, dont Onfray disait samedi au Point qu'il avait « fumé la moquette », en tous les cas un havane hallucinogène, en écrivant ce twitt halluciné : « Fidel ! Fidel ! Mais qu'est-ce qui s'est passé avec Fidel ? Demain était une promesse. Fidèle ! Fidel ! L'épée de Bolivar marche dans le ciel. »

    Je conseille encore à tous ceux qui ne l'aurait pas regardé, de visionner l'hommage du futur candidat fraîchement adoubé par les communistes à la rapière envolée dans les cieux : Samedi matin, à l'ambassade de Cuba. Une homélie larmoyante. C'est sans doute lors d'un même petit matin blafard de 1953, que des staliniens aux yeux rougis rendirent hommage au petit père des peuples qui attend aujourd'hui son fidèle suivant.

    J'imagine déjà certains scandalisés par cette dernière ligne.

    Le scandale habite ailleurs. Il demeure dans le fait que, précisément, il n'y ait pas scandale quand ces hommages publics au boucher de La Havane sont rendus par des personnes publiques qui ont pignon sur rue.

    Et l'explication vient. D'abord l'anti-occidentalisme pathologique, dans sa version antiaméricaine. Tout fut pardonné à Fidel au nom de la lutte sacrée contre l'impérialisme yankee. Tout, y compris le massacre et la mise au pas de son peuple. Mais cette anti occidentalisme radical n'est pas seulement politique, il est aussi racial.

    Qu'on me permette de me citer dans mes Réflexions sur la question blanche (2011) : « Il faut se faire à la déraison : un sombre salaud cubain, vénézuélien, bolivien ou mexicain basané, qui sait ? mâtiné d'indien, ne sera jamais aussi honni qu'un bon vieux salaud chilien tel que Pinochet, poursuivi jusqu'au bord du tombeau, et que Sartre charriait pour « sa gueule de salaud latin » classique, à la Franco. ».

    Ensuite et surtout en raison du fait que le procès du communisme reste à instruire en France. Il s'agit d'une triste spécificité française.

    Il n'y a qu'en France que les archives du KGB n'aient pas été exploitées, après l'effondrement de l'URSS ce dont se désolait ma chère Annie Kriegel. Même dans l'Italie si communisante du compromis historique, les archives ont parlé, et l'on sait quel compagnon de route ou quel journaliste émargeait au budget soviétique. Il n'y a qu'en France où des syndicats politisés peuvent reconnaître leurs liens avec le PC sans être pour autant démonétisés. Il n'y a qu'en France où le parti communiste peut encore oser s'appeler par son nom et s'affubler d'un marteau et d'une faucille. Il n'y a qu'en France où des artistes sentencieux peuvent se produire à la fête du journal de l'organe central du parti communiste sans risquer la sentence. Il n'y a qu'en France où le parti de la gauche morale peut s'allier électoralement avec un parti communiste sans rougir ni être déconsidéré.

    Car c'est en France encore que ceux qui ont combattu extrêmement le communisme et ses épigones d'extrême-gauche ont été médiatiquement rangés dans le ghetto de l'extrême droite.

    Ce fut notamment le sort de Stéphane Courtois, qui faillit connaître la mort civile pour avoir écrit Le livre noir du communisme.

    Pour avoir eu le courage suicidaire d'estimer à 100 millions le nombre d'êtres humains assassinés pour imposer le communisme. Paul Kangor dans The Communist estime que le livre de Courtois est largement en dessous de la réalité. Courtois évaluait à 20 millions les crimes de Staline, mais Alexandre Yakovlev , adjoint de Gorbatchev, cité par Kangor, estime le carnage entre 60 et 70 millions d'humains.

    L'anticommunisme est un humanisme. 

    Post-scriptum citoyen : dimanche à 13h sur TF1, on pouvait voir les cubains réfugiés en Floride, ces anciens boat-people, fêter la mort du dictateur. Pas sur la chaîne de service public France 2 à la même heure. Seulement des cubains éplorés. Pour ceux qui, comme moi, n'arrivent pas à accepter comme un fléau naturel, la mainmise de l'idéologie sur le bien indivis des citoyens payant la redevance, je signale la naissance du « Collectif des usagers du service public audiovisuel » (contact@collectif-uspa.fr).

    Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain.

  • BD • Louis XIV en BD

     

    par CS

     

    L’histoire de ce tome 2 débute en mai 1682 à Versailles. Le Roi-Soleil âgé alors de 44 ans devise tout en marchant avec son fidèle Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des Finances, qui mourra l’année suivante. Les deux hommes passent en revue les travaux d’avancement de Versailles, résidence des rois de France et haut lieu de la Cour.

