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Idées, débats... - Page 457

  • Religion & Histoire • Camille Pascal et le roman vrai des racines chrétiennes de la France

    Le Collège des Bernardins, une merveille architecturale du 13e siècle au cœur du Quartier latin 

     

    Par Jean Sévillia 

    Une fort Intéressante recension reprise du Figaro magazine du 11 novembre, à propos d'un auteur attaché à ce que fut l'identité heureuse de la France.  LFAR

     

    2542409545.jpgLe premier choc de ce livre vient de son titre, Ainsi, Dieu choisit la France, autant que de son sous-titre qui se détache sur un bandeau rouge : La véritable histoire de la fille aînée de l'Eglise. Dieu, la France, la fille aînée de l'Eglise, voilà des mots rarement associés au sein des cercles dirigeants auxquels appartient l'auteur. Conseiller d'Etat depuis 2012, Camille Pascal a été collaborateur de plusieurs ministres, directeur de cabinet de Dominique Baudis au CSA, secrétaire général du groupe France Télévisions et enfin, de 2011 à 2012, conseiller du président de la République, Nicolas Sarkozy, pour qui il a préparé maints discours : une tranche de vie qu'il a racontée dans Scènes de la vie quotidienne à l'Elysée (Pion, 2012).

    D'où vient-il, ce fameux titre ? D'une lettre écrite par le pape Grégoire IX, en 1239, au roi Saint Louis : « Ainsi, Dieu choisit la France de préférence à toutes les autres nations de la terre pour la protection de la foi catholique et pour la défense de la liberté religieuse. Pour ce motif le royaume de France est le royaume de Dieu ; les ennemis de la France sont les ennemis du Christ. » On savait Camille Pascal catholique, mais on ne s'attendait pas à lire sous sa plume une évocation des grandes heures de la France chrétienne, et surtout pas dans le ton du catholicisme d'autrefois. Il s'en explique dans une savoureuse introduction dans laquelle il rappelle que, naguère, même l'école de la République donnait leur place aux figures de la France catholique en les laïcisant (en louant par exemple saint Vincent de Paul, le défenseur des pauvres, sans insister sur ce que son oeuvre devait à sa foi). Camille Pascal assure encore que la vocation universaliste du pays des droits de l'homme était la version profane de « la mission divine de la France ». Or de nos jours, déplore-t-il, il est devenu « presque inconvenant » de convoquer dans un cadre scolaire le souvenir de Clovis, des Croisades ou de Jeanne d'Arc. Aussi souhaite-t-il non seulement faire redécouvrir un passé qui n'est plus transmis, mais encore, lui, l'agrégé d'histoire qui a enseigné à la Sorbonne et à l'EHESS, réagir contre les milieux universitaires qu'il a côtoyés. « C'est en réaction à un demi-siècle de domination structuraliste, précise l'auteur, à ce qui m'a été enseigné pendant des années dans des sommes assommantes, lues comme autant de bibles sur les bancs de la Sorbonne, que j'ai voulu écrire ce livre. » Dans cet ouvrage, Camille Pascal, doublement provocateur, recourt en effet au récit à l'ancienne, ne méprisant pas ce qu'il nomme « les joies simples des livres d'images et de l'histoire subjective » et, exaltant les héros et les saints, s'inscrit sans complexe dans la tradition désormais vilipendée du roman national.

    Voici donc, dans un récit haut en couleur, le baptême de Clovis, le couronnement de Charlemagne, le rachat de la couronne d'épines par Saint Louis, l'affrontement entre Philippe le Bel et le pape Boniface VIII, la chevauchée victorieuse de la Pucelle d'Orléans, le fossé de sang entre catholiques et huguenots creusé par la nuit de la Saint-Barthélemy, le voeu de Louis XIII, le Concordat entre Pie VII et Bonaparte, la bataille de la loi de séparation des Eglises et l'Etat. Dans chacun de ces chapitres, menés avec brio, s'écrit une page de la longue relation de la France avec le christianisme.

    7771386819_camille-pascal-ici-a-paris-le-15-octobre-2012-a-ete-mis-en-examen-pour-favoritisme-dans-le-cadre-d-une-enquete-sur-france-tel.jpg« Ce livre est là, souligne Camille Pascal, pour rappeler que la foi en Dieu a été, pendant près de quinze siècles, le vrai moteur et la seule justification de ceux qui gouvernaient en France. » L'auteur l'analyse comme une donnée historique devant être acceptée par les non-croyants. Son ouvrage est-il pour autant un pur livre d'histoire ? Pas complètement en ce sens qu'il se joue çà et là des preuves et des sources afin de conforter la cohérence de son propos. A vrai dire, sans l'avouer, ce livre est aussi un livre d'actualité. En scrutant notre passé chrétien, en s'interrogeant sur le « destin particulier de la France », Camille Pascal, qui rappelle qu'après la Grande Guerre, « la République reste laïque, la France catholique », pose la question de savoir si l'homme peut se passer de transcendance, et si une société peut tenir ensemble sans une foi commune qui la dépasse. Au sens noble du terme, c'est une question éminemment politique. 

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    Ainsi, Dieu choisit la France, de Camille Pascal, Presses de la Renaissance, 350 p., 18 €. « Ce livre est aussi un livre d'actualité. »

  • Culture & Actualité • La France selon Tartuffe

    Raphaël Glucksmann, fils d'André Glucksmann

     

    Par Olivier Maulin 

    Raphaël Glucksmann publie un essai pour opposer sa vision de la France au « repli » qui tenterait aujourd'hui notre pays. Las, l'idéologie ne fait pas bon ménage avec l'intelligence. C'est ce qui est analysé ici avec brio par Olivier Maulin [Valeurs actuelles, 3.11]. Raphaël Glucksmann est symptomatique, emblématique, d'une pensée et d'une oligarchie qui se sentent aujourd'hui menacées par l'émergence d'une nouvelle ère, d'un nouveau cycle de l'Histoire, contraires à leurs utopies et qui, quoiqu'elles l'exercent encore très largement, redoutent la perte prochaine de leur hégémonie culturelle et idéologique. D'où, plus tard, politique. Ingénument, faussement naïf, Raphaël Glucksmann s'en alarme, s'en lamente, alerte ses semblables. On l'a même observé très agressif, jeudi dernier au soir, sur BFM-TV chez Ruth ElKrief, affronté à un Zemmour exact et impitoyable... Nous sommes en pleine actualité - pour lui très négative - et ce trop gentil jeune-homme est notre adversaire.  Lafautearousseau

     

    maxresdefault 10.jpgLes raisons d'être inquiet aujourd'hui ne manquent pas. L'immigration massive que l'on nous vend depuis trente ans comme une chance pour la France se retourne en partie contre nous ; une cinquième colonne que l'on est incapable d'évaluer a commencé de nous poignarder dans le dos ; l'évolution économique mondiale lamine notre modèle social et culturel ; l'Europe, qui était censée être notre avenir, s'avère être un ectoplasme incapable de nous protéger.

    Mais tout cela n'est que broutilles pour le jeune Raphaël, fils du philosophe André Glucksmann récemment disparu. Un an et demi après avoir publié un « manuel de lutte contre les réacs » plutôt comique, l'essayiste a en effet repéré la seule et véritable inquiétude actuelle : les maurrassiens sont en train de prendre le contrôle de l'histoire, dessinant à la France « un visage grimaçant d'angoisse et de ressentiment »... C'est pour répondre à ces bardes « sortis du néant dans lequel d'antiques trahisons les avaient relégués », manière délicate de renvoyer à Pétain ceux qui auraient l'audace de penser différemment de lui, que notre nouveau "nouveau philosophe" a pondu un livre laborieux pour rallumer la lumière et éclairer les ténèbres réactionnaires qui lentement se posent sur le pays en menaçant de l'asphyxier. Problème : loin d'être un projecteur, sa lumière est une petite loupiote qui se met très vite à clignoter et qui faute de jus finit logiquement par s'éteindre piteusement.

    Il y a au moins un point sur lequel on sera d'accord avec notre intellectuel en culottes courtes : ses idées ont bel et bien perdu la partie et ce n'est pas son livre prétentieux et bavard qui y changera quelque chose. Pour un homme de gauche habitué à arbitrer les élégances, c'est probablement un crève-coeur.

    La France de Glucksmann fils est un gag. C'est une pétition de principe, une idée pure, l'abstraction dans toute sa splendeur. La succession des travaux et des jours, l'année liturgique, les grands cycles paysans ayant marqué les paysages, les moeurs et les mentalités ? Pas un mot. Trop réel. La France est cosmopolite, universaliste, révolutionnaire et européenne. Mieux : elle l'est depuis toujours ! Elle est une promesse pour tous les hommes et en tout lieu et n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle est "déterritorialisée". Bref, cette France est davantage nichée dans la brousse du Burkina Faso ou dans le coeur d'un Érythréen que dans le fin fond de la Creuse ou dans le coeur d'un vieux Français aux pieds enfoncés dans une glaise suspecte.

    Les Français descendraient d'un voleur de poules

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    Ce bon vieux Renart (ici sur une miniature du XlVe siècle) serait la preuve,
    selon Raphaël Glucksmann, que notre identité est "trouble"...

    Sans surprise, Glucksmann déplore ainsi le manque d'ardeur de notre pays à accueillir les "réfugiés" et loue la chancelière allemande d'avoir transformé le sien en une immense journée "portes ouvertes". Loin de l'effrayer, la formule magique de la mémère (« Nous y arriverons »), qui commence à inquiéter même les plus raisonnables, est pour lui la preuve que la politique est avant tout affaire de conviction.

