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Idées, débats... - Page 448

  • Culture • Le Mystère Le Nain

    Famille de paysans dans un intérieur 

     

    Par Edouard de Saint Blimont 

    Il paraît qu’Emmanuel Macron, à peine élu, ira fêter sa victoire, sur la place du Louvre.

    Qu’il en passe les portes ou qu’il se déplace jusqu’au Louvre Lens pour recevoir quelques leçons des frères Le Nain dont les tableaux sont exposés en ce moment. Mais cet ancien rédacteur du rapport Attali qui soutient que l’homme n’existe que pour produire et consommer, qui prône la nomadisation des peuples, et dont le programme exclut toute allusion à une éventuelle transcendance est-il capable de se laisser instruire par la peinture des Le Nain ? Quand nous regardons les scènes paysannes de Louis Le Nain, que nous sommes loin pourtant de l’univers décrit par Jacques Attali, dans sa Brève histoire de l’Avenir où « les hommes se vendent comme des machines et où [ils] ne s'intéressent pas à leur progéniture à laquelle ils ne laissent ni fortune, ni héritage étant eux même issus de familles décomposées, recomposées, mobiles géographiquement. »  

    Il est donc urgent de s’interroger sur le mystère Le Nain pour reprendre le titre que le conservateur du Louvre, Nicolas Milovanovic, a voulu donner à son exposition. On sait qu’il a fallu beaucoup de science et de patience aux experts pour attribuer à chacun des frères Le Nain les tableaux que chacun a effectués en propre. Ce fut déjà un premier mystère mais on sait un peu mieux aujourd’hui ce qui revient à Louis, à Antoine, ou à Matthieu.

    Des tableaux à la signification énigmatique.

    Mais le vrai mystère de cette peinture est ailleurs. Si l’on se borne aux productions géniales de Louis, et si l’on se focalise sur son tableau le plus célèbre, Famille de paysans dans un intérieur, force est de reconnaître que sa signification reste énigmatique. S’agit-il de donner une représentation embellie de la condition paysanne, susceptible de satisfaire la bourgeoisie qui achète des terres, en conférant aux modèles une dignité remarquable ? S’agit-il, plus profondément d’y voir la manifestation du mystère Eucharistique ? La présence du pain sur une nappe et du vin, dans un verre de cristal, seuls éléments précieux au sein d’un univers marqué par la pauvreté le laisserait aisément supposer chez ce peintre d’origine protestante, converti au catholicisme. Il serait tentant déjà de « réduire » cette scène à une telle signification religieuse. Elle confère une dignité à l’ensemble des personnages. Mais l’on a remarqué à juste titre que ce tableau, comme beaucoup d’autres n’a pas de sujet défini. Dans l’émission de France Culture qui a été donnée au sujet de cette exposition, Nicolas Milovanovic indique qu’un enfant joue du flageolet mais ce n’est pas autour de ce détail que s’organise l’audition éventuelle d’un petit concert ; un repas semble se préparer mais les indices qui l’attestent font défaut. En bref, aucun sujet ne structure cet « intérieur » et le ferait-il qu’il serait impuissant à déterminer le sens profond de ce qui nous est montré : dans un autre tableau, La Forge, qui représente un forgeron qui s’active à sa forge tandis que sa famille se tient à ses côtés, l’activité artisanale semble déterminer le sujet du tableau, beaucoup plus que cette scène paysanne où l’on ne sait trop à quoi s’affairent les sujets présents. Mais dans la Forge, on ne saurait réduire ce que l’on voit à l’activité propre de l’artisan, qui se détourne de sa tâche pour regarder vers nous. C’est une constante dans les tableaux de Louis Le Nain : le sens de la scène représentée donne l’impression de transcender les motifs qui semblent, au départ, orienter l’esprit dans une interprétation précise. Aucune scène ne se laisse réduire aux motifs qui semblent pourtant décider de la représentation. Les scènes mythologiques, dépeintes par Louis ne dérogent pas à ce principe : l’interprétation du tableau représentant Vénus demandant à Vulcain des armes pour Enée ne se laisse pas enfermer dans la démarche de la déesse.

    Au fond, les êtres représentés dans ces scènes transcendent les activités auxquelles ils s’adonnent, leur humanité ne se limite pas à leur condition, l’humanité de l’homme déborde de toutes parts les sens divers auxquels on prétend la réduire. D’ailleurs, les tableaux de Louis mettent en perspective l’être humain par rapport aux activités auxquelles il peut s’adonner. On a souvent l’impression que si la représentation de l’activité humaine y est présente, c’est pour mettre en valeur, du fait de la présence d’être au repos, l’idée précisément que l’homme ne s’abîme pas strictement en elles.  Mais il faut aller au-delà de ces remarques.

    Les regards des personnages

    Les grands critiques d’art et surtout les grands écrivains nous laissent à la porte de ce mystère qui nous permet de comprendre à quoi tient l’irréductibilité de l’humanité des êtres représentés chez Le Nain. Champfleury, un critique d’art du XIXème siècle, se focalisant sur la personnalité des personnages représentés indique qu’ils semblent prendre la pose et de fait l’intensité des regards que certains personnages dirigent vers nous le laisserait presque supposer : cela semble être le cas de trois des personnages de cette famille de paysans : de la vieille femme qui tient le verre de cristal, de l’homme assis à la table et qui s’apprête à couper la miche de pain, et de la femme plus jeune, à la droite du tableau. N’est-ce pas le cas de ce père de la Famille heureuse ou le retour du baptême, qui lève son verre et s’immobilise en nous regardant en souriant …comme on le ferait aujourd’hui, tandis qu’on nous photographie ? N’est-ce pas le cas de la femme du forgeron de La Forge qui nous regarde bien en face ?

    Mais précisément, s’ils sont occupés à nous regarder, c’est qu’ils ne songent pas à prendre la pose et Sainte Beuve est plus près de la vérité quand il fait remarquer qu’ils nous regardent, c’est-à-dire, qu’ils semblent s’interroger sur la présence de ceux qui pénètrent par effraction dans leur univers.

    Mais son interprétation reste au milieu du gué : d’une part, bien des personnages ne prennent même pas la peine de diriger leur regard vers nous. Ils regardent ailleurs, soit qu’une scène située hors champ attire leur regard comme dans La Forge, soit qu’ils nous tournent carrément le dos, comme l’enfant qui contemple le feu dans la Famille de paysans, ou le personnage qui s’affaire à ranimer le feu dans La Tabagie, soit encore qu’ils soient plongés dans un profond sommeil comme le dormeur situé au premier plan dans La Tabagie, ou cette magnifique Ariane, plongée dans le sommeil le plus profond  que contemple avec émotion Bacchus dans Bacchus découvrant Ariane à Naxos.

    Restent tous ceux qui semblent regarder le spectateur. Ils semblent frappés par une mélancolie rêveuse. Mais prêtez plus d’attention encore à la façon dont les personnages regardent : la vieille femme qui tient le verre de cristal, la jeune femme à la droite, l’enfant lui-même qui est assis sur le sol ; mais aussi Vénus s’adressant à Vulcain, ou Bacchus contemplant Ariane endormie… : en réalité, ils regardent sans regarder vraiment, leur regard donne l’impression de ne pas s’abîmer dans l’objet qu’ils sont censés voir, ce n’est par sur lui (être ou objet) qu’ils arrêtent leur pensée parce que tout en regardant ce qu’ils regardent, les personnages pensent à autre chose, ils sont comme on dit, plongés dans leur méditation. Pas plus que l’activité n’est leur définitive raison d’être, pas plus le monde qu’ils contemplent n’est de nature à arrêter suffisamment leur pensée.