    Dans quelques heures, chacune des 5.000 personnes qui vont y loger (1.000 personnes de haut rang et 4.000 intendants et serviteurs) aura pris ses appartements. Mais le bon roi est tourmenté par ses affaires intérieures et extérieures : L’affaire des Poisons qui a vu disparaître l’une de ses maîtresses dans d’atroces souffrances (Mlle de Fontanges) est sur le point d’être close et le monarque absolu se rend compte que des proches, dont Mme de Montespan, sont impliqués. Au plan international, le roi de Hongrie et de Bohème, Léopold 1er, a adhéré à l’alliance antifrançaise déjà formée par la Suède et les Provinces-Unies (Pays-Bas).

    Louis XIV est aussi en conflit avec le pape Innocent XI. Ce dernier refuse de donner l’institution canonique aux prêtres qui ont souscrit à la déclaration des Quatre articles imposée par le souverain français. Puis arrivent la succession au trône d’Espagne, les guerres avec les pays voisins et de nouveau les intrigues du palais…

    Le lecteur sent, derrière le travail impeccable des deux scénaristes, Jean-David Morvan et Frédérique Voulyzé, les conseils avisés du conseiller historique Hervé Drévillon, professeur d’histoire moderne à la Sorbonne mais également professeur à Saint-Cyr Coëtquidan. Ils ont réussi le tour de force de résumer, sans dénaturer, en deux seulement deux tomes, les 77 ans (dont 72 ans de règne) de la vie du Grand roi.

    Les remarquables dessins de Renato Guedes, coloriés par Walter retranscrivent à merveille l’ambiance de l’époque. Un ouvrage à mettre en toutes les mains. 

    Louis XIV, Tome 2, JD Morvan, F. Voulyzé, H. Drévillon, R. Guedes et Walter,  ditions Glénat , 56 pages , 14,50 euros

    Politique magazine

  • Retour sur cet esclavage dont « on » ne parle pas... 2/2.

     

    (Suite de notre publication d'hier mercredi 30 novembre*)

    Mur-bleu gds.jpgLes esclaves oubliés, documentaire d’Antoine Vitkine; ARTE, 2008, 45mn.

    Ce documentaire raconte l’histoire de la traite orientale et arabo-musulmane, au cours de laquelle dix-sept millions d’Africains ont été réduits en esclavage pendant quatorze siècles.

    Il s’intéresse également à une filière encore plus méconnue, la traite interne à l’Afrique noire, menée pendant des siècles par les royaumes africains.

    Il montre enfin que ces systèmes ont perduré dans le monde musulman et en Afrique noire jusqu’au milieu du XXème siècle.

    Comment étaient capturés ces esclaves ? Dans quelles conditions étaient-ils déportés ? À quoi étaient-ils employés ? Les spécialistes Salah Trabelsi, Ibrahima Thioub, Henri Medard ou Mohamed Ennaji répondent à ces questions... 

     


     

     * A lire ou relire ...

    Retour sur cet esclavage dont « on » ne parle pas... 1.

    Dénonciation et repentance de l'esclavage passé : Valls  oublie de condamner l'esclavage actuel...

  • Retour sur cet esclavage dont « on » ne parle pas...

     

    Mur-bleu gds.jpg« On », c'est, bien sûr, la cléricature médiatique et la caste du politiquement/historiquement/moralement correct. Et tous ceux qui lui font allégeance, comme, par exemple, Manuel Valls dont nous avons relevé l'ignorance et-ou le mensonge le 3 novembre dernier*.

    Bien sûr, à propos de l'esclavage et de la traite négrière, celles et ceux qui s'informent, qui cherchent et qui veulent savoir, savent. Mais beaucoup sont maintenus dans l'erreur par les mensonges et les omissions de la bien-pensance officielle, uniquement préoccupée de se repentir à sens unique, et de condamner sans appel l'homme blanc, son héritage maudit, ses œuvres malfaisantes...

    C'est bien joli, tout cela, sauf que... cela n'est pas tout à fait la réalité, ni la simple vérité historique. Si l'esclavage a malheureusement bien été pratiqué par l'homme blanc, cette horreur s'est arrêtée il y a bien longtemps maintenant. Mais l'esclavage perdure encore aujourd'hui, et là où nos bonnes consciences auto-proclamées ne voudraient surtout pas que l'on aille regarder.

    Allons-y donc, et commençons par rappeler ce fait : eh, oui ! la traite orientale et arabo-musulmane a existé pendant 14 siècles (ce qui nous donne tout de même environ 17 millions d'Africains réduits en esclavage !) et continue dans certains pays du continent noir. N'en déplaise à ceux qui nous rebattent les oreilles, en nous parlant sans cesse d'un Islam idéal et tolérant fantasmé (« religion de paix et d’amour » !) - qui n'existe pas -, alors qu'ils ne parlent jamais de l'Islam réel et persécuteur qui existe - lui - bel et bien.

    Plutôt que d'assommer le lecteur par de longs développements sur le sujet, on proposera donc à Manuel Valls, en particulier, et à tous, en général, de visionner deux documentaires - édifiants, c'est le moins que l'on puisse en dire - que la chaîne Arte avait déjà choisi de diffuser en 2008, centrés sur la Mauritanie : « Chasseurs d’esclaves » et « Les esclaves oubliés ».