    L'acmé de la France de Glucksmann se situe évidemment le 26 août 1789, jour de l'adoption de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Mais à la différence de certains républicains qui la font carrément naître ce jour-là, notre historien magnanime lui reconnaît bel et bien une histoire avant la glorieuse révolution. Mais une histoire... progressiste ! Il s'enhardit en effet à fouiller notre passé lointain pour y trouver les prémices de cette France éternellement désincarnée, faisant mystérieusement appel au personnage de Renart, tiré du roman du même nom écrit aux XIIe et XIIIe siècles, en lequel il voit le « père fondateur de notre identité » et la preuve que cette identité est « trouble ». Est-ce par simple plaisir d'affirmer que les Français descendent d'un voleur de poules que notre farceur est allé chercher là sa référence arbitraire ? Nul ne le saura probablement jamais. Quoi qu'il en soit, il faudrait rappeler à notre historien de la littérature que cet amusement carnavalesque pour clercs qu'est le Roman de Renart ne va pas sans l'ordre dont ce roman s'amuse et que la culture médiévale ne connaît pas le conflit qu'il lui prête entre un idéalisme dominant et des antimodèles contestataires. Le carnaval est nécessaire à l'équilibre de la société et les deux vont ensemble : retirer l'un à l'autre pour l'ériger en modèle n'a tout simplement aucun sens.

    Mais tout est bon pour tenter de prouver que l'identité française est fluctuante de toute éternité, fondamentalement "déracinée", un mot que l'auteur affectionne. Le destin de cette France est donc de se dissoudre dans le réel pour ne demeurer qu'une idée, un phare dans la nuit, une déclaration de principe, celle-là même que l'ancienne secrétaire d'État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l'homme, Rama Yade, avait naguère fait placer dans une sonde spatiale et envoyé sans sommation dans l'espace infini, déclenchant par là même un fou rire universel.

    Estimant qu'il symbolise au mieux les "conservateurs", Glucksmann convoque également le Tartuffe de Molière sans comprendre que celui-ci a changé de camp. Le Tartuffe clame en effet aujourd'hui qu'il est un « patriote cosmopolite »; il assure la main sur le coeur qu'il est républicain mais se montre favorable au multiculturalisme; il prétend aimer la France mais la France qu'il dit aimer porte en elle son principe de destruction et ne se réalisera véritablement que dans sa complète dissolution. Le Tartuffe aujourd'hui s'appelle Glucksmann.

    IL A DIT

    « NOS PLUS GRANDS HOMMES, CEUX QUI ONT SU LE MIEUX EXPRIMER ET REPRÉSENTER L'ESPRIT FRANÇAIS, ONT TOUS FAIT L'EXPÉRIENCE DU DÉRACINEMENT. » Raphaël Glucksmann

    Olivier Maulin

     

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    Notre France, de Raphaël Glucksmann, Allary Éditions, 260 pages,18,90 €.

  • Histoire & Actualité • Une somme historique très actuelle

     

    par Claude Wallaert 

    Bernard Lugan nous propose d’explorer le panorama historique et d’actualité du Maghreb et du Machrek ; ouvrage imposant, mais d’une lecture aisée, grâce à un découpage en chapitres très clairs, des encadrés qui enrichissent le corps du texte, et l’apport bienvenu de 72 cartes en couleurs.

     

    2301381958.4.jpgCet ensemble géopolitique est pour beaucoup d’entre nous à la fois familier et assez mal connu : en effet l’Afrique du Nord a toujours fait partie du décor proche de l’Europe : au Ve siècle avant notre ère, Hérodote visitait l’Egypte, quelques siècles plus tard, la Méditerranée était un lac romain, et depuis, que de guerres, que d’invasions, que d’alliances nouées et dénouées ont attiré et maintenu notre attention ! Mais à la lecture de cet ouvrage, le lecteur découvre un écheveau d’évènements, d’hégémonies plus ou moins éphémères, de luttes indécises, d’innombrables rebondissements, qui le ramènent à une salutaire modestie !

    La complexité déroutante de cette Histoire de l’Afrique du Nord tient sans doute au fait que cette région est en réalité très disparate, avec deux pays très anciens et à forte spécificité, le Maroc et l’Egypte, qui en encadrent trois autres, de formations beaucoup plus récentes en tant que nations. Le Maroc mis à part, tous ces pays ont été à un moment ou à un autre soumis, occupés ou colonisés par les Romains, les Byzantins, les Turcs, ou les Européens.

    Le phénomène tribal, présent partout à des degrés divers, a joué et joue encore un rôle important. Presque partout, l’antagonisme arabo-berbère est un élément clé des conflits incessants qui agitent ces régions. Enfin, la foi musulmane, avec la diversité de ses sensibilités, est bien loin de constituer un facteur d’union et de stabilité, contrairement à ce qu’on pourrait penser.

    Cet ouvrage nous emmène donc des origines préhistoriques à l’actualité, de l’homo erectus au « printemps arabe » ; l’auteur ne laisse aucune question de côté, géographique, historique, économique, ethnique…Sur le plan politique, avec précision et rigueur, il fait pour nous le point sur les questions les plus controversées ou épineuses, comme la guerre d’Algérie ou encore la chute du colonel Khadafi.
    Saluons le travail de Bernard Lugan qui a réalisé là une œuvre de référence sur un sujet dont l’intérêt n’est assurément pas près de faiblir.

    Histoire de l’ Afrique du Nord, de Bernard Lugan, éditions du Rocher, 634p., 29 euros. 

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  • Quand la démographie est aussi politique : le cas de la France dans l'histoire

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

    1345578492.2.jpgLa démographie est aussi politique, et l'histoire même de notre pays le démontre à l'envi : je m'en suis rendu compte il y a quelques années déjà lorsque je travaillais un cours de Seconde qui évoquait la transition démographique en Europe. En effet, le cas français est, comme souvent, plutôt original et l'explication en est éminemment politique... 

    La France est effectivement le premier pays à entamer sa transition démographique sur le continent européen : comme d'autres, pourtant, elle a connu le radoucissement climatique après les sinistres premières années du XVIIIe siècle qui étaient aussi les dernières du règne de Louis XIV, ce roi-soleil d'un royaume qui en manqua parfois... Elle a aussi connu les progrès médicaux, l'amélioration des techniques agricoles, etc. Mais il y avait plus encore : la France était une Monarchie absolue, et son administration passait pour l'une des plus complexes en Europe, difficile équilibre entre autorité de l'Etat central et libertés des provinces et des corporations. 

    Entre 1700 et 1789, et malgré le creux démographique consécutif aux années 1708-1709, la population du royaume passa de 20 millions environ à presque 28 millions, soit une augmentation d'environ 40 % en trois générations, ce qui peut constituer, pour l'époque, une véritable explosion démographique. Ne parlait-on pas, à la veille de la Révolution, de « Chine de l'Europe » quand on évoquait la France ? Au même moment, le reste de l'Europe entame une transition que la France, déjà, aborde en sa deuxième phase. 

    Les raisons de cette précocité sont connues : d'abord, le territoire de la France n'est plus envahi de façon pérenne de 1636 à 1792, et c'est la Révolution qui va clore cette « parenthèse enchantée », parenthèse dont nous n'avons jamais plus, depuis le XVIIIe siècle, connu la même heureuse longueur... Ensuite, les voies de France sont plutôt sûres et, bien entretenues par l'impopulaire corvée royale, permettent une meilleure circulation des grains et des vivres quand la nécessité oblige à une plus grande célérité de celle-ci. Tout cela, qu'on le veuille ou non, est la conséquence de la nature de l'Etat royal français qui ne théorise pas forcément sa politique mais se doit d'être le protecteur de la population du royaume, celle-ci étant à la fois un élément important de sa puissance et de son prestige : « il n'est de richesse que d'hommes », reconnaît le légiste Jean Bodin, et l'on est bien loin du cynisme tout républicain et égalitaire du général Bonaparte devenu empereur Napoléon qui, au soir d'une bataille particulièrement sanglante, s'exclamait « Une nuit de Paris réparera cela ! »... 

    La Révolution française et l'Empire ne seront pas, effectivement, économes du sang des hommes, entre les massacres multiples sur des terres qui n'avaient pourtant plus connu la guerre depuis parfois la fin du XVe siècle et les guerres napoléoniennes qui demandaient encore et toujours plus de « matériau humain » : les morts brutales de l'époque dépassent largement le million d'âmes (certains évoquent le double), et accélèrent la deuxième phase de la transition démographique, au risque d'affaiblir le pays face aux puissances montantes de l'Europe, en particulier cette Allemagne qui n'est pas encore une mais le deviendra, en janvier 1871, sur le dos d'une France éreintée et démographiquement épuisée. 

    Il faudra attendre les premières mesures d'une politique familiale digne de ce nom, dès la fin des années trente (poursuivie par Vichy et les deux Républiques qui lui succéderont, avec des fortunes parfois diverses), pour que la France retrouve une santé démographique que la Révolution avait au mieux ébranlée, au pire durablement déstabilisée, ne serait-ce que par ses principes égalitaristes et individualistes, peu favorables au maintien d'une natalité équilibrée : les tristes événements des années quarante accéléreront, comme une réponse au malheur, le renouveau démographique qui suivra la guerre. « Mort, où est ta victoire ? », auraient pu triompher les mères de l'après-guerre ! 