    Qu’on ne s’étonne donc plus si, par cette mise en scène du regard, le peintre leur confère une infinie profondeur, si, de manière tout à fait congruente, on retrouve dans leurs mains un verre de cristal rempli d’un vin rubis, et si l’on a, du coup, envie d’y voir représentée quelque cène eucharistique : ce regard nous ouvre sur le mystère de l’humanité de l’homme, sa profondeur ne trahit pas seulement une disposition à la mélancolie rêveuse ou plutôt cette mélancolie rêveuse est promesse d’une ouverture, au-delà de l’ici et du maintenant… à quoi les maîtres présents de notre monde, dans leur ardeur à nier toute transcendance, s’emploient à nous réduire. 

  • Histoire • Grands hommes : le choix de Churchill

    Elizabeth II accueillant le couple Churchill

     

    Par Péroncel-Hugoz

    Notre confrère a épluché le texte dans lequel le fameux homme d’Etat britannique sélectionne en toute liberté ses « grands contemporains ».

     

    peroncel-hugoz 2.jpgDans des pages qu’il commença à rédiger dès 1937, le plus connu des chefs de gouvernement de Sa Gracieuse Majesté, et qui fut toute sa vie un monarchiste de conviction, a choisi de distinguer, parmi une vingtaine de figures, seulement trois monarques, face à quatre présidents. 

    Il en a néanmoins profité pour définir la principale raison de son attachement à la royauté héréditaire: « Une dynastie attachée aux traditions du passé et soucieuse d’assurer l’avenir fournit un élément de sécurité à la liberté et au bonheur des nations ».  

    Sur sa lancée royaliste, Churchill s’en prend aux pays qui, « en chassant les monarchies héréditaires ont cru s’engager sur la voie du progrès, mais en réalité sont allés trop loin ». 

    Le Kaiser vaincu

    Parmi les souverains sélectionnés, outre les rois anglais Georges V et Edouard VIII, Churchill ne craint pas de nommer l’empereur allemand déchu en 1918, Guillaume II (1849-1941), cousin des princes britanniques qui contribuèrent à le vaincre et à le détrôner… Churchill estime que l’Histoire ne peut accuser Guillaume II d’avoir oeuvré en vue de provoquer la Première Guerre mondiale. En revanche, le mémorialiste pointe la « jalousie » et le « mépris » du Kaiser pour son parent et pair Edouard VII de Grande-Bretagne. 

    Le second Roosevelt

    Parmi les hommes d’Etat républicains, Churchill a élu le second président Roosevelt des Etats-Unis dans lequel il voit un « explorateur » politique, ayant conçu son action à la Maison-Blanche (1933-1945) « du strict point de vue des intérêts américains ». Les puissances vraiment conscientes de leur force, n’ont que des « intérêts » et jamais de « sentiments » ; la conclusion  de ce profil d’un dirigeant avec lequel Churchill fut en contact direct est une question : « Vaut-il mieux avoir l’égalité au prix de la pauvreté ou le bien-être au prix de l’inégalité ? ». 

    On aura compris que Churchill, en bon aristocrate respectueux des hiérarchies, opta, mais avec discrétion, pour la seconde situation, même s’il a eu la pudeur de ne pas le proclamer Urbi et Orbi. 

    Lawrence d'Arabie 

    Parmi les figures romanesques, quoique également politiques, chères à Churchill, on trouve deux légendes vivantes de l’impérialisme britannique restées debout jusqu’à nos jours : Lawrence d’Arabie (1888-1935) et Rudyard Kipling (1865-1936). Dans le premier, que Churchill rencontra en Angleterre, vêtu à l’arabe, l’homme d’Etat britannique vit surtout l’arabophile exacerbé, attaché à cet émir Fayçal le Hachémite, dont la France républicaine n’avait pas voulu comme roi de Syrie mais dont Londres allait faire un roi d’Irak faible et contesté. 

    Churchill le cynique, le faux jovial, ne cache pas sa compassion pour Lawrence l’arabophile insatisfait auquel il promit qu’il vivrait longtemps dans la conscience nationale britannique au rayon Guerre mais aussi, et peut-être surtout, au rayon Littérature, grâce aux Sept piliers de la Sagesse, son maître-livre. 

    Quant à Kipling, chantre sans complexe de l’Empire britannique, « le plus vaste de tous les temps », Churchill, lui-même colonial dans l’âme, depuis qu’il servit la Couronne aux Indes puis en Afrique-du-Sud, n’en pense pas moins que ce qui survivra, et de l’écrivain et de l’homme d’action Kipling, c’est surtout « le génie de sa plume ». 

    Churchill lui, reste surtout dans la mémoire universelle comme un décideur politique sans jamais le moindre état d’âme, multipliant par exemple les brimades envers son « allié » le général de Gaulle, chef de la France libre réfugié à Londres ou bien abandonnant aux féroces communistes les résistants royalistes yougoslaves en guerre contre l’Allemagne nazie… Les intérêts britanniques avant tout, toujours … 

    Lire: Winston Churchill, Mes Grands Contemporains. Tallandier, 2017. 

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le360 du 28.04.2017

  • Actualité & Histoire • Éric Zemmour : « Trop d'Histoire tue l'Histoire »

      

    BILLET - Peut-on faire campagne en invoquant l'Histoire et en s'invectivant à coups de références ?, interroge Zemmour [RTL, 2.05]. Il a raison de pointer pour la dénoncer et la moquer l'instrumentalisation de l'Histoire aux fins que nul n'ignore. Ce qui n' est pas à proprement parler ce « trop d'Histoire » qui « tue l'Histoire » dont il fait sa formule - un peu facile - de conclusion. Mais c'est évidemment secondaire. On n'est pas forcément d'accord ...  LFAR

     

     

    Résumé RTL par Éric Zemmour et Loïc Farge 

    « À suivre la campagne présidentielle ces derniers jours, on se croirait dans une bande d'actualités de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ne manquent que les images en noir et blanc », constate Éric Zemmour, qui note que "la classe politique française toute entière joue à plus gaulliste que moi tu meurs !". Il constate qu'Emmanuel Macron "use et abuse des références à la guerre et au nazisme, comme s'il voulait rejouer contre son adversaire du second tour un imaginaire historique qui avait si bien fonctionné pour marginaliser son père »;

    Pour Eric Zemmour, « Marine Le Pen en est elle même effrayée puisqu'elle se sent obligée d'aller elle aussi se recueillir devant le mémorial de l'extermination des juifs ». Avant d'insister : « Pourtant, l'instrumentalisation du malheur juif ne marche pas. Elle scandalise davantage qu’elle ne mobilise. Elle apparaît pour ce qu’elle est : un truc de campagne électorale ». Aux yeux d'Éric Zemmour, « trop d'Histoire tue l'Histoire ». 

    Éric Zemmour

  • Propos signé Molière, dédié au candidat Macron  

     
     
    On sait que ce pied-plat, digne qu'on le confonde,
    Par de sales emplois s'est poussé dans le monde ;
    Et que par eux son sort, de splendeur revêtu,
    Fait rougir le mérite et gronder la vertu.
    Cependant, sa grimace est partout bienvenue ;
    On l'accueille, on lui rit ; partout il s'insinue ;
    Et, s'il est par brigue un rang à disputer,
    Sur le plus honnête homme on le voit l'emporter.
     
    Le Misanthrope, Acte I, scène I
     
     
    Merci à Jean de Maistre, pour son envoi

  • Civilisation • De Châteaurenard à Bonifacio, les femmes voilées à l'école on n'en veut pas...

     

    Mur-bleu gds.jpgDeux saines réactions à signaler, concernant le refus du voile à l'école (en notant toutefois que le refuser à l'école ne suffit pas : on ne doit le voir nulle part !) 

    Bernard Reynès, maire de Châteaurenard, ne veut pas - il a raison - qu'une mère d'élève accompagne, voilée, la classe de sa fille lors d'une sortie pédagogique. En face de lui se dresse le CCIF (Comité contre l'Islamophobie en France), à qui l'Inspection académique a scandaleusement donné raison.