    Tout commentaire après visionnage serait superfétatoire...    (A suivre) 

    Chasseurs d’esclaves, reportage de Sophie Jeaneau et Anna Kwak ; ARTE, 2008, 45mn.

    Mars 2008, à Nouakchott, capitale de la Mauritanie. Bilal, un esclave évadé, porte plainte. Sa sœur est détenue par une famille maure depuis la naissance. Elle a 40 ans. « Elle travaille jour et nuit, sans salaire », dénonce-t-il. Et ses enfants sont le fruit des viols de son maître. Deux militants de l’association mauritanienne SOS Esclaves décident d’aider Bilal à libérer sa sœur, de gré ou de force. Ils savent que la tâche ne sera pas facile. Issu d’un système traditionnel millénaire, l’esclavage mauritanien, qui n’a été officiellement mis hors la loi qu’en 2007, structure la société tout entière, souvent avec l’accord tacite des autorités. Une caravane se met en route à travers le désert, accompagnée par la caméra de Sophie Jeaneau et Anna Kwak. Un reportage exceptionnel sur le combat forcené des abolitionnistes d’aujourd’hui, décidés à éradiquer l’esclavage en terre africaine.

     

    Le documentaire « Les esclaves oubliés » sera mis en ligne dans nos publications de demain jeudi 1er décembre.  

     * A lire ou relire ...

    Dénonciation et repentance de l'esclavage passé : Valls  oublie de condamner l'esclavage actuel...

  • BD • Reconstitution d’un attentat

     

    par Anne Bernet

     

    938307326.pngFaut-il y voir un symptôme parmi d’autres de l’effondrement intellectuel et moral de notre société ? C’est par le biais de la bande dessinée qu’une experte en risques terroristes familière des chaînes d’information continue a choisi de raconter les événements du 13 novembre 2015 à Paris.

    Si les victimes sont quasiment absentes de cette histoire, réduites à des visages flous et terrifiés, définitivement englouties dans l’anonymat de leur mort cruelle et prématurée, les tueurs, eux, apparaissent dans ces pages comme les protagonistes incontestés, pour ne pas dire les héros, d’une sorte de road movie sanglant.

    L’on n’ignore plus grand-chose de leur vie, leurs centres d’intérêt, leurs objectifs, jusqu’au déchaînement de violence et de haine qui endeuilla la capitale. Eux ont des noms, des visages, beaux parfois, des objectifs, pour odieux qu’ils soient … Information ou fascination pour ces assassins décidés et méthodiques, aux antipodes de ceux et celles qu’ils massacrèrent ?

    François Hollande et ses ministres sont les autres contestables vedettes de cette soirée tragique. En choisissant le noir et blanc, et un style très différent de celui dont il use dans ses albums habituels, Brahy a limité l’horreur de la réalité du bain de sang, se concentrant sur les traits figés et les regards hallucinés des terroristes.

    L’album refermé, l’on a le sentiment de n’avoir rien appris que l’on ne sache déjà, mais une sorte de malaise vous point : faut-il ajouter à l’aura de romantisme mortifère dont une jeunesse déboussolée entoure déjà les égorgeurs de l’État islamique ? 

    Anne Giudicelli et Luc Brahy, 13/11, Reconstitution d’un attentat, Delcourt, 125 p, 14,50 €.

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  • Livres & Société • Éric Zemmour : « De la liberté à la mort »

     

    Par Eric Zemmour    

    Quand le désir gouverne nos vies de façon tyrannique et nous empêche de restaurer nos libertés politiques : Zemmour commente ici le dernier ouvrage d'Hervé Juvin. Un essai décapant, selon Figarox [23.11]. Bien au delà, comme Mauuras et toute l'école contre-révolutionnaire, Zemmour pointe, avec Hervé Juvin, l'origine révolutionnaire d'un certain capitalisme affranchi de tout lien politique et, comme Buisson, il décrit les derniers avatars désastreux d'un cycle - aujourd'hui en échec - qu'il fait remonter aux Lumières. Houellebecq les dit éteintes. Patrick Buisson les répute finissantes. Et voit l'éclosion d'un nouveau cycle de long terme que marque le retour des nations, des peuples et des racines, la fin de la fin de l'Histoire. L'expression est de Finkielkraut. Ce faisceau de réflexions convergentes devrait nous intéresser au plus haut point. Hervé Juvin, suivi par Lafautearousseau depuis plusieurs années, y a toute sa place. Utile et éminente.   Lafautearousseau  

     

    picture-1649413-612mqxqb.jpgIl n'a rien vu venir. Mais il ne fut pas le seul. Quand Hervé Juvin se remémore les premiers émois de la « libération sexuelle » dans les années 1970, quand il évoque la frénésie des rencontres, l'ouverture fascinante des possibles, où même les débuts artisanaux et joyeux des premiers films pornographiques, on sent bien que la nostalgie désillusionnée se mêle sous sa plume à la rigueur de l'analyse. Mais voilà, il est difficile de ne pas constater que l'artisanat est devenu industrie, que la libération sexuelle, loin d'accomplir la révolution annoncée, a « marché main dans la main avec le libéralisme financier » ; et que Marcuse, le théoricien à la mode dans les amphis de Vincennes d'après Mai 68, qui fondait la société capitaliste sur la répression des désirs, avait confondu l'histoire passée du capitalisme avec sa nature intrinsèque.