    La récente baisse de la fécondité française, qui semble s'être accélérée cette année, prouve que, si la politique n'explique pas tout en démographie (ce qui est d'ailleurs fort heureux !), elle est un facteur non négligeable et sans doute déterminant dans ses évolutions : la remise en cause de certains principes anciens de la politique familiale française par les deux derniers quinquennats (M. Fillon ayant amorcé, timidement mais sûrement, un travail de sape que les gouvernements suivants ont malheureusement poursuivi et amplifié, par démagogie et radinerie) a eu des effets désastreux alors même que la France se signalait jusque là, depuis les années 2000, par une bonne santé démographique qui pouvait alléger d'autant la charge des retraites et des frais de la fin de vie... 

    Ainsi, les bonnes intuitions de la République du XXe siècle (car elle en eût quelques unes, malgré tout), ou les leçons tirées des siècles passés et de l'étude sérieuse des mécanismes démographiques, n'ont pas résisté à cette inconstance qui, essentiellement, définit la République des quinquennats. On peut le regretter, mais ce n'est pas, disons-le, suffisant ! 

    Inscrire une politique familiale dans la longue durée impose, désormais et aujourd'hui peut-être plus encore qu'hier, un Etat qui, lui-même, s'enracine dans le temps long, non d'une seule, mais de dix, de vingt générations... Un Etat qui, lui-même, s'inspire de la nature familiale, de cette suite que l'on nomme lignée ou dynastie : il n'en est qu'un, qui a marqué notre histoire et notre territoire sur tant de siècles, et il est royal... 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Un triste sire a encore frappé : François Reynaert vient de déverser sur Maurras sa haine et son inculture

     

    Mur-bleu gds.jpgJamais deux sans trois, selon le dicton. Nous avions déjà épinglé, par deux fois, le 5 mai 2011 et le 13 septembre 2013*, les stupéfiants mensonges de François Reynaert, sa propension inouïe à déformer et truquer l'Histoire, sa mauvaise foi abyssale.

    Nous sommes revenus, dimanche, sur le personnage, pour lui asséner un troisième « pan sur le bec », bien mérité après ses propos sur Maurras, qui ne discréditent et ne disqualifient que lui. Dans l'actuel jargon des journaleux bobos-gauchos, on dirait de ses propos qu'ils sont « nauséabonds », « stigmatisants », voire « glaçants », qu'il s'agit d'un dérapage. Mais, là, il s'agit d'un dé-constructeur de la vérité historique, de notre Histoire, de nos racines.

    Le pire est qu'il est content de lui, le pseudo historien mais vrai menteur François Raynaert, toujours en train de rigoler, un peu comme - toutes proportions gardées - un Laurent Ruquier ; ravi de ses blagues qui ne font rire que lui et ses acolytes, réunis pour ça, et qui sont persuadés, comme lui, dans leur bulle télévisuelle, qu'ils sont le centre du monde. 

    Nous avons pointé, ce dimanche, les mensonges sur Charles Maurras de cet « ennemi déterminé et déguelasse », comme le désigne un commentaire de Pierre Builly.

    Mais, le hasard voulant que jeudi dernier (le 3 novembre) la chaîne 23 de la TNT ait diffusé L'Ombre d'un doute, de Franck Ferrand, Fallait-il condamner Marie-Antoinette ? nous reviendrons sur un autre sujet d’opposition frontale avec François Reynaert, celui de notre note la plus lointaine (celle du 5 mai 2011) : qui a trahi la France ?

    Et, Franck Ferrand le montre bien dans son émission, c'est la déclaration de guerre à l'Autriche, en 1792, qui est au centre de tout. Et qui condamne notre Système actuel, qui se fonde sur la révolution de 1789, comme le stipule le court et néfaste préambule de notre Constitution.

    La vérité vraie, pas la vérité officielle réécrite par François Reynaert, est claire et limpide. Avant même d'exister, la Révolution et la République ont été pensées et voulues en intelligence avec l'ennemi : à savoir, la Prusse. La Royauté française, après une longue lutte de deux siècles contre la Maison d'Autriche, commencée dans les années 1500 entre François premier et Charles Quint, avait remporté la victoire. Le moment était venu de s'allier à l'ennemi d'hier vaincu - l'Autriche - pour combattre le nouvel ennemi, dont l'émergence avait assombri les dernières années du règne de Louis XIV, assailli de sombres pressentiments qui, malheureusement, ne le trompaient pas. 

    Cela, la royauté française, progressiste au vrai sens du terme, l'avait bien compris, et Louis XV, avec raison, procéda au renversement des alliances : France et Autriche contre Prusse. Mais les philosophes, malgré leur intelligence, raisonnèrent au passé prolongé, et ne comprirent pas ce progressisme ; ils furent rétrogrades et passéistes, admirèrent la Prusse. Cette prussophilie - véritable « intelligence avec l'ennemi » - durera jusqu'au réveil brutal de 1870, et même encore après, pour certains. 

    On l'a bien vu, ce jeudi, avec Franck Ferrand : c'est en forçant Louis XVI à déclarer une guerre à laquelle il ne pouvait que s'opposer; un Louis XVI qui n'avait plus le pouvoir, et presque plus de pouvoir - par sa faute - que la révolution a pu triompher, la royauté être abolie et la république être instaurée : car les révolutionnaires mettaient ainsi le roi en contradiction frontale avec les exaltations suicidaires d'une opinion publique trompée, et peu compétente en matière de politique extérieure.

    Oui : Encyclopédistes, révolution, républiques et empires n'ont été possibles - et n'ont mené de politique - qu'en intelligence avec l'ennemi, en trahissant les intérêts supérieurs de la Nation française.

    Que cela plaise ou non au pseudo-historien mais vrai désinformateur François Reynaert, apôtre aveugle et sourd d'un Régime, d'un Système nés de la trahison des intérêts supérieurs de la Nation... 

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  • Histoire • Michel De Jaeghere par Mathieu Bock-Côté : un historien méditatif vu du Québec

     

    Par Mathieu Bock-Côté           

    A quoi sert l'histoire ? s'interroge Michel De Jaeghere dans La Compagnie des ombres. Le sociologue québécois Mathieu Bock-Côté a lu le dernier essai du directeur du Figaro Histoire, une méditation autour de la permanence de l'homme à travers les siècles. Et il en tire lui-même une ample méditation d'où ni le legs de l'Histoire, ni le tragique de notre condition et de notre actualité ne sont absents. Mathieu Bock-Côté, parce qu'il nous paraît être, au sens de Baudelaire ou d'Edgar Poe, un antimoderne, nous est absolument proche.  LFAR 

     

    3222752275.jpgJournaliste de profession et historien de vocation, Michel De Jaeghere est une des plus belles plumes de la presse française. Auteur de nombreux ouvrages, parmi ceux-là, Enquête sur la christianophobie, La repentance, et plus récemment, du magistral Les derniers jours, qui revenait sur la chute de l'empire romain d'Occident, le directeur du Figaro-Histoire nous propose, avec La compagnie des ombres (éd. Belles Lettres, 2016), une méditation d'une érudition exceptionnelle sur un thème qui, manifestement, l'habite : à quoi sert l'histoire ? Au-delà de la simple passion encyclopédique qui pousse l'homme à accumuler les connaissances, que cherche-t-il en se tournant vers les époques passées, qu'elles soient très éloignées ou non dans le temps ? Qu'est-ce qui le pousse, inlassablement, vers des temps révolus qu'il ne connaîtra jamais que grâce au travail de son imagination ?

    Michel De Jaeghere nous souffle la réponse dès le début de l'ouvrage mais il y reviendra sur 400 pages : l'histoire nous « fait lever des ombres venues de la profondeur des âges pour nous faire partager les leçons tirées de la pratique de notre condition » et nous permet « d'enrichir nos âmes blessées au milieu des vivants par un fructueux colloque en compagnie des ombres » (p.18). Mais cela implique de reconnaître une chose : d'un siècle à l'autre, l'homme demeure le même, même si chaque époque ne cultive pas les mêmes passions ou les mêmes facettes de l'âme humaine. Il y a une telle chose que la permanence de l'homme, quoi qu'en pensent les modernes. L'histoire est un réservoir d'exemples : elle montre à l'humanité ses grandeurs et ses misères et l'homme d'État, quoi qu'on en pense, ne maîtrisera jamais l'art de gouverner s'il ne sait pas entretenir un riche dialogue avec ceux qui se sont posé des questions semblables aux siennes. Quant au philosophe, quelle sera la valeur de son œuvre, s'il s'imagine ne rien devoir à la grande enquête qu'il reprend à son tour ?

    Dans la première partie, consacrée à « la profondeur des âges », Michel De Jaeghere revient sur le monde antique, qu'il s'agisse de l'Égypte, du peuple juif, de la Grèce ou de Rome. Ces vieilles civilisations nous fascinent encore et on sait que Michel De Jaeghere a longuement médité sur le destin de la dernière, qu'on croyait éternelle et qui finalement, ne l'était pas. C'était longtemps la grande question des historiens : comment expliquer la grandeur et le déclin des civilisations ? Les choses humaines sont appelées à périr, même les plus belles, même si elles peuvent atteindre la relative immortalité qui vient avec leur remémoration. Autrement dit, à travers des formes historiques périssables, l'homme peut toucher certaines aspirations éternelles. Si une civilisation dure, nous dit-il, c'est parce qu'elle s'ouvre à certaines vérités éternelles qu'elle sait contempler. Cela, les Anciens le savaient, nous dit Michel De Jaeghere. Il n'en demeure pas moins qu'il y a là une réalité tragique : les hommes s'attachent à des réalités passagères, qu'ils voudraient immortaliser, et pour lesquelles ils sont prêts à donner leur vie, tout en sachant que le temps réduira à rien l'objet de leur sacrifice.