    Mais, question : aurait-elle, cette Inspection académique, autorisé une crèche dans l'école dont il s'agit ? Poser la question c'est, évidemment, y répondre ; et c'est montrer la mauvaise foi, l'hypocrisie, la veulerie et la lâcheté de fonctionnaires douillettement installés dans leurs bureaux ; et qui capitulent devant l'Islam militant, croyant acheter ainsi la paix religieuse et/ou sociale : ce ne sont rien d'autre que des collabos...

    Il y a quelques semaines, à Bonifacio, cinq femmes voilées avaient été empêchées d'entrer dans une école maternelle de la ville par des parents - ils avaient raison - qui ne voyaient pas pourquoi - leurs propres enfants n'ayant pas le droit de porter des signes religieux distinctifs - elles pourraient, elles, entrer avec un voile ostensiblement « distinctif ».

    Le maire PS de la ville persiste à croire finaud de « dialoguer » avec l'Islam dans sa ville, et affirme être favorable à la construction d'une mosquée, pensant lui aussi, naïvement, que cela va calmer les prosélytes musulmans, et qu'il va « acheter la paix » en ouvrant toutes grandes les portes à une religion et une culture totalitaires de fait. 

    Les administrés du Maire de Bonifacio sont plus sensés que lui : aux femmes voilées, qui se « regroupaient » - comme elles disent - outrées, les habitants ont déclaré : « Si vous voulez mettre un foulard ou vous habiller long, pourquoi n'allez-vous pas au Maroc ? »

    Vox populi... 

  • Histoire & Actualité • Réponse au Quotidien de Yann Barthès

     

    par Francis Venciton et Gombert

     

    2355668558.jpgLe 20 avril se déroulait à Marseille le dernier meeting de Marine Le Pen avant le scrutin du premier tour. Soucieux d’alerter les patriotes sur la nécessité de changer de régime politique, l’Action française Provence était présente pour tracter. Dans le même temps les « journalistes » du Quotidien, l’émission de Yann Barthès, étaient présents. Notre vue semble les avoir transis d’hystérie car le lendemain leur dossier consacré au meeting de Marine Le Pen consacra un tiers de son temps à parler de nous. Grands dieux, nous avions distribué des tracts avant d’aller au meeting et Wallerand de Saint-Just était entré dans le Dôme avec. Que disait donc notre terrible tract ? Au recto : « L’Action française est l’espoir de la France », et au verso : « Rejoignez-nous ». Aucun doute que ces paroles violentes tombent sous le couperet de la loi. Il n’aura pas d’ailleurs effleuré l’esprit inquisiteur de la journaliste Valentine Oberti que Wallerand de Saint-Just ait pu entrer dans les lieux avec le tract afin de le mettre dans une poubelle au lieu de le jeter au sol. Chacun a la conception écologique qu'il mérite.

    Cependant notre Torquemada en jupon va plus loin : S’étonnant de « la proximité » entre le FN et l’AF, elle dresse une liste des différences entre les deux : « le FN est républicain et l’AF est royaliste, le FN ne reconnait pas le régime de Vichy, hein (sic), et l’AF en fait l’apologie. » Or, nous dit-elle, on a vu Wallerand de Saint Just avoir en 2014 sur ses listes pour les municipales Eli Hatem, membre « directeur » de l’AF. Ce qui est une très mauvaise resucée d’un vieil article de Street Press.

    Mais revenons aux accusations de Mme Oberti. Frisant le point Godwin, ou la réduction ad Pétainum, c'est selon, la chroniqueuse décide de jeter un pavé dans la marre, de faire le buzz au détriment de la vérité historique.

    Certes, on va nous lancer toujours à la face le ralliement de Charles Maurras au régime de Vichy, ralliement qui lui valut d'être condamné en 1945 pour « intelligence avec l'ennemi » ; on précisera tout de même à Mme Oberti que des spécialistes de la question comme Stéphane Giocanti ont qualifié cette accusation d'erronée, pour ne pas dire « bidon ». On conseillera aussi à cette même dame la lecture de la défense de Maurras pendant son procès (170 pages dactylographiées, bon courage !) qui apprendrait à Madame Oberti que la maison de Martigues de l'Académicien a été mise sous scellés, que le siège de l'AF a été mis à sac, que le neveu et fils adoptif du « Maître » a été détenu et interrogé 19 jours par la Gestapo. On ne saurait que trop conseiller également la lecture de « Devant l'Allemagne éternelle », remarquable ouvrage illustrant la farouche détermination du chef historique de notre mouvement à lutter contre l'influence allemande sur les plans politique, critique, doctrinal etc... Curieux pour un mouvement qui ferait l'apologie d'un régime collaborateur, non ? Et encore, ce n'est que le début ! Mme Oberti devrait savoir que fidèle à lui-même, Maurras congédia et coupa les ponts avec tous ses anciens amis qui choisirent la voie du collaborationnisme. Mme Oberti semble oublier que des royalistes membres de l’AF furent parmi les premiers résistants. Est-ce qu’Honoré d’Estienne d’Orves est une apologie de Vichy ? Jacques Renouvin est-il une apologie du pétainisme ? Est-ce que Daniel Cordier adjoint de Jean Moulin est une apologie de Vichy ? Est-il besoin de rappeler que parmi les 80 qui votèrent contre le régime de Vichy l’on retrouve le Marquis de Chambrun et le marquis Leonel de Moustier ? A ce que l’on sache le Maréchal Pétain fût un bon républicain et nullement un royaliste. Où a-t-on pu voir que le régime de Pétain voulait restaurer la monarchie en France ? L’historien Paxton que l’on ne peut qualifier de royaliste d’AF, démontre clairement que Vichy ne fut nullement la marionnette de l’AF et que les royalistes au contraire furent en marge. A l’inverse, peut-être madame Oberti ignore-t-elle que le général de Gaulle est issu d’une famille imprégnée par l’Action française, de même que le général de Lattre de Tassigny, le général de Montsabert ou le Capitaine Philippe de Hautecloque, futur général Leclerc et le lieutenant Claude Hettier de Boislambert, qui fut le premier militaire à rejoindre de Gaulle à Londres.

    Madame Oberti, vu que vous avez plus de minois que de culture, nous nous permettons de vous conseiller l’excellente lecture « Des Royalistes dans la résistance » de François-Marin Fleutot. A défaut de vous donner la déontologie qui vous manque, il vous permettra de ne pas recommencer les mêmes erreurs. 

  • Le grand n'importe quoi de Mourad Boudjellal

    Mourad Boudjellal - Emmanuel Macron 

     

    Mur-bleu gds.jpgVous ne serez pas étonné, après avoir lu ce qui va suivre, d'apprendre que l'énergumène de la pensée politique (?) dont nous allons parler ait été, durant la pitoyable campagne présidentielle que nous vivons, un soutien actif d'Emmanuel Hollande, et que le sieur Boudjellal - puisque c'est de lui qu'il s'agit - s'est placé, bien visible, au premier rang de l'assistance lors de son meeting au Zénith, à Toulon : mais, est-ce bien étonnant, de la part du personnage ?

    Vous ne serez pas étonné non plus de savoir, qu'après l'indécent bling-bling de La Rotonde - qui n'a attiré aucun commentaire désobligeant de sa part - il ait repris illico son bâton de pèlerin après le premier tour, au service, bien sûr, du même Emmanuel Macron : pas de « pudeurs de gazelles », donc, comme dirait Mélenchon, pour celui qui s'offusque tant et de tant de choses par ailleurs... 

    Mourad Boudjellal est venu à la radio pour expliquer pourquoi, après moult atermoiements, lui qui est président du Rugby Club Toulonnais, et qui voulait vendre son club, a finalement décidé de le garder, et d'en rester le président.