    Notre auteur n'est pas le premier à établir ce diagnostic. Rien de neuf dans son portrait acide de notre modernité individualiste et féministe, avec ces hommes féminisés et ces femmes solitaires, où la passion amoureuse est remplacée par une « relation » égalitariste et contractuelle, où la « libération obligatoire » et le choix public du genre tournent à la « tyrannie au nom de l’égalité », où « l’ère du même détruit plus sûrement le désir que n'importe quelle morale ». Rien de neuf, mais rien de faux non plus. Juvin pose un diagnostic implacable où la libération est devenue contrainte : « La libération est le meilleur moyen d'être compétitif… Une morale interdisait, elle prescrit. Elle cachait, elle expose. Voilà la libération !»

    Mais le livre ne s'arrête pas là. Juvin l'économiste vient en renfort de Juvin le sociologue et de Juvin le nostalgique. Un économiste brillamment hétérodoxe qui démolit les fondamentaux du libéralisme classique, théorie de l'offre et de la demande, et concurrence pure et parfaite, pour mieux montrer comment l'organisation rationnelle de l'économie du désir a tout emporté pour mieux tout régenter : « Dans le gouvernement du désir, le crédit joue le rôle que police et gendarmerie jouaient dans les gouvernements monarchiques ou républicains… Le crédit fait du temps une marchandise comme une autre. (…) Il n'est pas l'un des instruments de la modernité libérale, il en est l'instrument. (…) Beaucoup parlent d'économie capitaliste. Ils devraient parler d'économie du crédit. »

    De l'économie à la politique, du crédit au droit et au marché, du désir individuel aux désirs collectifs, il n'y a qu'un pas que Juvin franchit allégrement et pour notre plus grand bonheur. Derrière le désir libéré, il y a la consommation à outrance. La consommation obligatoire. Et derrière la consommation, il y a le crédit. Et derrière le crédit, il y a la croissance. Et derrière le marché, il y a le droit. Et derrière le droit, et sa religion individualiste des droits de l'homme, il y a la destruction des nations, des peuples, des identités, des enracinements : « Nous savons que l'avènement de l'individu de droit menace notre existence même et notre liberté nationale. (…) Le mythe de l'autocréation de soi devient la fondation d'une religion moderne, totalitaire et intolérante, la religion des droits de l'homme qui achève de mettre à disposition de l'ordre du désir les individus délivrés de leur identité. » L'oubli des « nous » qui les ont pourtant autorisés à dire « je », comme dit Juvin dans une superbe formule.

    Là aussi, Juvin n'est pas le premier, mais on ne lui en veut pas, car son sens de la formule acerbe nous réjouit, et sa synthèse idéologique est prometteuse. Il arrache l'écologie aux Verts et n'a pas besoin de parler de Cécile Duflot pour montrer avec éclat la contradiction entre son idéologie libertaire et son hostilité au libéralisme, entre son rejet des frontières et son culte des équilibres naturels. « Le vrai sujet est l'invasion humaine de la planète, et la capacité avérée d'homo economicus, l'homme désirant sans fin, à détruire, dégrader et épuiser tout ce qui est à sa portée. »

    Juvin est une incarnation bien plus cohérente d'une sorte de souverainisme écologique qui a compris que la défense de la civilisation européenne contre la subversion migratoire venue du Sud et la lutte contre la déforestation ou l'extinction des ressources naturelles étaient un seul et même combat. Que la nation est le seul outil de la liberté politique et que la liberté politique est le seul outil de la liberté individuelle. Que « c’est la révolution conservatrice qui nous libérera de nos libérations ».

    Nous sommes sortis du slogan révolutionnaire : « La liberté ou la mort », car la Liberté nous a conduits à la mort. « Désormais les nations européennes ont pour premier ennemi le rêve universaliste européen, et qui devient cauchemar, et que réalise cette idée chrétienne devenue folle : préférer son ennemi à soi-même ! (…) (Notre seule question est désormais) la survie de la France, de l'Europe, de la civilisation de ce cap du continent eurasiatique qui s'est cru le monde, et qui l'a tenu un moment, mais qui meurt de ne savoir ses limites, ses frontières et sa clôture. (…) Les migrations de masse sont trop utiles pour détruire les États et ramener les civilisations au temps de l'esclavage. (…) Nous sommes un monde de sédentaires exploité par les nomades, auxquels la globalisation a donné les clefs. »

    Le combat entre sédentaires et nomades prend désormais une forme inédite et intense. Brexit, Trump : les sédentaires relèvent la tête. Sous le mépris et les insultes moralisatrices des nomades. Dans la confusion et l'exaspération.