    La chute de Rome obsède les hommes depuis toujours et ils ne cessent de se tourner vers ses causes pour comprendre le sort qui attend la leur. Que se passe-t-il quand un empire ne parvient plus à défendre ses frontières et tolère que des peuples s'installent chez lui sans s'assimiler à la civilisation qu'ils rejoignent ? Michel De Jaeghere, à sa manière, renouvelle notre rapport aux invasions barbares. Les barbares avaient beau s'installer dans l'empire pour des raisons humanitaires, ils n'en demeuraient pas moins des envahisseurs. D'ailleurs, c'est un des charmes de ce livre : si à plusieurs reprises, en lisant un chapitre, on est frappé par la ressemblance entre une époque et une autre, jamais Michel De Jaeghere ne pousse la comparaison jusqu'à dissoudre la singularité de chacune : la permanence de la condition humaine n'est pas simplement l'éternel retour du même. Deux situations semblables ne sont pas deux situations identiques. L'homme tel que le peint Michel De Jaeghere est libre, même s'il n'est pas tout puissant. Il peut faire dévier le cours des événements : il y a un « prix à payer pour la défaillance des volontés humaines » (p.72). Si on étudiait encore la biographie des grands hommes, on le saurait. On ne se surprendra pas que Michel De Jaeghere nous y invite.

    Les civilisations meurent, mais d'autres naissent, comme le démontre éloquemment Michel De Jaeghere, dans la partie consacrée à « l'invention de l'Occident ». Évidemment, une civilisation naît dans la douleur, et par définition, pourrait-on dire, dans des temps sombres. La chute de Rome a créé les conditions d'un retour à la barbarie mais son souvenir a permis la naissance d'un nouveau monde, qui trouvera son « unité spirituelle » (p.124) dans le christianisme, notamment grâce à l'œuvre de Charlemagne. La leçon est forte : une civilisation qui ne s'ouvre pas à sa manière à la transcendance n'en est pas une. Un monde qui arrache ses racines et se ferme au ciel n'est pas un monde, mais un néant qui broie l'âme humaine. À plusieurs reprises, Michel De Jaeghere y revient : la civilisation européenne, et plus particulièrement, la nation française, sont indissociables de la religion chrétienne.

    L'histoire a longtemps été liée à l'art du gouvernement. Machiavel avait relu Tite-Live pour en tirer une philosophie politique faite d'exemples à méditer. La compagnie des ombres s'inscrit à cette école, principalement dans la section consacrée aux « grands siècles ». On sent une tristesse chez Michel De Jaeghere : en passant d'Aristote à Machiavel, la politique moderne aurait renoncé à la quête du bien commun pour devenir une pure technique de domination (p. 176-179). La modernité marque l'avènement de la rationalité instrumentale. Mais la cité risque alors de mutiler l'homme, en renonçant à l'élever, à cultiver sa meilleure part. Disons le autrement : la cité a quelque chose à voir avec l'âme humaine et le fait de former une communauté politique traversée par l'élan du bien commun permet à un groupe humain de se civiliser en profondeur. La philosophie politique de Michel De Jaeghere croise ici celle d'un Pierre Manent, qui demeure lui aussi attaché à une forme d'aristotélisme politique.

    De quelle manière gouverner les hommes ? En acceptant qu'ils ne sont ni anges, ni démons, et que la civilisation est d'abord une œuvre de refoulement de la barbarie. On aime chanter aujourd'hui les temps révolutionnaires : l'homme s'y serait régénéré en devenant maître de sa destinée. Après Soljenitsyne, Michel De Jaeghere nous met en garde contre cette illusion en revenant notamment sur les pages les plus sombres de la Révolution française : lorsqu'on fait tomber les digues qui contenaient les passions humaines les plus brutales et que le « fond de barbarie remonte » (p.221) au cœur de la cité. L'homme décivilisé n'est pas joyeusement spontané mais terriblement brutal. En fait, délivré de la culture, il s'ensauvage. Et il arrive aussi que le mal radical surgisse dans l'histoire, broie les hommes et pulvérise les peuples. Le vingtième siècle fut un siècle diabolique, qui a dévoré l'homme, le nazisme et le communisme étant chacun monstrueux et meurtriers.

    Historien méditatif, Michel De Jaeghere, disions-nous. On pourrait aussi dire de l'histoire méditative qu'il s'agit d'une histoire philosophique, qui entend retenir quelques leçons. J'en retiens une particulièrement : une cité n'en est pas vraiment une si elle ne se présente pas comme la gardienne de quelque chose de plus grand qu'elle, si elle ne cherche pas à exprimer une culture touchant aux aspirations fondamentales de l'âme humaine. Il nous parle ainsi de « l'incroyable capacité de résistance que peut avoir la culture lorsqu'elle est enracinée dans l'âme d'un peuple, lorsqu'elle est parvenue à une maturité qui lui donne d'atteindre à l'expression de la beauté avec une efficacité singulière » (p.29). Un peuple peut mourir politiquement. Il pourra renaître s'il n'a pas renié son âme, nous dit Michel De Jaeghere, en prenant l'exemple du peuple juif, qui a survécu à sa disparition politique et à sa dispersion il y a deux mille ans en se consacrant « à l'étude de la Torah, à l'observation des commandements et au recueil de la tradition orale, afin de maintenir la pérennité de la culture juive à travers les siècles » (p.83).

    Michel De Jaeghere comprend bien que l'homme ne comprendra jamais parfaitement le monde dans lequel il vit, que celui-ci n'est pas et ne sera jamais transparent. Le rationalisme militant des modernes prétend expliquer le monde mais l'assèche. Ils ont oublié la sagesse des Grecs qui « avaient compris que le mystère de la condition humaine laissait place à des questions auxquelles la réponse ne pouvait être donnée que sous le voile du mythe » (p.35). Que serait le travail de l'historien sans l'art de la métaphore, sans l'art du récit ? Il n'y a pas de transparence absolue du social, et une société n'est pas qu'un contrat rationnel à généraliser à l'ensemble des rapports sociaux. Son origine demeure toujours un peu mystérieuse, ce qui explique peut-être qu'on puisse toujours y revenir pour chercher à la comprendre et y trouver quelque inspiration.

    Le crépuscule des ombres est un livre splendide qui invite à considérer l'homme dans sa grandeur propre, en ne cherchant plus à le réduire à ses petits travers quotidiens. C'est un grand bonheur que d'admirer ceux qui sont dignes d'admiration. En creux, on y retrouvera aussi une critique aussi sévère que nécessaire de la stupide ingratitude des modernes, qui se croient appelés à dissoudre le monde pour le recommencer à leurs conditions et le formater idéologiquement. La modernité laissée à elle-même veut abolir l'ancienne humanité pour en faire naître une autre, délivrée de ses vieilles entraves, à partir du vide. En cela, il y a une barbarie moderne qui s'alimente d'un fantasme d'autoengendrement qui pousse l'homme à détruire l'héritage. Il ne s'agit pas, dès lors, de se tourner vers le passé pour se réfugier dans un musée, mais pour découvrir les invariants, les permanences, et peut-être surtout, les questions existentielles que l'homme ne peut esquiver sans finalement se déshumaniser. 

    « De quelle manière gouverner les hommes ? En acceptant qu'ils ne sont ni anges, ni démons, et que la civilisation est d'abord une œuvre de refoulement de la barbarie. »

    Michel De Jaeghere, La Compagnie des ombres. À quoi sert l'histoire?, éd. Les Belles Lettres, 2016. 

    Mathieu Bock-Côté 

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.

  • Art de vivre • Le petit bistrot sur la place de l’église

     

    par Bernard Leconte 
     

    L’autre année, par un mois d’octobre caniculaire, j’étais allé me promener dans la forêt de Compiègne. J’avais très soif. Je me dis : « Ce n’est rien. Il y a un café à Ermenonville ». Ce café était fermé. Je me dis : « Ce n’est rien. Il ne manque pas de villages sur ma route ». Dans chaque village, le café était fermé, ou il n’y en avait plus du tout. Ce n’est qu’à Senlis que je pus éviter in extremis un malaise odieux dû à une déshydratation poussée.

    Cette absence de cafés dans les villages a beaucoup de bon. Cela réduit considérablement l’alcoolisme public. On y gagne en silence. Autrefois, dans des villages où on pouvait aller jusqu’à quatre ou cinq établissements de boissons, on devait à l’abord de ces établissements-là slalomer difficilement entre des gens qui en sortaient en titubant, en chutant et en vociférant des gros mots. Il arrivait que dans ces établissements on chantât et même on braillât. Quand vous vous y installiez, bientôt de nouveaux assoiffés survenaient et s’empressaient de vous serrer la pogne avec leurs mains pleines de bouse.

    C’était peu hygiénique. D’ailleurs, la patronne n’était pas toujours très propre sur elle. Les verres dans lesquels elle versait différentes sortes de liquides étaient à peine rincés, quelquefois ils ne l’étaient pas du tout. Les miroirs étaient couverts de chiures de mouche. Les chaises en bois dont le siège, en bois mince lui aussi, était orné de motifs faux Henri II aux trois quarts effacés par le frottement de postérieurs rustauds, pouvaient être bancales et grinçaient sur un plancher où les crachats se mêlaient à la sciure. Ces établissements grouillaient de monde, on y rigolait grassement, on y calomniait son voisin avec entrain, on y colportait avec naïveté les plus délirantes rumeurs.