    Bon, ce n'est pas le scoop du siècle, mais on peut revenir quelques instants sur le personnage, à travers, par exemple, cette sorte d'entretien qu'il a  accordé à France info, il y a peu, et dans lequel il s'est montré fort déplaisant (nous parlons ici au sens « politique »  du terme) : on a entendu, lors de cet entretien avec le journaliste un bonhomme fort agité, éructant que la France est minable de ne pas accueillir les migrants, leur seul tort étant  qu'ils « sont nés du mauvais côté de la Méditerranée » (sic!) ; ou bien que la France a pillé les colonies, et d'autres insanités du même tonneau, on en passe et des meilleures (ou plutôt, des pires !).

    Tout cela s'inscrit parfaitement dans le « programme macronien », si programme il y avait. Tout cela cadre bien avec l'ignoble façon dont, à l'étranger, Emmanuel Macron a osé insulter la France, parlant de « barbarie » et de « crime contre l’humanité » à propos de la présence française là-bas, avant de se replier, devant le tollé, sur la grotesque formule de « crime contre l’humain », dont la seule chose qu'on puisse en dire est que, d'un point de vue de la langue, elle n'a aucun sens.

    Bien sûr, rien sur ce qui « fait » la France n'est évoqué par cet autoproclamé contempteur des turpitudes françaises : les châteaux de la Loire, les cathédrales, nos savants, musiciens, artistes philosophes et autres mathématiciens de génie. Mourad Boudjellal semble ne RIEN connaître de tout ce qui, selon le joli mot de Jean Dutourd que nous aimons rappeler, a fait cette France qui a « étonné le monde ».

    Mais, c'est logique puisque, dixit Macron, il n'y a pas de culture française ! Eh, oui, qui se ressemble s'assemble : il est parfaitement normal de trouver Monsieur Boudjellal au premier rang des partisans de quelqu'un qui aime aussi peu la France dans sa réalité charnelle et historique que monsieur Macron...

    Au fait, si la France est si minable, pourquoi Mourad Boudjellal y vit-il ?...

    Enfin, cerise sur le gâteau : « et, d’ailleurs », ajouta, mi-lyrique - mi en transe, notre président enragé « je suis citoyen du monde ».

    Ça, c'est la meilleure ! Citoyen du monde ! Il y a une question - pour nous en tenir aux trivalitiés - qu'on aimerait bien lui poser, à ce « citoyen du monde » : « Elle est où, par exemple, votre Sécu ? Quand vous avez des soins dentaires, une hospitalisation ou quoi que ce soit dans ce domaine, qui est-ce qui vous remboursera vos frais ? La Sécu du monde ? Vous pouvez passer l’adresse ? » 

  • Deux pensées sur lesquelles méditer au prisme de l'actualité ...

     

    « De l’autorité des princes de notre race, nous avons passé sous la verge des marchands d’or, qui sont d’une autre chair que nous, c’est-à-dire d’une autre langue et d’une autre pensée. »

    Charles Maurras

    L'Avenir de l'intelligence - 1905

     


    AVT_Henri-Dominique-Lacordaire_4453.jpg« Quelquefois, les peuples s’éteignent dans une agonie insensible, qu’ils  aiment comme un repos doux et agréable; quelquefois ils périssent au milieu  des fêtes, en chantant des hymnes de victoire et en s’appelant immortels. »

    Lacordaire

     

     

    [Merci à Jean de Maistre]

  • Histoire & Patrimoine • Le réveil de Chambord

     

    823330531.jpgOn se souvient du souhait par lequel Jean-François Mattei conclut son magistral Le Regard vide, Essai sur l'épuisement de la Culture européenne (citation tirée du Philèbe, de Platon) : le vœu que nous sachions retrouver « le chemin qui conduit chez nous ».

    La beauté sauvera le monde, disait, non sans raison, Dostoïevski. Et notre dernier Grand Texte (dernier pour l'instant, pas dernier tout court) est le superbe message de Pierre Boutang à la jeunesse de France, l'incitant à ne pas aller chercher ailleurs ses modèles et son salut, mais, bien plutôt, à se replonger dans les origines de notre Histoire, de notre jeunesse française. Ce que, au fond, Jean-Paul II disait à sa façon, lorsqu'il incitait ses publics : « retrouvez les intuitions de vos origines ».

    Face à tant de laideurs dans notre société, pour une fois le service public apporte sa pierre. On le critique assez souvent, ici même, mais à chaque fois que l'on peut en tirer quelque chose de bon, nous n'hésitons pas à le signaler. Voici donc que, durant toute la deuxième semaine d'avril, le JT de 13 heures de France 2 nous a proposé un excellent feuilleton, nous ramenant à l'une des grandes époques de notre Histoire, pour nous raconter le réveil de Chambord. En l'occurrence, celui de ses magnifiques jardins à la française, dessinés sous Louis XIV et qui avaient disparu à la Révolution, comme tant d'autres merveilles - qui, elles, ne reviendront jamais.

    On a en effet décidé de restituer à l'identique cette merveille dont la Révolution nous avait privés : et c'est cette résurrection que nous raconte le feuilleton de France 2, qui se passe de tout autres commentaires. 

     


    Le réveil des jardins du château de Chambord (1/5)

     


    Feuilleton : le réveil des jardins du château de Chambord (2/5)

     


    Feuilleton : le réveil de Chambord (3/5)

     

     
    Feuilleton : le réveil de Chambord (4/5)

     


    Feuilleton : le réveil de Chambord (5/5)

  • Société • Nous sommes tous des migrants

     

    Par Edouard de Saint Blimont.

     

    Qu’on n’imagine surtout pas que j’invite le lecteur à rejoindre la foule inepte de ceux qui réclament à corps et à cris que nous ouvrions toujours plus nos frontières, nos villes et bientôt nos maisons aux errants qui déferlent sur l’Europe, parce que nous devrions secourir indistinctement tous ces êtres humains, au motif qu’ils partagent avec nous la même humanité.

    Je ne partage pas non plus le point de vue orwellien de François qui m’enjoint à retirer de mon vocabulaire le mot de « clandestins », au motif que certains mots, alors même qu’ils désignent trop précisément la réalité, doivent pour cela même ne plus être utilisés !

    Mais c’est quand même d’une autre manière que nous sommes des migrants, que nous connaissons la migration perpétuelle : nous sommes en permanence appelés à changer de « lieu », nous sommes perpétuellement dans la situation instable de ceux qui n’ont plus d’ancrage, qui vivent dans l’angoisse de ne plus savoir de quoi demain sera fait et qui se disent qu’ils pourraient même tomber de Charybde en Scylla.

    Nous sommes tous des migrants : je ne l’ai jamais ressenti aussi fortement que depuis qu’il nous est donné à nouveau de traverser les tempêtes électorales qui nous déposeront demain sur l’on ne sait quel rivage. Arriverons-nous sur l’île des lotophages avec Emmanuel Macron pour prendre le lotus, ce fruit si doux qu’il fait oublier aux étrangers leur patrie ? A moins que nous n’échouions sur l’île des Cyclopes en compagnie de Mélenchon pour y connaître le destin que l’on sait.  Les sondeurs s’en donnent à qui mieux mieux pour agiter le spectre de toutes les résolutions possibles, nourrissant encore, si c’était nécessaire, l’angoisse chez celui qui sait que par son vote seul, il ne contrariera pas les mouvements de fond.

    Nous sommes en principe habitués au jeu électoral ; la remise en cause permanente du destin politique d’une nation, d’une patrie, n’est-elle pas inhérente à la démocratie ? Dans Le pouvoir sur scènes, l’anthropologue Georges Balandier affirme même qu’en démocratie, le citoyen retrouve un certain sens de l’aventure : n’avons-nous pas là l’occasion d’introduire un peu plus de passion dans notre existence ? Mais si nous nous aventurons dans ce domaine, force est de constater que ce milieu est infiniment mouvant, la géographie des « îles » politiques qui émergent du fond de cet océan en perpétuel mouvement n’a pas encore de figure nette. Mais nous redoutons le pire.