    Tout cela paraît bien loin des premiers émois amoureux des années 1970. « En libérant le désir sans limites, en organisant le régime du désir comme ordre et comme religion séculière, c'est bien la disparition du monde comme monde et la disparition de l'homme comme homme qu'il entreprend. » On se sent écrasé par la logique implacable des conséquences que cette histoire a entraînées. Écrasé et coupable. 

    « Nous sommes sortis du slogan révolutionnaire  : "  La liberté ou la mort ", car la Liberté nous a conduits à la mort. »

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    Le gouvernement du désir. Hervé Juvin, Gallimard, 274 p., 22 €.

    Eric Zemmour       

     

  • BD • Le retour du capitaine perdu

     

    par CS

    Dans le premier tome, Louis Groston de Bellerive de Saint-Ange (1700-1774), dernier capitaine français en poste, devait remettre les clefs de différents forts français aux mains des Anglais. C’était là une manière de mettre un terme (physique) à la guerre de Sept ans.

    Mais fin 1765, les Français ne sont toujours pas partis. Pourtant l’accord signé avec les Anglais date de 1760. Certains chefs indiens ont signé la paix avec ces derniers mais tous ne sont pas disposés à suivre la « perfide Albion ». Même Louis de Saint-Ange doute des intentions réelles des Anglais sur leurs nouveaux fiefs.

    Il est fort peu pressé d’honorer les engagements de la reddition française. Surtout qu’il convole en justes noces avec Dimanche Manitoua, jeune femme indienne native de la province de l’Illinois…

    Ce deuxième opus invite le lecteur à s’envoler vers les belles contrées d’Amérique du Nord et du Canada à la manière d’un Jean Raspail qui nous invitait à le suivre dans le Royaume d’Auracaunie et de Patagonie avec Antoine de Tounens.

    Il est vrai qu’il a adapté les Sept cavaliers et Les Royaume de Borée du grand écrivain. Avec un sens de la mise en scène et du détail, en particulier celui des uniformes, Jean Terpant prouve qu’il compte dans le milieu du 9e art. Pour le plus grand bonheur de ses lecteurs. 

    Capitaine Perdu -Tome 2 – Jacques Terpant – Editions Glénat – 56 pages – 14,50 euros 

    Pemier tome

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  • Frédéric Rouvillois : « La politesse est une vertu nécessaire dans notre monde nombriliste »

     

    Par Alexis Feertchak

     
    A l'occasion de la sortie de son Dictionnaire nostalgique de la politesse, Frédéric Rouvillois a accordé un long entretien à Alexis Feertchak pour FigaroVox [18.11]. Historien du savoir-vivre, il y montre que la politesse est une affaire politique qui permet à la société de tenir debout. Lafautearousseau a déjà évoqué [Cf. ci-dessous] la parution du  Dictionnaire nostalgique de la politesse et dit l'attention qu'il convient d'accorder aux travaux de Frédéric Rouvillois « qui, pierre à pierre, construit une œuvre.  Une œuvre diverse et originale, toujours en lien avec le fond de notre civilisation, nos racines nationales et notre tradition monarchique. Une œuvre qui compte désormais dans notre famille de pensée, l'actualise et la fortifie ».   Lafautearousseau 
     

    Pourquoi avoir ainsi intitulé votre ouvrage ? Y a-t-il des raisons d'être nostalgique en matière de politesse ?

     

    Il se trouve que dans la politesse elle-même, il y a quelque chose qui relève nécessairement de la nostalgie parce que celle-ci nous renvoie à des us et des coutumes qui sont ceux de notre enfance, de notre jeunesse, certains qui se sont accentués, d'autres qui ont été effacés par le temps. Parler de politesse, c'est aussi parler de soi, de ses parents, de ses grands-parents, de toute une tradition qui se trouve derrière nous et d'où nous viennent nos codes de politesse. Il y a cette forme de douceur et de tendresse dans la politesse qui me semblait renvoyer à la nostalgie. C'est l'aspect le plus personnel que j'ai essayé d'instiller dans ce Dictionnaire nostalgique.

    Votre dictionnaire est aussi un livre d'histoire et de géographie. Vous évoquez la Chine impériale, l'Allemagne, les pays arabes. En montrant combien les règles de la politesse ont évolué et sont « la mesure du temps perdu », vous restez dans la nostalgie sans jamais basculer dans le désespoir du « c'était mieux avant » ...