    C’était, comme on dit maintenant, des lieux de convivialité, mais d’une convivialité grossière. Aujourd’hui, plus de tout ça. Les gens ne se voient plus, ne se parlent plus, ils sont au travail sur leur tracteur qui fait un bruit admirable, ou devant leur ordinateur pour apprécier leur déficit, ou devant leur téléviseur où ils s’instruisent grâce à des séries américaines. Ils s’enivrent chez eux tout seuls et deviennent « addicts » sans que le voisin le sache. Voilà de la pudeur. Le soir, plus aucun bruit, le village est aseptisé et comme mort.   

     
  • Idées • Eric Zemmour : « L'homme qui n'aimait pas notre Révolution »

     

    Par Eric Zemmour

    Une réédition remarquable du classique de Burke. Depuis deux siècles, les droits de l'homme sont devenus  notre religion. Pour le meilleur et pour le pire. Surtout pour le pire, d'ailleurs, comme on le voit aujourd'hui. Deux remarques à propos de cette brillante recension d'Eric Zemmour [Figarovox - 2.11]. La première est que le terme conservateur - que revendiquent très couramment les intellectuels appelés souvent néo-réacs - n'a plus le sens péjoratif qu'il avait jadis dans les milieux royalistes ou patriotes (« c'est un mot qui commence mal ...»), il ne se rattache plus à l'idéologie libérale ou bourgeoise de la droite parlementaire, il signifie plutôt attachement à ce que nous aurions appelé en un temps, au sens profond, la Tradition.  A conserver ou à retrouver. Notre seconde remarque est une réserve lorsque Zemmour écrit que « les libertés anciennes ont été détruites en France par la monarchie elle-même ». Ce qu'il peut y avoir de vrai dans cette affirmation doit, selon nous, être fortement relativisé : rien de comparable entre les libertés anciennes que la monarchie a pu détruire et l'œuvre du rouleau compresseur idéologique du jacobinisme révolutionnaire encore à l'œuvre aujourd'hui. Les plus ultras partisans de la décentralisation et des libertés se satisferaient volontiers aujourd'hui des libertés de toutes sortes dont était toujours hérissée la France à la veille de la Révolution.  Lafautearousseau    

     

    522209694.4.jpgC'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes ; dans les grands textes du passé qu'on comprend le mieux la situation politique contemporaine. La dernière réédition du classique Réflexions sur la Révolution en France d'Edmund Burke l'atteste une nouvelle fois avec éclat. Il faut dire que le travail éditorial est admirable : préface brillante de Philippe Raynaud ; appareil critique exhaustif et passionnant ; sans oublier divers discours ou lettres de Burke qui attestent que, jusqu'à sa mort en 1797, celui-ci n'a jamais cessé de ferrailler contre notre Révolution.

    On se souvient de la thèse de Burke : les « droits de l'homme » n'existent pas ; il ne connaît que les « droits des Anglais ». On songe aussitôt à Joseph de Maistre, qui, lui non plus, n'avait jamais rencontré d'« hommes », mais des Italiens, des Russes et même, grâce à Montesquieu, des Persans. Ce ne sera pas la seule fois que le libéral conservateur anglais se retrouve sur la même ligne que le réactionnaire savoyard. Pas la seule fois qu'il inspirera tous les conservateurs avec son éloge chaleureux des « préjugés ».

    Pour Burke, les libertés sont un héritage, un patrimoine hérité de ses ancêtres. De sa tradition et de son Histoire. Burke est le premier à prendre « la défense de l'Histoire contre le projet révolutionnaire de reconstruction consciente de l'ordre social », nous explique notre préfacier didactique. Cette querelle dure jusqu'à nous. Nous vivons encore sous l'emprise de ces révolutionnaires qui ne se lassent jamais de « faire table rase du passé », pour qui tout est artificiel, tout peut être construit par volonté et par contrat, même la nation, même la famille, jusqu'au choix de son sexe désormais.

    Burke comprend tout de suite les potentialités tyranniques du nouveau quadrilatère sacré des concepts à majuscule : « Philosophie, Lumières, Liberté, Droits de l'Homme » ; et les violences de la Terreur qui s'annoncent, « conséquences nécessaires de ces triomphes des Droits de l'Homme, où se perd tout sentiment naturel du bien et du mal ». Burke tire le portrait, deux siècles avant, de nos élites bien-pensantes contemporaines qui n'ont que le mot « République » à la bouche, pour mieux effacer la France : « Chez eux, le patriotisme commence et finit avec le système politique qui s'accorde avec leur opinion du moment » ; et de ces laïcards qui réservent toute leur fureur iconoclaste au catholicisme, quel qu'en soit le prix à payer : « Le service de l'État n'était qu'un prétexte pour détruire l'Église. Et si, pour arriver à détruire l'Église, il fallait passer par la destruction du pays, on n'allait pas s'en faire un scrupule. Aussi l'a-t-on bel et bien détruit. »

    Burke est le père spirituel de tous les penseurs antitotalitaires du XXe siècle, en ayant pressenti que les hommes abstraits des « droits de l'homme » désaffiliés, déracinés, arrachés à leur foi et à leur terre, hommes sans qualités chers à Musil, seraient une proie facile des machines totalitaires du XXe siècle.

    Mais Burke, avec son œil d'aigle et sa prose élégante, est aussi passionnant par ses contradictions et ses limites. Burke parle d'abord aux Anglais de son temps. Il n'est pas un conservateur comme les autres. Il a pris le parti des « Insurgents » américains contre l'Empire britannique. C'est un libéral qui croit en une société des talents et des mérites. Mais il combat ses propres amis qui soutiennent les révolutionnaires français au nom d'une démocratisation des institutions anglaises. Burke se fait le chantre des inégalités sociales et rejette la conception rousseauiste de la participation des citoyens au pouvoir. Il n'est pas républicain ; il n'admet pas que la souveraineté nationale assure la liberté des citoyens. Il donne raison à Napoléon, qui écrira dans quelques années à Talleyrand : « La Constitution anglaise n'est qu'une charte de privilèges. C'est un plafond tout en noir, mais brodé d'or. »

    Il décèle avec une rare finesse l'alliance subversive entre gens d'argent et gens de lettres, qui renversera en France l'aristocratie d'épée et l'Église. Burke a déjà deviné ce que Balzac décrira. Mais il faut, à la manière des marxistes d'antan, lui rendre la pareille : Burke est l'homme de l'aristocratie terrienne anglaise qui s'est lancée dans l'industrie au XVIIIe siècle et entend bien soumettre politiquement les classes populaires pour permettre les conditions de « l'accumulation capitaliste ». Il défend une authentique position de classe. Mais sa position de classe donnera la victoire à l'Angleterre dans la lutte pour la domination mondiale.

    Burke est un conservateur libéral ; il accepte l'arbitrage suprême du marché ; il est proche d'Adam Smith et est le maître de Hayek. Mais comme tous les conservateurs, son éloge nostalgique de « l'âge de la chevalerie », de « l'esprit de noblesse et de religion », son émotion devant les charmes de Marie-Antoinette seront emportés comme fétu de paille par la férocité du marché, ce que Marx appelait « les eaux glacées du calcul égoïste ». Il ne veut pas voir ce que Schumpeter reconnaîtra : le capitalisme détruit « non seulement les arrières qui gênaient ses progrès, mais encore les arcs-boutants qui l'empêchaient de s'effondrer ».

    Burke est anglais et sa réponse est anglaise. Mais la Révolution de 1789 est française. La monarchie anglaise n'a pas eu la même histoire que la monarchie française. Les libertés anciennes ont été détruites en France par la monarchie elle-même. D'abord pour émanciper le roi de l'Église et des féodaux, puis, pour arracher le pays aux guerres de Religion. La Glorious Revolution de 1688 s'est faite au nom de la religion protestante et de la défense des libertés aristocratiques.

    Deux histoires, deux conceptions de la liberté. Mais Burke préfigure et annonce le sempiternel regret des libéraux français et de toutes nos élites depuis deux siècles : que la France ne soit pas l'Angleterre. Ce regret n'a jamais été consolé ni pardonné: après avoir tenté pendant deux siècles de corriger le peuple de ses défauts ; après s'être efforcées de l'angliciser, de l'américaniser, de le « protestantiser », les élites hexagonales ont fini par abandonner le peuple français à son indécrottable sort « franchouillard » et le jeter par-dessus bord de l'Histoire. Au nom de l'universalisme et des droits de l'homme. Burke avait eu raison de se méfier. 

    Réflexions sur la révolution en France. Edmund Burke, Les Belles Lettres, 777 p., 17 €.

    Eric Zemmour           

  • Société • Grandeur et décadence des nouveaux enfants du siècle Dernier inventaire générationnel avant liquidation

    Zemmour et Michéa par Hannah Assouline. Abu-Bakr Al-Baghdadi; Sipa

     

    Par Théophane Le Méné

    Dans « Les nouveaux enfants du siècle », le journaliste Alexandre Devecchio ausculte les trois facettes d'une génération radicale révoltée contre la fin de l'Histoire : souverainiste, identitaire et... djihadiste. Passionnant. Ainsi, la réflexion de Théophane Le Méné [Causeur - 4.11] nous a vivement intéressés. Toutefois, s'agissant de « la réconciliation de la nation et de la République », nous dirons franchement que nous n'en voyons pas trace. Et qu'elle ne nous paraît nullement souhaitable. Nous dirions plutôt : « la réconciliation de la nation avec elle-même ». Ce qui, nous semble-t-il,  aurait une tout autre portée.  Lafautearousseau
     

     

    1903675662.2.jpg« Nous sommes les enfants de personne » assenait il y a quelques années Jacques de Guillebon dans un livre qui se faisait fort de dénoncer le refus d’une génération de transmettre à l’autre l’héritage culturel et spirituel de notre civilisation, préférant se vautrer dans le relativisme et l’adulation de la transgression. Douze ans ont passé. Et de ce reproche, il n’y malheureusement rien à redire. Mais il y a à ajouter. Car la France a vu ressurgir les faits sociaux quand ce n’était pas la barbarie ; et c’est précisément à partir de ce postulat que le brillant journaliste et désormais essayiste Alexandre Devecchio a enquêté avec une rigueur qu’il convient de saluer.