     Et pour cause : la philosophie qui inspire ces nouveaux mondes -ou devrais-je dire de ces nouveaux monstres ? - procède de la remise en cause perpétuelle des théories qui leur donnait jusqu’ici des traits repérables. Interrogée par Figarovox (11.04.2017) voici comment Chantal Mouffe, philosophe belge, marraine de Podemos et véritable inspiratrice de la démarche de Mélenchon, considère sa propre démarche philosophique :

    « Je suis opposée à la philosophie normative. Les philosophes politiques ont tendance à faire de grandes élaborations pour expliquer comment le monde devrait être sans tenir compte du contexte. Pour ma part, j'essaie au contraire de fonder mes théories sur la réalité de l'époque. »

    Il ne s’agit plus de s’en tenir à une certaine vision de l’homme mais d’enregistrer les grandes « migrations » intellectuelles de notre temps, qu’elle définit comme la « réalité de l’époque ».

    Et la réalité de l’époque, pour elle, ce sont les mouvements sociaux qui se sont développés depuis Mai 68 : le féminisme, le mouvement écologiste, les luttes antiracistes, la lutte pour la reconnaissance des homosexuels. Ce sont des mouvements comme ceux-là, qui n’ont cessé de déstabiliser nos sociétés occidentales, auxquels Chantal Mouffe et à sa suite Jean-Luc Mélenchon, veulent reconnaître une spécificité dans la constitution d’un populisme de Gauche.

    Quel nouveau monde va naître, et quelle sera notre vie demain, si ces mouvements acquièrent, au sein d’un parti, au sein d’un gouvernement, une pleine et entière légitimité ? Une chose est sûre : ainsi se dessine peu à peu, sous nos yeux horrifiés, un monde dans les traits duquel nous ne saurons plus reconnaître nos légitimes aspirations de pères, d’époux, d’êtres humains cherchant à protéger l’ordre de la civilisation, soucieux de retrouver un ordre fondé sur les principes sains d’une philosophie qui s’emploie à reconnaître la nature et l’homme comme il est, sortant des mains de son Créateur. Mais qui nous rappellera la géographie d’un monde habitable ? Dans ce monde qui dérive, qui nous indiquera le point d’ancrage qui nous fait perpétuellement défaut ?

    Nous espérions jusqu’ici que ce point d’ancrage, l’autorité intellectuelle la plus haute, celle du Pape, la fournirait aux chrétiens que nous voudrions continuer à être. Mais un article savant du Professeur Giovanni Turco, reproduit dans le Courrier de Rome de novembre 2016, nous oblige à déchanter. Nous ne pouvons pas, dans le cadre de cet article, entrer dans toutes les subtilités philosophiques de l’éminent professeur italien. Nous pouvons cependant dégager quelques axes forts, assez peu faits pour nous rassurer :

    Le pape considère-t-il encore que la Vérité divine, révélée par Dieu, transcende nos pauvres réalités humaines et qu’elle est comme telle une référence absolue, un point d’ancrage pour l’humanité ? Le professeur Turco rappelle ce propos du pape Bergoglio : « je ne parlerais pas, même pour les croyants, de vérité ‟absolue” dans le sens où ce qui est absolu est ce qui est détaché, ce qui est dépourvu de toute relation. Or la vérité, selon la foi chrétienne, c’est l’amour de Dieu pour nous en Jésus-Christ. Donc la vérité est une relation ! C’est si vrai que chacun de nous la saisit, la vérité, et l’exprime à partir de soi : de son histoire et de sa culture, de la situation dans laquelle il vit, etc. Cela […] signifie qu’elle se donne à nous toujours et seulement comme un chemin et une vie. »

    Cela doit-il nous étonner ? Le pape l’avait déjà déclaré dans Amoris Laetitia :

    « La Parole de Dieu ne se montre pas comme une séquence des thèses abstraites, mais comme une compagne de voyage »

    Nous y sommes : pour le pape, la Parole divine a une dimension elle aussi « migratoire ».

    Le professeur Turco montre d’ailleurs que la vision que le pape a du Saint Esprit présente une parfaite congruence avec le reste :

    « L’action même du Saint-Esprit serait qualifiable non par le contenu (ce qu’Il accomplit), mais par l’opérativité, ou mieux par la modalité opérative : « bouleverser », « remuer », « faire cheminer », étant donné qu’il y aurait en Lui de la « fantaisie » et de la « nouveauté ». Il s’agirait d’une activité non qualifiée par sa fin, mais par son devenir. En effet dans de telles actions il n’y a pas trace de finalité : on peut « remuer » pour le bien ou pour le mal, une « nouveauté » peut être fructueuse ou néfaste, on peut « cheminer » vers le meilleur ou vers le pire, de même qu’une « fantaisie » peut être innocente ou nocive. Autrement, tout « bouleversement », comme toute « nouveauté », serait nécessairement un bien. Ce qui est contredit par l’expérience la plus commune et par toute réflexion authentique. »

    Le professeur n’a aucune peine à nous montrer que nous sommes sortis d’un contexte philosophique où l’on considère que la vérité est définie à partir d’une adéquation entre l’intelligence et le réel, comme Saint Thomas le postule, à un contexte proprement moderniste, défini par le philosophe Maurice Blondel où la Vérité (si ce mot signifie encore quelque chose) est l’adéquation de l’intelligence et de la vie. Ce qui permet, conclut Turco, d’attribuer au jugement de conscience, et non plus à la Vérité, un caractère absolu.

    Nous sommes entrés dans un monde où s’impose comme vraie la situation concrète, où le « ce qui est comme ça », pour reprendre l’expression qu’utilise le Professeur Turco, a le dernier mot. Nous ne sommes donc toujours pas sortis de la réalité « migratoire », j’oserais même dire que nous y sommes en plein : une parole, « compagne de voyage », pour un cheminement, inspiré par un Saint Esprit fantaisiste…qui nous appelle au bouleversement…dans un moment où nous sommes menacés par le pire bouleversement de notre histoire ? Il n’y a décidément plus un domaine où nous ne soyons des migrants.

    Ulysse, je pense à vous, ballotté d’une île à l’autre, empêché pendant plus de dix ans de regagner votre patrie. Mais je pense à vous aussi car vous nous montriez le chemin. Car c’est la mentalité d’Ulysse que nous devrions aspirer à retrouver, tous tant que nous sommes. Ulysse ne se trompe jamais pour identifier où sont les barbares : ces derniers ne sont pas mangeurs de pain et le vin, ils ne le connaissent pas. Il sait ce qui caractérise le civilisé, notamment son respect des dieux. Il se garde de toutes les aventures sentimentales qui réintroduisent l’être dans l’aventure migratoire : Circé lui offre l’oubli dans les aventures de la chair, il le refuse. Il refuse la divinité, l’immortalité que lui offre Calypso… prélude déjà de l’aventure transhumaniste. Ulysse c’est l’homme ancré : son fils Télémaque s’inquiète de lui, sa femme, Pénélope, lui est restée fidèle, les retrouvailles avec sa mère aux Enfers et son père au palais, complètent l’image d’un bon fils. C’est aussi un bon roi que ses sujets veulent retrouver, comme le porcher Eumée.

    Quel Ulysse aura demain le cran, le courage, et pour tout dire le génie de nous ancrer sur le socle qui nous préserve de devenir des migrants perpétuels ? 

  • Culture • Connaissez-vous la période « normande » de Picasso ?

     Le manoir normand de la famille Picasso

     

    Par Péroncel-Hugoz

    La légion, immense et universelle, des admirateurs de Picasso vient de redécouvrir ou plutôt découvrir une période oubliée du maître hispano-français. Notre confrère y va de son grain de sel.

     

    peroncel-hugoz 2.jpgTous ceux qui professent quelque intérêt pour l’art du XXe siècle, connaissent les différentes « périodes » de Picasso : bleue, rose, africaine, cubiste, Vallauris, etc. 