    Le désespoir est le contraire de la nostalgie. Il y a inscrit dans la nostalgie l'idée d'un retour ou de retrouvailles, ce que ne permet pas le désespoir. Être désespéré de l'homme, c'est ne pas voir qu'il a toujours reproduit les mêmes merveilles et les mêmes crimes, les mêmes sottises et les mêmes choses admirables. L'homme poli de l'époque d'Aristote, de Cicéron ou de Saint-Augustin ressemble au fond à l'homme poli de l'époque de Louis XV ou à l'homme poli de l'époque de François Hollande. La géographie et l'histoire nous enseignent le caractère à la fois éternel et universel de la politesse, la permanence de sa nécessité, même si ses formes évoluent. Alors, elle peut être plus ou moins sophistiquée, chatoyante, complexe, byzantine, sincère, mais elle est toujours là. Comme le langage, elle est un des éléments fondamentaux des rapports sociaux, un élément sans lequel ceux-ci seraient assez rapidement condamnés à dérailler.

    Et aujourd'hui, comment notre époque regarde-t-elle la politesse ?

    La politesse connaît des hauts et des bas, mais il faut constater que l'on est plutôt dans un haut relativement à la période des années 1960 ou 1970 quand celle-ci était considérée comme ringarde, archaïque, périmée, bourgeoise, bref, réservée aux lecteurs du Figaro (rires…). Les choses ont changé positivement à partir de la fin des années 1980 et du début des années 1990. On a assisté à une espèce de renversement, qui est lié à mon sens à l'émergence de l'univers de la crise. Il y a sans doute un rapport entre la crise économique et sociale, la montée du chômage, le sentiment que la vie devient plus difficile, le sentiment que l'on a quitté les Trente glorieuses et la prise de conscience de l'utilité de la politesse. Quand tout va bien, la politesse est juste la cerise sur le gâteau. Quand les choses deviennent plus difficiles, elle reprend toute sa force et son utilité s'impose. Les gestes quotidiens de la politesse deviennent le liant de ce fameux vivre ensemble.

    La politesse est-elle donc une affaire politique ?

    Il y a d'abord une proximité dans les mots de politesse et de politique qui paraît évidente en français et dans d'autres langues. Dans les deux cas, il y a une racine qui apparaît commune - même si en fait ce n'est pas vrai - qui est celle de polis, la cité en grec, qui signifie plus largement la société, le fait d'être ensemble, d'être en relation avec autrui. Il semblerait que l'étymologie réelle de politesse viendrait de « pulizia » qui veut dire la propreté en italien. Pour autant, je suis très amateur des fausses étymologies. En l'espèce, la proximité entre politesse, politique et polissage dit beaucoup de l'objectif de la politesse, qui est précisément de fluidifier les relations au sein de la société. En polissant les rapports sociaux, elle permet qu'il y ait le moins possible de rugosité à l'intérieur de la société. Sans elle, la polis risque de basculer dans un rapport de violence verbale voire physique.

    Que répondre à ceux qui vous diront que les règles bourgeoises de la politesse sont un éloge de l'hypocrisie, qu'elles sont une sorte de paravent de l'ordre établi ?

    Mais, déjà, un paravent, ce n'est pas rien ! Ce n'est pas intrinsèquement mauvais. Certes, la politesse est effectivement une forme d'hypocrisie, mais il s'agit - si je puis le dire ainsi - d'une forme d'hypocrisie vertueuse. Ce n'est pas nouveau et nous en avons toujours eu conscience. Molière nous a tout appris sur la nature humaine dans le Misanthrope. Il nous décrit bien les limites de la politesse, de la bienséance et du savoir-vivre quand ceux-ci tombent trop évidemment dans l'hypocrisie, mais il montre également que si nous voulons être comme Alceste dans la transparence totale, nous finirons seul, loin des autres, y compris dans notre vie amoureuse. Cette hypocrisie vertueuse permet tout simplement de mettre un peu d'huile dans les rouages sociaux. Il faut savoir ne pas tout dire, sinon c'est la guerre.

    Pour qu'une société tienne debout, faut-il que ses membres partagent une certaine ressemblance dans les codes de politesse qu'ils adoptent ? En particulier, dans le cadre d'un projet politique multiculturaliste, quand les codes de politesse des différentes communautés sont extrêmement différents et sources de possibles incompréhensions, la politesse n'est-elle pas une gageure supplémentaire ?