    Génération radicale

    Lorsqu’on n’a plus de repères, et a fortiori de pères, certaines figures putatives viennent naturellement combler ce vide dont nous avons horreur. Car plutôt que de se désoler d’une filiation disparue, pourquoi ne pas s’en inventer une à travers certains hérauts qui, depuis quelques années, de manière différente et plus ou moins controversée, n’ont jamais accepté l’empire du bien auquel a succédé l’empire du rien ? C’est ainsi que toute une génération, sur le même constat d’une civilisation dévastée, se retrouve désormais au carrefour tragique d’une certaine radicalité d’où partent en étoile des destins.

    Il y a la génération Dieudonné. L’humoriste fut nourri au lait de l’antiracisme en même temps qu’on le sommait – comme à tant d’autres – d’exacerber son identité. Quelques années plus tard, le voilà désormais à souhaiter le déclin de la France tout en célébrant l’antisémitisme et en mettant à l’honneur une jeunesse de banlieue, pour la plupart désœuvrée, essentiellement issue de l’immigration maghrébine. Cette jeunesse souvent ignorante, en mal d’espérance n’est ni Charlie ni Paris, ni Cabu ni Hamel ; en réalité elle ne se veut rien qui pourrait la confondre avec ce qui, paradoxalement ou non, fait la France. Ce n’est pas le social, ni une quelconque politique de la ville qui motive son combat. En quête d’un grand récit, d’une épopée, d’une mystique, d’un combat métapolitique, elle se voue à l’islamisme et à ses formes étatiques car « pour ces enfants du siècle, le djihadisme constitue la réponse rivale maximale au vide métaphysique de l’Europe, une manière de dire non à la fin de l’histoire. »

    Zemmour et Michéa

    La génération Zemmour est assurément de l’autre bord. L’auteur du « Suicide français » a su cristalliser les angoisses de ceux qu’Aymeric Patricot a osé appeler « les petits blancs » ; de ceux que Bernard Henri Lévy jugeaient odieux parce qu’ils étaient « terroirs, binious, franchouillards ou cocardiers ». De condition modeste, frappée du mal de l’identité malheureuse, ayant le sentiment d’avoir été dépossédée par l’Europe, l’immigration, le marché et la mondialisation, cette jeunesse reconnaît à Eric Zemmour de savoir mettre des mots sur les maux, sans faux-semblant, avec intelligence et une certaine aura. Elle ne supporte plus les accusations lancinantes d’une élite déconnectée qui se targue détester les siens et s’aime d’aimer les autres. Et semble appeler de ses vœux une révolution conservatrice tout en vibrant au discours d’une Marion Maréchal-Le Pen à la Sainte-Baume : « Nous sommes la contre-génération 68. Nous voulons des principes, des valeurs, nous voulons des maîtres à suivre, nous voulons aussi un Dieu ».

     

    La génération Michéa est sans aucun doute la plus complexe. Elle doit au philosophe d’avoir théorisé à travers de nombreux ouvrages l’alliance objective du libéralisme et du libertarisme et d’avoir exposé les conséquences d’un Etat libéral philosophiquement vide, qui laisse le marché remplir les pages laissées en blanc, tout en instillant sa morale aux hommes. Pour la plupart issus des rangs de la Manif pour Tous, hier enfants de bourgeois, ces jeunes sont devenus l’armée de réserve d’un combat culturel qui ne dit pas encore son nom. Ils ne veulent plus jouir sans entraves ; ils ne veulent plus de ce marketing agressif, de ce déracinement identitaire, de ce décérébrage médiatique, de ce relativisme moral, de cette misère spirituelle, de ce fantasme de l’homme autoconstruit. Face à ce système déshumanisant, l’écologie intégrale qu’ils proposent offre une alternative radicale: moins mais mieux! Indissolublement humaine et environnementale, éthique et politique, elle considère la personne non pas comme un consommateur ou une machine, mais comme un être relationnel qui ne saurait trouver son épanouissement hors-sol, c’est-à-dire sans vivre harmonieusement avec son milieu, social et naturel. Dans la conception de leur principe, l’écologie intégrale ne sacralise pas l’humain au détriment de la nature, ni la nature au détriment de l’humain, mais pense leur interaction féconde.

    Entre ces trois jeunesses rebelles, la conjonction est improbable, mais l’affrontement est-il impossible, interroge l’auteur ? « Le fait est que, aujourd’hui, ces trois jeunesses se regardent en chien de faïence. Si elles venaient à s’affronter, ce serait parce que, plus largement serait advenu la guerre de tous contre tous ». Depuis plusieurs années le tocsin sonne. Pour répondre à ce défi, le journaliste veut voir quelques prémisses : le retour d’un grand récit national, la fin du multiculturalisme en même temps que de l’uniformisation planétaire, l’assimilation, la réconciliation de la nation et de la République. « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » disait le poète Hölderlin. Alexandre Devecchio n’affirme pas autre chose lorsqu’il déclare: « Si le pire n’est pas certain, c’est aux enfants du siècle, et sans doute grâce à leur esprit insurrectionnel que viendra sublimer quelque miraculeuse inspiration, que nous devrons de l’avoir conjuré ». Dieu, s’il existe dans ce nouveau siècle, veuille qu’il ait raison.   

    Théophane Le Méné

  • BD • Hyver 1709

     

    par CS

     

    Il n’y avait pas, en janvier 1709, de bulletins ni de prévisions météorologiques.  Mais dans la mémoire collective, cet hiver-là reste marqué au fer blanc comme « Le Grand Hyver ». Des relevés de températures relevèrent néanmoins – 25°C à Paris, -20,5°C à Bordeaux et -17°C à Montpellier. On rapporta aussi que la Seine gela progressivement et que la mer elle-même commençait à geler sur plusieurs kilomètres de largeur… A cette époque, Le ravitaillement en céréales devient un enjeu majeur pour le pouvoir, qu’il s’agisse de limiter les souffrances de la population, ou de soutenir l’effort de guerre. Un aventurier nommé Loys Rohan approche alors la cour avec la possibilité d’acheter une énorme cargaison de céréales prises à l’adversaire par un pirate sans attaches. Il se fait fort de localiser le lieu de débarquement du précieux butin, s’il obtient le laisser-passer et le feu vert sonnant et trébuchant de Versailles. Il faut localiser la cargaison de blé providentielle. Mais les Anglais et d’autres ennemis sont également sur cette piste. Loys Rohan traque Valescure qui, par l’intermédiaire de son prisonnier, un nommé Ravel, détient deux sacoches. Ces dernières contiennent les repères géographiques du navire. Ravel qui travaille pour les Hollandais veut envoyer le bateau et sa cargaison par le fond. Valescure veut, lui, récupérer la marchandise et la moyenner beaucoup plus cher… Loys Rohan a fort à faire pour retrouver la piste des deux hommes, échapper aux chausse-trappes qui rythment sa quête et aussi rester en vie. Pour accomplir définitivement sa mission.

    Un scénario bien bâti, une intrigue efficace et des dessins remarquables qui retranscrivent admirablement l’atmosphère de l’époque emportent l’adhésion du lecteur et des amoureux d’histoire. Cependant, un peu de concentration est nécessaire pour bien suivre le chassé-croisé entre les poursuivants. Il n’y aura malheureusement pas de troisième tome mais les amateurs de BD attendent avec impatience les prochaines publications du couple Sergeef et Xavier. 

    Hyver 1709 – Tome 2 – de Nathalie Sergeef et Philippe Xavier – éditions Glénat – 56 pages -14,50 euros 

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  • Dénonciation et repentance de l'esclavage passé : Valls  oublie de condamner l'esclavage actuel...

    Dans le monde entier : Plus la couleur est foncée, plus l'esclavage moderne est présent 

     

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    Pour oublier peut-être le triste spectacle qu'offre son pauvre parti - encore appelé « socialiste », mais où les condamnés et mis en examen ne se comptent plus... - Valls est parti prendre l'air en Afrique de l'Ouest (Togo, Ghana, Côte d'Ivoire...). Evidemment, il en a profité pour condamner l'esclavage, montrant sur ce sujet la même inculture, la même ignorance dont il avait fait preuve lorsqu'il avait évoqué - toujours « à l'étranger », qui, décidément, ne lui réussit pas... - une république française qui savait accueillir les étrangers. 

    Bien sûr, condamner l'esclavage d'hier, tout le monde est d'accord là-dessus. Valls a peut-être cru que s'aplatir et faire la carpette, sur ce sujet, devant le politiquement-historiquement-moralement correct serait bénéfique pour sa cote de popularité. 

    Mais il n'a oublié qu'une chose : oh, trois fois rien, une paille, direz-vous. Pourtant, ce trois fois rien, cette paille mériteraient amplement d'être dénoncés : l'esclavage d'aujourd'hui, encore pratiqué dans plusieurs pays d'Afrique. Seulement, voilà, il y a un problème de taille : les pays où subsiste encore l'esclavage, aujourd'hui, sont des pays noirs, arabes et, pour la plupart, musulmans. Alors, là, évidemment, c'est silence radio. 