    En revanche, rarissimes sont ceux qui citent sa « période normande ». Elle a pourtant existé de 1930 à 1937 et a humainement et artistiquement compté pour l’artiste. N’est-ce pas dans les années 1930, au summum du temps Art-déco, que Picasso a imaginé La jeune fille au miroir, une série de Corridas, le Minotaure, les dessins sur le thème de la Crucifixion; qu’il a sculpté ses grandes Têtes féminines; qu’il a illustré les Métamorphoses d’Ovide ou Le chef-d’œuvre inconnu de Balzac.

    Toutes ces œuvres et pas mal d’autres encore, conçues ou réalisées sur fond du manoir de Boisgeloup, près Gisors, en Normandie, à moins de 100 kilomètres à l’ouest de Paris.

    De Boisgeloup à Vauvenargues

    Déjà riche, le futur « milliardaire communiste » de la Côte-d’Azur ou du château de Vauvenargues, en Provence intérieure, a acquis dès 1930 le manoir de Boisgeloup, élégante et sobre demeure du XVIIIe siècle, avec dépendances, potager, parc clos, bref tranquillité assurée. Le Figaro peut bien écrire aujourd’hui que Boisgeloup « est une des grandes demeures de l’art du XXe siècle », elle n’en fut pas moins longtemps occultée, et redécouverte en 2017 par décision des héritiers Picasso dont certains habitent toujours la gentilhommière normande.

    Amours mouvementées

    Ami des très puritains communistes d’alors, Picasso vivait très discrètement à Boisgeloup des amours nombreuses et mouvementées avec sa femme russe, Olga (qu’il avait épousée religieusement à Paris, lui, l’athée proclamé…), puis avec plusieurs autres jolies femmes attirées par la virilité débridée et les yeux noirs inquisiteurs de l’Andalou…

    Picasso abandonna le manoir en 1937 pour la Côte-d’Azur, où il s’installa très bourgeoisement avec d’autres femmes et enfants, alors qu’en bon républicain il aurait dû rejoindre à Madrid la direction du Musée du Prado où le régime rose et rouge l’avait nommé… Le futur récipendiaire du prix Lénine préféra donc la douillette et sûre Riviera française aux risques de l’Espagne en guerre…

    Après tout, répondent ses fans, ce qu’on attend d’un artiste c’est qu’il produise et innove. Ce qui fit Picasso (1881-1973) tout au long de ses 50.000 œuvres de diverses sortes, à présent répertoriées.

    Habitué aux expos internationales

    Ce n’est pas diminuer l’aura créatrice du Grand Pablo que de profiter de la réapparition inattendue de sa « période normande » pour remarquer que l’ancien élève de l’Académie royale des beaux-arts de Madrid s’arrangea toute sa vie, au-delà de ses préférences idéologiques, pour être du « bon côté du manche », représentant l’Espagne monarchique, avec une de ses peintures, à l’Exposition universelle de Paris (1900), qui précéda son installation en France; puis représentant l’Espagne républicaine, à l’Exposition internationale de Paris, en 1937, l’année où le peintre abandonna le manoir normand à sa famille.

    Sacré Picasso ! 

    Infos pratiques

    Le « château Picasso », place Pablo-Picasso, Hameau du Boisgeloup, 27140 Gisors. Le lieu sera exceptionnellement ouvert au public les 23 avril, 13 et 27 mai.

    Péroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le360 du 14.04.2017

  • Livres • Ils ont échappé à la mort

     

    par Anne Bernet

     
     
    938307326.pngL’assassinat fait partie, pour les souverains et chefs d’État, des risques du métier. Certains y laissent leur peau ; d’autres, véritables trompe-la-mort, survivent à tous les attentats. Enfin, certains, après avoir, tel Henri IV, échappé aux poignards d’une dizaine de régicides, finissent tout de même par rencontrer une fin violente.

    Luc Mary a sélectionné dix tentatives d’assassinats, célèbres – tout le monde se souvient de Damiens, Fieschi ou Bastien-Thiry… ou oubliées : qui, en effet, hormis des périodes concernées, se souvient de Jean Chastel, malchanceux auteur, en 1594, d’une tentative de à l’encontre du Béarnais, d’Émile Cottin, qui mitrailla, en 1919, la voiture de Clemenceau, ou de Paul Collette, qui, en 1941, tira sur Laval ?

    Ce pourrait être captivant. Ce n’est, hélas, qu’un plat grand public d’ouvrages hâtivement consultés et résumés, non sans à peu près ni erreurs de détail : le traitement de l’affaire de la rue Saint-Nicaise puis du Coup essentiel de Cadoudal en sont les exemples flagrants. Dommage. 

    Ils ont échappé à la mort, de Luc Mary, Tallandier, 206 p., 18,90 €.

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  • Le génie du Christianisme

     

    Mur-bleu gds.jpgC'est le 14 avril 1802 que Chateaubriand fit paraître cet ouvrage magistral. Nous sommes donc un peu en retard pour signaler cet événement - l'actualité et notre campagne électorale, si nulle et si misérable, en sont la cause - mais il convient d'y revenir, afin de montrer combien cet ouvrage est de plus en plus d'actualité, aujourd'hui.

    Pourquoi ?

    A cause de la déchristianisation galopante, voulue et organisée par un Régime et un Système sans roi et sans Dieu – selon la définition de Jules Ferry - car ils se pensent comme la nouvelle religion républicaine, dont le but premier est de remplacer « l’autre », la traditionnelle, bref la chrétienne. Et donc, dans cette guerre à mort quotidienne qui lui est livrée depuis les Encyclopédistes, le Christianisme nous arrive aujourd'hui - malgré d'incontestables signes de santé... - considérablement affaibli, au moment où, pour la troisième fois, l'Islam agresse l'Europe.

    Les Encyclopédistes, leurs héritiers révolutionnaires, et la république idéologique d'aujourd'hui, héritière de l'une et des autres, portent donc une immense responsabilité dans cette fragilité de la France et de l'Europe, au moment où s'oppose à elles une religion - pour paraphraser de Gaulle - « sûre d'elle et dominatrice ».

    Quand Chateaubriand fit paraître son ouvrage, on sortait de la Révolution elle-même, et de son entreprise aussi inouïe qu'insensée de démolition du Christianisme. Le livre eut un succès considérable, et ne contribua pas peu au sursaut des consciences, et au renouveau spirituel du XIXème siècle.

    C'est un peu - toutes proportions gardées - au même sursaut des consciences, et au même renouveau spirituel que nous devons tendre aujourd'hui, face à un Islam conquérant, alors que, précisément, la nouvelle religion républicaine, qui a fait tant de mal à toutes les traditions constitutives de la France, est elle-même en piteux état : on peut même dire que sa seule et dernière force est la force d'inertie, et qu'elle ne tient plus debout que par le simple effet de cette seule force d'inertie. Parce qu'elle est là, qu'elle a la chance d'être au pouvoir, et c'est tout. 

    Aujourd'hui comme hier, c'est à un réarmement moral et spirituel de la France (pensons à Saint-Exupéry...) qu'il faut œuvrer. Et c'est là qu'une œuvre écrite il y a deux siècles trouve toute sa plus brûlante actualité.

    Aujourd'hui comme en 1802 - c'est Chateaubriand qui parle - « il est temps qu'on sache enfin à quoi se réduisent ces reproches d'absurdité, de grossièreté, de petitesse qu'on fait... au christianisme, il est temps de montrer que, loin de rapetisser la pensée, il se prête merveilleusement aux élans de l'âme... »

    Et aujourd'hui aussi, comme en 1802, il faut l'affirmer haut et fort, surtout face aux prétentions d'un Islam d'autant plus arrogant qu'il sent la faiblesse, le vide, le rien en face de lui :

    « ...De toutes les religions qui ont jamais existé, la religion chrétienne est la plus poétique, la plus humaine, la plus favorable à la liberté, aux arts et aux lettres. Le monde moderne lui doit tout, depuis l'agriculture jusqu'aux sciences abstraites, depuis les hospices bâtis pour les malheureux jusqu'aux temples élevés par Michel-Ange et décorés par Raphaël. Il n'y a rien de plus divin que sa morale, rien de plus aimable, de plus pompeux que ses dogmes, sa doctrine et son culte ; elle favorise le génie, épure le goût, développe les passions vertueuses, donne de la vigueur à la pensée, offre des formes nobles à l'écrivain et des moules parfaits à l'artiste. »

    Le Génie du Christianisme ? Un livre pour le temps présent, à lire d'urgence, et à diffuser sans modération... 