    Vous avez certainement raison. À partir du moment où la politesse est un moyen de vivre ensemble, il y a un risque d'incompréhension des différents systèmes de politesse qui pourraient cohabiter entre eux. Si l'on a des communautés distinctes les unes des autres, qu'il existe des codes de politesse dans une communauté qui sont tout à fait dissemblables de ceux d'une autre communauté qui vit à côté, cela signifie que nous aurions un vivre ensemble à l'intérieur des communautés, mais pas entre elles. Ceci peut poser problème pour des choses extrêmement basiques. Le fait de cracher dans la rue a longtemps été considéré comme tout à fait normal, y compris en Occident. Mais, dans nos pays, cette pratique ne l'est plus depuis belle lurette alors qu'elle reste tout à fait admise dans d'autres systèmes de politesse. Pour que la politesse se constitue comme un liant au sein de la société, il faut que celle-ci soit relativement homogène ou qu'il existe de forts rapports hiérarchiques. Au 18e siècle, il n'y avait pas un seul système de politesse. Il y avait une politesse de la ville et une politesse des champs. Mais en définitive, elles n'avaient pas tellement l'occasion de se rencontrer. Les risques de friction n'étaient pas considérables. À la campagne, on se moquait éventuellement du noble qui se comportait comme à la Cour. De même, à la ville, on se moquait du paysan qui arrivait avec ses gros sabots. Dans une société urbaine comme la nôtre, où les communautés cohabitent entre elles, le risque me semble beaucoup plus grand.

    Votre dictionnaire permet de se rendre compte que les règles de politesse sont extrêmement marquées par l'altérité des sexes et la différence des âges. Avec la rupture de mai 68, la théorie du genre, le jeunisme, ces nouvelles tendances de fond n'ont-elles pas tendance à fragiliser la politesse telle qu'on la connaissait jusque-là ?

    Je dirais qu'elles ont tendance à la rendre plus compliquée et plus incertaine. Les nouveaux surgeons du féminisme radical pour lesquels la différence des sexes est purement culturelle nous expliquent que la femme est un homme comme les autres et qu'il n'y a pas lieu de la traiter autrement. En même temps, d'autres femmes considèrent dans le métro qu'il n'est pas normal que les hommes ne cèdent pas leur place aux dames. Au fond, ce discours féministe est-il vraiment une tendance lourde en dehors de certaines élites autoproclamées et de microcosmes présents dans certains centres urbains? Je ne le crois pas. Pour la plupart d'entre nous, la différence des sexes qui fait que la femme est une femme, que l'homme est un homme, subsiste. Le plus souvent d'ailleurs, la femme est assez contente qu'on lui reconnaisse un certain nombre de privilèges galants, même si l'anthropologie inégalitaire qui se développe au 19e siècle et qui consacrait cette galanterie bourgeoise n'existe plus.

    Vous parlez aussi du culte de la performance, de la vitesse, de la rationalisation… Un tel monde permet-il d'être poli ?

    C'est le problème principal qui se pose à nous aujourd'hui. Quand je pense en particulier à ce qu'a pu écrire Françoise Mélonio sur Tocqueville et la manière dont la politesse pouvait se pratiquer aux États-Unis, je me dis que la question est moins celle du rapport entre la politesse et la démocratie que celui qui s'établit entre la politesse et la modernité technicienne. Ce monde tous azimuts fait que nous n'avons plus le temps de rien, sauf de gagner de l'argent ou de gagner en efficacité. Or, la politesse est par définition quelque chose de gratuit, ce qui est incompatible avec l'idée de performance, d'efficacité et de productivité.

    La politesse est-elle vraiment un don gratuit ? N'existe-t-il pas une forme de contre-don, même implicite ?

    Il y a effectivement un contre-don qui est le remerciement de celui envers qui l'on est poli. Il existe un autre contre-don, plus subtil, qui est simplement le plaisir que l'on éprouve soi-même à tenir la porte à quelqu'un. Mais dans un système où le seul but est d'aller au plus simple, au plus utile et au plus rentable, cette idée de gratuité compensée seulement par le remerciement ou le plaisir d'être poli devient illusoire. La première caractéristique de la politesse est en effet que l'on accepte de donner du temps à autrui. Dans la civilisation pressée de Paul Morand, le temps est la chose au monde la moins bien partagée. Il y a là une vraie raison d'éprouver de la nostalgie pour la politesse qui prenait le temps de s'exprimer. Les 18e et 19e sont des siècles où les gens avaient le temps de déposer des cartes de visite, d'écrire de longues lettres terminées par des formules de politesse plus alambiquées mais aussi plus belles les unes que les autres. Cette époque-là n'est plus. Le fait d'avoir commencé mon dictionnaire nostalgique par le mot abréviation est au fond assez significatif de ce mouvement. En même temps, je remarque que revient en force l'idée que la lenteur est quelque chose d'important et qu'il y a des « limites » aux choses - pour reprendre le titre d'une jeune revue que j'aime beaucoup. Ce sont des valeurs qui sont intrinsèquement bonnes et qu'on peut essayer de retrouver. Ce sont des éléments qui font que, encore une fois, politesse pas morte !

    Le narcissisme est-il l'autre ennemi d'une politesse qui repose d'abord sur la modestie ?

    Est poli celui qui ne se met pas systématiquement en avant, celui qui ne veut pas faire son malin, celui qui est fréquemment dans l'understatement. Se prendre pour l'illustre Gaudissart de Balzac, c'est un peu le contraire de la politesse. Je remarque que, de nos jours, la vie n'est plus qu'un immense entretien d'embauche ! Voilà pourquoi, dans notre monde prosaïque et nombriliste, obsédé par l'utilité et par la vitesse, la politesse est plus que jamais nécessaire. Elle demeure l'une de ces petites vertus qui permettent de tenir debout.