    Critiquer les Blancs, les Chrétiens, l'Europe... pas de problème ! Mais, des Noirs ! des Arabes ! des Musulmans ! Vous n'y pensez pas, c'est interdit dans le Code du politiquement correct, qui prime sur tous les autres. 

    Et pourtant ! Puisqu'il était proche de ce pays, comme on aurait aimé entendre Valls dénoncer le gouvernement mauritanien : là-bas, treize Mauritaniens noirs proches de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste ont été jugés pour « attroupement armé » et « rébellion » ; jugés mais aussi torturés et condamnés à quinze ans de prison. Et, comme on aurait aimé, au moins, entendre Valls ne serait-ce que citer le nom de Biram Dah Abeid, la voix des esclaves modernes de la Mauritanie... 

    En 2014, l’ONG Walk free estimait qu’il y avait encore 4 % d’esclaves en Mauritanie, soit environ 150 000 personnes, tout de même... : une paille, trois fois rien, on vous dit. Et, le 20 août 2015, Biram Dah Abeid, figure emblématique de la lutte contre l’esclavage, était condamné à deux ans de prison, pour en avoir réclamé la fin. 

    Cela, soit Valls l'ignore, ce qui est grave pour un Premier ministre ; soit il le sait, et il le tait. Et, là, c'est encore plus grave... 

     
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  • Livres & Politique • Eric Zemmour : « Le livre de trop »

     

    Par Eric Zemmour    

    « On comprend ce que la gauche ­reproche le plus à François Hollande : dire ouvertement ce qu'elle cache depuis des lustres et interdit aux autres de dire. » Figarovox libelle ainsi son introduction à cette chronique [28.10]. Mais Zemmour constate aussi « ce qu'est devenue la Ve République décadente : un régime d'impuissance ». Il pointe la soumission des hommes qui prétendent le diriger à « la force de l'idéologie dominante ». Sa conclusion - qui contredit quelque peu son « gaullo-bonapartisme » - est la suivante : « De Gaulle a perdu, qui croyait que les institutions s'imposaient aux hommes. Gramsci avait raison, qui pensait que l'action politique passe d'abord par la conquête idéologique et culturelle. » Dans l'actualité Zemmour a raison. D'ailleurs, sans rien vouloir enlever aux mérites novateurs de Gramsci, cette proposition était déjà formulée par Renan*  à la fin du XIXe siècle et reprise par Maurras au début du XXe dans sa préface à l'Avenir de l'Intelligence** : « Rien n'est possible sans la réforme intellectuelle et morale de quelques uns » Et c'était bel et bien pour que le Politique d'abord pût s'appliquer que l'A.F. voulait construire une contre-encyclopédie. Les deux options, nous semble-t-il, ne sont pas aussi opposées que Zemmour le marque ici. C'est affaire de circonstances et des réalités du moment. Ce qui nous paraît certain c'est que tôt ou tard, reconquête idéologique et culturelle ou pas, sans la restauration du Politique - des Institutions - dans son plein exercice, rien ou presque ne peut s'accomplir.  Lafautearousseau

     

    picture-1649413-612mqxqb.jpgOn nous dit : c'est le livre de trop ! On nous dit : c'est inamissible ! On nous dit : ce n'est pas un homme d'Etat ! On nous dit : un président ne devrait pas dire ça ! D'ailleurs, les auteurs de l'ouvrage ont repris la formule pour accrocher le lecteur. Et ça marche. Les magistrats protestent avec véhémence ; les ministres et les élus socialistes protestent mezza voce. Personne ne défend François Hollande. Mais on ne sait pas vraiment de quoi on l'accuse. De passer autant de temps avec les journalistes ? Mais il a bâti sa carrière en inspirant des articles aux journalistes, qui en retour, le mettaient en lumière. D'être sarcastique, cynique, méchant parfois. Mais il l'a toujours été, comme Chirac avant lui. Et Mitterrand ? D'être désinvolte, sans souci de sa fonction ? Mais Sarkozy avait déjà désacralisé ce qu'il appelait « le job ». D'avoir insulté les magistrats ? Mais les juges ont-ils le droit de répliquer aussi vertement sans outrager le chef de l'Etat ?

    Finalement, on comprend ce que la gauche reproche le plus à son ancien/futur candidat : dire ouvertement ce qu'elle cache depuis des lustres et interdit aux autres de dire : qu'il y a trop d'immigrés, que les profs ne peuvent s'en sortir face aux flux incessants, que l'islam pose un grave problème à la France, que tout cela finira par une « partition ». Que le pouvoir est une tragi-comédie, que la guerre est un jeu vidéo, où on tue des « terroristes » sans se salir les mains. Curieusement, on ne lui reproche pas l'essentiel : tout voir et ne rien dire publiquement ; tout savoir et ne rien faire. Hollande s'avère le meilleur commentateur de son impuissance.

    Un président ne devrait pas dire ça... (Stock) restera comme un remarquable témoignage de ce qu'est devenue la Ve République décadente : un régime d'impuissance. Comme la IVe, mais pour d'autres raisons. Pas à cause du Parlement, mais à cause de l'Europe, de la mondialisation, de la religion des droits de l'homme et de ses grands prêtres médiatiques et judiciaires. Il faut rattacher cet ouvrage à un autre livre, sorti quasi en même temps, et qui conte, sous la plume acérée et brillante de Patrick Buisson (La Cause du peuple, Perrin), le précédent quinquennat, celui de Nicolas Sarkozy.

    La coïncidence des temps est aussi une concordance des leçons. La même lucidité, le même cynisme, la même gouaille. Et finalement, la même impuissance. Chacun des deux derniers présidents dit exactement ce que son camp veut entendre ; mais aucun des deux n'agit vraiment. En lisant ces deux livres, on constate la force de l'idéologie dominante, qui inhibe deux hommes intelligents et lucides. De Gaulle a perdu, qui croyait que les institutions s'imposaient aux hommes. Gramsci avait raison, qui pensait que l'action politique passe d'abord par la conquête idéologique et culturelle. 

    Eric Zemmour  

    Un président ne devrait pas dire ça... (Stock)    

    La Cause du peuple (Perrin)

    *   Renan : la réforme intellectuelle et morale (1871)

    ** Maurras : L'avenir de l'Intelligence (1905)  

    Lire en ligne ...

    L'Avenir de l'intelligence - Charles Maurras 

    et sur Lafautearousseau ... 

    « En disant le réel, Hollande a appuyé sur le bouton, tout va sauter…»

  • Spectacles • « Je suis Français » dit le rappeur - « Toi non plus ! » répond l'écho...

     

    Mur-bleu gds.jpgLe rappeur Black M s'auto-nomme chanteur : on n'est jamais si bien servi que par soi-même ! Il a donné un spectacle à Marseille, invité par la sénatrice double nationalité (franco-algérienne) Samia Ghali, vous savez, cette élue des Quartiers Nord paupérisés à l'extrême, mais qui vit bien loin de là, au Roucas-Blanc, tout à côté de la magnifique Corniche, l'équivalent - en gros - du XVIème arrondissement à Paris, à des kilomètres de la misère et des trafics des quartiers abandonnés qu'elle est censée représenter.

    Deux choses sont frappantes, dans le compte-rendu évidemment élogieux que La Provence propose de l'évènement (?) :

    une expression orale, de toutes les parties présentes, truffée d'incorrections et de mots anglais qui reviennent en boucle - comme feeling, star, happy fews, featuring... - et qui ne font que rendre un peu plus obscur le langage déjà pas très clair par lui-même... C'est vrai que, si l'on commence par s'appeler Black M, on n'a que peu de raison de respecter la langue de Molière...

    mais, surtout, la haine. Oui, la haine, en l'occurrence contre le Front national, parce que celui-ci est à l'origine de l'annulation de sa participation aux cérémonies commémoratives de Verdun, en mai dernier. « Je suis chez moi... Je suis français...» répète le rappeur, dans un  texte assez pauvre, que la répétition forcément lassante des mêmes formules contribue à rendre plus pauvre encore ... Samia Ghali en rajoute une couche, déclarant ce rap « fédérateur » (!) et « porteur d'intégration » contre la « campagne haineuse » du Front national. Fermez le ban ! La Provence - sous la plume de Marie-Eve Barbier, la journaliste qui a « commis » la relation de l'évènement - s'extasie, Samia Ghali est contente, et le rappeur aussi.

    On objectera juste à ce petit monde refermé dans sa bulle, loin de la vraie vie et des vrais gens, et de leurs vrais problèmes, que si l'on veut se faire admettre dans une communauté, le mieux est peut-être de ne pas commencer par injurier et insulter une partie extrêmement nombreuse de cette communauté. Et qu'il ne suffit pas de dire les choses pour qu'elles soient, et que c'est Mathias Leridon qui a raison : « On n'est pas Africain parce qu'on naît en Afrique mais parce que l'Afrique bât dans votre cœur ».

    Le propos est « retourné » à Black M... 