     

  • Comment  « Le Monde » expose sur une pleine pagne signée Jean Birnbaum que « Boutang reprend le pouvoir »

      

    Par Jean Birnbaum

    Le Monde du 31.03.2017

    TRAVAUX DIVERS - Largeur + - Copie - Copie.jpgAu printemps 2016, alors qu’il dîne avec François Hollande à l’Élysée, l’acteur Fabrice Luchini évoque ses lectures du moment. Le comédien confie qu’il est plongé dans un livre de Pierre Boutang (1916-1998), poète éruptif, philosophe difficile et journaliste ­cogneur, en son temps pétainiste et disciple favori de Charles Maurras à l’Action française (AF). « Vous lisez Boutang ! C’est l’écrivain préféré de mon père ! », répond Hollande, au grand étonnement de son hôte.

    Mais, en l’occurrence, le président se révélait simplement normal. Car Boutang, depuis l’origine, c’est l’histoire d’un père qui revient sans cesse harponner les fils, faisant retour depuis les lieux les plus divers : un dossier du « Figaro littéraire » et un souvenir de Bernard-Henri Lévy, un ­livre de Patrick Buisson, mais aussi un dialogue télévisé avec le philosophe George Steiner, une réunion de La ­Manif pour tous ou une revue de chrétiens pro-israéliens.

    Relation au père

    Bien sûr, on doit commencer par mentionner l’enjeu biographique. Rappeler la relation de Boutang à son propre père, ingénieur déclassé, camelot du roi et grand lecteur du pamphlétaire antisémite Edouard Drumont : « Un jour, j’étais chez Boutang à Saint-Germain-en-Laye, se souvient Rémi Soulié, auteur de Pour saluer Pierre Boutang (Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016). Il a ouvert une commode, en a sorti une photo de son père, il avait les larmes aux yeux ».

    Mais Boutang le fils est à son tour ­devenu père, père biologique, père symbolique aussi, et l’aura qui est la sienne aujourd’hui reste largement liée à l’accueil protecteur que cet ogre normalien réserva aux jeunes gens venus frapper à sa porte. À ces fils adoptifs, Boutang parlait de Maurras, mais aussi de littérature et même du chanteur Renaud…

    Comme Rémi Soulié, Jean-François Colosimo, patron des Éditions du Cerf, fut de ceux-là : « J’avais 17 ans. Ce fut ­l’irruption du génie à l’état brut. Par la suite, quand je suis parti en Grèce, sans moyens, avec l’idée de vivre dans un ­monastère du mont Athos, Boutang me demandait au téléphone : “Où êtes-vous ? Donnez-moi votre adresse pour que je vous envoie de l’argent”. »

    Boutang a fait du lien paternel le fil rouge de sa vie mais aussi de sa pensée, et c’est ce choix qui lui confère aujourd’hui une influence renouvelée, au moment où une frange de la droite française renoue avec ce que l’écrivain hussard Antoine Blondin nommait « l’âge de Pierre »… Aux femmes et aux hommes qui cherchent à réarmer ­intellectuellement la famille réactionnaire, sa philosophie du père fournit des réponses dans au moins trois ­domaines : ceux de la filiation, du pouvoir et de la civilisation

    La filiation, d’abord. Plutôt qu’un territoire charnel, la France selon Boutang est une culture qui vous tombe dessus, une langue qui vous élit. Pour lui, l’héritage forme le seul horizon digne de ce nom ; c’est la gratitude qui nous jette en avant. « Dès le berceau, nous naissons avec une dette que nous n’avons pas contractée et qui est impayable : voilà l’idée anthropologique de Boutang », note la philosophe Chantal Delsol.

    Pendant Mai 68, Boutang enseigne au lycée Turgot, à Paris, et il sent d’emblée que l’insurrection en cours produira cette révolution du désir dont il combat certaines figures tutélaires : ­« Althusser à rien, Lacan à pas grand-chose », fredonne celui qui signera un essai intitulé Apocalypse du désir (Grasset, 1979). Au slogan soixante-huitard, « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi ! », Boutang semble rétorquer : « Marche, compagnon, l’origine est devant toi ! » Cette origine détermine toute vie humaine, dit-il, et elle est indissociable de la différence des sexes telle que la Bible l’a fondée (un héritage peu présent chez Maurras,­davantage travaillé par la mort que tourné vers la vie).

    « Une vraie influence sur le mouvement royaliste »

    Ainsi n’est-il guère étonnant que la pensée politique de Boutang ait inspiré une partie de La Manif pour tous. Certes, celle-ci est souvent « boutangienne sans le savoir », précise Gérard Leclerc, éditorialiste au journal Royaliste et à Radio Notre-Dame. Mais le lien existe, et il n’est pas que théorique : « Boutang a une vraie influence sur le mouvement royaliste, qui a lui-même plus d’influence sur les droites qu’on ne le croit. Un certain nombre de gens liés à La ­Manif pour tous viennent de là, et même quand il n’est pas explicitement cité, Boutang pèse », ajoute Chantal Delsol.

    « L’Action française est un peu la ­franc-maçonnerie des réactionnaires, ­confirme Francis Venciton, jeune militant de l’AF Provence. Parmi les fondateurs de La Manif pour tous, pas mal de gens sont issus de l’AF ou l’ont fréquentée, et nous avons contribué à orienter son argumentaire. » Or pour ces royalistes qui nourrissent les nouvelles mobilisations de droite, la voix de Boutang compte à nouveau. Après avoir longtemps été effacé pour raison de querelles internes, son visage est réapparu sur les autocollants de ­l’Action française. « Boutang revient en force à l’AF, constate Axel Tisserand, auteur d’essais sur le royalisme. Il permet de penser au moins deux questions qui ont été remises au centre par La Manif pour tous : celle de la filiation et celle du consentement populaire. »

    Après la filiation, donc, le pouvoir. Là encore, il y va d’un déplacement par rapport à la figure paternelle de Maurras. Quand celui-ci refusait toute souveraineté populaire et ancrait le pouvoir du prince sur l’autorité et la légitimité, son disciple indocile insiste sur un troisième pôle : celui du consentement. Dès lors, les monarchistes peuvent sortir de l’impasse émeutière et devenir non plus les démolisseurs de la démocratie, mais ses veilleurs impitoyables. Acceptant désormais le fait républicain, ils exigent que le pouvoir soit incarné par un père populaire.

    Antisémite de ­culture

    Voilà pourquoi Boutang finira par soutenir la Ve République gaullienne : « Pour Boutang, de Gaulle réunit les fils de l’histoire de France en coiffant la ­monarchie d’un bonnet de Marianne », résume Jean-François Colosimo. Voilà aussi pourquoi Boutang peut inspirer une partie de la droite contemporaine, comme en témoigne Jérôme Besnard, essayiste et membre de l’équipe de campagne de François Fillon : « Boutang a compris que la crise de légitimité produite par 1789 était toujours ouverte. Quand on l’a lu, on sait que pour retrouver cette légitimité il ne faut pas avoir peur d’aller au peuple. Après tout, de Gaulle a réalisé son coup d’État sans qu’un seul coup de feu soit tiré… » Et en dernière instance, là encore, toute légitimité d’avenir exige de renouer avec l’héritage spirituel de la France.

    Pourtant, cet héritage est-il exclusivement chrétien ? Après la filiation et le pouvoir, nous voici venus au troisième enjeu, celui de la civilisation. Par rapport à Maurras, Boutang a peu à peu ­accompli, ici, un déplacement encore plus douloureux. Antisémite de ­culture, auteur de textes et de gestes où suintait la haine des juifs, Boutang a fini par considérer que le nouvel esprit du sionisme prenait le relais d’une chrétienté défaillante.