    Si vous aviez un geste de politesse auquel vous teniez particulièrement, lequel serait-ce ?

    Le baisemain m'amuse beaucoup parce qu'il a volontairement un côté un peu archaïque, une illusion rétrospective qui fait que l'on croit que c'est très ancien alors qu'en réalité, la généralisation de sa pratique ne remonte qu'au début du XXe siècle seulement. Il y a une sorte d'incongruité poétique de ce geste de déférence qui m'amuse beaucoup et que l'on perçoit aussi dans la manière dont il est ressenti par la personne qui le reçoit. En matière de baisemain comme souvent quand la politesse est en jeu, l'unique certitude est que le tact doit l'emporter sur la règle et l'esprit sur la lettre. 

    Alexis Feertchak

    Dictionnaire nostalgique de la politesse, de Frédéric Rouvillois, illustré par Emmanuel Pierre, Flammarion, 420 p., 25 C. 

    Frédéric Rouvillois est écrivain et professeur agrégé de Droit public à l'Université Paris-Descartes, spécialiste du droit de l'État et d'histoire politique. Auteur de nombreux ouvrages, il a notamment publié Crime et Utopie, une nouvelle enquête sur le nazisme (éd. Flammarion, 2014) ; Être (ou ne pas être) républicain (éd. Cerf, 2015) et dernièrement La Clameur de la Terre. Les leçons politiques du Pape François (éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2016).     

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    Par Alexis Feertchak

    Une excellente recension [Figaro magazine 18.11] de ce nouvel ouvrage de Frédéric Rouvillois qui, pierre à pierre, construit une œuvre.  Une œuvre diverse et originale, toujours en lien avec le fond de notre civilisation, nos racines nationales et notre tradition monarchique. Une œuvre qui compte désormais dans notre famille de pensée, l'actualise et la fortifie.   Lafautearousseau

     

    3970853321.4.jpgParcourir les entrées du Dictionnaire nostalgique de la politesse dans le métro donne encore davantage de force au titre de ce beau livre surtout quand, bon­dés, les wagons verts deviennent le lieu de querelles peu urbaines pour trou­ver une place assise. On ne pourra alors qu'acquiescer quand Frédéric Rouvillois re­marque qu'il n'y a « rien de plus affligeant que le regard de désarroi d'un vieux monsieur à qui personne n'offre sa place dans le métro et qui hésite entre l'épuisement de la sta­tion debout et l'humiliation d'une demande qui sera peut-être refusée ».

    Le premier mérite de cet ouvrage est de rappeler que la politesse est affaire de politique, non qu'elle vous place d'un côté ou de l'autre de l'échiquier, mais, plus profondément, qu'elle constitue « le fameux "vivre-ensem­ble", ce "tissu social" si indispensable et si facile à déchirer ». Sans la civilité, les liens sociaux se délitent au point de se réduire à une lutte des uns contre les autres jusque pour les choses les plus insignifiantes. Même s'ils ne font pas l'objet de lois votées à l'Assemblée nationale ou de décrets en Conseil d'Etat, les usages de la poli­tesse assurent des fonctions sociales précises : intégration à l'intérieur d'une communauté ; distinction entre les groupes qui la composent ; hiérar­chisation entre ses membres et réso­lution des conflits qui y naissent.

     

    Son deuxième mérite est de ne pas être un dictionnaire désespéré. Si l'auteur est conscient que la politesse est la mesure du temps perdu, que Mai 68 a été une grande rupture et que la civilité ordinaire fait face à des défis considérables, il connaît trop bien les règles de la bienséance pour tomber dans le piège du « c'était mieux avant » en sachant précisément que « si certains ont toujours soupiré après le bon vieux temps, d'autres se sont toujours gaussés de ces regrets inutiles ». Car la politesse, loin d'être inscrite dans le marbre, n'a cessé de voir ses règles évoluer. Frédéric Rouvillois dresse ainsi, en plus de 400 pages, un véritable dictionnaire historique d'une vertu dont les formes ne sont ni éternelles ni uniformes.

     

    Son troisième mérite est d'être aussi un dictionnaire amou­reux. Aidé par les illustrations d'Emmanuel Pierre, le profes­seur de droit de son état présente dans une langue élégante les règles de la bienséance comme un objet de plaisir quoti­dien, loin des sanctions qui les accompagnent souvent dans l'univers enfantin. De là à jouer avec la politesse, il n'y a qu'un pas car, en la matière, « le tact doit l'emporter sur la règle et l'esprit sur la lettre ».   • 

    Dictionnaire nostalgique de la politesse, de Frédéric Rouvillois, illustré par Emmanuel Pierre, Flammarion, 420 p., 25 C. 

    Alexis Feertchak

     

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