  • Exposition • Les aventures de Tintin au pays du Grand-Palais ... Expo-évènement qui célèbre le roi des Belges

     

    Par François-Xavier Ajavon

    Une excellente introduction à l'œuvre d'Hergé et une invite à visiter l'exposition qui lui est consacrée au Grand Palais à Paris jusqu'au 15 janvier. [Causeur 22.10]

     

    ajavon.jpgUn jour, badinant avec Malraux, le Général de Gaulle a dit : « Au fond, vous savez, mon seul rival international, c’est Tintin ! Nous sommes les petits qui ne se laissent pas avoir par les grands. On ne s’en aperçoit pas à cause de ma taille ». L’aphorisme est célèbre. Tintin est universellement connu, à la manière de Marilyn Monroe, Elvis Presley, Jésus, Superman ou Mahomet. Les aventures du petit jeune homme à la houppette blonde ont été traduites depuis des décennies pour les lecteurs de pays improbables où les habitants ont des mœurs condamnables et parlent des dialectes plein de mots étrangers. Après avoir parlé serbo-croate, chinois et même corse, on attend Le Sceptre d’Ottokar en borduro-syldave… Ceux qui sont nés au début du siècle dernier ont découvert Tintin dans les colonnes du “Petit Vingtième”, supplément jeunesse d’une publication catholique quotidienne, les baby-boomers l’ont découvert à la radio (il y a eu une série…) et au cinéma (quiconque n’a pas vu Tintin et les Oranges bleues (1964) ignore ce qu’est cette star potagère que nous appelons communément « navet »), bien des gamins de notre temps ont eu connaissance des aventures du petit belge par la série animée diffusée jadis par France 3, et certain des plus jeunes l’ont découvert à travers le film de Steven Spielberg… Les 24 albums (dont le dernier, L’Alph Art, est inachevé) ont leur place au panthéon des bestsellers mondiaux, avec la Bible et le petit livre rouge de Mao.

    Se tient au Grand Palais, jusqu’au 15 janvier, une exposition très riche revenant sur tous les aspects de la vie créative d’Hergé : depuis la méconnue série “Totor chef de patrouille des Hannetons”, publiée dans les années 20 dans “Le boy scout Belge”, jusqu’aux incursions tardives du dessinateur dans l’art abstrait, en passant naturellement par Tintin. L’exposition commence d’ailleurs par les relations d’Hergé avec l’art. L’artiste, arrivé à l’automne de sa vie, peignait régulièrement, des toiles abstraites dans le style de Miró. C’est une production dont il ne faisait aucune publicité, et qu’il abordait en dilettante. Il dira d’ailleurs qu’il tenait à ne pas passer pour un peintre du “dimanche ou du samedi après-midi“. De fait ces toiles sont rares, et dénotent une authentique passion d’Hergé pour l’art de son temps. Cette passion, qui traverse les albums de Tintin où l’on croise souvent des œuvres contemporaines, éclate dans une partie de la collection personnelle du dessinateur présentée en ouverture de cette exposition, où l’on croise à la fois Poliakoff et Dubuffet. Les influences d’Hergé sont à chercher dans la peinture, mais aussi dans la bande-dessinée elle-même et l’exposition n’omet pas de présenter des planches de Benjamin Rabier ou d’Alain Saint-Ogan (l’auteur de Zig et Puce), précurseurs de l’art n°9. Les salles suivantes mettent en valeur l’art “romanesque” d’Hergé, qui était un narrateur hors-pair et nourrissait toujours ses histoires d’une riche documentation. On le sait particulièrement concernant les deux albums de l’aventure lunaire de Tintin (une maquette de la partie supérieure de la fusée est présentée : elle permettait aux collaborateurs du dessinateur, dont Bob de Moor, d’avoir sous les yeux une représentation 3D réaliste de l’engin), mais partout Hergé puisait son inspiration dans le réel, pour les voitures, les bateaux, les objets les plus banals du quotidien. Son art légendaire du découpage est illustré par une passionnante séquence d’archive tv où Yves Robert décrit, avec son vocabulaire de cinéaste (plan large, américain, etc.) la progression de l’action sur une planche de Tintin. C’est bluffant, et nous fait toucher du doigt l’efficacité universelle de l’univers d’Hergé, apôtre de la ligne-claire et génie du mouvement.

    C07%2059%20C.jpgL’exposition, composée pour l’essentiel de planches du dessinateur, prêtées par le Studio Hergé, permet aussi de mieux comprendre le processus créatif, des premiers crayonnés où l’on sent que le dessinateur tourne autour de ses personnages, les “cherche”, jusqu’aux planches finales, en passant par l’étape de la colorisation (en grand aplats de couleurs, sans effets d’ombres). C’est ainsi une toute une “famille de papier” qui nous est présentée, et l’on redécouvre, autour d’une maquette géante du château de Moulinsart, les visages familiers de la Castafiore, du Professeur Tournesol, du Capitaine Hadock ou encore de méchants que nous avons adoré détester tels que Rastapopoulos ou l’infâme Docteur Müller de l’Île noire. Au détour de ces portraits, on croise aussi des figures entrées dans le langage quotidien : le fameux sparadrap qui empoisonne Hadock, ou les récurrents appels téléphoniques destinés à la boucherie Sanzot qui aboutissent irrémédiablement à Moulinsart… Soulignons deux salles particulièrement intéressantes : l’une consacrée à la période de crise traversée par Hergé (et le monde entier) dans les années 40 et l’autre à l’Asie. Les années 40 : c’est le succès et la tourmente. Les albums se vendent très bien. Ils commencent à être traduits. Après avoir présenté une Europe au bord du gouffre dans Le Sceptre d’Ottokar (1939), Hergé confronte son petit héros au spectre de la fin du monde dans L’étoile mystérieuse (1942). C’est dans les pages du quotidien Belge Le Soir que le dessinateur publie ses histoires en feuilletons, passant des 40.000 lecteurs habituels du Petit Vingtième à 300.000… On ne manquera pas de reprocher par la suite cette collaboration à Hergé : le journal est alors contrôlé par l’occupant allemand. L’autre salle passionnante est consacrée au rapport d’Hergé à l’orient, avec des planches du chef d’œuvre du dessinateur Le lotus bleu et une traduction hilarantes des inscriptions chinoises omniprésentes dans l’album, dont certaines sont des publicités ou des slogans politiques tels que “A bas l’impérialisme !“. L’amitié d’Hergé avec un jeune étudiant chinois, Tchang, est mise en avant ; Tchang qui ouvrira Hergé à l’altérité, Tchang qui fournira au dessinateur d’abondants conseils pour cet album, et finira même par devenir un personnage des aventures du petit reporter blond – dans le très dépressif Tintin au Tibet (1960).

    Il est à signaler qu’une salle entière est consacrée à une partie méconnue du travail d’Hergé, dans le domaine du dessin publicitaire et de l’affiche. On peut notamment y voir une couverture signée en 1936 pour “La tente, organe du camping club de Belgique“, et une pub où l’on voit des enfants déambuler entre des œufs géants, qui n’est pas sans rappeler la marche de Tintin entre les champignons géants de l’Etoile mystérieuse.

     

    Certains confrères ont trouvé qu’il y avait du mou dans la ligne claire avec cette expo, qu’elle était confuse, qu’elle n’offrait pas un véritable “parcours” dans l’œuvre d’Hergé. Elle est surtout très riche, et ravira les tintinophiles experts qui ne reverront pas de sitôt en France un tel nombre de planches originales d’Hergé. La leçon de ce parcours est que Tintin, en plus d’être reporter et un peu aventurier sur les bords, était surtout un grand témoin de l’Histoire ; et Hergé un auteur incomparable qui parvenait à mêler partout le registre du picaresque, voire du dramatique, avec un humour dévastateur. L’humour, certainement une façon de répondre à ce siècle difficile que Tintin a traversé avec optimisme. Un trait qui ne trompe pas : vous pourrez voir à cette expo de grands enfants, de 60/70 ans, éclater de rire tout seul devant les planches présentées… 

    Au Grand Palais, jusqu’au 15 janvier

    François-Xavier Ajavon
    Docteur en philosophie, chroniqueur, professionnel de la presse.

  • BD • Marie-Antoinette en manga !

     

    par CS

     

    Mettre Marie-Antoinette en manga, il fallait oser. Et l’éditeur Glénat l’a fait,  avec le dessinateur Fuyumi Soryo et la complicité de l’Etablissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles ! L’a priori est par conséquent positif. D’autant que Fuyumi Soryo n’en est pas à son coup d’essai. Il est l’auteur de « Cesare », qui retrace l’ascension de César Borgia (1475-1507) dont la devise reste célèbre : « Aut Caesar aut nihil » (« Ou César, ou rien ») Pour cette biographie partielle, l’auteur japonais qui aura 58 ans en janvier prochain, a obtenu le prix Micheluzzi de la meilleure série de bande dessinée étrangère.

    Avec « Marie-Antoinette, la jeunesse d’une reine », Fuyumi Soryo retrace les premiers pas de la future reine à Versailles. Fille de François 1er et de Marie-Thérèse d’Autriche, elle tient de sa mère son énergie mais pas sa sagesse. Son frère, Joseph II, dira d’elle qu’elle était une « tête à vent ». Elle tient de son père mélomane la passion pour la musique, la danse et les arts. Par un renversement d’alliance en 1756, la France se rapproche de son ennemi héréditaire, l’Autriche. Un mariage apparaît comme l’unique gage de conforter ce rapprochement fragile. C’est ici que commence l’histoire : le départ du Palais impérial de la Hofburg, puis l’Abbaye de Melk, première étape du voyage pour Versailles, un périple long de presque 1.600 kilomètres. Puis arrive le mariage du 16 mai 1770, quand elle épouse Louis-Auguste de Bourbon, Dauphin de France… Marie-Antoinette devra se faire une place à la Cour. Si le scénario peut paraître léger et un peu à l’eau de rose, il n’en reste pas moins que Fuyumi Soryo retrace à merveille, et avec un vrai souci du détail, l’atmosphère du Grand Versailles : costumes, architecture, coiffures… Un livre qui permettra aux jeunes lecteurs rétifs à l’histoire de France de découvrir d’autres centres d’intérêt. 

    Marie-Antoinette, la jeunesse d’une reine – Fuyumi Soryo – éditions Glénat – 180 pages – 9,15 euros.

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