    Alors que l’Europe politique devenait une construction supranationale, Boutang regardait Israël avec tendresse, car à ses yeux cette nation perpétuait les formes que l’Europe abandonnait : un État souverain, un peuple en armes, une identité millénaire. « L’homme européen ne se trouve pas éminemment en Europe, ou n’y est pas éveillé. Il est, paradoxe et scandale, en ­Israël », écrivait Boutang dans son journal, La Nation française, en juin 1967, à la veille de la guerre des Six-Jours. 

    Une nouvelle alliance judéo-chrétienne 

    Cinquante ans plus tard, alors que des figures de droite, comme l’ancien ­ministre de la défense Hervé Morin, appellent à « israéliser » la France en termes sécuritaires, les textes de Boutang nourrissent les arguments de [ceux qui prônent une nouvelle alliance judéo-chrétienne : « Le lien de Boutang avec Israël, c’est le lien non seulement avec l’origine du christianisme, mais aussi avec l’origine comme telle, qu’il faut sans cesse reconquérir, assure ­Olivier Véron, le patron des provinciales, qui republie des classiques de Boutang, dont Reprendre le pouvoir (1978). Quand on prétend faire face au terrorisme islamiste, on ne peut pas se contenter d’invoquer la République, il faut remonter aux sources de la civilisation occidentale, à ses sources juives et chrétiennes, qui fondent l’idée d’une société. Pour Boutang, cela impliquait de désobéir à Maurras, qui défendait l’héritage catholique sans prendre au sérieux la spiritualité. »

    Et de fait, qu’il ait pensé la filiation, le pouvoir ou la civilisation, à chaque fois Boutang a relancé l’héritage de Maurras dans une forme d’infidélité fidèle qui ne pouvait le laisser en paix : « Boutang n’a jamais vraiment trahi Maurras, note François Huguenin, spécialiste de l’Action française. En 1942, il a rejoint Giraud en Algérie, pas de Gaulle. De même, il n’a jamais rompu radicalement avec l’antisémitisme, comme l’ont fait les chrétiens après Vatican II. Dans les deux cas, pour lui, cela aurait été tuer le père ­publiquement. Or si Boutang a bien tué le père, c’est souterrainement. Un jour, il a failli me foutre dehors parce que je lui avais demandé s’il entretenait un rapport filial avec Maurras. Il hurlait : “Vous ne savez pas ce qu’est la ­paternité !” J’avais touché juste… »

    En 1958, dans un article important ­publié par la revue Esprit, l’historien Jacques Julliard affirmait que la pensée de Maurras avait constitué le seul grand effort tenté, au XXe siècle, « pour donner à la droite française une doctrine ferme et cohérente ». Aujourd’hui, alors que les idées de cette famille politique ont à nouveau le vent en poupe, certains de ses enfants sont tentés de ­renouer avec Maurras.

    Mais son nom est définitivement ­associé à l’aventurisme impuissant et à la collaboration sanglante. Désireux de se rebrancher sur cette tradition sans avoir à en assumer les erreurs et les compromissions, les nouveaux réactionnaires se tournent parfois vers Boutang, ce fils qui a mis à mort un père aimé et défaillant… pour mieux maintenir en vie sa famille.

    Le Monde n°22462 du 31 mars 2017.

     

    Reprendre le pouvoir, de Pierre Boutang, introduction de Olivier Véron, Les provinciales, 2016.

    La Politique, la politique considérée comme souci, de Pierre Boutang, postface de Michaël Bar-Zvi, Les provinciales, 2014.

    Le petit boutang des philosophes, introduction à la philosophie de Pierre Boutang, par Henri Du Buit, Les provinciales, 2016

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Notre premier commentaire de l'article de Jean Birnbaum

  • Réponse à Jean Birnbaum

     

    Par Francis Venciton

    Parmi de nombreux autres membres de notre famille d'esprit, Francis Venciton est cité dans l'article du Monde de Jean Birnbaum. Il y est à juste titre présenté comme jeune militant de l’AF Provence. Il se trouve que Francis Venciton a réagi à cet article et qu'il a rédigé la pertinente réponse que voici. LFAR

     

    photo.JPGJe ne lis jamais Le Monde. Mais Monsieur Jean Birnbaum est très sympathique et a écrit un livre que j’apprécie sur les relations de la gauche et de la religion. De plus, il a sorti le 30 mars un article sur Pierre Boutang, où il me fait l’honneur de me citer. L’article dans un style agréable développe deux idées : la première, que la Manif pour tous aurait été boutangienne et que le philosophe vulcanique aurait retrouvé une influence secrète chez la droite-conservatrice-réactionnaire ou tous autres qualificatifs à la Lindenberg qui nuisent à la subtilité globale du propos. La seconde, qu’il y aurait une problématique de l’éternel retour du Père chez Boutang.

    Cette double approche nous semble poser problème. Tout d’abord quelle hiérarchie doit-on lui accorder ? Ensuite, la seconde idée s’inscrit dans une approche biographique qui est incomplète. Pourquoi ne pas parler de Pierre-André Boutang ou de Yann Moulier-Boutang ? Deux fils de Boutang dont les carrières et les positionnements divergent largement du père. Et puis, s’il faut parler de la relation à Maurras pourquoi revenir aux rengaines rassies de l’antisémitisme, ce qui donne presque l’impression que Maurras n’a parlé que de ce sujet et que le plus grand mérite de Boutang serait non pas son œuvre métaphysique et littéraire, mais d’être devenu pro-israélien. C’est un peu comme de dire que la vertu d’une œuvre comme celle de Dante par exemple ne vaudrait que par son implication chez les Guelfes.

    5lmz5q-HC.jpgPlus encore Birnbaum explique que ce que Boutang a apporté de nouveau, par rapport à Maurras ce sont les questions du consentement populaire et de la paternité. Ce qui est faux : nous renvoyons Monsieur Birnbaum à la « Politique naturelle » qui introduit Mes idées politiques et aux pages de Maurras sur le suffrage universel ou la décentralisation. Il n’y perdra pas son temps et verra comment Boutang a tonifié, réargumenté, nuancé des positions maurrassiennes.

    Les fulgurances boutangiennes ne sont pas là. Disons qu’elles sont plus secrètes. L’on s’étonnera d’ailleurs que Birnbaum n’évoque pas le livre de Boutang sur Maurras, qui lui aurait fourni des informations plus conséquentes sur l’idée de la mort du père maurrassien que le contre-sens de François Huguenin. Il est une absence étonnante : alors que l’article porte sur le père, la question du roi est inexistante ? Comme si l’une ne portait pas l’autre.

    Si on croise les deux axes de l’article, un autre problème surgit : avancer que la Manif pour tous s’inspire d’un argumentaire établi par un philosophe ayant connu des difficultés en matière de paternité permettrait de porter le discrédit sur tout un mouvement, réduit à une pépinière de névrosés. Ne faisons pas à monsieur Birnbaum de procès d’intention : il ne le dit pas. Il ne le sous-entend pas non plus. Mais son analyse peut être lue en ouvrant cette attaque. La double approche de l’article pose problème. Elle en constitue même la limite.

    Il convient de soulever un dernier point : c’est la conclusion de monsieur Birnbaum, qui dit assez joliment qu’au fond Boutang aurait tué le père pour sauver la famille. Si, aujourd’hui, on assiste à un tournant « réactionnaire » d’inspiration maurrassienne, la référence à Boutang permettrait de contourner la mauvaise réputation d’une telle inspiration. L’on ne voit pas bien l’utilité de cette remarque : BIRNBAUM ACCUSE-T-IL CEUX QUI SE RÉFÈRENT À BOUTANG DE BLANCHIMENT DE MAURRASSISME ?

    Il serait bien inspiré de nous en dire plus.